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SECTION DES ASSURANCES SOCIALES
DU CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS
180, boulevard Haussmann - 75008 PARIS
Téléphone : 01.53.89.32.00 - Télécopie : 01.53.89.32.38
Dossier n° 2111
M. Alain R,
masseur-kinésithérapeute
Séance du 16 novembre 2000
Lecture du 20 décembre 2000
LA SECTION DES ASSURANCES SOCIALES DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE
DES MEDECINS,
Vu, enregistrés au secrétariat du Conseil national de l'Ordre des médecins les
7 avril, 9 mai et 1er juin 1994, la requête et les mémoires présentés pour M. Alain R,
masseur-kinésithérapeute, tendant à ce que la section annule une décision, en date du
23 février 1994, par laquelle la section des assurances sociales du conseil régional de
l'Ordre des médecins de Rhône-Alpes, statuant sur la plainte de la caisse primaire
centrale d'assurance maladie de Lyon, dont le siège est 102 rue Massena, 696471 LYON
CEDEX 06 et du médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Lyon, dont
l’adresse postale est 102 rue Masséna, 9471 LYON CEDEX 06, lui a infligé la sanction de
l’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée de
quatre mois,
par les motifs que M. R qui exerce sa profession depuis plus de vingt ans n’a
jamais fait l’objet de plainte ou de sanction ; qu’il participe régulièrement à des stages lui
assurant une formation continue ; que sa profession est soumise à des contraintes
administratives lourdes, sans revalorisation des actes ; qu’il reconnaît avoir facturé des
séances non effectuées dans les dossiers 1, 2 et 3, car les rendez-vous pris n’étaient pas
décommandés ; qu’il garde chacun de ses patients au moins 30 minutes et ne traite
jamais deux patients en parallèle ; que si certains patients réglaient leurs soins à
l’avance, cette pratique avait pour but d’avancer la date des remboursements ; que
certaines prescriptions du médecin ne pouvaient être respectées compte tenu de l’âge ou
de l’état de santé des patients ; que M. R a pu faire quelques erreurs concernant la date
des soins portée sur les feuilles de sécurité sociale ; que les majorations d’honoraires
« DE » étaient justifiées par les exigences particulières des patients en matière
d’horaires ; que les cotations figurant sur les demandes d’ententes préalables et dont la
caisse conteste l’exactitude auraient dû être rectifiées par la caisse ; que Mme R a,
durant l’été 1991, dispensé des soins à domicile en raison de la surcharge de travail de
son mari ; que sa situation a été régularisée au mois d‘octobre 1991 ; qu’eu égard aux
faits établis à l’encontre de M. R, la sanction qui lui a été infligée en première instance est
disproportionnée par rapport à la réalité des faits et au préjudice subi par la caisse ;
Vu la décision attaquée ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 28 juillet 1994, le mémoire en réponse
présenté conjointement par la caisse primaire centrale d'assurance maladie de Lyon et le
médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Lyon, tendant au rejet de la requête
par les motifs que les explications données par M. R en ce qui concerne les actes fictifs
ne sont pas admissibles ; qu’il a d’ailleurs reconnu les faits pour les assurés 1, 2 et 3 ;
que les explications qu’il a fournies sur chacun des dossiers retenus par les premiers
juges ne sont pas pertinentes tant en ce qui concerne les paiements d’avance de certains
actes, que la durée de séances, le non respect de prescriptions médicales, les
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dépassements d’honoraires et les dates inexactes portées sur les feuilles de soins ; que,
pendant sept mois, les soins dispensés à domicile par l’épouse de M. R ont été facturés
sur les feuilles de soins de M. R ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 10 août 1994, le mémoire présenté par la
caisse primaire centrale d'assurance maladie de Lyon auquel est joint le jugement rendu
le 28 février 1994 par le tribunal correctionnel de Lyon ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 2 novembre 1994, le nouveau mémoire
présenté pour M. R, tendant aux mêmes fins que la requête par les motifs que le tribunal
correctionnel de Lyon a indiqué qu’il y avait lieu de faire une large application des
circonstances atténuantes ; qu’il demande que la même appréciation soit faite par la
juridiction d’appel, une suspension de quatre mois ayant pour conséquence la perte de sa
clientèle ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 7 novembre 2000, les nouveaux mémoires
présentés pour et par M. R, tendant aux mêmes fins que la requête par les motifs que la
section des assurances sociales du conseil national de l’Ordre des médecins n’est plus
compétente pour statuer sur des faits reprochés à un masseur-kinésithérapeute dès lors
