La “cité historique” : un classement invariable dans le temps
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La “cité historique” : un classement invariable dans le temps
3 pages La “cité historique” : un classement invariable dans le temps... Audition de Vincent Berjot, directeur général des patrimoines du ministère de la Culture, au Sénat, le 16 avril Le 16 avril, la commission culture du Sénat auditionnait Vincent Berjot, directeur général des patrimoines au ministère de la Culture, à propos de la future loi patrimoines. C’était là une occasion de rassurer les sénateurs après un débat avec des professionnels qui, le 19 février (cf. la Lettre d’Echanges n°121), avait soulevé de fortes inquiétudes quant à une éventuelle régression dans l’utilisation des dispositifs de protection du patrimoine. La principale crainte était que, face à la fin programmée des ZPPAUP (et AVAP), les collectivités préfèrent le régime de protection le plus faible : le PLU patrimonial (PLUP) dont la loi prévoit la création. La logique que déploie le projet de loi patri- moines s’avère très dfficilement compréhensible. A la suite de “la crise des ABF” (architectes des Bâtiments de France) de 2011, les Zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) – des secteurs de protection souples, gérés par les communes en lien avec l’Etat, la plupart du temps autour d’un monument historique – doivent être transformées en Aires de valorisation du patrimoine (AVAP). Date butoir, juillet 2015 (aujourd’hui prorogée d’un an). Cette mutation exige de nouvelles études, notamment pour prendre en compte Audition de Vincent Berjot au Sénat les exigences environnementales, dont les frais sont à la charge des collectivités. Si elles ne sont pas menées dans les délais impartis par la loi, les ZPPAUP devaient disparaître, restituant le périmètre concerné à la simple protection du monument historique, dit “des 500 mètres”. Le joker de la ‘‘cité historique’’. Dans le contexte de difficultés bud- gétaires croissantes des collectivités, on pouvait légitimement craindre une vaste régression des surfaces protégées. L’un des objectifs majeurs de la future loi patrimoines consiste à préserver les “servitudes” liées aux ZPPAUP tout en respectant leur évaporation désormais programmée. Ce qui déclenche un compte à rebours délicat exigeant d’imaginer un nouveau dispositif, peu coûteux pour les collectivités, et opérationnel avant la fin du délai pour le passage en AVAP. Un dispositif qui préservera les acquis des quelques 600 ZPPAUP en rendant impossible la pure et simple disparition du périmètre de protection (une perspective qui peut en effet tenter certaines collectivités). Vincent Berjot : « La loi relative au patrimoine mettra fin, une fois adoptée, à cette date couperet et aura pour effet de transformer automatiquement FNCC La Lettre d’Echanges n°125 - mi mai 2014 page La “cité historique” : un classement invariable dans le temps... les ZPPAUP et les AVAP en “cités historiques”. L’entrée en vigueur de cette loi doit donc intervenir rapidement. » A noter que le calendrier reste une inconnue, le texte butant pour le moment sur des questions relatives aux archives. Cités historiques PSMV ou cités historiques PLUP ? La solution imaginée consiste donc à créer une nouvelle typologie – la “cité historique” – qui englobe et efface l’ensemble des dispositifs de protection existants : les secteurs sauvegardés, ZPPAUP et AVAP. Ne subsisteront dès lors que deux types de protection à disposition des communes : soit le dispositif très contraignant du Plans de sauvegarde et de mise en valeur/PSMV (celui « offrant le plus haut niveau de protection », voir encadré page 3), soit, et c’est la nouveauté, un PLUP (Plan local d’urbanisme patrimonial) consistant à l’inclusion d’exigences liées à la préservation du patrimoine au sein même du document d’urbanisme. Ce dernier constituera dès lors la version la plus légère de protection patrimoniale mais aussi la plus instable dans la mesure où il est aisé pour une commune de réviser son PLU alors que la sortie d’une ZPPAUP s’avérait très complexe. La protection devient dès lors tributaire des choix politiques. D’où les inquiétudes des parlementaires mais aussi de certains ABF (comment donner ici des ‘‘avis’’, nécessairement dictés par une doctrine indépendante des choix politiques ?). C’est sur ce point central que Vincent Berjot a tenté de rassurer les sénateurs en expliquant que, que l’on choisisse le PSVM ou le PLUP, dans les deux cas l’obligation de protection, et donc le rôle de l’ABF, demeurent dans la mesure où il s’agit d’un périmètre dit de “cité historique” (une appellation par ailleurs qui devrait être modifiée). La servitude demeure... « Le PLUP est parfois critiqué en raison de la possibilité de le faire évoluer, que certains jugent trop aisée. De la sorte, il pourrait être remis en cause, entraînant une perte en matière patrimoniale. Nous souhaitons rappeler plusieurs éléments : le PLUP s’appliquera dans l’espace limité d’une ‘‘cité historique’’. Un maire ne peut remettre page en cause l’existence d’une cité historique, qui aura créé une servitude d’utilité publique. Ce qu’il peut remettre en cause, c’est le contenu du PLUP. Mais là, le contrôle de légalité du préfet interviendra sur le nouveau PLU au regard du fait qu’il s’applique dans une cité historique. Le préfet pourra demander au maire de revoir son PLU si ce dernier est très en deçà en matière patrimoniale. Les inquiétudes soulevées par cette question n’ont pas lieu d’être, car la délimitation de la cité historique est invariante dans le temps. » Pour une approche évolutive. Pour autant, l’at- trait du PLUP risque quand même d’affaiblir le niveau de protection. D’où cette hypothèse du sénateur Jacques Legendre, laquelle fait écho aux inquiétudes exprimées par Jean-Pierre Leleux : « Un vieil adage dit que “la mauvaise monnaie chasse la bonne”. Je ne voudrais pas