Téléchargez ici l`édition n° 7 (390 Ko) - Orchestre national d`Île
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Journal de l’Orchestre national d’Ile de France 4 THEMA Messagers de la musique 14 LE COIN DES MIUSICIENS Sempre alto ! »7 mai - juin 04 édito 4 IMPRESSION THEMA Messagers de la musique 11 ÉMOTIONS CHRONIQUE DE GOLLIWOGG Tel père, tel fils ? 14 LE COIN DES MUSICIENS INTERVIEW Sempre alto ! 19 À PROPOS DE AGENDA 20 NOS CHOUCHOUS LES ACTIONS ÉDUCATIVES ET CULTURELLES Des enfants face à Mille Soleils 22 RUBRIK LUDIK MOTS CROISÉS Directeur de la publication Marc-Olivier Dupin Rédacteur en chef Emmanuelle Lucchini Conception graphique NH&DC Maquette SB ISSN : 1638-976X Ci-contre : affiche du concert À travers champs © fip communication En couverture : Nightclub Owner Totaling Receipts © Jerry Cooke/CORBIS Ce numéro poursuit son voyage au sein de l’orchestre pour évoquer cette fois ci, l’alto. L’alto est un instrument que beaucoup de musiciens ont pratiqué. Plus qu’on ne pense ! Dans l’Olympe des altistes, Bach a pour voisin Mozart – qui fit notamment du quatuor avec Haydn –, Beethoven et de nombreux autres compositeurs et chefs d’orchestre tels que, Britten, Hindemith, ou encore Giulini. L’altiste a une position sublime dans la polyphonie, avec cette clef d’ut 3ème dont l’axe central est ce qu’on appelait jadis le do de la serrure (du temps où le clavier du piano droit familial était un Eden dont on interdisait parfois l’accès) ou ce qu’un petit enfant nommait un jour, le do « moustache », parce que cette note, graphiquement semblable en clef de sol comme en clef de fa, est traversée par une petite barre. Ses parties d’orchestre peuvent être magnifiques; la place qu’il occupe en musique de chambre est centrale. Qui n’a pas goûté aux symphonies de Mahler, aux deux sextuors de Brahms, ou aux quatuors que Mozart dédiait à son ami Haydn… Sa sonorité si veloutée et chaleureuse est parfois délicieusement « scrounchy », ses possibilités techniques, infinies. Les compositeurs du XXe siècle se sont emparés de l’alto avec passion Bartok, Ligeti, Boulez, et tant d’autres. De nombreux chef-d’œuvres font maintenant partie du répertoire. Notre journal éclaire également un des métiers essentiels à la vie de l’orchestre : l’agent artistique, celui que l’on nommait jadis l’impresario. Son rôle est en général méconnu du grand public, alors qu’il contribue –par son sens artistique et commercial, sa capacité à faire se rencontrer les artistes entre eux, et tout simplement son « flair » et ses qualités humaines – à valoriser leur travail et permettre de belles distributions. Enfin, en écho à notre dernier concert Bach, Golliwogg évoquera cette extraordinaire famille qui, en plusieurs générations, changea la face du monde tonal et ouvrit la grande porte du classicisme en musique. Marc-Olivier Dupin, directeur général 4 IMPRESSION THEMA : L’ENVERS DU DÉCOR Messagers de la musique L’Ile Joyeuse a choisi de se pencher cette fois-ci sur le métier d’agent artistique – que l’on nommait jadis l’impresario. Voici donc, trois témoignages, trois points de vue différents d’agents d’aujourd’hui, qui partagent tous le même enthousiasme, la même passion pour ce métier, finalement méconnu du grand public. Véronique Jourdain Débute sa carrière d’agent artistique dans deux agences parisiennes de renom. Elle travaille ensuite quelques années à Londres et aux États-Unis, puis se lance dans l’aventure et fonde sa propre agence à Paris. Elle nous parle de son parcours, de sa carrière et de la passion qu’elle a pour son métier. Son parcours C sa rencontre informelle ’est avec Michel Glotz chez des amis qui a poussé Véronique Jourdain à entamer une carrière d’agent artistique : « …il m’a parlé de son métier, au cours d’un dîner chez une amie et je suis restée ébahie, à l’écouter jusqu’à deux heures du matin ». Ce soir là, c’est le déclic. Le bureau de Valmalète l’engage alors, sur la recommandation de Michel Glotz. Elle est plongée dans le métier dès le premier jour, en charge du dossier de grands artistes. Après quelques années, Michel Glotz lui propose le démarrage d’une division de jeunes artistes « à lancer » mondialement, au sein de son bureau : Emmanuel Krivine, Mikhail Rudy, Augustin Dumay, Frédéric Lodéon, Katia et Marielle Labèque. Cette aventure passionnante va durer neuf ans, jusqu’à ce qu’elle accepte de partir travailler en Angleterre, chez Harold Holt – une grande enseigne londonienne. Une expérience qui lui donne l’opportunité de s’occuper de très grands chefs d’orchestre. Parmi eux : Seiji Ozawa, Michael Tilson Thomas, Mariss Jansons, Yuri Temirkanov, Semyon Bychkov, John Eliot Gardiner. « J’ai énormément appris, au sein des trois agences. Chez les anglo-saxons, on est frappé par le travail en équipe. L’information circule très facilement à l’intérieur d’une entreprise, je trouve que cette méthode de travail efficace génère une grande synergie. En France, on est plus individualistes, c’est dans notre tempérament ! ». L’épisode outre-manche ne s’arrête pas là : IMG (International Management Group) rachète la division de Stephen Wright, chez Harold Holt, dont Véronique fait partie, et qui devient IMG Artists Europe. « Six ans plus tard, en 1994, le groupe m’a envoyée monter une division de management d’artistes à Paris, où j’ai amené une trentaine d’artiste. Il s’est avéré par la suite, que les divisions de management de Londres et de Paris étaient trop IMPRESSION THEMA : L’ENVERS DU DÉCOR « Un métier de passion, une vocation », dans lequel elle s’est toujours beaucoup investie : « J’aime servir les intérêts d’un artiste. » proches et conflictuelles, et il a été décidé d’arrêter l’activité de celle de Paris, il y a un an et demi ». C’est à la suite de ces événements, qu’elle se décide à tenter l’aventure seule : « J’ai pensé qu’il était opportun de bénéficier de mon expérience, même si l’aventure n’est pas facile en des temps incertains, et j’ai pris la décision de représenter, seule, une partie des artistes que j’avais amenée chez IMG ». Faire cavalier seul nécessite un certain courage, car les débuts sont difficiles financièrement : « …les agents sont rémunérés à la commission sur les contrats des artistes qu’ils représentent ; en France – le pays le moins favorisé –, nous touchons 10 %. Entre le moment où le contrat est négocié et le paiement du cachet, il peut se passer deux ans, voire davantage. Il y a donc un grand problème de trésorerie auquel faire face, car les factures de téléphone, de voyage et autres n’attendent pas ! ». Mais cela n’altère pas la motivation de Véronique, qui croit en son projet, « …je pense qu’une petite structure, avec un plus petit nombre d’artistes peut faciliter l’investissement sur chaque artiste ; en revanche il faut aimer la responsabilité, car elle n’est pas partagée au sein d’une entreprise. » Son agence Il y a peu de temps, Véronique Jourdain s’installe donc en free lance, avec un book d’une douzaine d’artistes. Ce sont des chefs d’orchestre et des instrumentistes dont elle gérait déjà la carrière chez IMG, pour la plupart d’entre eux. « … j’ai dû faire une sélection drastique, il était hors de question de pouvoir gérer seule et avec sérieux la carrière de trente deux artistes. Cela a été difficile, psychologiquement, car artistes et managers s’attachent les uns aux autres dans une relation de confiance mutuelle au fil des années. » Le métier d’agent artistique « Un métier de passion, une vocation », dans lequel elle s’est toujours beaucoup investie : « J’aime servir les intérêts d’un artiste ». En tant qu’agent, elle est là pour les guider, les conseiller pour favoriser le développement de leur carrière, les promouvoir, être leur avocat auprès des organisateurs… C’est un travail qu’elle fait en équipe avec eux. C’est donc très important qu’il y ait une grande confiance mutuelle. Elle est aussi là pour les soutenir moralement : « Il y a une grande part de psychologie dans ce métier. En revanche on n’a presque pas le droit d’exister, de partir en vacances, d’aller mal, de ne pas être disponible quand ils le souhaitent. En quelque sorte, psychiquement, on est à la fois leur maman, leur psychanaliste, leur avocat, et ils souffrent peu une faiblesse dans l’un ou l’autre rôle ! ». Ce qui lui plaît le plus ? « Le contact, avec les organisateurs et avec les artistes.Tout l’aspect relationnel est très intéressant, j’aime comprendre 5 les besoin des uns et des autres et susciter des rencontres, créer une belle adéquation entre un artiste et un projet ». C’est stimulant, mais également très angoissant : « Le plus difficile à gérer, c’est la responsabilité qu’on prend de représenter un artiste au niveau mondial, car alors l’agent est l’unique instrument de l’image mondiale et des