LE CHÂTEAU DE L`ARAIGNÉE de Akira KUROSAWA – Japon

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LE CHÂTEAU DE L`ARAIGNÉE de Akira KUROSAWA – Japon
LE CHÂTEAU DE L'ARAIGNÉE
de Akira KUROSAWA – Japon - 1957
1h50 - Noir & Blanc
Un dossier réalisé par l'espace Histoire-Image de la médiathèque de Pessac
dans le cadre des Ciné-Mémoires du Pôle régional d'éducation artistique
et de formation au cinéma et à l'audiovisuel (Aquitaine)
Scénario : Akira Kurosawa, Hideo Oguni, Shinobu Hashimoto, Ryuzo Kikushima d'après
Macbeth de William Shakespeare
Assistant-réalisateur : Yoshiro Muraki
Société de production : Toho
Producteurs : Akira Kurosawa, Shojiro Motoki
Directeur photographie : Asakazu Nakai
Ingénieur du son : Fumio Yanoguchi
Musique : Masaru Satô
Décorateurs : Yoshiro Muraki, Kohei Ezaki
Costumes : Yoshiro Muraki
Sortie en France en 1966
Interprétation
Toshirô Mifune... Taketoki Washizu / Macbeth
Minoru Chiaki... Yoshiaki Miki / Banquo
Isuzu Yamada... Asaji / Lady Macbeth
Akira Kubo... Yoshiteru, fils de Miki / Fléance
Takamura Sasaki... Kuniharu Tsuzuki / le roi Duncan
Takashi Shimurz... Kunimaru / Malcolm
Takashi Shimura... Noryasu Odagura / Général Siward
Chieko Naniwa... la sorcière
Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC
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Résumé
Dans le Japon des samouraïs, c'est une transposition du drame de Macbeth.
Washizu et Miki, vaillants samouraïs, apportent à leur suzerain des nouvelles de leurs
exploits. Le suzerain les récompense. Mais les deux guerriers ont eu, dans la forêt qui
entoure le château, l'apparition d'un esprit (la sorcière) qui leur a révélé leur avenir :
Washizu doit devenir le seigneur du château, et le fils de Miki lui succédera.
Sous l'influence de sa femme, Washizu succombe à la tentation de supprimer son
suzerain, et il réussit à s'approprier ses biens. Il élimine également Miki, mais le fils de
celui-ci s'échappe. Il devient de plus en plus sanguinaire et comme les esprits lui ont à
nouveau prédit qu'il ne sera jamais vaincu tant que la forêt de l'Araignée ne se mettra
jamais en marche, il ne craint rien.
Mais ses ennemis ligués coupent des arbres et avancent sous leur protection : et
Washizu mourra, tué par les flèches de ses propres soldats.
Sur le film
Comme on le voit, le thème de Macbeth est suivi à très peu de choses près (...).
Le rythme crée le suspense : un suspense d'ailleurs qui tient moins à la psychologie des
personnages qu'à une sorte de destin, de fatalité à laquelle ils ne peuvent échapper.
Asaji – la lady macbeth du film – incarne, nous dit-on, la Mort du théâtre Nô. Et, de fait,
c'est elle qui, presque mécaniquement, provoque un sort auquel les violentes réactions
de Washizu – comme celle d'une mouche dans une toile d'araignée – ne changent rien.
C'est une oeuvre remarquable du point de vue esthétique où, à côté de la
fatalité, se dégage une impression de justice immanente.
D'autres adaptations de Maceth
Macbeth d'Orson Welles, 1948
Macbeth de Roman Polanski, 1971
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Biographie ...
... Filmographie
né le 23 mars 1910 à Tokyo - † 6 septembre 1998 à Tokyo
Dernier d'une famille de sept enfants et descendant d'une lignée de Samouraï, Akira
Kusosawa tente le concours d'entrée aux studios de la Compagnie Toho où il est engagé
comme apprenti réalisateur.
En pleine guerre, Akira Kurosawa passe derrière la caméra pour son premier long
métrage, La Légende du Grand Judo (1943), évocation des arts martiaux traditionnels.
