article du Monde - Webtrotteur in Med
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A VOUS DE JOUER POUR LE TITRE ! Entre le public et les invités se joue une scène de speed-dating. Six jeunes Algériens disposent de quatre minutes chrono pour présenter leur initiative. C’est un 14 février peu ordinaire à Alger. A la conférence Fikra, les rencontres sont rapides. Sans grande prétention, les jeunes font part de leur implication associative, culturelle ou entrepreunariale. Parmi eux, Racem et Amir séduisent par leur langage de geek. Ils parlent de numérique, de crowdsourcing et d’applications mobiles. Ils se présentent comme les ambassadeurs d’une génération connectée qui ne jure que par le numérique : l’un a cofondé le réseau social Moutarjam.com et l’autre s’apprête à lancer l’application mobile SiTaxi. « Mettre à disposition de tous la connaissance en arabe » est l’ambition de Racem, qui a créé en 2012 Moutarjam.com, un réseau social dont le but est de traduire le savoir vers la langue arabe. A l’origine de l’idée, une rencontre, celle de Racem et Ahmad, à l’époque étudiants à Supelec, une école d’ingénieur à Paris. L’un est algérien, l’autre libanais et tous deux font le constat d’un manque réel d’accès aux informations en arabe, surtout dans des domaines techniques. En parallèle de leurs études, ils lancent le réseau social Moutarjam.com. Au-delà des frontières Par le crowdsourcing, c’est-à-dire la production participative des membres, Moutarjam utilise aujourd’hui le savoir-faire de 10 000 membres actifs qui traduisent de grandes sources de connaissances comme Wikipedia, depuis l’anglais, le français ou l’allemand vers l’arabe. Ainsi, une personne qui s’inscrit dans le réseau choisit ses centres d’intérêts et des traductions lui sont soumises. Elle peut évidemment aussi en proposer. Les textes sont ensuite décomposés en différentes phrases. Puis, chacune traduite et validée par sept autres utilisateurs du réseau pour en certifier sa qualité. Le texte restitué dans sa globalité est enfin mis à disposition sur la plateforme Moutarjam.com. Le projet des deux amis a gagné en popularité depuis son lancement. « Paradoxalement, l’Algérie se classe comme le premier pays en nombre de contributeurs. La Syrie, malgré le contexte, arrive en deuxième position : nous sommes très populaires à Alep et à Mossoul », explique Racem. Fidèles à l’esprit du projet, les fondateurs font le choix d’une stratégie marketing qui repose sur les réseaux sociaux et les « influenceurs » recrutés comme ambassadeurs de Moutarjam. « On ne fait pas l’effort d’aller chercher des membres, parce qu’ils ont eux-mêmes besoin de cette information, se félicite Racem. Ils expérimentent cette difficulté d’accès au savoir, surtout dans certaines régions du monde arabe. » Si Moutarjam fonctionne grâce à la bonne volonté des fondateurs, le réseau ne génère pour le moment aucun revenu, car pour Racem, il est préférable de se concentrer sur le trafic des utilisateurs actifs et leur croissance avant de penser à la monétisation. Glisser du Web vers le mobile C’est au tour d’Amir de monter sur scène, applaudi par un public enthousiaste. L’autre invité des rencontres rapides de la Fikra mise aussi sur le Web algérien et le marché du mobile qui compte plus de 8 millions d’abonnés à la 3G, gagnés en l’espace d’un an. Le jeune diplômé d’Eslsca Business School se lance dans l’autoentrepreneuriat à l’âge de 21 ans avec SiTaxi, le premier service via application mobile en Algérie. « Avec ce genre de services et grâce au mobile, j’aimerais améliorer la vie quotidienne des Algériens », affirme-t-il. SiTaxi permet à un utilisateur d’appeler un taxi dans un rayon de 2 kilomètres. L’application sera lancée dans une semaine à Alger, mais l’initiative a déjà fait le tour du Web algérien. Sur scène, Amir vend le concept à coups d’arguments : économie de carburant, système plus sécurisé, gain de temps… De cette application gratuite, il touche une commission fixe reversée par les chauffeurs pour chaque client obtenu via SiTaxi. « Nous avons développé une application pour les utilisateurs et une pour les chauffeurs, dont l’enthousiasme à utiliser l’application m’a surpris », raconte Amir, qui espère atteindre rapidement 500 taxis en fonction dans la capitale (sur 14 000), avant de s’étendre à d’autres villes d’Algérie et du Maghreb. Le numérique : un écosystème inexistant Le jeune qui a grandi en France s’est installé en juin 2014 à Alger avec le désir d’entreprendre. Il vante les mérites de l’Ansej (l’Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes) qui accorde divers prêts aux jeunes – dont il a lui-même bénéficié – mais reste prudent quant aux difficultés rencontrées. « J’ai voulu développer l’application en Algérie mais à l’étranger, l’exécution est plus rapide et le prix est plus avantageux que celui proposé ici », dit-il avec regrets. L’écosystème digital algérien, encore inexistant, possède un réel potentiel. Il lui reste à franchir les barrières qui freinent son développement : manque de compétence, paiement en ligne ou suivi logistique. La génération numérique est lancée mais elle doit savoir prendre des risques. Salsabil Chellali, contributrice, Le Monde Afrique, Alger