revenus financiers de l’artiste. Je crois qu’on peut dire que l’existence d’un artiste est entre les mains de son agent mondial. Quand on représente un artiste localement, la responsabilité est moindre, car si cela ne marche pas très bien dans le pays en question, la carrière générale est peut-être très bonne. L’alchimie locale, dans tel ou tel pays, est quelquefois mystérieuse, cela peut tenir à des facteurs différents. Je prends très à cœur la responsabilité que j’endosse et je suis très consciente de l’importance des enjeux. » Véronique déplore de toujours devoir courir après le temps, car la gestion d’une carrière, c’est du À propos de… Le poids de la critique musicale Un des enseignements majeurs que m’a donné Michel Glotz est de ne pas prendre au sérieux les critiques de concerts. Souvent influencés par des relations personnelles avec les artistes ou par des on-dits, leurs « papiers » font état bien partial du concert. La presse d’information est importante, elle est vitale : mais, ce ne sont pas les critiques qui font les carrières. La faiblesse des agents et organisateurs anglo-saxons et américains est de leur donner trop d’importance. Comme s’ils n’étaient pas capables de juger par eux-même. Mais, heureusement ce ne sont pas les critiques qui influencent les décideurs (les directeurs artistiques, les chefs d’orchestre…). C’est la valeur artistique de l’artiste et sa contribution au niveau de la série de concerts. 6 IMPRESSION THEMA : L’ENVERS DU DÉCOR Son souvenir… …le plus marquant. Mariss Jansons, Willem Wijnbergen (ex-General Manager du Royal Concertgebouw Orchestra) et Véronique Jourdainà la réception des soixante ans de Mariss Jansons à Pittsburgh, en février 2003. non-stop : « Rien ne peut attendre. Par exemple, pour démarrer un jeune artiste, si on rate le moment de le présenter, il y a d’autres artistes qui arrivent et prennent la place. Dans le cas d’un artiste confirmé, il faut veiller à ce que la carrière continue à progresser et ne retombe pas. À tous les niveaux, on ne peut pas s’endormir ! ». Il faut être sur plusieurs fronts à la fois. D’un côté, il faut penser en permanence à développer la stratégie de carrière, de l’autre, il y a la nécessité de gérer le concret – tout l’aspect administratif et juridique du métier, la négociation des contrats, la logistique, les détails à gérer sont innombrables. C’est un métier qui nécessite d’être très organisé, à tout moment, car la gestion du détail urgent rompt l’ordre de priorité que l’on programme chaque jour. Il faut sans cesse redéfinir les priorités : « On peut essayer toutes les méthodes, tous les agents se plaignent de la même chose : le manque de temps ! Devant cette urgence permanente, Il faut savoir s’organiser et surtout ne pas paniquer ! ». Mais en contrepartie de ce stress soutenu, Il y a tellement de moments forts, marquants : décrocher le premier engagement d’un artiste, le succès d’un concert important, la réputation qui grandit, la reconnaissance d’un organisateur, celle de l’artiste… « En parlant de moments forts, lorsque je représentais Mariss Jansons, j’ai obtenu son premier engagement avec l’Orchestre Philharmonique de Vienne, la consécration ultime d’un chef d’orchestre. Tout le monde sait que les musiciens de la Philharmonie de Vienne ne sont pas tendres à l’égard des chefs invités à les diriger. Nous sommes allés ensemble à Vienne. À la fin de la première répétition, les musiciens ont demandé à Mariss de continuer la répétition. J’avais le souffle coupé. Puis le soir du concert, l’intendant de l’orchestre – un des musiciens – m’a dit qu’ils souhaitaient tous que Mariss remplisse le vide laissé par la disparition de Leonard Bernstein et qu’il parte en tournée avec eux. Mon cœur battait à tout rompre ! » « En arrivant chez Madame de Valmalète, je remplaçais une personne qui était restée trente ans dans la maison. J’ai une demie journée de formation avec cette dame et l’après-midi même me voilà seule aux commandes d’un ensemble impressionant d’artistes importants dont je ne connais encore rien du tout. Le téléphone sonne, le grand guitariste espagnol Narcisso Yepes, parti pour une tournée de concerts en Italie, vient de rater une correspondance à Rome. Il était furieux et me traite de tous les noms, menaçant d’annuler toute la tournée et de rentrer chez lui ! J’étais pétrifiée, ne sachant pas encore qui avait fait la tournée, qui contacter, que faire. Je me suis présentée, lui ai dit que j’étais très honorée de travailler pour lui, lui ai demandé de m’accorder une heure pour régler le problème et tout s’est bien terminé ! Et nous sommes devenus amis par la suite. Mais c’était un baptême assez frigorifiant ! » Une anecdote… D’où l’importance d’avoir un agent ! « Le grand chef Rafaël Kubelik était parti donner des concerts au Japon. Arrivé à Tokyo, il s’aperçoit qu’il a oublié son pyjama. Paniqué à l’idée d’avoir à chercher un pyjama dans un pays inconnu, il téléphone à son agent à Amsterdam, Mrs Beek et lui dit : “Johanna, il y a un drame : j’ai oublié mon pyjama.” Mrs Beek, imperturbable, lui répond : “Ne t’inquiète pas, Rafaël, je m’en occupe”. Elle appelle alors une amie de Tokyo et la convainc d’aller porter à l’hôtel de Rafaël Kubelik un pyjama de son mari, ce qui est fait dans l’heure. Kubelik rappelle Mrs Beek plus tard et lui dit : “Merci, Johanna”, comme si c’était la chose la plus normale que son agent s’occupe d’un détail pratique relativement contournable, à 10.000 km de là, dans les années 50 où on hésitait tout de même à téléphoner aussi loin. » IMPRESSION THEMA : L’ENVERS DU DÉCOR Et plus concrètement… Sa méthode de travail 7 Un métier qui change À l’origine d’une collaboration, la démarche peut venir de l’agent ou de l’artiste lui-même. Mais, quoiqu’il en soit : « À partir du jour où l’on décide de travailler ensemble, que l’artiste soit plus ou moins connu dans tel ou tel pays, on fait un audit de la situation de sa carrière, la situation au niveau international, ce qu’il a fait par le passé, la façon dont il envisage son avenir professionnel, etc. C’est à ce moment là que le concours de l’artiste est primordial, afin d’avoir le maximum d’outils et d’informations pour avancer : « Je veux savoir pour chaque pays avec quel orchestre, festival ou société de musique il ou elle a joué ou dirigé, quels ont été les moments importants, les points forts, les chefs avec lesquels il ou elle a joué ; mais aussi les ébauches de projets qui n’ont pas abouti, etc. ». Après cette première étape, il faut passer à l’exécution et là, ce qui est primordial – que l’artiste soit célèbre ou encore inconnu – c’est de faire passer l’information : « Lorsqu’on démarre avec un artiste, on doit faire savoir que l’on travaille pour lui et présenter ce qu’il a déjà fait, les projets à venir, c’est de la communication pure et dure ! ». À partir de là, l’agent espère avoir des réactions, des retours : « On contacte les organisateurs pour leur demander ce qu’ils en ont pensé, on les invite aux concerts pour qu’ils entendent l’artiste. » Elle précise que c’est une démarche tout aussi nécessaire pour quelqu’un de connu, de façon à réveiller la motivation, maintenir l’enthousiasme pour cet artiste, pour donner envie aux structures musicales de l’inviter ou de le réinviter : « C’est à nous de susciter tout ça et c’est énorme ! ». Annie de Valmalète L’historique de l’agence À son catalogue : José Iturbi, Arthur Rubinstein ou encore Magda Tagliaferro. Très vite, son book d’artistes s’étoffe : « Au départ il n’avait que des pianistes, mais ces musiciens jouaient avec des chefs d’orchestre, ils faisaient de la musique de chambre avec des violonistes, des violoncellistes, cela s’est développé très rapidement et Les concerts de Valmalète sont nés ainsi. » C’est après des études de droit et d’anglais qu’Annie de Valmalète intègre l’agence de son père : « La première fois que j’ai mis les pieds dans le bureau pour y travailler, j’avais dix-sept ans ! ». Elle avoue une certaine réticence au départ : « Je voulais devenir médecin, mais à cette époque là, on obéissait à son père. Il n’y avait pas d’échappatoire », avant d’ajouter : « Mais, je ne l’ai jamais regretté, pas une minute ! ». Dans la famille De Valmalète, on est agent artistique de père en fille et de mère en fils, c’est presque devenu une tradition familiale. À l’origine de la création des Concerts de Valmalète : Marcel de Valmalète, père de Marie-Anne – Annie pour ses amis –, actuelle directrice de l’agence. N ous sommes dans les années vingt, Marcel de Valmalète – dont la sœur, Madeleine est pianiste – rentre de la guerre. Bien qu’il soit en fait promis à une carrière tout à fait différente, il manifeste un intérêt certain pour le métier d’impresario : « Sans doute parce qu’il voyait travailler l’agent de ma tante et qu’il trouvait ce métier passionnant » précise Annie de Valmalète. Il rencontre alors Étienne Gaveau – fondateur des pianos et de la salle Gaveau – qui lui propose de prendre en charge la carrière des pianistes qui jouent sur ses pianos, car à l’époque, les musiciens sont attachés à une maison. Acceptant l’offre qui lui est faite, il commence sa carrière d’agent artistique : il a tout juste vingt-cinq ans. Le métier a énormément évolué, et aujourd’hui, il faut s’adapter à la situation générale, plus que jamais : « D’un côté, il semble que nous soyons à l’ère de la performance, de la sensation, de la technique – et d’ailleurs le niveau technique international des artistes est exceptionnel. Il y a quelques générations, on faisait moins attention aux notes à côté, aux imperfections, ce qui comptait, c’était le discours musical de l’artiste. De plus, le marché est saturé d’artistes de très bon niveau technique du monde entier. Les organisateurs ont donc une plus grande difficuté à s’y retrouver, à sélectionner. Mais je suis sûre que l’on va revenir à une ère plus spirituelle, à plus d’intérêt pour la musique vécue et moins pour la performance. J’espère que cela va revenir bien vite, vraiment ! 