Revue Weleda 127

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Revue Weleda 127
N°127 PRINTEMPS 2009
La Grenade,
reine de beauté
Comment recréer un lien
avec la Nature
Editorial
Sommaire
Retrouver des sensations vraies
Opter pour le naturel, consommer des éco-produits entre peu à
peu dans nos habitudes. Les solutions plus éco-responsables ne
manquent pas en matière de gestion des déchets et des ressources, de construction, etc., à l’échelle individuelle et collective.
Nous savons de mieux en mieux comment préserver la nature.
Pourtant, il reste encore fort à faire en faveur de cette planète
que nous aimerions léguer propre à nos enfants.
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On parle beaucoup de consommation durable. Certes, c’est une
nécessité, mais est-il juste de tout ramener à un problème de consommation ? Comme
l’a souligné Jean-Marie Pelt dans une interview publiée par Nouvelles Clés* : « il y a
un problème fondamental de valeurs. Tant que nous sommes dans une civilisation
de l’objet (…), nous restons dans un système où les valeurs écologiques auront du
mal à s’incarner concrètement. Par conséquent, c’est au niveau des racines qu’il faut
s’interroger. » Toute l’intelligence humaine – remarquable, au demeurant – mise en
œuvre dans la recherche scientifique et les rouages économiques suffira-t-elle à sauver la nature ? Selon Jean-Marie Pelt : « la dimension contemplative, qui se cultive,
sera absolument nécessaire pour faire un autre monde »*.
Dans ce numéro de la Revue Weleda, nous avons invité Jean-Michel Florin à nous
apporter son éclairage sur la question. S’inspirant de la démarche scientifique de
Goethe, il nous fait toucher du doigt la nécessité du lien à cultiver avec cette nature
qui est le substrat de notre vie. Réapprendre à regarder la nature, retrouver des sensations vraies, rafraîchir ses sens, voir avec les yeux et le cœur, descendre de l’ « étage
supérieur » de la tête pour investir tout son corps, être vraiment là, présent, retrouver
ses racines, se relier aux sources de la vie, de cette même vie qui circule dans la sève des
plantes, palpite dans le corps des animaux et vibre dans nos cellules. Une vie qui peut
s’épuiser si nous ne la préservons pas. Or l'on ne préserve que ce que l'on aime …
Cultiver son lien avec la Nature, c’est aussi vivre au rythme des saisons. Notre vie
s'écoule également selon des rythmes. A l’instar de la Nature, nous avons notre
printemps, notre été et notre automne : au point d’équilibre entre jeunesse et vieillesse. Une belle saison pour les femmes, dont la beauté rayonne de l’intérieur, enrichie
des expériences de la vie et à qui nous dédions tout particulièrement cette revue.
Pour la Rédaction
Danielle Friedrich
*« Sauver la nature revient à nous sauver nous-mêmes ! », interview de Jean-Marie Pelt, parue dans Nouvelles Clés,
N°58, été 2008 : « 20 ans d’entretiens visionnaires ». www.nouvellescles.com
La R e v u e W e le da est éditée par les Laboratoires Weleda – BP 152 – 68331 Huningue Cedex – Tel. 03 89 69 68 00 – www.weleda.fr
Elle paraît en France depuis 1960. Sa fréquence de parution est actuellement de 3 numéros par an : au printemps (vers Pâques), en automne
(vers la St-Michel) et en hiver (vers Noël). Elle est distribuée gratuitement sur abonnement. Pour l’obtenir, il vous suffit d’adresser votre demande par le biais du site internet www.weleda.fr dans la rubrique contacts/nos publications ou par e-mail au [email protected]
ou encore en vous adressant aux Laboratoires Weleda – Service Consommateurs – BP 228 – 68332 Huningue Cedex – N° Consommateurs :
0 811 02 5000 (coût d’un appel local) de 9h30 à 12h–14h30 à 17h en précisant votre nom et votre adresse complète. Chaque auteur est respons
able de ses propres articles. Toute reproduction de texte, d’illustration ou de photo doit faire l’objet d’une demande auprès de Weleda.
Rédactrice en Chef : Danielle Friedrich. Mise en page : René Uhlmann. Photos : Angelika Salomon, Camille Stoos, Scorp Images, Alessandro
Trovati, Frédéric Furgol, Richard Griffin, Frédéric Desmesure, Odilon Dimier, Gresei, Michael Peuckert, Aleksander Pilat, Ciaran Griffin, Image
Source, René Uhlmann, Pascal Bastien, archives Clinique Ita Wegman, archives Weleda. Impression : Corlet Roto, F 53300 Ambrières-lesVallées. Imprimé sur papier Cyclus Print, 100% recyclé.
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6 La maturité – une beauté qui rayonne
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Chaque âge a sa beauté. A quarante ans, les femmes
d’aujourd’hui croquent la vie à pleines dents. Elles
prennent conscience de qui elles sont, et portent un
regard plus lucide autour d’elles et sur leur vie.
Jardiner, c’est établir une relation particulière
avec la Nature. Un engagement se prend entre la
terre et nous. Nous lui confions nos graines et nos
maladresses ; elle nous offre ses fruits et nous fait
grandir. Les mains vertes ont leur baume réparateur :
la Crème aux Plantes médicinales Weleda.
10 La grenade, reine de beauté
Pomme d’amour, symbole de beauté et de fécondité, la grenade fait partie des cultures les plus
anciennes de l’humanité. L’huile de ses graines
est particulièrement efficace pour le soin des peaux
matures. Weleda l’a choisie pour ses nouveaux soins
du corps régénérateurs à la grenade.
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Notre lien avec la nature
Qu’est-ce qui nous pousse à faire des efforts pour
la planète ? Comment recréer notre lien avec cette
nature qui nous est devenue étrangère ?
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Mains de jardin
Le rhume des foins
Faites-vous partie de ceux que le retour du
printemps incommode ? Souffrez-vous de cette
affection liée à une allergie aux pollens ? Il existe
des solutions naturelles pour vous soigner.
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Le massage du bébé
Des ballons gonflables et des poupées pour apprendre à masser les bébés : un cours donné aux élèves
de l’Institut Régional de Formation en Puériculture
de Strasbourg, fruit d’une rencontre avec Weleda.
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Actualités
Marie Marchand-Arvier
vice-championne du
monde de Super-G
La jeune skieuse de 23 ans, ambassadrice de Weleda depuis plus de
4 ans pour l’Huile de Massage
à l’Arnica a offert une médaille
d’argent en super-G à la France lors
des Championnats du Monde de
Ski à Val d’Isère 2009. Retrouvez-la sur
www.weleda-sport.fr. A partir du 1er mai
sur ce site, partici­pez à notre jeu concours
en partenariat avec Mondovélo. 1er prix : un V TT.
Weleda au salon Planete durable
La Parisienne : entraînez-vous avec Weleda
Partenaire de cette course à pied féminine
de 6 km qui aura lieu le 13 septembre 2009
au cœur de la capitale, Weleda vous propose
son passeport « Entraînements Weleda à La
Parisienne », soit 12 séances d’entraînement
aux Bois de Boulogne et de Vincennes avec
coach sportif de début avril à mi-septembre. Inscriptions à l’Espace Weleda, 10 av.
Franklin D. Roosevelt, Paris 8e. Pour plus d’infos :
www.weleda-sport.fr
100%
d’electricite verte
pour Weleda
En février 2009, Weleda France a conclu un
accord avec la société Hunelec pour bénéficier
d’électricité verte certifiée RECS (Renewable
Energy Certificate System) sur l’ensemble de
son site de production en Alsace. Ce geste de
soutien à des filières de production d’énergie
renouvelable s’inscrit dans la politique de
développement durable de Weleda France, qui
bénéficie aussi de la certification ISO 14001 pour
le management de l’environnement.
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Du 2 au 5 avril 2009,
vous pourrez retrouver Weleda au salon
Planète durable, Porte
de Versailles à Paris.
1er salon du développement durable, il a
pour objectif de mettre
à l’honneur l’éco-consommation dans notre
vie quotidienne. www.
planete-durable.com
Compost bio-dynamique
contre gaz a effet de serre
Depuis l’automne 2008, Weleda PaysBas et Weleda Belgique compensent
leurs émissions de CO2 en achetant des
crédits carbone à la société néerlandaise
Soil & More, qui dispose d’installations
de compostage au Mexique, en Egypte et
en Afrique du Sud. La méthode utilisée
pour le compostage est directement
issue de l’agriculture bio-dynamique.
Tout en contribuant à la réduction
des gaz à effet de serre, cette initiative
permet d’améliorer la qualité des sols
et des éco-systèmes et de soutenir les
économies locales. Le groupe Weleda
envisage une extension de ce projet à
plus grande échelle.
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Point de vue
la
maturite Une beaute qui rayonne
La belle saison de la
vie des femmes :
après quarante ans,
riches des expériences
de la vie, elles
s’épanouissent ...
Texte : Danielle Friedrich
Photos : Frederic Desmesure/Signatures
et Odilon Dimier/PhotoAlto
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Chaque âge a sa beauté, son sens, ses joies.
Après quarante ans, la femme d’aujourd’hui
croque la vie à pleines dents. Elle bénéficie
d’une grande vitalité tout en étant riche des
expériences de la vie. D’un certain point de
vue, elle gagne en force. Elle prend réellement
conscience de qui elle est, et porte un regard
différent autour d’elle, plus lucide et plus
intense. Les premiers signes de l’âge lui rappellent que le temps passe, mais le rayonnement
de la maturité lui donne la capacité d’éclipser
ses premières rides.
A l’approche de la cinquantaine et au-delà,
libérée de certaines obligations, la femme
épanouie peut trouver en elle une énergie
jusque là insoupçonnée, qu’elle investit dans un
nouveau projet de développement personnel ou
spirituel, une nouvelle orientation professionnelle, un engagement social … Souvent, après
des interrogations approfondies sur sa vie, son
couple, son foyer, sa place dans la société.
Oui, vous êtes belles, femmes de la quarantaine et de la cinquantaine, n’en déplaise
aux idées reçues nourries par les modèles qu’a
engendrés notre « culture » médiatique …
Le paradoxe
Certes, la maturité s’accompagne d’un
processus de vieillissement. Mais comment
pourrait-il en être autrement ? Au printemps
succède l’été, puis l’automne, qui prodigue à
l’être humain toutes les richesses de la terre
sous forme de fruits … Il en va de même pour
les fruits de l’expérience, comme l’a exprimé
Annie Hubert, anthropologue et Directeur de
Recherche au CNRS, dans son très beau livre
« Eloge de la maturité – la belle saison de la vie
des femmes »1. Bien sûr, le temps signe son
passage et remodèle les contours du corps : « le
miroir est bien là : il me renvoie une image de
moi un peu plus floue, des traits quelque peu
affaissés, un corps devenu moins ferme et
moins tonique, qui se transforme lentement.
Comme au moment de l’adolescence, j’ai vécu
ces mutations avec curiosité. Cela fait partie du
grand processus de la vie. Cela pourrait faire
penser à un déclin, mais ce n’est qu’une étape :
on devient autre chose, autrement. » 1
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Point de vue
Dans son bestseller « le mythe de la
beauté » 2, l’activiste américaine Naomi Wolf
parle des rides qui signent les pensées et les
sentiments d’une vie. Celles qui rayonnent du
coin de l’œil, fines lignes en éventail, racontent
des années de sourires et de fous rires. Celles
qui traversent le front entre les sourcils y
gravent la concentration ou, lorsqu’elles le
barrent à l’horizontale, l’étonnement, la joie, la
compassion, l’écoute… Parler, embrasser, pleurer
pendant des décennies dessinent autour de la
bouche une fine trame semblable à une feuille
en mouvement … Faut-il y voir avant tout une
dégradation de la peau ? Faut-il effacer à tout
prix tout ce vécu pour simuler la première
jeunesse, en recourant au bistouri ou au botox ?
