une semaine sainte pour « voir le seigneur
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une semaine sainte pour « voir le seigneur
2016 UNE SEMAINE SAINTE POUR « VOIR LE SEIGNEUR » ADP 597-603 LXX. – Zamora 597 Ce sont les processions du vendredi saint qui nous attiraient à Zamora. Elles rivalisent d’importance avec celles de Séville, et elles sont plus pieuses. Zamora est d’ailleurs une vieille ville intéressante située sur une colline rocheuse dominant le Duero. C’était jadis une forteresse de la frontière. Elle est souvent mentionnée dans les chroniques des guerres contre les Maures. Elle est riche en souvenirs du Cid. Sa petite cathédrale romane du XIIe siècle a une lanterne ou coupole dans le genre des églises bénédictines des grands ordres de Cluny et de Citeaux. 598 Le dimanche des Rameaux, Zamora a la procession populaire du Borriquete. On y porte un seul groupe (paso) qui représente l’entrée triomphante de Jésus à Jérusalem. Le Sauveur est monté sur une ânesse suivie de son ânon. Quatre figures représentent des gens du peuple portant des palmes ou étendant leurs manteaux. La procession du jeudi saint est beaucoup plus importante. Elle a six groupes : la sainte Cène, la prière au jardin, la flagellation, la sainte Croix, le Sauveur, la Vierge douloureuse. Je n’ai assisté qu’aux processions du vendredi. Elles remplissent presque toute la journée. À deux heures du matin, résonnent déjà le clairon et le tambour pour appeler la Confrérie de Jésus de Nazareth. Cette confrérie est chargée de la procession de l’agonie. Ses membres nombreux portent la tunique et le chaperon noirs ; la plupart marchent nu-pieds en signe de pénitence. À cinq heures du matin, après le sermon, la procession sort de l’église Saint-Jean, dans l’ordre suivant : 599 1° Jésus portant sa croix. Dans ce groupe, le Rédempteur est accompagné de trois soldats romains et d’un bourreau. 2° La chute. Ce groupe représente le moment où le Sauveur se tourne vers les saintes femmes qui le suivent en pleurant, et leur annonce la destruction de Jérusalem, en leur disant : «Ne pleurez pas sur moi, mais sur vous et vos enfants». Un bourreau qui va en avant, tire la corde attachée au cou du Sauveur ; la Vierge angoissée regarde son Fils. Saint Jean la secourt ; d’autres bourreaux et un enfant qui porte une corbeille avec des clous et des marteaux, complètent ce groupe. C’est une belle œuvre du sculpteur Álvarez qui s’est inspiré du fameux Spasme de Sicile, de Raphaël, au musée du Prado. 3° La Véronique. Figure artistique, œuvre du même Álvarez, don du commerce de Zamora. La Véronique porte l’image de la sainte face du Rédempteur. 4° Jésus dépouillé de ses vêtements. C’est un groupe ancien qui représente Jésus dépouillé de sa tunique par deux bourreaux. 2016 5° La crucifixion. Œuvre moderne de Don Álvarez : les mêmes personnages que dans le paso de la chute. Le Christ est cloué à la croix. 6° Elévation de la croix. Beau groupe moderne. Quatre bourreaux ou sayónes élèvent la croix : la Vierge Marie, sainte Madeleine et saint Jean sont en larmes. 7° L’agonie. Le Sauveur suspendu à la croix prononce le Consummatum est ; les saintes femmes, au pied de la croix, dans l’expression de la plus grande douleur, contemplent un si triste spectacle. 600 Dans tous ces groupes, les personnages sont de grandeur naturelle, et même un peu plus. Chaque groupe forme un ensemble fixé sur une table que des confrères portent sur les épaules, en se remplaçant successivement. Ces tables sont garnies de tentures qui tombent jusqu’à terre. L’ensemble a un grand aspect. Les tambours et clairons sonnent aux champs. Plusieurs sociétés de musique jouent alternativement des morceaux de circonstance. Les grandes lignes de confrères au noir costume ont un aspect funèbre. Une population immense suit la procession. Beaucoup de campagnards au costume pittoresque sont venus de pied, pendant la nuit, ou arrivent par les trains du matin. 