Chapitre 6 - Précis d`anesthésie cardiaque

Transcription

Chapitre 6 - Précis d`anesthésie cardiaque
PAC
•
Précis d’Anesthésie Cardiaque
CHAPITRE 06
LE MONITORAGE
EN
ANESTHESIE CARDIAQUE
Mise à jour: Mars 2015
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
1
Table des matières
Introduction
Electrocardiographie
Les dérivations standards
Surveillance du segment ST
Variabilité de la fréquence cardiaque
Pression artérielle
Généralités techniques sur le monitorage
intravasculaire
Possibilités d’accès artériels
Analyse de la courbe artérielle
Voie veineuse centrale
Sites de ponction
Techniques de ponction
Guidage par ultrasons
Complications
Mesure de la pression veineuse centrale
Cathéter artériel pulmonaire de Swan-Ganz
Justification et impact
Indications au CAP
Mise en place du cathéter pulmonaire
Complications du cathéter pulmonaire
Indications et contre-indications
Pressions enregistrées
Mesure du débit cardiaque
Transport d’oxygène et rapport DO2/VO2
2
4
4
6
8
10
10
11
16
21
21
24
28
32
33
38
38
42
44
47
48
50
58
61
Techniques particulières
Mesure du débit card : autres technologies
Contour de la courbe artérielle
Réinspiration partielle de CO2
Doppler oesoophagien
Bioimpédance électrique du thorax
Mesures de l’oxygénation tissulaire
Avantages et limites des technologies
Surveillance hémodynamique
Monitorage de la volémie
Fonction systolique du VG
Fonction diastolique
Fonction ventriculaire droite
Monitorage de l’ischémie
Surveillance respiratoire
Relation PaCO2 – PetCO2
Hypocapnie et hypercapnie
Relation débit cardiaque / échanges gazeux
Monitorage neurologique
Oxymétrie cérébrale
Index bispectral
Monitorage de la coagulation
Conclusions
Bibliographie
Auteur
64
67
67
75
77
80
80
83
85
85
103
114
118
120
126
126
126
127
130
134
136
139
145
147
159
Introduction
Le terme moniteur vient d’un mot latin signifiant avertir. Un moniteur est donc une alarme, dont
l’impact sur le devenir des patients tient exclusivement aux conséquences thérapeutiques que l'on en
tire. Sans insuline, doser des glycémies n’aurait aucun sens ! En effet, on évalue le rapport coût /
bénéfice d’une technique de monitorage en se référant aux décisions thérapeutiques que cette
technique a permis de prendre, et aux conséquences de ces dernières sur le devenir du patient. Les
mesures de cet impact sont des différences de mortalité, de morbidité ou de durée de séjour en soins
intensifs. Ainsi, on dispose de données cohérentes sur la portée du cathéter de Swan-Ganz, qui est un
système invasif, ou de l’échocardiographie transoesophagienne, qui est un monitorage onéreux. Mais
il faut bien reconnaître qu’on n’a aucune preuve de l’impact du cathéter artériel ou du pulsoxymètre
sur le devenir des malades ou sur le coût de la prise en charge. Ces systèmes répondent si bien aux
besoins de la surveillance peropératoire qu’on ne pourrait plus monter une étude randomisée
comparant leur présence et leur absence sans enfreindre les règles éthiques de la recherche clinique.
D’une manière générale, maximaliser le monitorage n’est pas synonyme d’améliorer la surveillance.
L’utilité d’une technique de monitorage tient aux décisions thérapeutiques qu’elle a permis de prendre,
et aux conséquences de ces dernières sur le devenir du patient. Un monitorage sans impact est un
monitorage inutile. D’autre part, les connaissances de l’anesthésiste et du réanimateur sont essentielles
pour tirer des conclusions thérapeutiques adéquates. Ainsi, un système dont on n’est pas coutumier
n’est habituellement d’aucune portée. L’informatique offre d’innombrables possibilités d’analyse ;
l’industrie multiplie les systèmes de surveillance et les données chiffrées. Mais il reste préférable de se
fier à des techniques que l’on maîtrise bien plutôt que de compliquer la prise en charge avec des
données dont on ignore l’interprétation. Il est également bon de se souvenir que la couleur du patient
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
2
ou celle du champ opératoire, la température ou la moiteur des extrémités, les mouvements
ventilatoires ou l’état des pupilles, sont les éléments premiers de la surveillance, parce que ce sont des
données directes dont l’accès ne réclame aucun intermédiaire technique ni calcul sophistiqué.
Le problème majeur de l’indication aux différents systèmes de monitorage tient au fait qu’ils doivent
être mis en place avant l’évènement qu’ils sont supposés surveiller. Or ils ne sont utiles que si cet
évènement se réalise. Leur indication repose donc sur la probabilité qu’a cet évènement de se produire.
Si la probabilité est haute ou basse, le choix est simple, mais lorsque la probabilité est moyenne, la
décision repose sur le jugement clinique de l’anesthésiste. En cas d’hésitation sur la nécessité d’un
système de monitorage dans un cas particulier, il est plus prudent de l’installer que d’y renoncer.
"Trop fort n'a jamais manqué" dit un vieux proverbe de marine !
En chirurgie cardiaque, les périodes per- et post-opératoire sont en général plus mouvementées que
l’induction elle-même. Or il est plus aisé d'équiper un patient à l'induction, dans le calme d'un état
hémodynamique proche de la norme, que de suppléer à ce qui manque lorsque la situation s'aggrave et
que le malade devient instable. Les conditions de stérilité de la salle d'opération offrent la sécurité
maximale pour le placement de voies prévues pour le long terme. De plus, ce qui paraît superflu pour
l'anesthésie peut être vital pour la situation postopératoire. Il ne s’agit pas non plus de suréquiper
aveuglement les patients ; les contraintes budgétaires et la rationalisation des attitudes incitent au
contraire à bien peser les indications aux techniques invasives et dispendieuses en recherchant le
monitorage optimal pour chaque situation.