Faut-il rester page blanche et lisse comme un
livre qui ne raconte rien ?
Les critères de la beauté
Annie Hubert porte un regard sans concession sur les normes de la beauté omniprésentes
dans notre champ visuel, et qui constituent une
cause de frustration pour bien des femmes :
« dans l’avalanche d’images qui marque notre
quotidien, sur le mur des villes et dans tous
les médias, la jeunesse est éclatante, lisse,
omniprésente et, bien entendu, toujours belle,
selon le modèle quasi unique de notre culture
médiatique, hors duquel il n’y a point de salut.
Cette beauté impersonnelle et inaccessible,
nous n’y ressemblons pas, d’autant plus que
ces images ont été retouchées, remodelées,
virtualisées et optimisées sur des écrans d’ordinateurs. » Nous nous projetons constamment
dans ces mirages de la beauté – dont le but
est avant tout de nous amener à consommer
toutes sortes de choses – et ils exercent un effet
déformant sur la perception que nous avons de
nous-mêmes. « Vieillir, particulièrement pour
les femmes, serait mal. Le vieillissement, les
rides, la perte d’élasticité, le poids seraient des
ennemis insidieux, dangereux, voire mortels,
car ils menacent notre bonheur. Il faut partir
en guerre très tôt, combattre le vieillissement,
et lutter avec énergie jusqu’au bout … Jusqu’au
bout de quoi ? »
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Toujours à l’affût des multiples manifestations de la beauté humaine dans les nombreux
pays où son travail d’anthropologue l’a conduite,
Annie Hubert a su trouver des mots simples
et justes pour exprimer la beauté féminine :
« c’est un mélange subtil où le mouvement,
la personnalité et la voix fusionnent de façon
harmonieuse. Même les corps les plus beaux
doivent être « habités » par le regard, l’expression du visage, la pose, le mouvement, la
manière de parler … » La beauté est plus une
question de présence que de canons.
Les cycles de la biographie
La maturité est une période de la vie qui
ne concerne pas que les femmes … chez les
hommes, elle est plutôt bien venue. A l’apogée
de la vie, période qui se situe entre 40 et 60 ans,
la plupart des hommes et des femmes se voient
au maximum de leur puissance, à supposer
qu’ils ne souffrent pas de graves difficultés
matérielles. Mais si l’on parle des meilleures
années pour l’homme, ce serait le début du
déclin pour la femme. Il est urgent de dépasser
cette discrimination arbitraire …
Au-delà de la différenciation des sexes, en
observant ce qui se passe à ce moment de
la vie d’un point de vue purement humain,
on constate qu’émerge la question du sens.
La perspective s’élargit, comme du sommet
d’une montagne que l’on a longuement gravie.
Après avoir jeté un regard en arrière, vers son
passé, on est en mesure de porter de nouvelles
interrogations sur ce que l’on a construit, on se
met en quête de nouvelles valeurs, on cherche
à connaître plus en profondeur la nature du
monde, et en même temps sa propre nature.
La question existentielle n’est plus « qu’estce que je dois faire dans la vie ? », que l’on se
posait dans la jeunesse, mais « quelle est la
valeur de ce que je fais dans la vie ? »
Selon Rudolf Treichler, psychiatre allemand
qui s’est beaucoup intéressé aux travaux de
Rudolf Steiner sur les cycles de sept ans de la
biographie humaine, la question fondamentale
qui émerge vers 35–42 ans et se poursuit au-delà
est : « comment accéder à l’essence du monde
et à la mienne propre, comment réaliser mon
être dans le monde ? » 3
Au point d’équilibre entre jeunesse et
vieillesse, il est possible de faire émerger en
soi une nouvelle faculté de l’âme, que Steiner a
appelée « âme de conscience ». Elle permet de
pénétrer davantage dans les expériences de la
vie, pour les « éclairer » de l’intérieur. « L’âme
de conscience vit à partir de son centre lorsqu’en
elle ce qui est éternel répand sa lumière. » Grâce
à elle, notre pensée s’émancipe, nous pouvons
nous percevoir et rencontrer le monde, l’Autre,
différemment.
Cette évolution n’est possible qu’à partir
du moment où notre courbe biologique commence à s’infléchir. Notre conscience s’éclaire
davantage dès lors que le bouillonnement de
la vie se calme. Quelque chose en nous ne
demande qu’à grandir. Mais contrairement à
la puberté, qui modifie aussi complètement
notre relation au corps, cette maturation ne se
fait pas automatiquement, il faut en être l’acteur
conscient et agissant. C’est cette possibilité de
transformation de l’être avec le vieillissement
du corps qui donne à celui-ci tout son sens.
Faire la paix avec soi et respecter
son corps
Accepter son âge ne veut pas dire pour autant
se résigner, bien au contraire. C’est porter un
regard bienveillant sur soi tout en s’occupant
de soi. Si le ralentissement des processus
de régénération est un phénomène naturel,
l’accélération du vieillissement, liée au stress et
à une hygiène de vie défaillante, ne l’est pas.
Il est tout à fait possible et souhaitable de
prévenir un vieillissement précoce en prenant
des habitudes saines en matière d’alimentation,
de soin, d’activité physique et de repos. Des
repas équilibrés riches en fruits et légumes
frais – le fameux régime crétois, par exemple –,
ainsi qu’une activité physique régulière et
suffisante, mais sans excès, sont indispensables
pour maintenir sa forme et sa santé, sa ligne
et une belle peau. Tous les experts s’accordent
au sujet des bienfaits de la marche pour la souplesse du corps, le système cardio-vasculaire, le
métabolisme des graisses … A cela s’ajoutent des
soins de la peau naturels et régénérateurs, pour
soutenir les échanges vitaux au sein du tissu
cutané … et aussi s’accorder quelques instants
de tendresse, des gestes doux et réconciliants.
Sans oublier le sommeil : c’est pendant que
nous dormons que nos cellules se régénèrent.
Il existe toute une littérature à ce sujet, où l’on
peut trouver des conseils utiles, même s’il s’agit
avant tout d’une question de bon sens.
Pour finir, voici un dernier message d’Annie
Hubert ; il est très simple : « votre apparence
est belle dès lors que vous êtes en accord avec
vous-mêmes. L’élégance, c’est l’aisance que l’on
a avec soi-même et son corps. »
1. Eloge de la Maturité. La belle saison de la vie des femmes,
Annie Hubert, Editions Aubanel, 2005. (Ce livre n’est plus disponible en librairie, mais sur internet.)
2. The Beauty Myth – How images of beauty are used against
women, Naomi Wolf, HarperCollins Publishers, 2002
3. Les troubles psychiques au cours de la vie, Rudolf Treichler,
Editions Triades. Disponible en librairie ou sur le site
www.editions-triades.com
La beauté, c’est
un mélange subtil
où le mouvement,
la personnalité et la
voix fusionnent de
façon harmonieuse.
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Dossier : La grenade
La
Grenade
reine de beaute
Pomme d’amour,
symbole de beauté
et de fécondité
Texte : Danielle Friedrich
Dossier technique : Corinne Naboulet
Photos : Gresei, Michael Peuckert
et Angelika Salomon
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La grenade fait partie des cultures les plus
anciennes de l’humanité : on la cultive depuis
des millénaires dans les pays méditerranéens,
au Moyen-Orient et en Inde. Elle apparaît
dans de nombreux mythes comme symbole
de vie, de beauté, d’amour, de fécondité et
d’abondance. La légende veut que le prince
troyen Pâris rendit hommage à Aphrodite en
lui offrant une grenade. Avec le myrte, la rose
et la pomme, la grenade fait partie des attributs
de la déesse de l’amour et de la beauté. Dans
la tradition persane, le grenadier est l’arbre
du Paradis, l’arbre de vie. D’ailleurs, à propos
du Paradis, selon certaines sources, le fruit
donné par Eve à Adam dans la Genèse aurait été
une grenade et non une pomme. La grenade
apparaît à plusieurs reprises dans l’Ancien
Testament : dans le Cantique des cantiques,
dans l’Exode, et le roi Salomon la glorifia comme
l’un des sept fruits de la Terre Sainte. En Chine,
la tradition veut que l’on offre une grenade
aux jeunes époux en guise de promesse d’une
longue descendance. Au Maroc, les jeunes
Berbères procèdent à un rituel divinatoire
Le rouge colore
la grenade à tous
ses stades de développement, du
bourgeon à la fleur
puis au fruit.
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Dossier : La grenade
pour connaître le nombre d’enfants qu’elles
mettront au monde : en jettant une grenade
à terre, dans un cercle, puis en comptant les
grains expulsés hors du cercle.
Des grains de vitalité couleur rubis
De couleur jaune, rouge clair ou rouge
profond, la grenade cache sous ses rondeurs le
secret de la vitalité. Son écorce épaisse et coriace
recouvre une multitude de pépins enrobés d’une
pulpe rouge translucide, tendre et juteuse. On les
appelle arilles. Ils valent à la grenade son nom,
qui viendrait de l’ancien français pume grenate,
autrement dit pomme grenue. Agglutinés en
grappe, ils luisent au soleil tels des gemmes de
rubis dès lors qu’éclate le fruit.
La saveur à la fois douce et légèrement
acidulée de la grenade est le résultat d’un
équilibre harmonieux entre sucres et acides
organiques. Son jus revitalisant est riche en
vitamine C (avec un taux de l’ordre de 20%,
bien supérieur à celui de nombreux fruits frais),
en vitamines du groupe B, en minéraux et en
oligo-éléments. Chacune de ses graines contient
une goutte d’huile précieuse, aux propriétés
régénératrices pour la peau. Capable de stimuler
le renouvellement cellulaire et de réduire les
tâches pigmentaires, elle est particulièrement
indiquée pour le soin des peaux matures.
L’analyse chimique révèle une grande richesse
en acides gras mono et polyinsaturés : acide
linoléique conjugué dont l’acide punicique
est l’isomère majoritaire, et les acides oléique
et linoléique aux propriétés hydratantes et
assouplissantes particulièrement intéressantes.
S’y ajoutent des phytostérols, qui stimulent la
synthèse de collagène, des polyphénols et de
la vitamine E aux pouvoirs anti-oxydants : un
véritable cocktail de jouvence pour la peau.
