CONTRIBUTION DU COLONEL MOHAMED MEllOUKI

Transcription

CONTRIBUTION DU COLONEL MOHAMED MEllOUKI
ROYAUME DU MAROC
COMMISSION CONSULTATIVE DE
LA REVIsiON DE LA CONSTITUTION
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CONTRIBUTION DU COLONEL MOHAMED MEllOUKI
MÉMORANDUM
DU COLONEL MOHAMED MELLOUKI
RELATIF A LA RÉVISION CONSTITUTIONNELLE
2011
Adresse:
62, rue Jbel Rif
Sid El Abed-Harhoura
Gsm: 06-76-74-70-16
Email: [email protected]
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Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs
de la Commission consultative de la révision constitutionnelle
Je vous sais gré d'avoir l'amabilité de me recevoir parmi vous.
Ce moment est mémorable pour moi, et je tiens à vous remercier vivement
de me donner l'occasion de m'exprimer sur un thème aussi sensible et
aussi brûlant que celui de la révision constitutionnelle qui focalise
intérieurement toute la réflexion politique et intellectuelle de l'élite
marocaine et a suscité hors de nos frontières une forte adhésion au sein de
notre communauté à l'étranger, ainsi qu'une résonance auprès de certaines
voix renommées et influentes à l'international, qui l'ont saluée
chaleureusement.
Mr le Président,
Mesdames et Messieurs
Votre honorable Commission a été chargée par SM le Roi
d'une tâche extrêmement ardue, d'une très haute importance et cruciale
présentement pour notre vie sociale. Une mission qui va, également,
engager le Maroc sur deux à trois générations, soit trois ou quatre
décennies. C'est dire que le résultat de vos travaux revêtira indéniablement
un aspect décisif dans un sens ou un autre pour le devenir du pays.
Votre tâche exige, certes, une parfaite maîtrise de l'arsenal
juridique et constitutionnel que nul n'ose avoir l'outrecuidance de vous
disputer, et encore moins le novice que je suis en la matière. Mais
permettez-moi de vous poser quelques questions. Vôtre tâche doit-elle se
limiter à ces deux volets 'juridique et constitutionnel' ou doit-elle
transcender ce cadre purement technique, quand bien même éminent, et
englober des considérations politiques, voire stratégiques? Doit-elle se
cantonner dans l'aire marocaine ou regarder aussi par-dessus l'èspace
national et prêter une oreille attentive à la conjoncture qui bouillonne à nos
frontières, que nous vivons à la fois à distance et au sein de nos foyers par
le biais du matraquage que nous subissons de façon quasi ininterrompue,
presque en boucle, depuis un certain temps, de la part de certains médias?
Aussi, j'ai jugé utile d'axer mon intervention sur deux plans: l'un
politique et l'autre constitutionnel; les deux étant indissociables l'un de
l'autre, parce que le premier commande au second et celui-ci doit
s'inspirer du précédent.
A)- Au plan politique:
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Il ya à peine quelques mois, le Maroc semblait devancer d'un
cran, ou plus même, la quasi-totalité du Monde arabe sur la voie de la
réforme de son assiette institutionnelle en initiant la réforme régionale.
Mais à peine que le projet a été finalisé qu'il a déjà été rattrapé par
certaines revendications. Il est apparu, du moins au commun des mortels,
que la réforme régionale en question obéissait à un double objectifs: jeter
du lest, eu égard à certaines récriminations internes, et noyer dans le
contexte de cette réforme l'imbroglio saharien et rendre la position du
Polisario, à l'international, plus précaire. À ce moment, le pays jouissait
encore d'une stabilité qui s'enracinait dans un climat serein que ne
menaçait, à l'horizon, aucune perturbation inquiétante. Nul ne
soupçonnait, en effet, que le risque d'une déstabilisation pourrait surgir de
la Tunisie ou de l'Egypte et aller enflammer la Libye, le Yémen, la Syrie et
le Bahreïn et cogner la porte de la Jordanie et même celle du paisible
sultanat d'Oman. À notre rive immédiate qu'est l'Algérie, le baromètre est
lui aussi oscillant. Vous suivez sûrement la situation aussi attentivement
que moi, et vous l'appréciez sûrement mieux que moi ; mais aucun d'entre
nous, un tant soit peu responsable et conscient, ne peut, et ne doit en
minimiser les risques d'une répercussion en profondeur chez nous. C'est
dire qu'une telle éventualité doit être prise comme paramètre qui doit aussi
présider à l'esprit de la réforme en cours.
Certes que Sa Majesté a eu la haute perspicacité et la
profonde intelligence de diagnostiquer le phénomène à distance, et avec
une extrême rapidité d'une intelligence vive et visionnaire, d'où le
discours du 9 mars dernier. Je saisis l'occasion pour à la fois en saluer
profondément la teneur et rendre hommage au souverain pour son souci de
protéger le Maroc d'une contagion qui a déjà ébranlé certains esprits.
Dans une lettre que j'ai publiée sur le Facebook, à la date du
15 mars dernier, je disais que le moment était historique et grave et dans
une interview que j'ai accordée à MarocHébdo, parue dans son nO 929 du
22 avril dernier, je réitérai que le pays se trouvait à la croisée des chemins.
