RACINES201 - Nov09

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RACINES201 - Nov09
Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous
Pierre et sa maquette
de carrousel à chaîne.
Par Christine Grandin
Pierre fait
tourner
les manèges !
Des chevaux et des cochons sauteurs, des gondoles,
des frontons, des entretoises, des braquants, des leds, des vilebrequins,
une araignée, des couronnes et des pignons …
Q
ue peuvent bien avoir en
commun tous ces objets ?
Que fabriquent-ils donc
ensemble ? Derrière tout ça se cache
le langage de la technique, mais
aussi celui du plaisir. Dans les coulisses de l'émerveillement d'un petit
Parigot pour les lumières et les sensations inoubliables de la fête
foraine. L'aboutissement d'une passion dévorante et toujours enfantine,
qui pendant plus de cinquante ans
a accompagné Pierre Aubisse,
depuis qu'il s'est assis sur les chevaux
de son premier carrousel, vers l'âge
de 5 ans, à L'Isle-Adam.
Pierre le métallo de précision a
suivi dans les années 1960, la voie
de son père, ouvrier en métallurgie.
“Je travaillais à Montreuil dans une
usine qui créait les machines outils :
j'ai connu les premiers rasoirs, les stylos et les briquets pour BIC. J'étais
dans l'atelier de création, juste derrière le bureau d'étude.”
Toute son adolescence, et puis plus
tard encore, il passe, les samedisdimanches, fêtes et vacances, dans
le cœur des mécanismes des
manèges forains, à régler les vilebrequins ou à faire repartir l'axe d'entraînement des chevaux de bois. “Vers
13-14 ans, j'astiquais les cuivres des
manèges chez les forains. On nous
donnait des tours gratuits. J'avais un
copain dont l'oncle était propriétaire
d'un carrousel. J'allais voir derrière
comment tout ça marchait…”
Il vous parle de la belle époque
où la venue d'un simple manège sur
la place des villes et des villages
embrasait de féerie les yeux de tous
les enfants, dans la joie simple de
tourner et de monter au son de la
musique. “J'aimais les manèges, les
lumières, l'ambiance. J'ai pensé en
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faire mon métier, mais mes parents
n'étaient pas trop d'accord : il fallait
gagner sa croûte ! Je suis donc entré
en apprentissage en mécanique…”
Mais comme rien ne se perd, Pierre
a toujours gardé de ce CAP d'ajustage “les bonnes notions de calcul
qu'on y apprenait”.
Et ce n'est qu'à la retraite, il y a
quatre ans, qu'il a repris la règle, le
crayon et le rapporteur, pour enfin,
après toutes ses années, concrétiser
son rêve d'enfant. Pierre s'est mis à
construire des manèges !
“J'ai voulu en avoir à moi. À mon
échelle, évidemment !” Notre passionné prend des photos in situ, fait
ses plans au 1/10e ou au 1/12e,
récupère le plus possible les matériaux. La première maquette reproduite, c'est, bien sûr, le carrousel de
son enfance : “d'après une photo en
noir et blanc que j'avais”. Ce magni-
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salons de maquettistes : “il y a beaufique manège aux chevaux de bois
coup de passionnés de
suspendus affiche une circontrains, de bateaux, de cirférence de parquet de 90 cm,
ques, qui exposent. Mais
une hauteur de plafond de 60
beaucoup moins dans ma
cm et brille de 217 ampoules.
partie.” D'autant plus que les
Cinq cents pièces en tout. Suiplans à cette échelle ne peuvront, un pousse-pousse et ses
vent pas être achetés par les
chaises volantes, un circuit des
amateurs(1). Pierre réalise tout
neiges Himalaya et sa chenille, une loterie à l'ancienne
de A à Z avec une minutie
et sa roue…
“J'ai prati- bluffante. “J'ai pratiquement
Pierre et son épouse,
réalisé un modèle par an. Il
quement
Chantal, vacanciers réguliers
me faut entre 2000 et 2 500
réalisé
sur la côte vendéenne, ont
heures. Je suis à l'atelier tous
un modèle
emménagé à la retraite à la
les jours et souvent aussi le soir,
par an,
Guibretière, sur la route de
sur la table de mon salon.”
