Du bon usage des anticorps anti-CCP au cours de la polyarthrite

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Du bon usage des anticorps anti-CCP au cours de la polyarthrite
Du bon usage des anticorps anti-CCP au cours
de la polyarthrite rhumatoïde
Par Michel De Bandt.
Les anticorps anti-CCP sont des marqueurs biologiques importants tant au
plan diagnostique que pronostique dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) parce
qu'ils :
- sont plus sensibles et plus spécifiques que les facteurs rhumatoïdes IgM
dans les formes débutantes et dans les formes avérées de la maladie
- prédisent l'évolution vers une PR en cas d'arthrite inflammatoire
inclassée.
- sont un marqueur prédictif des érosions au cours de la PR
- peuvent être détectés chez des sujets sains des années avant l'apparition
de la PR.
INTRODUCTION
Les anticorps anti périnucléaires (APF) furent les premiers décrits en 1964
comme marqueurs de la PR. Ils sont dirigés contre les constituants des
grains de kérato-hyaline logés dans des granules autour des noyaux des
cellules de la muqueuse buccale. Dans ces granules fut isolé ensuite une
protéine nommée filaggrine. Malgré leur bonne spécificité, mais surtout en
raison des difficultés techniques, ces auto-anticorps ne connurent pas un
grand développement.
Les anticorps anti-kératine furent décrits en 1979, comme
dirigés contre la filaggrine liée à la kératine des parois d'œsophage de rat
sénescent. Comme les APF, les AKA ont une spécificité bien supérieure au FR
dans la PR.
L'anticorps anti-Sa fut découvert en 1994 et dirigés contre des
modifications post transcriptionelles de la vimentine, une protéine du
cytosquelette. A partir de 1998 il devint évident que ces 3 catégories d'anticorps
étaient dirigés contre des protéines citrullinées.
La citrulline est un amino acide rare formé par déimination des arginines
continues dans diverses protéines sous l'action d'une peptidylarginine
déiminase (PAD), dont il existe plusieurs isotypes. Les isotypes PAD 2 et 4
sont abondants dans la synovite rhumatoïde. Ces enzymes causent localement
la déimination (citrullination) des protéines synoviales telles la fibrine.
De façon intéressante, les peptides citrullinés sont mieux reconnus par le
site de fixation de l'antigène de la poche de l'HLA DR4 (DRB1*0401 et 0404)
que les mêmes peptides non citrullinés. Cet argument permet de lier la
réponse immune à l'hypothèse de l'épitope partagé. La fibrine citrullinée
extra cellulaire pourrait être un des peptides majeurs conduisant la réponse
immune, comme le montre la production locale d'anticorps anti-CCP et anti
filaggrine citrullinée dans l'articulation malade. Des variants fonctionnels
des PAD pourraient aussi être en cause à l'origine du processus.
La portions citrullinée des protéines est le déterminant antigénique reconnu
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par les APF les AKA et les anti-Sa. L'étude détaillée des séquences
antigéniques de la filaggrine citrullinée montre que différents patients
reconnaissent différentes séquences antigéniques citrullinées, suggérant par
là une réponse polyclonale. De plus les séquences antigéniques entourant le
motif citrulliné sont importantes pour la réactivité antigénique, expliquant
que tous les sérums ne reconnaissent pas les mêmes cibles. Les premières
générations d'ELISA anti-CCP reconnaissaient différentes séquences de
filaggrine citrullinée avec une très forte spécificité pour la PR et une
sensibilité de 70%. Des épitopes cycliques sélectionnés dans des librairies
de peptides citrullinés et mimant les épitopes conformationnels de la
filaggrine sont utilisés dans les ELISA de seconde génération (CCP2).
INTERET DIAGNOSTIQUE DES TESTS SEROLOGIQUES DANS LA
PR
Le facteur rhumatoïde est utilisé comme marqueur de la PR depuis plus d'un
demi siècle. Le facteur rhumatoïde IgM est l'isotype le plus souvent
détecté, il est rencontré uniquement dans la PR et dans d'autres affections.
