Février - dojo zen de Mulhouse

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Février - dojo zen de Mulhouse
Claude Émon Cannizzo
Dojo de Mulhouse - samedi 7 février 2009
Pendant zazen, ramenez constamment votre attention sur la posture du corps et sur
votre respiration. Basculez bien le bassin en avant, étirez la colonne vertébrale, la
nuque, étirez bien tout votre corps entre le ciel et la terre. Relâchez les épaules,
détendez le ventre, et au lieu de suivre vos pensées, suivez simplement le
mouvement de l'inspire et de l’expire…
En ramenant constamment l’attention sur la posture, le corps et l’esprit retrouvent
leur unité. Ne vous laissez pas entraîner par vos pensées : si vous restez vigilant à
votre posture et à votre respiration, les pensées naturellement retournent d’où elles
viennent. Lorsqu’une pensée apparaît, expirez profondément et laissez-là disparaître.
Pratiquer zazen, c’est prendre conscience à chaque instant du laisser passer des
pensées. Lorsque les pensées disparaissent, l’état de non pensée se manifeste :
l’esprit est complètement vacant. Mais tout de suite après, une nouvelle pensée
apparaît, de nouvelles sensations, de nouvelles émotions, de nouvelles images
surgissent... les pensées réapparaissent de cet état de vacuité. Et si vous revenez à
votre pensée, cette nouvelle pensée disparaît, elle aussi... Ainsi vous allez de pensée
en non pensée, de non pensée en pensée, cet état de va et vient s’appelle : la
conscience hishiryo, la conscience qui ne demeure ni sur la pensée, ni sur la vacuité.
On embrasse alors complètement ces deux états, on se situe au-delà de
l’attachement aux phénomènes et au non pensé. La conscience hishiryo, c’est l’esprit
vaste de Bouddha qui englobe tout : toutes les polarités de notre dualité, de nos
conflits ; dans cet état il n’y a ni choix, ni jugement. Lorsque notre esprit fonctionne
sur ce mode, il peut retrouver son entière liberté ! Sortir des coagulations mentales,
devenir intime avec la réalité de chaque instant, se rendre compte que rien ne
demeure « en l’état », que tout ne fait qu’apparaître et disparaître, à chaque instant.
Lorsque l’on pratique avec cet état d’hishiryo, la conscience de cette pratique devient
elle-même éveil et libération. On comprend bien à ce moment là que cet état n’est
pas le bout d’un chemin qu’on aurait pu imaginer, mais que c’est la pratique ellemême d’instant en instant.
Ne voyez pas la pratique du zen, la pratique de zazen, comme devant à terme vous
permettre de réaliser quelque chose : la réalisation de zazen c’est ici et maintenant,
c’est réaliser la conscience d’hishiryo instant par instant : les pensées apparaissent,
disparaissent, comme tous les phénomènes de cette vie. Pratiquer zazen c’est juste
réaliser cela ici et maintenant, par la pratique, la concentration juste, sur le corps, la
posture la respiration, l’état d’esprit… Maître Dogen disait : « zazen est le satori ». Ça
ne sert à rien de chercher, soyez simplement présent, réalisez cet éveil à chaque
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instant : de pensée en non pensée, de non pensée en pensée. Il n’y a là rien
d’extraordinaire, tout le monde peut réaliser cela. Il suffit de sortir de cette illusion
qui est de vouloir obtenir quelque chose.
Claude Émon Cannizzo
Dojo de Mulhouse - samedi 14 février 2009
Pendant zazen il est important de réaliser l’harmonie entre la posture, la respiration
et l’état d’esprit.
