10 Questions à Paul-Gabriel Kapita Shabangi (par Freddy Mulongo)

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10 Questions à Paul-Gabriel Kapita Shabangi (par Freddy Mulongo)
10 Questions à Paul-Gabriel Kapita Shabangi (par Freddy Mulongo)
Paul-Gabriel Kapita Shabangi est membre fondateur de l'UDPS. Membre de famille et proche
de Tshisekedi, il a siégé au collège des membres fondateurs de l'UDPS. Il est l'un des 13
parlementaires à avoir quitté les rangs du parti de Mobutu, le Mouvement populaire de la
révolution (MPR), alors parti unique et inique pour revendiquer une « véritable démocratie ». Il
est troisième sur la liste des Treize Parlementaires signataires de la lettre ouverte à Mobutu Sese
Seko, datée du 1er novembre 1980, qui réclamait au Maréchal la démocratisation du pays.
Diabolisé par les UDPSiens pour avoir accepté d'être ministre de Mzée Laurent Désiré Kabila,
Paul-Gabriel Kapita Shabangi a quitté la République Démocratique du Congo en septembre
2000. Il vit en exil en Belgique. Malgré toutes les tentatives de rencontrer voire de parler au
téléphone à son frère Etienne Tshisekedi qui séjourne également en Belgique, Paul-Gabriel
Kapita en a été empêché. C'est sans amertume qu'il a répondu à nos questions.
1. Réveil FM: Quelle est votre réaction à propos du plan Sarkozy pour la sortie de crise
République Démocratique du Congo-Rwanda ?
Paul-Gabriel Kapita Shabangi: Lorsqu’on remonte aux contours de cette guerre que notre
peuple subit pour n’avoir commis aucun crime contre le triumvirat Rwanda-Burundi-Ouganda,
nous sommes en droit de dire que ce plan est une insulte au peuple Congolais et un mépris
manifeste à son égard. Soit dit en passant, notre seul crime c’est d’avoir tout naturellement un
territoire aux ressources incommensurables. Lesquelles, faut-il le souligner, ont toujours été
épongées par ceux qui ont la massue. Et qui de ce fait, se croient être investis de pouvoirs
illimités pour décider du destin de ce peuple à son insu et contre sa volonté. A travers ce plan
donc, le président français semble avoir tu en lui une part d’humanité.
En effet, voilà 12 ans révolus, au terme desquels plus ou moins 6 millions des congolais ont été
massacrés! C’est un holocauste qui semble ne pas avoir ébranlé le président français un seul
instant, à l’occasion de son intervention. Nul n’ignore par ailleurs, que le même holocauste n’a
jamais ébranlé le gouvernement Congolais. Il conseille le dialogue entre Congolais et rwandais !
Or, entre ces deux peuples jamais il y a eu des problèmes.
Et pourtant, homme politique intelligent, pragmatique, d’envergure internationale et, au charisme
éprouvé, Monsieur Sarkozy aurait dû conseiller le dialogue en premier au FPR de Kagamé avec
les FDLR, au lieu de l’envisager entre Congolais victimes et Kagamé leur bourreau.
2. Réveil FM: Qu’est-ce qui se passe dans votre ancien parti?
Paul-Gabriel Kapita Shabangi: Je rectifie : dans mon parti. Parce que ça fait partie de mon
identité. À l’heure actuelle, il y a la myopie temporaire qui semble primer les profondes
aspirations ayant été à la base de la fondation de ce parti. Il arrive par moment qu’une tempête
secoue une grande formation politique donnée. C’était le cas tout récemment au parti socialiste
français. Le modus vivendi a été trouvé et la cohabitation presque parfaite, au nom de l’intérêt de
tous. Cela a été possible grâce au pragmatisme des dirigeants de ce parti qui ont su jouer sur
pièce et à temps. Voilà le fruit du patriotisme tous azimuts et de la maturité politique.
Au sein de mon parti, il y a tendance à ramener les choses au niveau des luttes d’influence. De
telle sorte que l’enjeu majeur qui devrait être la tenue du congrès, à l’issue duquel toute la
prospective en matière de conquête du pouvoir aurait été faite, semble relégué je ne sais à quel
plan.
3. Réveil FM: L’UDPS est tiraillée entre les courants et les tendances : Tshisekedistes,
Mubakistes, Massambistes etc. N’y a-t-il pas risque d’explosion puisqu’il y a aussi de
l’emprise familiale sur les affaires du parti?
Paul-Gabriel Kapita Shabangi : La vérité dans tout ça est ailleurs, dans la mesure où tous ces
courants et tendances se réclament Tshisekedistes. Ce faisant, sur instructions précises du
Président national (absent du pays), le collège des fondateurs entendu, les parties en présence
devraient se retrouver autour d’une table, au nom de l’unité au sein du parti, alors sous l’autorité
morale du collège des fondateurs ; organe qui fait office du congrès en dehors de sessions de
celui-ci, afin de trouver un compromis, à l’instar de tous les partis politiques dignes de ce nom.
