l`anémie nutritionnelle

Transcription

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Le guide de
l’anémie nutritionnelle
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Le guide de
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l’anémie
nutritionnelle
Edité par
Jane Badham
JB Consultancy, Johannesbourg, Afrique du Sud
Michael B. Zimmermann
Institut fédéral de technologie, Zurich, Suisse
Klaus Kraemer
SIGHT AND LIFE, Bâle, Suisse
SIGHT AND LIFE
Presse
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Enoncé de mission de SIGHT AND LIFE
SIGHT AND LIFE est une initiative humanitaire de DSM. Elle vise à assurer une amélioration significative et viable
en nutrition humaine et santé en encourageant des partenariats entre universités et agences gouvernementales et intergouvernementales, en générant et en échangeant des informations scientifiques et en formant des réseaux durables.
Copyright© SIGHT AND LIFE 2007
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Le papier utilisé dans ce livre est sans acide et correspond aux directives établies pour assurer sa permanence et sa
durabilité.
Photo de couverture par Ulla Lohmann, Allemagne
Graphisme de la couverture par Graphic art studio, Grenzach-Wyhlen, Allemagne
Composition et impression par Burger Druck, Waldkich, Allemagne
Traduction par Isabelle Lestienne-Deloze, Paris, France
ISBN 3-906412-46-6
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Préface
PREFACE AU GUIDE DE L’ANEMIE NUTRITIONNELLE
Deux cent millions d’enfants de moins de cinq ans,
vivant principalement en Afrique subsaharienne et en
Asie du Sud, n’atteignent pas leurs pleines performances
cognitives, motrices et socio-affectives en raison de
carences en micronutriments et d’une mauvaise stimulation. Ces enfants échoueront probablement dans leur scolarité, ne parviendront pas à atteindre pleinement leur
possibilité financière et demeureront piégés dans le cycle
de la pauvreté. Une réalité tragique.
En mai 2002, l'assemblée générale des Nations Unies a à
nouveau souligné que le contrôle de l’anémie nutritionnelle devrait être l’un des buts de développement global
accompli dans les premières années de ce nouveau millénaire. Malheureusement, peu de progrès ont été rapportés
depuis dans la lutte globale contre l’anémie et les données de l’OMS montrent que 818 millions de femmes et
d’enfants de moins de cinq ans sont toujours affectés par
ce problème de santé publique, et ce, principalement
dans les pays en développement. Environ un million
d'entre eux meurent chaque année. Cela montre toute
l’ampleur du problème et met en exergue le besoin urgent
d’action.
SIGHT AND LIFE a toujours soutenu les interventions
concernant les questions de malnutrition en micronutriments, dont la carence en fer et les anémies nutritionnelles, et a, de fait, souhaité publier un livre sur le sujet. En
un seul volume, celui-ci met pour la première fois en
lumière tous les facteurs critiques entourant l’anémie,
avec les contributions des principaux scientifiques dans
leurs expertises respectives. Chaque chapitre traite en
détail d'une question spécifique. Il est devenu clair que le
contrôle efficace de l’anémie exige des solutions intégrées, établies en fonction des possibilités et des besoins
particuliers à chaque pays. Les composantes d'une telle
approche comprennent la supplémentation en micronutriments des groupes les plus vulnérables (en particulier
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les enfants et les femmes en âge de procréer), la fortification des aliments, la diversification et l’éducation alimentaires, ainsi que la prévention des maladies telles que
le paludisme, les infections causées par les nématodes, et
autres infections endémiques chroniques. Mais tandis
que chacune de ses composantes peut aider à réduire le
poids de l’anémie, aucune n'est capable de réaliser à elle
seule l’ampleur de la tâche.
Le but de ce guide est de vous donner un résumé complet
concernant les questions clés, en partant des données de
prévalence et des statistiques, jusqu’à l’économie, en
passant par le diagnostic, les conséquences fonctionnelles et les informations de base sur chacun des micronutriments supposés être impliqués, directement ou indirectement, dans l'anémie.
Ce guide ne contient pas toute l'information et ne donne
pas toutes les réponses, mais son intention est de délivrer
une vue d'ensemble des dernières avancées scientifiques
et des défis auxquels le monde a à faire face, tandis que
nous organisons, effectuons et dirigeons des interventions, afin de régler ce qui est indubitablement le plus
grand problème nutritionnel actuel.
Nous sommes confiants dans le fait que l'information, la
connaissance et l’éclairage que vous apporteront ce
guide, vous permettront de devenir une partie de la solution en vous engageant activement afin de soutenir, programmer ou mener des recherches qui feront la différence.
Jane Badham
Michael B. Zimmermann
Klaus Kraemer
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A PROPOS DES EDITEURS
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Editeurs
JANE BADHAM
Jane est diététicienne et possède un master en nutrition
de l’université du Nord-Ouest, campus Potchefstroom,
en Afrique du Sud. Elle est actuellement directrice générale de JB Consultancy, une agence de communication et
stratégie santé qui conseille l'industrie pharmaceutique,
l’industrie agroalimentaire, les organisations humanitaires et les médias. Jane est également directrice du programme gouvernemental "5-a-Day for Better Health
TRUST" en Afrique du Sud, qui encourage la consommation de fruits et légumes. Elle participe au comité de
direction de l’Alliance internationale des fruits et légumes (IFAVA), ainsi qu’à l’équipe d'organisation de l’African Nutrition Leadership Program (ANLP).
MICHAEL ZIMMERMANN
Michael a obtenu son doctorat en médecine à l’école universitaire de médecine à Vanderbilt et son master en
sciences de la nutrition à l'université de Californie à Berkeley, toutes deux aux Etats-Unis. Il est actuellement
directeur de recherche au laboratoire de nutrition
humaine de l'Institut fédéral de technologie (ETH), à
Zurich en Suisse, professeur invité à l’université de
Wageningen aux Pays-Bas, et gère la chaire internationale santé et micronutriments doté par Unilever. Les
recherches de Michael se concentrent sur la nutrition et le
métabolisme, dont les effets des carences en micronutriments sur la fonction thyroïdienne, ce qui lui a rapporté
de nombreuses récompenses.
KLAUS KRAEMER
Klaus a obtenu son doctorat en sciences de la nutrition à
l'université de Giessen, en Allemagne. Il est actuellement
secrétaire général de SIGHT AND LIFE, une initiative
humanitaire de la société DSM impliquée dans nombre
d'activités visant à assurer une amélioration significative
et viable en nutrition, santé et bien-être de l’Homme.
Klaus a plus de vingt ans d'expérience en recherche dans
le domaine de la santé et de l’innocuité des vitamines,
minéraux, caroténoïdes, et nutraceutiques. Il travaille au
sein de plusieurs sociétés professionnelles consacrées à
la nutrition, aux vitamines et aux antioxydants, a publié
beaucoup d'articles scientifiques et coédité cinq livres.
Auteurs ayant contribué au Livre sur l’Anémie
Nutritionnelle (Nutritional Anemia Book)
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CONTRIBUTEURS
Contributeurs
HAROLD ALDERMAN
Banque Mondiale, région Afrique, Washington DC,
Etats-Unis; [email protected]
JANE BADHAM
JB Consultancy, consultante en communication et
stratégie sanitaire, Johannesbourg, Afrique du Sud;
[email protected]
HANS-KONRAD BIESALSKI
Institut de Biochimie et de Nutrition, Université de
Hohenheim, Hohenheim, Allemagne;
[email protected]
MARTIN BLOEM
Programme Alimentaire Mondial (PAM), Rome, Italie;
[email protected]
TOMMASO CAVALLI-SFORZA
Nutrition et Hygiène des Aliments, Bureau Régional
du Pacifique Occidental, Organisation Mondiale de la
Santé (OMS), Manille, Philippines;
[email protected]
MARY COGSWELL
Division Nutrition et Activité Physique, Centre de
prévention et de contrôle des maladies (CDC), Atlanta,
Etats-Unis
IAN DARNTON-HILL
Section Nutrition, UNICEF, New York, Etats-Unis;
[email protected]
OMAR DARY
Projet A2Z, Academy for Educational Development,
Washington DC, Etats-Unis; [email protected]
BRUNO DE BENOIST
OMS, Genève, Suisse; [email protected]
SASKIA DE PEE
PAM, Rome, Italie; [email protected]
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INES EGLI
Institut des Sciences Alimentaires et Nutrition, Institut
Fédéral Suisse de Technologie (ETH), Zurich, Suisse;
[email protected]
JÜRGEN ERHARDT
Université d’Indonésie, SEAMEO-TROPMED,
Jarkarta, Indonésie; [email protected]
ALISON D. GERNAND
Bloomberg School of Public Health, Université Johns
Hopkins, Baltimore, Etats-Unis; [email protected]
GARY R. GLEASON
Friedman School of Nutrition Science and Policy,
Université Tufts, Boston, Etats-Unis;
[email protected]
EVA HERTRAMPF DÌAZ
Institut de Nutrition et des Technologies Alimentaires
(INTA), Université du Chili, Santiago, Chili;
[email protected]
SUSAN HORTON
Université Wilfrid Laurier, Waterloo, Canada;
[email protected]
RICHARD HURRELL
Institut des Sciences Alimentaires et Nutrition, ETH,
Zurich, Suisse; [email protected]
ALAN JACKSON
Institut de Nutrition Humaine, Université de
Southampton, Southampton, UK; [email protected]
AFAF KAMAL-ELDIN
Département des Sciences Alimentaires, Université
Suédoise des Sciences Agricoles, Uppsala, Suède;
[email protected]
KLAUS KRAEMER
SIGHT AND LIFE, Bâle, Suisse;
[email protected]
SEAN LYNCH
Eastern Virginia Medical school, Norfolk, Etats-Unis;
[email protected]
M.G. VENKATESH MANNAR
The Micronutrient Initiative, Ottawa, Canada;
[email protected]
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ERIN MCLEAN
OMS, Genève, Suisse; [email protected]
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Contributeurs
REGINA MOENCH-PFANNER
Global Alliance for Improved Nutrition (GAIN),
Genève, Suisse; [email protected];
CHRISTINE A. NORTHROP-CLEWES
Northern Ireland Centre for Food and Health (NICHE),
Université d’Ulster, Corelaine, UK;
[email protected]
MANUEL OLIVARES
INTA, Université du Chili, Santiago, Chili;
[email protected]
NEAL PARAGAS
Institut de Nutrition Humaine, Université Columbia,
New York, Etats-Unis; [email protected]
KLAUS SCHÜMANN
Université Technique de Munich, Freising, Allemagne;
[email protected]
JOHN M. SCOTT
Ecole de Biochimie et Immunologie, Trinity College,
Dublin, Irlande; [email protected]
NEVIN SCRIMSHAW
International Nutrition Foundation, Boston, Etats-Unis;
[email protected]
RICHARD SEMBA
Ecole de Médecine, Université Johns Hopkins,
Baltimore, Etats-Unis; [email protected]
NOEL SOLOMONS
Centre d’Etudes pour l’Affaiblissement Sensoriel,
le Vieillissement et le Métabolisme (CeSSIAM),
Guatemala City, Guatemala; [email protected]
ALFRED SOMMER
Bloomberg School of Public Health,
Université Johns Hopkins, Baltimore, Etats-Unis;
[email protected]
ELISABETH STOECKLIN
R & D Nutrion Humaine et Santé, DSM Nuttritional
Products Ltd, Kaiseraugst, Suisse;
[email protected]
BRIAN THOMPSON
Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et
l’agriculture (FAO), Rome, Italie;
[email protected]
DAVID THURNHAM
NICHE, Université d’Ulster, Corelaine, UK;
[email protected]
MELODY C. TONDEUR
Division Gastroentérologie, Hépatologie et Nutrition,
Hôpital des Enfants Malades, Toronto, Canada;
[email protected]
MARET G. TRABER
Linus Pauling Institute, Départment des Sciences
Alimentaires et de l’Exercice, Université d’Etat
de l’Orégon, Corvallis, Etats-Unis;
[email protected];
RICARDO UAUY
INTA, Université du Chili, Santiago, Chili;
[email protected]
KEITH P. WEST
Bloomberg School of Public Health, Université Johns
Hopkins, Baltimore, Etats-Unis; [email protected]
DANIEL WOJDYLA
Ecole de Statistique, Université Nationale de Rosario,
Argentine
MICHAEL ZIMMERMANN
Laboratoire de Nutrition Humaine, ETH, Zurich, Suisse;
[email protected]
STANLEY ZLOTKIN
Département de Pédiatrie, Sciences Nutritionnelles
et Santé Publique, Université de Toronto, Canada;
[email protected]
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SOMMAIRE
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Sommaire
Préface
CHAPTIRE 2
CHAPTIRE 3
CHAPTIRE 4
CHAPTIRE 5
CHAPTIRE 6
CHAPTIRE 7
CHAPTIRE 8
CHAPTIRE 9
CHAPTIRE 10
CHAPTIRE 11
CHAPTIRE 12
CHAPTIRE 13
5
A propos des éditeurs
6
Sommaire
9
Contributeurs
CHAPTIRE 1
9
Prévalence mondiale de l'anémie chez les enfants d’âge préscolaire,
les femmes enceintes et les femmes en âge de procréer
Erin McLean, Ines Egli, Mary Cogswell, Bruno de Benoist et Daniel Wojdyla
La gestion de l’anémie nutritionnelle en situation d’urgence
Venkatesh Mannar
Economie de gestion de l’anémie nutritionnelle
Harold Alderman et Susan Horton
Diagnostic de l’anémie nutritionnelle: évaluation en laboratoire du statut en fer
Hans-Konrad Biesalski et Jürgen G. Erhardt
Vue d'ensemble de la signification fonctionnelle de la carence en fer
Gary Gleason et Nevin S. Scrimshaw
Métabolisme du fer
Sean Lynch
Optimisation de la biodisponibilité du fer des composés utilisés pour
la fortification des aliments
Richard Hurrell et Ines Egli
Interactions avec le cuivre et le zinc dans l’anémie:
une perspective de santé publique
Manuel Olivares, Eva Hertrampf et Ricardo Uauy
Anémie nutritionnelle: les vitamines du groupe B
John M. Scott
La vitamine A dans l’anémie nutritionnelle
Keith P. West, Jr., Alison D. Gernand et Alfred Sommer
La place du stress oxydatif et de la vitamine E dans l’anémie
Maret G. Traber et Afaf Kamal-Eldin
Le sélénium
Richard Semba
Interactions entre fer et vitamine A, riboflavine, cuivre,
et zinc dans l'étiologie de l’anémie
Michael Zimmermann
7
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22
24
26
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30
31
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CHAPTIRE 14
CHAPTIRE 15
CHAPTIRE 16
CHAPTIRE 17
CHAPTIRE 18
CHAPTIRE 19
CHAPTIRE 20
CHAPTIRE 21
CHAPTIRE 22
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Sommaire
L’anémie en situation de dénutrition sévère (malnutrition)
Alan Jackson
Infection et étiologie de l’anémie
David Thurnham et Christine Northrop-Clewes
Monter des programmes pour prévenir plus efficacement l’anémie
Saskia de Pee, Martin Bloem, Regina Moench-Pfanner et Richard Semba
Approches gagnantes: les Sprinkles
Stanley Zlotkin et Melody Tondeur
Sécurité des interventions de réduction des anémies nutritionnelles
Klaus Schümann et Noel W. Solomons
Importance et limitations de la fortification des aliments dans la
gestion des anémies nutritionnelles
Omar Dary
Approches alimentaires de lutte contre la carence en fer
Brian Thompson
Perspectives globales : accélérer les progrès en prévenant et
en contrôlant l’anémie nutritionnelle
Ian Darnton-Hill, Neal Paragas et Tommaso Cavalli-Sforza
Conclusions et perspectives de recherche
Klaus Kraemer, Elisabeth Stoecklin et Jane Badham
32
34
36
40
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1 · Prévalence mondiale de l'anémie
PREVALENCE MONDIALE DE L'ANEMIE
CHEZ LES ENFANTS D’AGE PRESCOLAIRE,
LES FEMMES ENCEINTES ET LES FEMMES
EN AGE DE PROCREER
Erin McLean, Ines Egli, Mary Cogswell,
Bruno de Benoist et Daniel Wojdyla
Quel est le problème et que savons-nous?
L'anémie constitue un vaste problème de santé publique
associé à un risque accru de morbidité et de mortalité,
surtout pour les femmes enceintes et les jeunes enfants. Il
s’agit d’une maladie aux causes multiples, à la fois nutritionnelles (carences en vitamines et en minéraux) et non
nutritionnelles (infections), qui surviennent fréquemment en parallèle. On suppose qu'un des facteurs de contribution les plus courants est le manque de fer, et l’anémie résultant de cette carence en fer est considérée
comme l’un des dix principaux contributeurs au poids
global des maladies.
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) possède
parmi ses mandats la mission d’informer ses Etats Membres de la situation de santé globale dans le monde. Il a
été décidé de mettre à jour les estimations concernant l'anémie et de fournir une image actuelle de la situation, en
particulier chez les groupes de population à haut risque.
Cela a été réalisé par la production d’estimations des prévalences d'anémie, au niveau global et au niveau des
régions Nations Unies (NU), chez les enfants d’âge préscolaire, les femmes enceintes et les femmes en âge de
procréer. Les données ont été rassemblées entre 1993 et
2005, en utilisant soit l'étude nationale représentative la
plus récente du pays, soit au moins deux études représentatives des pays frontaliers. Quand les données d’un pays
n’étaient pas disponibles, la prévalence d'anémie a été
estimée à partir d’équations de régression utilisant l’Indice de Développement Humain des Nations Unies (United Nations Human Development Index) et les indicateurs de santé provenant de la base de données
statistiques de la santé mondiale (WHOSIS). La couverture variait selon les régions NU et était plus importante
en Amérique du Nord, en Asie et en Afrique, tandis que
l’Europe et l’Océanie avaient une couverture inférieure.
Les estimations sont basées sur les 192 Etats membres de
l’OMS, et représentent ainsi 99,8 % de la population globale.
11
Que savons-nous de la prévalence globale
de l'anémie?
• La prévalence globale de l'anémie chez les enfants
d’âge préscolaire est de 47,4 %.
• La prévalence globale de l'anémie chez les femmes
enceintes est de 41,8 %.
• La prévalence globale de l'anémie chez les femmes
hors grossesse est de 30,2 %.
• Globalement, 818 millions de femmes (avec ou sans
grossesse) et de jeunes enfants souffrent d'anémie, et
plus de la moitié d’entre eux, environ 520 millions,
vivent en Asie.
• La prévalence la plus élevée pour les trois groupes de
population se trouve en Afrique, mais le nombre d’individus affectés est plus important en Asie.
• En Asie, 58 % des enfants d’âge préscolaire, 56,1 %
des femmes enceintes et 68 % des femmes hors grossesse sont anémiques.
• Plus de la moitié de la population mondiale des
enfants d’âge préscolaire et des femmes enceintes
réside dans des pays où l'anémie représente un problème de santé publique sévère.
• Les pays présentant un problème de santé publique
sévère étaient regroupés en Afrique, en Asie, en Amérique latine et aux Caraïbes.
• L'Afrique et l'Asie sont les régions les plus affectées
par l’anémie et, comme il s’agit également des
régions les plus pauvres, cela suggère un lien entre
anémie et développement.
• L'anémie est trois fois plus répandue en Europe qu’en
Amérique du Nord, peut être en raison du fait que
l'Europe inclut des pays avec différents profils
sociaux et économiques, ou du fait d’une faible couverture des données relatives à l’Europe comparée
aux données recueillies pour l’Amérique du Nord, ou
peut être aussi en raison de la forte proportion d’aliments fortifiés en fer en Amérique Nord et donc des
forts apports en fer issus de ces aliments.
A noter que ces estimations ne sont pas quantitativement
comparables aux estimations antérieures puisque les
méthodologies utilisées sont différentes. Elles présentent
des limites mais sont basées sur les meilleures informations disponibles, ce qui en fait un bon point de départ
pour suivre les avancements de la suppression de l’anémie.
A partir de ces estimations, l’ampleur de l’anémie nutritionnelle ou de l'anémie ferriprive est difficile à évaluer
puisque la plupart des études utilisées ne concernaient
pas les causes de l'anémie et se limitaient uniquement à la
mesure des taux d’hémoglobine.
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2 · Action urgente requise en faveur de l’anémie nutritionnelle
Quelle est la direction à suivre?
D’une manière générale, presque la moitié des enfants
d’âge préscolaire et des femmes enceintes et près d'un
tiers des femmes hors grossesse souffrent d'anémie.
Comme les estimations représentent une large part de la
population, il est possible qu'elles reflètent la prévalence
globale réelle de l'anémie au sein de ces groupes. Cependant, les estimations des régions NU peuvent être plus
précises pour certaines populations et certaines zones
géographiques en raison de la variabilité considérable de
la couverture selon les régions.
Pour les enfants de moins de deux ans, l'anémie représente une source d’inquiétude majeure, car leur croissance rapide exige des besoins en fer importants que l’alimentation échoue souvent à couvrir, notamment dans
les pays à faibles revenus.
Afin de profiter du plein usage de ces données de prévalence, les informations concernant les causes de l’anémie
devraient être collectées dans chacune des études ciblant
cette pathologie. Ainsi, les interventions visant à prévenir
l'anémie pourront être mieux adaptées à la situation
locale et être, par conséquent, plus efficaces.
Quel est le message clé?
L'anémie reste un souci de santé publique considérable.
Ces nouvelles estimations sont susceptibles de refléter la
situation actuelle et constituent un bon point de départ
pour suivre les avancées générales dans le domaine. Les
futures études doivent inclure des données sur les causes
de l'anémie, car leur absence altère notre capacité à
résoudre cet important problème de santé publique.
LES FAITS:
• Les enfants préscolaires sont âgés de 0 à 4,99 ans, les
femmes hors grossesse sont celles ayant entre 15 et
49,99 ans, et aucun âge n'a été défini pour les femmes
enceintes.
• Les limites de concentration en hémoglobine fixées
par l’OMS pour définir l’anémie sont de 110 g/l pour
les enfants d’âge préscolaire et les femmes enceintes,
et de 120 g/l pour les femmes hors grossesse.
• La prévalence de l'anémie en tant que problème de
santé publique est catégorisée par l’OMS comme suit:
• < 5 % - pas de problème
• 5−19 % - problème de santé publique léger
• 20−39 % - problème de santé publique modéré
• > 40 % - problème de santé publique sévère.
• La prévalence globale de l'anémie chez les enfants
d’âge préscolaire est de 47,4 %.
• La prévalence globale de l'anémie chez les femmes
•
•
•
•
•
•
•
•
enceintes est de 41,8 %.
La prévalence globale de l'anémie chez les femmes
hors grossesse est de 30,2 %.
Globalement, 818 millions de femmes (avec ou sans
grossesse) et de jeunes enfants souffrent d'anémie et
plus de la moitié d’entre eux, environ 520 millions,
vivent en Asie.
La prévalence la plus élevée pour les trois groupes de
population se trouve en Afrique, mais le nombre d’individus affectés est plus important en Asie.
En Asie, 58 % des enfants d’âge préscolaire, 56,1 %
des femmes enceintes et 68 % des femmes hors grossesse sont anémiques.
Plus de la moitié de la population mondiale des
enfants d’âge préscolaire et des femmes enceintes
résident dans des pays où l'anémie représente un problème de santé publique sévère.
Les pays présentant un problème de santé publique
sévère étaient regroupés en Afrique, en Asie, en Amérique latine et aux Caraïbes.
L'Afrique et l'Asie sont les régions les plus affectées
par l’anémie et, comme il s’agit également des
régions les plus pauvres, cela suggère un lien entre
anémie et développement.
L'anémie est trois fois plus répandue en Europe qu’en
Amérique du Nord.
2
ACTION URGENTE REQUISE EN FAVEUR
DE L’ANEMIE NUTRITIONNELLE
Venkatesh Mannar
Quel est le problème et que savons-nous?
Le but des Nations Unies de réduire d’un tiers la prévalence de l'anémie d’ici à 2010 est loin d’être atteint. L'anémie nutritionnelle reste fréquente dans beaucoup
de pays du monde et son éradication au travers d’interventions efficaces doit constituer une priorité en termes
d’attention et d’action. Une carence en fer précoce dans
l’enfance a un impact négatif significatif sur le développement physique et intellectuel de l’enfant. Il y a eu une
intensification des efforts dans plusieurs pays ce qui
donne de l’espoir sur le fait que les interventions peuvent
représenter des réussites viables. Il est toutefois admis
qu'il n'existe pas de solutions faciles et que les interventions efficaces possèdent leurs inconvénients, mais il
semblerait que le manque de priorité des politiques à sup-
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13
3 · Influence de l’économie sur l’anémie nutritionnelle
primer l’anémie nutritionnelle constitue l'inquiétude
majeure. Il y a une urgence à agir.
Qu'a-t-il été accompli?
Au cours des dix dernières années, il y a eu des développements clés:
• Plus de consensus techniques
• Une meilleure compréhension des conditions nécessaires à une supplémentation efficace
• Une connaissance et une expérience suffisantes (surtout chez les femmes enceintes) pour concevoir et
mettre en œuvre des programmes efficaces
• Des directives techniques et par programme pour une
planification efficace
• Une meilleure information sur la stabilité et la biodisponibilité des composés de fer
• Une reconnaissance par l'industrie alimentaire de la
nécessité de la fortification
• La faisabilité de la double fortification du sel
• La technologie pour fortifier le riz en fer et en acide
folique
• Une augmentation des travaux parvenant à une amélioration variétale des principales cultures
• Une plus grande connaissance du lien entre statut en
fer et infection.
Quelle est la direction à suivre?
Les inquiétudes sont que bien que l’efficacité de la supplémentation en fer ait été montrée lors d’expériences
contrôlées, la supplémentation sur le terrain ne semble
pas apporter une amélioration significative de la prévalence de l'anémie. De plus, les données soutenant la fortification des aliments à grande échelle manquent encore
et n'ont pas été systématiquement documentées.
Il semble que des progrès seraient réalisés uniquement si:
1. Les questions clés sont abordées et des instructions
consensuelles développées
2. Des ponts sont construits entre science/technologie et
acteurs de terrain
3. L'application de la supplémentation sur le terrain est
renforcée
4. La fortification universelle des aliments de base avec
des niveaux considérables de nutriments est entièrement acceptée
5. Des moyens créatifs d'augmentation de la teneur en
fer de l'alimentation sont explorés
6. Une amélioration de l'absorption du fer provenant de
l'alimentation est recherchée
7. Il y a une meilleure compréhension des interactions
entre micronutriments et autres composants alimentaires, et aussi des autres causes de l'anémie
8. Un marketing social et un changement des comporte-
ments d’aide sont encouragés
9. Il y a une combinaison d’une bonne réglementation et
d’une éducation publique solide et appropriée
10. Une approche multi-interventions est acceptée si elle
inclut des apports nutritionnels adéquats (supplémentation, fortification, modification alimentaire, biofortification) et une réduction des infections concomitantes
11. Il y a plus de soutien concluant à tous les niveaux,
formant des alliances stratégiques et un engagement
pour l’action
12. Il y a des soutiens solides à l’échelle mondiale pour
pousser l'action vers l’avant.
Quel est le message clé?
Il y a un besoin urgent d’action, mais cette action doit
considérer plusieurs facteurs pour réussir et rester viable.
LES FAITS:
• La carence en fer pourrait empêcher 40 à 60 % des
enfants des pays en développement d’atteindre leur
pleine capacité mentale.
• L’OMS répertorie la carence en fer parmi les dix risques les plus sérieux dans les pays où la mortalité
infantile est élevée et associée à une forte mortalité
des adultes.
• Les interventions visant la déficience en fer font partie des interventions de santé publique les plus rentables.
• Le rapport coûts-bénéfices des programmes concernant le fer est estimé à 200:1.
• Parmi une liste de 17 investissements possibles pour
le développement, les retours sur investissements des
programmes concernant les micronutriments sont en
deuxième position juste derrière les programmes de
lutte contre le SIDA.
3
INFLUENCE DE L’ECONOMIE SUR L’ANEMIE
NUTRITIONNELLE
Harold Alderman et Susan Horton
Pourquoi l’évaluation économique est-elle
importante?
Les gains économiques provenant de l’intérêt porté à
toute déficience en micronutriment viennent à la fois des
réductions de coût et d’une productivité accrue. Ils
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3 · Influence de l’économie sur l’anémie nutritionnelle
incluent une baisse de la mortalité, une réduction des
dépenses de soin, une baisse de la morbidité, une amélioration de la productivité et des bénéfices intergénérationnels au travers d’une amélioration de la santé. Dans le cas
de l’anémie ferriprive, l’évaluation économique nécessite de déterminer les coûts de la carence en fer en
dollars, afin d’estimer les conséquences dans une unité
de mesure commune aux autres demandes de ressources
publiques (concernant à la fois les interventions de santé
et hors du domaine de la santé). Ceci est en contraste
avec le calcul de l’efficacité d'un programme en terme
d’augmentation de l'espérance de vie ou d’années de vie
corrigées du facteur invalidité (“disability-adjusted life
years”, DALY).
