Lasimplicitéestlacomplicationultime

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LE JOURNAL DU JURA VENDREDI 26 AVRIL 2013
2 BASELWORLD 2013
SWATCH Pour sa 1re participation, la marque biennoise dévoile un mouvement révolutionnaire
«La simplicité est la complication ultime»
DE BÂLE
PHILIPPE OUDOT
Pour sa première participation
à Baselworld, la marque Swatch
a créé la sensation hier. Trente
ans après avoir contribué à redonner vie à une industrie horlogère suisse alors moribonde,
avec le lancement de la fameuse
montre à quartz Swatch, la maison biennoise pose un nouveau
jalon dans l’histoire de l’horlogerie, mais cette fois avec un
mouvement mécanique ultrasimplifié. Lors d’une conférence
de presse très attendue, le CEO
du Swatch Group Nick Hayek a
en effet dévoilé cette pièce baptisée Swatch Sistem51, qui établit de nouveaux standards horlogers. Une véritable révolution
copernicienne!
Il s’agit d’une montre mécanique automatique qui ne compte
que 51 composants; 100%
Swiss made, a-t-il insisté, elle
est dotée d’une réserve de marche de 90 heures et sera proposée à un prix se situant entre
100 et 200 fr. – «sans doute plus
près de 100 que de 200», a assuré
le big boss. Et de préciser que ce
petit bijou de technologie, fruit
de la collaboration entre plusieurs entités du Swatch Group,
dont ETA, Nivarox et Comadur,
sera disponible sur le marché
en octobre prochain.
Simplifié au maximum
Responsable du développement des mouvements mécaniques chez ETA, Thierry Conus a
indiqué que si les horlogers
s’échinent à doter leurs gardetemps de complications, «nous
avons fait le contraire, en simplifiant ce mouvement au maximum». Tout comme sa glorieuse
ancêtre à quartz, la Swatch Sistem51 ne compte en effet que 51
composants – soit la moitié
moins que n’importe quelle montre mécanique. Elle est dotée de
trois aiguilles, d’un quantième
pour la date, et d’un fond transparent qui laisse apparaître le mou-
vement, car la masse oscillante,
qui occupe toute la surface, est…
transparente.
Comme l’a souligné Thierry
Conus, la réalisation de ce mouvement a mobilisé une centaine
d’ingénieurs depuis près de deux
ans. Pas moins de 17 nouveaux
brevets ont été déposés pour protéger ce garde-temps révolutionnaire. Mais pour pouvoir le proposer à un prix pareil, il a non
seulement fallu réduire au maximum le nombre de composants,
mais également en assurer l’assemblage de manière entièrement automatisée. Si le montage
des modules se fera par étapes, il
a estimé le temps d’assemblage
global de la montre à… une
vingtaine de minutes!
Assemblé par soudage
En fait, a-t-il expliqué, le mouvement se compose de cinq modules dont les composants, fabriqués dans un alliage aux
propriétés
antimagnétiques,
sont soudés au lieu d’être vissés.
Les modules sont ensuite euxmêmes soudés entre eux. «Ce
mouvement ne compte qu’une
seule vis! Elle se trouve au centre et
Totalement révolutionnaire, la Swatch Sistem51 dévoilée hier est une montre mécanique automatique qui ne
compte que 51 composants, assemblés de manière entièrement automatisée. LDD
service pendant 10 ou 20 ans.
La technologie utilisée a aussi
permis de supprimer tous les
« Nous avons fait le contraire
●
des autres, en simplifiant ce
mouvement au maximum.»
THIERRY CONUS RESPONSABLE DES MOUVEMENTS MÉCANIQUES CHEZ ETA
sert à fixer la masse oscillante.»
L’échappement a été fabriqué
dans un matériau synthétique.
La masse oscillante transparente
est réalisée par injection d’un polymère, la partie lourde, en bordure, étant composée de microbilles de tungstène. Quant au
boîtier, il est lui aussi soudé, donc
à l’abri de la poussière et de l’humidité. Autant de raisons qui, selon Nick Hayek, font que ce
garde-temps n’a besoin d’aucun
composants qui, sur un mouvement mécanique normal, servent
à régler la précision du gardetemps. «Ici, le réglage de la précision se fait par laser. C’est à la fois
très simple, et extrêmement fiable».