Préoccupé par la situation de son pays, Kurosawa tourne deux chroniques sociales Je ne
regrette rien de ma jeunesse (1946) et Un merveilleux dimanche (1947). A partir de
1948, L'Ange ivre marque le début de sa collaboration avec l'acteur-vedette Toshiro
Mifune, habitué des rôles de méchant, qui incarne deux ans plus tard le rôle du bandit
Tojomaru dans Rashomon (1950). En créant sa propre société de production, le
réalisateur tourne le dos au cinéma des studios. Auteur de plusieurs films marqués du
sceau "néo-réaliste" sur le Japon contemporain, c'est néanmoins grâce à ses films
historiques que Kurosawa attire sur lui le regard d'un occident qui découvre ses
adaptations de grands classiques : L'Idiot (1950), Le Château de l'Araignée (1957), Les
Bas-Fonds. Mu par une propension à doter ses personnages des vertus de l'héroïsme,
Kurosawa offre au Japon le film le plus connu de son histoire, Les sept samouraïs
(1954). Après Barberousse (1965), le cinéaste est tenté par les sollicitations
d'Hollywood mais il se contente de l'écriture de plusieurs scénarios. En 1970, l'échec
commercial de Dodes'kaden plonge le réalisateur dans une profonde dépression. Cinq
ans plus tard, c'est le splendide Dersou Ouzala (1975), histoire d'amitié entre un jeune
explorateur russe et un vieux trappeur dans les immensités de la taïga soviétique. S'il
tourne moins, Kurosawa est désormais au sommet de son art. Ran (1985), requiert près
de six mois de tournage et un budget faramineux pour une adaptation du Roi Lear de
Shakespeare. Enfin, sort en 1993 un de ses films les plus originaux en forme de
testament philosophique, l'un des préférés de l'artiste, Madadayo, portrait d'un vieux
maître au crépuscule de sa vie.
Source BiFi
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Kurosawa, Shakespeare et le cinéma japonais
Un Shakespeare japonisé
Les premières tentatives cinématographiques au Japon se sont inspirées de
formes théâtrales comme le kabuki (stylisé, picturale) ou le shinpa (plus réaliste) et
cette forme de théâtre filmé a persisté bien plus longtemps que dans les pays
occidentaux. Vers 1918 le cinéma s'est renouvelé totalement, l'écriture a perdu ses
caractéristiques théâtrales même si le théâtre a continué à influencer les personnages,
les types de jeu et parfois même les sujets.
Mais ce qui peut surprendre c'est l'intérêt porté au théâtre occidental avec ces deux
adaptations de pièces de Shakespeare, Macbeth et Le Roi Lear par Akira Kurosawa. Il
s'agit de transposer en Orient une pièce occidentale, inscrite dans un contexte précis,
en l'occurrence l'Angleterre élisabéthaine. Même si les thèmes traités par Shakespeare
s'avèrent universels, la matières historico-légendaires obéit à la tradition du théâtre
baroque : excès, démesure, proliférations d'intrigues. Est-il pensable d'adapter
Shakespeare dans un contexte différent et comment Kurosawa y parvient-il?
Comme le souligne les titres des films tournés par Kurosawa, ses adaptations se
placent d'emblée sous le signe de l'infidélité. Macbeth devient Le château de l'araignée
(ou Le trône de sang), Le Roi Lear adapté s'intitule Ran...
Kurosawa ne conserve pas pour les dialogues le texte du dramaturge. Si Le
Château de l'araignée suit d'assez près Macbeth, l'intrigue de Ran se caractérise par un
certain nombre d'altérations.
Satyajit Ray explique pourquoi le film de Kurosawa est supérieur à ses yeux au
Macbeth d'Orson Welles (1948) :
« Kurosawa abondonne le poésie du verbe pour celle de l'action. Cela a sans doute
été rendu possible par le fait que, ne parlant pas anglais, Kurosawa pouvait
échapper à l'envoûtement de Shakespeare, qui a pesé sur les versions filmées
anglaises du poète, ou a abouti à des productions bâtardes, dans lesquelles la
fidélité au texte s'avérait inconciliable avec les exigences du langage
cinématographique. »
Ecrits sur le cinéma. Ramsay poche
Kurosawa a situé l'action des deux films dans la culture guerrière et la société
ritualisée du seizième siècle japonais. Il a déplacé le débat du texte vers la société en
soulignant qu'il existe, selon lui, une analogie entre l'Angleterre élisabéthaine et le
Japon du XVIe siècle en proie aux guerres civiles. Des éléments empruntés aux films de
samouraï interviennent : châteaux, guerriers, batailles, brume...
