Le coup de pouce de l`Europe STRASBOURG-KEHL

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Le coup de pouce de l`Europe STRASBOURG-KEHL
Strasbourg
Q JEUDI 11 FÉVRIER 2016
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EUROMÉTROPOLE Emploi transfrontalier
Le coup de pouce
de l’Europe
Pour favoriser l’accès des Français de l’Eurométropole au marché du travail du voisin allemand, l’Union européenne vient
d’allouer des crédits Interreg à hauteur de 1,5 million d’euros à un réseau de partenaires publics franco-allemands.
«I
l y a 3 % de chômage
d’un côté, plus de
10 % de l’autre », assène Patrick Roger, élu
local et président de la Maison de
l’emploi. D’un constat, on passe à
une priorité : « Il faut créer un marché de l’emploi à 360 degrés, à
l’échelle d’un bassin de vie d’un million d’habitants. » Cela veut dire développer le marché de l’emploi à
l’échelle de l’Eurodistrict, vers l’Ortenau voisin (l’Ortenau est la région
frontalière allemande qui englobe
Kehl, Offenbourg et Lahr). Des actions-pilotes à destination essentiellement de jeunes de l’Eurométropole
sont en cours. Le centre de formation
d’apprentis de BSW, la plus grande
aciérie du Bade-Wurtemberg, a recruté vingt jeunes Français, dont une
partie travaillera en Allemagne après
la formation.
Des crédits pour former
à l’allemand
Autre expérience exemplaire : un
groupe de sept personnes âgées de
vingt à trente-huit ans a pris des
cours d’allemand fin 2015 avec un
organisme privé de formation de Kehl. La plupart étaient débutants ou
faux débutants dans la langue de
Goethe. Après deux mois de cours, ce
groupe s’est transporté à Fribourg
pour trois mois d’apprentissage des
normes techniques allemandes, dans
Lors d’une formation à la langue allemande à Kehl. Un cours sur mesure pour un groupe de Français prérecrutés par
des entreprises allemandes frontalières. PHOTO DNA - LAURENT RÉA
les spécialités respectives de chacun.
Ils sont prérecrutés par des entreprises allemandes, où ils iront travailler
à partir du printemps.
C’est une action sur mesure mise sur
pied par la Maison de l’emploi, avec
l’aide financière de l’ex-conseil régional d’Alsace. « À l’échelle de la gran-
de région, il y aura aussi des crédits
pour former des adultes à l’allemand » à l’avenir, assure Patrick Roger.
Pour multiplier ce type d’actions
« sur mesure », différents partenaires français et allemands vont bénéficier d’un bon coup de pouce, sous la
forme de crédits européens Interreg,
à hauteur de 1,5 million d’euros. Alloués à partir de 2016, ils permettront de rémunérer des agents détachés sur les questions d’emploi
transfrontalier et de financer des actions ciblées.
Grâce à ces crédits Interreg, la Maison
de l’emploi va ainsi pouvoir recruter
un chef de projet allemand, qui démarchera les entreprises de l’autre
côté du Rhin. « Nous allons travailler
avec les partenaires allemands pour
intégrer les Français au marché du
travail de l’Ortenau », explique Patrick Roger. Des crédits Interreg sont
aussi destinés à la création de KaléidosCOOP, un futur « centre de compétences » autour de l’emploi transfrontalier. Ce centre devrait ouvrir fin
2017. Il prendra place dans un bâtiment réhabilité du site de la Coop.
Améliorer l’employabilité, en particulier celle des jeunes, inciter les
chômeurs à aller travailler en Allemagne, faire en sorte que les institutions coopèrent pour l’emploi : ces
idées guident Patrick Roger, élu local
parti de son expérience au Neuhof. Et
sa définition de l’employabilité est
claire, c’est « la capacité à s’adapter à
des métiers qui changent vite ».
P. SÉJOURNET
R
STRASBOURG-KEHL Transports
Le tram harmonise les normes
L’avancée de la ligne D vers la gare
de Kehl constituera la première
extension d’un tramway français
en territoire étranger. Ce qui implique de défricher un terrain juridique et technique complexe.