Les variables que l’on surveille sont référencées à une valeur de base correspondant au zéro. Au cours
d’une anesthésie, l’évolution d’une mesure a souvent davantage d’importance que sa valeur absolue.
Même entachée par un coefficient d’erreur important, une mesure garde sa valeur pour le suivi du
patient, parce que la même erreur est répétée sur chaque mesure, ce qui permet d’observer
efficacement l’évolution temporelle de la donnée.
L’attention humaine se relâche rapidement lorsqu’elle surveille des données continues et monotones ;
l’avantage d’un appareil automatique est de garder le même niveau de vigilance quelles que soient la
durée et la régularité des éléments observés. Le monitorage sert donc à détecter en permanence les
signes avant-coureurs des incidents et des accidents potentiels, de manière à prendre des mesures
correctives le plus précocement possible. Pour ce faire, l’anesthésiste doit satisfaire à trois exigences.
 Comprendre le fonctionnement des diverses technologies de surveillance pour connaître leurs
capacités, leurs limites et leurs artéfacts ;
 Maintenir un niveau d’alerte suffisant pour réagir aux variations et aux alarmes ; ces dernières
doivent être réglées en fonction de chaque cas pour éviter de sonner lors de variations
mineures ; seules les données prioritaires sont connectées à une alarme sonore.
 Replacer les données fournies par les moniteurs dans le contexte clinique du patient.
Les moniteurs ont un avantage par rapport à la surveillance humaine : ils gardent constamment le
même degré d’attention et s’acquittent beaucoup mieux que nous de tâches répétitives comme la
lecture de l’ECG ou de la saturation artérielle. Par contre, même avec des algorithmes sophistiqués, ils
ont de piètres capacités à évaluer un risque dans un certain contexte ou à anticiper un problème
potentiel.
Le monitorage habituel surveille en permanence les fonctions hémodynamiques essentielles : rythme
cardiaque, fonction ventriculaire, perfusion myocardique, perfusion systémique, perfusion pulmonaire,
volémie. A ces notions s'ajoutent la surveillance de la ventilation et des échanges gazeux, de l’activité
cérébrale, de la température, de l’équilibre acido-basique et du transport d’oxygène.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
3
Electrocardiographie
Les dérivations standards
Les conditions d’examen du bloc opératoire ne permettent pas de réaliser des tracés
électrocardiographiques (ECG) exactement superposables à ceux d’un enregistrement standard.
Cependant, le positionnement judicieux des électrodes offre suffisamment de possibilités pour
explorer tout le territoire ventriculaire gauche et une bonne partie du droit. Lors de lésions
coronariennes gauches (interventriculaire antérieure et/ou circonflexe), les dérivations V5 et DII
détectent ensemble 80% des accidents ischémiques, mais la présence de lésions droites baisse la
sensibilité à 65% ; il faut donc ajouter une dérivation V4 droite (V4R) pour observer le territoire du
VD. La combinaison DII-V5-V4R permet de surveiller la quasi-totalité des territoires coronariens. La
combinaison DII-V4-V5 a une sensibilité de 96% pour l’ischémie gauche [156]. Pour que la
surveillance soit efficace, on affiche sur l’écran les dérivations correspondant aux zones à risque
d’ischémie active.
Les trois territoires coronariens ont schématiquement la répartition suivante :
 Artère interventriculaire antérieure (IVA)
 Artère circonflexe (CX)
 Artère coronaire droite (CD)
DI, aVL, V3 - V4
DI, aVL, V4 - V6
DII, DIII, aVF
La localisation de l’ischémie ou de l’infarctus est repérable en fonction des dérivations où elle
apparaît :








Territoire antérieur
Territoire inférieur
Territoire latéral
Territoire postérieur
Territoire antéro-latéral
Territoire antéro-septal
Territoire inféro-latéral
Ventricule droit
DI, aVL, V3 - V4
DII, DIII, aVF
DI, aVL, V5 - V6
altération réciproque V1 - V2
V1 - V6
V1 - V4
inférieur + V5 - V6
V4R - V6R
Un positionnement rigoureux des électrodes sur le patient est la condition de base pour obtenir un
tracé adéquat (Figure 6.1). Les tests d’effort préopératoires ou la coronarographie permettent de
connaître les territoires où sont survenu les anomalies correspondant à une ischémie active. On les
affiche de préférence sur l’écran du moniteur. La surveillance d’un territoire déjà infarci est inutile.
Il faut éviter les interférences des mouvements musculaires en plaçant les électrodes en regard de
zones osseuses, et veiller à ce que les câbles des dérivations ne croisent pas d'autres circuits
électriques. Les fasciculations musculaires et les frissons donnent des oscillations aléatoires de haute
fréquence. Un défaut d’isolation ou un mauvais contact cutané des électrodes induisent des artéfacts
de lecture, des dérives de la ligne de base et la captation de courants parasites (60 Hz, par exemple).