Pourquoi ? Pour une raison simple: Les Marocains n'ont plus les yeux
rivés sur l'interne comme du temps où ils se sentaient mieux lotis que les
citoyens de la plupart des pays ci-dessus indiqués, qui végétaient, eux,
sous une férule despotique. les Marocains ne pourraient, dorénavant, se
contenter d'une Constitution qui ne leur ouvrirait pas le champ de la
démocratie et des droits aussi grandement que le laissent entrevoir celles
en cours d'élaboration en Tunisie et en Egypte. Cette tendance fait qu'une
importante frange de ce mouvement que l'on appelle désormais
communément la ' Jeunesse', si elle n'en conteste pas le principe s'oppose
d'ores et déjà, ouvertement, à la nomination de votre Commission et
réclame à la place une Constituante en bonne et due forme. Des
personnalités de votre propre corporation même et autres cercles
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d'influence et de réflexions et des intellectuels de tous bords, pour la
plupart des hommes d'expérience et d'âge mûr, partagent également cette
perspective. Nous savons ce que ce mot ' constituante', académiquement
anodin, véhicule comme charge politico historique au Maroc, en raison de
la propension d'une certaine élite nationale pour la culture française. Nous
savons aussi qu'autour de ce vocable s'était construite l'une des
aspirations du Mouvement national, devenue au lendemain de
l'Indépendance l'une des revendications qui avait évolué, pratiquement, en
première pierre d'achoppement entre Hassan II et Ben Barka, avec tous les
évènements et leurs conséquences, dont les années de plomb qui ont
longtemps marqué l'ancien règne.
C'est dire, Mr le Président, Mesdames et Messieurs, que le
projet que vous finaliserez prendra soit la forme d'un socle d'or sur lequel
s'érigeront durablement la paix et la stabilité, soit plutôt celle d'une boîte
de Pandore. Dans ce dernier cas, nous n'aurons qu'à nous attendre soit à la
réclamation d'une nouvelle révision constitutionnelle dès le lendemain du
référendum, si le projet venait à passer avec un faible taux de participation
ou de vote positif, soit à une radicalisation de la rue qui pourrait évoluer en
spirale de violence, parce que les courants qui s'en tiennent à la
Constituante auront le beau rôle pour justifier leur argumentation. D'autant
que de la manifestation du 24 avril dernier a émané un avant-goût
significatif quant aux intentions de certaines sphères d'aller au-delà d'une
simple réforme constitutionnelle. Le slogan ' À bas le despotisme', crié
pratiquement pour la première fois, repris en chœur, comme leitmotiv,
sous une bannière noire portant en son centre, en gros caractères blancs, le
chiffre' 20', donne à craindre, en effet, qu'à la prochaine étape les esprits
seraient surchauffés davantage.
Mr le Président, Mesdames et Messieurs, je préconise que
votre Commission ne finalise pas le projet attendu de façon discrétionnaire
et souveraine et qu'elle se limite à compiler, par article, les suggestions,
les critiques et les réserves recueillies et sollicite de SM le Roi de
soumettre ce corpus de propositions à une assemblée plus élargie qui sans
être une Constituante en prendrait la forme et l'allure et procéderait à une
relecture de votre projet. Ainsi, la crainte d'un ' rafistolage' de la
Constitution et celle que votre Commission ne puisse s'affranchir de la '
chape psychologique' qui tétanise les esprits dès qu'il s'agit de la 'chose
royale' seront balayées par cette procédure à double volets. Cette dernière
sera sûrement appréciée comme résultant du souci de concilier les deux
tendances, celle des partisans de la Commission et celle des détracteurs.
La révision constitutionnelle ne doit pas répondre seulement à
certaines récriminations conjoncturelles ou sectorielles, tendant à des
réajustements par-ci ou par-là pour satisfaire et apaiser les acteurs
potentiels de l'échiquier politique et crier au consensus de façade, car la
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situation, contrairement aux déclarations de nombre de leaders politiques
est minée en profondeur. Les rouages de l'Etat sont grippés. Celui-ci est à
l'instar d'un bateau dont le gouvernail est brisé par l'absence, en son sein,
d'une conscience nationale, le manque de civisme, l'improvisation et
autres inepties. Il a généré la systématisation de la corruption sous toutes
ses formes, et du haut en bas de la pyramide de la fonction publique, et
laquelle parasite les esprits, et grand malheur, s'installe dans ces derniers
comme une fatalité qui paraît impossible d'éradiquer et à laquelle il vaut
mieux souscrire si l'on tient à faire sa place au soleil ou régler et résoudre
certaines situations critiques à moindre frais; ou tout simplement accéder
aux soins dans un hôpital. Fait plus grave encore: le phénomène a fait
également son entrée dans les écoles primaires et a tout tendance à aller
crescendo vers d'autres établissements. Quels médecins, ingénieurs,
pharmaciens, magistrats, avocats aurons-nous demain, si nous ne les
avions pas déjà. D'autres maux, tout aussi nocifs et endémiques, tels que le
népotisme, le clientélisme, les détournements de budgets, la gabegie et la
fuite de capitaux contribuent à dérégler le fonctionnement de l'Etat. Avec
à la base une répercussion terrible, horripilante, galopante au fil des jours,
qui s'appelle misère, chômage, injustice, mendicité et cerise sur le gâteau
une insécurité rampante qui fait que dans certains milieux urbains des
familles entières n'osent plus sortir le soir, et les femmes doivent
accomplir quotidiennement de véritables prouesses pour conduire ou
ramener leurs enfants de l'école, ou aller au travail ou faire des emplettes.