Il se révèle également important d’évaluer l'impact économique des interventions en termes de coûts et de bénéfices. Il y a plusieurs questions cruciales à considérer
lorsque l’on réalise des évaluations économiques:
• L’intervention peut avoir plus d'un résultat (p.ex. une
intervention sur les femmes enceintes peut à la fois
réduire les petits poids de naissance et la mortalité
maternelle via une modification du taux d'hémoglobine de la mère);
• Certaines interventions n’affectent pas seulement l’anémie, mais ont aussi d’autres conséquences sur la
santé et sur l’économie (p.ex. la vermifugation peut
être efficace pour améliorer les taux d’hémoglobine
ainsi que l’absorption de la vitamine A);
• La mesure de la rentabilité via le résultat d'intérêt
final (p.ex. la mortalité) coûte habituellement trop
cher et prend trop de temps; on lui préfère donc souvent l’utilisation d’indicateurs directs (p.ex. la proportion d’anémiques ou le taux d’hémoglobine);
• La rentabilité varie selon l'échelle du programme
(p.ex. les coûts peuvent diminuer avec le temps s’il
existe des coûts fixes pouvant être étendus sur de plus
grands programmes);
• Il y a des distinctions entre coûts publics et coûts privés (p.ex. le coût d'un dollar venant des revenus du
gouvernement est généralement supérieur à celui
d’un dollar pour l'économie).
Comment les bénéfices économiques de gestion de
l'anémie sont-ils évalués?
Deux approches clés sont utilisées:
1. Le calcul des gains attendus en termes économiques
si un cas d'anémie était évité. Cette approche est
utile pour effectuer des comparaisons des coûts d'intervention.
2. L’estimation de l'impact sur le PNB si les taux d'anémie pouvaient être réduits. Cette approche mesure les
gains individuels et crée une motivation plus forte
pour changer la volonté politique.
Les résultats des bénéfices économiques peuvent être
présentés en coûts, soit en terme de productivité, donnant
des estimations de sensibilité, soit en termes de DALY,
qui sont ensuite convertis en dollars.
Chaque approche possède ses avantages et ses inconvénients. Il est important de reconnaître que placer des chiffres précis sur la valeur économique implique de poser
une série d’hypothèses et exige de s’adapter au contexte
spécifique du pays. Par ailleurs, toutes ces approches
mesurent différents concepts et ne peuvent donc pas être
directement comparées.
Quels sont les coûts économiques d'une réduction de
l’anémie?
Qu’elle soit estimée en coût par DALY épargné, ou en
rapport coûts-bénéfices calculé, la fortification en fer est
l’une des interventions de santé publique disponibles les
plus intéressantes.
• Le coût de la fortification par personne et par an se
situe entre 0,10 et 1,00 $ US.
• La fortification maison est relativement nouvelle et
soulève de formidables promesses pour certains groupes de population, d’autant que les coûts peuvent se
révéler intermédiaires entre la fortification et la supplémentation.
• Les coûts de supplémentation par personne sont estimés autour de 2,00 à 5,00 $ US; à noter cependant
que, souvent, les coûts rapportés ne couvrent pas
complètement les coûts personnels, ce qui conduit à
des programmes décevants. La recherche opérationnelle est nécessaire à la conception de programmes
qui soient rentables sur le terrain.
• Dans une étude, le coût de la vermifugation périodique a été estimé à 3,50 $ US par an pour augmenter
la participation scolaire d'un enfant. Un programme
combinant vermifugation et supplémentation a
estimé en utilisant plusieurs hypothèses que l'intervention pourrait mener à un résultat supplémentaire
attendu de 29,00 $ US pour un coût de 1,70 $ US.
L’importance de la vermifugation a peut-être été
négligée, car elle fonctionne en synergie avec la fortification et la supplémentation.
• Il y a peu d'études ayant montré la rentabilité des
jardins potagers et de l’augmentation de l’élevage de
petits animaux.
• Les approches de biofortification sont prometteuses,
mais supposent de larges coûts fixes de recherche;
néanmoins, les coûts différentiels d’opération pour la
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4 · Evaluation en laboratoire de la teneur en fer
production d’une récolte présentant une disponibilité
augmentée du fer dépassent peu les coûts généraux
des productions habituelles. En utilisant diverses
hypothèses, la stratégie pourrait fournir une valeur
globale en terme d’avantages nutritionnels de plus de
694 millions de $ US, ce qui représente un rapport
coûts-bénéfices de 19 ou un retour interne de 29 %.
Quels sont les résultats des évaluations économiques
qui ont été entreprises?
Il est clair (voir LES FAITS ci-dessous) que l'anémie, à
tous les stades de la vie, fait peser un lourd poids sur la
santé et a un impact négatif potentiel fort sur la productivité et donc sur le revenu et le PIB. La perte totale par
personne résultant d’altérations physiques et cognitives
s’élève à des milliards par an, ce qui est considérable
comparé aux modestes coûts de réduction de l’anémie
nutritionnelle.
Quel est le message clé?
Les études d'impact économique montrent que gérer l'anémie nutritionnelle peut avoir un effet significatif sur la
productivité, le revenu et le poids que représente la santé.
La détermination de l’impact économique total (gain
économique et rentabilité) de toute intervention exige
une connaissance experte et doit se baser sur les spécificités du programme, du pays et sur les mesures souhaitées pour le résultat.
LES FAITS:
• Une étude a estimé que, dans les pays en développement, un cinquième de la mortalité périnatale et un
dixième de la mortalité maternelle seraient attribuables à la carence en fer.
• On estime que 1,5 % des morts à travers le monde
sont attribuables au déficit en fer.
• En termes de DALY, l'anémie représente également
35 millions de perte d’années de vie en bonne santé
(2,5 % de perte globale de DALY).
• Les interventions basées sur le fer chez l’adulte ont
montré une productivité accrue d’environ 5 % dans le
domaine des travaux manuels légers et jusqu’à 17 %
dans celui des travaux manuels lourds.
• Une étude indonésienne a montré des effets positifs
sur le revenu des travailleurs autonomes s’élevant à
20 % pour les hommes et à 6 % pour les femmes.
• Une série d'études indique qu’une variation de quotient intellectuel d’un demi écart-type se répercute sur
le salaire de la région à hauteur de 5 %.
• On peut déduire des effets de l’anémie sur le développement cognitif que cette pathologie réduit potentiellement le salaire des adultes de 2,5 %.
•
•
•
•
•
Le coût de la fortification par personne et par an se
situe entre 0,10 et 1,00 $ US, avec un rapport coûtsbénéfices allant de 6:1 (bénéfices physiques des adultes) à 9:1 (en incluant les bénéfices cognitifs estimés
des enfants).
On estime que les coûts de la supplémentation par
personne se situent entre 2,00 et 5,00 $ US; notons
toutefois que ces coûts ne couvrent souvent pas complètement les coûts personnels.
Les programmes de supplémentation sont 5 fois plus
coûteux que la fortification en termes de DALY.
Dans une étude, le coût de la vermifugation a été
estimé à 3,50 $ US par an pour augmenter la participation scolaire d’un enfant.
On estime que les programmes combinant vermifugation et supplémentation pourraient avoir des répercutions positives sur les salaires, avec un bénéfice
attendu de 29,00 $ US pour un coût de 1,70 $ US.
4
EVALUATION EN LABORATOIRE
DE LA TENEUR EN FER
Hans-Konrad Biesalski et Jürgen G. Erhardt
Quel est le problème et que savons-nous?
La nutrition joue un rôle important dans l'anémie et, de
tous les nutriments impliqués, le fer se trouve être l’élément le plus crucial. Par conséquent, l’évaluation de la
teneur en fer est bien souvent essentielle au diagnostic de
l'anémie. En général, la carence en fer se met en place via
trois étapes consécutives: épuisement des réserves en fer,
érythropoïèse et anémie ferriprive. Ces trois étapes peuvent être analysées sur le plan biochimique par une
mesure de l'hémoglobine (Hb), de la ferritine et du récepteur soluble à la transferrine (sTfR). Bien qu'il existe des
indicateurs cliniques et que l'évaluation des apports en
fer puisse être utile, le diagnostic repose principalement
sur ces marqueurs biochimiques, qui sont les seuls à présenter la spécificité et la sensibilité nécessaires. Malheureusement, les méthodes permettant de les mesurer coûtent cher et sont, pour la plupart, difficiles à réaliser.
A quel point les différents indicateurs
biochimiques sont-ils précis et utiles?
Il y a trois indicateurs importants pour mesurer le statut
en fer:
1. L’hémoglobine (Hb): la mesure de l’Hb est essentie-
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5 · Signification fonctionnelle de l’anémie par carence martiale
lle au diagnostic de l'anémie nutritionnelle et fait partie des méthodes les plus courantes, les plus faciles et
les moins onéreuses. Des kits sont disponibles chez
différents fabricants et il existe également de petits
hémoglobinomètres portables utilisables sur le
terrain. La mesure de l’Hb n'est cependant pas très
sensible, ni très spécifique à la carence en fer (seul le
troisième stade affecte la synthèse d’Hb). Ainsi, pour
déterminer si le déficit en fer est responsable de l’anémie, il est habituellement nécessaire d'inclure d'autres indicateurs.
2. La ferritine: la ferritine est actuellement considérée
comme le plus important indicateur du statut en fer,
car sa concentration chute dès le premier stade de la
déficience en ce minéral. Par conséquent, il s’agit de
l'indicateur le plus sensible et le coût des kits de
dosage ELISA de la ferritine ou d’autres méthodes de
mesure est relativement bas. A noter toutefois que
beaucoup de facteurs, dont l’infection et l’inflammation, peuvent augmenter la concentration en ferritine,
de sorte qu’une valeur haute n'indique pas nécessairement une bonne teneur en fer. De fait, il est important
de mesurer également les paramètres d’infection
aiguë (protéine c-réactive, PCR) et chronique (glycoprotéine-α1, GPA).
3. Le récepteur soluble à la transferrine (sTfR): la
mesure de cet indicateur est de plus en plus utilisée
pour identifier la carence en fer dans des situations où
l’infection fait rage, car il est bien moins influencé
par ce paramètre infectieux que les autres indicateurs.
Il n'est pas aussi sensible que la ferritine, mais plus
que l’Hb. Jusqu'à présent, il n’existe pas de standard
certifié au niveau international et chaque méthode/kit
possède ses propres valeurs seuils. Les mesures du
sTfR sont encore beaucoup plus chères que celles de
la ferritine. Le rapport sTfR sur ferritine constitue
l’indicateur le plus sensible du statut en fer, puisqu’il
permet le calcul des réserves en fer en mg par kg de
poids corporel. Par conséquent, il constitue l’étalon
or de la moelle osseuse qui fait défaut dans la définition de la déficience en fer.
En plus de ces indicateurs, les trois suivants peuvent parfois se révéler également intéressants:
1. La saturation en fer de la transferrine plasmatique et
le volume globulaire moyen (VGM): ces paramètres
sont des indicateurs bien établis et relativement peu
coûteux à mesurer, mais utiles uniquement dans des
conditions cliniques où le matériel pour leur détermination est disponible.
2. L’hématocrite: cet indicateur est très facile à mesurer
mais, puisqu’il est encore moins sensible que l’Hb
pour identifier la déficience en fer, il n’est pas très
utile pour diagnostiquer l’anémie nutritionnelle.
3. Zn-protoporphyrine (ZnPP): il s’agit d’une mesure
simple, robuste et utile au dépistage de la carence en
fer, mais elle exige un appareil spécial. A noter que le
plomb, même à des niveaux normaux d’exposition
environnementale peut augmenter la concentration en
ZnPP. Néanmoins, dans la plupart des cas, cela ne
pose pas de problème.
Quelle est la direction à suivre?
Il est généralement admis que la combinaison de l’Hb,
de la ferritine, du sTfR et des paramètres d'infection (PCR,
GPA) constitue le meilleur indicateur pour mesurer le statut
en fer, mais quatre éléments clés restent à améliorer au
niveau des recherches en cours: la réduction des coûts; l’amélioration du débit des mesures; l’augmentation de leur
sensibilité/spécificité et de leur robustesse.
Un autre défi majeur est de collecter le sang sur le terrain
aussi facilement et de manière aussi fiable que possible.
La collecte des échantillons sanguins sur papier-filtre est
une alternative aux échantillons veineux car elle ne
nécessite pas de centrifugation, de congélation ou de
transport respectant la chaîne du froid. Malheureusement, les tâches de sang séchées présentent des limites et
exigent que des protocoles stricts soient respectés.
Quel est le message clé?
La combinaison de l’Hb, de la ferritine, du sTfR et des
paramètres d'infection (PCR, GPA) constitue le meilleur
indicateur pour mesurer le statut en fer. Mais, pour assurer la mise en oeuvre et l’exactitude des interventions, en
particulier dans les pays en développement, des recherches supplémentaires sont nécessaires afin de réduire le
coût des mesures, d’améliorer leur robustesse et de trouver des méthodes de terrain plus faciles.
5
VUE D'ENSEMBLE DE LA SIGNIFICATION
FONCTIONNELLE DE L’ANEMIE PAR
CARENCE MARTIALE
Gary Gleason et Nevin S. Scrimshaw
Quel est le problème et que savons-nous?
L'anémie ferriprive est la déficience en micronutriment
et même, plus globalement, la déficience nutritionnelle la
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5 · Signification fonctionnelle de l’anémie par carence martiale
17
plus répandue dans le monde. Il existe trois stades différents de déficit en fer. Le premier, l’épuisement des réserves en fer, n’a pas de conséquence fonctionnelle. Cependant, lorsque ces réserves sont épuisées et que les tissus
commencent à manquer de fer, la situation conduit à une
déficience. Les effets négatifs pour les individus déficients en fer, mais qui ne souffrent pas directement d’anémie, incluent une altération des capacités cognitives,
une diminution de la capacité physique, et une baisse de
l’immunité. Il y a donc des conséquences délétères à la
carence en fer avant même que l’anémie ferriprive n’apparaisse. Lorsqu’elle est sévère, cette étape finale peut
s’avérer fatale.
évitée. Cette situation se révèle encore plus grave chez
les enfants de petits poids de naissance, ce qui est fréquent lorsque la mère est malnutrie pendant la grossesse.
Ainsi, l’OMS et l'UNICEF recommandent que les
enfants de petits poids de naissance dans les populations
présentant de hauts niveaux d'anémie reçoivent des suppléments de fer à partir de 2 mois et jusqu'à 24 mois.
Lorsque les enfants grandissent et commencent leur scolarité, des études ont montré que les anémiques présentaient les performances les plus faibles. Cela conduit à de
sérieuses implications quant à l'efficacité de l'éducation,
surtout dans les pays en développement où l'anémie est
très répandue.
Qu'a-t-il été accompli?
La réduction de l’anémie ferriprive à la naissance et dans
la petite enfance a bénéficié d’une intensité considérable
en raison de son association avec une altération des performances psychomotrices, ainsi que des modifications
comportementales qu’elle engendre. Bien que certains
déficits du développement puissent être corrigés par un
traitement à base de fer, les études les plus récentes suggèrent que des différences d'adaptations cognitives et
sociales demeurent, et sont susceptibles de devenir permanentes. Le risque de carence en fer est élevé après la
naissance et au cours de la petite enfance, car les réserves
reçues à la naissance sont utilisées pour assurer les fonctions normales et la croissance, tandis que seuls environ
50 % des besoins en fer d'un enfant de 6 mois peuvent
être couverts par le lait maternel. Ainsi, l’allaitement
maternel continu ne fournira que la moitié du fer nécessaire à l'enfant et, pour beaucoup d'enfants, l'autre moitié
(+ 4 mg / jour) devra provenir d’aliments de complément
fortifiés ou d’une supplémentation si l'anémie veut être
La recherche montre également l'impact du statut en fer
sur:
• La capacité physique – la carence en fer réduit les
performances physiques ce qui a notamment été
constaté chez les travailleurs agricoles.
• La morbidité due au rôle du fer dans plusieurs mécanismes biologiques impliqués dans la réponse immunitaire aux infections. Il reste néanmoins quelques
sujets à discussion et quelques questions non résolues, en particulier en ce qui concerne les relations
entre la supplémentation en fer des jeunes enfants non
déficients en fer et le paludisme. Des recherches supplémentaires sont nécessaires. Les nouvelles recommandations de l’OMS sont que l’anémie ferriprive
devrait être dépistée chez les jeunes enfants dans les
régions où le paludisme est endémique avant que l’on
ne leur donne des suppléments de fer. Il y a moins de
controverses au regard des autres infections, mais la
prudence est encore de rigueur. Les preuves indiquent
une baisse de la résistance à l’infection chez les individus déficients en fer. Cependant, s’ils sont sévèrement malnutris et anémiques, les mécanismes corporels qui privent les agents pathogènes de fer peuvent
être perturbés par un surplus de ce minéral (en particulier en administration parentérale). Dans ces circonstances, avant que le système immunitaire ne se
soit remis des effets de la carence en fer, les pathogènes peuvent se développer de manière explosive avec
des effets désastreux pour l'individu.
• La régulation de la température – la carence en fer
sévère abaisse la capacité du corps à maintenir sa
température dans un environnement froid.
• L’excès de fer et les maladies chroniques - des inquié-
Pendant la grossesse, l’anémie ferriprive est répandue car
la mère a besoin de fer supplémentaire pour fabriquer le
sang nécessaire à l’expansion de son volume sanguin
(augmentation de ± 20 %) et aussi pour assurer les
besoins du placenta et du foetus en plein développement.
Ainsi, pendant la seconde moitié de la grossesse, bien
qu’il ait été montré que les femmes enceintes absorbaient
plus de fer provenant de la nourriture, même chez les
femmes en bonne santé, les besoins en fer sont très difficiles à couvrir par l’alimentation. L'anémie pendant la
grossesse est associée à une augmentation de la morbidité et de la mortalité de la mère et de l'enfant, et à de
petits poids de naissance. Chez les mères anémiques, les
grossesses arrivent 30−45 % moins souvent à un terme
favorable, et les nouveaux-nés des mères anémiques ont
moins de chances de disposer de réserves normales en fer
- ils commencent donc leur vie avec un handicap.
Contrer la déficience en fer et la carence martiale de la
grossesse à la naissance de l’enfant et tout au long de son
enfance s’avère donc crucial, et les interventions doivent
donc commencer très tôt dans le cycle de vie.
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Seite 18
6 · Métabolisme du fer
tudes ont été soulevées au sujet de relations possibles
entre réserves en fer élevées et maladies cardiovasculaires ou cancers. Bien que les études entreprises ne
soient pas concluantes, elles indiquent le besoin de
recherches complémentaires dans ce domaine.
Quelle est la direction à suivre?
En général, les effets négatifs de la carence en fer sur la
santé, la capacité physique, les performances au travail,
les performances cognitives et le comportement peuvent
être corrigés en apportant du fer en quantité et sous une
forme appropriées. Les stratégies pour assurer un apport
adéquat en fer incluent une combinaison de la promotion
d’une alimentation diversifiée avec des aliments riches
en fer, une fortification en micronutriments des aliments
de base et une fortification ciblée ou une supplémentation en fer pour les groupes de population à haut risque
ou ayant des besoins particulièrement élevés. Si l’anémie
ferriprive modérée à sévère apparaît dans la petite
enfance, les effets sur la cognition peuvent être irréversibles. Le fer devrait être regardé comme une épée à double tranchant, dont le manque mais aussi l’excès peuvent
avoir des conséquences délétères considérables sur un
individu.
Quel est le message clé?
Les conséquences fonctionnelles de la carence en fer et
ses impacts économiques et sociaux à long terme ont
mené à un objectif global de réduction de la prévalence
d'anémie de 30 % entre 2000 et 2010. En 2007, il n’y a
pas eu de progrès substantiel dans la plupart des pays en
développement, et l'anémie ferriprive devrait toujours
être considérée comme une priorité surtout dans les groupes de population à haut risque: femmes enceintes, nouveaux-nés et jeunes enfants. Il existe néanmoins quelques régions où la prudence est de rigueur, afin d’éviter
un impact potentiellement négatif des interventions.
LES FAITS:
• Dans beaucoup de pays en développement, on estime
qu’une femme enceinte sur deux, et que plus d'un
enfant d’âge préscolaire sur trois, sont anémiques.
• Dans les pays où la consommation de viande est faible, jusqu'à 90 % des femmes sont ou deviennent anémiques pendant leur grossesse.
• On estime que 800 000 décès à travers le monde sont
attribuables à l’anémie ferriprive qui reste parmi les
quinze principaux facteurs de contribution au poids
global de la maladie.
• Lorsqu’elle est exprimée en DALY, l’anémie ferriprive représente 25 millions ou 2,4 % du total des
DALY.
•
•
•
•
•
Le corps d’un homme normal contient au total ± 4,0 g
de fer et une femme normale en moyenne 2,5 g.
Approximativement 73 % du fer de l’organisme se
trouve dans l'hémoglobine des globules rouges circulants et dans la myoglobine du muscle, 12 % dans
les protéines de stockage du fer, et 15 % dans des
douzaines d'enzymes particulièrement importantes
car essentielles au fonctionnement de toutes les cellules et de tous les tissus. En dessous des niveaux normaux d'hémoglobine, la capacité au travail physique
est corrélée linéairement à ce niveau d'hémoglobine.
Cette relation est particulièrement significative lorsque la concentration en hémoglobine chute en dessous de 100 g/L, taux qui se trouve 20 à 40 g/L en
dessous de la limite inférieure pour les adultes normaux.
L'anémie modérée est définie par un taux d’hémoglobine de 70−90 g/L, et l’anémie sévère par un taux
d’hémoglobine inférieur à 70 g/L.
Chez les mères anémiques, les grossesses arrivent
30−45 % moins souvent à un terme favorable, et leurs
nouveaux-nés ont moins de chances de disposer de
réserves normales en fer.
L’objectif global au niveau national est de réduire
la prévalence de l'anémie, dont la carence en fer, de
30 % entre 2000 et 2010. Dans la plupart des pays en
développement, le rythme des progrès obtenus jusqu’en 2007 devra être accéléré pour espérer atteindre
ce but.
6
METABOLISME DU FER
Sean Lynch
Que savons-nous?
Le fer joue un rôle vital dans le transport et le stockage de
l'oxygène, le métabolisme oxydatif, la prolifération
cellulaire et beaucoup d'autres processus physiologiques.
Mais il a aussi une propriété centrale qui lui permet de
recruter les donneurs d'électrons et de participer aux processus redox. Cette propriété explique également sa toxicité potentielle au travers de la génération de radicaux
libres. En outre, le fer est un nutriment essentiel à tous les
organismes pathogènes connus. Librement disponible, le
fer peut grandement augmenter leur virulence. Par conséquent, il n’est pas surprenant que le corps humain a finement régulé les processus d’absorption, de transport et de
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Seite 19
6 · Métabolisme du fer
stockage du fer, qui assurent une réserve disponible pour
la croissance et le fonctionnement cellulaires. Dans le
même temps, ces processus limitent sa participation aux
réactions générant des radicaux libres potentiellement
toxiques. Ils évitent également que les pathogènes aient
un accès direct au fer.
Approximativement 75 % du fer de l’organisme est présent au sein de composés métaboliquement actifs. Les 25
% restants constituent une réserve dynamique continuellement renouvelée. Cette réserve assure une provision
adéquate pour le fonctionnement normal des organes en
dépit des variations à court terme liées à son absorption
ou aux pertes de l’organisme. Elle répond également aux
demandes urgentes quand les besoins sont augmentés.
Les réserves de fer qui ont été utilisées sont alors remplacées progressivement grâce à une absorption accrue. Le
pool de transferrine circulante répond quant à lui pratiquement à tous les besoins fonctionnels. Il n’équivaut
qu’à environ 3 mg de fer chez les adultes, mais une quantité dix fois supérieure (± 35 mg) circule chaque jour
dans ce pool, dont environ 80 % destiné à la production
de globules rouges. La majeure partie du fer transféré de
la réserve dynamique au pool de transferrine circulante
provient du fer récupéré suite au traitement de l'hémoglobine des globules rouges ayant atteint la fin de leur vie
d’une durée d’environ quatre mois. Le fer absorbé entre
également dans ce pool, mais il ne représente que 1−1,5
mg par jour. La libération du fer dans la circulation est
finement régulée en fonction des besoins. Elle peut être
divisée ou multipliée plusieurs fois. Quoi qu’il en soit,
chez les individus normaux présentant des réserves de fer
adéquates, la saturation en fer de la transferrine (la proportion de la protéine qui transporte du fer à un instant
donné) est maintenue autour de 35 %.
Quelles sont les récentes avancées ayant amélioré
notre compréhension du métabolisme du fer?
La découverte récente d'un petit peptide cationique riche
en cystéine, appelé hepcidine, produit par le foie, circulant dans le plasma et excrété par les urines, a révolutionné notre compréhension de la régulation de l’absorption et du stockage du fer. L’hepcidine semble avoir un
rôle fondamental dans l’assurance du maintien des réserves ferriques à un niveau optimal, dans la régulation de
l’approvisionnement en fer de l’ensemble des cellules de
l’organisme en fonction de leurs besoins fonctionnels et
dans le blocage de l'absorption du fer inutile au niveau de
l'intestin. Ce peptide agit comme un régulateur négatif de
la libération des réserves et de l’absorption intestinale.
De hauts niveaux d’hepcidine réduisent le taux de libération du fer de réserve et son absorption intestinale, via
19
une liaison au seul exportateur de fer cellulaire connu, la
ferroportine, et provoquant sa dégradation. L'expression
de l'hepcidine est induite indépendamment par l'accumulation du fer de réserve et par l’inflammation. Elle est
supprimée quand les réserves en fer sont épuisées, et par
l’anémie, l’hypoxémie et l’érythropoïèse accélérée.
L’hepcidine permet aux tissus de l’organisme de recevoir
la bonne quantité de fer pour couvrir leurs besoins fonctionnels. Cependant, toutes les cellules ont également la
capacité de réguler leur propre économie de fer interne en
augmentant ou en diminuant l'expression des récepteurs
à la transferrine, lesquels sont indispensables à la récupération par les cellules du fer issu du pool de transferrine
circulante.
Depuis longtemps, il est connu que la balance en fer est
maintenue par le contrôle de l’absorption. Néanmoins,
des avancées considérables dans notre compréhension
des processus de régulation de l'absorption ont eu lieu
récemment. L'absorption se produit tout d’abord au
niveau de l'intestin grêle, via les entérocytes mûrs situés
au sommet des villosités duodénales. Deux transporteurs,
le transporteur apical spécifique HCP1 (Heme Carrier
Protein 1) et le transporteur de métal divalent DMT1
(Divalent Metal Transporter 1), semblent modérer l'entrée de la majeure partie, si ce n’est de tout, le fer alimentaire dans les cellules de la muqueuse intestinale. Le
fer héminique est toujours aisément absorbé. Les molécules d'hème intactes sont transportées dans les entérocytes. Cependant, l'hème ne représente qu’une petite partie
du fer alimentaire, même pour les personnes qui mangent
beaucoup de viande ou de poisson. Le fer est majoritairement présent sous d'autres formes communément regroupées sous le terme de fer non héminique. Ce fer est transporté dans les entérocytes par le DMT1, mais il doit
d’abord être solubilisé et réduit à l'état ferreux. De plus,
dans l’alimentation, divers facteurs, et en particulier les
phytates et les polyphénols, peuvent empêcher la liaison
entre le fer non héminique et le DMT1, avec comme conséquence une absorption inhibée. La possibilité que des
récepteurs spécifiques à d'autres formes de fer alimentaire aient un rôle significatif dans l'absorption nécessite
de plus amples éclaircissements. Comme indiqué ci-dessus, l’absorption est régulée par la ferroportine via le
contrôle des exportations du fer depuis les entérocytes du
duodénum jusqu’au pool de transferrine circulante. Ces
entérocytes ont une courte durée de vie et le fer qui n'est
pas transféré à la circulation est perdu lorsque les cellules
exfolient. L'absorption du fer non héminique est également régulée au moment de l’entrée dans les entérocytes
par des modifications de l'expression du DMT1.
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6 · Métabolisme du fer
Quels sont les besoins en fer
au cours de la vie humaine?
Le fer se trouve dans pratiquement tous les aliments. L’apport en fer alimentaire est donc relié à l’apport énergétique.