qu’un Ordre des masseurs kinésithérapeutes a été créé par la loi du 4 février 1995 et
organisé par les décrets du 21 janvier 1997 ; que, subsidiairement, il y a lieu de souligner
que la peine d’amende infligée à M. R a été amnistiée par la loi du 3 août 1995 ; qu’il
n’est pas possible d’infliger à M. R une nouvelle sanction à raison des mêmes faits, ce qui
serait contraire aux principes généraux du droit européen interdisant « la double peine » ;
qu’en ce qui concerne les faits qui lui ont été reprochés, M. R en reconnaît certains mais
demande la clémence de la juridiction en raison de leur ancienneté, du fait qu’il n’a pas
commis depuis la moindre faute professionnelle et du préjudice qui résulterait pour lui de
la suspension de son activité ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales ratifiée par la France en vertu de la loi du 31 décembre 1973 et
publiée au Journal Officiel par décret du 3 mai 1974 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale et notamment ses articles L 145-1 à L 145-9
et R 145-4 à R 145-29 ;
Vu la loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diver ses dispositions d’ordre
social ;
Vu la loi n°95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;
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Vu le décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 modifié, relatif au fonctionnement
des conseils de l'Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et
de la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins ;
Vu la nomenclature générale des actes professionnels des médecins, des
chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux fixée par l'arrêté du
27 mars 1972 modifié ;
Après avoir entendu en séance publique :
- M. VLEMINCKX’, masseur-kinésithérapeute, en la lecture de son rapport ;
- Me BROCHARD, avocat, en ses observations pour M. Jacques R, qui n’était
pas présent ;
- Mme le Dr DOMINJON, médecin-conseil chef, en ses observations pour le
médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Lyon ;
- M. FROQUET, représentant la caisse primaire centrale d'assurance maladie
de Lyon, en ses observations ;
APRES EN AVOIR DELIBERE,
Sur la compétence de la section des assurances sociales
Considérant que si un Ordre national des masseurs kinésithérapeutes a été
institué par l’article 6 de la loi susvisée du 4 février 1995 qui a modifié le code de la santé
publique, il résulte de l’article L 145-4 du code de la sécurité sociale, tel qu’il a d’ailleurs
été modifié par l’article 13-IV de la même loi, et de l’article R 145-8 du même code que
les sections des assurances sociales des conseils de l’Ordre des médecins sont restées
compétentes pour connaître des fautes, abus, fraudes et tous faits intéressant l’exercice
de la profession relevés à l’encontre des auxiliaires médicaux, et donc notamment des
masseurs-kinésithérapeutes, à l’occasion des soins dispensés aux assurés sociaux ;
Sur les moyens tirés de l’existence d’une sanction pénale amnistiée
Considérant que les sanctions disciplinaires sont indépendantes des
sanctions qui peuvent être prononcées par les juridictions pénales à raison des mêmes
faits ; que, par suite, le requérant n’est fondé ni à invoquer la règle du non cumul des
peines ni à soutenir que les faits qui ont entraîné l’application à son encontre d’une
sanction pénale ne peuvent pas servir de fondement à une sanction disciplinaire ;
Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 3 août 1995 : "Sont
amnistiés les faits commis avant le 18 mai 1995 en tant qu'ils constituent des fautes
passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles... Sont exceptés du bénéfice de
l'amnistie prévue par le présent article les faits constituant des manquements à la probité,
aux bonnes mœurs ou à l'honneur..." ;
Considérant que si la sanction pénale infligée à M. R a été amnistiée par
l’effet de l’article 7 de la loi du 3 août 1995, l’amnistie de cette sanction n’entraîne pas,
contrairement à ce que soutient le requérant, celle des faits soumis au juge disciplinaire ;
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qu’il revient à celui-ci d’apprécier si les faits en cause entrent dans le champ d’application
de l’article 14 précité ;
Sur les griefs
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que, pour plusieurs assurés,
M. R a appliqué des cotations supérieures à celles qui figurent à la nomenclature
générale des actes professionnels, a dispensé des soins d’une durée inférieure à celle
qui est fixée par la nomenclature, facturé des séances qu’il avait effectivement
dispensées mais à des dates autres que celles auxquelles elles avaient eu lieu ; que,
pour un assuré, il n’a pas respecté les dispositions de l’article 7 de la nomenclature
relatives à l’entente préalable ; que les faits ci-dessus décrits constituent des fautes au
sens de l’article L 145-1 du code de la sécurité sociale ; que, toutefois, ils n’ont pas le
