Les prix démentiels des villas de luxe sont souvent un
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Les prix démentiels des villas de luxe sont souvent un
17 24 heures | Lundi 10 septembre 2012 MARIUS AFFOLTER PHILIPPE MAEDER UN SENTIER DÉDIÉ AUX HANDICAPÉS VOIT LE JOUR DANS LES BOIS DU JORAT LE CENTRE SPORTIF DE PRAZ-SÉCHAUD A ÉTÉ INAUGURÉ Vaud, page 18 Lausanne, page 20 Vaud & régions Vaud Lausanne & région Riviera-Chablais Nord vaudois-Broye La Côte La Côte Les prix démentiels des villas de luxe sont souvent un leurre Marché de niche souvent surestimé, l’immobilier très haut de gamme peine à se vendre Emmanuel Borloz Dans les pages des revues spécialisées ou sur internet, les photos de somptueuses villas, souvent situées sur La Côte, ont de quoi donner le tournis. Leur prix, en général estampillé «sur demande», est rarement mentionné, mais les mises démarrent entre 15 et 20 millions et peuvent monter haut. Très haut. Trop haut? Dans la région, les prix de certains de ces biens «de prestige» atteignent des sommets. Mais chaque médaille a son revers et, comme le relèvent nombre de connaisseurs, derrière ces montants records, le constat est clair: ces villas peinent à se vendre. Certes, au jeu des prix hallucinants, on est encore loin de la villa à 120 millions située à Cologny (GE), mais, pour La Côte, le record est tombé début juillet. En décidant de vendre Clayton House, sa demeure située sur les hauts de Begnins, pour la coquette somme de 60 millions de francs, Orianne Collins a placé la barre très haut. Unique interlocuteur de l’exfemme de Phil Collins pour cette vente, Frédéric Furrer, directeur de l’agence Sorg, ne confirme pas le montant. Mais, selon nos informations, le prix d’appel oscille entre 55 et 75 millions. Une somme astronomique, loin devant la villa de 22 pièces de Thierry Roussel et de son exfemme, Christina Onassis, à Gingins, en vente depuis des années au prix de 35 millions. Et très loin devant La Chênaie, propriété de 11 pièces appartenant à Michael Schumacher située à Vufflens-leChâteau, à vendre (15 millions) ou à louer (29 000 francs par mois) depuis près de cinq ans. Et la liste n’est pas finie… Offre déraisonnable «60 millions, c’est démentiel et totalement surévalué! lâche Philippe Saudan, directeur de GirodSaudan Immobilier. Sur La Côte, beaucoup de villas sont surestimées, de 20 à 40%. La demande existe, encore faut-il que l’offre soit raisonnable.» De son côté, Bernard Nicod peine à garder son calme à l’évocation de ces chiffres qui n’en finissent pas de prendre l’ascenseur. «C’est vraiment n’importe VC1 Contrôle qualité quoi, mais, au moins, on éclate de rire! Pour une agence, proposer des objets à partir de 40 millions fournit une jolie publicité. Ça fait parler, mais on voit beaucoup plus ces villas en photo sur papier glacé que dans les études de notaires. Au final, ces tarifs ne font du bien à personne», poursuit le promoteur, à qui la villa d’Orianne Collins n’est pas totalement étrangère. «L’architecte à l’origine de cette résidence travaille aujourd’hui pour moi. La villa a été vendue 4 millions en 1970, sans le terrain. Certes, elle a depuis connu transformations et rénovations et le marché a changé, mais elle ne vaut pas plus de 20 millions.» Un marché «à part» Alors comment expliquer ces montants qui donnent le vertige et cette surévaluation dénoncée par une partie de la profession? Parmi les coupables tout désignés, certains courtiers et leurs méthodes. «Il y a de plus en plus d’agences et de courtiers indépendants. Quelques petits malins, à la recherche d’un mandat à tout prix, n’hésitent pas à formuler des prix astronomiques pour décrocher le contrat», explique Philippe Saudan. Et les nombreuses personnes interrogées de toutes pointer un même problème: voyant le prix de certaines demeures, certains propriétaires décident, eux aussi, de surestimer leur bien à l’heure de le vendre. Avant de revenir à des prix «raisonnables». A l’inverse, du côté des spécialistes en immobilier très haut de gamme, on ne saurait parler ni de surévaluation et encore moins de stagnation du marché. «Tout simplement parce que, dans ce secteur, les règles de l’immobilier traditionnel ne s’appliquent plus», soutient David Colle, directeur de Luxury Places, chargé, à l’époque, de la villa Schumacher. Ce marché particulier aurait donc ses propres règles et son propre rythme. Un monde un peu à part, où même la logique des prix est différente: ils ne seront jamais trop élevés. «Le juste prix, c’est celui que sera prêt à verser le client. Comme pour une caisse de vin de collection ou encore pour un tableau de maître. Et si les prix de ces objets d’exception flambent, c’est qu’à un moment certains sont prêts à débourser de telles sommes», avance Frédéric Furrer. Qui concède néanmoins que seule une petite poignée de personnes peut acquérir ce genre de bien chaque année. «Ce sont des objets exceptionnels pour une clientèle exceptionnelle.» La propriété qu’ont habitée le chanteur Phil Collins et son épouse Orianne du temps de leur union, sur les hauts de Begnins, est en vente au prix de 60 millions de francs. SÉBASTIEN FEVAL La villa qu’occupaient le pilote de F1 Michael Schumacher et son épouse Corinna à Vufflens-le-Château. ALAIN ROUÈCHE Le Domaine de Château-Blanc, à Gingins, mis à prix à 33 millions, a été vendu l’an dernier. ALAIN ROUÈCHE A Gingins, une exception qui confirme la règle U Somptueux domaine sis à Gingins, le Château-Blanc a été vendu fin 2011. Appartenant à l’époque à Thierry Defforey, héritier des fondateurs de la marque Carrefour, et à sa femme, Emmanuelle, le domaine était proposé à 33 millions de francs. «Nous ne communiquons pas l’identité de l’acquéreur ni le prix exact de la transaction, mais la vente s’est conclue à un prix très proche de celui demandé», confie David Colle, directeur de Luxury Places, à Lausanne. Si l’immobilier de prestige peine à se vendre, alors c’est indéniablement l’exception qui confirme la règle. A l’inverse, la transaction pourrait donner raison aux spécialistes de l’hyper luxe immobilier, qui affirment que ce marché à part n’obéit pas aux mêmes règles que l’immobilier traditionnel. Ainsi, peu importe que le bien ne croule pas sous les visites, il en suffit parfois d’une, quand bien même interviendrait-elle après des années. On parle de l’effet coup de cœur. Un sentiment qu’a probablement dû ressentir le nouveau propriétaire pour cette bâtisse du début du XIXe siècle, entièrement rénovée en 2000. La demeure de plus de 1000 m2 habitables située dans un parc boisé de près de 40 000 m2, avec vue sur le lac et les Alpes, comprend notamment une piscine à débordement, un tennis et une salle de cinéma. E.BZ