agressivité et opposition pdf
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e u g o l o h c y s p u d s r e i s s eL s do N°3 janvier/février 2011 Editorial L’agressivité et les troubles du comportements font certainement partie, en institution, des problèmes les plus complexes à gérer. Mais il faut avant tout faire la part des choses. Pour simplifier, je dirais qu’il y a deux formes d’agressivité. Celle qui prend sa source dans les dérèglements neurologiques liés au vieillissement et celle qui prend sa source dans l’environnement de la personne âgée. Pour la première, il apparait souvent que la réponse médicamenteuse est la meilleure avec les limites qu’elle rencontre du fait des effets indésirables des traitements. Pour la deuxième, il est nécessaire de modifier l’environnement, c’est-à-dire : l’institution. Cette dernière tâche n’est pas la moindre. Elle remet en question beaucoup d’habitudes et surtout la culture hospitalière derrière laquelle nous nous protégeons tous sans exception. Cela sous-entend donc de prendre des risques, d’oser aller au-delà des limites dictées par plusieurs siècles d’expérience de gestion des soins hospitaliers. Les agents qui ont déjà été formés à la méthode de soins en humanitude sont aujourd’hui les pionniers de cette aventure et je suis convaincu qu’ils s’en sont enrichis. Mais cela ne suffira pas à la modification profonde de l’institution. Il faudra sûrement bien d’autres actions et réflexions. Richard Salicru Psychologue Réfléchir, comprendre, analyser et pratiquer agressivité et opposition Les troubles caractériels Il reste un élément qui paraît plus directement en rapport avec le développement de la démence, mais ayant une autonomie par rapport aux déficits cognitifs, c’est l’existence de troubles caractériels. Il s’agit d’une modification du “métabolisme de l’angoisse”. En effet, plutôt que de parler d’une façon vague d’une modification de la personnalité, c’est plutôt d’une incapacité à maîtriser l’anxiété qu’il s’agit, surtout notable face aux petits incidents de la vie courante : intolérance à l’attente, piétinement avant un départ, préparatifs inappropriés avec fixation sur un détail ; les contrariétés prennent alors de l’ampleur avec colères, bouderies, propos injurieux. Un vieillard connu pour sa politesse, sa pruderie, lâche alors des jurons ou des insanités surprenantes. On mettra à part le cas où le sujet réagit en fait de façon explicite ou implicite à une manifestation de ses déficits intellectuels, trou de mémoire, perte d’un objet, erreur évidente d’orientation, et où cette défaillance vient casser le rempart protecteur du déni. Mais l’entourage, même bien intentionné peut souvent jouer ce rôle, pour venir appuyer sur la blessure et devant les défaillances répétées réagir de façon cruellement acerbe : “tu l’as déjà dit, tu radotes ; tu ne te souviens de rien ; tu ne sais même pas où tu es ; tu perds la tête”. Le patient cherche souvent à négliger ces remarques, mais bientôt il pourra éclater dans une colère brutale ou dans une crise émotionnelle qui sera réputée sans cause. Il est possible qu’une telle crise se termine dans une phase confusionnelle. Mais ces crises peuvent sembler effectivement sans cause connue ou même ne pas apparaître aux yeux du médecin lui-même. Il faut être attentif à l’expression du patient qui peut montrer une tension douloureuse, des préoccupations pénibles. Bien souvent, le seul recours est une expression corporelle, à laquelle il faut être très attentif pour être capable de la rattacher à une crise émotionnelle aigüe, en fait très proche d’une crise de panique. Il peut s’agir de cris, de tremblements, gesticulations pouvant se terminer par : - un malaise, une chute ou un glissement à terre, - une crise de polypnée souvent considérée comme “asmathique”, 2 - des poussées de douleurs digestives, aérophagie, coliques au sein de préoccupations au sujet de la constipation, - des crises de pollakiurie diurne et nocturne avec douleurs et envies très urgentes pouvant se terminer par des pertes d’urine ou une impossibilité d’uriner. Il peut s’agir de douleurs corporelles périphériques incompréhensibles rattachées parfois aux rhumatismes, à l’arthrose, à une sciatique ou une artérite. C’est l’occasion de signaler que lorsque ces manifestations sont spéctaculaires et s’avèrent sans substratum organique, on parle souvent de crises hystériques. On comprendra que l’important sera