Il est aisé de répondre que l'arsenal juridique en la matière est plus que
pourvu d'outils de répression dans tous les cas évoqués ci-dessus. Mais
vous êtes mieux placés que quiconque pour savoir que les lois ne valent
que ce que valent les hommes chargés de leur application. Cet Etat de
Droit a également produit Tazmamart, Dar el Mokri, Kelaât M'Gouna,
Derb Mly Chr'if et autres centres de détention secrets dont certains
persistent à nos jours ou ont simplement changé de domiciliation. Nous
avons, d'un côté, un arsenal juridique somme toute appréciable, et de
l'autre une situation politique et sociale désastreuse qui fait que l'Etat de
Droit dont nous nous targuons a tout l'air d'une pure chimère, ou du moins
profite à certains et pas à d'autres, ou encore pour reprendre une certaine
boutade, qui a fait son chemin dans les bouches, je dirais que dans notre
Etat de Droit, certains sont plus égaux que d'autres. Certains peuvent
facilement rétorquer que l'Etat s'efforce continuellement de promouvoir et
d'asseoir cet Etat de Droit dans les faits. Mais qu'en est-il réellement de
ces faits? Nous avons organisé des élections et obtenu, chaque fois un
cirque- la boutade est de Hassan 11- Nous avons muté et 'remuté' des
gouvernants et des responsables à divers niveaux, et rien n'y fait; les
nouveaux font vite de chausser les bottes des partants et les mauvaises
manières perdurent. Nous avons crée des Conseils de toutes sortes dans un
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tas de secteurs, qui n'ont produit aucun impact probant sur le cours des
choses. Nous avons modernisé les moyens de travail de la Justice, mais pas
l'esprit de justice. Nous avons mis sur pied des Commissions d'enquêtes,
d'assainissement, de transparence et autres qui n'ont pas freiné d'un iota la
dégradation des mœurs administratives. Nous avons officialisé les droits
de l'Homme, mais le citoyen reste toujours à la merci d'une saute
d'humeur du moindre agent d'autorité. Nous avons formé des vagues de
diplômés que nous avons jeté dans la rue pour grossir les rangs des
chômeurs et perturber l'ordre public. Je me limite à ces quelques exemples
pour ne pas alourdir le texte.
B)-Au plan constitutionnel:
Beaucoup avaient fondé leurs espoirs sur le nouveau règne.
Nous avons changé de Roi, mais pas d'Etat. Douze ans après, nous avons
affaire aux mêmes hommes, mêmes méthodes, mêmes pratiques et mêmes
structures mentales et institutionnelles. Une réforme quelconque qui ne
prendrait pas en ligne de compte ce constat est vouée à l'échec à moyen ou
long terme. Jean Wolf, célèbre journaliste et écrivain belge, pose la
question suivante, dans le livre qu'il a dédié à Abdelkhalek Torres: ' Qui
nous dira pourquoi le roue tourne au mauvais moment et comment faire
pour que les acteurs les mieux adaptés soient en charge des affaires à
l'instant le plus opportun, pour que se crée la meilleure approche possible
entre les nécessités d'un gouvernement et les qualités foncières de ceux à
qui les citoyens les confient'. Nous avons, certes, pris d'innombrables
initiatives, mais pas dans le cadre convenable. Comment faire alors?
Faisons donc en sorte, maintenant que la conjoncture de la révision
constitutionnelle nous est offerte, que nous accomplissions une oeuvre qui
puisse mettre un terme définitif à ce gâchis moral, politique, administratif,
judiciaire, économique, social, qui hypothèque le présent et le devenir de
la Nation. Le Maroc ne souffre ni de l'article 19, ni de certaines formes
protocolaires telles que la Beiâ ou le baise-main, mais d'un
dysfonctionnement de l'Etat
C'est dire, Mr le Président, Mesdames et Messieurs que votre
tâche doit s'atteler tout simplement, à créer un nouvel Etat sur la base de
nouveaux mécanismes de gouvernance. J'en donne ci-après ma vision;
elle s'articule autour de quelques points.
1)- DE LA SOUVERAINETÉ:
De tout le contenu de la Constitution, l'article 2 est
indiscutablement le plus déterminant. Il constitue le point central de toute
l'assiette constitutionnelle. Il stipule: " La souveraineté appartient à la
Nation, qui l'exerce directement par voie de référendum et indirectement
par l'intermédiaire des institutions constitutionnelles ". Ce principe de la "
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Souveraineté" nécessite un examen attentif. Il comporte deux parties qui,
si elles paraissent, à première vue, complémentaires, il n'en demeure pas
moins que l'une vide pratiquement l'autre de sa substance. Si, en effet le
binôme " souveraineté-nation" s'inscrit théoriquement dans la logique
démocratique universelle et se passe de commentaire, l'autre binôme
'référendum-institutions constitutionnelles' suppose que l'exercice de cette
souveraineté étant tributaire des échéances épisodiques, la Nation est
entre-temps réduite à un simple rang de figurine, confinée dans le suivisme
et l'attentisme, sans aucune possibilité d'intervenir à aucun moment dans le
débat public. Parfaitement conçue dans la maxime de Montesquieu: "
laisser le droit et ôter le fait", cette souveraineté fait tout au plus de la
Nation une sorte de société civile à responsabilité limitée, appropriée en
fait depuis plusieurs décennies dans les faits et le vécu quotidien par le
seul Pouvoir, sans aucune possibilité de contestation. C'est le Pouvoir seul
qui pense pour le peuple, juge du bien et du mal fondé de la marche des
affaires de l'Etat, décide quand et comment orienter la politique, fixe les
priorités nationales, leurs dimensi()ns, leurs ampleurs, innove quand il
veut, progresse ou recule à sa guise. Il est, donc, temps que l'article 2 de la
Constitution retrouve toute sa dimension et sa consistance, autant celles-ci
devront actionner des mécanismes institutionnels qui devront les traduire
dans les faits et ériger la Nation en véritable creuset--àe la souveraineté.