Un secret de beauté dévoilé
Riche en symboles, gage de vitalité et de
beauté, la grenade a inspiré nos services de
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développement cosmétique. « Cela fait plus
de trois ans que je pense à elle », avoue Leo
Zaengerle, ingénieur chimiste et responsable
du développement chez Weleda Suisse. « L’idée
est née de la convergence de diverses approches :
les résultats scientifiques très prometteurs
sur les propriétés de l’huile de pépins de
grenade, l’étude de la riche symbolique de ce
fruit à travers les civilisations perse, égyptienne,
hébraïque, grecque et jusqu’au Moyen Âge,
et enfin, l’observation naturaliste selon la
méthode goethéenne, que j’ai effectuée avec
d’autres spécialistes. Finalement, le choix de
cette plante pour le soin des peaux matures à
partir de la quarantaine m’est apparu comme
une évidence. »
Si l’analyse chimique a levé le voile sur les
propriétés régénératrices de l’huile de pépins
de grenade, le fruit mûr nous parle déjà par
son aspect. Le grand Paracelse n’a-t-il pas dit
que la Nature est un grand livre, qu’il faut le
parcourir pour en feuilleter les pages, autrement
dit l’observer avec tous ses sens et tout son
être pour comprendre les liens intimes qui
l’unissent à l’homme…
Le geste de la grenade : équilibre
entre jeunesse et maturité
Sortie d’un bourgeon couleur corail – qui
fait penser à un petit fruit au lieu d’être vert
comme la plupart des bourgeons – la fleur de
grenade, rouge et chiffonnée, émerge d’une
couronne de sépales charnus, et non pas fins et
feuillus comme chez la plupart des plantes. Elle
ne se répand pas non plus en parfum comme
la plupart des fleurs, elle garde son secret.
Quant au fruit, au lieu de passer du vert au
rouge comme la plupart des fruits, il apparaît
rouge au départ et verdit en grossissant, pour
rougir à nouveau en mûrissant. On dirait que
la tendance « fruit », qui est une dynamique
centripète, toute en retenue et en concentration, s’annonce déjà aux stades précoces du
développement. Mais ce n’est pas tout : à tous
les stades de sa croissance, la grenade garde les
traces de son passé, de sa jeunesse. Ainsi, son
fruit rond se pare d’une couronne de sépales
bien proéminents et pourvus d’étamines, ce
qui est inhabituel puisque ces organes sont
les attributs de la fleur. Alors que la plupart des
plantes suivent un schéma de développement
bien net, en passant par une succession d’étapes
distinctes, la grenade vit dans la simultanéité et
la continuité. Elle réussit à superposer le passé
et l’avenir, en équilibrant de façon dynamique
les processus de jeunesse et de maturation. C’est
le secret de la grenade, que Weleda a choisi de
mettre à contribution pour préserver la peau
du vieillissement précoce.
Prévenir le vieillissement cutané prématuré
A partir de la quarantaine apparaissent les
premiers signes de l’âge, la peau se régénérant
plus lentement. Jusque là, les cellules cutanées se
renouvelaient en une trentaine de jours ; après
40 ans, ce cycle s’allonge jusqu’à 40 à 60 jours.
A cela s’ajoute une diminution de l’activité des
glandes sébacées et sudoripares, qui entraîne
une sécheresse cutanée accrue et une plus
grande sensibilité aux agressions extérieures.
La peau se relâche peu à peu ; elle perd en
élasticité, en fermeté et en éclat. Ce processus
normal fait que la peau a tout naturellement
d’autres besoins après 40 ans.
Peut-on ralentir ce phénomène ? Oui, dans
une certaine mesure. Le vieillissement cutané
a principalement deux causes : le vieillissement
intrinsèque, d’ordre physiologique et génétique
et lié au temps qui passe, et le vieillissement
prématuré, lié à des facteurs extérieurs comme
la pollution, les UV, les intempéries, le tabac,
etc… C’est sur ce second facteur que l’on peut
intervenir, en adoptant un mode de vie permettant d’agir globalement de l’intérieur comme
de l’extérieur : une alimentation naturelle riche
en anti-oxydants, une activité physique
Les Grenades
Dures grenades entr’ouvertes
Cédant à l’excès de vos grains,
Je crois voir des fronts souverains
Eclatés de leurs découvertes !
Si les soleils par vous subis,
Ô grenades entre-baillées,
Vous ont fait d’orgueil travaillées
Craquer les cloisons de rubis,
Et que si l’or sec de l’écorce
A la demande d’une force
Crève en gemmes rouges de jus,
Cette lumineuse rupture
Fait rêver une âme que j’eus
De sa secrète architecture.
Paul Valéry
modérée mais régulière, des moments de
détente et de relaxation, et des soins quotidiens
spécialement conçus pour les peaux matures,
comme la nouvelle gamme de soins du corps
à la grenade Weleda. L’huile de pépins de
grenade bio, aide la peau à lutter contre les
radicaux libres, facteurs importants de vieillissement cutané. Par de petits efforts réguliers,
soutenus, on arrive à de grands effets : l’aspect
de la peau s’améliore visiblement, elle est plus
ferme, plus lisse, se régénère mieux.
Mais au-delà de la quarantaine, la beauté
d’une femme ne dépend pas seulement de
l’état de sa peau, mais de sa présence, du rayonnement qui se dégage de toute sa personne.
A cette période de la vie, des transformations
profondes aux plans physiologique et psycho­
logique modifient l’image qu’elle a d’elle-même.
En prenant conscience de sa force intérieure,
elle renforce ce rayonnement, et cela se voit.
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Dossier : La grenade
Les nouveaux
soins du corps
à la Grenade Weleda
La grenade,
source millénaire
de jeunesse et
de beauté, active
le renouvellement cellulaire ;
elle est hydratante, assouplissante, antioxydante…
La grenade
pour activer le renouvellement cellulaire
P our permettre aux femmes d’épanouir pleinement leur beauté à
partir de la quarantaine en répondant aux besoins spécifiques de
leur peau, Weleda fait appel à l’huile
de pépin de grenade bio, capable de capter les
radicaux libres responsables du vieillissement
cutané prématuré et de stimuler le renouvellement cellulaire.
Dans la nouvelle gamme de soins du corps à
la Grenade Weleda, elle est associée à d’autres
huiles végétales et extraits végétaux pour un
effet globalement anti-oxydant : huiles de
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Revue Weleda 127
germe de blé, de noix de macadamia bio, de
jojoba bio, de sésame bio, de tournesol bio
et d’olive, extraits de flocons de millet et de
pétales de fleurs de tournesol.
Des huiles essentielles de davana, une plante
médicinale du Sud des Indes, de néroli et de
bois de Santal leur confèrent une note orientale,
chaude et sensuelle.
Les premiers-nés de cette nouvelle gamme
sont l’Huile régénératrice à la Grenade et la
Crème de Douche à la Grenade : deux soins
quotidiens à utiliser sans modération pour une
peau éclatante de beauté après 40 ans.
Huile régénératrice à la Grenade
Après la douche ou le bain, elle régénère
significativement la peau grâce à sa richesse
en actifs anti-oxydants. Sa formule naturelle
stimule le processus de renouvellement cellulaire et protège la peau des effets des radicaux
libres, cause principale du vieillissement cutané
prématuré. Jour après jour, elle prévient le
dessèchement de la peau et préserve son
élasticité, son lissé et sa fermeté. Son parfum,
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dessèchement et apporte un réel confort cutané.
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naturels et à l’Espace Weleda de Paris.
Revue Weleda 127
15
Dossier : La grenade
La Grenade bio de Turquie
Weleda l’a choisie
pour sa nouvelle
gamme de Soins du
corps régénérateurs
à la Grenade.
Texte : Ingrid Reissner
et Danielle Friedrich
Photos : Michael Peuckert
et Angelika Salomon
C
’ est du Sud-Est de la Turquie, au
climat particulièrement doux, que
proviennent les grenades dont
Weleda a choisi les bienfaits pour
sa nouvelle gamme de soins du corps. Les plantations se trouvent dans les environs de la ville
côtière de Mersin. Le village de Karahacılı, à
300 m du niveau de la mer, en constitue le centre de gravité. Courant octobre, des tracteurs
tirant des remorques chargées de fruits et de
cueilleurs sillonnent les chemins poussiéreux
pour acheminer la récolte vers les granges où
les grenades sont triées avant de poursuivre
leur périple. Là, des familles entières de paysans – hommes, femmes et enfants assis sur
des cageots – s’affairent à emballer les plus
beaux spécimens par un ou par deux pour les
marchés de Turquie et pour l’export. Les fruits
de second choix, moins beaux mais dont la
qualité n’est pas moindre, seront pressés pour
en extraire le précieux jus vitaminé.
Selon le chef du village, un millier de paysans
de cette vallée sont impliqués dans la culture
de la grenade, et parmi eux, une cinquantaine
16
Revue Weleda 127
de familles en pratique la culture biologique.
La vallée de Karahacılı est un lieu idéal pour
cette culture tant par la nature de son sol que
de son climat contrasté. Cuvette verdoyante
et fertile, à laquelle on accède par une étroite
cluse rocheuse, elle est située à quelques kilomètres seulement de la mer tout en étant
protégée par une ceinture montagneuse qui
s’élève jusqu’à 1000 m de hauteur. Au fond de
la vallée comme sur les versants aménagés
en terrasses, on y cultive partout des arbres
fruitiers : essentiellement des grenadiers,
mais aussi des citronniers, orangers et autres
variétés de Citrus, des plaqueminiers (arbres
à kaki), des abricotiers et des figuiers.
Au cours des dernières années, le prix au
kilo de la grenade n’a cessé de grimper, incitant
de plus en plus d’agriculteurs à se convertir
à sa culture. Aujourd’hui, la région connaît
une pénurie en eau, alors que cette culture
nécessite une irrigation importante. Ainsi,
de nombreux paysans ont aménagé des réservoirs de fortune avec des bâches de plastique
dont le bleu vif tranche dans le paysage vert
intense de la vallée et où pointe aussi, ici et là,
la blancheur des minarets.
La récolte débute tôt le matin et s’effectue à la
main, à l’aide de couteaux. Remci Genç est là avec
sa femme Ülkü, leur fille et leurs deux garçons.
Leurs plantations s’étendent sur 25 hectares,
surtout des grenadiers. Chaque année, Remci
élague les arbres à hauteur d’homme mais ils
repoussent de plus belle et au moment de la
récolte, il faut souvent grimper dans les hautes
branches pour y atteindre les lourds fruits
juteux. A eux quatre, ils devront remplir une
centaine de caisses avant midi. Remci cultive
deux variétés de grenades : la première donne
des fruits gros et plutôt clairs, la seconde des
fruits plus petits et d’un rouge plus profond.
Ces dernières ont plus de valeur à la pièce, mais
elles ont plus d’acidité.
Après la récolte, les grenades sont acheminées pour y être transformées à Nigde, à 100km
au Sud de la ville florissante de Kayseri en
Cappadoce, par l’entreprise Göknur qui produit
des jus de fruits et de légumes frais. Avant de
passer dans la presse, les grenades sont encore
une fois triées et leur pulpe est contrôlée par
Fatma Akbulut, ingénieure agro-alimentaire
au laboratoire d’analyse de Göknur.
On ne presse que l’intérieur des fruits, qui
sont d’abord épluchés par une machine. Au
sortir de la presse, les grains ont viré au violet.
Seule une petite partie passera au séchoir
que la société a construit pour répondre aux
besoins de Weleda. Après séchage, ils sont
envoyés à la société allemande All Organic
Trading qui se charge d’en extraire la précieuse
huile pour Weleda. Il faut 500 kg de grenades
pour produire 1 kilo d’huile. Ceci signifie que
pour les 1500 kilos d’huile de grenade dont
a actuellement besoin Weleda, il faut mettre
en œuvre 300 tonnes de fruits frais.
L’huile extraite des pépins de
grenade prévient le vieillissement
précoce de la peau.
On presse le jus des grenades puis l’on extrait l’huile de leurs pépins.
Revue Weleda 127
17
Ecologie
Recréons notre lien avec la Nature
Le problème de base de l’écologie est la motivation. Qu’estce qui nous pousse à faire des
efforts pour sauver la planète ?
