3 - Papa est en voyage d`affaires - Lycée Marcel Pagnol Athis-Mons
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3 - Papa est en voyage d`affaires - Lycée Marcel Pagnol Athis-Mons
CINE-CLUB HISTOIRE DU LYCEE MARCEL PAGNOL Séance 3 : jeudi 13 mars 2008 (15h00-18h00) FILM : Papa est en voyage d’affaires, d’Emir Kusturica (1985 - 136 minutes), Palme d’or du festival de Cannes en 1985. Ce que raconte le film : Le film se déroule dans la République fédérale socialiste de Yougoslavie, entre juin 1950 et juillet 1952, à l’heure de la rupture Tito-Staline. Mesa, le père de Malik, victime d’une vengeance de sa maîtresse, est envoyé en camp de travail : pour ses enfants, il est « en voyage d’affaires ». Alors que son frère passe son temps au cinéma, Malik, en réaction aux crises que traversent sa famille et son pays, se réfugie dans le somnambulisme… La situation particulière de la Yougoslavie dans la guerre froide : La Yougoslavie, pays communiste, refuse le modèle soviétique. La Libération y a été l'oeuvre des résistants communistes yougoslaves seuls, sans l'aide de l'Armée rouge. Très vite Tito, chef du PC yougoslave, conteste le rôle directeur de l'URSS et souhaite avoir avec elle des rapports d’égalité, ce que ne pouvait tolérer Staline. En juin 1948, la Yougoslavie est expulsée du Kominform (créé en 1947 par Jdanov et dissous en 1956 par Khrouchtchev, chargé d’aligner les partis communistes européens sur la politique de l’URSS). Elle s'engage alors sur une voie socialiste originale, fondée sur l'autogestion et le fédéralisme (qu'elle poursuit même après que l'URSS a normalisé ses relations avec elle en 1955), Tito ouvrant la voie à l'idée d'un communisme national et incarnant l’idée d’un troisième monde, celui des neutres (conférence de Belgrade en 1961). Les partisans de Tito furent considérés comme des traîtres et furent pourchassés à travers toute l’Europe de l’Est. Des agents soviétiques s'infiltrèrent en Yougoslavie pour essayer de déstabiliser le régime de Tito. Les pays du bloc de l’Est, obéissant à Staline, cessèrent toutes relations avec la Yougoslavie. Les thèmes historiques du film : - Une société multiconfessionnelle : d’après Kusturica, « Sarajevo est la ville qui sur 300 m2 a une mosquée, une église orthodoxe, une église catholique et une synagogue». La famille du film est musulmane. Elle vit à Sarajevo. Elle côtoie des voisins orthodoxes (scène de l'enterrement), des catholiques, des athées. Mesa est athée mais il respecte le rituel musulman de la circoncision. - La fierté nationale : on le voit dans le film à travers l’équipe nationale de foot, et en particulier dans le match de football Union Soviétique-Yougoslavie, que cette dernière a emporté 3 à 1, ce qui était considéré comme une victoire de Tito sur Staline. - Les méthodes communistes pour anéantir toute opposition au parti communiste yougoslave (ou même toute divergence interne au sein du parti communiste yougoslave) : l’arrestation de Mesa s’explique par une réflexion sur une caricature de Marx travaillant avec l'effigie de Staline derrière lui. Le film montre que Tito s’acharnait aussi à purger son pays de ceux qu’ils appelaient les Kominformistes : 12.000 sur 400.000 membres du PC yougoslave se déclarèrent prosoviétiques. La majorité des communistes yougoslaves n'eut pas le temps ou la volonté de convaincre par la non-violence les prosoviétiques. L’hystérie antisoviétique prit des proportions telles que certaines personnes pouvaient être taxées de traîtres rien qu’en écoutant Radio Moscou ou en lisant de la littérature russe. La plupart des personnes interpellées faisaient l’objet d’une incarcération sans procès préalable (comme Mesa) et étaient déportées vers des camps de travail, notamment sur l’île de Goli Otok (« L’île Nue »). Les prisonniers politiques ainsi que les stalinistes et les sympathisants à l’URSS y étaient incarcérés jusqu’en 1956. Mais la politique n’est pas le sujet principal du film ; ici la politique est prétexte à raconter l'histoire d'un enfant et de sa famille. Kusturica expliquait en 1985 sa conception d’un film historique : « tout film est politique, il n'existe actuellement aucun film important qui n’ait pas d'arrière fond politique. Seulement cela devient abject quand la politique est l'unique propos. Je n'aime pas les films à thèse, ceux qui veulent rendre justice ... Ce sont certainement des vérités, des vérités historiques mais le cinéma ne supporte pas la simplification outrancière. Il est plus excitant de voir dans quelle mesure la politique influence les vies humaines, les familles, comment elle les ruine ou les aide, comment elle les disperse ou les réunit ».