Les besoins en fer sont plus élevés dans les deuxième et
troisième trimestres de grossesse. Ce besoin est couvert par
l’utilisation des réserves de la mère, accumulées avant la
conception et pendant le premier trimestre du fait de l’arrêt
des menstruations, ainsi que par l’augmentation marquée
de l’absorption au cours du deuxième et du troisième trimestres. Les besoins sont également élevés chez les jeunes
enfants en particulier entre 6 et 18 mois. Une fois que les
réserves en fer de la naissance sont épuisées, le statut en fer
des jeunes enfants dépend des aliments de complément car
la teneur en fer du lait humain est faible. Malheureusement,
dans beaucoup de pays en développement, les aliments de
complément traditionnels sont de piètres sources de fer biodisponible. Par conséquent, les enfants de 6 à 18 mois sont
fréquemment déficients en ce minéral. Les besoins sont
accrus au cours de la poussée de croissance durant l’adolescence et dès le début des menstruations chez les filles.
Enfin, les femmes en âge de procréer sont à risque de déficience en fer en raison de leurs pertes en fer menstruelles.
Les besoins sont moindres chez les hommes et les femmes
ménopausées.
Quels troubles du bilan ferrique
peut-on rencontrer?
Les trois désordres courants du bilan ferrique sont la
déficience, la surcharge en fer et l'anémie inflammatoire
(également appelée anémie des maladies chroniques).
1. La déficience en fer reste la carence en micronutriment la plus répandue à travers le monde. Elle constitue toujours une condition acquise résultant d'une alimentation contenant trop peu de fer biodisponible.
Dans les pays en développement, les aliments traditionnels contiennent généralement de grandes quantités d'inhibiteurs de l'absorption du fer, notamment des
phytates et des polyphénols. De plus les observations
récentes indiquent que les maladies qui affectent le
duodénum, en particulier les infections à H. pylori et
les maladies coeliaques, pourraient être plus répandues que ce qui est alors soupçonné et qu'elles pourraient avoir une importante contribution. De nouvelles recherches sont nécessaires pour confirmer ces
observations et établir leur pertinence potentielle
quant à la prévention des déficiences en fer alimentaire. Enfin, les maladies causant des pertes sanguines, en particulier les infections à ankylostomes, contribuent de manière importante à la forte prévalence
des carences en fer dans beaucoup de pays en développement.
2. La surcharge en fer est beaucoup moins fréquente
que la carence. La surcharge systémique primaire
(hémochromatose) résulte presque toujours d'une
spécificité génétique affectant l’hepcidine ou la ferroportine et perturbant, de fait, la régulation du transport du fer. La forme courante de surcharge en fer
chez les Caucasiens, l’hémochromatose HFE, résulte
d'un déficit relatif en hepcidine. La surcharge en fer
secondaire se produit lors d’une thalassémie et d’une
anémie sidéroblastique car le traitement de ces situations pathologiques exige des transfusions de sang
répétées, et l’érythropoïèse accélérée, caractéristique
de ces troubles, réduit l'expression de l'hepcidine.
3. L'anémie inflammatoire est caractérisée par une
baisse de la libération du fer de réserve, une absorption réduite, de faibles concentrations plasmatiques
en fer et en transferrine, une restriction de l’approvisionnement en fer disponible pour la production de
globules rouges et une anémie légère ou modérée.
L'expression accrue de l'hepcidine explique presque
toutes les conséquences de cette pathologie, généralement considérée comme une adaptation de l'hôte pour
répondre à la présence de pathogènes et rendre le fer
moins disponible.
Quel est le message clé?
Des avancées majeures ont été réalisées dans la compréhension de la physiologie du métabolisme du fer chez
l’humain et la physiopathologie des troubles qui lui sont
associés, même si beaucoup de questions restent encore
sans réponse. La recherche dans ce domaine est donc
indispensable. La connaissance gagnée a toutefois fourni
un socle scientifique solide permettant d’élaborer des
approches de lutte contre la déficience nutritionnelle en
fer.
LES FAITS:
• Les êtres humains disposent normalement de 40 à
50 mg de fer/kg de poids corporel.
• Approximativement 75 % du fer de l’organisme est
présent au sein de composés métaboliquement actifs;
les 25 % restants constituent une réserve dynamique
renouvelée continuellement.
• L’approvisionnement en fer des cellules de l’organisme est rigoureusement régulé par le contrôle de
l'absorption et la libération des réserves.
• L’hepcidine a un rôle central dans le contrôle de la
balance en fer.
• La carence et la surcharge en fer, ainsi que l’anémie
inflammatoire, constituent les troubles du métabolisme du fer les plus courants. La déficience en fer
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7 · Optimisation de la biodisponibilité du fer
résulte d’une alimentation contenant des teneurs en
fer biodisponible insuffisantes pour satisfaire les
besoins; la surcharge primaire en fer est causée par
des mutations génétiques héréditaires conduisant à
une dysrégulation de l'hepcidine ou à des altérations
des récepteurs ferroportine; l'anémie inflammatoire
est le résultat d’une expression accrue de l'hepcidine
induite par les cytokines inflammatoires.
7
OPTIMISATION DE LA BIODISPONIBILITE
DU FER DES COMPOSES UTILISES POUR
LA FORTIFICATION DES ALIMENTS
Richard Hurrell et Ines Egli
Quel est le problème et que savons-nous?
Dans toute intervention de fortification, il est difficile
d'assurer l'efficacité des fortifiants utilisés. La biodisponibilité s’avère d’une importance cruciale pour atteindre
cette efficacité. Il a été montré que la biodisponibilité des
composés ferriques par rapport au sulfate ferreux (valeur
de biodisponibilité relative, VBR) était utile pour la classification de leur potentialité à fortifier les aliments.
Cependant, l'efficacité des aliments fortifiés en fer
dépend, non seulement, de l’absorption absolue du composé de fer qui est influencée par sa VBR, mais aussi, par
la quantité de fortifiant ajoutée, le statut en fer du consommateur et la présence dans le repas d'inhibiteurs
(p.ex. acide phytique) ou d’activateurs de l'absorption du
fer (p.ex. acide ascorbique).
Qu'a-t-il été accompli?
Concernant la fortification des aliments, l'OMS a publié
des directives qui incluent des recommandations sur les
composés de fer à privilégier et un protocole pour déterminer les niveaux de fortification en fer.
Quels sont les composés ferriques recommandés?
Bien qu'un ordre de préférence pour les composés ferriques ait été communiqué par l’OMS, il doit être noté que
la préférence doit également dépendre du véhicule utilisé, et les directives listent donc les composés les plus
appropriés à ajouter aux différents véhicules: farines de
céréales, aliments à base de céréales, produits laitiers,
produits du cacao, condiments. Chaque composé possède
aussi des avantages et des inconvénients spécifiques qui
doivent être évalués individuellement.
21
Le fer électrolytique est la seule poudre de fer élémentaire recommandée. Le fer atomisé et les poudres de fer
réduites au dioxyde de carbone ne sont pas recommandés
notamment en raison de leur VBR basse. Le fer réduit à
l’hydrogène et les poudres de fer carbonylique pourraient
être recommandés lorsqu’ils seront mieux documentés.
Par ailleurs, le NaFeEDTA (fer EDTA) n’est pas recommandé pour la fortification des aliments de complément
car il existe trop peu d’études chez les jeunes enfants, le
comité d’experts commun FAO/OMS sur les additifs alimentaires a donc posé des limites le concernant dans ses
recommandations.
Quelle est l’importance de la
biodisponibilité relative (VBR)?
La VBR est importante pour classer les différents composés de fer par rapport au sulfate ferreux dont la VBR
est fixée à 100. Ce classement se base sur la capacité du
composé ferrique à intégrer l’hémoglobine chez les rats
anémiques ou, plus récemment, sur l’évaluation de l’absorption du fer chez l’homme par des techniques isotopiques. Ainsi, quatre catégories de composés ferriques ont
été développées. Chaque catégorie et chaque composé
présente des avantages et des inconvénients qui doivent
être considérés individuellement, en se basant spécifiquement sur le véhicule sélectionné pour la fortification.
Les caractéristiques des composés peuvent également
varier selon la méthode de fabrication, et leur VBR peut
être influencée par le véhicule alimentaire et le statut en
fer du sujet, ce qui amène parfois de façon inattendue à
des VBR particulièrement basses.
• Catégorie 1: facilement soluble dans l'eau et avec une
VBR proche de 100 chez les adultes. Malheureusement, les composés de cette catégorie ont tendance à
causer des changements de couleur et de saveur inacceptables. Ils incluent le sulfate ferreux, le gluconate
ferreux, le lactate ferreux et le citrate ferrique d’ammonium.
• Catégorie 2: faiblement soluble dans l'eau mais facile
à dissoudre dans l'acide dilué des sucs gastriques, il a
donc une VBR de 100. Ces composés causent moins
de modifications organoleptiques du fait de leur faible solubilité dans l’eau. Cette catégorie inclut le
fumarate ferreux et le succinate ferreux.
• Catégorie 3: insoluble dans l'eau et faiblement soluble dans l’acide dilué, causant donc peu de modifications sensorielles, mais ayant une VBR inférieure et
plus variable. Cette catégorie inclut le pyrophosphate
ferrique, le pyrophosphate ferrique micronisé dispersible (MDFP), l’orthophosphate ferrique et les composés de fer élémentaire.
• Catégorie 4: l'avantage de ces composés réside dans
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8 · Interactions avec le cuivre et le zinc
le fait, qu’en présence d'acide phytique, ils ont une
VBR 2 à 3 fois supérieure à celle du sulfate ferreux.
Ils sont cependant plus enclins à provoquer des modifications sensorielles que les composés des catégories
2 ou 3. Cette catégorie inclut les chélates d'acides
aminés et le NaFeEDTA.
Comment peut-on augmenter la biodisponibilité
du fer utilisé pour la fortification?
Il y a cinq voies majeures pour améliorer la biodisponibilité du fer à ajouter aux aliments:
1. L'acide ascorbique est le composé le plus communément ajouté pour l'amélioration de l'absorption du fer,
mais il est sujet à des pertes en cas de traitement et de
stockage. L’acide ascorbique agit de manière dose
dépendante et la recommandation générale est un rapport molaire acide ascorbique sur fer de 2:1 pour les
produits à faible teneur en phytates et de 4:1 pour les
produits riches en phytates.
2. L'acide érythorbique est un stéréoisomère de l'acide
ascorbique qui semble avoir un effet encore meilleur,
mais il est plus sensible à l’oxydation ce qui peut
limiter son utilité.
3. Les acides organiques, bien qu'ils augmentent l'absorption du fer, ne représentent pas une option (à l'exception possible des jus de fruits), car les grandes
quantités requises pour cet effet provoquent des
modifications de saveur inacceptables dans la plupart
des véhicules.
4. Les complexes EDTA, Na2EDTA et CaNa2EDTA
sont des additifs alimentaires acceptés qui pourraient
être utilisés pour augmenter l’absorption du fer des
composés hydrosolubles.
5. La dégradation de l’acide phytique (un inhibiteur fort
de l'absorption du fer), par l'addition de phytases exogènes ou par l'activation de phytases natives dans les
grains de céréales en milieu aqueux et en conditions
de pH et de température contrôlées, peut constituer
une technique appropriée pour les aliments de complément à faible coût à base de céréales et de légumineuses.
Quels niveaux de fortification recommande-t-on?
Lorsque l’on définit des niveaux de fortification, la clé
réside dans la connaissance de la composition de l'alimentation habituelle, afin d’estimer la biodisponibilité
du fer à 5, 10 ou 15 %, et de posséder une information
détaillée sur les apports alimentaires en fer dans la population ciblée. Le but ultime est de calculer la quantité de
nutriment supplémentaire requis au quotidien, afin que
seulement 2,5 % de la population ciblée ait un apport
inférieur au besoin moyen estimé (BME). Quand de
hauts niveaux de fortification sont exigés pour atteindre
l’objectif visé, il faut également prendre soin de s’assurer
que les autres groupes de population ne dépassent pas les
limites supérieures.
A noter que la méthode servant à déterminer le BME ne
devrait pas être utilisée pour estimer la prévalence d’apports en fer inadéquats, puisque les apports en fer de certains sous-groupes de population (p.ex. les femmes
réglées et les enfants) ne sont pas distribués normalement. Dans ces groupes de population, il est recommandé
d’utiliser l'approche complète fondée sur les probabilités
(full probability approach) afin de définir le niveau de
fortification. L’OMS fournit des tables de probabilité
pour cela.
Quel est le message clé?
Techniquement, nous savons maintenant comment concevoir une alimentation efficacement fortifiée en fer.
Cette connaissance est disponible dans les directives de
l’OMS. Lorsque l’on conçoit un aliment fortifié en fer, le
fabricant de l’aliment doit choisir le composé de fer présentant la plus haute VBR, ne causant aucun changement
sensoriel ou seulement des changements limités dans l’aliment, et qui soit rentable. En parallèle, le niveau de fortification devrait être basé sur les besoins et les habitudes
alimentaires du consommateur. Les infections répandues
et les déficiences concomitantes en d'autres micronutriments peuvent entraver son efficacité. Par ailleurs, il ne
doit pas être oublié qu'une fabrication, un système de distribution, un contrôle qualité et des procédures de suivi
efficaces, ainsi que des mesures de santé interactives et
un bon marketing social, doivent également être mis en
place pour que l’intervention soit un succès.
8
INTERACTIONS AVEC LE CUIVRE ET LE
ZINC DANS L’ANEMIE: UNE PERSPECTIVE
DE SANTE PUBLIQUE
Manuel Olivares, Eva Hertrampf et Ricardo Uauy
Quel est le problème et que savons-nous?
Le cuivre et le zinc sont des nutriments essentiels et des
carences en ces deux minéraux conduisent à l'anémie.
Les études expérimentales ont montré un effet inhibiteur
du zinc sur l’absorption du fer et il a été proposé que ces
deux micronutriments rivalisent pour une voie d’absorp-
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8 · Interactions avec le cuivre et le zinc
tion commune, toutefois les mécanismes exacts impliqués dans cette interaction au niveau de l'absorption ne
sont pas encore totalement compris. Il a également été
démontré que de fortes doses de zinc inhibent l'absorption du cuivre et peuvent produire un déficit en ce dernier
élément, ce qui pourrait indirectement affecter le statut
en fer et mener à l’anémie. Le zinc et le cuivre ont une
interaction antagoniste au sein de l'érythrocyte. La pertinence de ces interactions en terme de santé publique a été
considérée comme limitée dans le passé, mais des études
récentes montrent qu’une supplémentation combinant fer
et zinc est moins efficace qu’une simple supplémentation
en fer seul pour réduire la prévalence de l'anémie et améliorer le statut en fer. A noter que certaines études n'ont
pas confirmé cet effet potentiellement nuisible du zinc, et
que trois études, portant sur des sujets vraisemblablement déficients en fer et en zinc, ont démontré une augmentation plus importante de l'hémoglobine après une
supplémentation combinée en ces deux minéraux qu'avec
une supplémentation en fer ou en zinc seul.
Dans les pays en développement, la carence en fer coexiste avec des déficiences en d’autres micronutriments
et avec les infections, et les récentes recherches montrent
que les carences en cuivre et en zinc pourraient constituer
un facteur contribuant à augmenter la fréquence des
infections. De plus, les infections aiguës sont une cause
reconnue d'anémie légère à modérée. La résistance aux
infections se détermine par une fonction immunitaire
saine, et le cuivre et le zinc sont tous deux nécessaires
au bon fonctionnement du système immunitaire. En plus
des altérations du système immunitaire, la déficience en
zinc peut contribuer à une sensibilité accrue aux pathogènes et plusieurs études ont montré une incidence plus
élevée de diarrhées et d’infections aiguës des voies
respiratoires inférieures dans les cas de carence en zinc.
Il a également été prouvé que la supplémentation en
zinc pouvait réduire l’incidence du paludisme. Cependant, un effet immunosuppresseur a été observé à des
doses très élevées de supplémentation en zinc, mais cela
peut être en partie expliqué par une déficience secondaire
en cuivre induite par un excès de zinc. La neutropénie
est une manifestation clinique fréquente d’une carence
en cuivre, ce qui pourrait être le lien entre une
fréquence accrue d'infections sévères des voies respiratoires inférieures décrites chez les enfants déficients en
cuivre.
La modification des marqueurs du statut en fer concorde
avec la sévérité du processus infectieux. Cette connaissance a conduit à l’utilisation du dosage du récepteur à la
transferrine sérique pour aider à l'interprétation du statut
23
en fer dans les populations présentant une forte proportion d'infections.
Quel est l'essentiel du métabolisme du cuivre?
Le cuivre est un oligoélément essentiel, principalement
absorbé au niveau du duodénum par un mécanisme qui
n’est pas encore complètement compris, mais la forme
chimique du cuivre dans la lumière de l’intestin affecte
grandement son absorption. L'absorption apparente varie
de 15 à 80 % (habituellement entre 40 et 60 %) et est
déterminée par l’hôte et par des facteurs liés à l’alimentation (apports et statut nutritionnel), dont certains restent
à définir. Lorsque sa solubilité augmente, le cuivre est
absorbé plus efficacement, et il semble que les protéines
animales, le lait humain et l’histidine rehaussent son
absorption, tandis que le lait de vache, le zinc, l’acide
ascorbique et les phytates la diminuent.
La carence en cuivre est habituellement la conséquence
de faibles réserves à la naissance, d’apports en cuivre alimentaire inadéquats, d’une absorption faible et de
besoins accrus induits par une croissance rapide ou des
pertes en cuivre augmentées, et résulte souvent de facteurs multiples. La carence en cuivre acquise est un
syndrome clinique se manifestant principalement chez
les enfants, et plus fréquemment chez les enfants prématurés (surtout ceux de très faible poids de naissance) et
ceux recevant exclusivement une alimentation à base de
lait de vache, et devrait être soupçonné chez les enfants
sujets à des épisodes diarrhéiques prolongés ou récurrents. Il semblerait que la cause la plus commune de
déficience clinique manifeste soit une réserve en cuivre
insuffisante pendant la récupération nutritionnelle chez
les enfants malnutris. De forts apports oraux en zinc et en
fer réduisent l’absorption du cuivre et pourraient prédisposer à une carence. Les manifestations cliniques courantes sont l’anémie (92 %), la neutropénie (84 %) et des
malformations osseuses. Les changements hématologiques sont attribués à plusieurs mécanismes et sont complètement annulés par une supplémentation en cuivre,
mais restent insensibles à une thérapie basée uniquement
sur le fer.
Le manque de cuivre alimentaire et des imperfections
génétiques touchant au métabolisme du cuivre ont des
effets significatifs sur le métabolisme du fer et la résistance des globules rouges au stress oxydatif, ce qui peut
contribuer au poids de l'anémie. De plus, le cuivre est
également associé à des altérations des défenses de l’hôte
ce qui pourrait augmenter le risque d’anémie consécutive
à une infection. Le manque de cuivre pourrait être intégré
au diagnostic différentiel de l’anémie non réceptive à la
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9 · Anémie nutritionnelle: Les vitamines du groupe B
supplémentation en fer. L’excès de cuivre peut également
contribuer à l’anémie en induisant l’hémolyse.
Quel est l'essentiel du métabolisme du zinc?
Le zinc est présent en grande quantité dans les cellules,
ce qui rend difficile l’étude des mécanismes dépendants
du zinc pour déterminer sa fonction physiologique.
Néanmoins, il est clair que le zinc joue un rôle central
dans la croissance, la différenciation et le métabolisme
cellulaires. Le résultat de la grossesse, la croissance et le
développement du fœtus, la croissance verticale, la sensibilité aux infections et le développement neurocomportemental sont autant de fonctions cruciales affectées par le
statut en zinc. Le zinc est absorbé au niveau de l’intestin
grêle: une absorption affectée par la forme chimique du
zinc et la présence d’inhibiteurs et d’activateurs, et qui
s’adapte aux besoins physiologiques. La teneur corporelle totale en zinc se situe entre 1,5 et 2,5 g et est déterminée par les apports alimentaires, le statut nutritionnel en
zinc et la biodisponibilité du zinc dans l’alimentation.
Les principales causes de déficience en zinc sont de faibles apports, des besoins accrus, une malabsorption, des
pertes augmentées et une utilisation altérée. Les premières descriptions de sujets sévèrement carencés en zinc
comprenaient l’anémie, mais ceci pourrait venir d’une
déficience en fer associée ou de l’effet particulier du zinc
sur la maturation des globules rouges. Le mécanisme
d’érythropoïèse altérée n’est pas encore pleinement compris.
La carence en zinc peut contribuer au poids de l’anémie
en altérant l’érythropoïèse et en réduisant la résistance
des globules rouges au stress oxydatif, affaiblissant les
défenses de l’hôte. De plus, de fortes doses de supplémentation en zinc interfèrent avec les absorptions du cuivre et du fer, et peut également nuire à la mobilisation du
fer et aux réponses immunitaires.
Quel est le message clé?
Bien que la pertinence potentielle des interactions entre
le zinc, le cuivre et le fer en terme de santé publique reste
indéterminée, ces minéraux ont un impact très probable
sur le poids de l'anémie, directement et indirectement via
l’infection, et ne doivent pas être ignorés dans le cadre
des interventions nutritionnelles de lutte contre l'anémie.
9
ANEMIE NUTRITIONNELLE:
LES VITAMINES DU GROUPE B
John M. Scott
Quel est le problème et que savons-nous?
Bien que l'anémie dans les pays en développement soit
majoritairement due à la déficience en fer, une partie
pourrait être attribuable à un manque de vitamines du
groupe B, en particulier en vitamine B9 (folates) et en
vitamine B12. Cette anémie est macrocytaire, mais avec
présence, dans la moelle osseuse, de précurseurs anormaux des globules rouges, appelés mégaloblastes. La
présence concomitante d’une déficience en fer conduit à
une anémie souvent normocytaire. Cela peut entraîner
des problèmes de diagnostic et, par conséquent, ce qui est
attribué à une pure déficience en fer peut fréquemment se
révéler partiellement dû à une carence en folates ou en
vitamine B12, et la véritable prévalence de ces carences
en vitamines B est donc difficile à établir.
Certains nutriments ne présentent pas de risque de
carence en raison de leur niveau adéquat dans la plupart
des régimes. D'autres, en revanche, présentent des risques particuliers pour certains individus et sous certaines
conditions. Pour les vitamines du groupe B, il y a un
large spectre de risques entre la biotine et l’acide pantothénique rarement déficients dans l’alimentation, tandis
que les carences en vitamine B12 et en folates causent
d’importantes préoccupations. Ces deux vitamines ont
plusieurs répercussions clés sur la santé, notamment au
cours de la grossesse, à la fois pour la mère et pour l’enfant à naître. En effet, les développements de l'embryon
et du foetus peuvent être retardés par une carence en vitamine B9 ou B12. Un développement cognitif altéré et des
mortalités et morbidités augmentées à l’âge adulte sont
également des causes d’inquiétude, en plus des cas parfaitement prouvés de risque accru de spina bifida, défauts
du tube neural (DTN) et autres défauts de naissance.
Qu'a-t-il été accompli?
Vers la fin du 19e siècle, il a été admis qu'une anémie
macrocytaire, avec un nombre de globules rouges circulants supérieur à la normale, accompagnée de précurseurs d’hématies anormaux dans la moelle osseuse, était
le résultat d’une déficience en folates ou en vitamine B12,
et que ces deux déficiences étaient interreliées en raison
de leur interdépendance biochimique. Le traitement de la
carence en folates, avec des folates alimentaires ou plus
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9 · Anémie nutritionnelle: Les vitamines du groupe B
communément via une forme d’acide folique de
synthèse, et le traitement de la carence en vitamine B12,
avec de la vitamine B12, produisent habituellement une
totale rémission de l'anémie. Cependant, dans le cas
d’une carence en vitamine B12 ayant déjà conduit à une
neuropathie avancée, il pourra demeurer des dommages
résiduels. Généralement, la carence en vitamine B12
résulte soit d'une déficience alimentaire directe (courante
chez les végétaliens), soit d’une malabsorption due à une
absence d’acide gastrique ou à un facteur intrinsèque
nécessaire à l’absorption. La déficience nutritionnelle
peut être traitée soit par fortification, soit par supplémentation, comme peut l’être une atrophie gastrique. La
malabsorption due à un manque de facteur intrinsèque
exige un traitement parentéral.
Il y a une inquiétude majeure concernant le fait qu’une
déficience en vitamine B12 puisse être malencontreusement prise pour une déficience en folates et donc être
traitée avec de l'acide folique. En effet, cela résulterait en
une biosynthèse d’ADN normalisée donnant l'impression
que l'anémie a été traitée avec succès. Cependant, cela ne
traiterait pas la neuropathie qui nécessite un apport en
vitamine B12; de fait, la neuropathie progresserait vers un
stade plus avancé et irréversible. Le fait de masquer une
déficience en vitamine B12 par une supplémentation en
acide folique est un phénomène dose-dépendant, supposé
ne pas se produire pour des apports inférieurs à 1000 µg
(ou 1,0 mg) d'acide folique par jour.
Dans les pays en développement, la prévalence d'anémie
mégaloblastique pourrait être sous-diagnostiquée en raison de la prévalence concomitante très fréquente de la
carence en fer.
Que savons-nous au sujet des folates?
Les folates, composés dérivés de l’acide folique, sont
instables, incomplètement biodisponibles et ne se trouvent pas en grande densité dans les aliments, exception
faite du foie, mais qui n’occupe pas une grande place
dans la plupart des régimes alimentaires. Les meilleures
sources de folates sont les légumes, mais dans les pays en
développement, des apports alimentaires insuffisants
sont courants, d’où une forte prévalence de carence en
folates. De plus, il y a une forte augmentation des besoins
en cette vitamine au cours de la grossesse et de l’allaitement. Aggravant encore davantage le problème: un polymorphisme touchant une des enzymes dépendantes de la
vitamine B9 a été récemment découvert. Or, ce polymorphisme, très répandu dans certaines populations, augmente les besoins en folates jusqu’à 30 %; ce qui veut
dire que la carence en folates, à la fois dans les pays
25
développés et en développement, est courante et doit être
particulièrement prise en considération avant et pendant
la grossesse. Par conséquent, la supplémentation en acide
folique avant, pendant et après la grossesse est maintenant reconnue comme essentielle indépendamment du
statut nutritionnel de la femme. Il y a quelques inquiétudes concernant le fait que de hauts niveaux de supplémentation en acide folique puissent accélérer la croissance de tumeurs existantes, citées le plus fréquemment
au sujet du cancer colorectal, mais cela pourrait également être le cas pour d'autres cancers. Les experts recommandent que des recherches complémentaires soient
menées, mais estiment que les preuves sont actuellement
insuffisantes pour justifier un arrêt de la fortification en
acide folique. Celle-ci est obligatoire dans plus de 40
pays et envisagée par beaucoup d'autres, principalement
sous l’impulsion des politiques de santé publique afin de
prévenir les DTN.
Que savons-nous au sujet de la vitamine B12?
La vitamine B12 entre dans la chaîne alimentaire de
l’homme exclusivement au travers des sources animales
via la viande, le lait, les produits laitiers et les oeufs. Sa
synthèse est totalement absente chez les végétaux de tout
genre, elle ne se retrouve donc dans de tels aliments
qu’en cas de contamination bactérienne ou de fermentation, puisque les enzymes nécessaires à sa synthèse sont
uniquement présentes dans les bactéries et quelques
algues. Pour ces raisons, les végétariens, et plus particulièrement les végétaliens, sont à haut risque d’apports alimentaires insuffisants. Dans beaucoup de pays en développement, les personnes ayant de faibles apports en
aliments d’origine animale, en raison d’un manque d'accessibilité et d’un coût élevé, présentent également un
haut risque de carence en vitamine B12.
Contrairement aux folates, dans la plupart des régimes
les niveaux de vitamine B12 dépassent l’apport journalier
recommandé (AJR) et il est donc surprenant que la
carence en cette vitamine soit aussi répandue. Cette prévalence a été attribuée à la présence d'hypochlorhydrie
due à une atrophie gastrique et à l'absence d'acide favorisant la libération de la vitamine B12 des aliments. De
telles hypochlorhydries sont censées se produire dans des
proportions considérables au sein de toutes les populations, et plus spécifiquement chez les personnes âgées
chez qui la prévalence peut aller jusqu’à 30 %. Il a également été suggéré que cette atrophie gastrique pourrait
être plus fréquente dans certains groupes ethniques. La
carence en vitamine B12, par suite d'une absorption altérée, peut aussi être le résultat d'une anémie pernicieuse
qui constitue une maladie auto-immune spécifique rédui-
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10 · La vitamine A dans l’anémie nutritionnelle
sant, ou éventuellement supprimant, l'absorption active
de la vitamine B12 de l'alimentation. Sa prévalence semble varier entre 1 et 4,3 %, mais globalement elle est relativement faible comparée à celle de l’atrophie gastrique.