601 Pendant que cette longue procession s’avance à travers les rues, une autre, composée surtout de femmes, porte par d’autres rues le groupe de la Mère de douleurs. Les deux processions se rencontrent hors de la ville près d’un grand Calvaire. On représente ainsi la rencontre de Marie avec son Fils bien-aimé, au chemin du Calvaire. Il y a là une cérémonie bien touchante et qui arrache des larmes à toute l’assistance. Les porteurs font en sorte que les statues du Sauveur et de la Vierge douloureuse, s’inclinent trois fois l’une vers l’autre; et en même temps toute l’immense population qui est là, fait pieusement trois génuflexions. La foi naïve de ces populations est profondément édifiante. Elle contraste avec le caractère un peu théâtral que l’affluence des touristes a donné aux processions de Séville. 602 La procession de l’après-midi est plus solennelle encore. L’évêque avec son clergé, les magistrats et les officiers y assistent. Après le sermon sur les sept paroles de Jésus en croix, la procession sort de l’église de Sainte-Claire. On appelle cette cérémonie le saint enterrement (el Santo Entierro). Voici l’ordre du défilé. 1° Un piquet de la garde civile. 2° Le traditionnel Barandal: c’est un bedeau dont la robe noire porte une grande croix rouge et qui agite une sonnette de chaque main. 3° Les croix paroissiales, avec des groupes d’enfants de chœur. 4° La Madeleine, une belle statue artistique, d’un grand effet avec une robe de velours violet. 2016 5° Le Calvaire au Longin. Dans ce groupe, Jésus cloué sur la croix entre les deux larrons, reçoit le cruel coup de lance, que lui porte le centurion Longin. La sainte Vierge, la Madeleine, et Marie Salomé, saisies d’horreur, cherchent à parer le coup. 6° La descente de croix. Nicodème et Joseph d’Arimathie, montés sur des échelles qui s’appuient sur la croix, descendent le corps de Jésus, que saint Jean et les saintes femmes reçoivent dans leurs bras. Ce Paso et le précédent comptent parmi les meilleures couvres de don Álvarez. 7° Jésus descendu de la croix. Ce beau groupe est l’œuvre du grand sculpteur valencien Mariano Benlliure. La Vierge Marie, plongée dans la plus grande angoisse, soutient dans ses bras le corps inanimé de son Fils. Saint Jean, Nicodème et Joseph d’Arimathie le contemplent avec douleur; Madeleine et les saintes femmes embrassent ses pieds et ses mains. 8° Le sépulcre. Le Sauveur est porté dans un riche cercueil. La face découverte est l’œuvre du sculpteur zamorin Don Gutiérrez. 9° La Mère de douleur. Cette image précieuse est vêtue d’une tunique noire, brodée d’or et d’un manteau de soie également brodé. La procession est présidée par Monseigneur l’évêque. Il est suivi du chapitre, du séminaire, des confrères du Saint Enterrement, vêtus de beaux costumes en velours noir, de toutes les confréries de la ville, et des autorités civiles et militaires. Le cortège est fermé par la garnison de la ville. Le général en grande tenue se tient auprès de l’évêque. 603 Cette procession est à peine finie que la troisième commence. Elle part de l’église Saint-Vincent, après le sermon sur la Compassion de Marie. Elle est dirigée par la confrérie de Notre-Dame des douleurs. Elle n’a que trois pasos. 1° La statue de saint Vincent Ferrier, pour rappeler que c’est ce grand saint qui a institué cette procession, lorsqu’il prêchait une mission à Zamora en 1410. 2° Notre Dame des Angoisses, Marie tenant son Fils sur son sein: belle sculpture de Don Álvarez avec un riche manteau de velours et d’or. 3° La Vierge des glaives, Notre Dame des sept douleurs. La procession parcourt la ville au milieu d’un grand recueillement. Nulle part, peut-être, les grands souvenirs du vendredi saint ne sont honorés avec autant de pompe et de piété. Le soir, méprisant la fatigue nous reprenions le train pour arriver le samedi soir à Compostelle.