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Les pesticides dans la diète des enfants
Par Anne St-Jacques Dt.P
24 mai 2007
Les pesticides sont largement utilisés en agriculture industrielle. Leur utilisation
a amélioré la productivité et contribué à augmenter la quantité et la variété de
fruits et légumes frais dans la diète des Canadiens. Toutefois, les effets néfastes
sur l’environnement et la santé sont connus. Dépendamment de la dose,
plusieurs pesticides peuvent entraîner des problèmes de santé chez l’humain
comme le cancer, les désordres neurologiques, les dysfonctions reproductives et
une dysfonction des systèmes endocrinien et immunitaire.1,2,3 Par exemple, il est
démontré que les polluants organiques persistants (POP) employés dans les
monocultures de plusieurs fruits et légumes, affectent les fonctions
reproductives, immunitaires et les facultés intellectuelles.3 De plus, le National
Cancer Institute rapporte que les femmes atteintes d’un cancer du sein ont un
niveau tissulaire de résidus d’organochlorés (une sous-classe des POP) de 50 à
60% plus élevé dans leurs tissus que les femmes en santé.3
L’alimentation constitue la principale source de contamination aux pesticides.4,5
Afin de minimiser l’exposition de la population générale aux résidus de
pesticides, l’Agence canadienne d’Inspection des Aliments (ACIA) analyse
régulièrement des échantillons de fruits et légumes. Cependant, les normes
jugées acceptables sont établies en fonction des effets potentiels sur la santé
d’un adulte moyen. Quels impacts de telles normes peuvent elles avoir sur la
santé des personnes plus vulnérables comme les enfants ?
Selon le National Research Council, les enfants seraient plus exposés aux
pesticides que les adultes.1,3,4 Deux raisons peuvent expliquer ce constat.
Premièrement, un enfant mange beaucoup plus qu’un adulte proportionnellement
à son poids et par conséquent, il ingère plus de pesticides.1,4 En second lieu,
l’enfant grandit et se développe. Son métabolisme est plus rapide que celui des
adultes. Ses organes manquent de maturité pour détoxifier et excréter les
substances non-désirées. De plus, son système nerveux n’étant pas encore
complètement développé, il est plus vulnérable aux doses même faibles de
pesticides.1
Une étude récente publiée dans la revue The Lancet a analysé les effets de 202
produits chimiques (dont une majorité de pesticides) sur les enfants. Les auteurs
ont conclu que, même à petite dose, les pesticides sont responsables d’une
panoplie de problèmes neurologiques chez de jeunes sujets comme les retards
mentaux, les troubles de l’attention et hyperactivité.2 Les auteurs relèvent, de
plus, que les normes américaines ne protègent toujours pas les enfants. 2
Qu’en est-il au Canada ? Selon l’Institut canadien de la santé infantile et le
Comité de la santé et de l’environnement du Collège des médecins de famille de
l’Ontario, les normes canadiennes seraient désuètes.3,5 Ces spécialistes de la
santé critiquent non seulement le fait que les normes ne tiennent pas compte de
la plus grande vulnérabilité des enfants, mais aussi que les pesticides soient
actuellement évalués individuellement alors qu’ils se présentent sous forme de
cocktail dans l’environnement. De plus, la réglementation ne tient pas compte
des effets cumulatifs des résidus pouvant provenir d’une diversité d’aliments. 3,5
Le 9 mai 2007, les médias annoncent que le gouvernement fédéral envisage
d’augmenter la limite acceptable des résidus de produits chimiques sur plusieurs
centaines de fruits et légumes vendus au Canada.6 L’objectif de ces nouvelles
pratiques serait d’harmoniser les normes canadiennes avec celles des ÉtatsUnis et ce, pour des raisons purement commerciales. Ce processus
d’harmonisation s’effectuerait dans le cadre de l’ALENA.6 Cette décision laisse
croire que le gouvernement se préoccupe bien davantage des intérêts des
industriels et du commerce international que de la santé de ses citoyens.