La coagulation est la principale source d’altérations électriques. On peut en minimiser la portée en
plaçant l’électrode de référence de la jambe droite le plus près possible de la plaque de mise à terre et
en connectant le moniteur à un autre réseau d’alimentation électrique que le thermocautère. Le
potentiel électrique cutané et le potentiel de base de l’électrode génèrent des oscillations lentes de la
ligne de base. L’électricité statique de la machine de CEC peut induire des irrégularités semblables à
une fibrillation ventriculaire, particulièrement si l’atmosphère de la salle d’opération est froide et
sèche [128].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
4
BD
BG
BG
BD
+
BG
JG
+
JD
JG
B
JG
BD
BD
+
BG
BG
+
V5
A
C
Figure 6.1: Positionnement des électrodes d’ECG. A : Positionnement des électrodes d’ECG dans des systèmes
à trois électrodes. En CB5, l'électrode négative est sur l'omoplate. B : Positionnement des électrodes d’ECG dans
un système à cinq électrodes. C : positionnement des électrodes précordiales ; V5 : ligne axillaire antérieure, 5ème
espace intercostal. BD: bras droit. BG: bras gauche. JG: jambe gauche. JD: jambe droite.
La variation du potentiel électrique de l’ECG est rapide au cours d’un QRS, mais plus lente au cours
de l’onde T. Dans une analyse spectrale, la fréquence de chaque composante peut être assimilée à la
pente du tracé électrique. L’évènement le plus rapide est représenté par les pointes-ondes (spikes) d’un
pace-maker (> 100 Hz) ou les artéfacts du réseau (60 Hz) [157]. L’analyse des ondes P ou T demande
une fréquence de lecture de 3 - 10 Hz ; celle du QRS réclame une lecture à 5 - 30 Hz, et l’analyse du
segment ST une lecture jusqu’à 60 Hz [310]. Malheureusement, plus l’étendue du spectre de lecture
est vaste, plus le tracé est perturbé par des artéfacts. D’où la nécessité d’introduire un filtrage : les
signaux de hautes et basses fréquences sont filtrés dans le mode monitoring (réponse de 0.2 à 40 Hz)
et éliminés dans le mode filtre (réponse de 0.5 à 30 Hz). Le mode diagnostic ne filtre aucun signal
(réponse de 0.05 à 130 Hz). Le filtrage des hautes fréquences élimine l’effet des mouvements
musculaires, du 60 Hz et des instruments électriques (800 – 2’000 Hz pour la coagulation) ; celui des
basses fréquences stabilise la ligne de base. Comme l’amplification des signaux de basse intensité, la
filtration impose un léger délai qui peut altérer la relation temporelle de certains éléments : un filtre à
0.5 Hz peut modifier la pente du segment ST et induire artificiellement un sous-décalage ; l’amplitude
des ondes R et S diminue avec un filtre à 40 Hz [157].
Ces considérations ont des implications cliniques pratiques. L’analyse du segment ST n’est fiable
qu’en mode diagnostic (importance des basses fréquences < 0.5 Hz) ; il en est de même pour le test
d’un pace-maker (hautes fréquences des pointes-ondes > 40 Hz). Lors de fibrillation ventriculaire
induite par un fibrillateur, le mode diagnostic permet seul de s’assurer que le courant de 60 Hz est
établi. Si le moniteur le permet, il est pratique d’afficher une dérivation dans le mode diagnostic (DII)
et une autre dans le mode filtre (V5).
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
5
Surveillance du segment ST
Normalement isolélectrique, le segment ST s'abaisse en cas d'ischémie sous-endocardique et s'élève
lors de lésion transmurale due à un spasme ou un infarcissement. Le seuil de signification est fixé
habituellement aux valeurs suivantes (Figure 6.2) [157] :
 Sous-décalage horizontal ou descendant de plus de 1.0 mm (> 0.1 mV) survenant 60 à 80
msec après le point J (jonction entre l'onde S et le segment ST) ;
 Sous-décalage ascendant lent de plus de 2 mm (> 0.2 mV) survenant 60 à 80 msec après le
point J ;
 Sus-décalage de plus de 1 mm (> 0.1 mV) par rapport à la ligne isoélectrique dans une
dérivation non-Q ;
 Durée du sous-décalage supérieure à 20 secondes (20-30 cycles cardiaques).
Le mesure est plus pertinente à 80 msec du point J, mais est avancée à 60 msec en cas de tachycardie
(fréquence > 100 batt/min) pour échapper à l’onde T. L'amplitude et l'étendue du décalage ST sont
directement proportionnelles à la masse myocardique ischémiée. De ce fait, une ischémie du
ventricule droit ne peut occasionner que de faibles modifications du segment ST, même si la lésion est
étendue et que ses conséquences hémodynamiques sont importantes. La persistance du décalage ST
est un indice de risque de nécrose. Un aspect descendant implique une pathologie sévère, alors qu'un
aspect oblique ascendant rapide peut être normal en cas de tachycardie ou d’effort [242].
L'abaissement du segment ST, qui signe une ischémie sous-endocardique, a peu de valeur
localisatrice, alors que sa surélévation, qui représente une ischémie transmurale, correspond à une
lésion coronarienne tronculaire définie ; cette dernière est plus fréquente chez les patients de chirurgie
coronarienne.
Point
isoélectrique
J
Figure 6.2: Variations du
segment ST.
A: Le sous-décalage est mesuré
80 msec après le point J par
rapport à la ligne isoélectrique
repérée dans l'espace PQ. Formes
variables du segment ST.
B: sous-décalage horizontal.
C: segment oblique ascendant.
D: segment oblique descendant.
E: sus-décalage.
