Il était une fois... Les échecs, produits de plusieurs jeux? Mais qui

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Il était une fois... Les échecs, produits de plusieurs jeux? Mais qui
Il était une fois...
Les échecs, produits de plusieurs jeux?
Mais qui donc a inventé les échecs, les Chinois, les Perses, les
Grecs ou les Indiens? De nombreux historiens, très savants, se
sont penchés très sérieusement sur la question. Ils ont publié
bien des livres, sans jamais pouvoir y répondre clairement.
Le jeu d'échecs n'est pas une invention ponctuelle dans le
temps et l'espace mais peut-être le produit de plusieurs jeux.
Des jeux qui ont voyagés avec les caravanes et les marchands,
je vous propose de suivre l'une des pistes...
La légende indienne
Une des légendes les plus crédibles concernant l'origine du jeu
d'échecs nous entraîne en Inde, plus exactement dans la région
du Cachemire, à la limite de la frontière chinoise. C'était il y a
700 ans après Jésus Christ.
Laissons la parole au poète Fidursi dans le "Livre des
Rois" écrit au dixième siècle.
Deux frères, prétendants au trône laissé vacant par la mort du
Roi, se livrèrent une bataille féroce où l'un d'entre eux y trouva
la mort. On réuni alors le conseil des sages pour examiner les
circonstances de sa mort. Les sages décidèrent de mettre la
bataille en scène et choisirent une salle du palais dont le sol
était constitué de grands carreaux de teck et d'ivoire. Ils
placèrent alors, face à face, des figurines sur deux rangs.
Au premier rang, il y avait les fantassins et sur une deuxième
ligne, en arrière des fantassins, des personnages: le Roi, son
général en chef, deux éléphants, deux cavaliers et deux
chariots. A chacun, les sages attribuèrent le rôle qu'il avait joué
lors de la bataille en le symbolisant d'un mode de déplacement:
- L’éléphant, imposant, peut avancer lentement de trois cases,
sa puissance lui permet de franchir tous les obstacles.
- Le chariot peut traverser rapidement le théâtre des
opérations.
- Le cavalier, qui se déplace de trois cases en diagonale, joue
l'effet de surprise.
- Le Roi est protégé par son général en chef qui ne s'éloigne
pas de plus d'une case.
- Les fantassins avancent d'une case et tuent devant eux à
droite et à gauche.
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Ainsi serait né les premiers déplacements des pièces d'échecs.
A l'issu d'une bataille reconstituée.
Au delà de cette légende, il est incontestable que les hommes
dans le nord de l'inde jouent déjà, en ce temps là,
au Chaturanga.
Un jeu calqué sur la stratégie des batailles de l'époque. Un jeu
dont les pièces représentent les quatre corps d'armée indienne:
fantassins, éléphants, chariot, cavalier et dont le but est de
tuer le Roi ennemi.
Les parties de Chaturanga se jouaient déjà sur un damier de 64
cases avec quatre joueurs au moyen d'un dès à quatre faces.
En effet, à l'époque, les joueurs n'avaient pas de libre arbitre.
Ils communiquaient avec le cosmos et leurs Dieux grâce au dé.
Ils doivent suivre le destin que leur indique le dé. Les règles
sont complexes et évoluerons au fil des siècles dans le grand
brassage humain de cette région du monde que traversera la
route de la soie et des épices.
Un siècle plus tard, environ, le jeu perd son dé et, avec lui, la
notion de hasard. Il sera alors baptisé Chatrang.../
L'Islam conquis par le jeu d'échecs
Dans le premier épisode, "La légende indienne", nous avons
quitté le Chaturanga en Inde.
Il arrive en Perse sous le nom de Chatrang et enchante les
populations. Le Chatrang connait rapidement une très grande
popularité. En effet, en 636 de notre ère, le Calif Omar, sous
l'impulsion du prophète Mahomet et avant de conquérir la
perse, s'établit à Bagdad. Les troupes du Calif, après avoir
découvert les attraits du Chatrang, ramènent le jeu à Bagdad.