La conception de l'espace se révèle extrêmement travaillé dans Le Château de
l'araignée où elle revêt une dimension symbolique. Il ne s'agit pas seulement d'ouvrir
l'espace mais d'attribuer une signification particulière aux différents lieux du film.
L'accent est mis sur la forêt car elle joue un rôle primordial. Washizu (Macbeth) s'y perd
deux fois. A la fin, c'est elle qui vient à lui. La forêt agit comme un leurre, un
labyrinthe dans lequel l'armée se délite, perd sa cohésion, sa morale. Elle apparaît
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comme l'inverse du château-fort qui symbolise la stabilité de l'ordre politique.
Le travail sur l'espace s'accompagne aussi d'une structuration précise de cet espace,
organisé selon la notion de conflit. Lignes horizontales et lignes verticales s'opposent en
permanence dans le film, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du château. Verticalité des
arbres, horizontalité des nuages interviennent de façon antithétique. Les lignes
horizontales sont associées à la stabilité, les diagonales, elles, représentent la
destructions de l'ordre initial.
Enfin, un autre jeu d'opposition est mis en scène, celui du mobile et l'immobile.
Il se manifeste par le travail de la caméra qui filme au ralenti l'avance de la forêt dans
la brume. La fluidité du mouvement contraste avec la brusquerie de la chute de
Washizu, jeté sans ménagements au bas des escaliers.
Ce jeu d'opposition permet aussi de mettre en valeur un type de jeu théâtrale, hérité
du Nô. Cette théâtralité repose en grande partie sur le jeu des comédiens qui vient
renforcer ce contraste entre le mobile et l'immobile. Ainsi, la caractérisation de
Washizu et de sa femme s'opèrent à travers une distinction gestuelle. Ses mouvements,
sa manière de glisser, les expressions de son visage, renvoient aux conventions du
théâtre Nô, en particulier dans la séquence où elle se lave les mains. Les mouvements
de Washizu, en revanche ne reflètent aucune traditions théâtrale. Ils évoquent plutôt
les déplacements d'un animal. Washizu fait les cents pas, respire de manière bruyante,
découvre les dents et donne l'illusion de bouger simultanément dans des directions
opposées. Dans la cérémonie du banquet, la frénésie de ses mouvements est exacerbée
par le statisme et la symétrie de la composition qui expriment la stabilité de l'ordre
social. Cette caractérisation des personnages se révèle d'autant plus efficace qu'au
moment où les rapports de pouvoir s'inversent, cet échange se traduit dans l'inversion
des gestuelles. Avant le meurtre de Tzusuki, Washizu perd provisoirement son identité
en adoptant l'immobilité d'Asaji. Cette dernière, qui attend en silence, se lève et,
comme en transe, se livre à une danse frénétique, comme si son esprit était possédé par
celui de Washizu. Dans le film, l'extrême de la convention (geste, voix, mouvements)
entre en conflit avec la liberté la plus absolue, incarnée par ce cheval sauvage qui
s'élance librement.
Ainsi, l'incorporation du Nô dans le film demeure complexe mais permet également à
Kurosawa de suggérer le motif shakespearien (et baroque) du spectacle dans le
spectacle.
Le problème de la fidélité est une fausse question puisque toute adaptation
réussie se doit d'être une trahison. La rencontre entre le Japon féodal et le drame
élisabéthain, la restitution de la dimension cosmique, épique et poétique, le travail de
l'image et la somptuosité de la représentation donnent des oeuvres à la mesure des
modèles qui les ont précédés. La dissolution de la brume, la lente avancée de la forêt
en mouvement, l'encerclement de Washizu par les flèches composent dans la mémoire
du spectateur un kaléidoscope visuel, venant se substituer à la richesse des mots et des
images du dramaturge élisabéthain.
Extraits de Shakespeare japonisé de Marion Poiron-Dechonne. Les cahiers de la cinémathèque.
N° 72/73, Insitut Jean Vigo. Perpigan, 2001
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Un film de Kurosawa : d'autres éléments caractéristiques complémentaires
Les espaces
Une des caractéristiques du film tient dans la rigueur du traitement de l'espace.
Les brumes, qui rythment les apparitions/disparitions, sont celles du temps, de
l'Histoire, de la conscience...
