Impôt des non-résidents (personnes physiques) - La
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Impôt des non-résidents (personnes physiques) - La
27 janvier 2014 Impôt des non-résidents (personnes physiques) - La déductibilité des rentes alimentaires versées par des contribuables non-résidents, à des contribuables non-résidents Laurence Debart et Mathieu Taverne, Deloitte Belgium, Global Employer Services Publié dans : Lettre d'Info Actualités Fiscales n° 3, 27.01.2014, Kluwer Modifié lors de l’adoption, en décembre 2012, du troisième volet des mesures budgétaires, le nouveau texte de l’article 242, § 1er, CIR92 (tel que remplacé par l'art. 66 de la loi du 13 décembre 2012 portant des dispositions fiscales et financières – MB 20 décembre 2012) permet désormais à certains débirentiers non-résidents de déduire les rentes alimentaires qu’ils paient, sous les mêmes conditions que les résidents, et ce même lorsque les bénéficiaires sont également non-résidents. Après une première «saison» d’application, la mise en pratique de la nouvelle mouture de l’article 242 CIR92 lors de cet exercice d’imposition 2013 nous donne l’occasion de faire le point sur sa portée exacte. La catégorisation traditionnelle des contribuables non-résidents personnes physiques La possibilité de déduire certaines dépenses à l’impôt des non-résidents repose sur la distinction entre, d’une part, les non-résidents qui ont un foyer d’habitation en Belgique et les non-résidents qui peuvent être assimilés à ceux qui ont un tel foyer, et d’autre part, les non-résidents dits ‘ordinaires’. Alors que les premiers se voient octroyer le droit de déduire certaines dépenses exposées, les seconds se le voient refuser. Pour bénéficier des déductibilités des dépenses visées à l’article 104 CIR92, il faut ainsi avoir maintenu un foyer d’habitation en Belgique pendant toute la période imposable (à savoir du 1er janvier au 31 décembre de l’année de revenus) ou bénéficier de la règle dite d’assimilation - la bien nommée «règle des 75%» - et donc avoir recueilli en Belgique au moins 75% de ses revenus professionnels belges et étrangers. Par exception, même lorsqu’ils ne remplissent aucun de ces deux critères, les résidents des Etats avec lesquels la Belgique a conclu une convention comprenant une clause de non-discrimination (France, PaysBas et Luxembourg) ont droit aux déductions, mais celles-ci sont limitées en proportion de leurs revenus professionnels de source belge par rapport à leurs revenus professionnels totaux. Rapide chronologie Jusqu’à l’exercice d’imposition 2012, alors que les autres déductions étaient - et sont toujours uniquement subordonnées à la condition que le non-résident qui revendique la déductibilité dispose d’un foyer d’habitation ou remplisse le critère de «la règle des 75%», les versements d’une rente alimentaire par un non-résident ne pouvaient quant à eux ouvrir un droit à déduction que si, en outre, le bénéficiaire de ceux-ci était résident belge. Aucun non-résident belge ne pouvait donc prétendre à la déductibilité en Belgique de 80 % des rentes alimentaires versées si le bénéficiaire n’était pas lui-même résident belge. Cette condition semblait justifiée au regard de l’argument de la cohérence du régime fiscal belge : la déductibilité n’était accordée au débirentier que si la rente pouvait être imposée dans le chef du bénéficiaire. Or, le débirentier recueillant la grande majorité - voire l’intégralité - de ses revenus en Belgique, il ne pouvait le plus souvent pas bénéficier non plus d’une quelconque déductibilité de la rente dans son pays de résidence. En effet, même si le débirentier remplissait les conditions de déductibilité dans ce pays, il était généralement privé d’une déductibilité effective par manque de base imposable. La condition de résidence du bénéficiaire de la rente alimentaire provoquait donc une différence de traitement qui ne se justifiait pas à l’égard des non-résidents dont les revenus proviennent exclusivement ou presque exclusivement de Belgique (voy. l’Exposé des Motifs, DOC 53 2458/001 du 22 octobre 2012, Commission de la Chambre, 2012-2013, art. 65, faisant directement référence à l'arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne dans l'affaire Schumacker). Sous la pression de la Commission européenne, le gouvernement a par conséquent étendu la déductibilité des rentes versées à des non-résidents lorsque le débirentier perçoit en Belgique au moins 75% de ses revenus professionnels mondiaux; mais, à cette catégorie-là de non-résidents uniquement. Déduction des rentes alimentaires et règle des 75% Alors que le projet de loi initial prévoyait la suppression pure et simple de la condition de résidence belge du bénéficiaire pour accorder la déductibilité au débirentier non-résident, le gouvernement a revu sa copie et a préféré créer deux alinéas traitant distinctement les non-résidents avec foyer d’habitation et ceux remplissant la règle des 75%: «§ 1er. Lorsque le contribuable a obtenu ou recueilli des revenus professionnels imposables en Belgique qui s’élèvent au moins à 75 p.c. de l’ensemble de ses revenus professionnels obtenus ou recueillis pendant la période imposable de source belge et étrangère, les dépenses visées à l’article 104 sont déductibles du montant total des revenus net visés à l’article 232. Lorsque le contribuable qui ne satisfait pas à la condition de revenus visée à l’alinéa 1er, a maintenu un foyer d’habitation en Belgique durant toute la période imposable, les dépenses visées à l’article 104, à l’exception des rentes alimentaires visées à l’article 104, 1° et 2°, lorsque le