La posture n’est ni trop tendue, ni trop relâchée, faites en sorte que le plexus solaire
soit bien détendu, le ventre relâché de manière à bien pouvoir exprimer l'inspire et
l’expire. Afin que les deux s’approfondissent, inspirez profondément sans forcer, et
laissez-vous expirer, profondément, sans forcer. Concentré ainsi, l’esprit ne demeure
sur rien, l’esprit devient fluide : on est pleinement conscient de ce qui se passe à
chaque instant, on ne s’attache à rien, et on abandonne également toute intention
de rejeter quoi que ce soit. On se contente de voir, et de laisser passer. Dans la
posture on ne bouge pas : on ne se laisse pas mettre en mouvement par nos
impulsions, nos désirs, mais on ne va pas non plus bloquer nos sensations, nos
émotions en prenant une posture rigide. La posture doit rester souple : laissez la
respiration s’approfondir, ne faites pas d’effort particulier pour qu’elle s’allonge. La
respiration s’approfondit naturellement par la détente même de la posture, et
surtout parce qu’on cesse de s’accrocher à nos pensées. Alors le mental se calme, et
la respiration peut s’approfondir. Il est important de comprendre que la posture, la
respiration et l’état d’esprit sont totalement interdépendants : ce qui permet à la
posture d’être détendue, à la respiration de s’approfondir et à l’esprit de retrouver
toute sa fluidité. Pratiquez zazen sans poursuivre quoi que ce soit comme objet,
pratiquer zazen avec un esprit de non profit, un esprit mushotoku ! Maitre Deshimaru
disait toujours : « en zazen on s’assoit et on abandonne toute intention ». On cesse de
poursuivre nos désirs habituels, mais il est important aussi de ne pas créer de
nouveaux désirs, de désirs spirituels… Si l’on devient avide d’illumination, de satori,
alors le pouvoir libérateur de zazen disparait. On n’utilise pas zazen, car si l’on
cherche à utiliser zazen, celui-ci ne sert plus à rien ! En voulant utiliser zazen pour
satisfaire nos désirs, notre égoïsme, on le rend complètement inutile, on passe à côté
de la véritable dimension de zazen. Ce qui ne veut bien sûr pas dire que zazen soit
sans effet, ou sans mérite, au contraire, mais nous ne devons pas limiter ses effets à
cause de notre avidité, à cause de nos idées préconçues sur ce à quoi devrait aboutir
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zazen. Lorsque l’on vient pratiquer zazen, notre seul but devrait être de faire zazen,
d’être totalement absorbé dans la pratique, à chaque instant. Se mettre soi même au
service de zazen, et surtout ne pas se servir de zazen. Dès l’instant où l’on se
concentre totalement sur la pratique, en abandonnant tout esprit d’acquisition, en
faisant zazen pour zazen, notre esprit devient totalement l’instant. Si nous appliquons
ce même esprit à toutes les actions de notre vie quotidienne, alors même balayer,
faire la vaisselle ou éplucher des légumes, deviennent une profonde méditation, car
on s’oublie complètement soi-même dans l’action. Si l’avidité, le profit portent
l’action, alors cette activité devient tout à fait ordinaire. Nous devons toujours
observer avec quelle disposition d’esprit nous agissons : qu’est-ce qui nous mène à
l’action, au faire ou au non faire ?... C’est pareil dans notre vie professionnelle :
lorsque vous vous abandonnez complètement à votre travail quotidien, sans avoir
peur de perdre ou de louper, nous pouvons expérimenter la véritable liberté !
Devenir complètement libre, car sans peur l’esprit est libre ! Dans les arts martiaux,
c’est ce même esprit libre et sans réflexion qui permet à l’action d’être spontanée. Et
c’est cette spontanéité qui permettait aux samouraïs de sauver leur peau : un sabre
ne pardonne pas le temps de la réflexion...
Soyons vigilant comme un escrimeur, totalement présent ici et maintenant,
disponible à tout ce qui se présente. Ne laissez pas vos pensées ralentir votre vie, ne
pensez pas votre vie, vivez là !
Claude Émon Cannizzo
Dojo de Mulhouse - mercredi 18 février 2009
Pendant zazen restez toujours dans la vigilance. Ne sombrez pas dans le superficiel !
Ne vous laissez pas emporter par vos pensées, en d’autres termes, ne restez pas sur
ce qui vous semble être acquis. L’acquis est une manœuvre du mental, plus
précisément, c’est la sensation de l’acquis qui est une manœuvre du mental. On a
l’impression de pouvoir passer à autre chose et totalement négliger ce qui est acquis.
Une fois que les bases de notre pratique sont posées, lorsque l’esprit du débutant
n’est plus, lorsqu’on a la prétention d’être un ancien, donc qu’on a acquis, on risque
fortement de tomber dans la négligence, que ce soit dans la posture, dans la
respiration et dans l’état d’esprit. On se prend pour « un vieux routard »… tout juste
si on ne se dit pas qu’on n’a plus besoin de pratiquer zazen comme ceux qui
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apparemment on atteint l’éveil, et de fait retombent dans les manœuvres du mental.