8 IMPRESSION THEMA : L’ENVERS DU DÉCOR À la mort de son père, elle n’a que vingt-cinq ans, et se retrouve parachutée à la tête de l’agence : « C’était très risqué, mais heureusement je n’étais pas complètement novice, ayant travaillé avec lui auparavant. Et puis, j’ai été épaulée par son ancienne équipe qui était très expérimentée, et aussi très soutenue par les artistes et par les collègues qui on été vraiment fair-play, en décidant communément de refuser tout artiste susceptible de vouloir quitter l’agence – pendant un an –, pour me laisser ma chance ! » Une mesure qui lui valu d’ailleurs un gag formidable : « Il y avait une artiste – dont je voulais réellement me séparer –, elle est donc allée démarcher les autres agents pour leur demander de prendre sa carrière en charge. Fidèles à leur parole, ils l’ont refusée ; j’ai dû la reprendre avec moi ! ». Cependant, dans son malheur, Annie de Valmalète a la chance de reprendre une affaire qui marche déjà très bien : « Nous avions de grandes vedettes internationales, Une anecdote… C’était une grande pianiste brésilienne Magda Tagliaferro issue de l’école française, elle travaillait avec mon père. Elle n’avait pas loin de quatre-vingt ans et sa carrière ralentissait. À l’époque, la maison Gaveau voulait faire des galas et lui propose d’en faire un avec elle. Elle était contre cette idée, mais j’ai réussi à la convaincre. Elle joue donc et quelques jours plus tard, je reçois des fax de tous les grands agents américains, demandant sa représentation. En fait, par hasard, un critique américain était dans la salle ce soir là, il était tombé sous le charme et emballé, lui avait fait deux colonnes dans le New York Times ! Grâce à ça, elle est retournée en Amérique où elle n’avait pas joué depuis trente ans. « Ce qui lui plaît le plus dans son métier ? Sans hésiter : voir un artiste réussir – c’est merveilleux, c’est la plus belle récompense. » un bon réseau de collègues à l’étranger – avec lesquels nous faisions des échanges –, d’autre part, j’étais très jeune et amie avec des artistes de mon âge, dont j’ai pu facilement prendre la carrière en charge. En fait, cela a fonctionné tout de suite ! ». L’agence hier et aujourd’hui Jusque dans les années soixante, l’activité était divisée en deux : une partie concernait l’organisation de concerts à Paris, et l’autre moitié était consacrée au management des artistes. Depuis, l’activité a beaucoup évolué, pour devenir davantage une agence artistique : « À l’époque, nous étions un “bureau de concerts” et notre dénomination était “organisateur de concert”, d’où le nom de l’agence : Les Concerts de Valmalète. Personnellement, je suis un peu nostalgique de cette époque, parce que j’adorais le côté production qui était très important, puisqu’il nous permettait de lancer nos artistes, ça les aidait beaucoup. Malheureusement, c’est devenu très difficile de faire de la production aujourd’hui. Nous en faisons encore, mais moins que dans le temps ». Annie déplore que les choses aient beaucoup changé, le métier est devenu plus difficile : les jeunes artistes sont beaucoup plus exigeants, ils ne sont pas très raisonnables et ne prennent pas assez le temps de mûrir. Beaucoup veulent tout tout de suite et refusent de jouer dans certains endroits ! « Vous savez, j’ai débuté avec Lorin Maazel, Jean-Pierre Rampal et d’autres célébrités, qui pourtant ne refusaient pas systématiquement des propositions, du moment que la valeur artistique était sauvegardée . Un jeune artiste débutant, il n’y a pas de secret, il faut qu’il joue, il faut qu’on l’entende ! ». Actuellement, l’agence comprend quatre départements gérés par une dizaine de personnes. Chacune a sa spécialité : les chefs d’orchestres, les chanteurs, les instrumentistes, afin que l’artiste qui téléphone ait toujours – si possible – le même interlocuteur. Il faut bien reconnaître que le catalogue d’artistes est impressionnant : « Je pars du principe qu’il ne faut pas se cantonner à peu d’artistes – je comprends qu’on le fasse pour débuter, lorsqu’on travaille seul. Mais, si l’on gère un grand nombre d’artistes, cela signifie aussi que l’on a souvent les organisateurs au téléphone : ils veulent untel qui n’est pas libre, alors on leur dit : “Pourquoi vous ne prenez pas untel…”. Le choix d’un nouvel artiste peut se faire de mille façons différentes : par relation, parce qu’on l’a entendu en concert, parce que nous lui avons plu et qu’il nous propose de travailler ensemble, par un agent étranger qui veut que l’on s’occupe d’un de ses artistes en France. En fait, il y a vraiment tous les cas de figure. Mais, on essaie aussi de se restreindre, même si nous fonctionnons ainsi depuis cinquante ans et que cela marche !… » Le métier d’agent artistique Pour Annie de Valmalète, le métier d’agent, c’est avant tout la gestion de IMPRESSION THEMA : L’ENVERS DU DÉCOR 9 Leonard Bernstein, Marie-Anne de Valmalète, 1970. carrière des artistes, – le management la passionne. Son travail, c’est arriver à imposer le talent de son artiste et lui remplir son calendrier d’une manière intelligente, pour qu’il fasse une carrière qui musicalement, lui donne satisfaction. Elle doit répondre à leur besoin, à ce qu’ils ne peuvent pas faire eux-mêmes. Lorsque l’agence débute une collaboration avec un artiste, sa carrière est mise à plat avec lui : la liste de ce qu’il a fait, la liste des chefs avec lesquels il s’est bien entendu, les critiques qu’il a eues, son répertoire « Un jeune artiste débutant, il n’y a pas de secret, il faut qu’il joue, il faut qu’on l’entende ! » de prédilection, sa biographie… « Au vu de tout ça, on trace un plan de carrière ensemble, puis c’est le travail de terrain qui débute ». Ce qui lui plaît le plus dans son métier ? Sans hésiter : « Voir un artiste réussir – c’est merveilleux, c’est la plus belle récompense – et puis, le contact humain, – c’est de la psychologie en fait ! » Mais, elle ne renie pas le côté moralement très dur, stressant du métier : « Nous avons entre nos mains la carrière d’un artiste, nous faisons tout pour lui, sauf jouer, diriger ou encore chanter à sa place. La moindre erreur peut être fatale à sa carrière. C’est une sacrée responsabilité ! » 10 IMPRESSION THEMA : L’ENVERS DU DÉCOR Patrick Garvey Et outre-manche me direz-vous ? Patrick Garvey, britannique, est depuis une quinzaine d’années à la tête d’une agence gérant la carrière d’une soixantaine d’artistes. Ce passionné a accepté de répondre à nos questions et nous a livré, à l’heure du thé, sa vision du métier. » Quelques mots sur vos études, votre parcours ? Enfant, j’étais dans les chœurs d’Oxford. Puis après le baccalauréat, je suis rentré au Manchester Royal College of Music pour y étudier le cor en particulier, mais aussi, le piano et la composition. Vous jouez toujours ? Non, je n’ai plus le temps. Une des choses que vous apprenez dans notre métier est qu’une journée n’a malheureusement que 24 h ! Comment êtes-vous passé du métier d’instrumentiste, au métier d’agent artistique ? J’ai pris la décision – quand j’étais au Royal College –, de ne pas travailler plus de dix ans dans un orchestre, pour ensuite pouvoir vivre la musique autrement. Finalement, j’y suis resté quinze ans, durée pendant laquelle j’ai été membre de l’Orchestre Philharmonique de Londres – treize années, en tout. Ensuite, je suis devenu manager de l’orchestre de chambre de la BBC en Écosse, à Glasgow. Puis, je suis rentré dans une grande société en tant qu’agent artistique et très vite j’ai décidé de créer