Le grainage des blancs en neige

Transcription

Le grainage des blancs en neige
Séminaire de gastronomie moléculaire
Janvier 2013
Thème :
Le grainage des blancs en neige
1. Introduction :
Les séminaires de gastronomie moléculaire sont des rencontres où nous discutons et testons des
« précisions culinaires »1 ; ils ont une fonction de formation, et, depuis octobre 2013, à la demande
des participants, ils doivent aussi contribuer à l'acclimatation de la « cuisine note à note ».
Le plus souvent, ils ont lieu le 3e lundi du mois (sauf juillet et août), de 16 à 18 heures, à l'École
supérieure de cuisine française de la Chambre de commerce de Paris (merci à nos amis de l'ESCF,
et tout particulièrement à Bruno de Monte, le directeur du Centre Ferrandi, et à Christian Foucher et
Nicolas Denizard, qui nous accueillent).
L'entrée est libre, mais il est préférable de s'inscrire à [email protected]. On peut venir
quand on veut/peut, sans formalité particulière. C'est évidemment gratuit, puisque fondé sur le
travail de tous les participants et animé par un agent de l'Etat.
2. Points divers
•
Odile Renaudin fait le point sur le Deuxième Concours de Cuisine Note à Note (voir
document d'annonce en fin de compte rendu.
On discute la simplicité (voulue) de l'entreprise (au minimum, on pourrait se contenter de verser
une quantité sélectionnée de la solution (fournie) de méthional dans une préparation culinaire
classique), et l'on observe toutefois que les gagnants feront probablement quelque chose de plus
élaboré qu'un tel acte. Par exemple, on pourrait imaginer un candidat qui, utilisant l'huile qui dissout
le méthional, en ferait une émulsion qui serait ensuite coagulée par coagulation, ou bien un candidat
qui en ferait une mousse, colorée de surcroît. Bref, ne pas hésiter à s'inscrire pour recevoir
(gratuitement) l'échantillon de méthional.
•
On signale la parution du livre « Science culinaire », aux éditions Belin.
1 On rappelle que l'on nomme « précisions culinaires » des apports techniques qui ne sont pas des « définitions ».
Cette catégorie regroupe ainsi : trucs, astuces, tours de main, dictons, on dit, proverbes, maximes...
•
On annonce le Cours de gastronomie moléculaire, pour les 2 et 3 juin 2014. Le thème retenu
est : « Si vous aimez cuisiner, vous aimez nécessairement la chimie ». Les cours seront donnés par
un groupe de spécialistes français parmi les meilleurs, qui considéreront des exemples importants
pemettant de mieux comprendre les transformations culinaires. Ils seront donnés à l'AgroParisTech,
16 rue Claude Bernard, à Paris.
On rappelle que ces cours sont publics, gratuits, non diplômants.
L'inscription se fait en ligne à http://www.agroparistech.fr/Inscription-aux-cours-de.html
•
Les participants sont informés du développement de la cuisine note à note :
- formation de chefs alsaciens à Strasbourg
- programme transversal en construction pour AgroParisTech
- programmes européens en cours de construction, avec de la cuisine note à note au cœur du
programme.
•
L'Institut des Hautes Etudes du Goût, de la Gastronomie et des Arts de la Table
(http://www.heg-gastronomy.com/fr/ ) entre dans sa dixième année. Des manifestations sont
prévues à Reims, en octobre 2014.
3. Choix du thème du mois prochain :
Plusieurs thèmes possibles sont discutés :
– selon Madame Saint Ange, à propos de salmis, p. 618 : « L’oiseau ne doit plus être que tiède au
moment d’être découpé : s'il est découpé au sortir du rôtissage, tout son jus s'échappera des chairs ».
Est-ce vrai ? Pourquoi ?
– on dit que l’on augmente le croustillant d’un confit en le laissant une nuit avec du gros sel ; est-
ce vrai ?
– dans 760 recettes de cuisine pratique, par les Dames Patronnesses de l’Oeuvre du Vêtement de
Grammont, Grammont, sans date, p. 36 : « Ne laissez jamais rebouillir une sauce dans laquelle vous
avez mis du vin ou des liqueurs » ; quel serait l'effet ?
– du jaune d'oeuf dans le blanc d'oeuf gêne-t-il la montée en neige ? Et de l'huile ?
– quand on coupe les carottes en biseau, ont-elles vraiment plus de goût qu'en rondelles ?
– les jaunes d'oeufs froids font-il durcir la masse chocolat et beurre, dans la préparation d'une
mousse au chocolat ?
– le grainage des blancs d'oeufs dépend-il de la vitesse de battage ?