de rattacher ces manifestations aigües à ce qui les rend possible, c’est-à-dire les perturbations caractérielles, elles-mêmes témoins de l’affaiblissement cognitif. En somme, lors des troubles caractériels ou perturbations de la personnalité, on doit comprendre qu’il s’agit en fait de troubles anxieux plus ou moins cachés peu exprimés et à expression corporelle. L’anxiété est souvent réactionnelle, inappropriée, brutale, mal explicitée ; elle peut se résoudre rapidement ou croître jusqu’à la confusion mentale. Ce sont tous ces caratères inhabituels qui devront faire se poser des question au clinicien. Gilbert Ferrey, Gérard le Gouès, Psychopathologie du sujet âgé, Masson, Paris, 2000, pp. 157/158 Les comportements d’agitation pathologique Lorsque l’environnement d’une personne atteinte de SCM* ne possède pas les connaissances nécessaires pour comprendre les motifs possibles de ses comportements et conduites, il les interprète presque toujours en fonction de critères inexacts : ce monsieur qui fait tomber son verre est maladroit ; ce monsieur qui ne veut pas s’asseoir dans son fauteuil est capricieux ; cette dame qui cherche à nous frapper quand nous lui faisons une piqûre veut nous faire du mal ; etc. Ce type d’interprétations provoque chez les soignants ou les proches des attitudes d’énervement, de rejet ou d’agressivité qui provoquent ensuite des comportements d’agitation et d’agressivité de la personne dont ils prennent soin... Ces comportements peuvent aussi être causés par des sentiments de colère, de frustration, etc., qui apparaissent quand la personne vit dans un environnement qui blesse ses capacités et lui fait vivre des situations d’échec : imagine-t-on ce que ressent une personne qui a besoin d’être aidée à se lever pour se rendre aux toilettes lorsqu’elle est contrainte, en l’absence de cette aide, de faire ses besoins dans son lit ? Imagine-t-on ce que ressent une personne qui ne voit presque plus lorsqu’elle prend sans se méfier le bol de thé brûlant qui vient d’être posé devant elle ? Imagine-t-on ce que ressent une personne qui a besoin de son dentier pour manger lorsqu’on lui dit qu’elle s’en passera car elle risque de le perdre ? Est-il étonnant que se manifestent alors des réactions d’agitation et d’agressivité ? Sont- elles réellement pathologiques ? Ne témoignent-elles pas plutôt de ce phénomène décrit par le psychiatre Viktor Frankl : “Une réaction anormale, dans une situation anormale, est un comportement normal” ? .../... On sait désormais que l’apparition ou la disparition, l’aggravation ou la diminution de ces comportements .../... dépendent en grande partie de l’environnement et du prendre-soin. .../... Il est essentiel de ne jamais oublier que les personnes dont les capacités cognitives sont défaillantes, qui ne peuvent plus s’exprimer verbalement, qui ne peuvent plus fuir, se voient ainsi contraintes de réagir, lorsqu’elles se sentent agressées, par la soumission ou par la lutte. La soumission, qu’elle prenne la forme de la mélancolie, du désespoir ou du syndrome d’immobilisme, pertube moins l’entourage que l’agressivité et l’agitation. Ses conséquences sont pourtant aussi dramatiques. .../... le prendre-soin qui diminue les comportements agressifs est également un prendre-soin qui diminue les comportements de soumission : prendre-soin d’un homme, c’est toujours chercher à le libérer, de la colère comme de la résignation. Yves Géneste, Jérôme Pellissier, Humanitude, Armand Colin, Paris, 2008, pp. 151/152 * Syndrome Cognitivo-mnésique On dit d’un fleuve qu’il est violent parce qu’il emporte tout sur son passage mais nul ne taxe de violence les rives qui l’enserrent” Bertold Brecht 3 Face à la violence : la reformulation La violence nécessite particulièrement la reformulation. Peut-être même le manque de reformulation est, le plus souvent, source d’une montée de colère et de violence. Cela se voit beaucoup en milieu hospitalier, dans les services d’accueil ou d’urgence, ainsi que dans les administrations… et dans les chaumières ! une raison d’être violent et être d’accord pour entendre et valider cette raison. Pour cela il doit être clair que valider la raison de la violence ne peut signifier valider la violence. Cela ne permet ni n’excuse la violence, mais au contraire lui permet de ne pas avoir besoin de trop se manifester pour Naturellement il est fondamental de ramener être entendue. l’interlocuteur violent à la raison. Mais