ma propre agence : Patrick Garvey Management, il y a maintenant quatorze ans. Comment votre agence fonctionne t-elle ? L’administration est basée à York, mais personnellement, je vis dans l’extrême sud de l’Angleterre, près de Glaynborne. En fait, lorsque vous appelez mon bureau, mon assistante me transfert l’appel à 500 km et personne ne s’en rend compte ! Je suis mon propre patron, je conçois et mets en œuvre toutes les stratégies artistiques et commerciales. J’ai une assistante fantastique sans qui rien ne serait possible. Nous sommes deux en fait, mais nous avons parfois recours à des aides ponctuelles dans certains domaines, comme la presse, ou les relations publiques. Pouvez-vous décrire votre quotidien ? Il n’y a aucune routine dans ce métier, c’est pourquoi je reste jeune ! En fait, c’est un métier très peu répétitif et si c’était le cas, je m’ennuierais. Quelles sont les principales tâches de votre fonction? En dehors du fonctionnement général de l’agence, je conçois les plans de carrière de chacun de mes artistes. Combien d’artistes avez-vous à votre catalogue ? Nous en avons presque soixante, dont les deux tiers sont représentés exclusivement sur la Grande Bretagne. Nous nous occupons des vingt artistes restants, au niveau international. de faire se produire les artistes dans les répertoires pour lesquels ils sont faits et cela peut être par exemple, le répertoire de la comédie musicale. Je sens ces choses là ! Quelles sont les qualités requises pour être un bon agent ? Aimer les artistes, être curieux, avoir une intuition sur la qualité du travail des gens, sans oublier une infinie patience ! Il faut permettre à un artiste d’être lui même et apporter une vraie réponse à ses besoins, au niveau de sa carrière, de telle sorte qu’il ait confiance en vous et en votre jugement. C’est très important aussi de savoir respecter le choix de votre interlocuteur et de le laisser décider librement, même si vous n’êtes pas d’accord avec lui. Ceci ne s’applique pas seulement aux artistes, mais aussi à ceux qui les engagent – directeurs d’orchestre, de festivals, etc. Avez-vous des bons souvenirs de votre travail, au fil des années ? J’en ai d’excellents et d’épouvantables – il rit. C’est important d’apprendre de ses mauvaises expériences. J’ai beaucoup d’excellents souvenirs en fait, dans la mesure où les gens avec lesquels et pour lesquels je travaille sont des gens aux qualités humaines indéniables. Propos recueillis par A. - L. Henry-Tonnerre, K. Leroux et E. Lucchini À SAVOIR Sont-ils anglais pour la plupart ? Pour les lecteurs intéressés par cet envers Une douzaine seulement. du décor, nous recommandons les livres de Principalement dans le domaine de la musique classique ? When the music stops. Une impitoyable critique Norman Lebrecht et tout particulièrement : Oui et non, ce qui m’intéresse c’est du monde musical classique, son économie, ses acteurs et les systèmes qui le régissent. ÉMOTIONS CHRONIQUE DE GOLLIWOGG 11 Tel père, tel fils ? La musique n’est pas dans les gènes des chromosomes. Et si l’on dit qu’il y a tout de même dans les gènes la possibilité héréditaire d’une prédisposition à faire de la musique, on ne fait que restituer la vertu dormitive de l’opium et les qualités occultes du Moyen Âge. O n pourrait aussi revenir à la Physiognomonie de Lavater ou à la craniologie des bosses du cerveau. Mais si on parle de la bosse des mathématiques, on n’évoque guère la bosse de la musique, dont l’examen des crânes des Bach eût démontré qu’ils l’avaient presque tous, sauf les filles ! Jean-Sébastien lui-même, fils d’Ambrosius Bach, fils de Christophe Bach, fils de Hans Bach, fils de Velt Bach, fils de… Mais alors, Adam lui-même n’était-il pas musicien, n’avait-il pas, conformément à la théorie de la préformation des gènes, toutes les bosses de toutes les sciences et de tous les arts ? Et Ève alors ? L’instinct maternel de toutes les mères à venir, ou la séduction de toutes ses filles ? Je n’exclus pas cependant que beaucoup de nos contemporains, munis d’un vade-mecum de génétique hâtive, n’aient une vision héréditaire de la vocation. Mais le « tout est culturel » de leurs adversaires, fidèles en cela à l’opposition de la nature et de la culture qui a servi, sous la forme tout à fait défendable d’une pure matrice oppositionnelle, a servi à Claude Levi-Strauss de développements souverains, ne vaut parfois pas tellement plus cher : l’air du temps, « Mais alors, Adam lui-même n’était-il pas musicien, n’avait-il pas conformément à la théorie de la préformation des gènes, toutes les bosses de toutes les sciences et de tous les arts ? » la société, le climat, l’économie, les acquis sociaux, l’influence des médias, vous et moi, et le reste. Culturel, cela revient tout de même à dire que dans la Leipzig de Jean-Sébastien, l’autorité paternelle, la tradition luthérienne encore toute fraîche, le consentement de deux épouses, et sans nul doute l’obligation d’un apprentissage dans un langage musical aussi assuré, ont dû fonctionner comme une seconde nature, jusqu’à proposer à au moins six de ses fils la musique comme idéal du moi, voire comme idéal tout court. Nos critères modernes, hérités d’une bourgeoisie plus libérale, impliquent sans doute une liberté plus grande des enfants, qui sont, en droit, supposés choisir un métier différent de celui du père, comme les filles ne sont plus forcées, dans cette même bourgeoisie, d’épouser le jeune prétendant ardent à reprendre les affaires de son père. En tout cas, notre idée romantique du génie implique, comme on voit dans la nouvelle Le Fils du Titien d’Alfred de Musset, que le fils du génie est forcément quelqu’un qui va rater sa vie s’il veut se mêler de l’art de son père, et nous ne souhaitons plus qu’un compositeur ait des enfants compositeurs : la fille de Debussy ? Devint-elle pianiste ? Le fils de Schönberg ? Il était très fort en tennis (au point qu’on félicitait Arnold d’être le père d’un champion de tennis). Et puis tous ces génies qui n’auront pas eu d’enfants ! Et s’il y a une tribu Stockhausen, nous l’attribuerons davantage à quelque désir très fort du père qu’à une hérédité spontanée. Mieux vaut parler de « roman familial » au sens de Freud, que d’hérédité chromosomique : Le petit garçon se raconte des histoires, il a son « mythe individuel » (l’expression est de Lacan), et s’il entend dépasser son père en 12 ÉMOTIONS CHRONIQUE DE GOLLIWOGG Velt Bach Vingt et un Bach célèbres Hans Bach 1626 Johann Bach Heinrich Bach Christophe Bach 1604-1673 1615-1692 1613-1661 Joh. Egidius Bach Joh. Christ Bach Joh. Michael Bach Ambrosius Bach 1645-1717 1642-1703 1648-1694 1645-1695 J. Bernhard Bach Nikolaus Bach Maria-Barb. Bach J.-S. Bach Joh. Christ Bach 1676-1749 1669-1753 1684-1720 1685-1750 1671-1721 Joh.-Ernest Bach Friedmann Bach Karl.-Ph.-Em. Bach J. Got. Bern Bach J.-Ch.-Fried. Bach Joh. Christ Bach Bernard Bach 1722-1777 1710-1784 1714-1788 1715-1739 1732-1795 1636-1782 1700-1743 Fils de Maria Barbara Fils d’Anne Magdalena Extrait de l’arbre généalogique de la famille Bach. musique, comme on imagine qu’a dû faire Wolfgang Amadeus, ce désir est sûrement bien plus fort que le devoir d’obéissance. Reste que l’art, pourtant, une fois qu’il a été inauguré par un ascendant, fascine plus l’enfant que d’autres métiers. Le modèle du fils maudit qui rompt avec son père boulanger ou employé de banque pour devenir peintre ou comédien nous est plus familier que l’inverse. Mais cela ne prouve rien. Après tout, par revanche sur l’existence de leur père, artiste raté, bien des fils ont dû, sinon revenir à la boulangerie, du moins entrer dans la banque. Mais enfin, David Hallyday et Anthony Delon et Guillaume Depardieu nous donnent l’exemple de « tel père tel fils », selon des rivalités parfois aussi meurtrières qu’identificatoires. Tout ce préambule « ni chair ni poisson » pour indiquer qu’en écoutant le concert intitulé « Les quatre fils », dirigé par Reinhard Goebel le 27 mars dernier au Théâtre Mogador, avec Anne Queffelec au piano, et où l’on put entendre, après une Sinfonia de Jean-Sébastien, une Sinfonia de Carl Philipp Emanuel (1714-1788, le deuxième fils de la première épouse), un concerto pour clavier et orchestre de Johann Christoph Friedrich (1732-1795, fils aîné de la seconde épouse), un adagio et une fugue de Wilhelm Friedmann (1710-1784, deuxième enfant et fils aîné de la première épouse), et une Sinfonia pour l’opéra Amadis de Gaule* de Johann Christian (1735-1782, dernier enfant de la seconde épouse), chacun put se demander comment la nature et la culture s’étaient distribué la tâche dans cette illustre famille. On peut d’ailleurs remarquer qu’entre Wilhelm Friedmann, premier fils, et Johann Christian, dernier fils, il y a un intervalle de 26 ans (le