Mais si déjà au plan interne, cette souveraineté censée être celle du peuple
est totalement ravie par le Pouvoir, au plan externe, elle subit depuis
quelques années une rude épreuve d'érosion qui la met de plus en plus en
lambeaux. Si pratiquement de tout temps, depuis l'Indépendance, des
ingérences extérieures n'ont jamais manqué pour le moins d'en baliser le
champ, elle a tendance depuis le déclenchement de l'affaire du Sahara et
surtout depuis les évènements du Il septembre à subir des assauts
contraignants. L'Algérie, l'Espagne, la France et les USA ne se gênent plus
d'intervenir et de s'investir même dans le devenir du pays, par des
intrigues et convoitises par certains, des pressions diplomatiques,
économiques ou autres par d'autres, tantôt isolément tantôt en
concertation, dévalorisant le Maroc au rang de chasse gardée ou de zone
d'influence de ces puissances. Cette situation n'a d'autre raison que parce
que ces dernières sont convaincues que le Pouvoir marocain a beau être
fort au plan des commandes intérieures par la maîtrise des institutions
conçues à dessein, il ne repose pas pour autant sur la véritable force que
confère à un Etat digne de ce nom, une souveraineté réellement populaire
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II)- DE LA PONDÉRATION DES POUVOIRS:
" Il faut arrêter la Pouvoir par le Pouvoir". Cette célèbre
fonnule de Montesquieu a servi à nos jours de base fondamentale à la
théorie de la séparations des Pouvoirs. Elle est considérée comme la
référence politico institutionnelle par excellence pour l'érection du système
démocratique. La Constitution actuelle véhicule une conception de la
séparation des pouvoirs qui semble, à priori, correspondre au principe
admis universellement en la matière. La lecture attentive du texte révèle
qu'au-delà des arguties qui y sont déployées, la séparation est, en réalité,
purement fonnelle et qu'elle se définit en un pouvoir maximaliste, exclusif,
écrasant et décideur qu'est l'Exécutif, et deux autres minimalistes,
atrophiés, aphones et corvéables que sont le Législatif et le Judiciaire
servant respectivement de chambre d'enregistrement et d'épée de
Damoclès. Cette même lecture révèle, d'autre part que l'Exécutif est
totalement soumis à la volonté royale de par la nomination et la révocation
du gouvernement ou des ministres ( article 24) et de la présidence du
Conseil des ministres par le Roi ( articles 25 et 66). Il en découle que
l'article 60, 1er alinéa, rendant le Premier ministre respÇ!USable devant le
Roi et devant le Parlement introduit une certaine équivoque. Comment
pourrait-on attribuer au Premier ministre la responsabilité de l'Exécutif
lorsque cette instance se manifeste, plutôt, dans sa véritable dimension en
Conseil des ministres présidé par le Roi, et que les prérogatives conférées
au Premier ministre, en vertu des articles 62 et 63 doivent recevoir
préalablement l'aval du Conseil des ministres ou requérir le contre seing
des ministres chargés de l'exécution; nonobstant, d'un côté, l'existence
auprès de lui de ministres dits de souveraineté, même si cette notion n'est
codifiée nulle part, et de l'autre, le fait que pratiquement il n'a même pas
droit de regard sur pratiquement les nominations aux hautes charges de
l'Etat, dont notamment celles des agents d'autorité relevant de l'Intérieur
et celles des magistrats et des directeurs des grands organismes étatiques.
Si, donc, nous avons, en fait, un Exécutif bicéphale, le Premier ministre
n'y apparaît qu'en simple fusible destiné à sauter en cas de disjonction.
Par ailleurs, la séparation des pouvoirs n'assure pas
forcément un équilibre entre les institutions, et le pouvoir régalien n'étant
comptable que devant Dieu et sa conscience, le Maroc est dans un cas de
figure typique dont émanent tous les dysfonctionnement de l'Etat. La
solution réside, d'une part, dans une refondation en profondeur de
l'échiquier constitutionnel, par, d'une part, le réajustement du pouvoir
régalien qui devra être identifié comme quatrième dimension
institutionnelle, et, d'autre part, dans des innovations tant aux plans des
trois autres institutions qu'au niveau régional, dans le contexte d'une
assiette constitutionnelle inédite qui puisse assurer une pondération des
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pouvoirs, seule alternative pour renforcer, à la base, la souveraineté
populaire et générer un nouvel Ordre moral imposant la prééminence de
l'éthique, le règne de l'intégrité, du sens du devoir et de conscience dans la
responsabilité et la gestion de la chose publique.