+ 80 msec
P
A
Q
S
© Chassot 2012
La spécificité du sous-décalage ST pour l’ischémie myocardique est très haute, mais varie selon la
forme du segment : de 95% pour un sous-décalage descendant, elle passe à 85% pour un sousdécalage horizontal et à 75% pour un sous-décalage oblique ascendant [157]. Plus les lésions
coronariennes sont diffuses, plus la sensibilité des altérations du segment ST augmente; elle est en
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
6
moyenne de 75% pour une maladie bitronculaire et de 85% pour une maladie tritronculaire. Certaines
conditions altèrent le segment ST sans pour autant être des signes d'ischémie [121] :






Hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) ;
Retard de conduction (BBG) ;
Imprégnation de digoxine ou de quinidine (aspect cupulliforme) ;
Hypoglycémie, hypothermie ;
Wolff-Parkinson-White, maladie de Barlow, dysautonomie ;
En anesthésie : hyperventilation, modifications de la position du patient, ouverture de la cage
thoracique.
Dans ce cas, il faut corriger les altérations du segment ST par rapport à l'amplitude de l'onde R. En cas
de bloc de branche, la repolarisation n'est pas interprétable dans la zone qui affiche un RR'. Les
moniteurs disposent de programmes d’analyse automatique du segment ST qui permettent l’affichage
à intervalles réguliers de la valeur du décalage éventuel. Ces systèmes réclament un réglage préalable,
qu’il est judicieux de contrôler régulièrement en cours d’intervention. Le point isoélectrique est placé
40-80 msec avant le début du QRS. Le point de mesure du niveau électrique est estimé par l’appareil à
partir du point J ou à partir de l’onde R (Figure 6.3). Comparé à un enregistrement Holter simultané,
mais décodé en temps différé, l’analyse automatique du segment ST présente en moyenne une
sensibilité et une spécificité de l’ordre de 75% dans la détection des épisodes d’ischémie peropératoire
en chirurgie de revascularisation coronarienne [151] ; ces valeurs varient respectivement de 60% à
78% et de 69% à 89% selon les types de moniteurs utilisés.
Figure 6.3 : Exemple de réglage manuel de l’analyse du segment ST sur un moniteur. On règle la barre du point
isoélectrique au niveau de l’espace PQ 40-80 msec avant le QRS et celle du point J de manière à ce qu’elle
coupe le tracé à l’intersection entre l’onde S et le segment ST. La barre traitillée du point ST est réglée à + 60 ou
+ 80 msec selon la fréquence cardiaque; elle se positionne à l’endroit où se fait le calcul du décalage électrique
entre le segment ST et la ligne isoélectrique (ligne de base de l’ECG). Sur les moniteurs les plus récents, ces
ajustements sont automatisés. Les risques de dérive électrique obligent à procéder régulièrement au contrôle de
ces réglages en cours d’intervention.
Immédiatement après des pontages aorto-coronariens (PAC), une surélévation ST peut être due à des
embolies gazeuses peropératoires, à des embolies de débris athéromateux (thrombendarterectomie
coronarienne) ou à un vasospasme. Dans le premier cas, elle disparaît spontanément en quelques
minutes; dans le dernier, elle est une indication à un vasodilatateur approprié (diltiazem ou nifédipine
selon la fréquence cardiaque). Comme il est placé antérieurement dans la racine de l’aorte, l’orifice de
la coronaire droite draine naturellement l’air qui pourrait provenir d’une ouverture chirurgicale des
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
7
cavités gauches chez un patient en décubitus dorsal. Cela se traduit par des signes d’ischémie
tronculaire dans ce territoire: surélévation du segment ST et onde de Pardee en DII.
Le segment ST n’est pas le seul marqueur électrique des évènements ischémiques; la souffrance
hypoxique du myocarde se traduit également par:
 Des modifications de l'onde T, qui devient pointue et symétrique (lésion sous-endocardique)
ou s'inverse (lésion transmurale);
 Des diminutions d'amplitude de l'onde R;
 Des blocs de branche intermittents;
 Des arythmies ventriculaires.
L’ECG
Dans un système à 5 dérivations, DII et V5 détectent ensemble 80% des accidents ischémiques. La
combinaison DII-V4-V5 a une sensibilité de 96% pour l’ischémie du VG. Les signaux de hautes et
basses fréquences sont filtrés dans le mode monitoring (réponse de 0.2 à 40 Hz) et éliminés dans le
mode filtre (réponse de 0.5 à 30 Hz). Le mode diagnostic ne filtre aucun signal (réponse de 0.05 à 130
Hz) ; il est mieux adapté à la surveillance du segment ST.
La valeur du segment ST se mesure 60-80 msec après le point J (jonction entre l'onde S et le segment
ST). Critères d’ischémie :
- Sous-décalage horizontal ou descendant de plus de 1.0 mm (> 0.1 mV) ;
- Sous-décalage ascendant lent de plus de 2 mm (> 0.2 mV) ;
- Sus-décalage de plus de 1 mm (> 0.1 mV) .
Plusieurs éléments interfèrent avec la lecture du segment ST : HVG, BBG, digitale, hypoglycémie,
hypothermie, modifications de la position du cœur, ouverture de la cage thoracique.
Analyse de variabilité de la fréquence cardiaque
La variabilité physiologique de la fréquence cardiaque résulte des commandes autonomes de
l'organisme sur le noeud du sinus ; elle est liée à la respiration, à l'équilibre entre le système
sympathique et le système parasympathique, aux régulations hémodynamiques des barorécepteurs, à la
thermorégulation et aux rythmes physiologiques lents. Elle présente une certaine structure répétitive
que l’analyse fractale peut interpréter [137]. Il est possible qu'elle soit un marqueur de la stabilité et de
la réserve hémodynamique du patient dans une situation de stress [142]. Elle disparaît dans un certains
nombre de situations pathologiques : insuffisance cardiaque, ischémie, hypertension, arythmies
chroniques, dysautonomie, prématurité, âge avancé, diabète, traitements pharmacologiques, mort
cérébrale [189]. Une absence de variabilité dans la fréquence cardiaque est significativement associée
au risque d'arythmies malignes et au syndrome de mort subite [309]. Les patients qui affichent une
fixité du rythme cardiaque ont une incidence d'hypotension peropératoire plus élevée que la norme
[68].
