SAS N, 30 août 2004 (n°3888) - Jurisprudence de l`Ordre des

Transcription

SAS N, 30 août 2004 (n°3888) - Jurisprudence de l`Ordre des
SECTION DES ASSURANCES SOCIALES
DU CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS
180, boulevard Haussmann - 75008 PARIS
Téléphone : 01.53.89.32.00 - Télécopie : 01.53.89.32.38
Dossier n° 3888
M. Bernard L,
masseur kinésithérapeute
Séance du 30 juin 2004
Lecture du 30 août 2004
LA SECTION DES ASSURANCES SOCIALES DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE
DES MEDECINS,
Vu, enregistrée au secrétariat de la section des assurances sociales du
Conseil national de l'Ordre des médecins le 5 février 2004, la requête présentée
conjointement par le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de Maubeuge,
dont le siège est 24 rue de la Croix, 59607 MAUBEUGE CEDEX, et par le médecinconseil chef de service de l'échelon local de Maubeuge, dont l'adresse postale est 8-10
rue de la Croix, BP 169, 59603 MAUBEUGE CEDEX, tendant à la réformation d'une
décision, en date du 21 novembre 2003, par laquelle la section des assurances sociales
du conseil régional du Nord-Pas de Calais, statuant sur leur plainte conjointe, a prononcé
à l'encontre de M. Bernard L, masseur-kinésithérapeute, la sanction de l'interdiction du
droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée de 28 jours dont 21
jours avec le bénéfice du sursis,
par les motifs que la sanction doit être aggravée compte-tenu des griefs
retenus d'utilisation de techniques de massage dont l'efficacité n'est pas reconnue
scientifiquement, de l'élaboration du diagnostic médical ou "kinésithérapique" sans
information du médecin prescripteur, du non respect de la nomenclature, des références
de jurisprudence étant produites ;
Vu la décision attaquée ;
er
Vu, enregistrées comme ci-dessus le 1 avril 2004, les observations en
défense présentées pour M. L, qui tendent au rejet de la requête, par les motifs que
l'appel n'est pas motivé ; qu'il n'y a pas eu de mise en garde ; que le code de déontologie
médicale n'est pas applicable aux kinésithérapeutes ; que le shiatsu est une technique
spéciale de massage ; que le masseur-kinésithérapeute dispose d'une grande liberté
dans le choix de ses méthodes, le shiatsu n'étant que complémentaire des techniques
traditionnelles ; que, depuis la décision du 21 novembre 2003, il ne l'utilise plus tant qu'il
n'y aura pas eu de validation officielle ; que, sur les 8 cas relevés, seul un patient n'a pas
connu d'amélioration (dossier n° 3) ; que M. L n'ut ilise plus la technique d'ionisation ; que
la technique du shiatsu n'a pas été utilisée pour le patient n° 1 ; que l'utilisation du
pendule a été anecdotique et expérimentale ; que le shiatsu est fondé sur les mêmes
théories que l'acupuncture ; que l'amnistie doit être accordée ; que la jurisprudence
produite n'est pas convaincante ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
SECTION DES ASSURANCES SOCIALES
DU CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS
-2-
180, boulevard Haussmann - 75008 PARIS
Téléphone : 01.53.89.32.00 - Télécopie : 01.53.89.32.38
Vu le code de la sécurité sociale et notamment ses articles L 145-1 à L 145-9
et R 145-4 à R 145-29 ;
Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnis tie ;
Vu le décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 modifié, relatif au fonctionnement
des conseils de l'Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et
de la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins ;
Vu le décret n° 96-879 du 8 octobre 1996 relatif au x actes professionnels et à
l'exercice de la profession de masseur-kinésithérapeute ;
Vu la nomenclature générale des actes professionnels des médecins, des
chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux fixée par l'arrêté du
27 mars 1972 modifié ;
Vu la convention nationale des masseurs-kinésithérapeutes ;
Après avoir entendu en séance publique :
- M. VLEMINCK'X, masseur-kinésithérapeute, en la lecture de son rapport ;
- Mme LONGUESPE, en ses observations pour la caisse primaire
d'assurance maladie de Maubeuge ;
- Mme le Dr THIBAUT, médecin-conseil, en ses observations pour le service
médical de l'échelon local de Maubeuge ;
- Me CHAPON, avocat, en ses observations pour M. L et M. Bernard L,
masseur-kinésithérapeute, en ses explications orales ;
M. L ayant eu la parole en dernier ;
