+ Homélie du 23ème Dimanche Temps Ordinaire C 2007

Transcription

+ Homélie du 23ème Dimanche Temps Ordinaire C 2007
+ Homélie du 23ème Dimanche Temps Ordinaire C 2007
Par le Frère Olivier-Marie Sarr
« De grandes foules suivaient Jésus » ;
***
Il devrait s’agir de l’attroupement progressif de tous ceux qui étaient attirés par la personnalité de
Jésus, ceux qui étaient en admiration devant son enseignement et ses miracles. Cependant, Jésus veut
les inviter à faire un pas important, c’est-à-dire à passer du statut d’auditeurs libres et anonymes de
son enseignement (Lc 4,42; 5,3) et de bénéficiaires de ses miracles au « rang » de disciple. Mais il
faudra auparavant remplir deux conditions : préférer le Christ aux siens et même à soi-même et porter
sa croix.
De nos jours, il n’y a vraiment pas foule dans nos églises. Peut-être que l’invitation du Christ à le suivre
en vrai disciple – invitation toujours actuelle – semble être trop exigeante, déconcertante ou
incompréhensible, comme nous venons de l’entendre dans le passage du livre de la Sagesse (première
lecture) : « Quel homme peut découvrir les intentions de Dieu ? Qui peut comprendre les volontés du
Seigneur ? ». Mais que signifie en fait être disciple ?
Dans le langage biblique, le disciple est non seulement celui qui marche à la suite de son maître (Lc 9,5762), mais aussi celui qui est en relation étroite et définitive avec lui (Lc 5,33) ; en même temps, il
s’engage à rendre témoignage au maître jusqu’au don de sa vie par amour. On comprend mieux pourquoi
Jésus s’adressait ainsi à ses premiers disciples :
« Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même et prenne sa croix chaque jour, et qu’il me
suive. En effet, qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perd sa vie à cause de moi, la sauvera. » (Lc
9,23-25).
Dans ce contexte, donner la préférence au Christ plutôt qu’à ses proches et à soi-même, veut dire avoir
un amour sans partage pour le Christ, car lui seul est comblant ; lui seul peut satisfaire toutes nos
aspirations les plus profondes. Donner la préférence au Christ plutôt qu’à ses proches et à soi-même,
c’est aussi selon Saint Benoît « ne rien préférer à l’amour du Christ ». Autrement dit, c’est lui donner
une place importante, centrale dans ma vie chrétienne ; c’est faire du Christ et de son enseignement le
principe régulateur de ma relation avec mon entourage à l’image de la belle plaidoirie de Saint Paul (dans
la deuxième lecture) en faveur d’un esclave fugitif ; c’est aussi sortir de mon cadre clos et individualiste
pour témoigner de la présence vivante et agissante de Jésus dans ma vie à travers les sacrements,
surtout par la participation à l’Eucharistie qui renforce nos liens consécutifs au baptême ; c’est se
confier à lui dans la prière en le rencontrant comme un ami intime, comme un frère très cher. On peut
aussi ajouter à la lumière de la prière d’ouverture de cette messe, appelée collecte, que donner la
préférence à Jésus, c’est adhérer à la grande famille de Dieu, qui a envoyé son Fils pour nous sauver et
pour faire de nous ses enfants d’adoption afin de nous donner la vraie liberté et la vie éternelle.
Qu’en est-il de la croix à porter ? A quelques jours de la fête de la Croix glorieuse (le 14 sept prochain),
cet évangile nous permet de reconsidérer la place de la croix dans la vie chrétienne. Voici ce qu’en dit
l’Introït ou le chant d’entrée Nos autem de la messe du Jeudi Saint : « Que notre seule fierté soit la
croix de notre Seigneur Jésus Christ. En lui, nous avons le salut, la vie et la résurrection, par lui nous
sommes sauvés et délivrés ».
En effet, la croix, jadis instrument de supplice, ne peut être considérée qu’à la lumière de l’action
salvifique de Dieu. Elle est en effet, l’instrument de la manifestation de l’amour, de la miséricorde de
Dieu pour nous. Porter sa croix donc ne signifierait pas uniquement supporter des épreuves au nom du
Christ, mais indiquerait aussi le devoir pour chaque chrétien, d’intérioriser de jour en jour le mystère de
la Passion et de la Résurrection du Christ, auteur de notre salut. Porter sa croix, non seulement comme
un ornement, mais surtout pour affirmer la volonté de vouloir imiter le Christ, victorieux du mal et faire
une croix à notre tour sur le mal sous toutes ses formes.
Frères et sœurs, jusqu’où va donc notre engagement à la suite du Christ ? C’est à chacun d’y répondre
dans le secret de son cœur en prenant, toujours selon l’évangile, deux précautions. La première : c’est de
répondre dans la prudence pour ne pas engager une bataille sans forces suffisantes ; mais, pour le
psalmiste (17,2-3; 58,18; 80,2) « Dieu est notre force, notre roc, notre forteresse, notre libérateur »).
La deuxième précaution consiste à accepter de suivre le Christ dans le discernement pour éviter
d’entamer la construction d’une relation intime avec lui persévérer jusqu’au bout, car « si le Seigneur ne
bâtit pas la maison, les bâtisseurs travaillent en vain » dit le psaume 126.
Au cours de cette Eucharistie, implorons de la divine Sagesse les grâces qui nous sont nécessaires pour
porter notre croix en vrais disciples du Maître crucifié :
Seigneur, pour que nous soyons disciples de ton Fils, tu exiges de nous un amour sans partage et un
renoncement total. Ce que nous sommes incapables de faire par nous-mêmes, que ta grâce nous en donne
la force: alors, nous pourrons porter notre croix et marcher à la suite du Christ. Lui qui règne pour les
siècles des siècles.