caractère de manquement à l’honneur ou à la probité et se trouvent donc amnistiés par
l’effet de l’article 14 précité de la loi du 3 août 1995 ;
Mais considérant, en premier lieu, que M. R reconnaît avoir facturé pour les
assurés 1, 2 et 3 des séries d’actes qu’il n’a pas effectivement dispensés ; qu’il résulte de
l’instruction que pour les assurés 4 et 5 il a également facturé quelques actes non
exécutés ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. R n’a pas respecté les prescriptions
médicales concernant les assurés 5, 6, 9, 12, 13, 14, 26 et 27 ; que s’il soutient que l’état
des patients ne permettait pas de mettre en œuvre ces prescriptions, il lui appartient soit
de les faire modifier, soit de facturer non les actes prescrits mais ceux qui avaient été
réellement effectués ;
Considérant, en troisième lieu, que M. R n’apporte pas de justifications aux
dépassements d’honoraires qu’il a facturés pour les assurés 5, 9, 10, 13, 14, 15, 16, 18,
20, 22, 25, 26, 28 ;
Considérant, en quatrième lieu, qu’il a perçu les honoraires avant l’exécution
des soins pour cinq assurés ; qu’il ne peut justifier ces paiements d’avance par la
demande qui lui en aurait été faite par les patients ;
Considérant, en cinquième lieu, que M. R a attesté avoir dispensé des actes
sur les feuilles de soins délivrées aux assurés 8, 17, 23 et 24 alors que ces soins avaient
été exécutées par son épouse, qui, au surplus, n’était pas régulièrement en exercice à
l’époque des faits ;
Considérant que les faits décrits aux cinq alinéas précédents ont le caractère
de manquements à la probité ; qu’ils sont, par suite, exclus du champ d’application de
l’amnistie édictée à l’article 14 précité de la loi du 3 août 1995 et justifient le prononcé
d’une sanction disciplinaire ;
Sur la sanction
Considérant que, compte tenu des faits amnistiés par la présente décision, il
sera fait une juste appréciation de la gravité des fautes commises par M. R en
assortissant du sursis pour une durée d’un mois la sanction de l’interdiction du droit de
donner des soins aux assurés sociaux pendant quatre mois qui a été prononcée à son
encontre par les premiers juges ;
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Sur les frais de l’instance
Considérant que, dans les circonstances de l’affaire, il y a lieu, en application
de l’article R 145-28 du code de sécurité sociale, de mettre les frais de l’instance à la
charge de M. R ;
PAR CES MOTIFS,
DECIDE:
Article 1er : La sanction de l'interdiction du droit de donner des soins aux assurés
sociaux pendant quatre mois, infligée à M. Jacques R, par la décision de la section des
assurances sociales du conseil régional de l'Ordre des médecins de Rhône-Alpes, en
date du 23 février 1994, est assortie du sursis dans les conditions fixées à l’article L 1452 du code de la sécurité sociale, pour une durée de un mois.
Article 2 : L’exécution de cette sanction pour la partie non assortie du sursis, prendra
effet le 1er avril 2001 et cessera de porter effet le 30 juin 2001 à minuit.
Article 3 : La décision de la section des assurances sociales du conseil régional de
l'Ordre des médecins de Rhône-Alpes, en date du 23 février 1994, est réformée en ce
qu’elle a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Jacques ROBILLARD est
rejeté.
Article 5 : Les frais de la présente instance s'élevant à 784 F (119,59 Euros) seront
supportés par M. Jacques R et devront être versés dans le délai d'un mois à compter de
la notification de la présente décision.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Jacques R, masseur-kinésithérapeute,
à la caisse primaire centrale d'assurance maladie de Lyon, au médecin-conseil chef de
service de l’échelon local de Lyon, à la section des assurances sociales du conseil
régional de l'Ordre des médecins de Rhône-Alpes, au directeur régional des affaires
sanitaires et sociales de Rhône-Alpes, au chef du service régional de l'inspection du
travail, de l'emploi et de la politique sociale agricoles de Rhône-Alpes, au ministre chargé
de la sécurité sociale et au ministre chargé de l'agriculture.
Délibéré dans la séance du 16 novembre 2000, où siégeaient Mme MEME, Conseiller
d'Etat honoraire, président ; M. VLEMINCKX’, masseur-kinésithérapeute, membre
titulaire, nommé par le ministre chargé de la sécurité sociale, et M. le Dr NATTAF,
membre titulaire, nommé par le Conseil national de l'Ordre des médecins ; M. le Dr
HECQUARD, membre titulaire et Mme le Dr GUERY, membre suppléant, nommés par le
ministre chargé de la sécurité sociale.
Lu en séance publique le 20 décembre 2000.
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LE CONSEILLER D'ETAT HONORAIRE
PRESIDENT DE LA SECTION DES ASSURANCES SOCIALES
DU
CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS
C. MEME
LE SECRETAIRE DE LA
SECTION DES ASSURANCES SOCIALES
M-A. PEIFFER