temps d’avoir une vingtaine d’enfants). Mais de là ne suit pas grand-chose, sinon ceci : en ordonnée, je mets les dates des œuvres, soit 1733-1746 pour Wilhelm Friedrich, 1779 pour Johann Christoph, 1780 pour Karl Philipp Emanuel, 1792 pour Johann Christian Friedrich. Elles ne furent d’ailleurs pas exécutées dans cet ordre ce soir-là, mais selon l’harmonie requise dans un programme. Je dois alors mettre en abscisse l’histoire de la musique, ou, si vous voulez, l’époque. Le style, alors, ou la mode, ou l’influence, comptent ÉMOTIONS CHRONIQUE DE GOLLIWOGG autant que l’apprentissage dans l’entourage familial. S’il est sûr que ce milieu a dû compter (ordonnée), donnant à tous ces enfants le modèle d’un père absolument musicien (et sans doute bon et sévère et autoritaire et libéral et pieux et capable autant du sublime que du carnavalesque, et persuadé de la misère de l’homme sans Dieu et de le grandeur de l’homme avec Dieu, et tout ce que votre exaltation au seul nom de Bach voudra ajouter à cette évocation), devait compter aussi (en ordonnée) tout ce qu’on pouvait entendre en même temps ici et ailleurs, non seulement à Leipzig, mais là où ils trouvèrent à se faire employer : à Berlin, à Hambourg, à Bückeburg, à Halle, à Milan et à Londres, ne fût-ce aussi que pour s’affirmer soi-même et s’arracher à l’emprise d’un génie omnipotent – puisqu’un témoin, (cité dans l’excellent programme d’où je tire mes renseignements) dit qu’il n’a jamais pu entendre Wilhelm Friedmann jouer une note de son père, « ce que tout le monde souhaitait » ! Si bien qu’on entendait une sombre emprise du Cantor dans la grande fugue de ce Wilhelm Friedmann, écrite encore du vivant de Jean-Sébastien (avec peut-être – mais comment le savoir – quelque chose d’assez sombre et d’ombrageux, comme chez l’un des fils de Racine, qui voulut être poète, et vécut un peu mélancolique) – que l’on trouvait des charmes et des accents dans le concerto de Johann Christoph, de 1792, qui avait dû lire et entendre du Mozart – que la Sinfonia de Karl Philipp Emanuel semblait s’essayer à des styles divers, commandés cependant par une certaine unité empruntée au discours paternel, puisqu’il se réjouit, lui, d’avoir pu connaître à Leipzig tous les maîtres de passage qui voulaient rencontrer ce qu’il nomme « la grandeur inimitable Jean-Sébastien Bach, ©1990 by Dover Publications, Inc. « Alors quand le père est aussi prodigue que Jean-Sébastien Bach, vous imaginez la difficulté d’un problème que quatre fils, ni vingt, ni cent, ni mille n’arriveront jamais à résoudre ». de mon père » – tandis que l’Ouverture pour Amadis manifestait ce goût pour l’opéra, digne de Haendel ou de Telemann, auquel Jean-Sébastien n’avait jamais cédé. Un opéra de Quinault, en plus, donné à Paris en 1779, quelque trente ans après la mort de Bach, et qui devait la faire entrer dans le goût français. Si l’on s’intéresse au théâtre, d’ailleurs, il faut avouer qu’il y a dans les Passions de Bach (toujours JeanSébastien) plus de théâtralité réelle 13 que dans tous les opéras de Haendel réunis (je ne dis pas dans ses oratorios). J’appelle ici théâtralité… ce qu’on trouve précisément de dramatisme dans les dites Passions, dans leur organisation générale, dans leur déroulement, dans leurs temporalités successives, dans leurs surprises et dans leurs coups de théâtre, dans leur spatialité intrinsèque, dans cette espèce de catharsis suprême qu’on entend dans les Chœurs finals de la Passion selon saint Jean et de la Passion selon saint Matthieu, et qui font que l’auditeur, le fidèle, sort consolé, ce qu’on n’obtient jamais ni chez Haendel, ni guère chez Rameau, dont les esthétiques (et notamment la forme de la tragédie lyrique) obéissent à d’autres critères : Pourquoi t’en vas-tu donc chercher des Amadis Lorsque te suffit bien la Passion de Christ ! Abscisse et ordonnée par rapport auxquelles je mesure bien pauvrement l’équation d’une courbe bien plus complexe en chaque fils, et qui justifie que notre goût pour les proverbes ait toujours corrigé le « Tel père tel fils » en un « À tel père avare fils prodigue ». Alors, quand le père est aussi prodigue que Jean-Sébastien Bach, vous imaginez la difficulté d’un problème que quatre fils, ni vingt, ni cent, ni mille n’arriveront jamais à résoudre ! *Amadis de Gaule est, on le sait, un roman de chevalerie espagnol qui eut un succès considérable, et tout lecteur de Don Quichotte le rencontre à chaque page du roman, comme modèle de son héros. Que pensait Johann Christian, élève en Italie du Padre Martini, puis attaché au King’s Theatre de Londres, en écrivant cette Ouverture ? 14 LE COIN DES MUSICIENS INTERVIEW Sempre alto ! C’est le premier pupitre de cordes de l’orchestre que nous rencontrons, neuf sur dix étaient au rendez-vous, voici Mesdames et Messieurs les altistes ! Le choix de l’instrument » Parlez-nous un peu de votre parcours : vos études, la raison du choix de cet instrument… Inès Karsenty : Je suis venue à l’alto un peu par hasard.Comme beaucoup d’enfants, je voulais faire du piano ou du violon, mais au conservatoire de Noisiel, il ne restait de la place qu’en harpe et en alto ! Pour la harpe, mes parents ont dit : « On n’achète pas un break ! ». Donc, voilà, j’ai commencé comme ça. Ensuite je suis entrée au Conservatoire de Paris (CNSMDP). Je suis dans l’orchestre depuis trois ans. Catherine Méron : J’ai commencé par le violon en province, au conservatoire de Bourges et comme j’aimais les instruments graves, je suis passée à l’alto. Plus tard, je suis entrée au CNSM à Paris et j’ai passé le concours pour rentrer dans l’orchestre. J’y suis depuis sa création, en 1974. Anne-Marie Arduini : J’ai débuté par le violon dans un conservatoire de banlieue, puis j’ai voulu présenter le Conservatoire de Paris, mais j’ai échoué. Je me suis alors présentée à l’alto et j’ai été reçue tout de suite. C’est à sa création, que je suis arrivée à l’orchestre. De gauche à droite : [assises] Anne-Marie Arduini, Inès Karsenty, Muriel Jollis-Dimitriu, Chantal Ardouin. [debout] Catherine Méron, Sonia Badets, Solange Marbotin, Jean-Michel Vernier, Renaud Stahl. VL2 Altos CB VL1 VLC CHEF La place des altos dans l’orchestre. Sonia Badets : Pour ma part, au début, je ne savais pas ce qu’était un alto ! Abréviations : A = altos - CB = contrebasses - VLC = violoncelles - VL1 = premiers violons VL2 = seconds violons LE COIN DES MUSICIENS INTERVIEW J’avais sept ans et je voulais faire du violoncelle. Pour le violoncelle, mon père m’a dit : « Ouh la la la, vous êtes quatre – j’avais trois frères –, les départs en vacances dans la voiture…, non, ça ne va pas être possible ! ». J’ai donc fait du violon, avec un professeur qui apportait toujours un alto. Le fait d’entendre cet instrument qui sonnait plus grave, m’a donné envie de passer à l’alto. J’ai commencé à Beauvais, puis continué dans la région parisienne, avant d’entrer au Conservatoire de Paris. Je suis à l’orchestre depuis vingt ans. Solange Marbotin : J’ai commencé par le violon – j’ai eu mon prix au conservatoire de Versailles. Par la suite, étant trop âgée pour intégrer la classe de violon du Conservatoire de Paris, j’ai choisi l’alto. J’ai donc eu mon 1er prix du Conservatoire de Paris, en alto. Je suis entrée à l’orchestre il y a maintenant vingt ans Jean-Michel Vernier : J’ai commencé l’alto à onze ans au conservatoire de Besançon, même si à l’époque, je voulais faire du violon. J’ai poursuivi au Conservatoire de Paris, comme tout le monde apparemment ! Je suis à l’orchestre depuis 1984. Chantal Ardouin : Comme beaucoup de musiciens de ma génération, j’ai commencé par le violon – au conservatoire de Versailles, comme Solange. À cette époque, on manquait beaucoup d’altistes, et le directeur a suggéré à un grand nombre d’entre nous, de prendre l’alto. C’est un instrument que je ne connaissais pas du tout d’ailleurs ! Puis, comme j’étais un peu âgée pour le conservatoire, je suis entrée à l’École Normale de Musique de Paris dans la classe de Léon Pascal « Pour que cela soit plus harmonieux, ce sont les chefs de pupitre qui décident du style à adopter pour certains passages : plus “lié”, plus “à la corde” ou plus “sautillé”, par exemple. » – un professeur exceptionnel, très humain – où j’ai obtenu ma licence. J’ai intégré l’orchestre, il y a trente ans ! Renaud Stahl : Ma formation a débuté avec le piano, puis le violon. Comme j’étais entouré de gens qui jouaient très bien du violon – notamment, ma sœur et ma femme – je me suis dis qu’avec l’alto, je trouverais quelque chose de complémentaire – par rapport au violon. J’ai donc essayé, sans forcément savoir que l’alto allait devenir mon instrument privilégié. C’est un instrument qui correspond assez bien à ma personnalité. Je suis donc entré au Conservatoire de