Assises du livre numérique Les grands enjeux de l`édition

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Assises du livre numérique Les grands enjeux de l`édition
Assises du livre numérique
22 mars 2013 – 10h30-18h00
Salon du livre de Paris – Scène numérique
Les grands enjeux de l’édition numérique aux Etats-Unis
 Bill McCoy, directeur exécutif de l’IDPF
Eléments de contexte
Il y a quelques années, cela pouvait sembler incongru d’avoir un appareil photo sur son
téléphone. Aujourd’hui, tout le monde considère cela comme normal. Il en sera bientôt de
même pour la lecture d’un livre numérique. A ce titre, les Etats-Unis peuvent être vus
comme un laboratoire d’expériences grâce à l’adoption précoce du numérique dans l’édition.
Partant de là, quelles sont les erreurs à éviter et les opportunités à saisir ? Comment les
éditeurs en France et en Europe peuvent-ils tirer profit de ce retour d’expérience ?
Une progression fulgurante
Apparu il y a seulement cinq ans, le premier Kindle fait déjà figure d’objet préhistorique ! Il a
pourtant entraîné un changement culturel de taille, même si le concept de livre électronique
s’est accompagné dans un premier temps d’un fort scepticisme – qui semble perdurer en
France. Quoi qu’il en soit, l’e-book a, en quelques années à peine, trouvé sa place aux côtés
de l’édition papier aux Etats-Unis. A titre d’exemple, certains best-sellers réalisent déjà de
meilleures ventes en numérique qu’en papier. En trois ans, ce marché a presque atteint
1 milliard de dollars, alors qu’il est parti d’un chiffre proche de zéro. Si la croissance du livre
numérique semble aujourd’hui ralentir, elle reste cependant très forte.
Les principaux éditeurs américains interrogés cette année estiment que plus de la moitié de
leurs revenus (en valeur, non en volume) proviendra du numérique, à horizon 2014. C’est
sur le numérique que repose en grande partie l’avenir de l’édition, aux Etats-Unis comme
dans le reste du monde.
Une spécificité américaine ?
Le décollage si rapide de ce secteur aux Etats-Unis s’explique sans doute par la volonté d’un
acteur majeur – Amazon – d’investir pour créer et dominer le marché du livre numérique,
quitte à vendre des appareils et du contenu à perte.
Du fait de cette situation, le marché américain s’est constitué dans un premier temps autour
des liseuses à encre électronique. Mais ces appareils, centrés sur le texte noir et blanc,
offrent finalement des usages restreints et une faible interactivité. L’expérience de lecture est
satisfaisante, mais elle n’est guère différente de la lecture sur version imprimée, puisqu’elle
n’utilise pas tout le potentiel du numérique. D’où la rapide montée en puissance des tablettes
et des smartphones avec un grand écran.
L’inéluctable montée en puissance de la lecture numérique
Vers un environnement partagé
Selon certains observateurs, 50% de l’espace disponible sur les étagères des librairies
physiques aurait déjà disparu. Cela pourrait même aller jusqu’à 90% d’ici quelques années.
En effet, il ne serait pas rentable de maintenir le même niveau de présence physique de
livres en magasin parallèlement au développement des livres numériques.
Cela ne signifie pas que le livre imprimé va complètement disparaître, mais qu’un
environnement partagé pourrait voir le jour entre le livre numérique et le livre papier. Le
livre numérique n’est plus une option : un éditeur qui l’ignorerait laisserait la place à ses
concurrents et se priverait d’une partie non négligeable de lecteurs potentiels.
Vers une indispensable diversité de supports
L’avenir de la lecture numérique passera également par une diversité accrue de supports. Il
faudra dépasser les limites que présentent aujourd’hui les appareils dédiés au livre
numérique.
Dépasser les peurs pour saisir les opportunités d’un nouveau marché
L’infinité de contenus – et de la concurrence !
Internet offre une multitude de contenus, décuplant de ce fait la concurrence entre les livres
numériques, les applications, les jeux et les vidéos. Les éditeurs craignent de ne plus être en
mesure de contrôler le marché. Il est en outre primordial d’accorder toute son importance à
la notion de temps des lecteurs. D’où l’intérêt de permettre le regroupement de tous les
contenus dans un même appareil. A cet égard, les éditeurs traditionnels se trouveront de
plus en plus en concurrence avec des développeurs d’applications et de contenus.