L'effet négatif de sa malabsorption concerne la vitamine
B12 liée aux composés alimentaires et non la vitamine
B12 libre contenue dans les suppléments ou dans les aliments fortifiés. Les sujets souffrant d’anémie pernicieuse
doivent recourir à l’injection pour obtenir de la vitamine
B12.
Quid des autres vitamines du groupe B?
Des apports extrêmement faibles en riboflavine (vitamine B2), pyridoxine (vitamine B6), acide nicotinique
(vitamine B1), thiamine et acide pantothénique peuvent
provoquer des carences en nutriments classés comme
essentiels; cependant, la prévention et la conséquence de
carences ou de réserves insuffisantes en folates et en vitamine B12 constituent de loin les questions de santé publique les plus importantes.
Quel est le message clé?
Il semblerait qu’il faille accorder, dans le cadre de la lutte
contre l’anémie, une attention supplémentaire au statut
en folates et peut-être aussi en vitamine B12 des individus, et notamment des femmes enceintes et allaitantes.
Les résultats des essais d'intervention semblent indiquer
que le fer donné quotidiennement avec d’autres micronutriments serait plus efficace pour contrer l’anémie. Il est
impossible d’identifier quel composant d’une préparation multivitaminique peut, par sa nature même, entraîner
une réponse; cependant la fortification avec de faibles
doses d’acide folique et de vitamine B12 offre un moyen
intéressant et rentable pour réduire les DTN et supprimer
l’anémie mégaloblastique dans les pays en développement.
LES FAITS:
• La supplémentation en acide folique avant, pendant et
après la contraception, peut réduire la prévalence de
spina bifida et d'autres défauts du tube neural de plus
de moitié, et peut-être même jusqu’aux trois-quarts.
• Le fait de masquer une déficience en vitamine B12 par
une supplémentation en acide folique est un phénomène dose-dépendant, supposé ne pas se produire
pour des apports inférieurs à 1000 µg (ou 1,0 mg)
d'acide folique par jour.
• Le niveau maximum d’apport tolérable pour l'acide
folique est fixé à 1000 µg.
• La recherche au Canada montre que la fortification en
folates à hauteur de 100 µg/jour entraîne 50 à 70 %
•
•
•
•
•
de réduction de la prévalence de DTN.
La détection d’une carence en folates peut s’effectuer
en dosant le taux de folates sériques ou, de préférence, le taux de folates des globules rouges, mais les
niveaux doivent être très bas pour qu’une carence soit
diagnostiquée.
La détection d’une carence en vitamine B12 peut
s’effectuer en dosant le taux de vitamine B12 sérique
ou comme recommandé plus récemment l’holotranscobalamine, mais, comme pour les folates, les
niveaux doivent être très bas pour qu’une carence soit
diagnostiquée.
Les biomarqueurs du statut, tels que l'homocystéine
sérique ou l'acide méthylmalonique, sont utiles, mais
ne permettent pas d’établir une conclusion définitive,
et sont en général peu disponibles.
La carence en vitamine B12 est un problème sévère
dans le sous-continent Indien, au Mexique, en Amérique centrale, en Amérique du Sud et dans certaines
régions d'Afrique.
Il est rapporté que la prévalence d'anémie pernicieuse
pourrait être de 1 à 4,3 %, mais l'atrophie gastrique
se révèle bien plus fréquente et considérée comme
courante chez les personnes âgées (jusqu’à 30 %).
10
LA VITAMINE A DANS
L’ANEMIE NUTRITIONNELLE
Keith P. West, Jr., Alison D. Gernand et Alfred Sommer
Quel est le problème et que savons-nous?
Au-delà du fer, l'anémie peut être causée ou aggravée par
nombre de déficiences nutritionnelles. En particulier, la
carence en vitamine A peut conditionner le métabolisme
du fer à plusieurs niveaux au cours de son parcours
interne et dans le système réticulo-endothélial en augmentant le risque d’érythropoïèse et d’anémie par manque de fer. Bien que controversés, il existe quatre mécanismes plausibles par lesquels la vitamine A peut affecter
le risque d’anémie: en influençant le stockage du fer dans
les tissus et sa libération dans la circulation; en ayant un
effet régulateur direct sur l’érythropoïèse; en modifiant la
séquestration et la libération du fer, associées à la réponse
aux infections, dans les tissus; et en exerçant un effet sur
l’absorption du fer. La majorité des preuves corrobore
plutôt les deux premiers mécanismes. Par conséquent, le
contrôle de la carence en vitamine A, qui coexiste sou-
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10 · La vitamine A dans l’anémie nutritionnelle
vent avec la déficience en fer dans les populations sousalimentées, peut être important dans la prévention de l’anémie, qu’elle soit attribuable à la malnutrition ou à l’inflammation associée à l’infection.
La vitamine A possède deux fonctions de base. La première est celle d'un cofacteur dont le rôle consiste à
maintenir le bon fonctionnement des cellules photoréceptrices cônes du fond de l’oeil et permettre la vision en
condition de faible luminosité. Une déficience en vitamine A peut donc mener à une perte de vision nocturne.
La seconde, susceptible d’expliquer les divers effets de la
vitamine A sur l’hématopoïèse, implique la régulation de
la transcription nucléaire et la synthèse protéique qui
affectent la croissance, la différenciation, le métabolisme
et la longévité cellulaires. Son rôle se révèle plus évident
au sein des couches internes de l’épithélium de l'oeil qui
deviennent sèches (kératinisées) du fait d’un manque de
vitamine A ce qui, dans sa forme la plus sévère, mène à la
xérophtalmie. Cependant, la vitamine A aide également à
réguler le fonctionnement de beaucoup d'autres types
cellulaires, dont ceux impliqués dans l'immunité, la
croissance osseuse et la production de globules rouges.
Ces nombreuses fonctions affectées par une carence en
vitamine A (CVA) ont diverses conséquences sur la santé,
regroupées en une catégorie de troubles (TCVA) qui
incluent la xérophtalmie et la cécité qui en résulte, une
sévérité accrue des infections, l’anémie, un ralentissement de la croissance et même la mortalité. En raison de
son étendue et de sa sévérité, la déficience en vitamine A
reste la principale cause de cécité pédiatrique et un déterminant nutritionnel majeur d'infections sévères et de
mortalité chez les enfants des pays en voie de développement. De plus, la carence en vitamine A de la mère s’élève au rang des principaux problèmes de santé publique.
Les degrés et les conditions sous lesquels le déficit en
vitamine A peut également contribuer à l’anémie sont
bien moins appréciés, ce qui ajoute de l'importance à sa
prévention.
La carence en vitamine A résulte d'une alimentation chroniquement pauvre en aliments riches en vitamine A préformée ou en caroténoïdes, ses composés précurseurs
(notamment le β-carotène). Les aliments sources de vitamine A préformée sont le foie, l’huile du foie de morue,
le lait, le fromage et les aliments fortifiés, tandis que les
principales sources de caroténoïdes provitamines A sont
les fruits jaunes, les tubercules oranges et jaunes, et les
légumes à feuilles vert foncé.
Qu'a-t-il été accompli?
Sur une échelle globale, d’énormes avancées ont été réa-
27
lisées pour réduire le poids de la carence en vitamine A et
les risques induits en termes de cécité et de mortalité chez
les enfants. Il est parfaitement admis qu’une réduction
concomitante du risque d'anémie constitue un bénéfice
pour le contrôle de la santé publique, en dépit de preuve
substantielle reliant ces deux conditions. Des études cliniques datant de la première moitié du siècle dernier, et
nombre d’études observationnelles dans les pays en
développement datant du milieu du 20e siècle, indiquent
une corrélation positive logique s’étalant de 0,2 à 0,9
entre rétinol sérique et concentration sanguine en hémoglobine. Au cours d’une étude dans les années 1970, huit
hommes privés de vitamine A sur une période de plusieurs mois ont développé une anémie ne répondant pas
au fer mais réactive à une réplétion en vitamine A, suggérant que la vitamine A serait nécessaire à l’obtention
d’une bonne réponse hématologique au fer. Des études
postérieures chez des enfants et des femmes anémiques
ont révélé de piètres réponses de l'hémoglobine au fer
dans le cas d’un statut limite ou déficient en vitamine A,
et des réponses de l'hémoglobine notablement améliorées
avec de la vitamine A seule ou associée au fer. La supplémentation en vitamine A semble stimuler le métabolisme du fer par des voies susceptibles d’améliorer la
production ou la survie des globules rouges. Cette approche semble également capable d'exercer des effets positifs sur les taux d'hémoglobine et réduire le risque d'anémie dans les populations déficientes en vitamine A. En
présence d'infections, telles que les infections à ankylostomes, le paludisme, la tuberculose ou le VIH, chacune
étant susceptible d’affecter le métabolisme de la vitamine
A et du fer provoquant par là des effets hématologiques
inconnus, la vitamine A peut s’avérer moins efficace dans
le contrôle de l’anémie. Aussi, le léger effet de cette vitamine sur l’hématopoïèse peut être perceptible dans les
populations nutritionnellement équilibrées.
Quelle est la direction à suivre?
La carence en vitamine A continue à représenter un problème nutritionnel majeur dans le monde en développement, affectant la vision, la résistance aux infections, la
croissance et la survie. Elle est de plus en plus reconnue
comme une cause contribuant à l'anémie. Les interventions visant à réduire l’anémie nutritionnelle chez les
femmes et les enfants devraient considérer la prévention
des autres déficiences alimentaires pouvant accroître les
effets de la prophylaxie du fer, tels que ceux de la vitamine A. La reconnaissance de ce lien pourrait stimuler la
co-évaluation des statuts en fer et en vitamine A lors de
l’examen de l’anémie dans les populations à haut risque.
Les chercheurs devraient continuer à élucider les interactions entre la vitamine A et le fer. Tandis que l’on peut
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11 · La place du stress oxydatif et de la Vitamine E dans l’anémie
supposer réduire le risque d’infection sévère grâce à la
vitamine A, son effet dans la réduction des anémies d'infection exige encore des travaux, puisque son influence
sur le métabolisme du fer peut être brouillé par le type et
la sévérité des infections, chez les individus malades ou
au sein d’une population. La recherche continuant son
cours, grâce aux interventions basées sur la vitamine A,
les professionnels de terrain peuvent globalement s'attendre à une hausse du statut hématologique des populations
carencées et anémiques. Néanmoins, il doit être gardé à
l'esprit qu’il ne faut attendre de la vitamine A qu’elle ait
un effet majeur sur l’anémie du fait des déficiences directes en fer, des infections par les nématodes, du paludisme, et des autres causes d’inflammation chronique
modérée à sévère.
Quel est le message clé?
La supplémentation en vitamine A, seule ou en combinaison avec du fer, est susceptible de réduire le poids de
l'anémie dans les régions où la carence en vitamine A
constitue un problème de santé publique. Cette supplémentation a prouvé son efficacité à doses fortes, à un
rythme occasionnel, hebdomadaire ou quotidien, et via
l’alimentation en consommant des aliments fortifiés en
vitamine A. Les effets sont plus clairs en l’absence de
maladie infectieuse et dans les populations nutritionnellement déficientes.
LES FAITS:
• La carence en vitamine A est la principale cause de
cécité pédiatrique et représente un déterminant nutritionnel majeur d’infection sévère et de mortalité chez
les enfants des pays en voie de développement.
• On estime que 125 à 130 millions d’enfants d’âge
préscolaire sont déficients en vitamine A et que 20
millions de femmes enceintes ont un statut en vitamine A limité ou déficient.
• Les troubles de la carence en vitamine A incluent la
xérophtalmie, une sévérité accrue des infections, une
faible croissance, l’anémie et une augmentation de la
mortalité.
• La vitamine A affecte les niveaux d'hémoglobine car
elle est impliquée dans le métabolisme du fer et la
production des globules rouges.
• La carence en vitamine A contribue à l’anémie nutritionnelle, probablement en restreignant l'utilisation
du fer pour la fabrication de l'hémoglobine.
• La supplémentation en vitamine A peut réduire le risque d’anémie légère à modérée dans les populations
déficientes en vitamine A et anémiques.
• Les avantages hématopoïétiques de la vitamine A ont
plus de chances d’être constatés lorsque l'anémie n'est
pas due à des maladies infectieuses sévères telles que
les infections à ankylostomes, le paludisme, le VIH et
la tuberculose.
11
LA PLACE DU STRESS OXYDATIF ET DE LA
VITAMINE E DANS L’ANEMIE
Maret Traber et Afaf Kamal-Eldin
Quel est le problème et que savons-nous?
L'anémie peut être la conséquence d'un ensemble de déficiences nutritionnelles, de troubles héréditaires et/ou
d'infections ou d’expositions à certaines toxines et à des
médicaments. L'anémie peut conduire à divers problèmes de santé, puisque l'oxygène requis par l’organisme
est transporté par les globules rouges, et que le stress
oxydatif, combinaison d’une surproduction d'espèces
réactives de l'oxygène et d’un potentiel antioxydant
altéré, peut être généré par le fer libéré des globules rouges endommagés. Le stress oxydatif est associé à l’anémie. De plus, l'érythrocyte constitue un site majeur de
localisation des défenses antioxydantes dans le sang, car
il contient les antioxydants intracellulaires enzymatiques. Les antioxydants de faibles poids moléculaires, en
particulier les vitamines C et E, fournissent une protection supplémentaire significative.
Qu'est-ce que le stress oxydatif?
Le stress oxydatif représente un déséquilibre entre, d’une
part, la production de radicaux libres et d’espèces réactives de l'oxygène et, d’autre part, la protection par les
enzymes antioxydantes et les antioxydants de faibles
poids moléculaires. Un radical libre est une espèce chimique contenant un ou plusieurs électrons non-couplés,
capables d'exister de manière indépendante. Une espèce
possédant un électron non-couplé a tendance à réagir très
rapidement avec d'autres molécules, et donc à causer
des altérations radicalaires. Les radicaux libres peuvent
endommager littéralement toutes les molécules y compris les protéines, l’ADN, les glucides et les lipides. La
peroxydation des lipides est particulièrement dangereuse, car il s’agit d’une chaîne de réactions produisant
des radicaux.
Qu’est-ce que la vitamine E et
comment fonctionne-t-elle?
Le terme de vitamine E fait référence au groupe de huit
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11 · La place du stress oxydatif et de la Vitamine E dans l’anémie
composés phytochimiques manifestant l'activité antioxydante de l’α-tocophérol, mais seul ce dernier permet de
couvrir les besoins humains en cette vitamine. La vitamine E, notamment l’α-tocophérol aux propriétés liposolubles et anti-oxygènes, est un puissant désactivateur de
radicaux peroxyl. Elle stoppe la peroxydation lipidique.
Chez les êtres humains, la déficience en vitamine E se
produit par suite d’une malabsorption des lipides, car
l'absorption de la vitamine E est, non seulement, dépendante de l’apport en graisse de l’alimentation, mais
également, des mécanismes d’absorption des lipides.
Contrairement à d'autres vitamines liposolubles possédant des protéines de transport plasmatiques spécifiques,
les diverses formes de vitamine E sont transportées dans
le plasma de manière non spécifique par les lipoprotéines. Il y a plusieurs moyens par lesquels les tissus
peuvent obtenir de la vitamine E; néanmoins, les mécanismes de libération de l’α-tocophérol des tissus sont
inconnus. De plus, aucun organe n'est réputé fonctionner
comme un organe de stockage pour l’α-tocophérol. Contrairement à d’autres vitamines liposolubles, la vitamine
E ne s’accumule pas dans le foie à des niveaux toxiques,
ce qui suggère que son excrétion et son métabolisme sont
importants pour prévenir des effets délétères. La carence
en vitamine E se produit du fait de caractères génétiques
anormaux touchant à l’α-tocophérol (résultant en un
syndrome nommé AVED ou Ataxie avec déficit isolé en
vitamine E) et par suite de divers syndromes de malabsorption des graisses. Le principal symptôme de déficience est une neuropathie périphérique, mais l'anémie
représente également une conséquence de niveaux en
vitamine E inadéquats. A la fois l’anémie et la neuropathie périphérique semblent se produire suite à des dégradations radicalaires du fait d’un manque d’α-tocophérol.
Quel est le rôle de la vitamine E
chez le sujet malnutri?
Le statut en vitamine E peut être mis à mal au cours de
l’anémie par suite d’un stress oxydatif accru causé par
l’hémolyse des érythrocytes. En dépit d’une grande
diversité, le stress oxydatif constitue le dénominateur
commun à tous les types d'anémie.
Une protéine hépatique est nécessaire au maintien de
concentrations plasmatiques normales en α-tocophérol,
et ce n'est donc pas surprenant que des symptômes de
déficience en cette vitamine aient été rapportés chez des
enfants ayant des apports alimentaires sévèrement restreints, ce qui ne limite pas seulement les apports en vitamine E, mais également ceux en protéines nécessaires à
la synthèse de la protéine hépatique nécessaire au métabolisme de la vitamine. Le degré auquel la carence en
29
vitamine E est associée au kwashiorkor et/ou au marasme
n'est pas clair, car l'évaluation du statut en vitamine E chez
les enfants malnutris reste difficile, et il n'est donc pas
certain qu’une supplémentation en cette vitamine soit salutaire, à moins que le problème métabolique soit résolu.
Dans les cas d'anémie ferriprive, non seulement il y a une
production réduite en hémoglobine et en d’autres protéines contenant du fer, mais les membranes de l'érythrocyte sont également plus sensibles à l’oxydation. Les
recherches ont montré que la supplémentation en fer chez
des individus déficients pouvait augmenter le stress oxydatif, mais le traitement avec une combinaison de fer et
de vitamines A, C et E donnait de bons résultats en terme
de normalisation de ce stress.
Que peut-on dire de la vitamine E dans le cadre
de la thalassémie et des maladies drépanocytaires?
Thalassémie et maladies drépanocytaires constituent des
désordres héréditaires liés à l'hémoglobine et causant l’anémie. Environ 90 millions de personnes à travers le monde
portent des gènes défectueux entraînant la thalassémie. Une
anémie légère à sévère, associée aux conséquences d’une
thalassémie, résulte d’un stress oxydatif, et certains recommandent la supplémentation en vitamines C et E des personnes possédant ce profil. Le stress oxydatif se manifeste
également dans la drépanocytose, une maladie inflammatoire chronique, pour laquelle la supplémentation en vitamine E peut présenter un avantage.
Que peut-on dire de la vitamine E
dans le cadre du paludisme?
Le paludisme est endémique dans beaucoup de parties
du monde et les recherches montrent que l’on trouve
des taux élevés de biomarqueurs du stress oxydatif dans
les érythrocytes infectés par le paludisme, et que ces taux
diminuent lorsque l'individu se remet. Les conclusions de
nombreuses études suggèrent que des défenses antioxydantes améliorées sont utiles pour augmenter les réponses immunitaires appropriées. Cependant, de façon
intéressante, la recherche met également en évidence
qu'un niveau de stress oxydatif peut être important pendant le traitement du paludisme, bien qu'il contribue
négativement à la santé générale en induisant peut-être
une anémie résultant de la destruction des globules rouges. Ainsi, l'individu peut bénéficier d’une supplémentation postérieure en vitamine E.
La vitamine E a-t-elle un rôle à jouer
dans le VIH et le sida?
L'anémie est courante dans les cas de VIH / sida et l'anémie sévère est associée à un risque accru de mortalité.
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12 · Le sélénium
Une récente revue d’essais cliniques suggère qu'il n’existe actuellement aucune stratégie thérapeutique utile
pour diminuer l’anémie dans le cadre d’une infection au
VIH et, en dépit de résultats positifs, il y a peu d'interventions avec des antioxydants suggérant que, depuis les
premières données rapportées, leur succès reste limité.
Néanmoins, il a été montré que la vitamine E pouvait
améliorer la réponse immunitaire de l'hôte, et il est donc
raisonnable d’envisager qu’une supplémentation en vitamines C et E pourrait se révéler bénéfique pour soutenir
la fonction immunitaire au cours de différentes maladies
infectieuses.
Quel est le message clé?
De nombreux types d'anémie sont associés à un statut faible en vitamine E. Tandis que la déficience peut être causée par de mauvais apports alimentaires, les anémies
pourraient également résulter d’un transport altéré de la
vitamine E vers les tissus ou d’une augmentation du
stress oxydatif. Cela met en exergue le besoin crucial,
non seulement de supplémentation en vitamine E, mais
également de soutien alimentaire adéquat tenant compte
de tous les nutriments.
LES FAITS:
• Le terme de vitamine E fait référence au groupe de
huit composés phytochimiques venant de l'alimentation et manifestant l'activité antioxydante de l’α-tocophérol, mais seul l’α-tocophérol lui-même permet de
couvrir les besoins humains en vitamine E.
• Le Food and Nutrition Board des Etats-Unis a défini
la limite inférieure de l’α-tocophérol plasmatique à
12 µmol/L chez les adultes sains et normaux.
• Il a été montré que les enfants ayant un taux d’α-tocophérol plasmatique de 8 µmol/L en raison d’une malnutrition présentaient des malformations neurologiques sensibles à la vitamine E.
• Environ 90 millions de personnes à travers le monde
portent des gènes défectueux conduisant à la thalassémie.
• Le paludisme explique environ 2,7 millions de morts
par an et il y a environ 500 millions d’épisodes rapportés chaque année.
12
LE SELENIUM
Richard Semba
Quel est le problème et que savons-nous?
L'anémie est courante chez les sujets âgés et la prévalence de l’anémie augmente avec l’âge s’associant à de
nombreux effets délétères. Environ un tiers des anémies
se manifestant dans les populations à haut risque ne
trouve pas d’explication, et la déficience en sélénium
pourrait potentiellement en expliquer une partie. Le rapport entre le statut en sélénium et l'anémie n'est pas
encore bien caractérisé chez les êtres humains. La déficience en sélénium devrait être considérée comme une
cause possible d'anémie qui exige de plus amples investigations pour une confirmation.
Le sélénium est un oligo-élément essentiel et un constituant normal de l'alimentation. L’apport alimentaire varie
grandement à travers le monde car les niveaux de sélénium naturels dans les aliments reflètent les concentrations du sol. Les sources alimentaires les plus riches en
sélénium sont les abats et les fruits de mer. Dans les tissus humains, il est principalement présent sous forme de
deux acides aminés en contenant. Ses fonctions biochimiques sont liées à son rôle dans les sélénoprotéines, et
plusieurs de celles-ci sont des enzymes antioxydantes.
L'absorption du sélénium n'est pas régulée et seulement
50−100 % du sélénium alimentaire est absorbé. En général, des apports insuffisants n'ont pas de répercussions
cliniques évidentes, bien que des niveaux faibles aient été
associés à une sensibilité accrue au stress oxydatif et à un
plus haut risque de cancer et même de maladies coronariennes. Le besoin en sélénium pour la prévention des
maladies chroniques n'a toutefois pas encore été définitivement déterminé.
Qu'a-t-il été accompli?
La recherche a montré que de faibles niveaux de sélénium
sériques semblaient être indépendamment associés à l’anémie chez les sujets âgés (> 65 ans). De plus, une forte corrélation entre de faibles concentrations plasmatiques en sélénium et en hémoglobine a également été observée dans des
études sur le même type de population. Néanmoins, la
direction de l'association n'est pas claire, mais pourrait
potentiellement être liée au rôle du sélénium dans le maintien d'une concentration optimale en glutathion peroxydase, un antioxydant clé des érythrocytes, ou à une inflammation et à un stress oxydatif augmentés.
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13 · Interactions entre fer et vitamine A, riboflavine, cuivre et zinc
Quelle est la direction à suivre?
Les observations d'une association entre des niveaux de
sélénium faibles et l’anémie chez les sujets âgés, hommes et femmes, soulèvent une question de santé publique
potentiellement importante: la carence en sélénium a-telle été négligée en tant que cause dans l'anémie? Des
recherches supplémentaires sont nécessaires, afin d’établir la pertinence du rôle potentiel du sélénium dans la
pathogénèse de l'anémie.
Quel est le message clé?
La recherche montre que le sélénium peut être associé à
l’anémie, mais des travaux plus centrés dans ce domaine
sont nécessaires afin d’établir la pertinence de ce lien.
13
INTERACTIONS ENTRE FER ET VITAMINE A,
RIBOFLAVINE, CUIVRE ET ZINC
DANS L'ETIOLOGIE DE L'ANEMIE
Michael Zimmermann
Quel est le problème et que savons-nous?
On estime qu'environ la moitié des cas d'anémie est due à
une déficience en fer et le reste à d’autres causes, comme
d'autres carences nutritionnelles, des troubles infectieux,
des hémoglobinopathies et des différences ethniques des
niveaux normaux d’Hb. La prévalence de l'anémie est
particulièrement élevée dans les pays en développement
où les déficiences en micronutriments coexistent souvent. Une déficience en un micronutriment peut influencer l'absorption, le métabolisme et/ou l’excrétion d’un
autre micronutriment. Les interactions entre déficience
en fer et en quatre autres micronutriments - vitamine A,
riboflavine (vitamine B2), cuivre et zinc – représentent
un intérêt particulier dans l'anémie.
Il y a de nombreuses années que le lien entre la déficience en vitamine A et l'anémie a été reconnu mais, bien
qu'améliorer le statut en vitamine A augmente souvent le
taux d'hémoglobine et réduise l’anémie, le mécanisme
exact reste incertain. Bien que les données d'études cliniques chez l’homme soient équivoques, la déficience en
riboflavine peut également altérer l’érythropoïèse et contribuer à l’anémie. De plus, il est également connu que la
déficience en cuivre joue négativement sur l’absorption
du fer alimentaire, mais puisque les carences en cuivre
sont rares dans la population générale, cette interaction
31
ne constitue pas une priorité de santé publique. Enfin,
bien que les données ne mettent pas en évidence le rôle
de la déficience en zinc dans l'anémie, les carences en fer
et en zinc coexistent souvent et les suppléments contenant ces deux minéraux pourraient donc être intéressants
pour les populations vulnérables. On note cependant que
plusieurs études ont suggéré que la supplémentation en
zinc pourrait réduire l'efficacité du fer.
Que savons-nous du lien entre déficience
en fer et en vitamine A?
La déficience en vitamine A affecte plus de 30 % de la
population globale et les groupes les plus vulnérables
sont les femmes en âge de procréer, les nouveau-nés et
les enfants, également les plus vulnérables à l’anémie. En
général, les enquêtes dans les pays en développement ont
rapporté des corrélations positives entre concentrations
en rétinol sérique et en hémoglobine, avec des associations plus fortes dans les populations ayant un statut plus
faible en vitamine A. Cependant, les données des études
humaines s’intéressant à l'influence de la vitamine A sur
l’absorption sont ambiguës, et indiquent que des recherches complémentaires sont nécessaires afin de clarifier
l'effet réel de cette vitamine sur l’absorption du fer. De
plus, le mécanisme par lequel la vitamine A exerce son
effet sur l’érythropoïèse reste vague, bien que plusieurs
mécanismes aient été proposés. Des études d'intervention
suggèrent que, dans les régions où les apports en vitamine A et en fer sont faibles, une double fortification ou
supplémentation serait plus efficace pour contrôler l’anémie qu’un apport en vitamine A ou en fer seul.
Que savons-nous du lien entre déficience
en fer et en riboflavine?
La riboflavine est exigée dans beaucoup de voies métaboliques. La déficience en riboflavine est courante dans
les régions où les apports en produits laitiers et en viande
sont faibles, et où les enfants d’âge scolaire constituent
un groupe à haut risque de carence. Il semble que la
carence en cette vitamine B puisse, en plus de ses autres
symptômes, altérer l’érythropoïèse et contribuer à l’anémie des suites de plusieurs mécanismes ayant été proposés. Même si ces mécanismes ont été étudiés chez l’animal, il y a peu de données humaines. Les données des
études qui ont été menées suggèrent que l'effet du
statut en riboflavine sur l'hémoglobine est variable et
peut être contredit par l'étiologie multifactorielle de l'anémie. A noter que les données de nombreux travaux,
contrairement aux études pionnières, ne soutiennent pas
l’idée d’un effet nuisible de la déficience en riboflavine
sur l’anémie.
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14 · L’anémie en situation de dénutrition sérvère
Que savons-nous du lien entre déficience
en fer et en cuivre?
La déficience en cuivre est une cause rare d'anémie et le
moyen par lequel cette déficience provoque un état anémique est incertain. Il est cependant admis que l'anémie
en résultant est sensible à une supplémentation alimentaire en cuivre, mais pas en fer. Il est constaté que, bien
que la déficience en cuivre réduise l’absorption du fer
alimentaire et conduise à une anémie ferriprive, elle reste
rare dans la population générale et il est donc peu probable qu’elle soit d'importance pour la santé publique.
Que savons-nous du lien entre déficience
en fer et en zinc?