Au-delà des nécessités et des
mots d’ordre, il faut recréer le
lien avec la nature.
Texte : Jean-Michel Florin
Photos : Aleksander Pilat, Odilon Dimier et Ciaran Griffin
C onsidérons le déroulement classique de notre journée. Combien de
temps, à quels moments sommesnous en relation avec la nature ? Au
cours des dernières décennies, notre vie quotidienne a changé de manière radicale. Nous
passons la majeure partie de notre temps à
l’intérieur, dans un univers hyper mécanisé :
écrans, véhicules et autres machines électroménagères ou industrielles. Une grande
18
Revue Weleda 127
Hêtre en Forêt Noire.
Dessin à la plume
d’Henri Ulrich. Paru
dans Baumgestalten,
Editions Urachhaus,
Stuttgart, 1984.
Ecologie
partie des matériaux qui nous entourent sont
synthétiques : du faux bois, des arômes, des
odeurs, des couleurs artificielles ... Et pour
nous promener, nous munissons nos sens
de « prothèses » : appareil photo, jumelles
et lecteur mp3, au cas où le chant des oiseaux
serait trop monotone …
Que nous arrive-t-il ? Avons-nous encore les
pieds sur terre ou vivons-nous dans une bulle
virtuelle ? Comment nous réapproprier notre
expérience du monde ?
Les conséquences de cette situation sont
plus importantes qu’on le pense. D’une part,
nous avons tendance à appliquer à la nature les
règles issues du monde des machines, d’autre
part la difficulté à entrer en relation avec la
nature est devenue un tel problème que l’on
parle déjà de « syndrôme de déficit de nature »
aux Etats-Unis.
Les allergies croissantes à toutes sortes de
substances naturelles, au soleil, à l’eau, etc.,
constituent un autre symptôme de notre
éloignement de la nature. Quand mon corps
réagit de façon exagérée à une substance issue
de la nature, c’est qu’il ne parvient pas à la
« reconnaître ». Ainsi, il existe des bébés qui
ne supportent plus la moindre alimentation
naturelle, si bien qu’il faut les nourrir avec des
aliments totalement artificiels, comme des
cosmonautes ! Rendons-nous compte de ce
que cela veut dire : à peine né, un être humain
ne supporte aucun élément de cette terre sur
laquelle il vient d’arriver et qui est le substrat
de toute vie …
La nature n’est pas une marchandise
Aujourd’hui, il est courant d’opposer l’homme et la nature comme s’il s’agissait de deux
choses différentes. Ce point de vue occidental
est assez récent dans l’histoire de l’humanité.
L’ethnologue Philippe Descola montre que
nombre de peuples d’Amazonie considèrent
les plantes et les animaux comme des frères de
l’homme sans différence fondamentale.
Cette séparation de l’homme et de la nature,
qui a essentiellement débuté à la Renaissance
avec l’évolution des sciences, est allée de pair
avec une réification ou chosification de la
nature, c’est-à-dire la réduction des êtres vivants
à de simples objets. Déjà Descartes, au XVIIe
siècle, considérait les animaux comme des
machines. Cette conception a abouti à ce qu’on
appelle la marchandisation : tout est devenu
marchandise. Tout est à vendre : la terre, l’eau,
l’air, la lumière, les plantes, les animaux, à tel
point que l’on cherche aujourd’hui à évaluer le
prix de la nature pour la protéger car ce qui n’a
pas de prix n’a pas de valeur.
Cependant, c’est en se détachant de la nature
que l’être humain a pu s’individualiser. S’étant
progressivement, au cours des générations,
affranchis de la nature, puis de leur clan, de leur
famille, voire de leur peuple, nos ancêtres se
sont mis en quête de liberté individuelle. Profitant de ces acquis, chacun d’entre nous est, dans
une certaine mesure, séparé du reste du monde,
mais il bénéficie de la liberté de créer les liens
qu’il choisit avec les hommes et la nature. Les
mouvements d’émancipation de l’être humain
(féminisme, antiracisme, anticolonialisme,
etc.), issus de ce processus d’individualisation,
se sont finalement étendus à des mouvements
de protection de la nature. L’être humain a
extrapolé l’exigence du respect des droits de
l’homme à ceux des autres êtres vivants que
sont les plantes et les animaux. Aujourd’hui,
nous naissons sans ce lien instinctif à la nature
qu’avaient nos lointains ancêtres. Elle nous est
étrangère, surtout à nous, habitants des villes.
Pour retrouver ce lien et le cultiver, il nous faut
le vouloir consciemment.
On ne protège que ce qu’on aime
Réapprenons cette faculté essentielle : l’étonnement.
20
Revue Weleda 127
De plus en plus de personnes, généralement
regroupées dans des associations de protection
de la nature, s’engagent de façon délibérée
à préserver des biotopes, des plantes et des
animaux. Ce phénomène a débuté il y a environ
un siècle. Cette aspiration s’exprime aussi à
travers l’actuelle profusion de magazines, films,
séjours nature, etc. Le bio est très à la mode, et
Nature Deficit
Disorder :
une génération
en manque
de nature
Dans son livre The Last Child in the
Woods*, le journaliste et éditorialiste
américain Richard Louv fait un troublant constat : de nombreux enfants,
trop peu en contact avec la nature,
souffriraient du « nature-deficit dis­
order », autrement dit d’un trouble
déficitaire lié à une carence en nature.
Études scientifiques et interviews de
parents et d’environnementalistes
à l’appui, il démontre les vertus du
simple fait d’être dehors. Son livre est
un vibrant plaidoyer pour un contact
régulier et durable avec la nature.
Pour en savoir plus : www.espaces.qc.ca/espaces/
html/rencontres/rencontres38.shtml
*Paru en américain chez ALGONQUIN BOOKS OF CHAPEL,
en 2006.
pourtant, la destruction de la nature continue.
Où est le problème ?
Un premier constat : les résultats d’enquêtes
sur l’effet des politiques d’éducation à l’environnement, débutées il y a une trentaine d’années,
ont montré qu’il ne suffit pas d’expliquer aux
citoyens, à grand renfort de vulgarisation
scientifique, à quel point la nature est complexe,
fragile, et qu’il faut la protéger. C’est-à-dire qu’il
ne suffit pas de savoir pour vouloir changer
son comportement. Chacun d’entre nous, s’il
est honnête avec lui-même, sait très bien ce
qu’il faudrait faire pour améliorer la situation
écologique sur la planète. Mais, cherchons en
nous-mêmes : qu’est-ce qui nous incite vraiment
à changer de manière d’être et d’agir ? En général,
l’élément déclencheur est un événement qui
nous a touché au fond du coeur, la rencontre
inopinée avec un être vivant, plante ou animal,
avec lequel nous avons su entrer en contact.
Il peut arriver que l’on se soucie beaucoup
Revue Weleda 127
21
Ecologie
Observer la
nature comme
Goethe : partir
des phénomènes
Au cours des 5 derniers siècles, en marge du courant dominant de la science
matérialiste, un courant de penseurs
s’est attaché à l’étude du vivant selon
une approche non réductionniste. L’un
des grands noms de cette mouvance est
Goethe, qui, au XVIIIe siècle, développa
une méthode d’observation phénoménologique fine et différenciée :
partant des phénomènes, il observait
une roche, une plante ou un animal
selon des approches différentes, et
sans jamais projeter dessus un modèle
scientifique préétabli. Une plante ne
se réduit pas à un mécanisme capable
de produire de la chlorophylle à partir
de la lumière solaire. Pour découvrir ce
qu’elle est réellement, il faut observer
comment elle déploie la richesse de ses
formes à travers tous les stades de son
développement. Elle ne se révèle que
dans la durée, comme une partition
musicale.
Cette approche du vivant a été développée par tout un courant de pensée
aux XVIII e et XIXe siècles. En Allemagne, on peut citer Herder, C. G.
Carus, Novalis et tout le courant de la
« Naturphilosophie » ; aux Pays-Bas,
Louis Bolk ; dans les pays nordiques,
Steffens. En France, certains auteurs
romantiques comme Rousseau et Georges Sand ou des scientifiques comme
Geoffroy St Hilaire se sont rapprochés
de cette recherche. Aux Etats-Unis,
des philosophes et naturalistes de la
même lignée ont fondé le groupe des
transcendantalistes, avec notamment
Emerson et Thoreau, qui ont écrit des
pages splendides sur la nature.
A la fin du XIXe siècle, Rudolf Steiner se
consacra à l’étude des travaux scientifiques de Goethe, pour en expliciter
la méthode, ce qui fit l’objet de publications comme par exemple « la métamorphose des plantes »*, Aujourd’hui,
des scientifiques comme les anglais
Rupert Sheldrake et Henri Bortoft et
l’allemand Wolfgang Schad s’inspirent
de la méthode goethéenne pour élargir
leur champ d’investigation au-delà des
méthodes analytiques.
* Editions Triades, Paris
22
Revue Weleda 127
plus d’une simple plante d’appartement avec
laquelle on a tissé un lien que des nombreuses
autres plantes de la forêt tropicale, que l’on sait
menacées, mais que l’on ne connaît pas.
Réapprendre à créer des liens avec la nature,
telle est la condition d’une réelle attitude écocitoyenne, librement choisie. Il ne suffit pas
de comprendre avec la tête , il faut aussi sentir
avec le cœur. St Exupéry n’a-t-il pas dit : « on
ne voit bien qu’avec le coeur » ?
Eco-attitude : prise de conscience
individuelle ou règles imposées ?
Je veux évoquer ici une nouvelle tendance,
que l’on appelle l’éco-attitude. Bien entendu,
plus il y aura de consommateurs responsables
et respectueux de la planète dans leurs gestes
et attitudes au quotidien et mieux notre Terre
s’en portera. Bien entendu, il est bon d’être
informé sur les bonnes habitudes à prendre.
C’est ainsi qu’au nom de l’éco-attitude, on voit
fleurir une multitude de conseils et de directives
en tout genre, partant généralement d’une
bonne intention : éteignez la lumière, baissez
le chauffage, faites ceci, faites cela. Mais quelle
image de l’homme se cache finalement derrière
cela ? Faut-il que nous soyons littéralement
dressés pour devenir éco-responsables ? Les
actes éco-citoyens doivent-ils être imposés
par des lois, des règles, ou choisis librement ?
De nos jours, la tendance forte de l’éducation
à l’environnement est le ton de l’autorité, du
commandement. Même si l’information et
certaines obligations sont utiles et nécessaires,
en allant jusqu’au « dressage », on rabaisse
l’humain à l’animal. Ne l’oublions pas : dans
« éco-responsable », il y a responsable.
Il nous faut donc trouver une méthode
nous permettant de nous relier activement à la
nature pour que, peu à peu, nous nous sentions
responsable d’elle.
Auprès de mon arbre…
Choisissez un grand arbre et mettez-vous à
l’observer. En étant honnête avec soi-même, on
se rend compte que seul devant son arbre, on ne
sait pas vraiment comment établir un lien. La
Observer le vivant en élargissant
notre champ de vision
Biodynamis, la revue de l’agriculture, du jardinage et de l’alimentation bio-dynamique
en France, a consacré son hors-série n°5 à l’observation du vivant selon la méthode de
Goethe. Elle s’applique aussi bien à la botanique et la zoologie qu’à la géologie et la
météorologie, comme l’évoquent les auteurs de cet ouvrage. Au sommaire :
•Goeffroy Saint-Hilaire et Goethe - la naissance
de l’idée de l’évolution des espèces ;
•L’approche goethéenne – vers un partenariat
avec les êtres de la nature ;
• Quelle importance a, pour nous, la terre ?
