Controverse quant au régime fiscal des sociétés

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Controverse quant au régime fiscal des sociétés
Controverse quant au régime fiscal des sociétésciviles fi:ancaisespropriétaires
d'immeubles en France
Une incertitudeexiste quant à la taxation en Belgique des revenusattribuéspar une < société
civile immobilière > (ci-après: SCI) de droit commun, forme sociétairetrès répandueen
Franceayant pour objet I'acquisition et la détentionde biens immobiliers dont elle est
propriétaire.Cette forme de sociétéfrançaisepossèdela personnalitéjuridique mais est
considéréecomme fiscalement< translucide) pour I'application de I'impôt françaissur les
revenus.Ceci signifie que les revenusque les associésen tirent sont qualifiés par le fisc
françaisde revenusimmobiliers, et non de dividendes.Les revenussont imposésdansle chef
des associésà concurrencedes droits détenuspar chacund'entre eux.
Cettemodalité d'imposition restesansincidencesur l'existencejuridique fiscalement
reconnueà ces sociétés: la transluciditéimplique que le sujet de I'imposition est I'entité ellemême,ce qui n'empêcheque l'établissementde I'impôt et son recouvrements'opèrent
directementdansle chef des associés.
Lorsquedesrésidentsbelgessontassociésd'une SCI de droit commun, se posela questionde
la qualification desrevenusconsidérésen Francecomme desrevenusimmobiliers : s'agit-il
en Belgique égalementde revenusimmobiliers au sensde I'article 3 de la Conventionfrancobelgepréventivede la double imposition (ce qui entraîneraitI'exemption du revenu on
Belgique, le cas échéantsousréservede la progressivité), ou s'agit-il d'un dividende
distribuéau sensde I'article 15, ou encored'un revenurésiduelau sensde l'article 18 (ce qui
entraîneraittaxation du revenuen Belgique) ?
Par son arrêt du 2 décembre2004,Ia Cour de cassationa mis un terme à la jurisprudencedite
< Prince de Ligne >>,selon laquelle les revenusprovenantd'une SCI devaientêtre qualifiés de
dividendepour I'application de la conventionpréventivede la double imposition conclueavec
la France,la Belgique étant dès lors compétentepour lever I'impôt. La Cour de cassationsuit
donc actuellementla doctrine disposantque pour l'application de la conventionpréventivede
la double imposition, le pays où le bien se situe est compétentpour lever I'impôt sur les
revenusimmobiliers et que la notion de "revenusimmobiliers" doit être compriseen fonction
de la législationde ce pays.
En réponseà la questionécrite d'un parlementaire,le ministre desFinances,en date du 8
février 2006 a mentionnéqu'il ne pouvait se rallier à I'allégation selon laquelle les revenus
que desrésidentsde la Belgique retirent de leurs investissementsdansdes SCI constituentdes
revenusimmobiliers, imposablesà ce titre exclusivementen Francesur la basede l'article 3
de la Conventionfranco-belgepréventivede la double imposition, et non desdividendes.
Sousl'angle de la conventionsusvisée,le régime fiscal applicableaux revenustirés des
sociétésen causese présentede la manièresuivante,selon le ministre:
.
En ce qui concerneles SCI d'attribution(NB : il s'agit ici d'un type particulierde SCI,
ayant pour objet la constructionou I'acquisition d'immeubles en vue de leur division
par fractions destinéesà être attribuéesaux associés)dites "transparentes":le point 2
du protocole final de la conventionautoriseexpressémentla Franceà considérer
comme des biens immobiliers les droits sociauxque possèdentles associésou
actionnairesde telles sociétés.En outre, cettemême dispositionperrnettout aussi
expressémentà la Belgique de traiter comme des dividendesles revenusprovenantdes
droits sociauxdétenuspar clesrésidentsbelgesdansces sociétés.
.
En ce qui concerneles SCI dites "translucides",non viséesau point 2 duprotocole
précité,il convient d'examiner le traitementà réserveraux revenusde la société,d'une
part, et le traitementque doivent subir les revenusdistribuéspar la sociétéà ses
associés,d'autre part. En verfu du régime de transluciditéorganisépar la législation
fiscalefrançaise,les revenusrecueillispar la SCI sont imposéschezles associésen
proportion de la participation de chacundansladite société.Il s'agit là de modalités
particulièresd'imposition desrevenusde la SCI elle-mêmequi, contrairementà ce que
défendla Cour de cassationdansson arrêt du 2 décembre2004,ne remettenten cause
ni la personnalitéjuridique de la sociéténi, par voie de conséquence,
le fait que celleci est seulesusceptiblede bénéficierde revenusproprestirés d'immeublesdont elle
estpropriétaired'un point de vue tant civil que fiscal. Il s'ensuitque les revenus
qu'une telle SCI distribueà sesassociésen raisonde leur participationdanscelle-cine
peuventque constituerdes revenusde parts sociales.Eu égardà la définition
restrictivedonnéepar I'article 15, (5), de la conventionà la notion de dividendes,les
revenusde partssocialesvisésen I'occuffencesont couvertspar l'article 18,
dispositionconventionnelleconferantà l'État de résidencedu bénéficiaireun pouvoir
exclusif d'imposition.Lorsqu'ils sontperçuspar un associé,résidentbelge,les
revenusprovenantde parts socialesdansune SCI translucidesont dès lors imposables
en BelgiQUe,conformémentaux dispositionsde la législationbelge, au titre de
dividendesau sensde l'article 18, 1o,du Codedesimpôts sur les revenus1992.
.
En ce qui concerneles SCI autresque "transparentes"ou "translucides",assujetties
commetellesà l'impôt françaisdessociétés:il va de soi que les revenusdistribuéspar
semblablessociétéstombentdansle champd'applicationde I'article l5 de la
conventionet constituentdonc des dividendes,imposésà ce titre en Belgique s'ils sont
recueillispar un associérésidantsur le sol belge.
En conclusion,selonla réponsedu ministre,les revenusqu'un résidentbelgereçoit en
rémunérationd'une participationdansune SCI sont toujours imposablesen Belgique en tant
que dividendes,quelleque soit la manièredont la sociétéest imposéeen France.
Préalablementà la publication d'une circulaire, I'administration a finalement fait le choix de
formaliser ce qui précèdedansle cadred'une procédureinterprétativeorganiséesousle
couvert de l'article 24 de la Conventionfranco-belge.Une commissionmixte réunissant
autoritésbelgeset françaisescompétentess'est tenue dansle courantdu mois de mars 2006,
au coursde laquelle aura notammentété évoquéce sujet.A cejo*, les résultatsde cette
concertationne sont pas encoreconnus.
Il est à remarquerque selon les règlesde droit fiscal internationalauxquellesla Belgique a
souscrit,la qualification donnéeà un revenupar I'Etat de la sourcedoit, en cas de conflit,
s'imposerà l'Etat de résidence,souspeinede créerune doubleimposition.La solutionde la
Cour de Cassation(à savoir : exemptionen Belgique, sousréservede la progressivitédu taux
de l'impôt) devrait donc prévaloir, en dépit de ce que prétendle Ministre des Finances.Il
convient de garderà l'esprit, quelle que soit la qualification qui devrait prévaloir, que le fisc
n'hésite pas parfois à considérer(à tort, comme I'a établi le jugement du tribunal de Bruxelles
du 25 juin 2004) qu'il y aurait matièreà taxation en Belgique, alors même que la SCI n'aurait
pas distribué de revenusà sesassociés.(JMC- 24 mai 2006)