De même, par les personnages filmés à plusieurs reprises sur un fonds neutre (pas de
décor, pas de paysage, seulement un fond gris), c'est l'espace de l'imaginaire qui est
créé.
La forêt : utilité dramatique par sa « mise en marche » à la fin du drame mais
aussi impénétrable, labyrinthique ; c'est la forêt des grands ancêtres mythiques, de
l'inconscient où se rencontrent les forces obscures du monde.
Le château : édifice à vocation militaire, retranchement mais aussi prison. A
l'enfermement de la forêt et du brouillard succède celui des bâtiments de bois,
pavillons, tours et galeries. Le château devient un personnage avec sa logique propre.
L'espace du couple infernal Washizu et Asaki formé par les appartements à
l'intérieur du château et par le jeu et la mise en scène théâtrale (par exemple , le
couple ne se fait pratiquement jamais face, il est le plus souvent tourné vers le
spectateur).
Le théâtre Nô
« La simplicité, la puissance, la rigueur, la densité du drame me rappelait le Nô. Les
acteurs s'y déplacent le moins possible, compriment leur énergie ; ainsi, le moindre
geste suscite une émotion d'une grande intensité. Le château de l'Araignée est le film
où j'ai le plus emprunté au Nô : décors, maquillage, costumes, action, mise en scène.
En général, selon la conception du théâtre européen, un acteur, analysant en détail la
psychologie du personnage qu'il incarne, essaie de fondre tous les éléments de son
analyse en un jeu unique, alors que dans le Nô, l'acteur s'exprime par l'omote, le
masque, la stylisation extérieure pour atteindre un langage dramatique expressif »
A. Kurosawa
Le temps
Le château de l'Araignée fonctionne largement sur le mode de la narration onirique,
notamment par le traitement du temps et de la durée. Certaines actions se développent
et s'enchaînent rapidement, sans que les personnages (et avec eux le spectateur) aient
le temps de souffler : ainsi la promotion de Washizu et de Miki. D'autres scènes en
revanche, voient leur durée dilatée. C'est le cas du retour au château de la troupe de
Washizu : il ignore quel accueil on lui réserve. Washizu et ses hommes n'en finissent pas
d'approcher : ils font du sur place. Enfin les portes s'ouvrent...
La bande sonore
Le film utilise toutes les possibilités : chant et musique, mais aussi appels des
vociférateurs et claquettes du théâtre classique japonais, chant à la limite de l'audible
de la sorcière, cliquetis et fracas des armes, bruit de pas les planchers de bois,
froissement des kimonos, cris d'oiseaux... Cela culmine à la fin quand une pluie de
flèches s'abat en sifflant sur Washizu.
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La narration du film est principalement visuelle : les séquences dialoguées n'occupent
guère plus de 30% de la durée totale.
Il reste que, comme le note Anthonies Davies (dans Filming Shakespeare 's Plays), « avec
les années (...) le film est devenu un élément de notre réflexion sur le Macbeth de
Shakespeare. »
Extraits de Shakespeare au cinéma. Philippe Pilard. Nathan, 2000. Cinéma 128
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Une introduction au cinéma japonais
La découverte du cinéma japonais débute surtout en occident avec Rashômon de
Akira Kurosawa qui obtint le Lion d'or à Venise en 1951. Cette révélation inattendue, six
ans après la fin de la guerre, d'un cinéma « différent », fascinant aussi bien par son
sujet que sa technique, ouvra la voie aux oeuvres de Kenji Mizoguchi (Les contes de la
lune vague après la pluie, 1953), Teinosuke Kinugasa (La Porte de l'enfer, Palme d'or
à Cannes en 1954), puis Yasujiro Ozu, absent des Festivals européens mais redécouvert
25 ans après sa mort est devenu un des piliers du cinéma mondial. De même pour Mikio
Naruse, dont quelques films ont été récemment diffusés, et pour tant d'autres, restés
quasiment inédit.
Notre connaissance du cinéma japonais, une des plus puissantes industries
cinématographiques du monde, reste encore fragmentaire, tributaire des Festivals,
distributeurs et des modes successives.
Un industrie précoce
Les premières scènes de rue au Japon furent filmées dès 1896-1897 par des
opérateurs Lumières.