SI LE CHANTIER SE POURSUIT sans
anicroches, les premiers tramways de
la CTS rouleront jusqu’à la gare de
Kehl en avril 2017. Il aura fallu des
dizaines de milliers d’heures d’efforts
physiques et intellectuels pour parvenir à cette première extension d’un
tramway français en Allemagne. Maître d’ouvrage jusqu’à la gare de Kehl,
la CTS s’est fait accompagner du cabinet Ernst et Young, lui-même assisté
d’un cabinet d’avocats allemand, afin
d’éviter autant que faire se peut les
conflits de normes.
L’arrivée du tram CTS à Kehl peut être
rapprochée de l’extension en cours du
tramway de Bâle vers l’Allemagne et la
France voisines. Il existe aussi un
exemple plus ancien, celui du Saarbahn, tram-train reliant Sarrebrück et
Sarreguemines depuis 1997. Mais le
cas de l’extension de la ligne D du
tramway demeure tout à fait spécifique. Pour construire le pont sur le
Rhin, il a fallu l’accord des deux États,
obtenus à l’échelle des ministères et
nécessitant une validation par les
deux parlements.
Il a aussi fallu s’accorder sur les normes techniques et de sécurité applicables au matériel roulant sur le pont. Ce
qui n’a pas toujours relevé d’une partie de plaisir, car les règlements diffè-
rent. Les rails sur le pont sont par
exemple adaptés aux normes allemandes de sécurité, qui ajoutent un rail
antidéraillement.
Six années et demie pour voir le
pont, huit ans pour voir le tram
C’est en février 2009 que la Communauté urbaine de Strasbourg a donné
son aval à ce projet d’extension sur le
sol allemand. Plus de six années et
demie plus tard, le pont du tramway a
pris corps sur le Rhin. La mise en
œuvre du chantier a été permise par la
signature de contrats entre les villes
de Kehl et de Strasbourg et par une
convention de coopération pour le
pont, datant d’août 2013. Ces contrats
et accords transfèrent la responsabilité de Kehl à la CTS pour organiser la
sous-traitance des travaux. Le pont
coûte à lui seul 24 millions d’euros,
remboursés à 50 % par la Ville de Kehl,
la municipalité obtenant des subventions du Land et de l’État fédéral à
hauteur de 80 % des 12 M€.
Parmi les particularités juridiques des
travaux du chantier du pont figure le
calcul de la TVA. Comme le pont est à
cheval sur la frontière, deux taux de
TVA s’appliquent aux factures du
groupement de conception et réalisation du pont, ainsi qu’aux sous-traitants. Autre particularité : au-delà du
pont et jusqu’à la gare de Kehl, la CTS
exécute un contrat de droit allemand
qui « interdit tout bénéfice », corollaire de l’absence de mise en concurrence…
De la gare à la mairie de Kehl,
fin 2018
Le pont du tramway sur le Rhin, symbole des efforts mutuels. Ici lors de la mise en place du tablier côté allemand,
le 18 décembre dernier. PHOTO ARCHIVES DNA - CÉDRIC JOUBERT
La CTS n’assurera la maîtrise d’ouvrage que pour le chantier d’extension
jusqu’à la gare de Kehl. Dans une
deuxième phase, prévue entre 2017
et 2018, la Ville de Kehl fera construire
une nouvelle prolongation de la ligne D de la gare à la mairie kehloise.
Ce qui signifie aussi qu’à l’extrémité
de la ligne D, la CTS fera rouler ses
tramways sur un tronçon qu’elle
n’aura pas fait construire, mais dont
elle supervisera la maintenance. Il a
aussi été admis par les parties françaises et allemandes que toute la ligne D
aurait un règlement unique, de l’Eurométropole jusqu’à Kehl. Mais des discussions restent ouvertes sur le futur
règlement tarifaire. Dans l’Ortenau,
les usagers des transports en commun
paient un seul billet, d’un coût plus
élevé que le ticket CTS, pour voyager
dans tout l’arrondissement. Des discussions en vue d’harmoniser les tarifications française et allemande se
poursuivent.
P. SÉJOURNET
R
F12 - LST 01

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