Nouvellement baptisé Chatrandj, le jeu oppose deux camps:
les clairs et les foncés avec pour champ de bataille, 64 cases.
Chaque joueur possède un Roi, deux Tours, deux Cavaliers et
huit Fantassins. Il y a aussi deux Alfis (les ancêtres du Fou) qui
sautent de deux cases en diagonale et les Firzan qui se
déplacent d'une seule cases en diagonale. Le gagnant doit
paralyser totalement le Roi adverse tout en le dépouillant de
toute son armée.
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Le Chatrandj connaît, à son tour, une immense popularité.
Popularité qui irritera les ultras religieux Sunnites qui voulait
imposer une interprétation rigoriste du Coran. Pour eux, les
pièces du jeu sont des symboles de la vie et sont contraire au
dogme. Pour cette raison, elles sont stylisées pour ne plus
représenter des formes humaines.
A noter que le jeu d'échecs connu la censure au XXème siècle
en Iran. En 1979, sous l'Ayatollah Khomeni, les religieux chites,
trouvant alors que les pièces sont encore trop imagées,
l'interdirent jusqu'en 2001, date à laquelle il retrouvera sa
place avec le régime du Président Khatami (épisode 3 échecs et
religions).
Sous Harun Al Rachid, Calife de BAGDAD
Mais revenons au temps anciens.
Celui où, contes, légendes et histoires font bon ménage.
Harun Al Rachid, célèbre Calife de Bagdad durant les années
766 - 809, qui servit de modèle aux légendes des Mille et une
nuit, prend sous sa protection les meilleurs joueurs de Bagdad.
Il fait fabriquer des échiquiers précieux. L'un de ces jeux, en
ivoire, sera même envoyé à l'empereur Charlemagne.
Premières études de positions
A la fin du premier millénaire c'est à Bagdad que le jeu va
murir. La réflexion prime alors sur l'aspect ludique. On se livre
aux premières études de positions. Al-Adli est certainement
l'un des tout premiers champions à écrire un traité théorique
"Le livre du Chatrandj". Il faut aussi citer Ar-Rasi joueur
persan protégé par le Calif et adulé par les joueurs. Il écrit un
ouvrage intitulé "L'élégance du Chatrandj" et bat son rival AlAdli sous l'œil du Calife.
Le plus grand de ces joueurs auteurs fut peut-être Al-Suli qui
fut un modèle pour les amateurs pendant plusieurs siècles à
Bagdad et ailleurs. Al-Suli, né dans les années 880 au bord de
la mer Caspienne, alterne grands tournois, dont il sort
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immanquablement vainqueur, et publications théoriques.
François le Lyonnais relate dans son dictionnaire des échecs,
comment Al-Suli analyse finement un problème d'échecs grâce
à une anecdote amusante:
Contre un monceau d'or, un jeune seigneur eut la folie de jouer
aux échecs sa belle favorite esclave Dilaram. Réduit à une
position désespérée et menacé de mat en un coup, sa vue se
trouble, sa tête s'égare, il maudit sa cupidité qui l'expose à
perdre une femme qu'il adore. Incapable de se libérer du
danger qui le menace, il croit n'avoir plus qu'à se résigner à son
malheureux sort. Mais, la belle Dilaram suivait la partie,
derrière son voile, elle l'avait étudiée avec soin et, ne désirant
pas devenir la propriété de l'étranger, elle s'écrie:
Oh! mon seigneur, que la joie rentre dans votre âme, sacrifier
vos deux rocs (Tours) plutôt que moi, avancez hardiment votre
éléphant (Fou), poussez votre pion et votre cavalier donnera
le mat!
Un peu incrédule, son maître suivit quand même son conseil,
garda l'or et garda Dilaram.
Une dispute avec le nouveau Calife contraint Al-Suli à l'exil
laissant la place à son élève favori Al-Lajlal surnommé le
bègue. Dans ses ouvrages, on retrouve en introduction, des
allégeances à Dieu et la liste des bienfaits que le jeu d'échecs
peut apporter à un bon musulman. Malgré la protection de
Califes le jeu reste en effet toujours suspect. Certes, il se
démarque des jeux de hasard lucratifs formellement interdit par
le coran mais il n'est pas recommandé non plus.