111)- DU CONSEIL DU TRÔNE:
La place de la Monarchie dans les institutions a depuis
l'Indépendance préoccupée certains esprits. Depuis le discours du 9 mars
dernier, elle est carrément projetée sur le devant de la scène nationale. Si
nul ne conteste qu'elle détient des droits historiques indéniables sur le
pays et qu'elle représente le socle de l'unité nationale et incarne une série
d'avantages sur d'autres systèmes, il n'en demeure pas moins que son
poids dans la gouvernance pose quelques questions. Le Roi doit-il
continuer à régner et gouverner ou régner seulement, sans possibilité de
gouverner? Pourrait-il renoncer subitement à la théorie de ' la monarchie
exécutive' ? ' Dans un pays comme le Maroc, où les choses comptent plus
que les institutions, ces choses-là peuvent peser aussi fort sur le cours de
l'histoire que le nez de Cléopâtre', commentait Paris-Match dans son
édition du 2 septembre 1972, au lendemain de l'affaire du Boeing. Mais la
revendication nationale quant à un Exécutif moins régalien, sur le modèle
des gouvernements Bekkay- Balafrej et Abdellah Ibrahim. Ces
gouvernements n'étaient tenus par aucune Constitution et fonctionnaient,
héritage historique oblige, dans l'esprit des 4ème et Sème républiques
françaises. L'expérience a, néanmoins, laissé son empreinte et regagne du
terrain à un moment où la conjoncture à nos frontières est de nature à
l'ancrer davantage dans les esprits, d'où la revendication de la
Constituante. Mais nous sommes dans un régime monarchique qui offre
actuellement l'opportunité d'une évolution libérale. La formule idéale est
que le Roi règne, mais gouverne autrement, par le biais du Conseil du
Trône. Cette formule présente l'avantage de contourner la réclamation
d'une Constituante dont sûrement la finalité inavouée est de cantonner le
Roi à inaugurer des chrysanthèmes. Elle ramène, certes, en mémoire la
période de flottement institutionnel entre le départ de Ben Arafa et le
retour d'exil de la famille royale. Mais nous ne sommes pas dans la même
configuration politique et le contexte institutionnel que je propose est
évidemment d'une tout autre nature.
Instance suprême de l'Etat, le Conseil du Trône réunira
autour du Roi un pôle formé des trois plus hautes personnalités de l'Etat,
jouissant d'une légitimité certaine: les Chefs de l'Exécutif, du Législatif et
du Judiciaire ( après les réformes préconisées dans les pages suivantes). Il
sera chargé de parrainer les grandes orientations nationales et devra, de ce
fait, se substituer au Conseil des ministres dans les prérogatives conférées
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à ce dernier par l'article 66, sous réserve de quelques modifications en
faveur de l'Exécutif. On ne peut plus clair, il s'agit de corriger le pouvoir
régalien, pour une meilleure coordination et efficacité entre les trois
Pouvoirs censés fonctionner de façon harmonieuse et complémentaire dans
l'intérêt de tous; et aussi de juguler l'intrusion au sommet de l'Etat de
personnages qui ne peuvent se prévaloir d'aucune légitimité électorale ni
représentativité quelconque et, par conséquent, non habilités
constitutionnellement à disposer d'un droit de regard sur les affaires
nationales, qui ont tout à gagner de la gloire de la monarchie et rien à
perdre en cas de retournement de la situation.
IV)- DU POUVOIR EXÉCUTIF:
Dirigé par le Président du Conseil de Gouvernement, il devra
nécessairement incarner la formation ou la coalition majoritaire sur
l'échiquier politique. Ce nouveau titre est de nature à élever le chef de
l'Exécutif, du rang de simple primus inter pares qu'est le Premier ministre
actuellement, à une dignité étatique qui puisse lui octroyer l'autorité
discrétionnaire sur son Cabinet et sur les mécanismes de l'Administration.
Dans ce dessein, le Chef de l'Exécutif devra détenir ses prérogatives de la
Constitution, et non d'une simple délégation de pouvoirs octroyés par le
Roi, même de façon durable. Cependant la latitude de planifier et de gérer
sa gouvernance selon les impératifs et le calendrier appréciés en fonction
de sa conscience et de ses engagements électoraux ne sauraient lui
procurer une sorte d'imperium lui permettant d'intégrer d'autorité dans le
gouvernement et les sphères stratégiques des personnes présentant des
aspects disqualifiant. La procédure d'habilitation sénatoriale évoquée plus
bas devra veiller au grain.
V)-DU POUVOIR LÉGISLATIF: LE SÉNAT
La double représentation parlementaire actuelle ne se fonde
sur aucune justification d'intérêt public de nature à motiver l'existence de
la Chambre des conseillers dont le Roi Hassan II avait dit, à la suite de la
dissolution du premier Parlement, en 1965, que c'était un luxe que ne
pouvait se permettre le Maroc. Tout indique que dans l'état actuel du pays,
cette appréciation demeure de rigueur et que la mission assignée à cette
assemblée consiste en fait, compte tenu des prérogatives que lui confère la
Constitution, des modalités de son élection et de la qualité de ses
membres, à faire, de façon inavouée, contrepoids à sa consoeur des
députés, de servir de moyen à la fois de pression et d'enrayement d'un
éventuel dérapage de la part des Représentants, et de retarder et d'alourdir
la procédure parlementaire dans les cas contrecarrant la vision
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gouvernementale. En tout état de cause, sa véritable fonction n'est
certainement pas de renforcer l'action législative mais plutôt de glisser "
l'oeil de Moscou" au niveau législatif. Le système bicamériste devra donc
disparaître au profit d'une nouvelle conception législative: le Sénat
51)- De sa composition: Instance d'une centaine de
membres, le Sénat sera l'organe législatif suprême de la Nation.