Paris, puis à l’Orchestre National d’Ile de France, en 1997. Muriel Jollis-Dimitriu : J’ai commencé, je crois que j’avais sept ans, directement à l’alto – parce que mes parents sont musiciens. Nous habitions au Mans à l’époque et il y avait une jeune femme, professeur d’alto, très dynamique, qui formait les élèves sur un quart de violon avec des cordes d’alto. Je suis passée ensuite par l’École Normale de 15 Musique avec Léon Pascal comme professeur, puis par le conservatoire de Versailles et enfin, le CNSM de Paris. Je suis entrée à l’orchestre en 1982. Vous êtes chef de pupitre avec Renaud Stahl, pouvez-vous nous dire en quoi cela consiste ? M. J-D. : Nous sommes deux devant, comme pour les violons. Cela consiste – en ce qui concerne le pupitre en général – à régler les partitions avant la première répétition. Très exactement, nous réglons les coups d’archet – sens dans lequel on va tirer ou pousser l’archet – et nous essayons qu’il y ait une cohésion dans notre façon de jouer. Nous sommes très souvent soumis à ce que font les premiers violons, en l’occurrence le Concert Master qui décide d’un coup d’archet général. Par contre, si nous avons un grand solo de pupitre, nous mettons nos propres coups d’archet, sans dépendre des autres. Pour que cela soit plus harmonieux, ce sont les chefs de pupitre qui décident du style à adopter pour certains passages : plus « lié », plus « à la corde » ou plus « sautillé », par exemple. Jouez-vous de temps en temps en soliste, lorsqu’il y a un concerto pour alto ? R. S. : Cela arrive, mais c’est rare. Par contre, dans le répertoire symphonique, nous avons de beaux solos d’alto à jouer. Avez-vous eu des maîtres – particulièrement brillants – qui vous aient marqués ? C. M. : Serge Collot au CNSM de Paris. Une personnalité très marquante. S. M. : Etienne Ginot qui était un excellent professeur, un grand maître – au Conservatoire de Paris également. 16 LE COIN DES MUSICIENS INTERVIEW Le répertoire Dans l’ensemble, vous êtes bien servis par le répertoire symphonique, on a des chances de vous entendre dans presque tous les concerts… Ensemble : Dans tous les concerts ! M. J-D. : À l’orchestre les cordes sont toujours là, mais parfois il y a des effectifs réduits. R. S. : Et même dans le répertoire de la musique de chambre pour cordes, l’alto est toujours très présent. C’est un des attraits de l’instrument : il nous permet avec un rôle de milieu dans l’équipe, d’avoir une position un peu stratégique. On a vraiment accès à un répertoire magnifique ! S. B. : Enfin, là, nous sommes dans un orchestre symphonique, la musique de chambre, c’est quand même à part. Il ne faut pas oublier que lorsqu’on rentre à l’orchestre, c’est pour jouer de la musique symphonique, à grand effectif. Il faut quand même dire que la partie mélodique est généralement jouée par les violons, tandis que notre rôle est un rôle d’accompagnement. On a des parties moins alléchantes que les premiers violons, il faut savoir le reconnaître ! Cela dépend de l’écriture du compositeur… C’est mieux dans la musique contemporaine ou du XXe siècle, par exemple. I. K. à S. B. : Dans la musique classique aussi, même si ce ne sont que des parties harmoniques, si tu retires l’alto, cela change tout le paysage musical. C’est quand même très riche musicalement. M. J-D. : On a moins souvent le thème, c’est vrai. R. S. : On peut citer certains compositeurs, comme Brahms chez lequel on a beaucoup de parties intéressantes. Il a donné à l’alto un rôle vraiment très agréable. M. J-D. : Dans le répertoire romantique, nous avons pas mal de choses à jouer. Quand vous découvrez ce que vous allez jouer dans le courant d’une saison, avez-vous des moments de joie ou d’affliction ? Pourriez-vous nous dire Alto et archet. © 1990 by Dover Publications, Inc. Alto. © 1990 by Dover Publications, Inc. quels sont les compositeurs qui ont vos faveurs ? C. M. : Cela dépend énormément du chef qui nous dirige. L’avant dernière série : Les quatre fils avec Reinhard Goebel, était extrêmement enrichissante, or on n’avait pas nécessairement des parties très intéressantes à jouer. Mais, ce qu’il a apporté dans cette musique là nous a donné envie de jouer. Il a demandé des accompagnements très actifs. I. K. : De la même manière qu’une symphonie de Brahms peut devenir très lassante, si le chef nous la rend ennuyeuse. M. J-D. : Cela dépend vraiment si le chef a tendance à privilégier le milieu ou non. Un chef nous a dit dernièrement : « Je veux vous entendre, j’aime les voix du milieu ! ». Il a demandé à ce que la base harmonique soit plus importante, parce que cela lui manquait. D’autres demandent le contraire. Vous demandiez quel(s) compositeur(s) on préférait ? Je n’ai pas de compositeur préféré. En revanche, j’aimerais bien qu’on nous donne l’occasion de jouer certaines œuvres où le pupitre d’altos est vraiment mis en valeur. Par exemple, la Seconde Sérénade de Brahms où les altos tiennent la place des premiers violons. C’est une superbe partie, Brahms écrivait magnifiquement pour notre instrument. Il y aussi les Symphonies pour cordes de Mendelssohn que l’on ne joue jamais, avec deux parties somptueuses d’alto, dans lesquelles nous avons à jouer autant que les violonistes. LE COIN DES MUSICIENS INTERVIEW 17 Et dans le musique du XXe siècle : Bartok, Stravinski… M. J-D. : Dans toutes les grandes œuvres du XXe siècle, il y a beaucoup à jouer. Vous arrive t-il de jouer en dehors de l’orchestre ? De la musique de chambre par exemple ? I. K. : Dès que je peux, car il y a de très belles parties d’alto en musique de chambre, où la sonorité de l’instrument est vraiment mise en valeur. A-M. A. : Je joue en duo – violon/alto – de temps en temps. S. B. : Avant oui, mais maintenant, je n’ai plus le temps. C’est un choix. Je ne l’ai pas dit tout à l’heure, mais j’aime lorsqu’on joue Mahler, c’est plein de contrastes. S. M. : J’ai joué en musique de chambre lorsque j’étais jeune, mais plus maintenant. J-M. V. : Moi aussi, j’en ai fait lorsque j’étais plus jeune. J’ai fait de la variété aussi, puis je me suis rendu compte que j’avais besoin de temps pour faire autre chose – aller au cinéma, voir des expositions –, alors j’ai beaucoup réduit cette pratique. Aujourd’hui, je me consacre presque exclusivement à l’orchestre. Pour ce qui est de la musique d’influence romantique, je trouve que Richard Strauss a écrit des parties magnifiques. C. A. : J’ai fait de la musique de chambre quand j’étais jeune également, puis je n’ai plus eu de temps, à cause de l’enseignement. Désormais, je fais uniquement l’orchestre. M. J-D. : Je fais de la musique de chambre dans le cadre de l’orchestre. Et en dehors, j’ai deux formations. En revanche, je n’enseigne pas. R. S. : Je fais du quatuor à cordes (2 violons, 1 alto, 1 violoncelle) régulièrement. Cela prend beaucoup Bela Bartok, Concerto pour alto, extrait du second mouvement, partie d’alto solo. ©1949 in U.S.A. by Boosey & hawkes, Inc. de temps, car c’est un travail qui se fait sur la durée. Cela demande de la régularité et beaucoup d’énergie, pour chaque concert. Mais, le répertoire du quatuor pour l’alto est passionnant. L’enseignement C. M. : J’enseigne à temps partiel au conservatoire de Bourg-la-Reine. J’aime le contact avec les enfants, essayer de transmettre un peu ce qu’est l’alto. Vous prenez les élèves à partir de quel âge ? À partir de cinq ans et cela va jusqu’à quinze, seize ans. Ce n’est pas toujours facile d’enseigner aux tout petits, il faut beaucoup de patience, mais j’aime ça. R. S. : J’enseigne au conservatoire du 13e arrondissement où j’ai essentiellement des petits. Pourquoi le choix de l’alto ? Je pense qu’au départ ils ont envie de jouer un instrument à cordes et pour eux, l’alto est un violon qui a une sonorité bien spéciale. Je fais un peu d’éveil musical et je présente l’instrument. Ensuite, il y a la personne, ce qu’on propose comme dynamique de cours. 