•La lune, cet astre si contradictoire ;
•La météorologie et les 7 processus de vie ;
• Introduction à l’approche de la nature
selon Goethe ;
•Les animaux domestiques – une autre façon
de les regarder
•L’évolution des animaux
•Le développement de l’enfant et l’évolution
du règne végétal…
Des contributions originales et non conformistes,
qui élargissent notre champ de vision sur cette
nature qui est le substrat de notre vie. Pour les
passionnés de nature et les curieux de nature.
O bs e rv e r le v i va nt, 80 pages, peut être commandé sur la
boutique en ligne de www.bio-dynamie.org ou par courrier au
Mouvement de Culture Bio-Dynamique (cf adresse page 24).
Son prix : 5 € + 3 € de frais de port.
nature ne nous parle plus directement comme
c’était encore le cas pour Paracelse, qui lisait
le « langage de la nature ». Le grand écrivain
allemand Hermann Hesse décrit ce fait dans un
très beau texte en hommage à Goethe : « d’autres
époques, des époques anciennes à la conquête
de la terre par la technique et l’industrie, ont
été sensibles à la merveilleuse langue des
signes de la nature, l’ont comprise et ont su
la lire plus simplement et plus innocemment
que nous. Cette sensibilité n’était absolument
pas sentimentale. Le rapport sentimental de
l’homme à la nature est relativement nouveau ;
peut-être n’est-il né que de notre mauvaise
conscience vis-à-vis d’elle … » 1
Alors, comment faire ? Devant mon arbre,
un certain nombre d’idées toutes faites me
viennent à l’esprit, selon mon niveau de formation scientifique et mon intérêt personnel :
son nom, le fait que ses feuilles servent à la
photosynthèse, des schémas de molécules,
etc. Mais tout cela ne m’aide guère à me relier
à l’arbre concret qui est devant moi, ici et
maintenant. Pour véritablement « rencontrer »
la nature, il me faut d’abord me libérer de tous
les modèles intellectuels qui encombrent ma
tête. Je dois créer un espace ouvert en moi pour
accueillir ce que « dit » cet arbre à mes sens. Et
il me faut réapprendre cette faculté essentielle :
l’étonnement. Laissons à nouveau la parole à
Revue Weleda 127
23
Ecologie
Hermann Hesse : « les choses commencent
avec l’étonnement et finissent aussi avec lui,
et pourtant le chemin parcouru n’est pas vain…
Chaque fois que j’appréhende par le regard
ou un autre sens une fraction de la nature,
qu’elle m’attire ou m’envoûte, qu’un instant
j’en découvre l’existence, qu’elle se révèle à
moi, … je ne fais rien d’autre que m’étonner
à la manière de Goethe … » 1
Ainsi, tous mes sens en éveil, je découvre
de multiples aspects de l’arbre observé : la
compacité du tronc, sa densité, la rugosité de
l’écorce, le mode de ramification des branches,
l’épaisseur des rameaux, l’implantation des
feuilles, leur forme, leur couleur …
Dans un deuxième temps, je peux essayer
de recréer intérieurement l’image de l’arbre
en me remémorant toutes mes perceptions.
En répétant régulièrement ces observations
au fil des saisons et même au fil des années, je
ferai l’expérience concrète de la croissance de
l’arbre. Et, pas à pas, je me lierai toujours plus
intimement à cet arbre ; j’aurai l’impression
d’avoir fait connaissance avec un être qui vit,
et plus seulement une chose. Je commencerai à
le saisir de l’intérieur, à comprendre sa nature
profonde … Ainsi, au lieu de se dissoudre dans
un univers cérébral et froid, fait de représentations, de définitions, et de formules chimiques,
mon arbre prendra toujours plus de relief, de
texture, de couleurs, en bref, de vie …
Des stages d’initiation
Pour vous initier à cette
méthode d’observation
sensible de la nature, vous
pouvez aussi suivre l’un
des stages qu’anime JeanMichel Florin, conférencier
et Rédacteur en chef de la
revue Biodynamis.
Pour toute information complémentaire : Mouvement de Culture
Bio-dynamique - 5, Place de la
Gare - F 68000 COLMAR - Tél :
03 89 23 35 49 - Fax : 03 89 24 27 41
www.bio-dynamie.org
[email protected]
Et finalement, si je poursuis ces observations
régulièrement, comme le Petit Prince de Saint
Exupéry avec sa rose, je me sentirai lié à cet arbre
que j’aurai « apprivoisé » et je m’en sentirai
responsable. Pour véritablement respecter la
nature, il faut recréer des liens avec elle ; des
mots d’ordre et des lois n’y peuvent suffire.
Se régénérer par la rencontre avec
la nature
Ce faisant, on se rend compte que cette
rencontre active, sensible, avec la nature apporte de multiples bénéfices : elle renforce le
sentiment d’exister sur terre, nourrit et vivifie
nos organes des sens hypersollicités, sacrifiés
par la civilisation moderne .
Cultiver sa faculté d’étonnement et d’émerveillement enrichit notre vie intérieure, et
elle est bénéfique pour notre équilibre psychique. On se « pose », on s’apaise : c’est ici et
maintenant, on prend le temps, on goûte au
moment présent, intensément. On cesse pour
un moment de courir après le temps perdu …
En redécouvrant les rythmes de la nature,
du cycle des saisons, on se ressource et l’on
percevoit la réalité du temps qui s’écoule avec
ses multiples nuances.
Avec le temps, il arrive qu’une telle démarche éveille de nouvelles sensations, un écho
intérieur : je sens que ce que je perçois dans
la nature « extérieure » a quelque chose à voir
avec ma nature « intérieure ». Comme le dit si
bien le philosophe anglais Samuel Coleridge :
« en regardant les objets de la nature, il semble
que je cherche, que je demande en quelque
sorte un langage symbolique pour quelque
chose en moi qui existe déjà et pour toujours
plutôt que d’observer quoi que ce soit de
nouveau. »2. Ainsi je me sens moins coupé du
monde avec lequel je crée des liens. Le chant
printanier de la mésange, le bleu intense du
bleuet, l’évanescence des petits nuages blancs
commencent à me parler.
Je découvre que la Nature se dévoile comme
un être qui se développe dans le temps.
1. Hesse Hermann, Brèves nouvelles de mon jardin. Calmann-lévy 2005
2. Samuel Coleridge, Carnets Belin 1987.
24
Revue Weleda 127
« L’on va dans les étoiles mais on ne sait toujours pas ce qui se passe au bord du talus »
Jean Giono
Sorties Nature : comment observer ?
Voici quelques idées pour se relier à la nature seul, en
famille ou entre amis, issues des stages et activités pédagogiques
de Jean-Michel Florin.
• Un coin de nature
Choisissez un endroit près de chez
vous pour pouvoir y retourner régulièrement. Cela peut être ce que vous voyez
de votre fenêtre. Observez ce même
lieu pendant une demi-heure chaque
mois. Pour cela, oubliez tout ce que
vous savez, abandonnez tout préjugé,
regardez d’un œil neuf les formes et les
couleurs, comme si vous contempliez un
tableau impressionniste. Contemplez
la richesse des couleurs, les différentes
nuances de vert …
Un moyen très simple est de dessiner
ce paysage : avec de l’aquarelle, des
crayons, des pastels … Cela oblige à mieux
regarder. Une simple esquisse suffit. Pas
doué ? Cela n’a pas d’importance, c’est ce
qui se passe en vous qui importe.
Rafraîchissez votre vue : de temps
à autre, fermez les yeux, faites l’effort
de vous rappeler ce que vous avez vu
pendant quelques instants, puis regardez
à nouveau. Au bout d’une année, vous
regarderez votre coin de nature d’une
toute autre manière.
• la croissance d’une plante
Choisissez une plante sauvage au
début du printemps : dans un coin du
jardin ou même dans une jardinière (si
vous vivez en ville). Observez-la régulièrement, chaque semaine, en l’esquissant
et surtout en faisant l’effort de vous
souvenir à chaque fois de son aspect
au stade précédent. Vous serez étonné :
tiens, la croissance s’accélère, tiens elle
s’arrête de pousser, que se passe-t-il ?
Un bouton. Que va-t-il en sortir ? En
griffonnant des notes dans votre carnet
de croquis, sur le temps qu’il fait, l’état
du terrain, les plantes compagnes de
celle que vous observez, vous créerez
le journal de votre plante, que peu à peu
vous apprivoiserez.
Des croquis pour suivre l’évolution du paysage au fil des saisons.
Revue Weleda 127
25
Spécial main verte
C
Jardiner, c’est
établir une relation
avec la Nature.
MAINS
DE JARDIN
26
Revue Weleda 127
itadin, je ne m’étais jamais imaginé un jour faisant du jardinage.
Cela me semblait plutôt réservé
aux personnes d’un certain âge,
ayant acquis un savoir au fil des
années. Je me suis rendu compte avec le temps
combien je me trompais.
Pratiquer le jardinage, c’est s’ouvrir à un
monde jusqu’alors ignoré. C’est échanger avec
d’autres, se transmettre tout un savoir-faire et
un savoir-être. Chaque saison a ses rythmes
et ses gestes. Retourner la première fois son
coin de terre procure une vraie joie. Mais
avant d’arriver à cela, il aura fallu se poser
bien des questions : quelles seront la forme
et l’orientation de mon jardin? Que planter,
en quelle quantité ? Jardiner, c’est s’initier ;
une métamorphose s’opère malgré nous, une
intention positive, un engagement se prend
entre nous et la terre. Nous lui confions nos
graines et nos plants, nos maladresses et nos
erreurs. En retour, elle nous offre ses fruits, et
aussi une partie de nous-mêmes transformée.
Le jardinage n’est pas simplement faire pousser,
il nous fait grandir !
Jardiner, c’est établir une relation particulière avec la nature, faite d’équilibre et
d’harmonie. Pour respecter la terre, l’apprenti
jardinier apprend les techniques qui enrichissent naturellement le sol. Comme les anciens,
il choisit le bon moment pour ses semis,
plantations, tailles et greffes en fonction des
cycles planétaires, en particulier de la lune.
Bon nombre de jardiniers travaillant en biodynamie* constatent une nette amélioration
de la qualité du sol et des légumes ! Il y a
quelque chose de sensuel à travailler la terre.
C’est solliciter tous nos sens, être attentif au
temps, à ce qui se passe alentours … Ce matin,
tôt, un rouge gorge s’est posé délicatement à
côté de moi. Je n’osais plus bouger. Il voletait,
de motte en motte, me regardant, sa petite
tête de travers …
Faire son jardin donne aussi envie d’écrire :
le programme des cultures, le plan du jardin,
les futures rotations, les astuces transmises
par d’autres, des collages d’articles, des croquis…
A travers ce journal, qui narre la vie de notre
jardin, il devient aussi une part de nous-même,
et fertilise notre esprit.
Le jardin, c’est aussi la fête quand vient le
moment de la récolte. Il ne s’agit pas de cueillir
par brassées, mais de bien choisir ses légumes :
les plus beaux, les plus mûrs. La cueillette
est proportionnelle au besoin ; on prélève ce
que l’on consomme. Si tout est mûr, tout sera
conservé : confitures, conserves, entreposage au
frais. Rien ne sera gaspillé. Le jardinage amène
la mesure, pas la sur-consommation.