Dans un système fractal, les sous-unités ressemblent structurellement aux unités plus grandes (voir
Figure 1.3) : la rythmicité d’un petit ensemble d’intervalles R-R ressemble à celle d’un ensemble de
plus longue durée. La dégradation de cette complexité non-linéaire en un système où les intervalles
sont liés au seul hasard est typique de la maladie cardio-vasculaire et de la vieillesse [137]. L’échelle
de Poincarré, dans laquelle chaque intervalle est représenté en fonction de la valeur de celui qui le
précède, ou l’entropie approximative, qui mesure la probabilité de ressemblance de deux ensembles de
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
8
mesures pris à des échelles de temps différentes, sont deux exemples d’évaluation fractale de la
variabilité du rythme cardiaque.
La prépondérance de variabilité rythmique liée au hasard par rapport à la variabilité de type fractal
identifie les patients qui ont une moins bonne survie après pontage aorto-coronarien [136] ; elle est un
prédicteur de complications cardiaques postopératoires [137] et de mortalité à 2 ans [74]. En
quantifiant le degré de dysautonomie des patients, l'analyse de variabilité faite en préopératoire offre
une possibilité de prédire le comportement hémodynamique comme une hypotension sévère à
l’induction d’une anesthésie générale ou à l’installation d’une rachianesthésie [104]. Sous isoflurane,
tout le spectre de variabilité disparaît et la fréquence cardiaque est uniforme. Toutefois, l'analyse de la
variabilité de la fréquence cardiaque s'est révélée peu prédictive pour la prévision des arythmies
graves et des morts subites sur fibrillation ventriculaire.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
9
Pression artérielle
Un monitorage invasif de la pression artérielle est requis en chirurgie cardiaque pour trois raisons :
 Suivi en continu de l’éjection du VG et de l’hémodynamique systémique ;
 Dépulsation de la pression en CEC ;
 Echantillonnage sanguin : gazométries, glycémies, etc.
Généralités techniques sur le monitorage intravasculaire
Un système de monitorage de pression comprend un cathéter intravasculaire, une tubulure et un
capteur (transducteur) qui convertit les variations d’énergie de pression en modifications de champ
électrique par l’intermédiaire d’un diaphragme semi-conducteur (pont de Wheatstone). Le transducteur
repose sur le principe de la variation de la résistance électrique d’un fil selon sa longueur : lorsqu’il
s’allonge, sa résistance s’accroît. Dans les transducteurs modernes, le fil est remplacé par des cristaux
de silicone dont la résistance électrique varie de 5 µV pour 1 mmHg de pression. Une lecture précise
par le moniteur dépend de plusieurs facteurs techniques [250].
 Une onde de pression est constituée d'une série complexe d'ondes oscillatoires qui sont des
multiples (harmoniques) d'une fréquence de base (fréquence cardiaque, 1-2 Hz). On admet
généralement que l'information essentielle concernant une courbe de pression est contenue
dans les dix premières harmoniques qui entrent dans la configuration de cette courbe (2 à 20
Hz); elles représentent la fréquence d'entrée du système.
 La fréquence de réponse du transducteur : le transducteur transforme les oscillations de
pression en oscillations électriques ; le rapport entre l’amplitude de sortie et l’amplitude
d’entrée de ces oscillations est la fréquence de réponse. La fréquence à laquelle celle-ci est la
plus élevée est la fréquence naturelle du transducteur. Les variations cycliques de la pression
ont des composantes rapides (dicrotisme aortique, par exemple) ou lente (pression veineuse).
Le système doit répondre adéquatement à ces variations ; ceci implique une plage de réponse
allant de 0.5 à 20 Hz.
 La fréquence de résonance : toute substance résonne à un signal pulsé, et de ce fait l'amplifie ;
cette fréquence est directement proportionnelle au diamètre du tube, et inversement
proportionnelle à sa longueur, à sa compliance, et à la densité du fluide. Pour reproduire
adéquatement une onde de pression sans distorsion, la fréquence de résonance et la fréquence
naturelle du système doivent être sensiblement différentes de la fréquence d'entrée. Si elles
sont trop voisines, la réponse est amplifiée ; dans ce cas, son amplitude excessive doit être
amortie.
 Tout système est amorti par des frictions internes. La présence d’air ou de sang dans la
tubulure amortit la transmission, de même qu’une trop grande souplesse ou une trop grande
longueur de la tuyauterie. Le coefficient d’amortissement (ζ) représente la dissipation
d'énergie du système : lorsqu’il est trop élevé (> 0.6), la courbe est amortie, la pression
systolique lue est trop basse, la diastolique trop haute et seule la pression moyenne est fiable.
Si le coefficient est trop bas (< 0.4), la courbe présente des oscillations excessives, la pression
systolique est artificiellement surélevée et la diastolique abaissée ; ceci est d'autant plus
marqué que la fréquence de base (fréquence cardiaque) est élevée. Le coefficient optimal se
situe entre 0.4 et 0.6.