le ramener à la raison, c’est le ramener à la sienne… pas à la notre. Le Notons cependant que dans les cas de violences extrêmes meilleur moyen de le calmer est de le ramener à la raison (par exemple une menace avec une arme), la qui fonde sa violence. Nier cette raison ne fait reformulation restera insuffisante et incertaine. Quoi qu’embraser la situation. qu’utile aussi, elle n’y sera qu’un adjuvant. La sécurité implique généralement ici des moyens «musclés». Une personne agressive devra s’entendre dire par l’écoutant «cela vous est insupportable?» ou «Vous n’êtes Dans la plupart des situations de violences habituelles et vraiment pas d’accord?» ou «vous êtes très en colère?» quotidiennes, l’efficacité de la validation par la Naturellement le choix de la phrase de reformulation, reformulation est très, très, très efficace. comme dans tous les autres cas, doit être adapté à la situation. Thierry TOURNEBISE, psychothérapeute Ce qui est important, c’est surtout l’état d’esprit qui http://www.maieusthesie.com/nouveautes/article/ pousse à cette reformulation : accorder à l’écouté qu’il a Les points clés de la reformulation La reformulation se prépare avec les points 1, 2, 3 et 4, puis elle s’exprime au point 5. Les points 6 et 7 la prolongent si nécessaire. 1/ Etre attentif à l’écouté, à son non verbal autant qu’aux mots qu’il prononce (la reformulation met aussi des mots sur le non verbal). 2/ Etre communiquant, c'est-à-dire avoir une attitude dans laquelle l’individu compte plus que l’information (alors que dans la relation l’information compte plus que l’individu). 3/ Avoir pour projet initial de comprendre et de considérer l’écouté. 4/ Lui accorder inconditionnellement qu’il a une raison à ses réactions ou à sa verbalisation (confiance). 5/ Etre prêt à valider cette raison. 6/ L’aider, si besoin, à l’exprimer plus précisément (ou même à y accéder car elle n’est pas toujours directement présente à la conscience). 7/ Ensuite apporter les informations nécessaires s’il y a lieu; Thierry TOURNEBISE 4 Une journée bien ordinaire S’il m’arrive d’être contrarié, certains malades Alzheimer vont le sentir tout de suite. Ce sont de véritables éponges à capter les émotions. Pourtant je ne dis rien, mais ils doivent voir à l’expression de mes traits si je suis contrarié ou peiné. Le stress passe. C’est très connu dans les techniques d’approche de la démence. Alors, d’entrée de jeu, il vaut mieux dire les choses clairement. Avec un de mes patients, j’annonçais la couleur en entrant dans sa chambre. En général, il était encore à moitié endormi : - Bonjour, Yves. J’ai la tête à l’envers aujourd’hui, je suis en colère intérieurement, mais vous n’y êtes pour rien. Depuis que j’avais instauré cette entrée en matière, la relation avait beaucoup changé entre nous. Le ton compte évidemment beaucoup. Et la plupart du temps, il vaut mieux être en état de dire : “Bonjour, Yves, je suis bien content aujourd’hui, il fait un beau soleil...” Une fois M. Robert devant la télévision, je vais chez Johan, un grand monsieur, costaud, de 84 ans, qui occupa jadis une fonction intellectuelle. Il est malheureusement devenu dément, et compte parmi les très violents. Je me souviendrai toujours de son arrivée. Son épouse l’a accompagné longtemps à domicile, jusqu’au moment où sa violence envers elle ou ses enfants est devenue insupportable. Il était placé contre sa volonté, ce qui n’arrangeait 5 pas les choses, car il n’avait plus ses repères. Pour notre premier contact, je ne sais pas pourquoi, j’ai pensé à l’éthologie (étude du comportement animal). Cet homme me faisait penser à un animal sauvage, il était assis sur le bord du lit, les yeux tels des projecteurs, prêt à bondir : impressionnant ! Je suis entré comme si de rien n’était : - Bonjour, cher monsieur, je me présente, je suis JeanCharles. Tout en parlant, je me suis mis à genoux devant lui. Je voulais qu’il reste en position de dominant, et je lui ai présenté mes mains ouvertes, la paume vers le haut. Et je me suis lancé dans un monologue infernal. Je parlais, parlais. Il ne répondait pas, au début. J’avais l’impression d’être stupide, je me demandais ce que j’allais pouvoir encore inventer, je souriais et, petit à petit, je suis arrivé au toucher, d’abord en effleurement, ma main sous la sienne, pour qu’il domine toujours. Et puis, j’ai retiré ma main. Je l’ai laissé tranquille. - Si vous avez besoin, appelezmoi, je reviens. Je