Ce qui nous est apparemment acquis, n’est pas forcément nourricier. Je fais là un
parallèle avec la médecine orientale, nous avons dès notre naissance-même un peu
avant déjà, un potentiel d’énergie de vie que l’on appelle l’énergie innée et qui nous
est transmis par nos parents. Une fois venu au monde, lorsque nous devons subvenir
à nos besoins en énergie existentielle, comme manger, dormir, se reposer, c’est nous
même qui devenons responsables d’une partie d’énergie qu’on appelle acquise.
Celle-ci à ce moment là permet à l’inné de ne pas s’user trop vite. Donc, mieux nous
mangeons, plus nous nous reposons, dormons, plus nous bougeons notre corps afin
de le garder fort, vigilant, souple, flexible… moins nous puisons dans l’énergie innée.
Mais là où je veux en venir c’est que cet acquis, cette nourriture que nous devrions
respecter, nous la négligeons : nous mangeons bien souvent n’importe quoi, nous ne
dormons bien souvent pas assez, nous ne nous reposons pas correctement, etc. Nous
n’accordons plus la véritable valeur à nos actes ! Alors quel est le parallèle avec
zazen ? C’est tellement acquis que même en pratiquant zazen on ne pratique pas
zazen… On a la forme, mais elle est vide : non pas vide comme l’on parle dans
l’enseignement du zen, sans ego, mais vide de profondeur, de vécu, de vigilance... A
différents moments de notre pratique nous sommes tous logés à la même enseigne,
tout le monde. Et c’est pour cela qu’il est important de ne pas perdre la vigilance :
toujours et encore observer la posture, la respiration, et l’état d’esprit. Car à
n’importe quel moment cela peut échapper à notre vigilance. Alors, de même que
manger peut ne pas être nourrissant, pratiquer zazen peut ne pas être zazen ! Il serait
dommage de se leurrer dans notre pratique. Et cela concerne principalement ces
anciens, souvent bien plus anciens que nous encore. Maître Deshimaru disait très
souvent : « gardez l’esprit du débutant !» Ayons cette humilité, à chaque fois que
nous posons notre pied gauche dans le dojo, de redevenir comme la première fois
dans le dojo. Et de s’asseoir, comme la première fois, toujours comme la première
fois : chaque zazen est le premier zazen. Il est très important d’avoir cet état d’esprit,
toujours et encore ! Cela évite plein d’impasses, la lassitude, l’ennui, des réflexions…
Savoir recevoir de zazen cette nourriture comme le nouveau né reçoit la première
fois le sein de sa mère : c’est toujours une nouvelle nourriture, car l’enfant ne connaît
pas l’acquis. Alors pratiquons en nous rappelant que rien n’est acquis.
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Claude Émon Cannizzo
Dojo de Mulhouse - jeudi 19 février 2009
L’essentiel pendant zazen c’est d’être pénétré par le silence. Il ne s’agit pas bien sûr
du silence par rapport au bruit, mais du silence de nos pensées. Lorsque le corps, la
respiration et l’état d’esprit sont totalement harmonisés, même le bruit de ce moteur
qui tourne fait partie de ce silence, ce qui veut dire que l’esprit ne s’attache à rien.
Lorsque cet esprit qui ne s’attache à rien est, alors c’est l’expression de notre
véritable nature. Les distorsions sont l’expression de nos pensées, ces distorsions
sont la lutte incessante qui vient entre la quête du juste ou le refus du faux. Car
comme le dit maître Sôzan : « la lutte entre le juste et le faux mène à la maladie de
l’esprit.» Car jamais rien n’est juste, et jamais rien n’est faux, totalement ! Un peu
comme si vous vouliez donner l’heure exacte : c’est impossible… Alors accepter
l’impermanence c’est faire l’expérience de la véritable liberté, être pleinement
conscient du mouvement éternel peut nous mener au non-attachement. Laisser
tourner la roue de la vie sans vouloir l’agripper, sans vouloir l’arrêter, ni la figer selon
nos désirs, nos envies, nos illusions. Pratiquer zazen c’est cette expérience là : suivre
les respirations qui se succèdent en étant complètement dans l’inspire quand on
inspire, dans l’expire lorsqu’on expire et laisser passer tout ce qui surgit pour que le
véritable silence puisse prendre sa place, le silence de notre mental, apaisé par
l’abandon de toute quête, de toute attente, de tout désir, et ainsi se rendre
disponible à tout être, à tout avoir et cela ici et maintenant.
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