Au croisement de la technique « scientifique » des prises de vue et des traditions
culturelles nationales, notamment le théâtre kabuki, la littérature et la peinture, le
cinéma a immédiatement trouvé au Japon un terrain fertile pour développer sa propre
personnalité.
L'industrie était en place dès les années 20 et le premier âge d 'or débute avec Daisuke
Ito, Tomu Uchida... et déjà Mizoguchi, Ozu ou Naruze qui font leurs premières armes
dans les studios.
Malgrès beaucoup de perte des films de l'époque ( films jetés par les producteurs, grand
tremblement de terre de 1923 qui détruisit films et studio de Tokyo) les films visibles
encore aujourd'hui attestent d'une richesse exceptionnelle alors pratiquement ignorée
de l'occident. C'est après la période militariste des années 1936-1945 dont certains films
méritent d'être redécouverts que des historiens américains se rendirent compte de
l'importance extraordinaire de ce cinéma qui allait rapidement renaître des décombres
de la guerre pour son second « âge d'or » avec Rashômon et sa suite.
Un cinéma d'auteurs et de genres
L'industrie cinématographique nipponne est fortement structurée en compagnies,
« majors » calquées sur celles d'Hollywood (Nikkatsu, Shochiku puis Toho, Daiei, Toei,
Shintoho) qui a permis à la fois une énorme production commerciale (500 films par an
dans le pic des années 60) tout en laissant s'exprimer certains grands cinéastes pour le
prestige. Ces auteurs qui composent l'essentiel de la connaissance du cinéma nippon à
l'étranger jouissaient de la confiance des producteurs tant que le système fonctionnait
mais ils ont été amenés à fonder leurs propres productions (Kurosawa, Kobayashi) au
début du déclin de l'industrie, vers la fin des années 60.
De l'intimisme familiale d'Ozu et de Naruze aux grands films humaniste de Kurosawa,
aux analyses sociales et historiques de Mizogushi, ou aux comédies et mélodrames de
Keisuke Kinoshita et Ichikawa, pratiquement toutes les tendances étaient représentées
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au sein du système. Mais le noyau de la production commerciale résidait dans les films
de genre, des « shomingeki » (films décrivant la vie du peuple) aux « Jidai-geki » (films
d'époqie, historiques) ou aux « Kaiju-eiga » (films de monstres du type Godzilla) dont on
redécouvre aujourd'hui les vertus populaires.
Les « Nouvelles Vagues » et le déclin des Majors
Les fondements du cinéma japonais ont été bouleversés à la même époque que la
Nouvelle Vague, à la jonction des années 50 et 60, lorsque le Japon s'ouvrit plus sur les
idées du monde extérieur. Ce fut aussi la période des contestations idéologiques et et
stylistiques au sein des compagnies : à la Shochiku où s'illustrèrent les rebelles Nagisa
Oshima, Yoshishige (kiju) Yoshida tandis que Shohei Imamura (La ballade de
Narayama, 1983) révolutionnait la Nikkatsu par ses films violemment expressionnistes
et sexuels. Mais la Nouvelle Vague se furent aussi des cinéastes totalement
indépendants aux fortunes diverses (Susumu Hani, Hiroshi Teshigahara...). Avec la
création de circuits de production et de distibution spéciaux, comme l'ATG (Art Theatre
Guild), le cinéma japonais modifiait ses structures et changeait de visage, alors que les
Majors piétinaient, et tombaient dans la spirale infernale de la chute de la
fréquentation et de la hausse du prix des billets, aggravée par l'essor fulgurant de la
télévision (près de 120 chaînes nationales et locales actuellement) et des nouveaux
modes de diffusion, vidéos et dvd. Ainsi la découverte du « nouveau cinéma japonais »,
avec plusieurs années de retard, comme presque toujours, coincidait-elle avec la
décadence commerciale et artistique d'une industrie qui n'est plus aujourd'hui que
l'ombre d'elle-même, tout en s'efforçant de s'adapter aux nouvelles données.
Un cinéma en pleine mutation
Depuis les années 70 et 80 ce sont en fait les indépendants qui représentent le
cinéma japonais à l'étranger. Si les anciens de la Nouvelle vague connaissent les
difficultés de productions, tel Oshima (Max, mon amour, 1986) ou Immamura qui n'a
rien tourné pendant 6 ans après Pluie noire (1990), des jeunes cinéastes ont fait leur
apparition dans les années 80-90 connaissant eux-aussi les aléas d'un système de
production éclaté et demeuré entièrement privé (Kohei Oguri, Takeshi Kitano). Venus
d'horizons différents, ils témoignent tous d'une vision personnelle de la société
japonaise contemporaine qui a plus changé en 20 ans qu'en plusieurs siècle.