suis parvenu peu à peu à l’aborder et à lui faire accepter un peu d’hygiène. Il avait une opposition totale à la toilette en arrivant ; maintenant, je le lave tous les jours, au gant de toilette et à la bassine. J’essaie régulièrement de l’amener à la douche, mais il ne veut pas sortir de sa chambre, et la douche est celle de l’étage. Sa chambre, c’est sa tanière, une intrusion extérieure est une agression potentielle. Il marquait son territoire contre les intrusions de gens qu’il n’aimait pas, ayant pour cela une méthode très efficace. Il crachait. Le mur et sa fenêtre étaient couverts de salive qu’il projetait en pomme d’arrosoir. Il crachait particulièrement devant sa porte, en éventail, pour repousser ceux qui voudraient pénétrer sa tanière. Heureusement, il était le seul à faire ça. .../... Avec le temps, et une fois la confiance gagnée, cette manie de cracher a disparu. Il est tout seul dans sa chambre. Je sais qu’il adore la musique. Je crois que nous avons fait un grand bout de chemin avec lui. Il m’accepte. .../... Il me répond, mais c’est très basique. “Oui”, “non”, “je veux”, “donnez-moi de l’eau”... Puis je lui fais sa toilette, de haut en bas. Je veux le raser. Il y a des jours où il me dit : “Non, pas aujourd’hui”, alors je l’habille. .../... Je lui donne ses médicaments, un petit peu d’eau de toilette, un coup de peigne et au revoir. .../... Quant à essayer de remonter dans sa vie, de parler des enfants, rien. Peut-être at-il oublié, peut-être ne sait-il plus, ou ne veut plus savoir ? Quoique parfois il parle de sa femme. Lorsque je m’en vais, il est prêt à prendre son petit déjeuner dignement. Jean-Charles Escribano, On achève bien nos vieux, Oh Editions, 2007, pp. 119/122 Ce qu’il faut retenir LE THEME DU PROCHAIN DOSSIER 1 - Dans tous les cas et à tout âge : l’agressivité est une forme d’expression de l’angoisse et de la peur. La relation des résidents à la nourriture 2 - L’agressivité est très souvent une réaction à l’hostilité ou l’hyperprotection de l’environnement et de l’entourage familial ou soignant. L’agressivité est une réaction à la perte de l’autonomie psychique et physique, à la dépendance en général. Les rapports des personnes âgées avec l’alimentation sont complexes et les enjeux psychologiques de cette complexité sont assez nombreux. 3 - L’agressivité peut-être largement réduite par un changement d’attitude institutionnelle et soignante. La contention chimique ou physique ne devraient, à terme, n’être proposées qu’en situation d’urgence avant d’avoir étudié et compris les situations et d’avoir pu leur apporter des solutions convenables. La difficulté à supporter tout type de changement, la régression quelque fois à des états infantiles, la dépendance pour s’alimenter, etc. font du moment du repas un moment difficile, souvent conflictuel qui pourtant rythme au quotidien la vie des résidents. 4 - Certains principes devraient être incontournables : ne pas tenter de maîtriser la personne, de commander son désir, être à l’écoute de son désir et des raisons de sa colère, être présent à la personne (c’est à dire ne plus parler d’autre chose avec ses collègues quand on est en soin avec une personne), ne pas systématiquement faire prévaloir la règle institutionnelle, le confort des professionnels, la facilitation des tâches, etc. 5 - La vie en collectivité est source d’angoisse et donc d’agressivité. 6 - La réduction des troubles comportementaux et d’opposition ne se fera qu’après un effort substanciel de tous. Il ne s’agit pas là d’un simple avis mais d’une donnée scientifique aujourd’hui mondialement reconnue... 7 - Enfin, l’empathie est la meilleure arme contre l’agressivité et l’opposition. Textes Il s’agit là des textes à partir desquels ce dossier a été monté. Page 2 Gilbert Ferrey, Gérard le Gouès, Psychopathologie du sujet âgé, Masson, Paris, 2000, pp. 157/158 Page 3 Yves Géneste, Jérôme Pellissier, Humanitude, Armand Colin, Paris, 2008 Page 4 Thierry TOURNEBISE, psychothérapeute, http://www.maieusthesie.com/nouveautes/article/ Page 5 Jean-Charles Escribano, On achève bien nos vieux, Oh Editions, 2007 Dates Services EHPAD L 07 : vendredi 4 février L 02 : vendredi 11 février L 03 : vendredi 18 février L 04 : vendredi 25 février P10 : vendredi 4 mars Services SSR et USLD V0 : mardi 8 février V1 : mardi 15 février V2 : mercredi 23 février V3 : jeudi 3 mars Réunion salle Marjorie (pour tous) le jeudi 10 mars de 14h30 à 16h00 6