Tel ne semble pas encore être le cas. C’est qu’alors le problème qui se pose serait tout, sauf
politique.
4. Réveil FM: Que répondriez-vous à ceux qui vous qualifient de vagabond politique ?
Vous avez été ministre sous Mzée Laurent Désiré KABILA. Vous étiez avec l’Apareco de
Honoré Ngbanda. Actuellement vous militez dans quel parti et avec qui?
Paul-Gabriel Kapita Shabangi: Paraphrasant Monsieur François Fillon, je dirais simplement
qu’il s’agit de polémiques secondaires, dignes de politiciens secondaires. Un vagabond politique
qu’est-ce donc?
Aujourd’hui de gauche, demain de droite et enfin du centre. Je ne crois pas l’avoir été. En
politique faire des concessions, face à certaines situations n’est pas synonyme de renonciation à
ses convictions. Bien au contraire, c’est une attitude politique responsable.
Qu’est-ce qui s’est passé effectivement? Au cours de deux réunions successives du collège des
fondateurs, chez Monsieur Vincent Mbwankiem Niaroliem, nous avions débattu de la position à
prendre par rapport au gouvernement KABILA. Deux tendances s’étaient dégagées : la majorité
avait été pour la participation de l’UDPS dans ce gouvernement. Quitte à claquer la porte dès
lors qu’elle se serait rendue compte de la vision politique de Monsieur Kabila, contraire à ses
convictions politiques, à travers bien sûr les faits et gestes de ce dernier. J’étais parmi les
membres qui avaient manifesté leur intention d’entrer au gouvernement. Les PV sont là. C’est
bien Monsieur Mutombo Nsonsola qui actait nos interventions, en sa qualité de secrétaire du
collège des fondateurs à l’époque. Je dois signaler que Monsieur Tshisekedi était dispensé de
participer à nos réunions.
Pour la simple raison qu’il devait s’atteler à la recherche des voies et moyens, susceptibles de
ramener l’UDPS au pouvoir. Cela grâce au concours technique de notre brain-trust. Cela étant,
j’ai eu à le rencontrer pour l’en informer. Au bout d’une quarantaine des minutes d’entretien, il
m’a dit ceci : « Tu es un homme politique responsable, assume-toi ». J’avoue que c’était à son
corps défendant.
Autre chose, je suis au gouvernement Kabila, Monsieur Tshisekedi revenait de son énième
relégation, je prête ma voiture officielle à mon directeur de cabinet, pour pouvoir conduire mes
parents chez lui qui tenaient à saluer son retour à Kinshasa.
Tenez : je l’ai fait à midi s’il vous plaît. J’aimerais voir un seul parmi ceux qui se plaisent à
raconter n’importe quoi pour s’amuser, oser agir tel que je l’avais fait au grand jour. Soyons
honnêtes, au Congo c’est rare. S’agissant de l’Apareco, elle est une alliance politique et non pas
un parti politique.
Il faut être un excellent inculte politique pour confondre une alliance politique avec un parti
politique.
Je me permets de donner un conseil à ce niveau : en un homme politique il faut voir deux
casquettes : ce qu’il représente et ce qu’il symbolise. D’un. De deux : le poids politique et surtout
sociologique d’un parti politique est fonction des hommes et femmes représentatifs qui
l’animent. Seuls capables d’amener au parti un nombre X des élus. Un parti politique n’est pas
un forum où l’on s’insulte. Il est plutôt l’université de la vie.
5. Réveil FM: Dans sa lettre des vœux diffusée dans la presse, Etienne Tshisekedi ne parle
pas du congrès de l’UDPS. Le 1er congrès aura-t-il lieu?
Paul-Gabriel Kapita Shabangi: Votre question comporte deux volets à savoir le message des
vœux et le congrès. Premier volet : Comme moi, vous avez certainement suivi sur la voix de la
démocratie, à tour de rôle, Messieurs Ali Risasi : porte- parole du secrétariat national de l’UDPS
et l'Ambassadeur BELTCHIKA, Président du Comité Organisateur du Congrès (COC). Les deux
ont déclaré comme étant faux le message de vœux que nous avons lu. Au demeurant, moi je n’ai
que faire de ce message.
Deuxième volet : Le congrès a été convoqué par le Président national. Par conséquent il devrait
se tenir, peu importe la date.
6. Réveil FM: Que pensez-vous de la visite de James Kabarebe, chef d’État-major de
l’armée rwandaise à Kinshasa? Sous Mzée Laurent Désiré Kabila cela aurait-il été
possible? Quels sont les vrais enjeux de cette visite?
Paul-Gabriel Kapita Shabangi: Je compare cette visite à celle qu’aurait effectuée Adolphe
Hitler en Israël après la shoah. Il est clair que sous L.D. KABILA cela n’aurait pas été
imaginable. Quant aux vrais enjeux de cette visite, évidemment sans l’affirmer, je présume qu’il
doit s’agir d’un énième coup contre notre pays la RDC.
7. Réveil FM: Nkunda n’a plus le vent en poupe, Bosco Ntangana s’est rallié aux FARDC,
peut-on dire que la guerre est finie?