 L'adéquation du système peut s'évaluer par le test de l’onde carrée : un coup de rinçage
(pression environ 300 mmHg) donne sur l’écran une image rectangulaire qui atteint le bord
supérieur de l’écran. Lorsqu’on la relâche, la pression retourne à la ligne de base avec
quelques oscillations ; celles-ci sont séparées entre elles par une distance qui reflète la
fréquence de réponse ; leur amplitude est inversement proportionnelle au degré
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
10
d’amortissement (Figure 6.4). Un système trop amorti retourne directement à la ligne de base
sans oscillations, alors qu'un système trop peu amorti a de nombreuses et amples oscillations
secondaires. Cette dernière situation se rencontre fréquemment sur les lignes de voie centrale
ou de pression pulmonaire et donne un aspect crénelé à la courbe ; on peut lisser celle-ci en
injectant un minime volume d’air (0.1-0.3 mL) dans la tubulure.
 Le système ne mesure que des différences de pression entre l’extrémité du cathéter et le milieu
ambiant, à savoir la pression atmosphérique que l’on considère comme référence zéro. Avant
toute mesure, il faut donc que le moniteur soit équilibré à cette pression en ouvrant un robinet
du système à l’air et en indiquant au moniteur qu’il s’agit de la valeur zéro. Alors qu’il est
important que ce robinet soit bien au niveau du capteur, la hauteur du système lui-même est
sans importance, vu le peu de différence dans la pression atmosphérique entre le plancher et le
plafond d’une pièce. Le zéro peut dériver par modifications des propriétés électriques du
transducteur, par exemple lorsque la température ambiante change ; il doit être régulièrement
contrôlé au cours d'une intervention.
 Le niveau de référence du capteur est choisi en général sur la ligne médioaxillaire au
quatrième espace intercostal sur un malade couché à plat. En position de Trendelenburg, le
capteur fixé vers la tête du patient est plus bas que le niveau du coeur; la pression lue est alors
artificiellement augmentée (une distance verticale de 10 cm correspond à 7.35 mmHg).
 Le perméabilité du cathéter est maintenue par un rinçage cristalloïde continu de 2-4 mL/heure
sous pression (≥ 200 mmHg) et sans héparine.
Tout tracé aberrant ou amorti et toute valeur inexplicable doivent faire rechercher une cause
technique: tubulure ou cathéter coudé, air dans la tubulure, système partiellement dévissé à une
connexion, robinet fermé, pression de rinçage effondrée, zéro inadéquat, niveau du capteur incorrect.
Lors de vasoconstriction périphérique intense, la courbe transmise par un cathéter placé dans l’artère
radiale, qui est une artère musculaire, est très amortie.
Monitorage invasif de la pression
L’amortissement du capteur et de la tubulure artériels diminue le tracé de la courbe sur le moniteur,
alors que la résonance l’amplifie. La qualité du tracé dépend de :
- Type d’artère canulée (radiale ou fémorale) ;
- Amortissement (bulle d’air dans la tubulure, pression de rinçage insuffisante, coudure) ;
- Résonance (tubulure rigide, échelle inadéquate) ;
- Echelle de lecture ;
- Taille de la courbe à l’écran.
Le capteur mesure une différence entre la pression du vaisseau et la pression ambiante, considérée
comme valeur zéro. Avant toute mesure, il faut donc que le moniteur soit équilibré à cette pression en
ouvrant un robinet du système à l’air et en indiquant au moniteur qu’il s’agit de la valeur zéro. Le
capteur est placé au niveau de la ligne médio-axillaire chez un malade à plat en décubitus dorsal. Si le
capteur est abaissé, la pression lue augmente ; elle diminue s’il est surélevé. Une distance verticale de
10 cm correspond à une différence de pression de 7.35 mmHg.
Possibilités d'accès artériels
L’affichage en continu de la courbe de pression artérielle est capital en anesthésie cardiaque, et ce dès
avant l’induction. Deux sites de ponction se partagent la préférence : l’artère radiale et l’artère
fémorale. En cas de contrepulsion intra-aortique, une canule radiale renseigne sur le régime de
pression dans le territoire contrepulsé en amont du ballon, dont dépendent les coronaires et le cerveau,
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
11
alors qu’une canule fémorale transmet la pression de perfusion des viscères abdominaux. Lors de
chirurgie de l’aorte thoracique, le site de ponction artérielle dépend du lieu de canulation artérielle de
CEC et du niveau de clampage de l’aorte (voir Chapitre 18 Anesthésie pour la crosse aortique,
Monitorage, et Figure 18.27).
Figure 6.4 : Evaluation de
la résonnance et de
l'amortissement
d'une
courbe de pression. A.
Après un rinçage (courbe
carrée),
la
pression
retourne à la ligne de base
avec des oscillations. Si
D2/D1 = 0.5, le coefficient
d'amortissement ζ est de
0.2,
donc
insuffisant
(résonnance excessive). Si
D2/D1 = 0.1, le coefficient
d'amortissement ζ est >
0.6, donc excessif; il y a
trop d'amortissement. Le
coefficient optimal se situe
entre 0.4 et 0.6. B: Sousamortissement. C: Suramortissement (damping).
Rinçage
B
D1
D2
fn
A
C
Artère radiale
L’artère radiale est le site de ponction le plus utilisé parce qu’il est facile d’accès et parce que l’artère
radiale n’est pas une artère terminale. De plus, il est aisé de maintenir le cathéter en place de manière
stérile pendant une longue période en postopératoire sans gêner la mobilisation du patient. Par contre,
la mesure peropératoire est tributaire du jeu de la vasoconstriction et de la vasodilatation liée à la CEC
puisque la radiale est une artère musculaire : les valeurs mesurées sont en général plus élevées que
celles de l’aorte avant la CEC et plus basses après celle-ci, particulièrement en cas d’hypothermie
profonde (variations de 20-50%) (Figure 6.5) [92].