APRES EN AVOIR DELIBERE,
Sur la recevabilité de l'appel conjoint présenté par la caisse primaire d'assurance maladie
de Maubeuge et par le médecin-conseil chef de service de l'échelon local de Maubeuge :
Considérant que, dans leur requête d'appel conjoint tendant à la réformation
de la décision, en date du 21 novembre 2003, par laquelle la section des assurances
sociales du conseil régional de l'Ordre des médecins du Nord-Pas de Calais a infligé à
M. Bernard L, masseur-kinésithérapeute, la sanction de l'interdiction de donner des soins
aux assurés sociaux pendant 28 jours dont 21 jours avec sursis, la caisse primaire
d'assurance maladie de Maubeuge et le médecin-conseil chef de service de Maubeuge,
après avoir rappelé les trois griefs exposés dans leur plainte et retenus par la juridiction
ordinale, concluent à l'aggravation de la sanction, en relevant son insuffisance eu égard
aux griefs et en se référant à une jurisprudence jointe en annexe à la requête ;
Considérant que, dans ces conditions, la fin de non-recevoir soulevée par
M. L et tirée de l'absence de motivation de la requête d'appel doit être rejetée ;
SECTION DES ASSURANCES SOCIALES
DU CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS
-3-
180, boulevard Haussmann - 75008 PARIS
Téléphone : 01.53.89.32.00 - Télécopie : 01.53.89.32.38
Sur la procédure d'enquête :
Considérant que les services du contrôle ne sont pas tenus d'adresser des
critiques, voire une mise en garde, préalablement au dépôt de la plainte ; que les
conditions dans lesquelles est diligentée l'enquête ne sont pas susceptibles de vicier la
saisine de la section des assurances sociales ; qu'il appartient seulement à la juridiction
saisie d'apprécier la valeur des moyens de preuve qui sont présentés lors de la procédure
contradictoire qui se déroule devant elle ; qu'en tout état de cause, l'analyse de l'activité
de M. L, sur le fondement de l'article R 315-1-2 du code de la sécurité sociale lui a permis
d'être informé sur les griefs qui lui étaient adressés ;
Sur les griefs :
Considérant que le contrôle exercé sur l'activité de M. L, masseurkinésithérapeute, par la caisse primaire d'assurance maladie de Maubeuge et par le
médecin-conseil chef de service de l'échelon local de Maubeuge, a porté sur le contenu
des séances de soins de kinésithérapie dispensés et pris en charge au cours du
deuxième semestre 2000, le médecin-conseil ayant reçu 25 patients et ayant retenu le
cas de 8 patients, en reprenant, à partir de documents de facturation, 136 séances de
soins réalisées pendant une période de quatre mois et huit jours comprise entre le 11
août 2000 et le 19 décembre 2000 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des témoignages
déterminants recueillis par les agents assermentés de la caisse primaire d'assurance
maladie de Maubeuge, que M. L a utilisé, après plusieurs séances de kinésithérapie
conformes aux prescriptions médicales et à la nomenclature générale des actes
professionnels, une technique de massage japonais dénommée shiatsu ; qu'il a, en outre,
recouru au cours des mêmes séances au bilan énergétique diagnostique, à l'utilisation de
moxas chinois, d'aimants pour la stimulation de méridiens, voire d'un pendule ; que ces
pratiques sont utilisées régulièrement par M. L en complément des méthodes
traditionnelles de massages, pour des pathologies très variées ; que, dans certains cas,
le praticien s'est fondé sur ces techniques pour élaborer un diagnostic médical ou
thérapeutique du patient, dont le médecin prescripteur n'a d'ailleurs pas été informé ; que,
s'il fait valoir que le shiatsu ne pouvait intervenir qu'en complément, dans le seul but de
soulager ses patients de la meilleure façon possible, l'efficacité thérapeutique de cette
technique de massage n'est pas conforme aux données acquises de la science et ne
paraît pas suffisamment éprouvée, même si de nombreux ouvrages médicaux, voire,
dans certains cas, la conférence de consensus de 1998, y font référence ; que, de
surcroît, la prise en charge des traitements et techniques de massages utilisés par M. L
n'est pas prévue à la nomenclature générale des actes professionnels ; que le principe de
la liberté dans le choix des actes et techniques les plus appropriés à la pathologie des