18 LE COIN DES MUSICIENS INTERVIEW Les altos pour débutants sont-ils différents ? C. M. : Ce sont soit des violons montés en alto – avec des cordes d’alto –, soit des petits altos fabriqués par des luthiers, ce qui coûte plus cher, mais sonne très bien. Il est important que l’enfant ait un son satisfaisant lorsqu’il débute. L’instrument Sur quel instrument jouezvous, en avez-vous plusieurs, jouez-vous de l’alto baroque ? R. S. : Je n’ai jamais utilisé d’alto baroque. Je n’ai qu’un seul instrument. M. J-D. : Je joue sur un instrument moderne (E. Blot). Je n’ai jamais fait de baroque non plus ; ceci dit, j’ai un petit alto du XVIIIe siècle qu’on appelle « alto de dame », qu’on m’a fait changer dès que je suis entrée au Conservatoire de Paris. J’aimerais bien un jour, me mettre au baroque sur cet instrument qui s’y prête, mais je me rends compte que c’est très différent. Je crois que cela nécessiterait de faire un stage sur la technique de l’archet, en particulier. C. A. : J’ai un instrument ancien, un vieux Paris de la fin du XVIIIe siècle. Quant à mon luthier, c’est Renaudin. J-M. V. : J’ai trois altos : deux modernes – l’un de Quenoil, l’autre de Millant – et un instrument du XVIIIe siècle, de Leclerc. J’en change souvent selon le répertoire ou selon mon état de fatigue physique. Leur taille et leur poids différents me permettent de privilégier soit la sonorité, soit la virtuosité. On obtient plus d’agilité sur un instrument plus petit, mais souvent au détriment de la sonorité. S. M. : J’ai deux instruments, un alto Salomon – un luthier français du XVIIIe siècle – et un Sylvestre & Maucotel – luthiers français du XXe siècle. S. B. : J’ai un instrument moderne qui a été fait pour moi, adapté à ma taille. « En effet, nous sommes comme des danseurs, des sportifs : nous devons nous exercer, nous entretenir ». Il n’est pas lourd du tout et sonne toujours très bien. A-M. A. : J’ai toujours le même instrument que celui que j’avais au Conservatoire de Paris. C’est un Laberthe qui a cent ans. C. M. : Je possède deux instruments : un Quenoil que j’ai commandé quand je suis entrée au Conservatoire de Paris. Il y a peu de temps, j’ai acheté un italien du début du XXe siècle, un peu plus grand, mais très léger et très facile à jouer. Je peux passer de l’un à l’autre sans problème, car le diapasonnage est similaire. I. K. : J’ai un instrument qui a été fait pour moi, un Prochasson, le diapason a été spécialement adapté. Sinon, j’ai un ami qui me prête un instrument baroque. Beaucoup de sensations changent au niveau de l’articulation. Lorsqu’on a un archet baroque, les cordes en boyau ne répondent pas du tout de la même manière. La pratique de l’instrument chez soi Avez-vous beaucoup de travail à la maison ? R. S. : Cela dépend grandement des programmes et de ce que l’on connaît ou pas. Personnellement, j’écoute les enregistrements, ce qui permet de prévenir les éventuelles difficultés de certaines partitions. M. J-D. : Tout dépend de la connaissance antérieure que l’on a de l’œuvre et de ce que le chef nous demande. Parfois, il y a des coups d’archet et des tempi surprenants ! On travaille alors davantage les partitions chez nous. S. B. : Il n’y a pas seulement le travail des partitions d’orchestre de la série en cours. En effet, nous sommes comme des danseurs, des sportifs : nous devons nous exercer, nous entretenir. Personnellement, c’est une remise en question constante, je travaille donc souvent la technique chez moi. À la différence de beaucoup d’instruments, nous créons notre note et notre son, – contrairement à un pianiste, par exemple. Il faut donc s’entraîner fréquemment. J-M. V. : Le travail d’orchestre est distinct du travail personnel. Il faut à la maison refaire régulièrement un travail de technique de base. La justesse par exemple, est très fluctuante à l’orchestre et l’on doit en permanence s’adapter à la justesse collective. Le travail personnel permet de retrouver une certaine stabilité. Le rôle du chef d’orchestre Qu’est-ce que vous attendez d’un chef ? C. M. : Beaucoup de choses ! Il doit avoir une idée musicale de l’œuvre qu’il dirige et nous sommes là aussi pour servir sa pensée. L’important, c’est qu’il insuffle quelque chose. I. K. : Il faut effectivement que l’on puisse suivre une idée musicale car, s’il n’y en a pas, cela part dans tous les sens et il n’y a plus d’unité. J-M. V. : Quelqu’un qui n’a pas de conception et qui attend tout de nous, c’est épuisant. Propos recueillis par E. Lucchini et F. Regnault À PROPOS DE AGENDA Cet été avec l’orchestre ! MAi - jUIN Ce programme propose deux chefs-d’œuvre viennois écrits à cinquante ans de distance. La première symphonie de Mahler se situe en quelque sorte à la frontière de la symphonie romantique et des grandes formes à venir de la première moitié du XXe siècle. Quant au concerto pour violon de Berg, c’est l’une des œuvres les plus lyrique et émouvante de la seconde école de Vienne : écrite à la mémoire d’une jeune fille morte prématurément, cette pièce est un chant plein d’élan et de rêves… Berg, Mahler direction Oswald Sallaberger violon Isabelle Faust Paris (75) samedi 8 mai / 20h Théâtre Mogador Rés. 01 43 68 76 00 Bagneux (92) dimanche 9 mai / 17h Espace Leo Ferré Rés. 01 46 65 58 10 Auditorium Sainte-Marie Rés. 01 46 11 58 00 JUILLET - AOÛT - SEPTEMBRE Paris (75) mardi 8 juin 04 à 20h Salle Gaveau Rés. 01 43 68 76 00 Colombes (92) mercredi 9 juin / 20h30 L’Avant-Seine - Théâtre de Colombes Rés. 01 56 05 00 76 Musique américaine Musique de chambre avec les musiciens de l’Orchestre National d’Ile de France Korngold violon Bernard Le Monnier violon Brigitte Richard altos Muriel Jollis-Dimitriu - Inès Karsenty violoncelles Anne-Marie Rochard Bernard Vandenbroucque Carter violon Marie-Anne Le Bars alto Renaud Stahl violoncelle Frédéric Dupuis hautbois Marianne Legendre © David Coulon Sur les hauteurs de Vienne Fontainebleau Brahms, Beethoven direction Philippe Entremont violon Dan Zhou Fontainebleau (77) vendredi 2 juillet 04 / 21h Halle de Villars (en coproduction) Rés. 01 64 22 26 91 Corbeil-Essonnes (91) mercredi 12 mai / 20h45 Copland violons Virginie Dupont Yoko Lévi-Kobayashi alto Frédéric Gondot violoncelle Fédéric Dupuis clarinette Jean-Claude Falietti piano Renaud Stahl Théâtre de Corbeil-Essonnes Rés. 01 60 89 75 57 La face cachée Paris (75) mercredi 14 juillet /21h30 direction David Levi chef assistant Philippe Bodin Parc André Citroën dans le cadre du festival Paris Quartier d’été Meudon (92) mardi 11 mai / 20h45 Centre d’art et de culture Rés. 01 49 66 68 90 L’orchestre aux champs Avec Christophe Coin, extraordinaire musicien, amoureux des styles allant du baroque à nos jours, vous pourrez humer un bouquet varié, un bouquet de saison. Gluck, Britten, Mozart, Haydn direction Christophe Coin hautbois Jean-Michel Penot Enghien-les-Bains (95) vendredi 4 juin / 21h Centre des arts Rés. 01 30 10 85 59 Antony (92) samedi 5 juin / 20h45 19 Bernstein l’officiant Nigel Smith soprano Patricia Petibon - Karen Wierzba mezzo Louise Callinan ténor et rock singer Marc Molomot baryton Vitali Rozynko basse Jean-Loup Pagesy street chorus Isa Lagarde - Florens Gersende - Sylvia Vadimova - Ariane Prüssner - Juan Carlos - Thierry Cantero Jean-Michel Sereni - Gilles Bugeaud le jeune choeur de Paris Laurence Equilbey maîtrise des Hauts-de-Seine Paris (75) samedi 19 juin / 20h Cité de la musique [en coproduction] Rés. 01 43 68 76 00 Turangalîlâ Olivier Messiaen direction Pascal Rophé piano Roger Muraro Les Sept dernières paroles du Christ Haydn, Haendel direction Gordan Nikolitch récitant Jean-Baptiste Malartre Paris (75) dimanche 26 septembre /16h Parc Floral de Paris (Delta) dans le cadre du festival Paris Fêtes des Jardins Info. 01 40 71 76 00 Concert gratuit 20 NOS CHOUCHOUS ACTIONS ÉDUCATIVES ET CULTURELLES Des enfants face à Mille Soleils 1 © Agnès Courrault/Enguerand Les concerts éducatifs de l’Orchestre National d’Ile de France s’adressent aux publics les plus divers et sont notamment conçus en fonction de l’âge des enfants concernés. Lors des concerts éducatifs des 23 et 26 mars derniers à la Maison de l’orchestre, plusieurs classes d’écoles primaires ont fait la découverte d’une formation instrumentale inhabituelle – pour eux comme pour bien des adultes, d’ailleurs : un ensemble de cuivres et de percussions. Nous sommes allés à la rencontre de deux classes de CM2, de CP et de CE2. Les enfants témoignent… Du côté des classes de CM2 Parmi nos jeunes spectateurs, certains d’entre eux ont déjà assisté à des concerts éducatifs de l’Orchestre National d’Ile de France, en formation symphonique. Le caractère nouveau de cet ensemble instrumental, notamment dans son aspect visuel avec tous les instruments scintillants et lumineux que sont les cuivres ainsi que la masse et le volume sonore2 de ce « magasin » à percussions, ne manque pas de les impressionner. Notre enquête d’opinion auprès de ce jeune public, fait clairement apparaître un sentiment de grande satisfaction, en particulier pour deux des extraits des Tableaux d’une exposition de Moussorgski : Le Ballet des poussins dans leur coque et La sorcière Baba Yaga. Parmi les diverses réponses proposées (intérêt pour le chef d’orchestre, le présentateur, les musiciens et la musique elle-même ?), les enfants se disent particulièrement impressionnés par les musiciens et le volume sonore de leur prestation. Par ailleurs, ils apprécient la présentation de notre médiateur, Sylvain Audino, pour sa disponibilité et son amabilité. Sylvain prend le temps de les laisser réfléchir et répondre. Parfois, son débit enthousiaste est perçu comme un peu rapide… mais le succès est au rendez-vous. La moitié des enfants interviewés serait enchantée de pouvoir réentendre les mêmes œuvres, lors d’un autre concert de l’orchestre. Nos auditeurs en herbe sont surtout très motivés à l’idée de pouvoir nouer de plus amples relations avec les musiciens de l’orchestre, voire participer peut-être un jour à un spectacle avec eux. Enfin, une proportion de 70 % des sondés, est désormais tentée de pratiquer la musique (avis aux écoles de musique !