Artère fémorale
Artère radiale
120
80
40
© Chassot 2012
Figure 6.5 : Après une CEC hypothermique, l'intense vasoconstriction périphérique peut induire une différence
de valeur considérable entre les pressions lues dans l'artère fémorale ou dans l’artère radiale (chiffres en mmHg).
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
12
A leur origine, l’artère radiale est moins développée que l’artère cubitale, mais au niveau du poignet
les deux vaisseaux sont équivalents. Ils alimentent les arcades palmaires superficielle et profonde, au
niveau desquelles existent de nombreuses variations anatomiques ; dans 5-15% des cas, une des
arcades est incomplète [31]. Bien que sa fiabilité soit douteuse pour prédire une ischémie distale, il est
prudent de pratiquer un test d'Allen avant une ponction radiale [120]. Après compression de l’artère
radiale et de l’artère cubitale, le malade fait le poing plusieurs fois jusqu’à ce que la peau se décolore ;
on relâche alors la compression cubitale et le territoire radial doit se recolorer en 5-15 secondes. Si le
patient est endormi ou non coopérant, on peut le réaliser au moyen d'un pulsoxymètre : au relâchement
de la compression cubitale, la courbe de pléthysmographie doit se rétablir en moins de 10 secondes
alors que la radiale est encore occluse (le gain de l'appareil doit être sur manuel). Si le test d’Allen est
positif, il est préférable de choisir un autre site de canulation artérielle. Vu le peu de fiabilité de ce test,
la visualisation de la radiale et de la cubitale par ultrasons 2D et par flux au Doppler couleur (voir
Guidage par ultrasons) est une meilleure garantie de la fonctionnalité des deux vaisseaux. La
perméabilité de l’arcade palmaire peut être affirmée par le maintien du flux dans l’artère dorsale du
pouce lors de l’occlusion de la radiale [31]. D’une manière générale, il est judicieux de ponctionner le
côté non-dominant. Le syndrome de Raynaud et la maladie de Buerger sont des contre-indications à la
canulation radiale [266]. Chez les malades en hémodialyse, il est important d’épargner autant que
possible les accès artériels des membres supérieurs pour les réserver aux fistules artério-veineuses.
Le taux de complication global de la canulation radiale est de l’ordre de 5% des cas [243].
 Spasme momentané autour du cathéter : il conduit à l’occlusion temporaire dans 20% des cas ;
 Embolisation périphérique due à des lésions intimales, thrombus, ou débris athéromateux ;
l’incidence d’ischémie digitale permanente est de 0.09%, mais la nécrose tissulaire est
exceptionnelle ;
 Infection locale (0.7%) ;
 Facteurs favorisants : état de choc, hypotension prolongée, vasoconstricteurs à haute dose.
Outre l’ablation du cathéter, le traitement de la complication ischémique distale consiste en :
 Perfusion intra-artérielle de vasodilatateurs (phentolamine, xylocaïne, verapamil,
molsidomine) ou de thrombolytique (urokinase) ;
 Perfusion d’héparine et de dextran de bas poids moléculaire ;
 Bloc sympathique (bloc stellaire ispilatéral) ;
 Exploration chirurgicale.
Artère fémorale
De ponction aisée même chez le patient choqué, l’artère fémorale est le site périphérique le plus
proche de l'aorte, car l’extrémité du cathéter se trouve dans l’artère iliaque externe, qui est une artère
élastique. La pression fémorale est voisine de celle de l’aorte thoracique, qui est la pression de
perfusion du cerveau et des coronaires ; ceci n’est plus le cas lors d’athéromatose aortique sévère, de
clampage de l’aorte, et de contre-pulsion intra-aortique (CPIA). Il existe normalement un léger
gradient de pression (3-5 mmHg) entre la fémorale et la radiale en faveur de la première ; ce gradient
tend à s’accentuer dans les états hémodynamiques perturbés, où il peut s’élever jusqu’à 50% (Figure
6.5). N’étant pas affectée en cas de vasoconstriction artérielle importante, la courbe de pression
fémorale reste donc fiable avant, pendant et après la CEC, même en cas d’hypothermie profonde
[216a]. La lecture du dP/dt de cette artère est une approximation fiable de celui du VG, pour autant
qu’il n’y ait pas de pathologie sur la valve et l’axe aortiques [51]. De ce fait, c’est le site de préférence
chez les patients hémodynamiquement instables, et le seul envisageable en cas d’état de choc
(réanimation, déchocage, etc). Les risques de thrombose et d'infection sont négligeables si le cathéter
reste en place moins de 3 jours, mais l'immobilisation et la propreté du site sont difficiles à assurer
dans le postopératoire ; au-delà de 4 jours, le taux d’infection cutanée voisine 10% [10], alors que le
taux d’infection de cathéter est le même qu’en position radiale [243]. Le taux de complication
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
13
thrombotique est si bas qu’il est inconnu. Lors de pontages veineux aorto-coronariens (PAC), il est
préférable de ponctionner du côté opposé à la prise de saphène. En cas de canulation fémorale pour la
CEC ou la CPIA, il est prudent de ponctionner du côté où l’artère est la moins bien palpable, de
manière à laisser le meilleur vaisseau pour la canulation chirurgicale.
Autres sites
En cas d’impossibilité de ponction radiale ou fémorale, on peut avoir recours à d’autres solutions
moins habituelles.