52)- De son mode d'élection: L'élection à cette institution,
par suffrage universel direct, sera élevée, à terme, au niveau national, le
pays étant pris pour circonscription unique. Il va de soi qu'une application
brutale de ce mode reviendrait, dans le contexte politique actuel, à
pratiquer sur un patient une opération chirurgicale à vif; elle entraînerait
sûrement un arrêt cardiaque. Elle nécessitera donc une première
expérience, sur deux législatures à venir, dans une aire plus réduite,
régionale, pour préparer les élites régionales à la responsabilité nationale
53)- Des impacts escomptés:
a)- neutraliser la pratique de l'achat des voix en la
rendant pratiquement impossible, parce qu'il faudrait aux candidats
malhonnêtes, investissant dans les élections comme dans le show-biz,
débourser des sommes fabuleuses qu'ils ne seront jamais en mesure de
récupérer; sauf si l'Etat y compense par l'octroi de prébendes et privilèges
indus sur le dos des contribuables.
b)- sasser un échiquier politique fortement parasité
par des intrus de la dernière pluie et des formations bricolées, qui
deviendra, ainsi, plus aéré, mieux adapté et structuré à la compétition
électorale, et d'office au processus d'alternance, générant 2 à 4 formations
" dinosaures". Les autres formations passant inéluctablement à travers le
tamis se trouveront dans l'obligation de se regrouper et former, à leur tour,
bloc pour pouvoir peser potentiellement sur l'enjeu politique, ou servir
virtuellement d'appoint aux partis maîtres du jeu politique ou disparaître de
l'arène politique.
c)- rehausser la compétition électorale autour des
idéologies et des programmes de société, au lieu de considérations
personnelles et boutiquières, comme il en a été toujours le cas jusqu'à
présent.
d)- obtenir
une assemblée plus réduite
quantitativement mais plus compacte, mieux visible, plus abordable que le
Parlement actuel dont la majorité des élus se distinguent par un
absentéisme quasi permanent aux travaux et débats parlementaires.
e)- peaufiner le panorama législatif, en obtenant
une assemblée avec des élus aux mérites, stature et charisme dignes de la
représentation nationale.
Il
restaurer la raison d'être de l'instance
législative, si l'on veut avoir comme législateurs des hommes d'Etat au
lieu d'hommes d'affaires dont nombre y viennent pour se dédouaner et
redorer leurs blasons.
g)- faire économiser à l'Etat, en matière de budget
de substantielles dépenses que lui cause un Parlement pléthorique et
inefficace réduit à une simple galerie propagandiste.
h)- juguler l'intrusion de l'Etat dans la compétition
partisane, lui ôter la possibilité de rafistoler, à sa guise, la carte électorale,
de tripatouiller les scrutins et de confectionner des majorités hybrides,
incrédibles et affidées, pour bénéficier de soutiens inconditionnels à une
politique impopulaire.
f)-
54)- De l'exercice législatif:
Une lecture attentive de la Constitution actuelle fait
apparaître que le gouvernement est le vrai maître du champ législatif,
réduisant le Parlement à une simple instance d'enregistrement. Dans le
système sénatorial, le Sénat partagera avec le Gouvernement l'initiative
des lois, conformément au 1er alinéa de l'article 52 de la Constitution, dans
un esprit compétitif. Les projets de lois, émanant tant du gouvernement
que du Sénat, seront discutés par ordre d'antériorité de leur dépôt. La
notion de proposition de lois sera revisitée. Elle sera usitée par le Sénat
comme une sorte de recommandation " non contraignante" à l'adresse du
gouvernement, pour des textes ou amendements nécessitant au préalable
une discussion paritaire. Les autres articles touchant à la mission
législative seront réexaminés en conséquence.
55)- De la Procédure d'habilitation:
Par souci, d'une part, de conforter la représentation
populaire du Sénat sur l'action et la gestion gouvernementale, et, d'autre
part, permettre au peuple de disposer préalablement du profil de ceux qui
seront amenés à assumer de hautes charges publiques, le Sénat devra
initier des enquêtes " intuiti personae", de compétence et d'honorabilité,
sur les membres du gouvernement, ceux du pouvoir judiciaire des Hautes
Cours, les cadres supérieurs de l'Administration, des entreprises étatiques
et semi étatiques stratégiques, des organismes à caractère social national,
les ambassadeurs et les responsables nationaux de la Sécurité.
56)- De la Cour nationale des comptes:
Le rattachement de cette Cour au Pouvoir législatif devra
répondre à deux objectifs.
a)- Un objectif politique: Si le Législatif vote la
loi de Finances et l'Exécutif se charge de son application, il doit,
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naturellement, revenir à la première institution de veiller à la bonne foi que
requiert cette application, et d'exercer directement un droit de regard et de
contrôle dans un des domaines vitaux de la vie nationale qu'est la gestion
des deniers publics, pour lequel il est élu.
b)- Un objectif citoyen: Les scandaleuses et
intarissables manoeuvres frauduleuses et criminelles qui ont, toujours,
sabré les finances publiques se trouvent explicitement ou tacitement
favorisées par l'intolérable sentiment d'impunité qui prévaut chez les
manipulateurs de ces dernières. La Cour des comptes actuelle, par
l'adoption du profil bas et la position expectative qui lui sont connues, en
raison de l'influence et ingérence gouvernementales, s'est toujours dérobée
à ses responsabilités; se contentant tout au plus de rédiger à la fin des
exercices budgétaires des rapports complaisants, même lorsque les
scandales financiers sont étalés sur la voie publique. D'autre part, cette
nouvelle Cour devra apurer le budget arrivant à échéance et soumettre ses
conclusions au Sénat avant que celui-ci n'entame l'examen de la loi de
Finances suivante.