Je ne pensais pas qu’un simple jardin pouvait,
au fil du temps, nous communiquer autant de
sagesse. Travailler la terre, c’est se reconnecter
aux choses simples et vraies. Loin du virtuel,
on se relie à l’essence même de la vie.
Jean-Yves Udar
* Calendrier des semis : fruit de 50 années de recherche de Maria
Thun concernant l’influence du calendrier lunaire sur la croissance
des plantes, ce guide pratique donne des conseils avisés pour les
travaux au jardin selon les méthodes de la bio-dynamie. Il est édité
par le Mouvement de Culture Bio-Dynamique – 5, place de la Gare –
68000 Colmar - Tél : 03 89 24 36 41 - www.bio-dynamie.org
Crème aux Plantes médicinales Weleda
La passion du jardinage met-elle vos
mains à rude épreuve ? Essayez ce soin
réparateur et protecteur entièrement
naturel, concentré en extraits de plantes
médicinales (pensée sauvage, camomille,
romarin et calendula), dans une base
riche en huiles d’amande douce
et de tournesol et en cire d’abeille.
Pour en savoir plus : www.weleda.fr
Revue Weleda 127
27
Conseils : la rhinite allergique
Au secours, c’est le
printemps,
voilà le rh ume des foins !
Si vous souffrez de rhume des foins, vous
faites malheureusement partie de cette
catégorie de plus en plus nombreuse de
personnes que le retour du printemps,
au lieu de les réjouir, remplit d’une appréhension résignée. Mais la nature ne recèle
pas que des pollens. Elle nous donne également des plantes capables de soigner.
Texte : Dr François Hibou. Photos : René Uhlmann
L a rhinite allergique saisonnière, nom
médical du rhume des foins, est considérée comme affection bénigne. Et
pourtant elle « empoisonne », pendant de trop longues semaines tous les ans,
la vie quotidienne de ceux qui en souffrent,
par les éternuements incessants et épuisants,
les démangeaisons du nez, des yeux, de la
gorge, l’obstruction nasale complète gênant
la respiration, les troubles du sommeil, la
difficulté à se concentrer. C’est un médecin
homéopathe anglais, Charles H. Blackley, qui
découvrit le rôle déclenchant des pollens, à la
suite d’expériences minutieuses poursuivies
en solitaire de 1859 à 1877 dans sa maison
à la campagne près de Manchester. Atteint
lui-même de cette affection déjà connue à
cette époque sous le nom latin de « catarrhus
aestivus » (catarrhe estival) et en anglais sous
celui de « Hay fever » (littéralement « fièvre
des foins »), Blackley chercha à isoler quel
facteur précisément causait cette affection
dont il pouvait, dans une certaine mesure,
28
Revue Weleda 127
se protéger en respirant à travers une boîte
garnie de plusieurs couches de mousseline.
A l’aide d’adhésifs de surface déterminée, fixés
à différents supports, dont ses propres lunettes et un cerf-volant, il détermina le rapport
précis entre les quantités de certaines espèces
de pollens, en particulier de graminées, et les
symptômes dont il souffrait. L’histoire ne dit
pas s’il élabora un traitement homéopathique
du rhume des foins.
Un adulte sur cinq en France
Il fallut attendre le début du XXe siècle pour
que l’on commence à élucider le phénomène immunitaire de l’allergie, qui consiste à réagir de
plus en plus fort à une substance relativement
anodine en soi, au lieu de l’éliminer ou de s’y
habituer, comme on le fait par exemple vis-à-vis
d’une bactérie ou d’un virus. Les pollens n’ont
rien de toxique en soi, et la majorité des gens
les tolère très bien. Si ces particules naturelles
ne provoquent le rhume des foins que chez
certaines personnes, c’est donc qu’il doit y
avoir d’autres causes que les seuls pollens. Et
c’est bien ce qu’a depuis longtemps maintenant
confirmé la recherche. Les pays développés ont
vu depuis un demi-siècle une augmentation
spectaculaire du nombre de patients souffrant
d’allergies respiratoires (rhume des foins,
rhinite perannuelle ou asthme) : on considère
qu’actuellement près du tiers de la population
des pays à niveau de vie élevé est allergique,
alors que la proportion n’était que de 10 à 15%
il y a une vingtaine d'années … contre 1% au
début du XXe siècle. On estime que près d’un
adulte sur 5 en France souffre de rhume des
foins, une proportion que l’on retrouve à peu
près dans tous les pays riches. Est-ce donc la
richesse qui rend allergique ? John Bostock,
médecin anglais qui le tout premier décrivit
en détail (il en souffrait également lui-même)
le « catarrhus aestivus » en 1819, note que
cette affection ne touche que les personnes
de « classe moyenne ou supérieure », jamais
de classe pauvre. Presque deux siècles plus
tard, de très nombreuses études ont confirmé
que les allergies prédominent dans les pays
industrialisés à niveau de vie élevé, tandis
qu’elles sont quasiment absentes dans les pays
dits « en voie de développement ».
Les pollens n’ont rien de toxique en soi. Le fait
qu’ils provoquent le rhume des foins chez certaines personnes est lié à un terrain allergique.
Les facteurs de l’allergie
En dehors des pollens, de nombreux facteurs contribuent individuellement au terrain
allergique. Les plus connus sont la pollution
atmosphérique et le tabagisme actif ou passif.
On connaît moins d’autres facteurs qui jouent
dès l’enfance : l’absence d’allaitement maternel,
la prise d’antibiotiques dans la première année
Revue Weleda 127
29
Respirez en toute liberté !
Conseils : la rhinite allergique
Un système immunitaire mal préparé
et sur-sollicité
L’une des théories actuellement en faveur est
la théorie « hygiéniste » : les maladies infectieuses « classiques », fébriles, éduquent le système
immunitaire. En leur absence, le système
immunitaire se développe de façon biaisée,
donnant naissance, très tôt dans l’existence,
au terrain dit « atopique », ou allergique. Ce
terrain repose sur le fait que le système immunitaire est en quelque sorte « sur-informé » et
développe des modes de défense sophistiqués
(des anticorps hyperspécialisés, appelés IgE) en
30
Revue Weleda 127
réponse à des substances d’apparence anodine
qu’il est incapable de détruire. Ce mode réactionnel présente une forte analogie avec notre
civilisation elle-même, qui réagit par la peur
et des réactions inadaptées à une profusion
d’informations que nous ne pouvons digérer.
Rhinodoron
CE
spray nasal
Au départ, un terrain allergique
Il est également significatif que la rhinite
allergique saisonnière ne survient pas complètement à l’improviste : elle est souvent le
résultat de l’évolution d’un terrain allergique
qui a débuté dès l’enfance, et qui se déroule
typiquement en trois actes. Le premier est le
plus souvent l’eczéma atopique ou « dermatite
atopique du nourrisson ». Fréquemment déclenché par des aliments, il peut aller de simples
« plaques » de peau sèche, jusqu’à recouvrir
la quasi-totalité de la peau. Le deuxième acte
apparaît vers 3 à 4 ans, lorsque dans environ
30% des cas, l’eczéma se métamorphose en
asthme ou en « bronchites asthmatiformes »
qui en sont une forme; l’allergène ne se trouve
alors plus à l’intérieur du corps mais dans
l’environnement immédiat : les acariens ou les
moisissures de l’habitation sont fréquemment
en cause. Le troisième acte est le rhume des foins.
Il commence classiquement aux alentours de la
puberté, parfois bien plus tard, vers la trentaine
ou la quarantaine, quoiqu’avec l’épidémie
actuelle on en voie aussi apparaître des cas chez
des enfants de plus en plus jeunes. Il s’agit en
quelque sorte d’une spécialisation du terrain
allergique au niveau des muqueuses du nez et
des yeux, qui sont des muqueuses liées à des
organes des sens. Les allergènes déclenchants
sont maintenant localisés dans l’atmosphère
extérieure à l’habitation : ce sont les pollens d’arbres ou de fleurs, que l’être humain rencontre
alors que, naturellement, avec l’allongement de
la durée du jour, les premiers rayons de soleil,
l’éclosion des fleurs, des papillons, il tourne ses
sens vers la nature extérieure à nouveau active
dans un tourbillon de vie. La nature « explose »
et l’organisation neurosensorielle de l’être
humain, excitée par les conditions extérieures,
est alors particulièrement sensible à l’action
,
à l’Aloé vera
d’origine biologique
Humidifie les muqueuses
et nettoie les fosses nasales
Sans conservateur,
sans gaz propulseur
DM09/01
de vie, la diversification alimentaire précoce,
le lait homogénéisé (à la différence du lait
de ferme frais), une alimentation pauvre en
« oméga-3 ». Il faut encore ajouter le stress sous
toutes ses formes, depuis les inquiétudes et les
soucis de la mère pendant sa grossesse jusqu’au
téléphone portable qui vous fait sursauter en
sonnant inopinément. Cependant aucun de
ces facteurs pris isolément n’explique cette
augmentation massive des allergies. Il n’y a que
peu d’allergiques dans les mégapoles hyperpolluées du « tiers-monde » et, inversement, les
enfants des pays développés vivant en milieu
rural ne sont pas globalement moins allergiques
que les petits citadins.
C’est véritablement le mode de vie contemporain dans les pays riches dans son ensemble,
qui crée le terrain propice au développement
des allergies. A contrario, dans une étude* réalisée en Suède, qui fit en son temps un certain
bruit, il fut démontré que des enfants élevés
dans un style de vie qualifié par les auteurs
d’« anthroposophique » (ayant un plus faible
taux de vaccination que les autres enfants,
moins de prescription d’antibiotiques, un
plus fort taux d’allaitement maternel, une alimentation plus fréquemment biologique, une
scolarisation dans une école Steiner) avaient
un plus faible taux de terrain allergique que des
enfants vivant au même endroit mais avec un
mode de vie « standard ». On sait également
que les enfants vivant en compagnie d’animaux
de la ferme présentent moins d’allergies.
Dispositif médical
Demandez conseil à votre pharmacien
Revue Weleda 127 31
Conseils : la rhinite allergique
des pollens. Tout se passe alors comme si, en
réponse à l’explosion de la végétation et des
pollens dans la nature extérieure, l’être humain
répondait à cette provocation par ses propres
réactions explosives.
Une thérapie globale personnalisée
La médecine anthroposophique considère
l’être humain dans sa totalité, notamment dans
sa relation globale avec son environnement. La
façon d’envisager le diagnostic en découle, ainsi
que la thérapeutique. Comme dans d’autres
courants de médecine naturelle, le traitement
de fond de la rhinite allergique en médecine
anthroposophique prend en compte, par des
médicaments et des mesures spécifiques, le
terrain constitutionnel du patient, son état
d’intoxication ou de surcharge digestive, ainsi
que l’importante dimension du stress. Mais le
point central du concept du traitement repose
sur la prise en compte de cette dynamique
singulière du rhume des foins : au niveau
d’organes normalement dédiés à la perception,
c’est-à-dire à l’intériorisation (les yeux, le nez),
l’être humain manifeste de façon anormale une
extériorisation centrifuge explosive : inflammation, éternuements, sécrétions. Si l’on veut
rétablir le fonctionnement normal des organes
des sens, il faut, en l’exprimant de façon imagée,
inverser le courant et ramener tous ces liquides
vers l’intérieur. On va donc rechercher dans la
nature des plantes ou des parties de plantes
exprimant un processus d’intériorisation qui
s’oppose au processus centrifuge de la fleur
productrice de pollen, tout comme au processus
centrifuge du rhume des foins. On trouve par
exemple cette dynamique dans le citron.
