L`évaluation est elle déjà thérapeutique?

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L`évaluation est elle déjà thérapeutique?
6° Assises Françaises de
Sexologie et de Santé Sexuelle
Avril 2013
Docteur Nadine Grafeille
Directeur de l’Enseignement Universitaire de
Sexologie
Consultations Service du Professeur Claude Hocké
Hôpital Pellegrin
33076 Bordeaux Cédex
L’évaluation est elle déjà
thérapeutique?
Evaluation sexo clinique

L’évaluation sexo clinique consiste à tracer l’histoire de la
dysfonction sexuelle replacée dans l’histoire individuelle
du sujet dans son environnement actuel psychologique,
social, matériel, par rapport à sa santé physique et
psychique en tenant compte du couple, de sa motivation
face à la démarche thérapeutique.
*Cabanis C. Analyse clinique des dysfonctions sexuelles féminines p 90-99. Manuel de
sexologie Masson 2005.
L’évaluation c’est donc



Evaluer le problème c’est évaluer un patient
sexué dans son histoire, dans son environnement,
dans son couple.
On ne traite pas une fonction malade mais un
être vivant à un moment M dans un couple C
pour adapter un traitement T à un patient
lambda: la clé de voûte c’est l’évaluation.
La cible c’est la capacité de changement.
But de l’évaluation


L’évaluation a pour but le diagnostic des
troubles, l’organisation de la prise en charge,
l’évaluation de l’efficacité.
Le but est donc de faciliter la venue de
changements positifs chez la personne en
l’aidant à mieux se comprendre et à trouver
des solutions à ses problèmes.
En pratique


L’évaluation se fait sur les toutes
premières consultations: 1 à 3 en
moyenne.
Elle peut se compléter bien sûr à
différents moments de la prise en
charge thérapeutique.
Evaluer c’est quoi?


Evaluer c’est d’abord entendre le patient, l’écouter,
montrer de l’intérêt, de l’empathie, l’interroger sur un
ensemble d’éléments, répondre à d’éventuelles
questions, regarder, aider, soulever des points non
identifiés par lui, « reverbaliser » avec lui. Etre interactif
sans être trop directif.
C’est aussi (parfois) pratiquer un examen clinique, voire
paraclinique pour évaluer les facteurs physiologiques
responsables des limites, afin de poser les possibilités
thérapeutiques avant de les proposer.
Evaluer c’est quoi?


Cet échange aide le thérapeute et le
patient à situer l’ampleur des éléments
qui interfèrent, permet de ne pas se
cantonner au seul symptôme, donne
des informations sur la personne qui
ainsi se sent comprise et acceptée.
Ces premiers entretiens favorisent un
choix éclairé et permettent lors de la
mise en place du traitement de
développer une auto efficacité.
En pratique comment ça se
passe?


Le patient apporte un symptôme:
l’entendre, le nommer en terme médical,
le reformuler, situe mieux le patient/à sa
plainte, et lui indique que son symptôme
est identifié.
Nommer le problème permet de le
hiérarchiser et de commencer à le régler,
prémices du changement.
En pratique comment ça se
passe?
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
Le patient apporte des questions floues,
angoissantes, sans réponses: formuler d’autres
questions, amener quelques réponses diminue
l’angoisse et donne des contours plus nets de la
situation tout en affinant le diagnostic.
Nous cherchons la réalité du symptôme/ à
l’élaboration que le patient en a fait/ son senti,
ses études, sa culture, ses convictions…
En augmentant la connaissance, on diminue les
idées fausses, on atténue l’anxiété.
Exemples
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
Le fait de demander par exemple à un patient si sa DE
est constante ou intermittente, s’il existe des érections
matinales ou lors de la masturbation, cet entretien en
face à face fait prendre conscience au patient de
l’existence de divers mécanismes inter actifs dont il ne
soupçonne pas la simple réalité et encore moins l’impact.
Autre exemple: dire que l’état amoureux change tt au
long de la vie rassure les couples et diminue la pression,
voire la culpabilité.
En pratique comment ça se
passe?