– les veloutés faits avec des roux cuit longuement diffèrent-ils de ceux qui sont faits à partir de
roux cuits peu de temps ?
– Le lait chauffé à la casserole et au micro-onde a un goût différent
– l'importance de la crème de tartre sur la cuisson des sucres
– Du cuivre attendrirait les poulpes
Les participants du séminaire votent pour la précision suivante :
Un bouillon de boeuf fait avec des gros morceaux donne-t-il un résultat différent d'un bouillon avec
de petits morceaux ? La présence des os dans les bouillons modifie-t-elle le goût ?
4. Le thème du mois :
La vitesse de battage des blancs d'oeufs influe-t-elle sur le grainage éventuel ? La présence de
jaune d'oeuf dans un blanc prévient-il la montée des blancs en neige ?
Dans ce séminaire, nous enchaînons les expériences :
1. Dans un robot Electrolux, nous battons du blanc d'oeuf pasteurisé (Ovipac, 203,5 g), à pleine
vitesse (10).
Après 1 min 43, pas de grainage
Après 4 min 11 : pas de grainage
Après 6 min 16 : la mousse a perdu environ 1/3 de son volume, très faible début de grainage, mais
seulement sur les bords supérieurs, où l'on voit une mousse très légère.
Après 10 min, toujours pas de grainage !
On se demande alors si c'est la pasteurisation des œufs, ou la vitesse relativement modérée du
batteur.
2. Pour savoir si la pasteurisation des œufs est en cause, nous utilisons 205 g de blancs d'oeufs frais,
que nous clarifions.
De même, nous battons à vitesse maximale.
La mousse est plus « légère », le blanc moins blanc au début. Le volume est le même, et après 8 min
55, on obtient un aspect de mousse à raser, très lisse, compact.
Là encore, nous ne parvenons pas à obtenir le grainage.
On peut donc soupçonner soit la vitesse de battage, soit le diamètre des fils.
3. Ne pouvant obtenir le grainage que nous voulions voir, nous enchaînons avec l'ajout de jaune
d'oeuf (2 g).
Après 1 min de battage, on ne voit pas de différence.
Puis, quand on continue de battre, on voit une « liquéfaction » progressive.
4. Puis nous essayons de faire retomber la mousse avec de l'huile (2 g). Là encore, la mousse
subsiste, mais après 1 min 44, on ne voit plus de « bec de canard », comme auparavant.
5. On se demande si la vitesse de battage ne permettrait pas d'obtenir le grainage : on bat dans un
cul de poule en cuivre, lavé au vinaigre et gros sel, avec un fouet en acier inoxydable. On utilise 151
g de blanc, et 1 g d'huile, à la main.
Le mouvement du fouet est bien plus rapide, avec des fils de petit diamètre. Les blancs montent
bien.
5. Nous décidons alors d'ajouter du jaune au blanc avant de battre. On part de 200 g de blancs
d'oeufs pasteurisés, et l'on ajoute 1 g de jaune.
Quand on bat, on obtient une belle mousse après 1 min 35, puis un blanc bien monté à 2 min 28.
6. La surprise vient de blancs qui n'avaient pas grainé... et qui ont reposé : les blancs seuls bien
battus, tout comme les blancs battus avec un peu de jaune et qui n'avaient pas redescendus, ont
grainé.
Une nouvelle hypothèse apparaît donc : c'est le repos de blancs battus très vigoureusement qui
conduirait au grainage. On devra poursuivre l'exploration de cette hypothèèse.
7. On augmente la quantité de jaune dans les blancs, comme dans une omelette soufflée (3 jaunes et
3 blancs). On obtient un blanchiment net, une forte augmentation de volume.
Il reste à :
–
refaire les expériences
–
tester l'ajout de crème de tartre
–
tester le grainage en présence de sel (en apprentissage, on disait que le sel serrait les blancs)
–
tester le grainage en présence de jus de citron (en apprentissage, on disait naguère que le jus
de citron blanchissait la meringue)
–
tester le grainage d'oeufs plus ou moins frais
A noter que les expériences doivent être faites de façon soigneuse : les instruments et récipients
doivent être soigneusement lavés et rincés.
5. L'acclimatation de la cuisine note à note :
Le composé évoqué lors de ce séminaire est le glucose. C'est un composé qui se présente sous la
forme d'une poudre blanche, quand il est pur. Quand on le dissout dans l'eau, on obtient un sirop
incolore.
La saveur du glucose est douce, bien moins sucrée que le saccharose (le sucre de table).