Les fruits et légumes sont riches en antioxydants et autres composés
phytochimiques, acide folique, vitamine K, potassium, fer, calcium, fibres, etc et
protègent contre plusieurs maladies dont certains cancers et les MCV. De plus,
une consommation élevée de fruits et de légumes est associée à l’atteinte d’un
poids santé et ce, quelque soit l’âge. Pour ces raisons, il s’agit de la catégorie
d’aliments qui devrait être la plus abondamment consommée comparativement
aux autres groupes alimentaires du GAC (Guide alimentaire canadien). Les
enquêtes menées auprès du public révèlent que les individus sont loin
d’atteindre les portions recommandées.7 Si celles-ci venaient à être respectées,
va-t-on observer un nombre croissant de problèmes de santé chez les enfants ?
Une étude de l’université de Washington a analysé la présence de métabolites
de pesticides organophosphorés (OP) (classe d’insecticide qui perturbe le
système nerveux) dans l’urine de 39 enfants de 2 à 4 ans vivant en ville et en
banlieue.8 En plus d’avoir détecté une concentration de métabolites
d’organophosphorés (OP) six fois moindre chez les enfants se nourrissant
d’aliments biologiques, l’étude a déterminé que plusieurs enfants étaient en
danger.8 En effet, ces derniers consommaient une dose quotidienne plus
importante de pesticides OP que celle considérée « sûre » par l’agence de
protection de l’environnement (EPA) des États-unis. Les chercheurs ont conclu
que la consommation de fruits et légumes biologiques peut réduire les dangers
liés à l’exposition aux pesticides, rendant ainsi le niveau de risque négligeable.8
En tant que nutritionniste, citoyenne mais surtout en tant que maman, je
m’inquiète de l’effet de ces substances chimiques sur la santé de nos enfants.
Les aliments biologiques sont devenus pour ma famille une solution à court ou à
moyen terme, du moins, tant et aussi longtemps qu’une réglementation plus
sévère des normes canadiennes en matière de résidus de pesticides ne sera
instaurée. Malheureusement, compte tenu du coût plus élevé des aliments
biologiques, cette solution n’est pas accessible à tous. De plus, la population
générale est peu informée en matière de pesticides et celle-ci ne connaît
généralement pas les aliments qui en contiennent le plus. Elle ne peut donc pas
faire le choix de les éviter ou encore d’en réduire la consommation.
En somme, il est clairement démontré que la consommation de fruits et de
légumes est importante au maintien de notre santé. Toutefois, plusieurs études
laissent croire que les enfants sont particulièrement vulnérables aux effets des
résidus de pesticides sur ces aliments. De plus, la majorité des parents sont mal
informés en ce qui concerne ces risques et ne sont donc pas en mesure de faire
des choix éclairés en matière d’alimentation de leur enfant. Il est donc capital de
trouver des solutions qui permettront aux enfants, quelque soit leur statut socioéconomique, de consommer des fruits et légumes sains et réellement
sécuritaires.
Références
1. National Research Council, “ Pesticides in the diets of infants and
children “, National Academy Press, Washington DC, 1993.
2. P. Grandjean, P-J. Landrigan, “ Developmental Neurotoxicity of industrial
chemicals ”, The Lancet, 8 nov. 2006.
3. Laure Waridel, L’envers de l’assiette. Les Éditions Écosociété, Montréal,
2003, 173 p.
4. William Reymond, Toxic, obésité, malbouffe et maladies : enquête sur les
vrais coupables, Flammarion, 2007, 354 p.
5. Comité permanent de l’environnement et du développement durable, op.
cit., P.73.
6. Fabien Deglise, « Le Canada se montrera plus souple au sujet des
résidus de pesticides », Le Devoir, 9 mai 2007.
7. Enquête sur la santé des collectivités canadiennes-2003, Agence de la
santé et des services sociaux de Montréal.
Voir site internet :
www.santepub.mtl.qc.ca
8. Centre d’agriculture biologique du Canada.
www.organicagcentre.ca
Voir site internet :

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