Les facteurs IgA sont détectés plus facilement que les IgM et seraient un
meilleur indicateur d'autoanticorps dirigés contre les épitopes Fc gamma
impliqués dans la PR que les facteurs IgM. Cependant les FR IgA n'ont jamais
soulevé un grand enthousiasme. La combinaison d'un FR IgG avec un FR IgA est
un fort indicateur de PR.
La plupart des études publiées comparant la sensibilité et la
spécificité des FR et des anticorps anti-CCP ont utilisé des ELISA CCP1 (de
première génération).
En général la sensibilité des anti-CCP est comparable à celle des FR (50 à 70%
selon les études) avec une spécificité bien supérieure (environ 95%).
Les études récentes utilisant les CCP2 montrent une sensibilité encore plus forte que
les CCP1, avec une spécificité identique. De plus une homogénéisation des plaques
ELISA par trois grandes compagnies (Euro-Diagnostica, Axis-Shield et Inova)permet
en outre de comparer les résultats de façon plus fiable dans le monde entier.
INTERET CLINIQUE DES ANTICORPS anti-CCP.
Dans la majorité des formes débutantes de PR, les tableaux cliniques sont
modérés et les patients ne répondent pas aux critères ACR.
C'est à ce stade que les anti-CCP sont importants au plan diagnostique et
thérapeutique.
Ils sont en effet détectés positifs dans 50 à 60% des formes toutes
débutantes, soit dans les trois à six premier mois de la maladie, c'est à
dire au moment de la première visite avec un spécialiste. A ce stade la
spécificité des anti-CCP est forte de l'ordre de 95 à 98%, et permet de
différencier aisément les PR des autres rhumatismes inflammatoires inclassés.
A ce stade les FR IgM sont souvent négatifs ou présents avec une spécificité
bien plus faible. La combinaison (positivité des deux tests) des FR et des
anti-CCP apporte à ce stade une sensibilité de 55% et une spécificité de
97%, comme le montre un travail utilisant une CCP1.
Les travaux utilisant un CCP2 montrent, toujours à ce stade, une sensibilité
encore plus forte de l'ordre de 70%.
En utilisant des sérums congelés, l'analyse rétrospective montre que des
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anti-CCP peuvent être détectés chez de nombreux patients 2 à 9 ans avant l'éclosion
des signes cliniques.
Une étude utilisant les CCP2 montre que 93% des rhumatismes inflammatoires
inclassés débutants mais ayant de anti-CCP évoluent vers une authentique
PR, contre 25% seulement de ceux sans anti-CCP, après 3 ans de suivi.
Dans une série de patients souffrant de rhumatisme palindromique et de
polyarthrite rhumatoïdes, des anti-CCP sont présents dans 55% des deux
populations suggérant un lien évolutif entre le rhumatisme palindromique et
la PR.
De nombreuses observations indiquent que les polyarthrites vues à un stade
précoce et présentant des anti-CCP, développent des maladies plus érosives
et destructrices que les formes séronégatives. Ceci pour de nombreux
auteurs suggère la supériorité des anti-CCP sur les FR pour prédire l'agressivité
d'une PR.
En conséquence la positivité des anti-CCP devrait influer sur la décision
thérapeutique, cependant ceci est encore en cours d'évaluation.
CONCLUSIONS
Les anticorps anti-CCP sont des outils extraordinaire pour le rhumatologue,
leur positivité posant un diagnostic devant un rhumatisme inflammatoire
chronique et prédisant le pronostic de l'affection pour un patient donné.
Savoir si cette information modifiera la prise en charge thérapeutique des
patients et leur devenir est l'objet des efforts en cours.
REFERENCES.
AMERICAN COLLEGE OF RHEUMATOLOGY
The Use of Anti-cyclic Citrullinated Peptide (anti-CCP) Antibodies in RA
http://www.rheumatology.org/research/hotline/1003anticcp.asp
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Jansen AL et al. J Rheumatol 2002;29:2074-6.
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http://www.rhumato.net/