Nous retrouverons dans le prochain épisode les suspicions qui
entourent ce jeu lors de son arrivée en Europe. Suspicions de
l'église mais aussi des Rois...
Une cohabitation parfois difficile
C'est au tournant des deux premiers millénaires que le jeu
d'échecs arrive en Europe. Il vient d'Espagne, à la suite des
conquêtes musulmanes.
L'aspect symbolique du jeu d'échecs, lui vaut de devenir la
distraction préférée de bourgeois, des nobles et de certains
religieux. Se sont du reste des ecclésiastiques qui écriront, en
Europe, les premiers traités sur les échecs.
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Dans leur description des pièces et du jeu, les religieux
camouflent souvent une forme d'allégories, une critique sur la
moralité de tel ou tel prince.
Toutefois, les hautes autorités du clergé ne voyaient pas
toujours d'un bon œil ce jeu hors normes, où l'on pariait parfois
des sommes importantes. Certains texte liturgiques
condamnaient les jeux de dés et en 1961, le Cardinal Damiani
écrivit une lettre de doléances au Pape Alexandre II pour que
soit condamné l'évêque de Florence qui pratiquait ce jeu
"hérétique" et manifestait naturellement une indulgence
"coupable" envers les joueurs d'échecs. L’évêque, pour sa
défense rétorqua que ce jeu ne faisait pas appel au hasard,
mais il reçu quand même une lourde punition. Ce fut seulement
cent plus tard que l'interdiction fut levée.
Par la suite les échecs furent taxés d'anathème par le concile de
Paris (1212), ce qui fut confirmé ultérieurement par Saint Louis
en France. Mais, cela n'aura que peu de conséquences et le jeu
d'échecs, grâce à sa rigueur scientifique et ses qualités
intrinsèques, mettant en avant le raisonnement, la mémoire et
la concentration, continuera à être pratiqué malgré des temps
parfois difficiles.
Le jeu d'échecs moralisé
Au XIII siècle, Jaques de Cessole, un moine dominicain de la
région d'Asti en Italie, publie son traité "Le jeu d'échecs
moralisé".
Il veut ainsi effacer la mauvaise réputation du jeu. Il démontre
qu'il s’agit d'une parfaite représentation de la société de
l'époque avec ses personnages, Roi, Reine, Chevaliers et
Paonnet, des pièces parfaitement hiérarchisées sur les 64 cases
comme dans la vie réelle. Son livre, plusieurs fois réédités,
donnera au jeu sa respectabilité et facilitera sa diffusion.
L'invention de l'imprimerie au XV siècle jouera un rôle
déterminant pour l'expansion du jeu d'échecs.
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Les premiers Champions du monde
En 1512, Pédro Damiano, un pharmacien portugais, publie
son premier traité composé de dix chapitres avec ouvertures et
astuces.
En 1561, c'est au tour de Ruiz Lopez, un prêtre espagnol,
considéré comme le meilleur joueur du monde, de publier un
premier livre "Répétitions d'amour et art du jeu d'échecs"
traitant de tous les compartiments du jeu. Il donnera d'ailleurs
son nom à une partie "La partie ESPAGNOLE" et restera ainsi
dans l'histoire comme un des plus forts joueurs de son temps.
Aujourd'hui encore, cette partie reste très prisée par les joueurs
de haut niveau. Modernisée, elle est considérée comme la plus
difficile pour les Noirs.
En 1600, naquit le joueur qui deviendra sans conteste le plus
brillant de son siècle et le premier joueur professionnel
connu, Giochino Greco. Une très belle partie, qui mérite le
détour, fut jouée en 1619 à Rome ou il exprime son immense
talent. Cette partie reflète bien l'importance accordée au Fou
par Greco. Ce Génie représentait le joueur parfait de son
époque car il était capable de concevoir des parties
spectaculaires avec des mats éclairs. Il gagna des sommes
importantes dans toutes les grandes cours d'Europe.
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