qu’à l’occasion de la réforme des régimes de protection du patrimoine, les formes les plus élaborées de protection soient amenées à disparaître. Ne pourrait-on pas concevoir les procédures allégées de protection comme une première étape, tout en instaurant clairement une obligation de passer, à terme, à des formes plus élaborées ? » En somme, de démarrer avec un PLUP pour le commuer à terme en PSVM ? Réponse du directeur des patrimoines, qui approuve : « Le PLUP doit constituer un premier pas vers la prise en compte par les documents d’urbanisme non seulement des questions relatives à l’aménagement du territoire, mais également des enjeux patrimoniaux. Le PLUP peut en effet permettre d’évoluer vers un PSMV, sans pour autant que cette évolution soit imposée. » Le problème est bien sûr ici le caractère non obligatoire d’une telle évolution. Une question d’actualité. Bien d’autres mesu- res, largement plébiscitées, figurent dans le projet de loi, notamment des plans de gestion spécifiques pour les abords des sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial ou encore le renforcement du rôle des CAUE, etc. Mais la question de l’avenir de ces dispositifs de protection très particuliers que sont les ZPPAUP, La Lettre d’Echanges n°125 - mi mai 2014 FNCC Secteur sauvegardé et PSMV puisqu’ils instaurent une collaboration directe et pérenne entre le ministère et les collectivités (il existe un autre dispositif de ce type, le label Ville d’art et d’histoire), est d’une évidente actualité. Il y a un risque d’effet ciseau : d’une part, la date butoir du passage (coûteux) des ZPPAUP en AVAP se rapproche (la réalisation de études nécessaires exige du temps) alors que le calendrier de la loi tarde à se préciser – un calendrier qui doit prendre en compte le temps des discussions parlementaires (« Nous n’échapperons pas au dépôt d’amendements visant à affaiblir le régime de protection du patrimoine », précise Vincent Berjot). Puis celui de la publication des décrets. Un moment proche adviendra où les collectivités engagées dans une ZPPAUP devront choisir… Que se passerait-il si la fine solution de la “cité historique” à deux visages (PSVM/PLUP) n’était pas adoptée, ou profondément amendée, voire trop tardivement entérinée ? Autre incertitude : comment caler une loi engageant directement les collectivités territoriales avant que la réforme de la décentralisation n’ait été stabilisée ? Enfin, lors des dernières élections municipales, certaines équipes se sont engagées pour la création d’une ZPPAUP (ou AVAP). Or comment s’engager vers des dispositifs promis à disparaître dans un avenir proche ? Déjà, le vice-président de l’Association nationale des ABF avait évoqué devant les sénateurs, le 19 février, les effets néfastes de cette incertitude qui n’en finit pas de se prolonger : « Depuis 2010, je n’arrive pas à proposer aux élus un système de protection... Que dit-on aux élus ? Qu’on ne sait pas ? Que cela va peut-être changer ? On n’arrive pas à leur dire : allez-y ! » A cette difficulté, il faut en ajouter une autre : la loi relative à l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi “ALUR” (mars 2014) confie les PLU aux intercommunalités, sauf minorité de blocage. Même si, selon Vincent Berjot, « les documents patrimoniaux seront indifférents au choix opéré », il y a là l’évidence d’un frein supplémentaire… Vincent Rouillon FNCC Créés par la loi “Malraux” du 4 août 1962, les secteurs sauvegardés constituent un dispositif essentiel de préservation du patrimoine immobilier. Face au principe en vogue dans les années 60 de démolition/reconstruction, ce dispositif, établi par l’Etat (l’ABF en est le garant) et les communes, concerne un quartier, souvent le centre ancien des villes, présentant un caractère historique, esthétique ou de nature à justifier la conservation, la restauration et la mise en valeur de tout ou partie d’un ensemble d’immeubles bâtis ou non. En 2010, on décomptait plus d’une centaine de secteurs sauvegardés. Ils font la plupart du temps l’objet d’un document d’urbanisme patrimonial particulier – le Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV), qui intègre les dimensions urbaines, sociales, économiques, fonctionnelles, patrimoniales. Selon Vincent Berjot, seulement 80 d’entre eux sont dotés d’un PSMV. Particularité du secteur sauvegardé : un document “fin” qui analyse le patrimoine immeuble après immeuble afin d’en fixer l’évolution souhaitée : la protection, l’évolution possible ou le remplacement nécessaire. C’est à la fois un instrument de connaissance du tissu urbain, une proposition d’évolution de la ville et un guide pour la restauration et la mise en valeur du patrimoine urbain. Il s’agit du document d’urbanisme patrimonial le plus élaboré dans le droit français (c’est aussi une exception au niveau mondial). Le maire préside la Commission locale du secteur sauvegardé. ZPPAUP (AVAP) Créées en 1983, les Zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) se substituent aux périmètres de protection de 500m autour des monuments historiques. Plus souples que les PSMV, elles permettent aux communes de jouer un rôle actif dans la gestion de leur patrimoine. L’adoption d’une ZPPAUP lie la collectivité et l’Etat et rapproche l’ABF de ses partenaires locaux. Elle conjongue protection et évolution. La ZPPAUP constitue une servitude d’utilité publique qui s’impose au PLU. Les travaux y sont soumis à autorisation spéciale après avis de l’ABF. En contrepartie, elle permet aux propriétaires de bénéficier d’une défiscalisation de certains travaux extérieurs. L’une des forces des ZPPAUP est leur capacité à s’intégrer dans un projet global de développement urbain économique, social et culturel. Source : Association nationale Il existe aujourd’hui environ 600 ZPPAUP. Jusqu’à villes et pays d’art présent, il s’en créait une trentaine chaque année. et d’histoire La Lettre d’Echanges n°125 - mi mai 2014 page