…). Du côté des classes de CP et de CE2 Plus novices en la matière, que les précédents, ces enfants gardent un souvenir marquant du chef d’orchestre qui « avec sa baguette donne le rythme aux musiciens ». Certains instruments semblent particulièrement attirer leur attention : le xylophone – dont ils se souviennent du nom3 –, ainsi que ces « deux choses grandes et rondes qui donnaient de grands coups », les cymbales. Ils remarquent également la différence de sonorité de la trompette, avec et sans sourdine. Comme leurs aînés et avec leurs mots, ils s’émerveillent du bruit fabuleux, produit par l’ensemble de ces instruments. Un peu intimidés par l’atmosphère créée par Sylvain lors de la présentation de La sorcière Baba Yaga, ils apprécièrent que notre présentateur établisse des liens de proximité par un jeu permanent de questions et de réponses avec eux. Sylvain prend le temps de montrer à l’ensemble du public les dessins spontanés de quelques enfants. Par des exemples au piano, il illustre également son propos en faisant entendre des différences de timbre et de tessiture. Quelques considérations d’ordre pédagogique… Le premier objectif de ces séances est bien évidemment de donner du plaisir à ces enfants et de leur permettre de développer leur curiosité musicale. Comment la définir ? À la fois dans sa composante culturelle et dans la découverte de l’artisanat. Dès leur plus jeune âge, les enfants peuvent commencer à construire culturellement leur univers musical par le lien avec d’autres expressions, telles que le conte : c’est le cas avec La sorcière Baba Yaga et Le Ballet des poussins, pièces descriptives et narratives. Les éléments constitutifs de cette musique peuvent aussi être comparés à d’autres formes musicales familières : le dessin animé, les enregistrements et contes musicaux qui leur sont familiers. Par des questions simples, il est possible de faire prendre conscience de bien des éléments constitutifs de ces extraits : Pourquoi ce passage fait-il peur ou rire ? Connais-tu d’autres musiques qui y font penser ?… La découverte de l’artisanat musical fascine très vite l’enfant : taper, souffler, frotter sont des expressions qu’il comprend et ressent ; les intégrer dans un fonctionnement de groupe l’enchante. Il découvre comment on peut organiser des expressions aussi fondamentalement naturelles en un discours organisé. Il va ainsi à la découverte à la fois de la maîtrise du geste et des matériaux, tels que le bois, les métaux, les peaux qui constituent les corps sonores. Peu à peu il se familiarise avec des phénomènes acoustiques. Enfin, ces concerts éducatifs doivent participer à l’apprentissage de l’expression orale de l’enfant : il est fondamental qu’il puisse dire ce qu’il a vu et entendu, et progressivement enrichir son vocabulaire et organiser son propos, en s’appuyant sur le travail en amont avec les maîtres lorsque cela est possible, et sur les interventions du médiateur. Cette expression orale doit amener l’enfant à traduire avec des mots, ce qu’il ressent et perçoit ; pour tous – grands et petits – cet exercice reste difficile4 . Il contribue néanmoins extraordinairement à l’éducation de l’enfant, dans le lien qu’il crée entre sa sensibilité et son intelligence. Il y a quelques siècles, Platon disait déjà et bien mieux, l’importance de l’art dans l’éducation… J. David et M. O. Dupin 1 Plus clair que Mille soleils est une référence à la Bagavad Ghita, en hommage à l’éclat des cuivres. 2 Ils ont d’autant plus raison que la salle est très réverbérante. 3 Peut-être pas encore de ses racines grecques… 4 Même ceux dont c’est le métier, les critiques musicaux les plus chevronnés ont parfois des difficultés à rendre compte d’un concert… 21 L’événement auquel vous participez est parrainé par Télérama. Télérama, c’est un lieu où chaque semaine se rencontrent toutes les cultures qui font la culture. Président Guy Dumélie Directeur général Marc-Olivier Dupin Chef principal Yoel Levi Premiers violons supersolistes … Anne-Estelle Medouze Violons solos Stefan Rodescu Bernard Le Monnier Chefs d’attaque des seconds violons Jean-Michel Jalinière Flore Nicquevert Violons Maryse Thiery … Marie-Claude Cachot Marie-France Flamant Léon Kuzka Odile Sagon Sylviane Touratier Marie-Anne Le Bars Marie-Laure Rodescu Delphine Douillet Julie Oddou Brigitte Richard Virginie Dupont Jérôme Arger-Lefèvre Anne-Marie Gamard Jean-François Marcel … Bernadette Jarry-Guillamot Pierre-Emmanuel Sombret Geneviève Melet Isabelle Durin Yoko Lévy-Kobayashi Altos Muriel Jollis-Dimitriu Renaud Stahl Sonia Badets Inès Karsenty Chantal Ardouin Anne-Marie Arduini Frédéric Gondot Solange Marbotin Catherine Méron Jean-Michel Vernier Violoncelles Frédéric Dupuis Anne-Marie Rochard Jean-Michel Chrétien Jean-Marie Gabard Bertrand Braillard Béatrice Chirinian … Bernard Vandenbroucque Contrebasses Robert Pelatan Didier Goury Pierre Maindive Jean-Philippe Vo Dinh Philippe Bonnefond Pierre Herbaux Tom Gelineaud Flûtes Hélène Giraud Jean-Michel Varache Pierre Blazy Piccolo Nathalie Rozat Hautbois Jean-Michel Penot Jean-Philippe Thiébaut Cor anglais Marianne Legendre Clarinettes Jean-Claude Falietti Myriam Carrier Clarinette basse Alexandre Ringeval Bassons Henri Lescourret Frédéric Bouteille Contrebasson Cyril Exposito Cors Jean-Claude Baillieux Jean-Pierre Saint-Dizier Jean Pincemin Annouk Eudeline … Trompettes Pierre Greffin Nadine Schneider Patrick Lagorce André Presle Trombones Patrick Hanss Laurent Madeuf Matthieu Dubray Michel Calmels Contretuba / tuba-basse André Gilbert Timbales Jacques Deshaulle Percussions Gérard Deléger Pascal Chapelon Didier Keck Harpe Florence Dumont L’équipe administrative et technique Directeur délégué Roland David Administrateur Catherine Delcroix Assistante de direction Annie Lanuza Comptables Annie Péan Patrice Frantz Chargée de missions Emmanuelle Lucchini Chargée de diffusion Fabienne Voisin Administrateur de production Catherine Vauchelles Secrétaire de production Lyne Chambron Chargée de communication Karen Leroux Chargée de l’édition Anne-Laure Henry-Tonnerre Chargée des relations avec les publics Margarida Batista Attachée de presse Marie-Hélène Arbour Secrétaire de communication Consuelo Senis Chargé des actions éducatives et culturelles Jérôme Antoine Régisseurs du personnel artistique Bernard Chapelle Violaine de Souqual Régisseur général François Vega Régisseurs techniques Didier Theeten Adrien Husson Mickaël Theeten Chargée du service intérieur Marie-Béatrice Bertrand Bibliothécaire David Stieltjes Standardiste … L’île joyeuse, abonnez-vous ! RUBRIK LUDIK MOTS CROISÉS 22 Horizontal 1. Satie en a composé trois. 2. Matériau des premières flûtes. À sa place à Paris. Créé. 3. Vit le scandale du Sacre. Initiales d’un facteur de pianos, père de Camille. Un peu de vrai. 4. Pour la Fonderie de Mossolov. Bergère sauvée par Pan, dans un ballet. 5. Duo sans tête. Père de famille chez les vents. Enfant de Zemlinsky. 6. Majeur allemand. Peut être brevis ou solemnis. 7. Perdu par une chevelure. 8. En tête de portée. Vie dissolue. De Lappe ou Labat. 9. Aimée du 7. 1 2 3 Vertical I. Sa femme est en 9, son frère en 7. Initiales liées aux origines de l’opéra. II. Lalo célébra son roi. Formé par I et 9 autant que par VIII et 4. III. Petit bout de timbre. Danse écossaise. IV. Célébrées par Mozart et Stravinsky. V. On peut l’aimer seria ou buffa. Article. VI. Moitié de la Péri. Salut solennel inversé. VII. Tanguy pour les intimes. Particulièrement précieuse pour un instrumentiste. VIII. Berger dont la chérie est en 4. IX. L’auditeur l’est quand le concert est barbant. Note. X. Ce que les pensionnaires de Rome étaient tenus de faire. XI. Interrompue chez Debussy. H. J. 4 5 6 7 8 9 Solution des mots croisés de L’île joyeuse n° 6. 1 D A N S E S S L A V E S 2 I S A A C S A I M A N T 3 A S T R U C S B E L E A 4 L A N D E S R E S S A C 5 O I S E L E U R A E I C 6 G A E S L S E T E V R A 7 U N I V E R S E L S E T 8 E I N S S E S S O T T O bulletin d’abonnement »7 Pour recevoir L’île joyeuse gratuitement, retournez-nous ce coupon affranchi ou téléphonez au 01 43 68 76 00 ou par e-mail : [email protected] nom et prénom n° et rue code postal et ville téléphone journée e-mail Orchestre national d’Ile de France : 19, rue des Écoles – 94140 Alfortville