L'anémie ferriprive résulte fréquemment d’une faible
absorption du fer alimentaire due à des apports en viande
faibles et à des apports élevés en inhibiteurs (p.ex. phytates, polyphénols). De façon intéressante, ces mêmes
facteurs alimentaires diminuent la biodisponibilité du
zinc. Même si les données ne permettent pas d’affirmer
que la déficience en zinc joue un rôle dans l'anémie, les
déficiences en fer et en zinc coexistent souvent et les
suppléments contenant ces deux minéraux pourraient
être intéressants pour les groupes de population vulnérables. Cependant, il est à noter que plusieurs études ont
suggéré qu’une supplémentation concomitante en zinc
pouvait réduire l'efficacité du fer, et quelques études indiquent que, lorsque les suppléments de zinc sont donnés
avec les suppléments de fer, le statut en fer ne s'améliore
pas autant que lorsque le fer est donné seul. Des recherches complémentaires sont donc absolument nécessaires
pour clarifier l'effet du zinc adjoint à une supplémentation en fer.
Quel est le message clé?
La prévalence de l'anémie est particulièrement élevée
dans les pays en développement où coexistent souvent
plusieurs carences en micronutriments, et une déficience
en un micronutriment peut influencer le statut d'un autre.
Bien que de plus amples investigations soient exigées, la
vitamine A, la riboflavine, le cuivre et le zinc peuvent
être importants, parallèlement au fer, lors de la lutte contre l’anémie nutritionnelle.
14
L’ANEMIE EN SITUATION DE DENUTRITION
SEVERE (MALNUTRITION)
Alan Jackson
Quel est le problème et que savons-nous?
L'anémie se trouve habituellement être une particularité
associée à beaucoup de situations pathologiques. Dans la
plupart des cas, la malnutrition sévère s’accompagne
d’une anémie qui constitue une part inhérente au processus d'adaptation réductive associé à la perte de poids, à la
réduction de la masse maigre et à la présence d'oedème.
Cependant, la cause spécifique de l'anémie est également
rendue complexe par les déficiences associées en micronutriments spécifiques, la destruction accrue des globules rouges et la suppression progressive de la formation
de nouvelles cellules sanguines, résultant de la réponse
inflammatoire aux infections multiples. Ainsi, l'anémie
associée à une dénutrition sévère, ou à une malnutrition
avec oedème pendant l’enfance ou à l'âge adulte, n'est
pas spécifique, mais s’accompagne habituellement d’une
incapacité à utiliser efficacement le fer, et donc à augmenter la quantité de fer présent sous forme de réserve ou
sous forme libre dans l’organisme. Une thérapie impliquant du fer à ce stade augmente la mortalité. Etant
donné la complexité des interactions possibles dans les
conditions établies, il peut s’avérer très difficile de déterminer l’enchaînement par lequel un facteur a pu servir de
déclencheur, puis a interagi avec d'autres facteurs, qui par
la suite ont contribué à l’anémie et y ont joué un rôle
secondaire.
Qu'a-t-il été accompli?
Les termes marasme, kwashiorkor, kwashiorkor marastique, carence protéique, déficiences énergétique et protéino-énergétique, ont tous été utilisés à différents
moments pour décrire ce qui est maintenant qualifié de
dénutrition sévère ou sans oedème. Il y a un consensus
émergent sur le fait qu’il existe deux caractéristiques
clés permettant de définir l'essence des processus sousjacents menant à un état malnutri, sans qu’elles soient
nécessairement spécifiques aux aspects détaillés des
multiples causes complexes également sous-jacentes:
1. Un apport alimentaire inadéquat dû, soit à un manque
d’appétit, soit à une disponibilité limitée en nourriture, conduit à un syndrome d’émaciation avec une
perte de poids relative et associée à un ensemble de
changements adaptatifs complexes au niveau des différents tissus et organes.
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14 · L’anémie en situation de dénutrition sérvère
2. La présence d'une pathologie spécifique sous-jacente,
tel qu'une infection ou une alimentation de faible qualité, ensemble et séparément, peut prédisposer à un
apport alimentaire réduit et pose, de plus, des problèmes d’intégrité métabolique qui favorisent la formation d'oedème.
Il existe quatre processus clés qui contribuent ensemble
et séparément à l’anémie:
1. L’adaptation réductive
L'anémie traduit un aspect de l'adaptation de l’organisme à une réduction des apports alimentaires et à
une diminution de l’activité métabolique. Elle devrait
être différenciée de l'anémie associée à des troubles
chroniques. L’érythropoïèse, à un stade précoce, peut
être normale ou aggravée par un taux d’hémoglobine
inférieur résultant d'une réduction de la durée de vie
des globules rouges. Dans les stades plus tardifs, plus
avancés, lorsque le métabolisme des tissus chute,
l'érythropoïèse n’est plus stimulée et la masse cellulaire hématique décroît.
2. Les déficiences en nutriments spécifiques
La multiplication et la différenciation des précurseurs
d’hématies avec la formation d'érythrocytes matures
qui apparaissent finalement dans la circulation est un
processus complexe qui nécessite le plein approvisionnement en nutriments et en intermédiaires métaboliques. Un manque en un seul de ces éléments
nutritifs limitera la formation de globules rouges, leur
intégrité structurelle et leur capacité fonctionnelle. En
sus des besoins des autres cellules, les globules rouges ont un besoin spécifique en ces nutriments qui
sont directement impliqués dans la formation d'hémoglobine.
3. L’infection
Il y a une interaction complexe entre infection et
nutrition insuffisante qui se prédisposent l’une et
l’autre et s’aggravent mutuellement. Dans la malnutrition sévère, les effets de l'infection sur l’anémie
peuvent être directement mis en rapport avec une
infection spécifique ou indirectement avec une
réponse inflammatoire ou immunitaire plus générale.
Ces éléments, ensemble et séparément, limiteront la
disponibilité des nutriments pour la formation des
globules rouges et augmenteront la probabilité d'anémie.
4. L’hémolyse, dommage pro-oxydant
L'environnement hostile auquel l’hématie est exposée
reflète ce à quoi doivent faire face toutes les autres
cellules de l’organisme. La sensibilité exacerbée de
l’hématie aux dommages pro-oxydants la prédispose
à une durée de vie raccourcie qui augmente l’impor-
33
tance de la conservation du fer sous une forme inoffensive. Une augmentation du fer de réserve et/ou du
fer intracellulaire libre peut provoquer un stress prooxydant et induire une pathologie cellulaire. Une augmentation de la perte en globules rouges, en réponse
à toute limitation de la production de ces cellules,
conduit inévitablement à une réduction de la masse
des hématies et à une augmentation du fer de réserve.
L’anémie, en tant que réduction de la masse de globules
rouges circulants, peut résulter d'un changement d’équilibre entre les taux de synthèse et de destruction des globules rouges, en supposant qu’il n’y ait aucune perte
externe de sang. La réduction de la synthèse des globules
rouges peut faire partie de la réponse adaptative générale,
ou bien venir d’une contrainte concernant la disponibilité
énergétique ou un nutriment spécifique. Les modifications du taux de destruction résulteraient quant à elles de
la production de cellules de faible qualité, plus vulnérables, et donc plus susceptibles d'avoir une durée de vie
raccourcie en raison d’un environnement hostile engendré par des perturbations infectieuses, nutritionnelles ou
métaboliques.
Dans le cas de la synthèse des globules rouges, il peut y
avoir de sévères changements au niveau de la moelle
osseuse, mais ceux-ci semblent être potentiellement
réversibles en totalité à l’aide d’un traitement réussi et
d’un bon rétablissement. Cependant, même après une
récupération pondérale, il semble qu’il y ait besoin d’un
temps supplémentaire pour arriver à une restauration
complète de la formation des globules rouges, ce qui
entraîne une contrainte progressive sur l’érythropoïèse.
Pendant le stade aigu de la maladie, il y a une accélération progressive de la formation de globules rouges, mais
associée à une contrainte concernant l'utilisation efficace
du fer disponible. La présence notable de dépôts de fer
dans le système réticulo-endothélial, notamment au
niveau de la moelle, du foie et de la rate, constitue une
caractéristique importante de cette étape qui doit être
mise en exergue. Ces dépôts peuvent être visibles via
l’hémosidérine, ou en utilisant des techniques appropriées permettant d’identifier le fer libre. Cela rend problématique l'identification et la caractérisation de la
"déficience en fer" et entraîne d’importantes implications
pour son traitement.
Quel est le traitement requis?
La probabilité qu'un individu meurt d'une période de
dénutrition sévère ou survive avec une chance raisonnable de rétablissement dépend, non seulement, de ce qui
est fait en termes de soins immédiats, mais aussi beau-
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15 · Infection et étiologie de l'anémie
coup, de l'ordre dans lequel les différentes interventions
sont menées. L'identification et la classification des stades de malnutrition sévère se basent sur deux caractéristiques: la perte de poids relatif et la présence d'oedème.
Les approches de traitement inappropriées sont celles
qui se concentrent sur la guérison de l'oedème via l’usage
de diurétiques, la correction de l’émaciation via l’approvisionnement en nourriture, ou le traitement des caractéristiques biochimiques anormales du sang par l’apport
direct de nutriments spécifiques. Il est maintenant admis
que chacune de ces approches contribue au risque d’une
augmentation de la mortalité, à moins qu’une attention
spécifique ne soit prêtée à la correction des dommages
cellulaires associés aux carences et aux déséquilibres
complexes en nutriments. Bien que l'anémie puisse être
liée à la déficience en fer et qu’elle possède beaucoup des
spécificités visibles de cette carence, le problème qui se
pose à court terme relève plus d’une incapacité à utiliser
efficacement le fer de l’organisme, que d’un déficit
immédiat. Une thérapie avec du fer à ce stade augmente
la mortalité. Avec un traitement approprié, lorsque les
infections sont contrôlées et que les déficiences en nutriments spécifiques sont corrigées, les compétences cellulaires réapparaissent. La masse maigre peut être progressivement restaurée et la masse de globules rouges accrue,
tandis que le fer entrera dans la composition de l’hémosidérine et de la ferritine. À certains stades du processus de
rétablissement, le fer de réserve est susceptible d'être
insuffisant pour satisfaire la demande, dans ce cas une
situation plus classique de déficience en fer apparaît et la
supplémentation en fer devient nécessaire et appropriée.
Quel est le message clé?
Les preuves accumulées montrent que l'anémie liée à la
malnutrition sévère représente, d’une part, une conséquence de multiples facteurs et, d’autre part, une interaction entre l’adaptation à un apport alimentaire inadéquat
et l'impact d'autres stress associés à l’infection ou à un
déséquilibre alimentaire. Les contraintes concernant l'utilisation efficace du fer entraînent une augmentation du
fer inutilisé, en dépit d'une absence d’augmentation du
poids total de fer dans l’organisme. Dans cette situation,
la supplémentation en fer est dangereuse. Afin d’éviter de
causer plus de mal que de bien, il est donc essentiel de
comprendre le contexte général de l'anémie liée à la malnutrition sévère et de s’assurer de l’usage d'interventions
appropriées aux moments opportuns.
LES FAITS:
• Les termes marasme, kwashiorkor, kwashiorkor
marastique, carence protéique, déficiences énergétique et protéino-énergétique, ont tous été utilisés à dif-
•
•
•
férents moments pour décrire ce qui est maintenant
qualifié de dénutrition sévère ou sans oedème.
Les nouveau-nés et les enfants qui souffrent de
malnutrition sévère ont fréquemment des taux d’hémoglobine ou d’hématocrites modérément réduits,
respectivement 80 à 100 g/L et 30 % à 35 %.
En moyenne, la durée de vie normale d'un globule
rouge est de 120 jours, mais elle peut être beaucoup
plus courte chez les enfants malnutris.
En dépit d'un faible taux d’hémoglobine, il y a une
augmentation à la fois du fer stocké et du fer cellulaire libre, et la supplémentation en fer augmente la
mortalité.
15
INFECTION ET ETIOLOGIE DE L'ANEMIE
David Thurnham et Christine Northrop-Clewes
Quel est le problème et que savons-nous?
Anémie et maladies sont très fréquentes dans les pays en
développement. On sait que la réponse inflammatoire à la
maladie stimule une série de modifications dans le métabolisme du fer qui conduisent à l’anémie si l'inflammation se prolonge. On note néanmoins qu’un statut insuffisant en fer résultant d’une inflammation ne représente
pas une véritable déficience en fer, mais plutôt une redistribution du fer qui peut prédominer en dépit de réserves
normales.
Les nouveau-nés sont précisément exposés à l’infection
et à l’inflammation, et il s’avère alors nécessaire de développer leur système immunitaire. Cependant, des expositions trop fréquentes augmenteront le risque d'anémie.
Les infections parasitaires contribuent également à l’inflammation et à l’anémie. Ainsi, dans les pays en développement où il y a de fortes prévalences de diarrhées, de
vomissements, de fièvre, de paludisme et d’infections par
des helminthes, l'anémie est courante. Les tentatives de
réduction de la prévalence d'anémie ont été progressives
pendant plus de deux décennies, mais la situation est
encore courante. L’une des raisons de cet échec apparent
pourrait venir de l’hypothèse selon laquelle la "déficience en fer" serait la seule cause d’anémie. Or, aujourd’hui, il est largement admis que l’anémie constitue une
conséquence à la fois de l'inflammation et d’un apport en
fer alimentaire biodisponible insuffisant.
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15 · Infection et étiologie de l'anémie
Qu'a-t-il été accompli?
Il y a maintenant une meilleure reconnaissance du fait
que les infections sont responsables d’une grande partie
des anémies dans les pays en développement, par conséquent, il est accepté que l’infection et la réponse inflammatoire peuvent également jouer un rôle initiateur important. L’exposition fréquente à des maladies endémiques
encourage une réponse inflammatoire ainsi qu’un statut
en fer insuffisant, et augmente le risque d'anémie en altérant la synthèse d’érythrocytes et/ou en raccourcissant la
durée de vie des globules rouges. Le fait que cela s’accompagne d’une déficience en fer métabolique dépendra
de la capacité de l’individu à conserver des réserves en
fer via l’absorption, les pertes et la biodisponibilité du fer
alimentaire, afin de maintenir un taux d'hémoglobine
normal. Il doit également être gardé en mémoire que la
maladie réduit l'appétit – plus fréquemment un individu
est malade, plus il est susceptible d’être malnutri.
Quel est le rapport entre infection et anémie?
Les nouveau-nés sont rarement anémiques à la naissance.
Les conditions d’hypoxie relative in utero conduisent à
de fortes concentrations en hémoglobine à la naissance,
mais lorsque l'oxygénation du sang de l’enfant s’améliore, l'érythropoïèse cesse et les concentrations en hémoglobine chutent au cours des deux premiers mois de la
vie. A l'âge de 4 à 6 mois, les réserves en fer sont limitées
ou épuisées, et l’apport et la biodisponibilité du fer alimentaire deviennent critiques. Jusqu'à 4 mois, le lait
maternel est la principale source de fer alimentaire et de
facteurs immunitaires protecteurs pour la croissance des
enfants, mais lorsque la consommation d’aliments de
complément augmente, l’exposition aux pathogènes de
l'environnement augmente également, de même que la
fréquence de lutte contre les maladies. De tels jeunes
enfants sont dépendants de bonnes sources de fer alimentaire pour maintenir leur statut hématologique, puisque
l'absorption du fer sera minime pendant les périodes d’anorexie et bloquée par la fièvre et l’inflammation. Bien
que la fréquence des épisodes infectieux décline avec le
développement de l'immunité humorale et l’augmentation des apports alimentaires chez les enfants plus âgés,
ceux-ci sont moins influencés par les maladies infectieuses, mais le maintien des réserves en fer peut être mis en
danger par les pertes. Le fer de l’organisme est précieusement conservé, mais le risque de schistosomiase ou
d’ankylostomiase augmente avec l’âge, et les parasites à
l’origine de ces pathologies peuvent causer des saignements chroniques et des pertes en fer. Ainsi, les maladies
infectieuses, les parasites intestinaux et une alimentation
pauvre se cumulent et privent les enfants de fer dès leur
petite enfance. Les recherches montrent que même une
35
anémie légère altère les capacités cognitives, augmente
le risque de naissance prématurée et réduit la productivité. Il apparaît donc clairement qu'il est possible que
l’inflammation puisse être un facteur étiologique clé responsable de l'initiation et de la présence continue de l'anémie dans les pays en développement.
L’élévation du taux de protéines de phase aiguë (PPA)
sert de marqueur de l’inflammation subclinique. Trois de
ces protéines sont particulièrement utiles. La protéine créactive (PCR) et l’antichymotrypsine-α1 (ACT) sont les
marqueurs les plus précis de l’inflammation; ils augmentent au cours des six premières heures de l’infection,
atteignent leurs concentrations maximales en 24-48 heures et chutent habituellement lorsque les signes cliniques
commencent à apparaître. Les concentrations en glycoprotéine-acide-α1 (GPA, également connue sous le nom
d’orosomucoïde) sont beaucoup plus lentes à augmenter
et n’atteignent leur concentration maximale qu’au bout
de 2 à 5 jours après l’infection et constituent donc plus un
marqueur chronique de l’inflammation. Là où ces protéines sont augmentées, elles indiquent que le métabolisme
du fer est altéré et que ces modifications causées par l’inflammation peuvent contribuer à la prévalence d'anémie
dans la population. En utilisant ces protéines, il est possible d'identifier au sein d’une population apparemment
saine les personnes pouvant incuber une maladie, celles
s'étant récemment remis d'une maladie ou celles en convalescence plus tardive.
Quelle est la direction à suivre?
• Infection et inflammation jouent un rôle important
dans l'étiologie de l'anémie, et il est recommandé que
les protéines de la phase aiguë PCR et GPA soient
contrôlées avant et après supplémentation et mesurées parallèlement à la ferritine.
• La recherche a montré que dans la plupart des cas, les
suppléments de fer donnent de petits avantages et
augmentent même la prévalence d'infections. Ceci
peut maintenant être expliqué grâce à notre connaissance de l'inflammation. Si l’anémie chez les personnes apparemment en bonne santé est principalement
due à une inflammation subclinique, cela explique
pourquoi la supplémentation en fer est si peu efficace
pour faire baisser la prévalence d'anémie, étant donné
que le fer ne guérit pas les infections. De plus, le fer
alimentaire supplémentaire, donné à des enfants
exposés à des infections fréquentes, peut perturber
l’équilibre délicat entre les cytokines pro- et antiinflammatoires.
• La recherche montre que les suppléments de vitamine
A réduisent un peu l'inflammation et permettent la
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•
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16 · Monter des programmes pour prévenir plus efficacement l’anémie
mobilisation du fer pour restaurer l’hématopoïèse; la
supplémentation en vitamine A devrait donc précéder
la supplémentation en fer.
La recherche doit déterminer si les vers, tels que l’Ascaris, contribuent à l’anémie via l’inflammation et il
est également nécessaire de déterminer si l’hepcidine
récemment découverte, qui augmente avec l’inflammation et bloque l’absorption et la mobilisation du
fer, est produite localement dans l’intestin.
Quel est le message clé?
L’infection et l'inflammation jouent un rôle important
dans l’étiologie de l'anémie et ne doivent être
négligées dans aucune intervention. Les suppléments de
fer doivent être donnés avec prudence, mais le risque
de conséquences délétères peut être modifié par le statut
en vitamine A. Il semblerait donc prudent que les interventions basées sur le fer soient précédées par des
supplémentations en vitamine A, avec ou sans traitement
anti-helminthe, selon les conditions locales. La voie de
l'infection et de l’inflammation est relativement nouvelle
et son effet sur l’anémie nécessite plus de recherches.
LES FAITS:
• On estime que 2 milliards de personnes à travers le
monde sont anémiques.
• Dans les pays en développement, 40−50 % des
enfants de moins de 14 ans et des femmes en âge de
procréer souffrent d’anémie.
• Les enfants âgés de 5 à 14 ans et les femmes enceintes présentent le plus haut risque d'anémie avec une
prévalence respectivement estimée à 48 et 52 %.
• Globalement, on estime que 200 millions de personnes sont infectées par la schistosomiase et que 600
millions d’autres vivent dans des régions endémiques.
• On estime que 1,3 milliard de personnes sont globalement affectées par des ankylostomes.
• On estime que 900 millions de personnes dans le
monde sont infectées par la trichocéphalose.
• Approximativement 1500 millions de personnes sont
globalement infectées par l’Ascaris.
16
MONTER DES PROGRAMMES POUR
PREVENIR PLUS EFFICACEMENT L’ANEMIE
Saskia de Pee, Martin Bloem, Regina Moench-Pfanner
et Richard Semba
Quel est le problème et que savons-nous?
Le Sommet Mondial pour les Enfants de 1990 a fixé des
objectifs pour l’élimination des déficiences en micronutriments, notamment à cause de leur forte prévalence et
de leurs conséquences sévères dans les pays en développement dont certains commencent à émerger. Un progrès
substantiel a été réalisé dans le combat contre la carence
en vitamine A (CVA) et des progrès similaires, voire
supérieurs, ont été réalisés pour combattre les troubles
liés à la déficience en iode (TDI). Cependant, la connaissance de l’impact de l’anémie ferriprive sur le développement mental est relativement récent; ainsi, combattre
cette anémie auprès des jeunes enfants ne représentait
pas un but majeur lors du sommet mondial, et les progrès
dans son élimination ont donc pris du retard.
Pourquoi le contrôle de l'anémie
ferriprive a-t-il pris du retard?
Il y a eu plusieurs raisons suggérées pour expliquer que le
contrôle de la carence en fer et de l'anémie n’ait pas été
appliqué à grande échelle. Ces raisons incluent: la focalisation sur ce qui devrait être exigé pour appliquer l'approche privilégiée de façon à augmenter l’observance et
la couverture de l’intervention; l’évaluation de suppléments alternatifs et de fréquences d’administration des
doses améliorant l’observance et donc l’impact; et l’évaluation de ce qui devrait être communiqué à ceux qui
somment d’accélérer le contrôle de l’anémie ferriprive.
Cependant, il semblerait que le coeur du problème soit
qu'il existe, au niveau global comme au niveau des pays,
un manque de moyen pour s’assurer que des mesures
efficaces sont appliquées. La situation peut, par conséquent, être en grande partie due au fait que des composants opérationnels du contrôle de l'anémie ferriprive
sont bien moins développés en comparaison de la recherche et développement (R&D), et que ces deux aspects ne
sont pas suffisamment reliés par la communication. La
communication comprend le fait de générer un soutien
politique, ainsi que de financer et de motiver l’acceptation de meilleures pratiques nutritionnelles auprès des
familles et des communautés, au travers de programmes
d’éducation et de promotion de la santé. Un programme
équilibré avec des composantes interconnectées est
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16 · Monter des programmes pour prévenir plus efficacement l’anémie
nécessaire pour assurer une réduction efficace de l'anémie ferriprive.
Pourquoi la communication concernant le contrôle
de l’anémie ferriprive est-elle difficile?
Dans le cas du contrôle de la CVA et des TDI, l'approche
utilisée est celle dite de "la balle orientée", dans laquelle on
accentue simplement l’usage respectivement de capsules
de vitamine A et de sel iodé. Dans le cas de l'anémie ferriprive, en revanche, le concept de l’intervention et la stratégie de mise en oeuvre ne sont pas les mêmes pour chaque
situation et nécessitent d'impliquer plusieurs secteurs.
Quels sont les problèmes concernant l’anémie nutritionnelle et quelles sont les solutions envisageables?
Anémie versus déficience en fer
Problème: l'anémie n’est pas seulement due à une déficience en fer et la déficience en fer ne mène pas toujours
à l’anémie.
Contexte: En raison de ce problème, il y a eu un débat
progressif au sujet de ce que devrait être le but de l'intervention - seulement réduire la déficience en fer et l’anémie ferriprive ou réduire également l’anémie due à d'autres causes, telles que le paludisme, les infestations par
les helminthes, les déficiences en d'autres micronutriments etc. Parce qu'une approche efficace exige une connaissance des causes fondamentales de l'anémie, rassembler les données sur ces causes est prioritaire et, la
plupart du temps, aucune action n'est menée jusqu'à ce
que celles-ci soient claires.
Solution: Se concentrer sur les faits suivants devrait faciliter la prise de décisions concernant les programmes à
appliquer:
• Plus de 2 milliards de personnes sont anémiques et les
estimations du nombre de personnes affectées par la
déficience en fer sont encore plus élevées. Par conséquent, il est improbable qu’une population puisse être
affectée par une anémie qui ne serait pas due dans une
certaine mesure à une déficience en fer, ni que la déficience en fer soit la seule cause à sous-tendre l'anémie.
• Les besoins en fer pendant l’enfance et la grossesse
sont si élevés qu’il est pratiquement impossible de les
couvrir via l'alimentation seule. Ces besoins peuvent
être couverts uniquement par l'alimentation lorsque
celle-ci contient une quantité significative d’aliments
fortifiés et de fer héminique provenant d’aliments
d’origine animale. Ainsi, la déficience en fer chez les
personnes de ces tranches d'âge est pratiquement
37
obligatoire et la question n'est pas de savoir si une
intervention avec du fer, un mélange de multi-micronutriments et/ou un contrôle de l'infection aura un
impact sur la déficience en fer et l’anémie, mais plutôt d’identifier quelle stratégie sera la plus efficace.
Au lieu de déterminer l'ampleur précise à laquelle
chaque facteur joue un rôle, l’attention devrait se concentrer sur l’identification des causes connues pour
être les plus importantes, tout en surveillant l'impact
de ces mesures sur la déficience en fer et l’anémie
dans la population, afin d’ajuster et de bien calibrer le
programme. Le raisonnement justifiant cela: ne rien
faire nuit plus que ne pas traiter tous les cas, uniquement parce que certaines causes ne sont pas encore
identifiées.
Nutrition, santé, développement ou
conséquences économiques
Problème: Depuis longtemps, la supplémentation en fer
a été promue en tant que moyen pour prévenir et traiter l’anémie, un terme très médical qui n’évoquait pas grand
chose à l’esprit des décideurs politiques et des gouvernements soucieux de stimuler la croissance économique etc.
Contexte: L'anémie a été décrite comme un état dans
lequel l'oxygène est transporté en quantité insuffisante à
travers l’organisme et les personnes souffrant d'anémie
comme étant plus facilement fatiguées (léthargiques),
ayant une productivité au travail plus faible et de moins
bons résultats scolaires, tandis que l'anémie sévère augmentait le risque de mortalité maternelle. Cette description s’appuyait principalement sur la compréhension des
nutritionnistes et des professionnels du corps médical.
Cependant, les conséquences sur les capacités mentales
actuelles et futures des enfants, sur le développement
d'une nation, ainsi que les conséquences économiques
n'étaient pas suffisamment mises en avant auprès des différents secteurs concernés, tels que celui du bien-être
économique de l'enfant, de l'éducation etc.
Solution: Le fait que les dégâts causés par la déficience
en fer sur les capacités mentales d'un jeune enfant sont
irréversibles pour le restant de sa vie, et que le PIB chute
lorsque la déficience en fer et l’anémie ne sont pas traitées, devrait constituer les messages clés pour mobiliser
l'action sur la lutte contre la déficience en fer et l’anémie
auprès des divers secteurs.
Approches de santé publique médicales
versus alimentaires
Problème: Quand l'anémie est considérée comme un
problème médical, les solutions cherchées pour traiter ce
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16 · Monter des programmes pour prévenir plus efficacement l’anémie
problème se concentrent sur une approche médicale.
Ceci implique d’identifier, avant d'agir, la cause précise
pour chaque population; de donner les nutriments
manquants à fortes doses, afin de traiter au lieu de prévenir l’anémie; et de délivrer des messages ciblés sur le
traitement d’un problème perçu ou présumé.
Contexte: Puisque la déficience en fer et l’anémie sont si
répandues, l'existence du problème peut être supposée et
l’action devrait donc être menée en conséquence. Cependant, dans le même temps, il est difficile d’appliquer cela
à un niveau individuel du fait que la plupart des personnes souffrant d'anémie ou de déficience en fer n'en est pas
informée, et est donc moins susceptible de prendre des
suppléments pendant une longue période, alors même
que ces personnes perçoivent qu’un tel traitement améliorerait nettement leur condition.
Solution: Parce qu'un tiers de la population mondiale
souffre de déficience en fer et d’anémie, à l'origine en
raison de leur alimentation qui ne suffit pas à satisfaire
leurs besoins, une approche alimentaire visant à augmenter les apports en fer et en d’autres micronutriments de la
population entière, et ciblant en particulier les groupes
les plus à risque, se révèle être l’approche ayant le plus de
sens. De tels apports augmentés devraient être maintenus
pendant une longue période et perçus comme une voie
pour promouvoir une bonne santé et protéger le développement cognitif. De plus, en augmentant les apports en
fer de tout le monde et en utilisant une approche basée
sur l’alimentation, les femmes entameront leur grossesse
avec des réserves plus élevées, qui réduiront la marge
entre besoins et apports pendant la grossesse. Le plus
grand défi d'une approche alimentaire est de trouver un
moyen d’augmenter suffisamment les apports des groupes les plus à risque, les jeunes enfants et les femmes
enceintes. Le meilleur moyen d’assurer la consommation
d'une quantité de micronutriments suffisamment élevée
est d’ajouter des fortifiants dans le bol alimentaire d’un
individu, une stratégie connue sous le nom de fortification maison.