57)- Du Conseil consultatif sénatorial:
Auprès du Sénat, siégeront en conseillers les anciens chefs
de l'Exécutif, Législatif et Judiciaire et d'anciens hauts magistrats,
bâtonniers, juristes et autres responsables, ayant accompli leur Législature
ou leur mandat sans faire l'objet d'une mesure de défiance ou de poursuites
infamantes. Le but en sera de renforcer le Sénat en hommes d'expérience
ayant servi loyalement la Nation et encore en mesure de faire bénéficier
l'institution de leur savoir et de leur expérience.
58)- De la durée de la législature sénatoriale: Il ne pourra
être mis fin à l'exercice sénatorial avant la fin de la période prévue par la
Constitution.
59)- De la durée des sessions sénatoriales: Le Sénat sera
amené à siéger sur des sessions de 9 mois ininterrompus.
60)- De la durée de la campagne sénatoriale: Elle revêtira
deux aspects:
a)- Aspect de proximité: En raison de l'étendue de
l'aire électorale, et pour permettre aux candidats de disposer de
suffisamment de temps pour parcourir le pays et aller à la rencontre des
électeurs, la campagne électorale sera étendue sur une période de 3 mois.
b)- Aspect de médiatisation et confrontation:
Pour renforcer la prise de conscience des électeurs quant à l'importance de
l'enjeu, leur permettre d'analyser les programmes des uns et des autres
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candidats, se faire une opinion aussi approchée que possible sur leurs
programmes et se prononcer en connaissance des causes des hommes et
des idées, les meetings et interventions des candidats seront relayés sur
une chaîne spéciale de télévision qui programmera également des
confrontations oratoires entre les candidats. Cette même chaîne continuera
à transmettre, par la suite, de façon permanente les séances et débats du
Sénat. Ainsi, le peuple aura l'occasion de juger, directement et de visu, le
vrai profil de ses représentants.
61)- Des conditions matérielles de travail: Indépendamment
des avantages financiers et moraux afférents à la fonction, chaque sénateur
devra disposer intra ou extra muros d'une "permanence", sorte de lieu de
domiciliation, qui sera dotée, aux frais de l'Etat, en ressources humaines et
matérielles facilitant la charge.
VI)- Du POUVOIR JUDICIAIRE :
Au Maroc, la prétendue indépendance de la Justice clamée
dans l'article 82 de la Constitution ne convainc pratiquement personne.
Une analyse attentive de la Constitution démontre, facilement, que le
pouvoir judiciaire réel, à travers la nomination des magistrats, et sa gestion
par le ministre de la Justice, partie intégrante de l'Exécutif, se ressource, en
fait, dans les intentions et les visées de la puissance régalienne;
notamment par le biais des Parquets, véritable Police des tribunaux, qui
éternuent quand l'Exécutif s'enrhume. L'indépendance de la Justice ne
sera réellement assurée que si cette dernière est restructurée de façon
inédite: Le ministère de la Justice et le Conseil supérieur de la
magistrature devront, de ce fait, être supprimés et absorbés dans une
nouvelle formulation du Pouvoir judiciaire.
61)- De la nomination du Chef du Pouvoir judiciaire : Cette
charge pourra revenir à un homme politique, ou un haut magistrat, ou un
juriste de renom ou un Alem coopté par le Conseil supérieur des oulémas.
Nommé après consensus en Conseil du Trône et procédure d'habilitation
initiée par le Sénat, il portera le titre de Président du Pouvoir judiciaire et
sera logé à la même enseigne constitutionnelle et protocolaire que ceux de
l'Exécutif et du Législatif.
62)- De l'organisation judiciaire:
b)- Des Hautes instances:
- La Cour suprême: sans objet.
- La Cour constitutionnelle: Se substituant au
Conseil constitutionnel, elle officiera, en plus des attributions conférées à
celui-ci en matière de procédure "d'impeachment" initiée par toute
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personne physique ou morale et consistant à introduire auprès de cette
juridiction des recours, tant à l'encontre des Chefs ou membres des trois
Pouvoirs pour raisons incompatibles avec leurs responsabilités ou leurs
conduites, que des lois en vigueur et projets de loi censés charrier des
dispositions préjudiciables à la sauvegarde nationale, à l'unité spirituelle
de la Nation, à la cohésion sociale, à la qualité de la vie et à tout intérêt
personnel ou collectif. Elle aura, aussi, à assumer une double mission :
- veiller principalement et directement à l'organisation et au
déroulement des élections sénatoriales et en proclamer les résultats.
- mettre en place des tribunaux des élections pour les
échéances régionales et locales.
c)La Haute Cour de justice:
connaîtra de
l'opportunité des poursuites pour les crimes de haute trahison dans
lesquels seraient impliqués, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de
leurs fonctions, toutes les personnalités soumises à la procédure de
l'habilitation sénatoriale, et les membres du Sénat.
d)- La Haute Cour de contrôle: fera office d'instance
d'inspection et de suivi du bon fonctionnement de la Justice dans tous ses
aspects, aux plans moral et matériel
e)- Des Cours d'appel: sans objet.
f)- Des juridictions de 1ère Instance: sans objet.
63)- Du droit à la défense: En matière pénale, le droit à la
défense sera étendu à la phase de l'enquête préliminaire. Tout citoyen
prévenu dans le cadre d'une poursuite judiciaire aura droit de se faire
assister au niveau de l'élaboration de la procédure par un défenseur du
barreau, dont le contreseing du registre de garde-à-vue devra authentifier
cette mesure si elle venait à être décidée contre son client.