Selon Thierry Conus, la marge de
précision est de plus ou moins
5 secondes au maximum, «mais
90% des pièces seront plus précises
que cette marge de tolérance». A
proposdecemouvementsimplifié
à l’extrême, il a conclu ses propos
en citant Léonard de Vinci pour
qui «la simplicité est la complication ultime».
Place à la fantaisie
Pour sa part, Carlo Giordanetti,
directeur de la création chez
Swatch, a souligné que ce nouveau garde-temps restera fidèle à
la philosophie de la marque, et
qu’il pourra se décliner avec
toute la fantaisie qui lui est propre. Le mouvement pourra en effet être décoré à loisir une fois les
modules réalisés.
A terme, a indiqué Nick Hayek,
cette montre, qui sera entièrement Swiss made, devrait être
assemblée dans le nouveau bâtiment qui sera construit à Bienne,
sur l’ancienne aire Gygax. Sans
donner de précisions quant à
l’investissement consenti, le
CEO du Swatch Group a néanmoins indiqué qu’il était substantiel.
Au passage, il a constaté qu’avec
cette Swatch Sistem51, «nous dé-
montrons qu’il est possible de faire
du 100% Swiss made, même pour
des montres à bas prix.» Et de fustiger ceux qui galvaudent ce précieux label en allant acheter une
partie de leurs composants à
l’étranger.
Synergie au sein du groupe
Si le développement de ce
mouvement a été initié par
Swatch, le savoir acquis et la
technologie pourront sans doute
profiter aux autres marques du
groupe, a-t-il poursuivi, et pas
forcément seulement pour les
mouvements mécaniques. Il a
aussipréciséqu’àl’instardetoutes
les collections Swatch, la Sistem51 sera distribuée dans le
monde entier. C’est dire si, vu le
prix sans concurrence, le marché
potentiel est énorme. Il a aussi
assuré que, de par le positionnement spécifique de cette montre
automatique, il n’y avait aucun
risque de cannibalisation à l’interne du groupe.
ARMIN STROM
La maison
biennoise est une
vraie manufacture
Avec son nouveau calibre
Tourbillon ATC11, Armin Strom
rejoint le club très fermé des
maisons horlogères capables de
concevoir et de produire leurs
propres mouvements Tourbillon. L’ATC11 est un mouvement à remontage manuel doté
d’un double barillet, offrant une
réserve de marche de 10 jours. Il
se distingue par un levier en or
blanc 18 carats et un assemblage
où le balancier et les pignons des
secondes sont positionnés sur le
même axe.
Les complexes mécanismes visibles sont une des principales
caractéristiques de la collection
Tourbillon. Armin Strom, qui
occupe une vingtaine de collaborateurs hautement qualifiés à
Bienne, a déjà produit cinq calibres maisons dès l’ouverture de
la manufacture, en 2009. La société a développé des méthodes
modernes de squelettisation, en
intégrant ses designs dès les premières étapes de la fabrication
du calibre, avant de les produire
intégralement dans la manufacture. La collection Armin Strom
Tourbillon s’inspire des quatre
éléments et se décline dans les
lignes Fire (boîtier en or rose),
Earth (acier inox PVD noir),
Water (acier inox) et Air (titane). Ces quatre collections
sont produites en édition limitée à 50 pièces chacune. C-PHO
Le Tourbillon ATC11 Fire se décline
avec un boîtier en or rose. LDD
PAUL PICOT Discrète, la maison horlogère du Noirmont affiche néanmoins de solides ambitions
Une marque qui est en quête permanente de l’exclusivité
Coup de folie ou coup de génie? Un
peu des deux, sans doute. Nous sommes en 1976. Alors que l’industrie horlogère suisse est frappée de plein fouet
par l’avènement du quartz, Mario
Boiocchi, un Italien passionné de belles
montres, crée sa propre marque – Paul
Picot, en référence à un pionnier de
l’horlogerie suisse du 18e siècle.