Peu d'expériences réussies ont été décrites
Problème: Les expériences de supplémentation en fer et
acide folique pendant la grossesse sont mitigées et les
décideurs semblent toujours y réfléchir à deux fois avant
de s’engager plus avant dans des programmes de contrôle
de l'anémie ferriprive chez les femmes enceintes et/ou les
jeunes enfants. C’est pourquoi il y a peu d'expériences
décrivant des programmes réussis, notamment chez les
jeunes enfants.
Contexte: La plupart des recherches sur la déficience en
fer et l’anémie ont été menées par des institutions académiques et se sont donc concentrées sur l’acquisition de
nouvelles connaissances concernant la faisabilité technique des interventions, plutôt que sur leur faisabilité
opérationnelle. La conséquence de cela semble être que
l’attente personnelle des scientifiques à propos du programme est de conclure sur ce qui est le mieux, tandis
qu’ils vont chercher à améliorer les interventions potentielles et tester de nouvelles préparations, de nouveaux
protocoles de mesure, des combinaisons de micronutriments etc. En même temps, les programmes qui sont
menés sur une base régulière ne laissent souvent pas
assez de place à l’organisation et à l’évaluation, et ne se
révèlent donc pas très efficaces pour communiquer sur
les succès et les leçons à en tirer.
Solution: Il devrait y avoir un plus grand lien entre la
communauté scientifique R&D et ceux mettant en œuvre
les programmes afin, d’une part, de s’assurer que le plus
grand investissement est bien mis dans l’évaluation de la
faisabilité opérationnelle des interventions prometteuses
et, d’autre part, de surveiller et d’évaluer entièrement
leur mise en oeuvre. Ces expériences devraient être
appliquées à une échelle suffisamment importante. Les
projets mis en application sont souvent trop petits et les
conclusions qui en sont tirées ne permettent pas de les
appliquer à plus grande échelle, à une province entière ou
à un pays.
Communiquer et interpréter les nouveaux
résultats de recherche et les exceptions
Problème: Les nouveaux résultats et rapports de recherche, dans les cas où aucun avantage n’a été trouvé, ou
même, où des effets négatifs de la supplémentation en
fer ou en multi-micronutriments ont été constatés, conduisent souvent à la conclusion que ces suppléments
devraient être évités pour tout le monde à cause du risque
de conséquences négatives.
Contexte: Scrimshaw a suggéré les idées fausses suivantes
qui pourraient entraver la mise en œuvre de programmes:
• Le mythe selon lequel la déficience en fer est plus difficile à prévenir que les TDI et la CVA. Ceci se base
en grande partie sur le fait que, pour l’instant, peu de
programmes réussis ont été appliqués pour le contrôle
de la déficience en fer, comparé au contrôle de celles
en vitamine A et en iode.
• Le mythe selon lequel la supplémentation en fer peut
augmenter la sévérité des infections. Trois articles ont
examiné la preuve de cette considération et ont conclu que seuls les très jeunes enfants (moins de deux
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16 · Monter des programmes pour prévenir plus efficacement l’anémie
•
•
•
mois), les enfants sévèrement malnutris présentant
des complications cliniques, et les enfants des régions
où le paludisme est très endémique et où aucun bon
programme de contrôle de cette maladie n’a été
appliqué, ne devraient pas recevoir de suppléments à
doses élevées en fer (> 10 mg / jour). Les aliments
fortifiés peuvent être prodigués aux enfants dans les
régions à haute endémicité du paludisme. Au jour
d’aujourd’hui, il n’y a pas assez d’arguments pour
savoir si les fortifiants maisons, dont la plupart fournissent 10−12,5 mg de fer à mélanger avec un repas,
sont sûrs dans ces régions à haute endémicité du
paludisme et, par conséquent, il a été recommandé
que ceux-ci ne soient fournis que dans des circonstances parfaitement contrôlées. L'augmentation des
diarrhées constatée chez les enfants ayant reçu du fer
était trop faible pour avoir une signification clinique.
La supposition selon laquelle les thalassémies et
autres hémoglobinopathies constituent des contreindications à la supplémentation en fer. Dans certaines régions du monde, l'anémie est rendue complexe
par la thalassémie et les hémoglobinopathies. Dans
les cas sévères de thalassémie, il peut y avoir une
surcharge en fer. La supplémentation habituelle en
fer pendant la grossesse dans les régions à fortes prévalences de thalassémie et d'hémoglobinopathies
donne des réponses hématologiques extrêmement
variables. Cependant, il ne semble pas y avoir de
rapport concernant les complications qui surviennent
avec la supplémentation habituelle en fer pendant
la grossesse, complications liées à la thalassémie et
aux hémoglobinopathies dans la population.
L'idée selon laquelle le dépistage est nécessaire
avant la supplémentation à cause de la prévalence
d’hémochromatose. La prévalence d’homozygotes
pour l’hémochromatose est très faible (< 0,5 %) et
le gène pour la forme classique d’hémochromatose
est répandu uniquement dans les populations dont
les origines ancestrales se trouvent en Europe du
Nord. Quant au risque de surcharge en fer chez les
personnes souffrant d’hémochromatose, les experts
ne pensent pas qu’il s’agisse d’une raison pour
supprimer le fer pour les personnes à risque de
carence qui vivent dans les pays en développement.
La découverte selon laquelle la fortification et la
supplémentation en fer pourraient augmenter le risque de maladie coronaire et de cancer. Une relation
possible entre statut en fer et risque de maladie cardiovasculaire et de cancer a été le sujet de plusieurs
études d'observation récentes. Jusqu'ici, il n’y a aucun
argument valable montrant l’existence d’une telle
relation ou un éventuel rapport causal.
39
Solution: Il s’avère plus important de ne pas perdre de
vue les très fortes prévalences de déficience en fer et d’anémie, ou leurs graves conséquences et la cause
sous-jacente qui est une alimentation défectueuse. Les
conclusions de la recherche devraient être entièrement
examinées et leur applicabilité à la situation des différentes populations évaluées. En effet, elles devraient permettre de régler avec précision et de mettre en oeuvre
plus efficacement les programmes de contrôle de la
déficience en fer et de l'anémie, au lieu de stopper des
programmes, ce qui se traduit par le fait que la majorité
de la population est laissée sans traitement à cause d'une
minorité qui pourrait présenter une légère augmentation
du risque. Cette situation s'est produite récemment en
réponse à la découverte d'une mortalité plus élevée chez
les enfants, dans une région où le paludisme est hautement endémique, alors qu’ils étaient supplémentés en fer
en absence de mesure de contrôle du paludisme. Que
l’augmentation du risque fût faible, que ces découvertes
n'aient pas été observées dans une région différente où la
transmission du paludisme était sous contrôle en utilisant
des moustiquaires de lit traitées et en traitant les cas suspects, ajouté au fait que le paludisme était très fortement
endémique dans la région, n’a pas suscité beaucoup d’intérêt dans les discussions qui ont suivi la publication de
ces résultats.
Quelle est la direction à suivre?
Puisque les prévalences de déficience en fer et d’anémie
sont aussi fortes et que les conséquences pour les individus
et les populations sont si sévères, le point central devrait
être de mettre en œuvre des programmes de contrôle. L’argumentation devrait se concentrer sur les avantages pour le
développement précoce de l'enfant et donc sa réussite ultérieure dans la vie et l’augmentation de sa productivité qui,
au final, bénéficient à l'économie de la nation.
Les programmes devraient promouvoir une approche
alimentaire, incluant la fortification des aliments de
base et des condiments pour la population générale, ainsi
qu’une fortification maison pour les groupes cibles
spécifiques, puisque ces programmes sont:
• plus viables,
• moins perçus comme le traitement d'une condition,
• applicables dans les régions endémiques au
paludisme.
Quand un programme à grande échelle est rendu effectif,
il est essentiel que sa couverture, son observance et son
efficacité soient évaluées.
Quel est le message clé?
Le contrôle de la déficience en fer et de l’anémie a pris
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17 · Approches gagnantes – les sprinkles
du retard par rapport à ceux des TDI et de la CVA. Ce
contrôle devrait être accéléré en se concentrant sur le fait
que l’alimentation de beaucoup de personnes n’apporte
pas une quantité de fer adéquate, ce qui doit être résolu
au travers d’une approche alimentaire incluant une fortification (maison) et, en parallèle, mais ne dépendant
pas de celle-ci, des méthodes de lutte contre les autres
causes d’anémie. Les conséquences de l'anémie et de
la déficience en fer sur le développement cognitif, la
productivité et le développement économique doivent
être mises en exergue. Et pour avancer le plus efficacement possible, les programmes et les politiques devraient
être entièrement surveillés, évalués et communiqués.
17
APPROCHES GAGNANTES – LES SPRINKLES
Stanley Zlotkin et Mélody Tondeur
Quel est le problème et que savons-nous?
Les recommandations actuelles INACG/OMS/UNICEF
sont de fournir une supplémentation quotidienne en fer
à tous les enfants de poids de naissance normal dans les
premières années de vie, à partir de 6 mois, là où la prévalence d'anémie est inférieure à 40 %, et de continuer la
supplémentation jusqu'à 24 mois quand la prévalence est
supérieure ou égale à 40 %. Le problème est qu’il existe
peu d’options pour supplémenter en fer les nouveau-nés
et les jeunes enfants. Les sirops (au sulfate ferreux) ont
été la première stratégie, mais le goût désagréable et
métallique, la coloration sombre des dents et la gêne
abdominale qu’ils provoquaient ont rendu l’adhésion
difficile. De plus, des problèmes techniques de courte
durée de conservation, de coût de transport élevé et de
difficulté à administrer correctement les gouttes ont
entravé la réussite des interventions. Le concept de fortification maison est arrivé il y a une dizaine d’années,
lorsque le contrôle de l'anémie ferriprive est devenu
une priorité, tandis que les interventions alors disponibles semblaient ne pas être efficaces pour atteindre les
populations les plus vulnérables. Cela a conduit au développement de Sprinkles qui sont des sachets unidoses
contenant un mélange de micronutriments en poudre à
mélanger directement dans la nourriture. Les études
montrent une bonne efficacité des Sprinkles qui sont
bien tolérés et faciles à administrer. Actuellement, il y a
deux formulations facilement disponibles – la "formulation pour l’anémie nutritionnelle" (nutritional anemia
formulation) et la "formulation complète en micronutriments" (complete micronutrient formulation), mais d'autres micronutriments peuvent y être ajoutés selon les conditions locales. La contribution des Sprinkles à une
bonne alimentation complémentaire a été examinée au
travers de la promotion actuelle de pratiques de sevrage
appropriées, auprès des femmes enceintes et allaitantes,
et des zones d'aide humanitaire et des actions d'urgence.
Qu’a-t-il été accompli?
Le problème de l'anémie ferriprive chez les enfants a
en grande partie disparu en Amérique du Nord suite à la
fortification des aliments vendus dans le commerce, en
fer et en d’autres micronutriments essentiels. Malheureusement, fortifier les aliments du commerce a eu un succès
limité dans les pays en développement puisque les aliments achetés en magasin, notamment ceux destinés aux
jeunes enfants, ne sont pas très disponibles ou accessibles. Des sachets unidoses de micronutriments en poudre
(Sprinkles) ont été développés pour résoudre les problèmes et les limitations des interventions de fortification
traditionnelle. Le fer (fumarate ferreux) est encapsulé à
l’intérieur d’une fine couche de lipides qui lui empêche
d’interagir avec la nourriture, limitant ainsi les modifications de goût, de couleur et de texture des aliments.
D’autres micronutriments peuvent être ajoutés au fer,
en fonction des déficiences et des besoins locaux. Les
personnels soignants peuvent également être facilement
renseignés sur leur usage et ces fortifiants peuvent être
ajoutés à tout aliment semi-solide, après cuisson et avant
de servir. De plus, le concept est applicable via des programmes et aucune barrière culturelle n'a été identifiée.
Des études avec des isotopes stables ont été menées pour
évaluer la biodisponibilité du fer et du zinc encapsulés.
Des études basées sur des communautés dans plusieurs
pays, impliquant des nouveau-nés et des enfants anémiques et non-anémiques, ont évalué l'efficacité, la biodisponibilité, la dose, l’acceptabilité et la sécurité des Sprinkles. Les résultats montrent que:
• L’emballage en unidose et la distribution d'une quantité limitée préviennent la prise de doses excessives,
ainsi un enfant devrait consommer beaucoup de
sachets (plus de 20 / jour) avant que ne se pose un
problème de toxicité. Le risque de surdose est donc
inférieur comparé aux préparations liquides.
• Les nouveau-nés souffrant d’anémie ferriprive absorbent le fer des Sprinkles environ deux fois aussi efficacement que les nouveau-nés déficients en fer et
non-anémiques.
• La dose de fer de 12,5 mg recommandée par l’OMS
est efficace et suffisante.
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18 · Sécurité des interventions de réduction des anémies nutritionnelles
Les sprinkles contenant 12,5 mg de fer donné pendant
2 mois sont appropriés à la réduction de l'anémie,
mais cette prise devrait être répétée plus d'une fois par
an (c-à-d. 2 mois tous les 6 mois).
Le seul effet secondaire rapporté est le noircissement
des selles, ce qui est normal puisque la majorité du fer
est excrétée avec les selles.
Une moyenne de 70 % des sachets requis a été
consommée, indiquant un haut niveau d'acceptation.
Les Sprinkles sont efficaces pour prévenir et traiter
l’anémie.
Quelle est la direction à suivre?
L'impact du fer sur l’accroissement de la sévérité des
infections, à la fois parasitaires (paludisme) et bactériennes, reste une question importante mais non résolue.
On considère que si l'absorption rapide du fer dépasse
la capacité de liaison à la transferrine, il existe une possibilité d’augmentation de la prolifération des pathogènes
(via le fer libre non lié à la transferrine). La forme et la
dose de fer influera sur le taux d'absorption. On suppose
que la forme encapsulée du fer dans les Sprinkles, et
le fait qu'ils sont ajoutés aux aliments, conduira à une
alternative plus sûre pour les autres formes de supplémentation en fer. Cependant, des recherches sont encore
nécessaires.
La recherche et développement des Sprinkles pour les
femmes enceintes et allaitantes est en cours, tout comme
leur utilisation pour l’aide humanitaire et pour l’alimentation d'urgence.
Le succès des Sprinkles et l’échelle des interventions
dans lesquelles les utiliser tiennent à deux éléments clés:
premièrement, définir des méthodes de distribution viables qui permettent d’atteindre les populations les plus
vulnérables dans les pays sous-développés, et, deuxièmement, s'assurer que les interventions bénéficient également d’une stratégie de marketing social. Le partenariat
avec les organisations spécialisées dans ces régions est
décisif.
Le plus grand défi pour le futur sera de plaider pour l’adoption des Sprinkles dans les politiques nutritionnelles
des pays sous-développés.
Quel est le message clé?
La fortification maison, qui utilise des sachets unidoses
contenant un mélange de micronutriments en poudre et
directement mélangé dans la nourriture (Sprinkles),
constitue une voie sûre et efficace pour atteindre les
groupes vulnérables dans les pays sous-développés et
41
vaincre la plupart des limitations des interventions traditionnelles visant à lutter contre l’anémie nutritionnelle.
LES FAITS:
• Les experts OMS/UNICEF estiment que plus de 750
millions d’enfants dans le monde souffrent de carence
en fer et d’anémie.
• Les symptômes de toxicité du fer se produisent quand
les apports se situent entre 20 et 60 mg de fer par kg
de poids corporel.
• Une étude a montré que les Sprinkles sont rentables,
avec une valeur par DALY sauvé estimée à 12,20 $
US et un coût par mort évité de 406 $.
• Les avantages cognitifs s’associent à la prévention de
l'anémie ferriprive et sont estimés à 37 $ gagnés pour
chaque $ dépensé, lorsqu’ils sont traduits en réussite
académique et en emploi au final à l’âge adulte.
18
SECURITE DES INTERVENTIONS
DE REDUCTION DES ANEMIES
NUTRITIONNELLES
Klaus Schümann et Noel W. Solomons
Quel est le problème et que savons-nous?
Les anémies sont répandues dans les pays en développement et étaient autrefois considérées comme découlant
de déficiences nutritives. Toutefois, il est maintenant
reconnu que de plus en plus d'anémies n’ont pas d'origine
nutritionnelle et proviennent plutôt des suites d’une
maladie chronique ou d’une hémoglobinopathie. Par
conséquent, il est important de considérer la sécurité, soit
thérapeutique, soit prophylactique, des interventions de
santé publique et des interventions cliniques, de même
que les avantages que présente l'allègement des déficiences en prodiguant des nutriments, puisqu’il peut également y avoir des risques associés chez les individus ayant
suffisamment ou trop de ce nutriment. Le principe primordial de tout programme d’intervention reste de s’assurer qu'il ne cause pas de tort.
Les problèmes d’innocuité surviennent parce qu’une
exposition excessive aux vitamines et aux minéraux
impliqués dans l’anémie nutritionnelle peut provoquer,
directement ou indirectement, des conséquences délétères, et même des effets toxiques. Inquiétude majeure: des
individus spécifiques, ou des sous-groupes au sein d’une
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18 · Sécurité des interventions de réduction des anémies nutritionnelles
population, peuvent, soit se trouver excessivement exposés à des micronutriments via des suppléments ou des
aliments fortifiés dans leur alimentation habituelle, soit
avoir des réactions idiosyncrasiques à d'autres mesures
impliquées dans le contrôle de santé publique de l'anémie. Il est donc clair que protéger la santé de la population implique à la fois de réduire le risque d'anémie nutritionnelle et de protéger les individus des possibles
conséquences délétères des interventions.
Il est admis que les professionnels de terrain et les autorités de santé publique doivent s’assurer de certaines normes, de façon à garantir la sécurité de toute intervention.
Il est capital de considérer les trois stratégies majeures
d'interventions:
1. La supplémentation
Les suppléments peuvent contenir plus que les
besoins physiologiques journaliers en un nutriment,
en particulier pour le fer. De plus, les questions de
contrôle qualité quant à la fabrication, aux excédents
et aux dosages sont importantes. Dans le cas de la
supplémentation en fer, il est capital d'éviter de nouveaux déséquilibres qui peuvent survenir suite à des
effets corrosifs induits par le fer, ou des dommages
oxydatifs résultant de la prise involontaire d’une dose
excessive.
2. La fortification
Quand des nutriments exogènes sont placés dans
la nourriture, la variation de consommation des
aliments fortifiés au sein d’une population devient
importante. Par exemple, pour l’huile de cuisson ou le
sucre, il peut y avoir un ratio quantitatif de dix entre
les personnes en consommant le plus et celles en consommant le moins. Par conséquent, il est important
que le niveau de fortification fournisse un taux d’exposition sûr pour la distribution de consommateurs la
plus large.
3. La diversification alimentaire
L'intervention visant à promouvoir les aliments
comme source de nutriments n'est pas sans poser des
problèmes de sécurité potentiels, et peut encourager
un modèle alimentaire moins sain en augmentant les
apports alimentaires et donc le risque de maladie
chronique. Des apports perturbés en viande rouge,
source naturelle de fer biodisponible, pourrait, par
exemple, augmenter le risque de cancer du côlon et
beaucoup de maladies associées à une forte consommation de graisses saturées.
Toute intervention doit être ciblée. Le groupe présentant
l’apport moyen le plus bas devrait être la cible inhérente
des programmes d'intervention portant sur les micronu-
triments. Il est important de noter que, chercher à augmenter l’apport moyen de la population peut se révéler
inefficace (dissémination des ressources là où elles ne
sont pas nécessaires et ne ciblant pas ceux qui en ont le
plus besoin) et même potentiellement dangereux (poussant certains à la limite supérieure de la distribution, avec
un apport encore plus élevé qu’habituellement). Dans
tout programme d'intervention, il est crucial qu'il y ait
une évaluation diagnostique et une surveillance.
FER
Quelles sont les préoccupations
d’innocuité concernant le fer?
Par la nature de ses caractéristiques physicochimiques et
de ses interactions biologiques avec les autres composés,
le fer présente un ensemble de défis pour que son application soit sûre:
• Effets gastro-intestinaux: les doses de fer auxquelles
les individus peuvent être exposés quotidiennement
via la combinaison des aliments, des fortifiants dans
l'alimentation et des suppléments, sont particulièrement importantes. Les limites supérieures d’apports
tolérables en fonction de l'âge ont été fixées aux
Etats-Unis. Elles sont de 40 mg/jour dans l'enfance et
l’adolescence, puis de 45 mg/jour à l’âge adulte. La
plupart des effets secondaires communs des préparations de fer orales sont d’ordre gastro-intestinal: nausée, vomissement et incommodité épigastrique; et le
niveau d'effet délétère observé le plus faible pour une
seule dose a été placé entre 50 et 60 mg. L’apport en
fer oral provoque également une coloration noire
inoffensive des selles et, chez environ 6 % des individus, diarrhée ou constipation sont également possibles.
• Effets athérogéniques: il y a eu quelques observations
controversées quant à une corrélation entre apport en
fer alimentaire et risque d’infarctus aigu du myocarde, mais cette association pourrait également être
liée à la consommation concomitante du repas et donc
à l’apport en graisse saturée et en cholestérol.
• Effets de l'inflammation: la supplémentation en fer
augmente les indicateurs de stress oxydatif.
• Infections bactériennes: le problème de cet aspect est
que le fer constitue un nutriment nécessaire aux
mécanismes de défense à la fois des pathogènes et de
l'hôte. Cependant, il semblerait que la supplémentation en fer oral chez les enfants déficients soit majoritairement bénéfique et réduise la prévalence d'infection.
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18 · Sécurité des interventions de réduction des anémies nutritionnelles
Que devrait-on considérer concernant
la supplémentation en fer?
• La supplémentation thérapeutique en fer utilise des
doses orales élevées, entre 50 et 400 mg/jour de fer;
elle peut être gérée individuellement et devrait être
continuellement ajustée en fonction de la demande.
• Il est essentiel que toute intervention sur le fer soit
accompagnée d’un traitement des infections par les
vers.
• La supplémentation prophylactique en fer dans deux
sous-groupes de population, d’une part, les femmes
enceintes et, d’autre part, les nouveau-nés et jeunes
enfants de 6 à 24 mois, est recommandée au niveau
international.
• La distribution prénatale de fer et d’acide folique
combinés en comprimé est très importante.
• La supplémentation complète de tous les jeunes
enfants peut être problématique, car la dose n'est souvent pas contrôlée et adaptée aux changements de
besoins des enfants déficients et, chez les enfants
ayant un bon statut en fer, il y a un risque accru de
déséquilibres causés par un excès de fer. De récents
travaux de recherche sur la supplémentation en fer
dans des régions endémiques au paludisme lui ont
attribué une augmentation inquiétante de l’incidence
d'effets délétères et de mort. La supplémentation en
fer chez les enfants déficients dans les régions endémiques au paludisme n’est donc pas recommandée.
Quid de la fortification en fer?
La fortification des formules infantiles et des aliments
de complément est courante depuis longtemps, mais le
nombre et la diversité d'autres aliments contenant du fer
ajouté (des aliments de base traditionnels jusqu’aux boissons et aux condiments) augmentent. Contrairement aux
aliments de base qui contribuent seulement à une fraction
des besoins journaliers d'un individu, les formules infantiles et les aliments de complément fortifiés fournissent jusqu'à 100 % des apports journaliers d’un jeune enfant, et
doivent donc être formulés avec un fer de densité et de biodisponibilité appropriées. Il est important de noter que deux
densités de fortification différentes sont exigées pour les
enfants de 6 à 24 mois, afin d’éviter une surexposition dans
la tranche d'âge la plus haute. La fortification des grains de
céréale est obligatoire dans beaucoup de pays et les niveaux
d'ajout se situent autour de 20 à 50 mg/kg selon le composé
de fer utilisé, et fournissent généralement au maximum
22 % des besoins journaliers en fer. A noter que l'augmentation involontaire de l'exposition au sodium peut être
une préoccupation quand les condiments sont fortifiés. Les
directives de l’OMS sur la fortification des aliments en
micronutriments sont d’un grand intérêt.
43
Quid de la biofortification en fer?
La biofortification fait référence à la modification génétique des cultures alimentaires hautement énergétiques
telles que riz, blé, maïs, pommes de terre et manioc. Cette
technologie utilise les techniques de sélection systématique ou génétique pour développer des cultures de base
riches en micronutriments. Contrairement aux autres
méthodes, les besoins en traitement centralisé et en logistique complexe sont évités. Le fait que le sol contienne
suffisamment d'oligoéléments constitue un prérequis à
une biofortification réussie, ce qui peut nécessiter une
fertilisation afin d’éviter un épuisement du sol. Il existe
également des controverses concernant la modification
génétique qui peut être réalisée par sélection conventionnelle ou pour optimiser les teneurs et la disponibilité en
micronutriments.
Quid de la diversification nutritionnelle
pour augmenter l’apport en fer?
Encourager les populations à diversifier leur alimentation pour y inclure des sources plus riches en certains
micronutriments largement déficients constitue une stratégie importante, particulièrement pertinente lorsqu’il
s’agit du fer. Encourager les jardins individuels ou scolaires ne présente généralement pas de risque d'excès du
fait des faibles teneurs en fer dans les fruits et légumes et
de sa faible biodisponibilité. D'autres interventions
encouragent l’augmentation de la consommation de
viande via l’élevage de petits ruminants ou la subvention
de l’achat de viande, ainsi que de volaille et de poisson.
La consommation excessive de fer est improbable, et la
sécurité de l'intervention dépend des conditions sanitaires et des conséquences à long terme des maladies chroniques associées à des apports en viande élevés.
Quelle est l’influence du retardement du pincement
du cordon ombilical sur la teneur en fer du sang?
La recherche montre que retarder le clampage du cordon
ombilical constitue une mesure prophylactique efficace,
permettant d’augmenter jusqu'à 50 % le statut en fer à la
naissance et offrant la possibilité de plus longues périodes d'allaitement. Il y a cependant des inquiétudes quant
à une augmentation du risque d’hyperbilirubinémie, mais
les différentes méta-analyses montrent des résultats
contradictoires.
VITAMINE B12
Quid de l’innocuité de la vitamine B12?
La vitamine B12 est associée à l’anémie et son absence
résulte en une anémie hypoproliférative avec présence de
gros globules rouges macrocytaires immatures dans la
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18 · Sécurité des interventions de réduction des anémies nutritionnelles
circulation. La vitamine B12 est remarquable pour sa
grande marge d’innocuité et aucune limite supérieure
d’apport tolérable en fonction de l'âge n'a été fixée. Le
traitement traditionnel de l'anémie mégaloblastique par
carence en vitamine B12 est une unique dose intramusculaire d’environ 200 µg de cyanocobalamine parentérale.
La seule préoccupation importante d’innocuité entourant
ces injections concerne les infections virales transmissibles par le sang et l'usage d’aiguilles stériles à manipuler
prudemment. Par ailleurs, des doses orales de 1000−
2000 µg de cyanocobalamine se sont également révélées
efficaces.
La supplémentation prophylactique en vitamine B12 est
pratiquement inconnue en tant que mesure de politique
de santé, en revanche, la fortification en vitamine B12 est
pratiquée.
ACIDE FOLIQUE
Que devrait-on envisager concernant les folates?
Les folates ont un rapport à la fois primaire et secondaire
avec l’anémie nutritionnelle. Il est important de noter que
les recommandations journalières pour les apports n’ont
pas été fixées à un niveau permettant uniquement sa
fonction hématologique, mais à un niveau plus élevé
pour la prévention des défauts du tube neural. Un apport
excessif en folates est associé à des conséquences délétères et l'inquiétude majeure concerne la possibilité de
masquage d’une déficience sous-jacente en vitamine
B12.
Pour l’anémie macrocytaire due à une carence en folates,
un programme de supplémentation quotidienne à des
doses de 500−5000 µg peut être prescrit et il est prudent
de donner de la vitamine B12 dans le même temps. Quand
l'acide folique est donné en intervention prophylactique,
on cible les groupes à risque de défauts du tube neural et
la dose est de 400 µg, qu’elle soit donnée seule ou en
combinaison avec du fer, ou avec du fer et d’autres
micronutriments. La supplémentation habituelle en fer et
acide folique dans les populations présentant un fort taux
de paludisme n’est pas recommandée.
La fortification en acide folique est largement pratiquée
et l’OMS spécifie 1,3 mg/kg de produit nutritionnel
comestible comme étant la quantité maximale à ajouter
pour la fortification des aliments de base, et un maximum
de 27 µg d'acide folique par portion de 40 kcal de produit
pour les autres aliments fortifiés vendus dans le commerce.