patients ne saurait dispenser M. L de respecter les obligations résultant du décret n° 96879 du 8 octobre 1996 modifié par le décret n° 2000 -577 du 27 juin 2000 relatif aux actes
professionnels et à l'exercice de la profession de masseur-kinésithérapeute et de la
nomenclature générale des actes professionnels, sans qu'il soit besoin ou possible de se
référer aux dispositions du code de déontologie médicale, lesquelles ne sont pas
opposables aux masseurs-kinésithérapeutes ;
Sur la sanction :
Considérant que les faits reprochés à M. L sont des fautes au sens de l'article
L145-1 du code de la sécurité sociale susceptibles de justifier l'application de l'une des
SECTION DES ASSURANCES SOCIALES
DU CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS
-4-
180, boulevard Haussmann - 75008 PARIS
Téléphone : 01.53.89.32.00 - Télécopie : 01.53.89.32.38
sanctions énumérées à l'article L145-2 du même code ; que, compte-tenu de l'utilisation
répétée de techniques de massages insuffisamment éprouvées et dont l'efficacité
thérapeutique n'est pas scientifiquement reconnue, ces faits sont contraires à l'honneur et
à la probité et ne peuvent donc bénéficier de l'amnistie édictée par l'article 11 de la loi du
6 août 2002 ;
Considérant qu'il convient, dans les circonstances de l'espèce, d'aggraver la
sanction prononcée par les premiers juges en infligeant à M. L une interdiction du droit de
donner des soins aux assurés sociaux pendant six mois dont trois mois avec le bénéfice
du sursis ;
Sur les frais de l'instance :
Considérant que les frais de l'instance seront supportés par M. L en
application de l'article R145-28 du code de la sécurité sociale ;
PAR CES MOTIFS,
DECIDE:
Article 1er : La sanction de l'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux
pendant une durée de six mois est infligée à M. L. Il sera sursis à l'exécution de cette
sanction pendant une durée de trois mois dans les conditions fixées à l'article L145-2 du
code de la sécurité sociale.
Article 2 : L'exécution de la sanction, pour la partie non assortie du sursis, prendra effet
le 1er décembre 2004 à 0 h et cessera de produire effet le 28 février 2005 à minuit.
Article 3 : La décision de la section des assurances sociales du conseil régional de
l'Ordre des médecins du Nord-Pas de Calais, en date du 21 novembre 2003, est
réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Les frais de la présente instance s'élevant à 135 euros seront supportés par
M. LEPOIVRE, masseur-kinésithérapeute, et devront être versés dans le délai d'un mois
à compter de la notification de la présente décision.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard L, à la caisse primaire
d'assurance maladie de Maubeuge, au médecin-conseil chef de service de l’échelon local
de Maubeuge, à la section des assurances sociales du conseil régional de l'Ordre des
médecins du Nord-Pas de Calais, au directeur régional des affaires sanitaires et sociales
du Nord-Pas de Calais, au chef du service régional de l'inspection du travail, de l'emploi
et de la politique sociale agricoles du Nord-Pas de Calais, au ministre chargé de la
sécurité sociale et au ministre chargé de l'agriculture.
Délibéré dans la même composition qu'à l’audience du 30 juin 2004, où
siégeaient M. ALLUIN, Conseiller d'Etat honoraire, président ; M. VLEMINCKX’, masseurkinésithérapeute, membre titulaire, nommé par le ministre chargé de la sécurité sociale ;
M. le Dr AHR, membre titulaire, nommé par le Conseil national de l'Ordre des médecins ;
M. le Dr HECQUARD, membre titulaire, et Mme le Dr GUERY, membre suppléant,
nommés par le ministre chargé de la sécurité sociale.
SECTION DES ASSURANCES SOCIALES
DU CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS
-5-
180, boulevard Haussmann - 75008 PARIS
Téléphone : 01.53.89.32.00 - Télécopie : 01.53.89.32.38
Lu en séance publique le 30 août 2004.
LE CONSEILLER D'ETAT HONORAIRE
PRESIDENT DE LA SECTION DES ASSURANCES SOCIALES
DU
CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MEDECINS
G. ALLUIN
LE SECRETAIRE DE LA
SECTION DES ASSURANCES SOCIALES
M.A. PEIFFER

Documents pareils

SAS N, 14 mars 2002 (n°2858) - Jurisprudence de l`Ordre des

SAS N, 14 mars 2002 (n°2858) - Jurisprudence de l`Ordre des Considérant qu’il résulte de l’instruction et notamment de l’étude concernant 94 patients et 1352 séances de rééducation à laquelle la caisse primaire d'assurance maladie de Maubeuge et le médecin-...

Plus en détail