Son idée est de conjuguer tradition
horlogère et design italien, en misant
sur l’exclusivité, avec des mouvements
Swiss made dûment retravaillés, décorés, anglés ou squelettés. Paul Picot se
positionne dans le milieu de gamme supérieur et dans le haut de gamme, dans
des prix allant 3000 à 15 000 fr. – jusqu’à 130 000 fr. pour un tourbillon.
Quant à la production, elle est d’environ
5000 pièces par an.
A 80 ans, toujours président de Paul
Picot, Mario Boiocchi garde la haute
main sur tout ce qui sort des ateliers de
la maison horlogère, qui a pignon sur
rue dans la bourgade franc-montagnarde du Noirmont. «Au final, c’est
toujours lui qui décide des modèles qui se-
Italie, son premier marché. Et comme
nul n’est prophète en son pays, il a
d’abord renforcé sa distribution en
Suisse, gagnant dix nouveaux points de
vente.
Au niveau international, à part l’Europe, Paul Picot est distribué dans divers pays émergents: Argentine, Brésil,
Russie, Kazakhstan, Azerbaïdjan, ainsi
que les monarchies du Golfe. Quant à
la Chine, la marque y est présente,
«mais c’est un marché difficile, notamment en raison des taxes qui frappent les
produits de luxe», relève Alain Claude.
Quatre piliers
La Firshire Megarotor, avec calendrier daydate et phases de lune, fait honneur à la
ligne classique. LDD
ront mis sur le marché», relève le Prévôtois Alain Claude, qui dirige l’entreprise depuis une année. Il s’est fixé
comme objectif de redynamiser la marque, en perte de vitesse, notamment en
Paul Picot décline ses modèles autour
de quatre collections: Atelier, Technograph, C-Type et Firshire. Des montres
destinées avant tout à une clientèle
masculine. Atelier se distingue par ses
pièces techniques et ses grandes complications – répétition minutes, tourbillon, rattrapante ou calendrier perpétuel. «Atelier conjugue le savoir-faire
horloger et ces petits détails qui font la différence», note Alain Claude.
Collection au design avant-gardiste,
Technograph arbore trois cadrans: un
entier au centre, pour les heures et les
minutes, et deux demi de part et d’autre,
avec les fonctions chronographe. «Là
aussi, tout est dans le détail, comme la
date, en rouge. L’astuce, c’est que les chiffres sur le disque sont squelettés. En tournant, la bonne date apparaît sur fond
rouge, ce qui facilite la lecture et accentue
le côté exclusif de la marque», poursuit-il.
La spécificité de C-Type, ce sont ses
chiffres en relief sur la lunette tournante. La collection se décline aussi au
féminin avec deux modèles dont la lunette est sertie de diamants. Quant à
Firshire, c’est une montre au design
classique, plutôt sobre et épuré.
Etre une marque indépendante a certes des avantages, mais c’est aussi lourd
à porter, admet Alain Claude. Sur le
plan financier, mais aussi en raison des
difficultés d’approvisionnement en
fournitures horlogères. «Ça nous oblige à
être inventif! Ne trouvant plus les petites
aiguilles pour les fonctions chrono de la
Technograph, nous avons mis au point un
affichage par disques tournants!»
Par chance, poursuit-il, Mario Boiocchi a eu la bonne idée de racheter d’anciens stocks de mouvements. «Nous les
retravaillons et les remettons au goût du
jour pour en équiper en partie nos gardetemps.» C’est dans ce contexte que la
marque a lancé son modèle Firshire
Megarotor: sa masse oscillante surdimensionnée en tungstène accélère de
20% le remontage par rapport à une
montre automatique traditionnelle, ce
qui permet d’utiliser des mouvements
plus anciens sans être pénalisé au niveau des performances.
Pour Baselworld, Alain Claude a retravaillé plusieurs modèles en se focalisant
sur quelques lignes afin de renforcer
l’identité de Paul Picot, qui souffre
d’une trop grande dispersion de ses modèles. A propos de ce rendez-vous, il observe que Baselworld reste un passage
obligé, surtout pour les petites marques.
«On doit y être, même s’il n’est pas facile
d’y dénicher de nouveaux distributeurs.
Celui qui n’est pas présent court le risque
d’être oublié.» PHO