Citron et coing contre le rhume des foins
Le peintre de la renaissance Arcimboldo
représente la saison d’hiver par un personnage
grincheux formé d’une vieille souche portant en
guise de cheveux quelques branches de lierre.
Le bijou qu’il porte en sautoir n’est autre qu’un
citron. Ce fruit qui effectivement mûrit en hiver
représente bien par ses caractéristiques ce geste
d’antipathie vis-à-vis du monde extérieur. Quel
contraste avec le printemps aimable et souriant.
Et en effet, le citron se construit en quelque
sorte en s’excluant de son environnement
méditerranéen chaud et ensoleillé, par une
épaisse écorce protectrice : le zeste, riche en
graisses et en huiles essentielles forme un
cuir imperméable, tandis que le « blanc » est
constitué d’une sorte de mousse isolante. A
l’intérieur, à l’abri de l’air, se développent en
direction du centre, les sacs qui accumulent
le jus acide dépourvu d’arômes et de sucres.
Arrivé à maturité en hiver, le citron peut rester
sur l’arbre pendant des mois. Une fois cueilli,
il laisse son écorce se dessécher et durcir
superficiellement, gardant son jus intact à
l’intérieur. On y associe un extrait de coing, fruit
présentant des caractéristiques comparables à
celles du citron. Bien que contenant comme les
autres fruits charnus plus de 80% d’eau, le coing
cru donne, lorsque l’on en pose un morceau
sur la langue, une désagréable impression
d’astringence et de sécheresse. La dynamique
d’absorption des liquides que cela manifeste
en fait un complément du citron. En médecine
anthroposophique, on utilise depuis plus de 80
ans le citron et le coing dans le traitement du
rhume des foins. Des extraits à différents degrés
de dilution sont utilisés, soit par voie locale
dans un but de soulagement des symptômes
(Gencydo®, vendu en pharmacie), soit éventuellement par voie injectable sur prescription
médicale dans le cadre du traitement de fond.
Ainsi, lorsque notre organisme montre trop
d’« empathie » avec les épanchements de la
32
Revue Weleda 127
* Alms JS et al. Atopy in children of families with an anthroposophic
lifestyle. Lancet. 1999 May 1;353(9163):1485-8
Vous souffrez du rhume des foins ?
Si vous vous soignez avec
des médecines naturelles,
prévoyez une consultation
chez votre médecin pour
un traitement de fond plusieurs semaines avant la date
prévisible de vos allergies.
Demandez conseil à votre
• médecin
ou votre pharmacien. Il existe des traitements
homéopathiques de la rhinite
allergique comme Gencydo®
Si vous toussez ou êtes gêné
pour respirer, il est impératif
de consulter votre médecin
car il peut s’agir d’asthme
allergique.
Pour éliminer les particules
• allergisantes,
nettoyez le nez
en pulvérisant Rhinodoron®
dans chaque narine 2 à 6 fois
par jour.
L’hiver, peint par Giuseppe
Arcimboldo en 1573, exposé
au Musée du Louvre. Il porte
des citrons au cou.
nature à la belle saison pouvons-nous faire appel
aux propriétés contraires, également tirées
de la nature. Des fruits que nous ressentons
intuitivement comme « antipathiques », tels
que le citron et le coing, recèlent dans leurs
constituants la dynamique de concentration
et d’intériorisation qui est utilisée en thérapeutique contre le rhume des foins. Avec cet
exemple, la nature nous montre une de ses lois
générales : certains processus naturels sont
apparentés à certaines pathologies humaines,
mais les processus inverses sont également
présents dans la nature, et l’on peut les utiliser
en thérapeutique.
Suivez la « météo
•pollinique »
de votre région
et les cartes nationales
(par exemple sur le site du
Réseau National de Surveillance Aérobiologique :
www.pollens.fr/accueil.php)
Les allergies de fin d’hiver ou
début de printemps sont liées
aux pollens d’arbres (cyprès,
aulne, noisetier, bouleau,
chêne), les graminées arrivent
vers mai-juin.
des lunettes de soleil
• afinPortez
de limiter le contact des
pollens avec les yeux.
Aérez brièvement votre
• habitation,
de préférence en
l’absence de vent.
Dormez en gardant les
• fenêtres
fermées, pour éviter
l’apport d’air extérieur en fin
de nuit (vers 4 et 5 h).
vous partez en congés
minimiser les pol• auSiprintemps,
• lensAfindansde votre
optez pour un
chambre à
séjour à la mer ou à la montagne, où le pollen est moins
abondant.
Une taille rigoureuse des
• haies
de cyprès, ainsi que
la tonte à ras de votre pelouse
(à faire effectuer par une
personne non allergique !)
minimise les productions de
pollens (cyprès, graminées)
coucher, laissez les vêtements
à l’extérieur, et faites une toilette complète (cheveux compris) avant de vous coucher.
Veillez à équilibrer votre
• alimentation
et votre flore
intestinale. Le rhume des
foins est souvent aggravé par
des allergies alimentaires
simultanées.
Limitez les causes de stress
ou faites
• et détendez-vous
• duPromenez-vous
pour mieux
sport quand l’air contient
moins de pollens, par exemple après la pluie.
vous protéger contre les
agressions extérieures.
Revue Weleda 127
33
Initiative
Cours de massage du bébé pour
les auxiliaires de puériculture.
Le massagE DU Bébé
Depuis trois ans, l’Institut Régional de Formation en Puériculture de
Strasbourg intègre dans la formation de ses élèves une demi-journée
consacrée au massage du bébé. Cette formation est assurée par Isabelle
Gambet Drago, masseur kinésithérapeute, à l’initiative de Weleda.
Texte : Félicie Caugek. Photos : Pascal Bastien
O
n va faire en 3 heures ce qu’on apprend
normalement en deux jours. L’idée est de
vous donner une approche de ce qu’est le
massage du bébé pour que vous puissiez ensuite faire
votre chemin ». Face à la formatrice, une trentaine
d’élèves auxiliaires de puériculture -toutes des
femmes-, certaines très jeunes, d’autres déjà
mères de famille. « Moi je suis maman de 4 enfants
âgés de 6 à 11 ans et je les masse depuis qu’ils sont nés !
Et vous, est-ce que vous avez des enfants ? Est-ce qu’il
vous arrive de les masser ? », Petits sourires dans
l’assemblée, haussements d’épaules … Isabelle
Gambet Drago entre dans le vif du sujet avec
simplicité et complicité. Son cours n’est surtout
pas l’énoncé magistral d’une technique, il
s’adapte au public concerné. Toutes ces femmes
réunies ont sûrement un vécu à raconter. « Il y a
quelques années on n’entendait pas parler de massage
du bébé. Comment voyez-vous cela aujourd’hui ? Un
effet de mode, une redécouverte ? » Une élève se
34
Revue Weleda 127
lance : « Moi j’ai une fille de 16 ans et à l’époque
où elle était petite on en parlait déjà un peu ». Une
autre : « et puis aujourd’hui on parle beaucoup
plus de la relation mère-enfant ». Et encore : « si
le massage fait du bien aux adultes, pourquoi ça ne
ferait pas du bien aux enfants ? ». La discussion est
engagée. « C’est vrai, le massage des adultes prend
de plus en plus de place : on a besoin de se réconcilier
avec le corps. Cela est lié au stress, à notre mode de
vie. On assiste à une redécouverte du massage et
quand le massage touche les mamans, elles ont envie
de faire la même chose avec leur bébé », poursuit
la formatrice.
Une histoire du massage
Cette réalité mérite un détour par l’Histoire :
du Moyen-âge imprégné d’une culture de la
transmission du massage à l’intervention de
l’Eglise qui voit d’un mauvais œil la présence
des petits garçons aux bains publics avec leur
mère … A l’époque de la Renaissance le massage
dit « spontané » disparait avec l’arrivée de la
médecine : il y a désormais des savants et des
incultes ... Voilà donc des parents « ignorants »
pour qui l’intuition n’est plus une référence,
ils ne cherchent plus la réponse chez eux mais
auprès du médecin. Pourtant, le massage
c’est précisément ce qui aide les parents à se
rassurer. « Le toucher est accessible à tout le monde
et c’est vous qui êtes les mieux placées pour le dire,
parce que c’est à vous que les mamans vont s’adresser
en maternité. Vous avez le privilège et le rôle de leur
dire : faites-vous confiance, vous savez ! », affirme
la kinésithérapeute.
Massage contenant, massage glissant
Des mains posées sur des ballons, des doigts
qui cherchent la bonne position… « Détendus, les
doigts ! Il ne doit pas y avoir de creux dans la paume
de la main ! » Etonnante scène de recherche
d’équilibre : les élèves apprennent à poser la
main sur un corps de bébé. Le ballet est coloré
comme une fête d’anniversaire. « Pensez à
détendre le bras, le poignet doit être souple ». Suite
de l’exercice : passer le ballon d’une main à
l’autre. Que se passe-t-il si on le fait vite ? « Ca
effraie », dit une élève, « on est moins sûre et ça
empêche de respirer ». Comme une musique
où il n’y aurait pas de silence. « Quand vous
massez le bébé, le rythme est très important. Il y a
le moment où on lui donne une information et le
moment où il l’absorbe. Si on va trop vite on stresse
le bébé au lieu de le détendre. » Isabelle Gambet
Drago avance par petites touches dans son
enseignement. Elle distille délicatement et
par l’expérience l’essence même du massage,
le toucher avec bienveillance.
Et la pression ? Quelle pression doit-on exercer
sur le corps d’un nourrisson ?
« Légère ! dit une élève
Revue Weleda 127
35
Initiative
Interview de Nicole Dreyer, directrice de
Elles jouent encore à la poupée : juste
le temps d’apprendre les bons gestes pour
masser les bébés.
– Oui mais légère comment ?
– Comme des caresses
– Des caresses ? Essayez de masser votre bras du
bout du doigt, ça chatouille ! Faites pareil avec la
paume de la main, c’est plus agréable : c’est comme
cela qu’il faut masser. La bonne pression, c’est celle
qu’on exerce en fin de grossesse lorsqu’on pose
ses mains sur le ventre. Vous voyez, c’est quand
même lourd ! »
Encore un exercice. Sans ballon cette fois.
On offre une pression avec la main, dans
le vide. Il faut ressentir la masse présente.
« On sent la chaleur ! », s’exclame une élève.
– Et c’est quoi cette chaleur ?
– Du magnétisme, de l’énergie …
– Et pourquoi je vous fais travailler cela
aujourd’hui ?
– « Parce que masser, c’est donner. » Une autre
élève : « On donne et on prend aussi ».
Isabelle Gambet Drago : « oui ! Masser, c’est
échanger de l’énergie. Le bébé a besoin de chaleur et
le massage commence avant le toucher. Avant même
de toucher bébé on est déjà en communication avec
lui. Cela se joue dans l’intention qu’on a. Le but n’est
surtout pas de pomper l’énergie du bébé. Alors, à
votre avis, quelle est l’importance du toucher ? »
Les réponses fusent : « C’est vital ! », « Ça
permet de connaître les limites de son corps ! »,
« Ça rassure ! »
36
Revue Weleda 127
– « C’est vrai, on va développer une communication entre celui qui reçoit et celui qui donne.
C’est vraiment l’essentiel à retenir pour le massage
du bébé. Il a encore d’autres effets bénéfiques : apaiser, améliorer le sommeil et la digestion, développer
les défenses immunitaires et la fonctionnalité
des organes ».