64)- Du juge des enquêtes: Si, au cours de l'enquête
préliminaire, la défense constate que son client n'est pas traité dans les
normes fixées par la loi, que sa dignité et son intégrité morale et physique
s'en trouvent menacées, que ses alibis et justifications ne sont pas pris en
considération , elle pourra requérir la présence sur le champ du juge des
enquêtes qui devra instruire la requête, faire cesser les errements et abus
constatés, demander au Procureur de prononcer la dessaisie des enquêteurs
et de prendre à leur égard les mesures adéquates. Ses constatations et
interventions devront figurer in fine de la procédure ou jointes à celle-ci
pour servir, à la juridiction compétente, parmi les éléments d'appréciations
dans l'élaboration de l'intime conviction et le prononcé du jugement.
65)- De l'indépendance de la Magistrature: Si la réforme de
la Justice telle que préconisée ci-dessus est de nature à donner au concept
de la pondération des pouvoirs la signification de jure et de facto qu'il doit
renfermer, et à promouvoir une véritable indépendance de la Justice en tant
qu'institution, cette indépendance doit se refléter au sein même de cette
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dernière. La syndicalisation des magistrats, dans le cadre d'un organisme
corporatif purement professionnel en est une pierre de renforcement qui
doit leur assurer la défense de leurs intérêts matériels et moraux en toute
liberté et conscience, sans crainte de représailles de la part de la hiérarchie
ou de répercussions fâcheuses sur leurs carrières.
VII)- DE LA REGIONALISATION:
La Région devra constituer l'ossature gouvernementale de
base de la Nation. L'actuelle assiette régionale devra être remodelée de
façon à obtenir démographiquement et économiquement un ensemble
territorial cohérent qui puisse s'ériger en entité politico législative en
mesure de légiférer et se gouverner de façon autonome dans les différents
domaines qui ne nécessitent pas forcément l'intervention ou l'aval du
Pouvoir central. Une révision de la Constitution devra établir le fondement
juridique des pouvoirs régionaux et-l'assiette des mécanismes devant régir
les rapports entre le Parlement régional et le Gouvernement régional, dans
la conformité et le respect de la lettre et de l'esprit de la Constitution
nationale.
71)- Des Parlements régionaux:
L'expérience acquise, durant les quatre décennies écoulées,
en matière électorale, permet la mise en place, aussitôt, de Parlements
régionaux. Provenant, contrairement au Sénat, du scrutin indirect, pendant
une certaine période, résultant en deuxième ressort des élections locales,
ils devront doter les différentes zones du pays d'un arsenal législatif plus
approprié à les accompagner dans leur quête légitime d'une vie plus
décente, et à répondre à leurs spécificités et potentialités économiques,
sociales, culturelles, et toutes autres perspectives particulières. En
complément du souci de renforcer les fondements de la démocratie et de la
décentralisation, ces Parlements seront destinés à promouvoir une
meilleure prise de conscience politique et civique et à inciter les citoyens à
participer à une action législative de proximité, mieux l'influer, mieux en
contrôler l'évolution, mieux connaître leurs représentants et mieux les
sanctionner. Mais il est un autre aspect, capital, qui préside à cette
perspective: le Parlement régional devra être pour le Sénat ce qu'est le
lycée pour l'université, une pépinière d'hommes et de femmes qui devront
se préparer à intégrer un univers plus vaste et plus ardu de la connaissance
et de l'ouverture d'esprit, et mieux s'armer pour prendre la relève aux
hautes charges de l'Etat, en l'occurrence au niveau du sénat et du
gouvernement. Après une période transitoire, l'élection au Parlement
pourra évoluer vers le suffrage direct régional.
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72)- Des Gouvernements régionaux:
À l'issue de deux législatures régionales, l'expérience dans ce
domaine aura sans doute permis aux citoyens de mieux maîtriser les
mécanismes de la gestion législative régionale, et les aura préparés
mentalement à prendre en charge le volet politique qui devra en découler.
Dans ce cas, l'institution de Gouvernements régionaux devra se substituer
au Gouvernement central dans tous les aspects de la vie courante,
susceptibles d'être assumés régionalement sans risque de conflits entre les
deux entités.
Mr le Président, Mesdames et Messieurs, je conclurai sur
une fine boutade de Omar Seghrouchni. Posant la question ' Qui construit
quoi ?'il dit: ' En 1956, la Monarchie souhaita à être le seul architecte des instruments de souveraineté- l'affirma, l'imposa et invita le
Mouvement national à se contenter du rôle de maçon. Une frange de celuici accepta, une autre refusa et revendiqua son droit naturel à être coarchitecte; Cela a donné en 1959 l'UNFP... et des années de répression
féroce. Dans la logique du pouvoir, le sujet était 'maçon' et ne pouvait
être architecte. En 1975, Abderrahim Bouabid essaya une autre formule:
être architecte avec une carte visite de maçon. Les résultats furent maigres.
En 1998, Abderrahman Youssoufi finit par accepter d'être maçon avec une
carte visite d'architecte'.
Mr le Président, Mesdames et Messieurs, si votre
Commission est la première et dernière à plancher et à statuer sur la
réforme constitutionnelle, j'ignore la part de responsabilité ou de mérite
que vous fera porter ou que vous accordera l'Histoire. Elle dépendra
sûrement de la carte visite que vous aurez utilisée. En tout cas, je suis
honoré que vous m'ayez accordé votre attention et permis d'apaiser ma
conscience. Je vous en remercie vivement et vous exprime ma profonde
considération.
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