Mais des derniers géants seul subsiste le plus grand, Akira Kurosawa qui, après une grave
crise du à l'échec de son Dodes'kaden (1970), a pu poursuivre son oeuvre grâce aux
participations étrangères, qu'il s'agisse des Russes (Derzou Ouzala, 1975), des
Amériacains (Kagemusha, 1980) ou des Français (Ran, 1985). Paradoxe vivant de
cinéma japonais, Kurosawa incarne aujourd'hui à lui seul la grandeur du passé d'un
système de production et d'un art remarquable. Actuellement, le cinéma japonais, en
plein mutation, va peut-être retrouver un deuxième souffle, grâce à une nouvelle
génération de producteurs et une aide éventuelle de l'Etat qui, jusqu'à présent, n'a
considéré le cinéma que comme une industrie de divertissement privée.
Extrait de Le cinéma japonais. Max Tessier. Nathan université, 2000. Cinéma 128
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Présenter un film du patrimoine
Quelques repères
Le publ ic
quel est-il ?
La présentation doit tenir compte du public accueilli (classes, groupes divers,
public habituel, cinéphiles...) qui a des attentes différentes
Inté rê ts de la pré s e nt ation
Compléter une culture cinématographique
Une découverte ou redécouverte dans de bonnes conditions, en grand écran
Donner accès à des films oubliés
Porter un regard différent, nouveaux sur des films qui appartiennent à l'histoire
du cinéma
Partager une passion pour un film, pour le cinéma, communiquer son plaisir (le
« gai savoir » )
Ch ois ir le m om ent d e l' int e rv e nt io n : Pa rle r ava nt et/ o u ap rè s l e film ?
avant : présenter le contexte, relever les points d'intérêts (la difficulté étant de
ne pas déflorer l'intrigue du film)
après : proposer une analyse plus précise et un échange avec la salle
Le s bes oins po ur co nstru ire s a p résentati o n :
Se documenter (ouvrages...)
Une certaine culture cinématographique
nécessaires.
et
connaissance
du
film
sont
Q u e lque s pi stes p o u r c onst rui re la p résenta tio n :
Mettre l'accent sur certains passages même si le film n'est pas connu
Replacer le film dans son contexte, le genre qu'il représente, le mouvement
auquel il appartient ou pas
Donner quelques clés essentielles sur le film : un retour sur l'histoire de.. ; un
personnage incontournable, à l'écran ou dans la production ; le décryptage de certaines
scènes importantes pour le sens, dans leur construction formelle
l'origine des réalisateurs
la réception du public à l'époque
Laisser une tra ce éc rit e
Fiche spectateur
Chronologie...
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Articles de presse
Le festin de l'araignée. Jean-Louis Leutrat. Positif, juillet/août 1999. n° 461/462
Documents disponibles pour les bibliothèques
Ouvrages
Akira Kurosawa. Aldo Tassone. Edilig, 1983
Akira Kurosawa. Michel Estève (dir.) . Lettres modernes Minard, 1998
Comme une autobiographie. Akira Kurosawa. Cahiers du cinéma, 1997
Kurosawa. Hubert Niogret. Rivages, 1995
Shakespeare au cinéma. Philippe Pilard. Nathan, 2000
Le cinéma japonais : une introduction. Max Tessier. Nathan université, 1997
Le cinéma japonais. Donald Richie, Romain Slocombe. Ed. du Rocher, 2005
Le cinéma japonais. Tadao Sato.
Pour un observateur lointain : forme et signification dans le cinéma japonais. Noël
Burch. Gallimard, 1982
Films
L'Ange ivre, 1948
Chien enragé, 1949
Rashomon, 1950
L'Idiot, 1951
Les Sept samourais, 1953
Le Château de l'araignée, 1957
La Forteresse cachée, 1958
Yojimbo, 1961
Barberousse, 1965
Dodes'kaden, 1970
Dersou Ouzala, 1974
Kagemusha, 1980
Ran, 1985
Documentaire
AK de Chris Marker, 1985.
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