Relier les situations, en faisant prendre
conscience que le contexte de vie est sexo
toxique c’est déjà un pas vers le mieux être.
Le patient dit avoir réfléchi même en avoir parlé
avec le (la) partenaire, mais mystère ça ne
change rien. En parler devant un tiers met un
autre discours en place réajuste les mots et fait
entrevoir des solutions.
En consultation
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

Nous utilisons l’empathie: aide le patient à
comprendre ses attitudes, comportements.
Mais il convient de garder la bonne
distance.
Quand la compassion augmente, la honte
et la culpabilité diminuent et les patients
peuvent imaginer des changements.
Permettre au patient de mieux utiliser ses
propres ressources.
L’évaluation
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
Ce processus passe par l’étape indispensable de
la compréhension de la situation.
Dire que le changement ne sera possible que si
on y adhère, si on est actif, et qu’ attendre la
solution magique c’est renoncer*.
* Poudat F.X. Les thérapies cognitivo comportementales p 330-347. Manuel de
Sexologie Masson 2007
En fait

Le patient est pris au dépourvu, il ne connaît pas le
décryptage de sa plainte* d’où anxiété, gène, honte,
dévalorisation, sensation d’impasse. Décoder une souffrance
la rend accessible.

L’évaluation est le sésame entre le problème et ses solutions.

Sans évaluation pas de diagnostic complet, pas de projet
thérapeutique réaliste.
*Grafeille N: Thérapies de couple, les indications, le contrat thérapeutique et le suivi p357-362.
Manuel de sexologie Masson 2007
Pourquoi c’est déjà
thérapeutique?


L’entretien étant dynamique et interactif, c’est un outil
d’évaluation explorant tous les axes de la dysfonction,
c’est un vecteur pédagogique essentiel.
Dans notre pratique, la reformulation positive et
l’information documentée apportées tout au long de
l’entretien, jouent un rôle déjà thérapt car permettent
de dissiper les inévitables idées reçues à l’origine de
nombreux dysfonctionnements.
En pratique


Le praticien utilise parfois des tests
standardisés (ou non) dans le but
d’amener le patient à découvrir par luimême les réponses à ses propres
questions, à réécrire l’histoire de sa
vie.
La remise de questionnaire mobilise
d’emblée les patients et réamorce la
communication dans le couple.
Pourquoi c’est déjà
thérapeutique?

Savoir ce dont on souffre est déjà un
remède; un biais cognitif est à
l’œuvre et permet de privilégier les
informations en faveur de la thérapie
et incite à rejeter celles qui s’y
opposent même si remettre les
croyances en cause est coûteux en
terme d’efforts cognitifs pour le
cerveau.
Pourquoi c’est déjà
thérapeutique?


Le tout premier entretien permet de resituer la
demande du patient entre réalité physiologique et
attentes irréalistes.
En évaluant les facteurs individuels et ceux du
couple, en évaluant les facteurs de renforcement
et de maintien de la difficulté, cela permet de
poser les bases d’une approche thérapeutique
globale.
*Colson M.H: La plainte sexuelle , l’analyse des symptômes Manuel de
Sexologie Masson 2007 p220-223
D’après Marie Hélène Colson
Comment ça agit sur le plan
neuro physiologique ?

Le noyau accumbens
(fait partie de la boucle
striato- thalamo- corticale et reçoit des informations du
noyau limbique, de l’hippocampe, du cortex pré frontal)
ainsi que la sécrétion de dopamine
sont impliqués dans le contrôle de nos
émotions et de nos motivations.
*Equipe de neurologues de l’Université de Michigan (2005)
Neuro physiologie

1.
2.
3.
Effet identique du cerveau impliqué dans l’action
du placébo*
Effet augmente si médecin attentionné, attentif, a
bonne réputation,
Si le patient a volonté, espoir de guérison, degré
d’attente et de confiance,
Et la nature de la pathologie.
*Scott D. Miller, Barry L.Duncan et Mark.A. Hubble “l’effet placebo représente autant que la
technique. In « l’essence du changement » éditeur de Boeck 4/12/12
Comment et pourquoi ça agit?
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
Finn* postulait que l’évaluation thérapeutique aidait les
patients à développer une « histoire » plus cohérente,
précise, indulgente, utile et que cette nouvelle façon de
« voir » aide les patients à explorer de nouvelles façons
« d'agir ».
Cet auteur souligne que tous les humains ont un besoin
basique d'être vus, compris et acceptés, et fait
l'hypothèse que l’évaluation est efficace parce qu'elle
rencontre ces besoins.
*Finn S.E 2000- 2008- 2010
Comment ça agit?