Souvent, le glucose est confondu avec le sirop de glucose, lequel est confondu avec le sucre inverti,
lequel est un mélange de saccharose, de glucose et de fructose (un sucre environ 2 à 3 fois plus
sucré que le saccharose. Le glucose est un anticristallisant du saccharose, utilisé aussi lors de la
préparation des caramels.
A noter que le saccharose, quand il est chauffé en présence d'un acide (jus de citron, vinaigre, ou
même acide chlorhydrique dilué) se décompose en glucose et fructose, tant que les conditions sont
raisonnables (100 °C par exemple).
6. Pour ceux qui veulent continuer à travailler
Une fois de plus, on observe que la question des macarons n'a jamais été bien traitée, parce que la
question était mal posée. On se propose de reprendre la question à partir de la recette suivante :
Denrées
Poids
Méthode de fabrication
Blanc d’œuf
Sucre semoule
Amande en poudre
Sucre glace
Colorant
Extrait de parfum
divers
210 g
270 g
240 g
240 g
q.s.
q.s.
PS : la quantité
indiquée doit
fournir 100 à 110
pièces.
1 Préparations préliminaires.
- laisser les blancs à température ambiante [prendre de vieux blancs].
- tamiser la poudre d’amande. Tamiser le sucre glace.
- Faire le « tant pour tant » (TPT) en mélangeant le sucre glace et la poudre
d’amande [les produits doivent être bien secs : les mettre même à l'étuve la veille,
et, surtout, ne pas cuire de l'eau à proximité]
- séparer le sucre semoule en deux parties.
- garnir les plaques à pâtisserie de papier cuisson.
- préchauffer le four à 150°C chaleur statique.
2 Monter les blancs.
- mettre les blancs dans la cuve du batteur.
- battre les blancs au fouet, très doucement de façon à ce que les blancs se
liquéfient. [on « casse » les blancs]
- lorsque les blancs forment une mousse et qu’il n’y a plus de liquide, verser
lentement la première partie du sucre semoule sur les blancs sans cesser de battre
en deuxième vitesse.
- au bout d’un certain temps les blancs deviennent compactes et forment une corne
ferme sous le fouet. Sinon continuer de battre les blancs.
- verser doucement la deuxième partie du sucre, puis serrer les blancs et fouettant
en troisième vitesse [on obtient une meringue très ferme]. En fin de montage les
blancs forment un bec ferme. Lorsque l’on retire le fouet des blancs en dessous du
fouet les blancs forment une stalactite et la masse des blancs forme une stalagmite.
- ajouter le colorant et l’extrait de parfum. Bien mélanger.
3 Macaroner la pâte.
- mettre le TPT sur les blancs montés et meringués.
- avec une corne ou une spatule, mélanger lentement, d’un mouvement circulaire
les blancs et le TPT afin d’obtenir une pâte homogène.
- changer de technique. Mélanger la pâte en l’aplatissant avec la corne en étoile
dans la cuve, puis alternativement la rassembler. Renouveler l’opération pour
obtenir une pâte assouplie, brillante et légèrement liquéfiée.[c'est le macaronage ; il
ne faut pas avoir peur de bien travailler, beaucoup ; la meringue se liquéfie un peu,
et la pae devient bien brillante]
Matériel
1 cuve de batteur
– 1 fouet
1 corne – 1
spatule
1 bassine – 1
poche – 1 douille
2 plaques à
patisserie
1 grille à
pâtisserie
4 Coucher les macarons.
- sur les plaques garnies de papier cuisson, pocher des petits tas de pâte réguliers
[en quinconce]. Une fois étalée la pâte doit faire 4 cm environ. Taper légèrement la
plaque sur le plan de travail [pour « chasser les bulles d’air » des macarons].
- laisser croûter la surface des macarons pendant ¾ d’heure environ.
- pendant le croûtage des macarons ne pas faire de buée dans la pièce.
- la croûtage est terminé lorsque le dessus du macaron ne colle plus au doigt au
toucher.
5 Cuire les macarons.
- dans un four préchauffé à 200°C chaleur statique, enfourner une seule plaque à la
fois.
- cuire les macarons de 12 à 14 minutes. La cuisson est parfaite lorsque la collerette
(ou le pied) est solidaire du chapeau.
On observe que de nombreuses questions sont posées : l'âge des blancs, taper la plaque, le séchage
(croûtage), et, plus généralement, toutes les précisions présentes dans la recette ci-dessus.
Prochain séminaire : attention, il y a un changement !
Le séminaire de février ne se tiendra pas le 3e lundi, mais le 4e du mois de février, soit le
lundi 24 février 2014 à 16h00

Documents pareils