en 2 500
Talmont-Saint-Hilaire, dans
Il collectionne les prix et
heures.”
une ancienne maison aux
se balade un peu partout
volets verts, à Nieul-le avec sa femme dans la
Dolent. “Je me suis bricolé un aterégion et en France (et bientôt en Bellier dans mon garage, avec un tour
gique) pour montrer ses merveilles
à métaux, une perçeuse à colonne,
au public. “Les récompenses sont
et tous les petits outils à mains pour
arrivées un peu au hasard du pasla mécanique.” Astucieux et récupésage des jurys dans les stands.” Pierre
rateur, notre maquettiste transforme
est un vrai modeste, discret, mais il
les caisses et les colonnes des ordireconnaît que cela lui fait plaisir,
nateurs obsolètes qui deviennent
“pour le travail accompli”. Clown d'or
des consoles pour transformateurs
en 2006 à Modelexpo(2) pour son
électriques, commandant les mécacarrousel, 4e prix du public en 2008
nismes pour faire tourner le
pour sa chenille, il a décroché en
manège, l'éclairer et envoyer la
2009 un diplôme “de modéliste de
musique. “L'intérêt, c'est qu’ils soient
grand talent” décerné par un jury
animés, comme les vrais !”
des meilleurs ouvriers de France.
Petites figurines, décors léchés et
Mais sa plus belle récompense se
colorés, enseignes qui clignotent,
trouve dans le regard de son petitquand les manèges de Pierre tourfils Gabriel, à peine deux ans, et
nent (à plusieurs vitesses, s'il vous
déjà émerveillé par les “dadas” de
plaît !), on s'y croirait ! C'est sans
son papy !
doute là, la clé de son succès auprès
(1) Les petites maquettes de train sont au
du grand public et des jurys des
1/87 par exemple.
e
La belle époque
des forains
“Je les ai connus dans les années
1960, c'était une ambiance exceptionnelle ! Avant les auto-tamponneuses et
les grandes roues, tous les manèges
étaient construits par les forains qui les
exploitaient. C'était fait avec de bons
matériaux, et ils avaient tous un atelier
où ils travaillaient l'hiver. Ils repeignaient,
entretenaient, graissaient, tout était fait
par leurs soins. J'ai connu la fin de cette
époque.
Le monde des forains a toujours été
un peu fermé, cela, ça n'a pas trop
changé. Mais ils n'ont plus la liberté de
s'installer là où ils veulent. Même l'ambiance n'est plus pareille, avec la petite
délinquance qui gravite aujourd'hui autour
des fêtes foraines. Avant, quand on était
jeunes, c'était LA sortie. Maintenant, avec
la télé et l'ordinateur, les jeunes ont d'autres façons de passer leurs loisirs.
Moi, j'ai des amis un peu partout dans
ce milieu, à Paris, et dans la région. Je
suis très accro, et chaque fois qu'une fête
foraine s'installe, j'y vais pour discuter
avec les gens, voir les copains et pêcher
quelques idées de décors pour mes
maquettes…”
(2) Le salon européen de la maquette à
Neuville-du-Poitou.
Retrouvez les manèges de Pierre sur son
Blog : http://feteforaineminiature.skyrock.
com. Contact au 02 51 09 56 63.
Le carrousel des chevaux de bois terminé et illuminé fait 90 cm
deux gondoles, deux chars : les éléments du carrousel attendent
d'être montés sur le parquet.
de diamètre, 60 cm de haut et a nécessité 217 ampoules.
(photo : Pierre Aubisse)
(photo : Pierre Aubisse)
Deux chevaux fixes, neuf chevaux et trois cochons sauteurs,
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