bénéficiaire de la rente n’est pas un habitant du Royaume, sont déductibles du montant total des revenus nets visés à l’article 232.» À l’évidence, cette distinction a pour objectif d’empêcher les non-résidents de déduire le versement de rentes alimentaires versées à des non-résidents (et qui échappent donc à toute imposition en Belgique) lorsque, bien qu’ils disposent d’un foyer d’habitation en Belgique, ils n’y recueillent cependant pas une grande majorité de leurs revenus professionnels. Modification du formulaire de déclaration Le formulaire de la déclaration à l’impôt des non-résidents a été adapté en conséquence et l’Administration en a commenté les nouveautés dans sa circulaire du 25 octobre dernier (Ci.RH.82/630.002, AGFisc 42/2013, dd. 25 octobre 2013). Tout d’abord, elle souligne qu’il est évidemment devenu impropre de parler de non-habitants du Royaume «assimilés aux non-habitants du Royaume avec foyer d'habitation en Belgique» et qu’il faut dorénavant parler de non-habitants du Royaume «qui a recueilli des revenus professionnels imposables en Belgique s'élevant au moins à 75 p.c. du total de ses revenus professionnels». Puisqu’il y a désormais une distinction à faire, la rubrique relative aux rentes alimentaires déductibles en vertu de l'art. 242, CIR92 (cadre VIII du formulaire) a également été scindée en deux. Mais, outre ces commentaires sur les changements du formulaire, l’administration précise surtout que les non-résidents qui ont un foyer d’habitation (et qui appartiennent donc à la première catégorie), mais qui satisfont aussi à la règle des 75%, sont dorénavant invités à cocher également la case correspondant à la 2ème catégorie, à défaut de quoi ils se verraient privés du droit à la déduction des rentes alimentaires payées à des non-résidents. Impact sur le régime spécial d’imposition pour cadres et chercheurs étrangers Ce régime, en vigueur depuis presque trente ans (Circulaire n° Ci.RH.624/325.294 du 8 août 1983), est destiné à attirer les entreprises à dimension internationale en Belgique en leur offrant un régime fiscal avantageux pour l’embauche ou l’occupation du personnel hautement qualifié venant de l’étranger. Lorsque son application est acceptée par l’Administration, ce statut spécial crée une fiction de non résidence pour le travailleur concerné, qui s’applique même lorsque le travailleur se domicilie en Belgique et y installe sa famille. C’est la nature en principe temporaire du séjour en Belgique qui justifie cette fiction, et l’Administration contrôle ce critère à l’examen d’une balance des intérêts personnels et économiques qui doit globalement continuer à pencher vers le pays d’origine. Comme garder des liens avec son pays d’origine ne signifie pas forcément qu’on y conserve une résidence en vertu des dispositions applicables dans l’État concerné, il arrive souvent que les travailleurs bénéficiant du régime spécial d’imposition deviennent des ‘apatrides fiscaux’, bénéficiant d’une situation où, le plus souvent, aucun État ne peut plus réclamer le pouvoir d’imposer les revenus mondiaux. Dans le système établi par la circulaire de 1983, la rémunération imposable est notamment réduite d’un pourcentage représentant les déplacements professionnels effectués à l’étranger sur la période imposable, et l’exemption de revenus correspondante à ce pourcentage doit être documentée afin de pouvoir justifier chaque déplacement. C’est, dans cette situation précise que l’impact du nouvel article 242 CIR92 se mesure le mieux: un nonrésident avec un foyer d’habitation en Belgique ne pourra pas déduire les rentes alimentaires qu’il verse à un bénéficiaire non-résident s’il est amené à voyager à l’étranger plus de 25% de son temps de travail, puisqu’il ne respecterait alors plus la règle des 75%; or, s’il est apatride fiscal, il n’aura par ailleurs certainement pas la possibilité de déduire ces rentes dans un autre Etat. Conclusion On peut se réjouir que le gouvernement gomme une différence de traitement entre les résidents et les non-résidents qui recueillent exclusivement ou presque exclusivement des revenus de source belge. Il faut cependant déplorer que cette nouvelle distinction complique encore un peu plus le régime fiscal des personnes physiques non-résidentes en Belgique. Ce constat fait d’ailleurs écho à la recommandation formulée par le Conseil supérieur des Finances dans son récent avis relatif au régime fiscal des rentes alimentaires (Rapport de mars 2013 du Conseil supérieur des Finances, Section «Fiscalité et parafiscalité»), dans lequel le Conseil propose de supprimer purement et simplement tant l’imposition que la déductibilité des rentes alimentaires. Une telle simplification pour le moins radicale de la matière aboutirait sans aucun doute à une économie de temps pour l’Administration fiscale, et le traitement de la déclaration des contribuables non-résidents s’en trouverait amélioré. Quant à la situation spécifique des non-résidents bénéficiant du régime spécial d’imposition - régime dont le contrôle par l’Administration a déjà été fortement renforcé au cours des dernières années, les conséquences du nouveau texte de l’article 242, § 1er, CIR92 prennent une dimension particulière pour les contribuables n’ayant pas maintenu une résidence fiscale en dehors de la Belgique : ceux-ci se retrouvent ainsi dans une situation où toute déductibilité leur est refusée sous prétexte que leurs fonctions les ont amenés à se déplacer plus de 25% de leur temps de travail hors de Belgique. A n'en pas douter, ce changement en annonce d'autres, principalement orientés par la jurisprudence européenne.