VITAMINE A
Quelles sont les questions clés autour
de l’innocuité de la vitamine A?
Intrinsèquement, la carence en vitamine A n'est pas une
cause d'anémie nutritionnelle; cependant, il a été montré
qu’un statut adéquat en vitamine A avait un rôle annexe
dans l’optimisation de l’utilisation du fer. La limite supérieure d’apport tolérable quotidien a été fixée à 10 000 IU
(3030 µg d’équivalent rétinol). L’exposition totale à la
vitamine A devrait être limitée à une dose cumulative
permettant de maintenir une concentration en vitamine A
hépatique inférieure à 300 µg/g, ce que l’on estime être le
seuil de toxicité. La consommation journalière régulière
de 30 mg de vitamine A sous forme rétinoïde est associée
à une toxicité chronique.
Maintenir des apports élevés en β-carotène (un caroténoïde provitamine A) produit une coloration jauneorange de la peau, inoffensive d’un point de vue dermatologique. Certains travaux de recherche ont montré un
risque de mort augmenté lorsque du β-carotène isolé était
utilisé en suppléments journaliers à une dose de 30−50
mg au cours d’essais cliniques sur des individus prédisposés au cancer du poumon (fumeurs, ouvriers travaillant
en contact avec l'amiante).
Quid de la supplémentation et de la fortification
en vitamine A?
La supplémentation en vitamine A fait partie du régime
pour la réhabilitation intensive des enfants souffrant de
malnutrition protéino-énergétique sévère. Un enregistrement strict est exigé. On ne recommande plus de donner
des suppléments à forte dose de vitamine A aux femmes
allaitantes après l'accouchement afin d’assurer la teneur
en vitamine A du lait.
L’OMS ne spécifie pas de limite d’innocuité pour la fortification en vitamine A des aliments de base, bien que
cette fortification soit courante. Il est suggéré qu’une
telle fortification devrait fournir au moins 15 % des
besoins quotidiens en vitamine A du groupe cible, mais
ne devrait pas excéder 30 %. Pour les produits du commerce, l’OMS recommande une addition maximale de 60
µg de vitamine A par portion de 40 kcal.
Y a-t-il un rôle pour la biofortification
en vitamine A?
La biofortification est un axe de recherche naissant dans
les interventions visant les micronutriments et sa promotion est coordonnée par l'initiative Harvest Plus. Des
variétés de carottes et de patates douces riches en provi-
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18 · Sécurité des interventions de réduction des anémies nutritionnelles
tamine A ont été développées et l'exposition à ces formes
de β-carotène devrait être sûre pour la population.
RIBOFLAVINE
Y a-t-il des problèmes d’innocuité avec
la riboflavine?
Le carence en riboflavine n'est pas une cause d'anémie
nutritionnelle, cependant, comme la vitamine A, la riboflavine est un nutriment utile pour maximiser la réplétion, arbitrée par le fer, d'une pleine masse de globules
rouges. Puisqu’il n’y a aucun effet délétère associé à la
riboflavine, aucune limite supérieure d’apport tolérable
quotidien ne lui a été assignée.
Des doses orales quotidiennes d'environ 2 mg sont
utilisées pour traiter les individus atteints d’hyporiboflavinose. Généralement, la riboflavine est également ajoutée aux suppléments multinutriments et à la
fortification des céréales principales auxquelles on ajoute
typiquement une concentration allant jusqu'à 200 mg/kg
de farines de céréale.
CUIVRE
Quelles sont les questions d’innocuité
en rapport avec le cuivre?
La déficience sévère en cuivre produit une anémie
hypochromique microcytaire, mais ne représente pas un
problème de santé publique, puisque la carence en cuivre
primaire est rarement constatée et se produit presque
exclusivement chez les nouveau-nés et les jeunes enfants
nourris avec des laits formulés à faible teneur en cuivre,
ou chez des adultes sous nutrition totalement entérale ou
parentérale. L'anémie secondaire à une déficience en cuivre pourrait cependant être mise en rapport avec les interventions utilisant du zinc à des niveaux supérieurs aux
limites tolérables.
Le cuivre est un puissant émétique, provoquant des nausées et des vomissements quand il est ingéré, même en
faible quantité, et un apport chronique excessif a été
associé à une élévation anormale du taux de cholestérol
LDL. La limite supérieure d’apport tolérable quotidien
est fixée à 10 mg pour les adultes aux États-Unis, contre
5 mg dans l’Union Européenne.
L'anémie par déficience en cuivre a été traitée avec succès à l’aide de doses de 1−2 mg/jour de cuivre sous forme
de sulfate, chez les adultes et les jeunes enfants, et des
quantités allant jusqu’à 9 mg/jour en doses divisées,
sûres et tolérables pour les adultes. Ainsi, là où du zinc
45
est donné à forte dose, le cuivre devrait entrer dans la
formulation du supplément, afin de prévenir un déséquilibre des apports en cuivre par le zinc.
INTERVENTIONS AVEC DE MULTIPLES
MICRONUTRIMENTS
Que devrait-on considérer concernant l’innocuité des
interventions avec de multiples micronutriments?
Du fait que les déficiences en nutriments se trouvent
souvent combinées, il y a eu un glissement d’une fortification en un seul nutriment vers des interventions avec
de multiples micronutriments. Les recherches, menées
dans le domaine génésique et chez les enfants, ont montré des effets contradictoires des supplémentations multinutriments et il semblerait que des interactions à la fois
biologiques et nutriment-nutriment en soient responsables. Des recherches complémentaires sont nécessaires,
car la combinaison de plusieurs nutriments compliquent
l’attribution de conséquences positives ou négatives sur
la santé, de combinaisons spécifiques, dans des conditions spécifiques.
Quelle est la direction à suivre?
Des études récentes montrant un effet négatif de la
supplémentation en fer dans les régions endémiques au
paludisme suggèrent que, d’une part, des travaux de
recherche sont nécessaires dans le domaine, afin de
développer et de tester des procédures adéquates et économiques pour la détermination du statut en fer à grande
échelle, et nous rappelle, d’autre part, que les programmes d'intervention peuvent avoir des conséquences négatives. Le contrôle de la sécurité est un point crucial. Dans
toute intervention de fortification, le profil de risque de
la population devrait être estimé avec soin et mis à jour
régulièrement.
Quel est le message clé?
Les interventions de contrôle de l’anémie nutritionnelle
sont conçues dans le but d’obtenir un résultat positif sur
la santé publique. Il reste néanmoins possible de menacer
des vies et de nuire à la réputation des programmes d'intervention. Les recherches en cours dans tous les domaines d'intervention (supplémentation, fortification et
diversification alimentaire), utilisant des formulations
avec un seul ou plusieurs nutriments, doivent donc continuer. Les responsables politiques et les professionnels
de santé publique se doivent d’être intransigeants avec le
principe selon lequel chaque programme d'intervention
doit être sûr pour tous les consommateurs et doit conduire à une amélioration ou à un maintien de la santé
globale.
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18 · Sécurité des interventions de réduction des anémies nutritionnelles
LES FAITS:
• La carence en fer explique environ la moitié des
anémies dans les pays en développement et l’on suggère que l'autre moitié proviendrait d’un manque de
cuivre, zinc, folates ou vitamines A, B2, B12 ou C.
• Le principe primordial de toute intervention doit être
"premièrement, ne pas faire de mal".
• Les doses habituelles des suppléments nutritionnels
sont:
• 30−60 mg de fer pour un adulte de 70 kg,
• un maximum de 120 mg de fer pendant la grossesse,
• 2 mg de fer / kg pour les enfants.
• En général, les effets secondaires du fer ne sont pas
constatés après des apports oraux de 30−60 mg.
• Une dose orale de 180−300 mg de fer / kg de poids
corporel peut s’avérer mortelle pour les êtres
humains, mais des doses orales inférieures à
10−20 mg de fer/kg de poids corporel représentent
un niveau de non-observation d’effet délétère (No
observed adverse-effect-level, NOAEL).
• Aux Etats-Unis, il existe des limites supérieures d’apport tolérable quotidien liés à l'âge pour le fer. La
limite a été fixée à 40 mg/jour pour les nouveau-nés
et les jeunes enfants, et à 45 mg/jour pour les adultes.
• Les directives de l’OMS sur la fortification alimentaire en micronutriments fournissent une information
détaillée sur les niveaux de fortification basés sur
l’innocuité et les contraintes technologiques et financières. Elles peuvent être commandées sur le site Web
de l’OMS.
• Les directives de l’OMS suggèrent que l’on ne peut
ajouter plus de 3 mg de fer fortifiant à une portion de
50 g d’aliment solide ou à 250 ml de boisson – contribuant à un maximum de 22 % des besoins journaliers en fer fournis par une alimentation avec une disponibilité biologique élevée.
• La supplémentation en fer dans les régions endémiques au paludisme n'est pas recommandée, en raison
des résultats d'études récentes montrant une incidence
accrue d'effets délétères et de mort.
• Le traitement traditionnel de l'anémie mégaloblastique par carence en vitamine B12 est une dose unique
intramusculaire d’environ 200 µg de cyanocobalamine parentérale. Des doses orales de 1000−2000 µg
de cyanocobalamine se sont également révélées efficaces.
• La limite supérieure d’apport tolérable quotidien pour
les folates est fixée à 1000 µg/jour pour les adultes.
• Pour l’anémie macrocytaire due à une carence en
folates, un programme de supplémentation quotidienne à des doses de 500 à 5000 µg peut être prescrit, et il est prudent de donner de la vitamine B12
•
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dans le même temps.
L’acide folique donné en intervention prophylactique
cible les groupes à risque de défauts du tube neural et
la dose est de 400 µg, qu’elle soit donnée seule ou en
combinaison avec du fer ou du fer et d’autres micronutriments. A noter: la supplémentation habituelle en
fer et acide folique dans les populations présentant un
fort taux de paludisme n’est pas recommandée.
L’OMS spécifie 1,3 mg/kg de produit nutritionnel
comestible comme la quantité maximale d’acide
folique pouvant être ajoutée pour la fortification des
aliments de base, et un maximum de 27 µg par portion de 40 kcal de produit pour les autres aliments
fortifiés vendus dans le commerce.
La limite supérieure d’apport tolérable quotidien a
été fixée à 10 000 IU (3030 µg d’équivalent rétinol)
pour la vitamine A.
L’exposition totale à la vitamine A devrait être limitée
à une dose cumulative permettant de maintenir une
concentration en vitamine A hépatique inférieure à
300 µg/g, ce que l’on estime être le seuil de toxicité.
La consommation journalière régulière de 30 mg de
vitamine A sous forme rétinoïde est associée à une
toxicité chronique.
L’OMS ne spécifie pas de limite d’innocuité pour la
fortification en vitamine A des aliments de base, mais
il est suggéré qu’une telle fortification devrait fournir
au moins 15 % des besoins quotidiens en vitamine A
du groupe cible et ne devrait pas excéder 30 %.
Pour les produits du commerce, l’OMS recommande
une addition maximale de vitamine A de 60 µg par
portion de 40 kcal.
On ne recommande plus de donner des suppléments à
forte dose de vitamine A aux femmes allaitantes après
l'accouchement afin d’assurer la teneur en vitamine A
du lait.
Des doses orales quotidiennes d'environ 2 mg de
riboflavine sont utilisées pour traiter les individus
atteints d’hyporiboflavinose.
Généralement, la riboflavine est également ajoutée
aux suppléments multinutriments et dans la fortification des céréales principales, auxquelles on en ajoute
typiquement une concentration allant jusqu'à 200
mg/kg de farines de céréale.
La limite supérieure d’apport tolérable quotidien est
fixée à 10 mg pour les adultes aux Etats-Unis, contre
5 mg dans l’Union Européenne.
L'anémie par carence en cuivre a été traitée avec succès à l’aide de doses de 1−2 mg/jour de cuivre sous
forme de sulfate chez les adultes et les jeunes enfants,
et des quantités allant jusqu’à 9 mg/jour en doses
divisées, sûres et tolérables pour les adultes.
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19 · Importance et limitations de la fortification des aliments
Là où du zinc est donné à forte dose, le cuivre devrait
entrer dans la formulation du supplément, afin de
prévenir un déséquilibre des apports en cuivre par le
zinc.
47
fabricant alimentaire prend l’initiative de fortifier des
produits afin d’augmenter ses ventes et ses profits.
Permet une couverture très réduite dans les pays en
développement.
IMPORTANCE ET LIMITATIONS DE
LA FORTIFICATION DES ALIMENTS
DANS LA GESTION DES ANEMIES
NUTRITIONNELLES
Omar Dary
Il y a, de plus, un concept relativement nouveau, à savoir
la fortification au niveau du ménage. Il s’agit de la consommation de suppléments alimentaires (habituellement
sous forme de poudre) mélangés à la nourriture au cours
des repas. Dans le cas de la fortification de masse, son
principal avantage sur les autres interventions est qu'elle
utilise déjà la distribution et les systèmes commerciaux
existants et, par conséquent, le coût est fondamentalement restreint aux vitamines et minéraux ajoutés, ainsi
qu’aux procédés de fortification.
Quel est le problème et que savons-nous?
Deux approches principales sont utilisées pour contrôler
les carences en micronutriments dans les populations:
supplémentation et fortification alimentaire. Les suppléments sont très denses en vitamines et minéraux afin de
fournir de grandes quantités de nutriments en une ou
quelques doses. Leur formulation peut être adaptée aux
besoins d'un groupe de population spécifique. Ils sont
conçus pour délivrer les quantités de micronutriments
recommandées et éviter les interactions entre micronutriments et inhibiteurs de l'absorption. Leur consommation
nécessite, cependant, une décision volontaire et éclairée,
et les études montrent que son acceptation et la couverture de la population par la supplémentation sont faibles.
Un aliment fortifié est un produit comestible fabriqué par
l'industrie alimentaire avec une composition nutritionnelle améliorée (ajout de vitamines et minéraux). La fortification alimentaire pourrait être considérée comme l’approche la plus favorable et la plus rentable si elle dispose
du soutien des industriels. Néanmoins, même dans ces
conditions, il y a beaucoup de facteurs susceptibles de
limiter son utilisation potentielle et son efficacité.
Il existe des directives de l’OMS pour la fortification alimentaire et celles-ci identifient trois approches:
1. La fortification de masse – Addition de micronutriments aux aliments généralement consommés par
la population générale. Fournit une meilleure couverture de la population, mais ne peut satisfaire que
partiellement les besoins en micronutriments des
sous-groupes à risque.
2. La fortification ciblée – Elle se concentre sur la
couverture spécifique des sous-groupes à risque.
L’apport peut alors être suffisant pour satisfaire les
besoins nutritionnels.
3. La fortification en fonction du marché – Là où un
Quelles sont les limitations possibles
à la fortification de masse?
• La sélection du véhicule est un facteur extrêmement
important à considérer. Le faible coût d’utilisation de
la fortification de masse s’avère vrai dans un contexte
industriel où l’aliment est produit par des centres de
production officiels et centralisés.
• Le facteur de dilution du fortifiant dans l’aliment doit
être élevé,c-à-d. une petite quantité de fortifiants dans
une grande quantité d’aliment.
• L’augmentation du prix du produit due à la fortification devrait être minime, sinon il sera difficile d'obtenir l’acceptation du consommateur et d'établir une
situation équitable parmi les producteurs.
• La teneur en vitamines et en minéraux est déterminée
à partir des individus qui consomment l’aliment en
grande quantité, et donc l’apport supplémentaire
en micronutriments donné aux individus les plus à
risque, consommant fréquemment l’aliment en moins
grande quantité, peut se révéler insuffisant si l’on
n’utilise qu’un seul véhicule fortifié. Par conséquent,
des mesures complémentaires peuvent aussi être
nécessaires.
• Des barrières technologiques peuvent limiter les
niveaux et les formes de micronutriments à incorporer à des véhicules spécifiques, notamment en raison
de changements organoleptiques indésirables. Il s’agit de la principale limitation à l’apport de quantités
de fer suffisantes via les farines fortifiées.
19
Contrôler l’anémie nutritionnelle dans le groupe cible des
jeunes enfants de moins de 24 mois demande une attention
et des produits spéciaux, tels que les aliments de complément (fortification ciblée) et les suppléments alimentaires
spécifiques à l’âge. Mais un autre groupe important exige
toute l’attention: les femmes en âge de procréer.
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20 · Approches alimentaires
Comment peut-on évaluer l'impact potentiel
des interventions de fortification?
Les directives de l’OMS proposent des estimations des
bénéfices potentiels à utiliser la proportion de la population située au-dessous et au-dessus des besoins moyens
estimés (BME). Cependant, il est difficile d'estimer le
profil de la distribution des BME dans les populations et
il est donc suggéré qu'un calcul indirect des BME supplémentaires obtenus à partir des aliments fortifiées est
valable. Comme norme, il est proposé qu’un aliment
apportant au moins 20 % des BME pourrait être qualifié
de bonne source et ceux en apportant 40 % comme excellente source. L'importance de la fortification de masse
pourrait être estimée grâce au nombre absolu et relatif
d'individus des groupes vulnérables atteignant ces catégories de BME.
Quel est le rôle du contrôle
et de la mise en application?
Le succès de toute intervention dépend d’abord de l'assurance que la(les) population(s) cible(s) reçoi(ven)t les
micronutriments en quantité et qualité requises. Ceci
rend essentielles les actions de contrôle et d'assurance
qualité par les producteurs, ainsi que l’inspection et la
mise en application par les autorités gouvernementales.
Les valeurs de référence et les critères d’acceptation
répondant à la réalité des programmes doivent être fixés,
mais sont malheureusement fréquemment négligés dans
l’organisation des programmes. Les micronutriments et
les prémixes devraient être certifiés en termes de quantités et de qualité des micronutriments, d’innocuité microbiologique, et devraient être surveillés par les autorités
gouvernementales.
Quel est le message clé?
Les produits fortifiés ainsi que les suppléments
alimentaires semblent être une voie raisonnable pour
commencer à réduire l’anémie ferriprive dans les pays en
développement. Cependant, le défi reste de s’assurer que
de telles stratégies puissent être permanentes et viables.
La fortification alimentaire doit relever plusieurs défis,
mais ceux-ci peuvent être gagnés via la détermination de
standards, le contrôle qualité, la certification, la surveillance et la mise en application par les gouvernements.
LES FAITS:
• Le coût total pour couvrir les besoins moyens estimés
(BME) en la plupart des micronutriments (excepté
en calcium et vitamine C) des femmes en âge de
procréer se situe entre 0,25 et 1,00 $ US par an.
• Dans la fortification de masse en condition réellement industrielle, approximativement 80−90 % du
•
•
coût correspond à l’achat des micronutriments, à l'exception du riz pour lequel 50−90 % du coût est
lié à la production de grains fortifiés.
Dans la supplémentation, le coût des micronutriments
ne correspond qu’à 10−40 % du coût total. Cependant, la supplémentation exige un système de distribution, lequel est déjà en place dans la fortification de
masse.
Le fer est un nutriment difficile à fournir via la fortification de masse, en particulier s’il s’agit de satisfaire les besoins des femmes en âge de procréer. Par
conséquent, la fortification ciblée et la supplémentation préventive doivent être gardées à l'esprit pour la
gestion complète des anémies nutritionnelles.
20
APPROCHES ALIMENTAIRES
DE LUTTE CONTRE LA CARENCE EN FER
Brian Thompson
Quel est le problème et que savons-nous?
La carence en fer est un problème social et de santé
publique, sérieux et répandu. Bien que les taux de prévalence soient souvent plus élevés parmi les femmes et les
enfants, la déficience en fer peut affecter la croissance, le
développement et les performances de tous. L’échelle et
l’ampleur du problème, combinés à l’impact fonctionnel
qu’ont de telles déficiences sur la qualité de vie, du point
de vue à la fois physiologique et socio-économique,
nécessitent l'adoption urgente de mesures de contrôle
connues et efficaces.
Nous savons que, dans la majorité des cas, la cause principale de malnutrition en micronutriments est un apport
alimentaire faible, à la fois en termes de quantité totale de
nourriture consommée et de contribution d’aliments
riches en micronutriments dans cette alimentation. Par
conséquent, la FAO encourage un ensemble d’actions qui
incitent une augmentation de l’apport, de l’accès et de la
consommation d'une quantité, d’une qualité et d’une
variété adéquates d’aliments, pour toutes les populations.
Dans les pays en développement où les déficiences en
micronutriments occupent une place prédominante dans
un contexte d'insécurité alimentaire, couvrir les besoins
totaux en énergie à partir d'une alimentation diversifiée et
riche en micronutriments reste un défi majeur. Dans de
tels cas, là où l'insécurité alimentaire est poussée par la
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20 · Approches alimentaires
pauvreté et le sous-développement agricole, la FAO concentre son soutien sur des stratégies basées sur l’alimentation, dont la diversification alimentaire et la fortification des aliments, visant à augmenter la disponibilité et la
consommation d'une alimentation riche en micronutriments et nutritionnellement adéquate, constituée à partir
d'une variété d’aliments disponibles, jusqu’à ceux dont la
disponibilité est plus incertaine.
De telles interventions, largement axées sur l’alimentation, ont tendance à être négligées en faveur de la
fortification singulière et de programmes de supplémentation, intéressants par leur simplicité et leur rentabilité
apparentes. En pratique, cependant, beaucoup de ces
programmes s’avèrent difficile à gérer, plus cher que
prévu pour être mis en oeuvre, et moins efficace que
promis. Par conséquent, pour lutter contre les déficiences
en fer et en d'autres micronutriments, nous avons besoin
de nous assurer qu'une approche totalement exhaustive
soit menée en attirant l’intérêt et le soutien du pays et
des donateurs, et que la diversification alimentaire soit
reconnue comme essentielle et ne soit pas laissée pour
compte.
Quelle est la direction à prendre?
La promotion de l'amélioration/diversification alimentaire, en plaçant au centre l’amélioration de l’apport en
fer biodisponible, via une plus grande consommation de
produits animaux et de fruits et légumes, notamment
pour leurs apports en vitamine C, constitue l’intervention
privilégiée, car elle peut mener à des améliorations viables, non seulement du statut en fer, mais aussi en d’autres micronutriments. Ni la supplémentation ni la fortification ne peuvent être efficaces à elle seule. Depuis que
les approches alimentaires apportent de meilleures chances de réussite durable et d’application de grande envergure pour contrôler les déficiences en fer et en d'autres
micronutriments, l’augmentation de la disponibilité et de
la consommation d'une alimentation nutritionnellement
adéquate doit être mise à l’ordre du jour des politiques de
développement.
Les déficiences en micronutriments doivent être prises en
main en se concentrant sur un ensemble général de stratégies de renforcement mutuel incluant la diversification
alimentaire, la fortification, la supplémentation, ainsi que
des mesures de santé publique. Ces stratégies menées de
front fournissent une couverture et un impact maximums,
et cette approche complète doit être largement mise en
œuvre, si l’on veut combattre et venir à bout de ce problème crucial.
49
Littéralement tous les modèles alimentaires traditionnels
peuvent satisfaire les besoins nutritionnels de la population. Cependant, une des principales causes d'anémie
ferriprive dans les pays à faible revenu est la faible biodisponibilité du fer dans des régimes pauvres dont la
base repose principalement sur les céréales et les tubercules, puisque ceux-ci contiennent de grandes quantités
d'inhibiteurs de l’absorption du fer. Ci-dessous se trouvent des actions pratiques et des interventions qui
peuvent faciliter l'accès et la consommation d’une alimentation adéquate et nutritive, et donc augmenter
la biodisponibilité du fer, notamment chez ceux pour
qui la nourriture manque et chez les plus vulnérables
aux déficiences:
• Mettre en oeuvre un élevage commercial et la production de légumes et de fruits à grande échelle, pour
fournir des aliments avec des micronutriments
accessibles à prix raisonnables à tous les échelons
de la population.
• Stimuler le secteur agricole communautaire à petite
échelle et encourager les sources alimentaires potentielles, parmi lesquels de nombreux légumes à
feuilles et légumineuses contenant d’importantes
quantités de fer, avec un intérêt spécial porté sur
l’augmentation de la consommation de produits animaux ayant une biodisponibilité élevée du fer et
contenant des composés riches en fer facilitant son
absorption.
• Augmenter la teneur en micronutriments des sols et
des plantes pour améliorer la composition des aliments végétaux, et améliorer les pratiques agricoles
pour augmenter les rendements.
• Développer la sélection des cultures, via des modifications conventionnelles ou génétiques (biofortification), afin d’augmenter les teneurs en micronutriments des récoltes.
• Introduire la diversification des cultures pour promouvoir des récoltes riches en micronutriments.
• Discuter des règles qui interdisent le jardinage urbain
ou qui réduisent la disponibilité ou la vente d’aliments frais par les vendeurs ambulants.
• Examiner la rentabilité de la production, du traitement et de la vente des aliments riches en micronutriments.
• Examiner les pratiques de traitement, de conservation
et de préparation, qui réduisent les pertes, augmentent
les composés alimentaires facilitant l’absorption et
minimisent l'impact des inhibiteurs de l'absorption.
• Faire des efforts d’éducation destinés à garantir une
distribution appropriée de la nourriture au sein de la
famille, étant donné les besoins des membres les
plus vulnérables.
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21 · Perspectives globales
Développer des directives diététiques basées sur l’alimentation (Food Based Dietary Guidelines, FBDG)
et des programmes publics d’éducation et de communication nutritionnelle pour provoquer des changements des comportements alimentaires.
Améliorer la qualité et la sécurité alimentaire, ainsi
que fixer et mettre en vigueur des règles de contrôle
qualité et d’hygiène.
Quel est le message clé?
Les déficiences en micronutriments ne peuvent être
vaincues qu’en menant une approche complète assurant
que toutes les personnes ont accès et consomment des
quantités adéquates d’aliments nutritifs. Ceci ne relèvera
pas seulement le statut en fer, mais aussi les niveaux
des autres micronutriments. La diversification et l’amélioration alimentaire constituent une part essentielle des
stratégies alimentaires et une clé pour une réussite et un
maintien à long terme des interventions visant l’anémie
nutritionnelle. Cette approche est à relier au droit à la
nourriture, une promesse dont l’accomplissement signifie que tout le monde doit pouvoir accéder à une alimentation variée, qui consiste en un ensemble d’aliments
apportant toute l'énergie, ainsi que des macro et micronutriments en quantité suffisante, pour lui permettre d’être
productif et en bonne santé.
LES FAITS:
• La sécurité alimentaire existe quand tout le monde, à
tout moment, dispose d’un accès physique, social
et économique à des aliments nutritifs, sains et en
quantité suffisante pour couvrir ses besoins et respecter ses préférences alimentaires, afin d’avoir une vie
active et d’être en bonne santé.
• Environ 854 millions de personnes ont faim, 20
millions d’enfants de moins de cinq ans souffrent de
malnutrition sévère et autour d’1 million d’enfants
meurent chaque année des suites de la malnutrition.
Plus de deux milliards de personnes - plus de 30 % de
la population mondiale - est anémique.
• L'Asie présente le nombre de cas d'anémie le plus
élevé, tandis que l'Afrique possède les plus hauts
taux de prévalence d'anémie chez les enfants d’âge
préscolaire.
• Les causes sous-jacentes de niveaux aussi élevés de
malnutrition sont la pauvreté et le sous-développement agricole conduisant à l’insécurité alimentaire.
Satisfaire les besoins énergétiques globaux et une
diversité alimentaire constitue le défi majeur.
• L’apport journalier recommandé (AJR) en fer pour
les hommes se situe entre 9 mg, dans les régimes avec
une biodisponibilité du fer élevée, et 27 mg lorsque la
•
•
•
•
biodisponibilité n’est que de 5 %. Chez les femmes
avant la ménopause (âgées de 19 à 50 ans), l’AJR en
fer est de 59 mg.
Les stratégies alimentaires, en augmentant la disponibilité et la consommation d’aliments riches en micronutriments et nutritionnellement adéquats, constituent des
voies viables d'amélioration de la nutrition.
Le fer héminique des aliments issus de la chair
animale (viande, volaille, poisson) est bien absorbé
avec une absorption moyenne de 25 %, variant de
40 % pendant une déficience en fer à 10 % lorsque
les réserves en fer sont constituées.
Le fer non-héminique, présent dans les aliments d’origine végétale tels que les céréales, les légumes secs,
les légumineuses, les graines, les noix et les légumes,
ont un taux d'absorption de 2 à 10 % selon l’équilibre
dans le repas entre inhibiteurs et facilitateurs de l'absorption du fer.
L’addition de légumes et de fruits contenant de l'acide
ascorbique peut doubler ou tripler l'absorption du fer.
Chaque repas devrait contenir de préférence au moins
25 mg d'acide ascorbique.