La gratuité des contenus – y compris le vôtre !
Sur Internet, la règle est la gratuité des contenus. Le contenu payant constitue l’exception. A
la grande différence des librairies physiques, dans lesquelles le client n’a pas le choix entre
des livres gratuits ou payants, les lecteurs numériques peuvent choisir d’opter ou non pour
du contenu disponible légalement… ou illégalement.
Le succès amplifié des contenus – et du piratage !
Le contenu peut en effet être piraté. Aucun DRM n’est assez performant pour arrêter le plus
déterminé des pirates. La seule lutte valable contre le piratage est de proposer ses contenus
à un prix acceptable. Le piratage est le corollaire inévitable du succès d’une œuvre. Durant
des années, J.-K. Rowling a clamé qu’aucun Harry Potter ne serait proposé en version
numérique. Pourtant, des éditions piratées des deux derniers tomes ont été mises en ligne le
même jour que la sortie du livre papier. Dans ce contexte, J.-K. Rowling n’a pas eu d’autre
choix, pour ne pas perdre d’argent, que d’autoriser la publication de versions PDF de ses
ouvrages.
Les éditeurs traditionnels
développement numérique ?
peuvent-ils
être
de
véritables
acteurs
du
Si l’édition numérique était contrôlée par un ou deux grands groupes de revendeurs, le
contenu disponible s’en trouverait significativement limité. Ce risque est réel, pour les
auteurs comme pour les éditeurs et les lecteurs. A cet égard, les formats propriétaires sur
lesquels reposent certains systèmes sont bien plus inquiétants que le piratage.
Savoir-faire éditorial et créativité : des raisons de se montrer optimiste
La valeur ajoutée de l’édition ne réside pas dans la technologie mais dans l’art de raconter
des histoires, encore et toujours. Ainsi, les éditeurs sont le gage de la richesse des contenus.
Le numérique peut donc être appréhendé comme un moyen d’aider une nouvelle génération
de lecteurs à lire les histoires que savent imaginer auteurs et éditeurs.
Du reste, le numérique n’est pas synonyme de numérisation au sens d’une simple
conversion. Les éditeurs doivent penser plus loin que la possibilité de proposer la version
numérisée d’un texte existant. Pour innover et répondre aux attentes des lecteurs, ils doivent
réfléchir à l’objet au-delà du contenu, tout particulièrement dans le secteur de
l’enseignement ou des beaux-arts.
Nous n’en sommes qu’au début d’une évolution, et l’on aurait tort de penser que les géants
d’Internet ont gagné. Ce n’est que la première mi-temps, mais rien ne sera facile. Il faudra
multiplier les expérimentations pour aboutir à une innovation pertinente. L’avantage des
Etats-Unis en la matière est leur grande tolérance à l’échec, qui est appréhendé comme un
élément à part entière de l’innovation.
EPUB3 : vers un format standard pour tous les supports de lecture
L’IDPF recommande d’utiliser des standards ouverts de type HTML5 ou EPUB3 pour favoriser
le développement d’un système global, collaboratif et libre, gage d’une distribution non
contrôlée par les revendeurs.
Le projet Readium a été lancé dans cette optique. L’objectif, avec cette solution open source,
est de faire adopter massivement et rapidement le format EPUB3 pour la création de livres
numériques. Ce format combine les capacités de HTML 5 et de CSS 3. Sa plateforme étant le
Web tout entier, les usages seraient illimités. Ce format permettrait d’entrer dans l’ère du
transmédia, avec une interopérabilité maximale et universelle.
L’EPUB3 présente un réel intérêt pour les non-voyants, les dyslexiques, les personnes âgées
et tous les lecteurs qui veulent consommer du contenu de façon différenciée : en lisant, en
écoutant, en regardant… En effet, non seulement il rend possible la combinaison audio/ebook, mais les contenus sont ajustables et modifiables sans limite.
Aujourd’hui, seul l’iPad permet de lire des livres numériques améliorés. L’EPUB3 permettra de
réaliser un véritable bond en avant, en intégrant les standards les plus modernes.
Enfin, l’IDPF a engagé une réflexion approfondie sur la pérennité des contenus – et ce
d’autant qu’il compte parmi ses membres des bibliothèques et des services d’archivage.
L’objectif est de permettre aux livres numériques d’être encore être lus dans 100 ans, à
l’instar des livres papier.