Voilà les élèves stimulées elles aussi par un
cours dense et captivant. « Mais si on masse mal,
on ne risque pas de faire du mal au bébé ? »
– Non, rassure la formatrice, si on donne avec le
cœur il n’y a pas de risque. C’est mieux si on a une
bonne technique mais le plus important c’est d’être
présent. Le risque c’est de trop masser et de saturer
le bébé, ça le rend nerveux et l’effet est inverse.
– Quel est le meilleur moment pour faire
un massage ?
– Théoriquement 1h30 après le repas et à un
moment où le bébé est réveillé. Dans la réalité
chacun s’adapte !
l’Institut Régional de Formation en Puériculture (IRFP) des
Hôpitaux Universitaires de Strasbourg depuis 1975.
L’IRFP de Strasbourg est l’un des instituts en France à former au Diplôme d’Etat
d’infirmière puéricultrice (spécialisation) et au Diplôme d’Etat d’auxiliaire de
puériculture (formation initiale). Dans les deux cas, la formation dure une
année et s’adresse à des professionnels qui travailleront auprès des enfants et
de leur famille, depuis la naissance jusqu’à l’adolescence, aussi bien en secteur
hospitalier (maternité, néonatologie, pédiatrie, pédopsychiatrie…) qu’en secteur
extra hospitalier (Protection Maternelle et Infantile, santé scolaire, Aide sociale
à l’enfance, structures d’accueil de la Petite Enfance, crèches, multi accueils …)
D
Poupées et doudous
Pour la dernière partie du cours, les ballons
sont laissés de côté. Les poupées surgissent des
sacs, quand ce ne sont pas de grands doudous
en forme d’éléphant ou de personnages de
dessins animés ! Des supports originaux pour
une étape pratique qui commence par les
manipulations précédant le massage. « Si on
est à l’aise pour prendre bébé, le déshabiller,
on est à l’aise pendant le massage. Sortir bébé
de son lit, c’est déjà du massage », affirme la
kinésithérapeute. Isabelle Gambet Drago révise
ces petits gestes qui font appel aux réflexes
physiologiques du bébé avant de dévoiler la
« position magique* », un face à face avec le
bébé qui permet de demander à l’enfant s’il
est prêt pour un massage. Les gestes précis du
massage lui-même sont abordés rapidement.
Juste une évocation pour ouvrir un champ d’apprentissage. Libre à chaque élève de pousser
plus loin son désir de connaissance et l’envie
de transmettre à son tour cette confiance qui
doit revenir aux parents.
* à découvrir dans le guide du massage bébé, disponible gratuitement sur www.weleda-bebe.fr (rubrique conseils).
Nicole Dreyer, directrice de l’Institut
Régional de Formation en Puériculture
de Strasbourg, seul institut de France à
en­seigner le massage du bébé. Le toucher
est considéré comme une clef essentielle
du lien d’attachement mère-enfant.
epuis deux ans les élèves de votre
institut bénéficient d’un cours
sur le massage du bébé. Cet enseignement est spécifique à l’institut de
Strasbourg. Comment en êtes-vous arrivée à proposer ce module aux élèves ?
C’est la suite logique d’une réflexion qui a
commencé dans les années 70. Dès cette époque,
nous avions pris conscience que l’enfant doit
être respecté en tant qu’être humain et qu’il
était indissociable de son histoire, de sa culture
et de son environnement. Ainsi les parents
prenaient une place centrale et ils étaient
reconnus comme les premiers éducateurs.
Il faut se replacer dans le temps – aujourd’hui,
cela paraît une évidence – mais en 1970, les
enfants étaient passés par les « guichets »
pour entrer en crèche, les enfants hospitalisés
avaient droit à 2 fois deux heures de visite des
parents par semaine et souvent derrière des
vitres : l’enfant était un corps à soigner, un
objet de soin.
Dès cette époque, l’enseignement des
pratiques professionnelles visait à aborder
les soins dans une globalité avec une prise en
compte du contexte physiologique, psychologique, social, économique, culturel et surtout
en donnant une place centrale aux parents.
Il s’agissait de les accompagner dans leur fonction éducative et non de les « modeler » pour
qu’ils deviennent conformes aux références
dominantes de la société.
Revue Weleda 127
37
Initiative
L’IRFP de Strasbourg est-il par cette démarche différent des autres instituts ?
Nous avons sans doute été précurseurs !
Très tôt – peut-être trop tôt ? – nous étions
sensibilisés à l’éveil des 5 sens, à la douleur de
l’enfant, au respect des rythmes de l’enfant …
En 1975 tout le monde se moquait de nous. On
nous prenait pour des fous, des féministes, des
soixante huitards ! Certains nous reprochaient
d’entretenir la sensiblerie chez les élèves. Nous
militions pour revenir à une prise en soin
naturelle, autour de la naissance notamment,
en demandant d’éviter le bruit, la lumière, pour
limiter les agressions du nouveau-né. Nous dénoncions déjà cette trop grande médicalisation
qui oublie l’être humain. On nous reprochait la
« psychologisation » mais dans le fond ce sont
les valeurs humanistes qui dérangeaient.
Cette voie que vous choisissiez était-elle
nourrie par votre propre expérience ?
En effet, ces réflexions étaient issues de mon
propre parcours. En 1970, année de ma spécialisation d’infirmière puéricultrice, j’ai effectué
un stage de 2 mois au jardin d’enfants à l’école
Saint-Michel de Strasbourg. J’y ai découvert la
pédagogie Steiner, la démarche anthroposophe,
l’eurythmie. J’ai eu la chance et le bonheur de
travailler avec Mademoiselle Knecht. Et j’ai vu
là sous mes yeux l’application théorique d’une
intuition qui me taraudait depuis longtemps.
J’ai donc continué à « creuser »… Entre 1970
et 1985, l’apport des sciences humaines a
été fondamental dans la transformation des
pratiques professionnelles.
En 1978 se sont tenus à Paris les Etats
généraux de la Petite Enfance. J’y ai découvert
les travaux d’Emmi Pikler de l’Institut Loczy
de Budapest. A la même époque Frédérick
Leboyer osait affirmer que la naissance est une
douleur pour l’enfant et les travaux des Drs
Bernard. This et Michel Odent s’inscrivaient
aussi dans ce courant humaniste. M. David et
G. Appel publient le maternage insolite et
F. Dolto ouvre la Maison Verte.
Chacun à sa manière appelait au respect
des rythmes de l’enfant, à l’individualisation
38
Revue Weleda 127
Informations médicales
des soins, même dans l’accueil collectif et au
retour aux valeurs humanistes dans la prise
en soin.
Ces apports théoriques seront rapidement
enrichis par un concept supplémentaire, celui
de la Culture. Les projets d’éveil culturels
entrent dans les crèches à partir de 1989 et peu
à peu trouvent leur place dans tous les lieux
d’accueil du jeune enfant (musique – clown à
l’hôpital …). Notre projet pédagogique s’appuie
aujourd’hui sur 3 concepts, Santé, Education
et Culture qui trouvent écho dans les valeurs
de Weleda.
Comment l’enseignement du massage at-il franchi la porte de votre institut ?
Les principes éducatifs et de soins de la
démarche anthroposophe rejoignaient naturellement nos enseignements des pratiques
de puériculture. Nous nous sommes donc
rapprochés des laboratoires de Weleda France
et avons organisé des visites pour nos élèves,
tout comme nous sommes allés dans des écoles
Waldorf. C’est de ces rencontres successives
qu’est né le projet d’enseignement du massage du bébé, pratique que les élèves peuvent
soutenir durant leurs stages, particulièrement
en maternité.
Alors certes, le massage peut paraître un effet
de mode. Mais dans les soins, le toucher a une
place importante et cela quelque soit l’âge de la
personne prise en soin. Entrer en relation avec
l’enfant se fait par le regard, la voix, le toucher.
Les professionnels de la petite enfance savent
combien les soins de maternage sont du corps
à corps. Ils savent aussi que pour la mère, le lien
d’attachement passe par la relation corporelle.
Or, nous sommes dans une société qui s’est
éloignée de ces pratiques et quelques fois un
réapprentissage est nécessaire.
Les professionnels de la petite enfance
pourront, par ces ateliers, se réapproprier les
gestes, trouver la bonne distance par rapport aux
enfants qui ne sont pas les leurs, pour ensuite
accompagner les mères, les parents, dans leur
rencontre avec leur enfant.
Nouveau cycle
de formation
en soins infirmiers
d’orientation
anthroposophique
A partir de juillet 2009 débutera la 3e promotion de cette
formation professionnelle continue qui s’adresse aux
infirmières et infirmiers diplômés de langue française.
Elle se déroule sur 3 ans, à raison de 2 semaines par an
(en été et en hiver) et débutera par une semaine complète
du 4 au 11 juillet 2009. Les cours ont lieu à la Clinique
Ita Wegman, près de Bâle, en Suisse allémanique.
Cette formation, qui se caractérise par une approche
globale de la santé du patient, comprend un enseignement théorique et pratique, notamment des thérapies
dites externes (compresses, cataplasmes, enveloppements et bains ainsi que les effleurages rythmiques
d’après les Docteurs Ita Wegman et Hauschka), à quoi
s’ajoutent une initiation à l’art-thérapie et à l’eurythmie.
Elle est assurée par des médecins, des infirmières et des
thérapeutes d’orientation anthroposophique.
Pour plus de renseignements, merci de prendre contact avec :
Anne-Marie Malfroy – 4, chemin du Bâa – 68650 Lapoutroie –
Tél : 03 89 78 35 47 – [email protected] ou Viviane Démarais –
Maria Theresiastr. 10 – D 79199 Kirchzarten –
Tél : (0049) 7661 90 93 752
Médicaments
Weleda :
suspension
temporaire des
collyres et
de certaines
ampoules
injectables
Suite à une décision des autorités sanitaires (AFSSAPS*), la
production de certaines formes
de médicaments Weleda est
temporairement suspendue, au
nom du principe de précaution,
depuis le 20 février 2009. Sont
concernés : les collyres et une
partie des ampoules injectables.
Certaines références seront à
nouveau disponibles à partir de
mai. Pour le reste, un délai d’au
moins 6 mois sera nécessaire.
Pour toute information complémentaire :
[email protected]
Tél : 0 811 02 50 00
Compresses, cataplasmes et enveloppements avec
des substances naturelles.
* Agence Française de Sécurité Sanitaire
des Produits de Santé.
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Rubrik
Un nouveau site internet pour l’Espace Weleda
A
partir d’avril, découvrez le nouveau site
www.espace-weleda.fr qui vous mènera
au cœur de l’Espace Weleda de Paris, avec
•son aménagement haut-de-gamme mariant art
et nature,
• ses cabines de soin particulièrement spacieuses,
pour un moment de ressourcement inoubliable,
• ses ateliers de massage du bébé, de massage des
seins, de remise en forme…
• ses produits cosmétiques naturels et bio, ses objets
et idées cadeau vendus en exclusivité…
Un simple clic, et vous naviguerez dans ce lieu
d’exception, ilôt de sérénité au cœur de la ville,
entièrement dédié au bien-être.
Espace Weleda – 10 avenue Franklin D. Roosevelt –
75008 Paris - Tél : 01 53 96 06 15
Mur végétal réalisé par
Patrick Blanc, vasque
et oeuvres de pierre par
Yann Grégoire.
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