21
PERSPECTIVES GLOBALES: ACCELERER
LES PROGRES DE PREVENTION ET DE
CONTROLE DE L’ANEMIE NUTRITIONNELLE
Ian Darnton-Hill, Neal Paragas
et Tommaso Cavalli-Sforza
Quel est le problème et que savons-nous?
Les anémies nutritionnelles, notamment l’anémie ferriprive, sont actuellement le plus grand problème global de
nutrition. Elles affectent principalement les femmes et
les enfants, et ont un impact négatif significatif sur les
chances de nombreuses nations d’améliorer leur développement économique et la santé de leur population.
Malheureusement, dans la première décennie depuis que
les Nations Unies se sont fixées comme objectif de
réduire d’un tiers la carence en fer, aucun progrès n'a été
réellement réalisé. Bien qu’il y ait peu de succès documentés concernant le traitement de ce problème à un
niveau de santé publique dans les pays les moins riches,
il y a de nombreuses années d'expériences via différents
programmes et une vaste connaissance scientifique se
trouve derrière la compréhension du complexe métabolisme du fer. De manière étonnante, beaucoup de choses
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restent encore inconnues et de nouveaux aspects continuent à émerger de la recherche en cours.
Les régimes alimentaires pauvres mènent à des niveaux
élevés de carence en fer et en d’autres micronutriments et
sont aggravés par des facteurs alimentaires inhibant, tels
que les phytates, les fortes infestations par des parasites
et des infections telles que le paludisme, ainsi que des
facteurs socioculturels, dont la pauvreté et les différences
homme/femme, chacun d’eux contribuant aux niveaux
élevés d'anémie constatés dans les populations les plus
pauvres.
Comment le risque d'anémie est-il affecté par l’âge?
Les distributions normales d'hémoglobine varient en
fonction de facteurs génétiques, de l’âge et du sexe, du
stade de grossesse, de l’altitude et de la consommation de
tabac. Ces variations affectent l'interprétation des valeurs
d'hémoglobine et d'hématocrite. De plus, le risque d'anémie ferriprive varie tout au long du cycle de vie, avec
plusieurs périodes de grande vulnérabilité. Cette variation est due aux changements des réserves ferriques, aux
niveaux des apports et aux besoins liés à la croissance ou
aux pertes en fer. Les groupes les plus vulnérables sont:
• les enfants de 6 mois à 5 ans,
• les femmes en âge de procréer,
• les femmes enceintes,
• les personnes âgées.
Quelle est la raison clé de l'échec apparent
de nombreux programmes visant à réduire
la prévalence?
Une des raisons clés de l’échec des programmes est que
beaucoup ont été conçus selon l’hypothèse que la seule
cause d'anémie était la carence en fer. Mais, en réalité, il
y a d’autres causes principales à l'anémie:
• la déficience en fer alimentaire;
• les maladies infectieuses comme le paludisme, les
infections à ankylostomes, la schistosomiase, le
VIH/sida, la tuberculose et d'autres maladies chroniques, dont presque toutes les maladies inflammatoires perdurant plusieurs mois et quelques malignités;
• les déficiences en d'autres micronutriments clés
dont les folates, la vitamine B12, la vitamine C, la vitamine A, les protéines, le cuivre et d'autres minéraux;
• des facteurs héréditaires affectant les globules rouges,
tels que la thalassémie;
• une hémorragie aiguë sévère (telle que pouvant se
produire à l'accouchement);
• les pertes de sang chroniques (p.ex. dans l’ulcère
gastroduodénal);
• un traumatisme.
51
Pour des programmes d'intervention efficaces et un
contrôle adéquat de leur impact, la meilleure information
est nécessaire, non seulement sur le statut en fer des
populations, mais aussi sur les autres causes d'anémie.
Même lorsque toutes les causes connues sont prises en
considération, dans beaucoup de populations à haut risque, une grande proportion d'anémie reste inexpliquée.
Pourquoi y a-t-il un manque d'information?
Une raison au manque d'informations sur les autres causes d'anémie est que seuls les dosages d’hémoglobine ou
d'hématocrite peuvent être exécutés en routine sur le
terrain, pendant que les multiples tests biochimiques plus
précis sont en général menés uniquement dans les pays
disposant des ressources adéquates, sous des conditions
de recherche spécifiques. Des avancées en matière de
méthodes de laboratoire à faible coût permettant la détermination des causes d'anémie, soit sur le terrain, soit plus
tard en laboratoire, sans réfrigération des échantillons
(tâches séchées), contribueraient grandement à une meilleure évaluation des causes d'anémie et permettraient
des interventions plus appropriées.
Quels rôles jouent les secteurs public
et privé dans la prévention de l’anémie?
Une des principales contraintes dans la lutte contre l’anémie et les autres déficiences en micronutriments réside
dans la propension des gouvernements (et des donateurs)
à investir suffisamment pour améliorer l’alimentation et
réduire les inégalités sociales, ce qui exige des investissements à long terme afin d’améliorer l’approvisionnement, la distribution et la consommation d’aliments
d'origine animale et végétale, et nécessite de cibler
ceux qui sont dans le plus grand besoin. De plus, les
systèmes de santé dans les pays les plus affectés
manquent sérieusement de ressources. Ces facteurs
impliquent des problèmes d'accès et de coûts apparentés,
puisque les plus forts taux de dénutrition affectent habituellement les populations des régions rurales éloignées,
et que ces individus n’occupent en général pas le premier
plan des inquiétudes de la classe politique urbaine. Par
conséquent, il est important de garder la dénutrition à
l’ordre du jour de la planification nationale, afin de renforcer la responsabilité du gouvernement pour qu’il
offre, à l’ensemble de son peuple, une bonne santé et un
bon statut nutritionnel. Il s’agit d’un exercice complexe
qui requiert la collaboration des différentes sphères de la
société - gouvernement national, gouvernement local,
secteurs privés de l’alimentaire et de la santé, médias,
associations de consommateurs et organismes communautaires.
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Le rôle que les industries alimentaires et de santé peuvent
jouer est crucial pour toutes les stratégies clés, depuis les
efforts pour améliorer l’approvisionnement, la distribution et la consommation d'aliments animaux et végétaux,
jusqu’à la fortification et la supplémentation. La réduction de l'anémie sera très probablement atteinte via une
combinaison des trois principales approches (supplémentation, fortification et diversification alimentaire), tout
en s’intéressant également à la réduction des inégalités
sociales – étant donné que les anémies résultent le plus
souvent de la pauvreté.
Fortification des aliments: elle peut offrir une solution
partielle de moyen à long terme et représente probablement l’approche la plus rentable. Cependant, elle exige
que les producteurs alimentaires travaillent avec des
fournisseurs de premix de micronutriments, et que les
consommateurs et la communauté de santé publique
encouragent le gouvernement à adopter une législation et
une réglementation, ainsi qu’à engager une communication efficace sur l'importance de cette approche via les
médias, afin que la population l’accepte. Il y a eu à la
fois des succès et des échecs en fortifiant les aliments en
fer, et les aliments fortifiés commercialement ne sont
pas toujours disponibles ou accessibles aux personnes
les plus à risque.
Supplémentation: ces programmes devraient être appréhendés comme une occasion d'encourager de meilleures
alimentations, du fait qu’ils représentent la méthode la
moins durable pour gérer les déficiences, qu’elles soient
dues à des apports alimentaires inadéquats et/ou à d'autres facteurs.
Interventions basées sur l’alimentation: le rôle de ces
interventions dans la gestion de l’anémie nutritionnelle
n'a pas été clairement élucidé, mais il existe quelques
travaux intéressants dans cette voie. La disponibilité,
l’accessibilité et les apports limités en aliments d’origine
animale au niveau des ménages, ainsi que le manque
de connaissances quant à leur importance dans l'alimentation et pour la santé, contribuent à des alimentations de
faible qualité qui ont un profond impact sur
les apports en micronutriments essentiels qui jouent un
rôle dans le statut en fer.
Dans de nombreux cas, les secteurs privés et non-gouvernementaux peuvent avoir de multiples avantages dans
le lancement d’interventions de soins médicaux, en plus
des faibles aides gouvernementales. Les gouvernements
doivent être tenus responsables du bien-être des plus
pauvres. Dans les pays où les deux secteurs ont œuvré
ensemble avec les communautés, nous rencontrons les
plus grandes chances de succès.
Quelles sont les leçons clés à retenir?
De façon générale, les contraintes identifiées et les facteurs facilitateurs dans la gestion de l’anémie nutritionnelle peuvent être regroupés comme suit:
• facteurs socioculturels (pauvreté, discrimination
homme/femme);
• facteurs de prise en charge (ciblage, approches de
supplémentation, de fortification et basées sur l’alimentation);
• systèmes (de santé, marketing du secteur privé,
logistique);
• utilisateurs (accessibilité, observance).
Il semblerait que pour les interventions réussies, les
principaux facteurs exigés sont une logistique améliorée,
une meilleure observance et une participation des différentes parties prenantes. De plus, toute intervention doit
être considérée comme une simple partie d'une stratégie
globale. Les approches intégrées au niveau des communautés exigent des combinaisons d’interventions incluant
des actions de vermifugation de masse, d’éducation sanitaire, d’amélioration de l’approvisionnement en eau et du
système sanitaire, ainsi qu’une supplémentation multiple
en micronutriments.
S’ils sont délivrés sous forme de suppléments, par fortification ou par d'autres canaux, y compris des programmes
de réduction de la pauvreté, le fer et les autres micronutriments pertinents doivent faire l’objet d’évaluations
réalistes, en termes d’accessibilité et de disponibilité.
Ceci peut inclure l’évaluation de la viabilité des systèmes
de santé, de la faisabilité du marketing social et de la portée de l'éducation sanitaire.
Quelle est la direction à suivre?
Un statut en fer adéquat est nécessaire à une bonne santé
générale, en particulier chez les nouveaux-nés, les jeunes
enfants et les femmes enceintes. Le consensus de
Copenhague a attribué une forte rentabilité aux programmes axés sur le fer et les autres micronutriments. Il y a
maintenant des preuves significatives que l’absence de
gestion de la déficience en fer et des autres anémies
coûtera, aux pays concernés, jusqu'à 2 % de PNB et
altèrera le développement intellectuel de leurs enfants
et la future productivité économique nationale.
La santé internationale et les partenaires nationaux
doivent s’appuyer fermement sur ces déclarations, afin
que des mesures et des approches cohérentes se renfor-
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cent l'une l'autre et que les interventions bien organisées
et bien menées deviennent une réalité.
Quel est le message clé?
Les anémies nutritionnelles constituent actuellement le
plus vaste problème global dans le domaine de la nutrition. Une approche complète basée sur des interventions
multiples est nécessaire pour obtenir une réussite viable
et doit inclure une amélioration des conditions sociales
par des mesures d’allégement de la pauvreté, ainsi
qu’une augmentation du nombre de mesures directes de
fortification, de supplémentation et de perfectionnement
des soins médicaux. Néanmoins, les pays doivent entamer les interventions eux-mêmes et ne devraient pas
attendre que tous les aspects d'un programme soient en
place, puisque chaque intervention individuelle aura des
effets et que le besoin d’action est grand.
LES FAITS:
• 200 millions d’enfants de moins de 5 ans n’atteignent
pas leur total développement cognitif et socio-affectif, du fait de la dénutrition, dont la déficience en fer,
et d’une mauvaise stimulation.
• Le poids global attribué à l'anémie ferriprive s’élève
à 841 000 morts et 35 057 000 DALY.
• On estime que la valeur médiane des pertes de productivité dues à la déficience en fer est d’environ
4,00 $ US par personne ou 0,9 % du PIB.
• Il a été calculé que la productivité des ouvriers
agricoles adultes anémiques, ou autres travailleurs
manuels de force, était réduite de 1,5 % pour chaque
1 % de baisse de leur concentration en hémoglobine
au-dessous du seuil fixé pour une santé normale.
• On estime que l'élimination de l’anémie sévère durant
la grossesse réduit potentiellement de 13 % le poids
de la maladie chez la mère.
• On s’attend à ce que 2,5 % de toute population
moyenne tombe en-dessous de la limite fixée par
l’OMS pour le fer. Par conséquent, l'anémie ferriprive
est considérée comme un problème de santé publique
lorsque la prévalence des faibles concentrations en
hémoglobine dépasse 5 % de la population.
• L'anémie sévère durant la grossesse est définie par
un taux d’hémoglobine inférieur à 70 g/L et requiert
un traitement médical.
• L'anémie très sévère est définie par un taux d’hémoglobine inférieur à 40 g/L et constitue une urgence
médicale.
• Les évaluations suggèrent que fortifier la farine avec du
fer peut permettre d’augmenter de 5 % le Q.I. national,
d’augmenter de 2 % le PIB national et d’éliminer
60 000 décès de femmes enceintes chaque année.
•
Fortifier avec de l'acide folique peut réduire significativement les 200 000 cas de défauts du tube neural
répertoriés chaque année chez les nouveaux-nés.
22
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
DE RECHERCHE
Klaus Kraemer, Elisabeth Stoecklin et Jane Badham
Introduction
Il est peu probable d’atteindre l’objectif des Nations
Unies de réduire d’un tiers la prévalence de l’anémie
d’ici 2010. L'anémie nutritionnelle reste commune dans
beaucoup de pays du monde et son éradication via des
interventions efficaces doit être une priorité en termes
d’attention et d’actions. L'anémie altère la croissance et
le développement individuels, ainsi que le développement socio-économique, familial, communautaire et
national. Malheureusement, sur les dernières décennies,
peu de réussites ont été documentées concernant le traitement du problème à un niveau de santé publique, bien
qu'il y ait maintenant une grande somme d'expériences
par programme, ainsi qu’une vaste quantité croissante de
données scientifiques et de nouvelles informations sur le
métabolisme du fer et le rôle des autres éléments nutritifs
dans l’étiologie de l'anémie nutritionnelle. Cependant,
beaucoup de choses sont encore inconnues et nombre de
nouvelles zones nécessitant l’attention et l’intérêt de la
recherche continuent à émerger.
Ce dernier chapitre vise à résumer quelques-unes des
conclusions sorties des chapitres précédents, à attirer l'attention sur l’ampleur inchangée du problème et les implications économiques qui en résultent, et à déterminer
les points cruciaux pour aller de l’avant dans la
gestion de l’anémie nutritionnelle; et ce, en spécifiant
les facteurs critiques pour les futures recherches sur les
micronutriments et en identifiant les composantes clés,
gages du réel fonctionnement des programmes et des
interventions.
Dimension du problème
Précédemment, les estimations globales de la prévalence
d'anémie n'incluaient pas de données nationales représentatives pour la Chine, qui représente environ 20 % de
la population mondiale. Dans cet ouvrage, de nouvelles
estimations globales sur la prévalence d’anémie chez les
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22 · Conclusions et perspectives de recherche
enfants d’âge préscolaire et les femmes enceintes ou non
ont été publiées, compilées par l’Organisation Mondiale
de la Santé (OMS) dans le cadre de son système d’informations sur la nutrition minérale et vitaminique (Vitamin
and Mineral Nutrition Information System, VMNIS).
Les études prises en compte dans la base de données ont
permis d’évaluer l’anémie en mesurant l’hémoglobine
via la méthodologie standard et en excluant celles qui utilisaient les signes cliniques pour confirmer la prévalence
d’anémie. Uniquement les données représentatives des
pays ont été incluses dans l'analyse et ajustées en fonction des seuils fixés par l’OMS (Hb < 110 g/L pour les
enfants d’âge préscolaire et les femmes enceintes et
Hb < 120 g/L pour les femmes hors grossesse). Pour les
enfants d’âge préscolaire et les femmes, les études nationales couvrent une large proportion de la population et
les données indiquent un lourd poids global de l'anémie,
bien que la proportion d'anémie sévère reste encore
inconnue. L'analyse suggère que pratiquement 50 % des
enfants d’âge préscolaire sont affectés dans le monde, les
taux les plus élevés se trouvant en Afrique (64,6 %) et en
Asie (47,7 %). Ce chiffre correspond à près de 300
millions d’enfants de moins de cinq ans. La prévalence
de l'anémie est de 41,8 % chez les femmes enceintes et de
30,2 % chez celles non enceintes. Globalement, 818
millions de femmes (enceintes ou non) et d’enfants de
moins de cinq ans sont affectés par l’anémie. Les études
concernant l’Asie du Sud indiquent des valeurs de prévalence beaucoup plus élevées chez les femmes enceintes
et les adolescentes.
Quatre messages clés peuvent être retenus de l'analyse:
1. Un nombre plus élevé de pays devrait évaluer plus
précisément la prévalence d'anémie au niveau national et également déterminer le degré de sévérité de
l'anémie.
2. Les pays devraient évaluer plus en détail la carence
en fer, puisque que l’on ne connaît pas encore les
parts d'anémie imputables à la déficience en fer et aux
autres causes. Il est important de distinguer l’anémie
due à des causes nutritionnelles, de l’anémie conséquente à des infections endémiques chroniques (p.ex.
paludisme, infections par des helminthes, VIH/sida).
3. L'inflammation subclinique peut être très courante
chez des personnes apparemment saines, et peut
mener à une mauvaise classification de l'anémie.
4. Une évaluation plus comparative des avantages et des
inconvénients des méthodes actuellement disponibles
pour la mesure du statut en fer (ferritine, sTfR et
indicateurs d'infection/d’inflammation) est requise,
en plus de la réduction des coûts de ces analyses, tout
en maintenant leur précision.
Fragilité et fatigue ont longtemps été associées uniquement à l’anémie ferriprive. Des travaux de recherche
récents pointent cependant des conséquences fonctionnelles avant même le début des manifestations cliniques de
l'anémie. Les études longitudinales indiquent qu’une
déficience chronique en fer durant l’enfance retarde de
manière permanente les développements cognitifs,
moteurs, et socio-affectifs. Il s’agit d’une problématique
particulièrement grave étant donné que plus de 200
millions d’enfants de moins de cinq ans, vivant principalement en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne, n’atteignent pas leur plein potentiel de développement cognitif et socio-affectif du fait de la malnutrition, comprenant
les déficiences en fer et en iode, et d’une mauvaise stimulation. Ces enfants échoueront probablement à l’école, passeront à côté de leur possibilité de revenus et
resteront donc dans le piège de la pauvreté. Il existe un
consensus partagé par de nombreux scientifiques internationaux, au sein des universités ou des agences des
NU, selon lequel une priorité nationale et globale devrait
être donnée à la prévention de l’anémie, même légère,
chez les nouveaux-nés et les jeunes enfants, du fait du
risque d’altération de leur développement intellectuel.
Le fait que, chez les enfants allaités, environ 50 % seulement de leurs besoins en fer puissent être couverts par le
lait maternel pendant les six premiers mois, indiquant un
besoin de supplémentation précoce chez tous les enfants,
constitue également une préoccupation majeure.
Dans le passé, le traitement des vastes conséquences de
la carence en fer et de l'anémie se concentrait sur le problème médical, plutôt que sur les répercussions mentales
et économiques. Le gain économique de la réduction de
toute déficience en micronutriment vient à la fois de la
réduction des coûts et de l’augmentation de la productivité. Ceci comprend une mortalité, une morbidité et des
coûts de soins médicaux réduits, une productivité améliorée, ainsi que des avantages intergénérationnels au travers d’une meilleure santé globale. Il est clair que l'anémie, à tous les stades du cycle de vie, est associée à un
poids significatif pour la santé et peut engendrer un fort
impact négatif sur la productivité et donc également une
perte de revenus et de produit intérieur brut (PIB); les
estimations actuelles font état de pertes de plus de
50 milliards $ US. La perte totale par personne due à des
déficits physiques et cognitifs s’élève à des milliards par
an, avec une différence significative quand on la compare
aux modestes coûts de diminution de l’anémie nutritionnelle.
Nous avons tiré cinq conclusions clés de l'analyse:
1. Les interventions basées sur le fer chez les adultes ont
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2.
3.
4.
5.
montré leurs impacts positifs sur la productivité,
d’environ 5 % pour les travaux manuels légers et
jusqu’à 17 % pour les travaux plus lourds.
On peut en déduire que l'anémie réduit potentiellement les salaires à l’âge adulte (du fait de ses effets
cognitifs) de 2,5 %.
La fortification en fer est l’une des interventions de
santé publique les plus intéressantes, en termes d’années de vie corrigées du facteur d’invalidité (DALY)
épargnées ou de rapport coûts-bénéfices. Le coût par
personne et par an de la fortification se situe entre
0,10$ et 1,00 $ avec un rapport coûts-bénéfices de 1:6
(bénéfices physiques des adultes) ou allant jusqu’à
1:9 (en incluant les bénéfices cognitifs estimés des
enfants).
Les coûts par personne de la supplémentation sont
de 2,0 à 5,00 $, mais sont cinq fois plus chers que la
fortification en termes de DALY, et on note que les
résultats des programmes à grande échelle ont été
décevants.
Des recherches supplémentaires doivent être menées
d'urgence, afin de quantifier la perte économique due
au retard mental imputable à l’anémie ferriprive.
Points critiques des recherches sur l'anémie
en rapport avec les micronutriments
Il n'y a aucune solution facile pour vaincre le fléau que
représente l'anémie. L'étiologie de l'anémie est complexe
et multifactorielle et il semble que de multiples micronutriments (vitamines et minéraux) aient un rôle clair dans
la prévention de l'anémie nutritionnelle, ainsi que dans
l’amélioration globale de la nutrition et de la santé. Le
défi est de créer des combinaisons optimales de micronutriments qui fonctionneront mieux ensemble et agiront en
synergie. Aucune intervention unique ne parviendra à
renverser ou à prévenir l’anémie dans une population.
Cependant, il existe encore peu d'informations scientifiques concernant l’utilisation de multiples micronutriments dans la prévention de l'anémie nutritionnelle. De
plus, les conclusions des premières études cliniques restent controversées et certaines nécessitent d’être interprétées avec prudence.
Plusieurs facteurs doivent être considérés lorsque l’on
organise des études en vue de futures interventions avec
des aliments fortifiés ou des suppléments dans des populations avec des statuts nutritionnels et des états de santé
altérés:
1. Les facteurs nutritionnels
L'impact de l'alimentation habituelle, dont les compositions en micro et macronutriments, devrait être
55
évalué en priorité. Une alimentation de faible qualité,
souvent due à des apports limités en aliments d’origine animale, mais également en fruits et légumes, est
une des principales causes de déficiences multiples
en micronutriments se produisant de manière cumulative et non isolée. En outre, la faible biodisponibilité
des nutriments dans des régimes riches en aliments
d’origine végétale contenant des composants, tels que
les phytates et les polyphénols, limite l'absorption du
fer et des autres oligoéléments.
2. L’environnement sanitaire et les facteurs
non nutritionnels
Les maladies infectieuses telles que le paludisme, la
tuberculose, le VIH/sida, les infections parasitaires et
certaines inflammations chroniques, constituent d'autres facteurs contribuant à l’anémie et affaiblissant
l’état nutritionnel et de santé. Par conséquent, il est
important de prendre en compte l'environnement
sanitaire global et de contrôler et/ou traiter toute
maladie sous-jacente. Il est nécessaire qu’une approche d'interventions intégrées considère chaque
groupe de population dans son contexte épidémiologique, socio-économique et culturel.
3. La population ciblée
Les segments de population les plus vulnérables sont
les femmes enceintes et allaitantes, les nouveaux-nés,
les jeunes enfants et les adolescentes. L'enfance est
la tranche d'âge dans laquelle les déficiences en
micronutriments commencent et progressent avec des
conséquences potentiellement sévères pour la vie
future, cependant une nutrition pauvre peut débuter in
utero. Ainsi, une nutrition et un état de santé adéquats
devraient constituer de fortes priorités pendant la
grossesse et l’enfance. Le message est clair: une
approche du cycle de vie prenant en compte les divers
besoins des différentes populations ciblées est indispensable.
4. Les apports recommandés et la composition en
micronutriments
La dose optimale et la composition en micronutriments utiles à des interventions efficaces sont encore
inconnues. Les risques potentiels d'interactions doivent être pris en compte lorsque les programmes de
fortification des aliments ou de supplémentation sont
entamés, notamment lorsqu’ils sont dirigés vers des
groupes de population ayant un statut nutritionnel
généralement faible. Les interactions entre plusieurs
micronutriments (p.ex. fer, zinc, et autres minéraux,
et facteurs antinutritionnels inhibant l’absorption du
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22 · Conclusions et perspectives de recherche
fer) semblent être particulièrement importantes.
Différentes combinaisons et doses, ainsi que de
nouvelles formes d’administration des micronutriments, nécessitent encore d’être testées.
5. La distribution via le système de santé
Il est également important de prendre en considération les programmes de prévention existants, tels
que les supplémentations avec de fortes doses de
vitamine A, ou de fer et d’acide folique, et le
contrôle des maladies parasitaires et du paludisme.
Ces programmes doivent être intégrés et menés
avec soin via de nouveaux essais cliniques.
6. La durée
Les résultats à long terme et l'efficacité ne sont
cependant pas totalement définis en matière de nutrition, santé et bien-être général et devraient devenir
prioritaires. Les points finaux des études à court et
long termes varient significativement. Les résultats
fonctionnels, comme l’identification de bons indicateurs des effets, sont nécessaires et devraient être
définis comme finalités des études.
Monter des programmes et des
interventions qui marchent
La connaissance scientifique concernant les interventions s’est étendue au delà du fer et un ensemble d'autres
nutriments (tels que la vitamine A et de multiples micronutriments), de même que les maladies infectieuses et les
infestations parasitaires, sont maintenant pris en compte.
De plus, il est désormais reconnu que les interventions ne
prennent pas toujours la tournure que l’on espérait, considérant, par exemple, les résultats montrant de possibles
effets négatifs dans les régions endémiques au paludisme. Par ailleurs, il apparaît que les stratégies alimentaires, telles que la biofortification et la diversification
alimentaire, sont également importantes. Il semblerait
que, bien qu’un angle spécifique soit souvent privilégié
ou une approche recommandée, le message clé devrait
être que toutes les causes et les approches d’interventions
admises et documentées doivent fonctionner ensemble,
et que la supplémentation, la fortification (aliments et
maison), la biofortification, les approches alimentaires,
ainsi que les mesures de santé publique, doivent être
appréhendées et pratiquées ensemble car elles sont complémentaires les unes aux autres. Pour le succès et la viabilité à long terme des programmes de contrôle de l'anémie nutritionnelle, tous les facteurs et toutes les options
doivent être regardés dans leur ensemble et ajustés, afin
de s’adapter aux conditions locales et aux besoins spécifiques. Le contrôle de l'anémie ferriprive est différent de
celui des autres déficiences connues, telles que les TCVA
ou TDI, pour lesquelles les approches type 'balle orientée', respectivement avec des capsules ou une fortification, semblent fonctionner.
Une statistique grave: en 2000, le nombre de suppléments de fer fournis par l’UNICEF aux pays en développement n’a permis de couvrir que 3 % de toutes les femmes enceintes dans ces pays - avant même de considérer
l’observance. Le fait que les composantes opérationnelles du contrôle de l'anémie ferriprive sont bien moins
développées que les efforts de recherche et développement, et que, en général, ni l'un ni l'autre de ces aspects
ne sont liés à la communication, ce qui inclut le soutien
politique, le financement, l’encouragement de l’acceptation de meilleures pratiques nutritionnelles, l’éducation
sanitaire et la promotion de la santé, pointe un obstacle
majeur à atteindre les objectifs globaux. En réalité, le
plus grand défi ne se trouve probablement pas dans le
besoin de recherches scientifiques supplémentaires, bien
qu'il y ait encore beaucoup de questions sans réponse et
de place pour des axes nouveaux ou renouvelés, mais
plutôt dans le besoin de communication et d’interprétation des conclusions et des exceptions de la recherche,
afin d’affiner les programmes.
La communication de soutien doit se concentrer sur les
avantages au cours du cycle de vie et sur l'impact associé
des interventions sur l’amélioration de la productivité qui
mènent, au final, à une poussée économique, à la fois des
individus et des pays. Il y a deux moyens clés pour mobiliser l'action auprès des divers secteurs, en vue d’éradiquer la carence en fer et l’anémie: insister sur le fait que
les dommages causés au développement intellectuel du
fait de la déficience en fer dans la petite enfance sont irréversibles dans la vie future et quantifier la perte de PIB
lorsque la carence en fer n’est pas traitée. Nous avons
besoin de ponts efficaces entre science et technologie,
entre fournisseurs de services et politiques et aussi décideurs financiers. Le problème n'est pas le manque de
connaissances pour trouver des solutions sur mesure,
mais plutôt un manque d’engagements politiques et
financiers clairs pour entreprendre des interventions
adaptées à l’ampleur du problème. Le problème est clairement décrit. Il reste à accepter le défi et à accélérer l'action.
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14.07.2008
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