Paul-Gabriel Kapita Shabangi: La guerre finira lorsque ceux qui l’ont décrétée en auront ainsi
décidé. Toutefois, s’il en était question au cours de la funeste visite précitée, ce ne devrait
certainement pas l’être dans l’intérêt de notre pays. Loin s’en faut. Or, nous sommes disposés à
composer à moyen et/ou à long terme avec X, Y, Z pays occidental, dans l’exploitation de nos
ressources, à travers le jeu à somme positive. En ce sens que chacun gagne, sans problème du
tout.
8. Réveil FM: Les Congolais dans leur majorité n’ont pas confiance dans leur classe
politique. Les fourberies, roublardise, la course vers l’enrichissement personnel, l’impunité
portent un grand discrédit à la classe politique Congolaise. Comment faire pour retrouver
cette confiance?
Paul-Gabriel Kapita Shabangi: Il y a trois générations au Congo, la première celle de nos
parents, qui sont le fruit de la colonisation. Elle est entrain de disparaître. Voilà des personnes en
majorité nobles et honnêtes.
La deuxième est celle de l’indépendance, donc la nôtre qui chevauche les deux époques. Elle a
eu le malheur d’être modelée au mobutisme. Un système dans lequel l’avoir primait l’être. Ceux
qui ont eu le courage de dire non à ce système, ils se sont ressaisis et dédouanés vis-à-vis du
peuple. Ils ont fait de manière à ce que l’être prime l’avoir. Bien qu’une infime minorité, ils
avaient réussi à mobiliser tout le peuple contre Mobutu. Si bien que le changement était
inéluctable.
Hélas, comme toujours, les grands de ce monde en décidèrent autrement. Après Mobutu c’est
Kabila Laurent, et aujourd’hui c’est un état de non État. C’est l’hécatombe.
Comment faire ? Eh bien nous devons conjuguer nos efforts pour construire un État. Avec des
lois et règlements opposables à tous. Unis, nous y arriverons. Alors nous aurons à financer nousmêmes les élections libres transparentes et démocratiques, qui porteront l’élite politique au
parlement. D’expérience, il s’avère que le choix d’un peuple guidé par ses dignes filles et fils,
abouti toujours aux meilleurs résultats. Notre législature (1977-1982) en dit long. Elle est un
exemple éloquent. Sinon, mettons carrément une croix là-dessus. De cette manière donc nous
aurons refusé d’être des hommes, à la postérité digne de ce nom.
9. Réveil FM: Lorsque vous regardez dans le rétroviseur de l’histoire Congolaise, quelles
sont les erreurs de l’opposition depuis Mobutu à ce jour?
Paul-Gabriel Kapita Shabangi: Il faut d’abord reconnaître que l’opposition était symbolisée
par l’UDPS à travers Etienne Tshisekedi wa Mulumba. De ce point de vue il y a eu deux erreurs.
La première est le rejet par l’UDPS de la proposition de Monsieur Mobutu fixant à trois, le
nombre des partis politiques, dans son discours du 24 avril 1990. Discours par lequel il
libéralisait les activités politiques au Zaïre. Pour justifier son refus, l’UDPS exigeait à Monsieur
Mobutu de reconnaître aux concitoyens le droit de fonder des partis politiques à volonté.
Ce qui n’était que légitime. Mais les opportunités politiques ne s’y prêtaient pas à l’époque.
D’une des dictatures les plus perfectionnées au monde à la liberté, une transition était
politiquement utile.
Exploitant la naïveté de l’UDPS, le président Mobutu allait exploiter déloyalement ce refus en
finançant la création de 400 partis politiques à sa dévotion. Ainsi, en termes de représentativité
numérique l’UDPS était atomisée.
La deuxième est de n’avoir envisagé aucune alternance au cas où le président Mobutu fuirait le
pays. Alors qu’elle avait toutes les informations à ce sujet. Voilà qui a fait manquer le coche à
l’opposition.
10. Réveil FM: En appliquant la constitution de Liège sur la division provinciale de 11
actuelles au 26, les dirigeants congolais ne mettent-ils pas le feu sur l'huile de la
balkanisation du pays?
Paul-Gabriel Kapita Shabangi: Quand je dis qu’il y a dans notre pays un état de non Etat,
comment peut-on parler de dirigeants autrement que par pur et simple euphémisme politique. Cet
état des choses fait que toutes les infrastructures ont été détruites : routières, hospitalières,
administratives, scolaires, académiques. L’homme chosifié jusqu’à son âme, cadres
instrumentalisés, gouvernement décadent. Aucune action en direction du peuple.
Devant un tableau aussi sombre on va penser à découper le pays en plusieurs provinces sur base
des considérations tribales. Afin de légitimer la thèse accréditée en occident selon laquelle la
RDC n’est qu’une mosaïque des tribus.
C’est de la poudre aux yeux. Incapable de gérer le peu que l’on a on ose s’engouffrer. C’est de la
sorcellerie à la limite.
Interviewé par Freddy Mulongo de Réveil-FM-International (Janvier 2009).

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