Finn, Hersh, Wilkinson,
Christopher, and Tran (2008) ont noté que
De
même,Tharinger,
l’évaluation thérapeutique, et particulièrement les
insights provenant des tests, aident les parents
d’enfants ou d’adolescents ayant des difficultés
comportementales à développer plus d'empathie et
de compréhension envers eux ce qui produit des
changements positifs sur les patients et leur
famille.
Comment ça agit?


Elton Mayo (Pf à la faculté de Harward Business School) conclut
qu’au-delà des facteurs expérimentaux c’est l’effet
psychologique d’avoir conscience de faire partie d’une
expérience et d’être observé qui influe sur la productivité
et ce de manière positive.*
Cet effet dit effet Hawthorne, est observé également lors
d’étude clinique lorsque les patients sont l’objet d’une
attention étroite des médecins ou infirmiers; dans ce cas
on observe une amélioration des patients.
*Sheldrake, Elton Mayo and the Hawthorne experiments. Pass,CH11,pp 101-116;1997
Conclusion
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L’évaluation est le starter de la prise en
charge thérapeutique.
Si elle est bien menée et de la façon la plus
complète possible, elle apportera un mieux
être global, une baisse de l’anxiété, une
amélioration dans la communication du
couple, surtout un horizon de changement
possible, donc elle permet d’entrevoir une
issue.
C’est en cela qu’elle est déjà thérapeutique
Merci de votre attention
Bibliographie
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Manuel de sexologie Masson 2007
1.
Arnaud Beauchamp N. : Les sexothérapies, p 348-353
2.
Cabanis C. Analyse clinique des dysfonctions sexuelles féminines p 90-99
3.
Colson M.H: La plainte sexuelle , l’analyse des symptômes p220-223
4.
Grafeille N: Thérapies de couple, les indications, le contrat thérapeutique et le suivi
p357-362
5.
Yann Plais: Dysfonctions érectiles et leurs traitements p 152 156
6.
Poudat F.X Les thérapies cognitivo comportementales p 330-347
Bibliographie
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

Finn, S. E. (2000, March). Therapeutic Assessment: Would
Harry approve? Paper presented at the Society for
Personality Assessment annual meeting, Albuquerque,
NM, as part of a symposium, "Harry Stack Sullivan and
Psychological Assessment," F. B. Evans, III, Chair.
Finn, S. E. (2008, April). Empathy, intersubjectivity, and
the longing to be known: Why personality assessment
works. Paper presented at the annual meeting of the
Society for Personality Assessment, New Orleans, as part
of a symposium, "Conceptual Innovations in Personality
Assessment," C. G. Overton (Chair).
Finn S. E., Chudzik L. (2010). L‘évaluation Thérapeutique
: une intervention originale brève. In S. Sultan and L.
Chudzik (Eds.), Du diagnostic au traitement : Rorschach et
MMPI–2; pp. 203-226.
Bibliographie



Olson R, Verley J, Santos S, Salas C What the teach
students about the Hawthorne Studies- Industrial
organizational Psychologist 2004-41;3:23-39.
Sheldrake J. Elton Mayo and the Hawthorne experiments
dir; management theory: from taylorism to japanization
Boston International Thomson Business. Press, ch11,
pp101-116. 1997
Scott D. Miller, Barry L., Duncan et Mark.A. Hubble “l’effet
placebo représente autant que la technique.”
In « l’essence du changement » Ed. de Boeck 4/12/12.