 Artère cubitale: moins aisée d'accès parce que plus profonde, elle est située entre les tendons
du petit palmaire et des fléchisseurs profonds, à côté du nerf cubital, juste médiane par rapport
à l'os pisiforme. Elle est le vaisseau nourricier principal de l'arcade palmaire dans 90% des
cas, d'où son utilisation plus rare [186]. Avant sa ponction, il est prudent de procéder à un test
d'Allen "inversé". Le taux de complications de cette ponction est identique à celui de l’artère
radiale, à l’exception du risque de lésion du nerf cubital [31]. La ponction cubitale est
formellement contre-indiquée en cas de syndrome de Raynaud ou de maladie de Buerger.
 Artère humérale : c’est le dernier recours si les axes fémoraux, radiaux et cubitaux sont
inutilisables. Elle se ponctionne au niveau du sillon bicipito-tricipital à la face interne du
coude, au-dessus de l'épicondyle ; les ultrasons sont une aide précieuse pour sa localisation. Il
est préférable de canuler l'artère humérale gauche, car les risques d'embolisation carotidienne
lors des rinçages sont moins importants qu'à droite. L'artère humérale ou l’artère axillaire ne
sont utilisées qu'en dernier ressort, car elles sont considérées comme des artères terminales ;
avec un entretien soigneux, elle sont cependant une technique sûre, qui permet une lecture
reflétant adéquatement la pression aortique [92].
 Aorte ascendante : il peut arriver que l’on perde la mesure artérielle en cours d’opération suite
à un problème technique sur le cathéter, ou qu’une vasoconstriction intense atténue
excessivement la mesure de pression radiale. Dans ces conditions, il est possible de
ponctionner l’aorte ascendante dans le champ opératoire, ou de brancher le capteur de
pression sur la canule de cardioplégie au moyen d’une rallonge stérile.
Le choix entre les différents sites de ponction est motivé par plusieurs considérations :






Possibilités techniques (athéromatose, accès, particularités anatomiques) ;
Site de canulation artérielle de la CEC ;
Status hémodynamique et degré d’urgence (déchocage, réanimation, choc cardiogène) ;
Particularités de l’intervention (hypothermie profonde, chirurgie de l’aorte, CPIA, etc) ;
Durée présumée du cathéter en postopératoire ;
Préférence de l’anesthésiste.
Technique de ponction
La mise en place de la canule artérielle est effectuée avant l'induction de l'anesthésie, sauf chez les
enfants. Quel que soit le type de cathéter utilisé, la ponction artérielle est réalisée dans les mêmes
conditions de stérilité qu’une voie veineuse centrale : l’opérateur est masqué et ganté stérilement, le
site de ponction est désinfecté (chlorhexidine alcoolique 2%) et champé, le matériel est à disposition
sur un tissu stérile. Le confort du patient est assuré par l'infiltration locale de lidocaïne 1 % (sans
adrénaline) et l'éventuel appoint d'une légère sédation (midazolam, 1-3 mg i.v.).
L’artère radiale se ponctionne avec le poignet en extension, en repérant le vaisseau à la palpation avec
la main libre. La progression du mandrin et/ou du cathéter est facilitée si l’axe de ponction est voisin
de celui de l’artère ; une résistance à l’avancement ne doit jamais être forcée, sous peine de faire une
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
14
fausse route et une dissection pariétale. Chez les personne âgées, l’artère devient tortueuse et rigide ;
la canulation peut devenir problématique.
La ponction de l’artère fémorale est facilitée si la main qui palpe le vaisseau l’enserre entre l’index et
le médius, comme si on voulait l’immobiliser ; on pique entre les deux doigts. Chez les personnes
âgées et chez les polyvasculaires, l’artère fémorale est fréquemment athéromateuse et calcifiée. Il est
relativement facile de la ponctionner à l’aiguille, même si la paroi est très dure, mais l’introduction du
mandrin peut se révéler ardue car ce dernier doit se frayer un chemin au milieu des plaques. Il faut
chercher l’orientation de l’aiguille qui permette au mandrin d’amorcer son trajet en modifiant l’angle
d’entrée dans l’artère dans les trois directions de l’espace (l’axe de l’artère fémorale commune est
dirigé vers le nombril) et en poussant doucement sans jamais forcer. Le mandrin doit monter sans
résistance. Il est important d’être à l’aise avec la ponction fémorale, car c’est la seule utilisable en cas
de réanimation : sa position anatomique étant très stable, on peut la ponctionner sans même palper de
pulsations.
Le repérage artériel par ultrasons est précieux en cas d’anomalie anatomique, de suspicion de
thrombose vasculaire, d’essais préalables infructueux, d’hypotension sévère ou de flux artériel dépulsé
(assistance ventriculaire non-pulsatile). Le taux de succès, qui est de 35-50% par la palpation, s’élève
à 60-85% avec l’aide des ultrasons [287a]. Cette technique n’est cependant pas recommandée de
routine, mais plutôt comme appoint dans les cas difficiles (voir Guidage par ultrasons).
Complications
Le taux de complications des cathéters artériels radiaux et fémoraux est si bas que les chiffres sont
rares dans la littérature médicale. L’étude la plus ancienne dans ce domaine ne mentionne aucune
complication ischémique de la main après canulation radiale chez 1’699 patients [266]. Cependant,
l’ischémie digitale contraignant à une amputation est estimée à 0.09% des canulations radiales dans
une revue plus récente [243]. L’artère fémorale est considérée comme une voie tout aussi sûre que la
radiale [28]. Le taux d’infection des sites de canulation artérielle est inférieur à 1% sur 4’932 patients
de soins intensifs, mais il s’agit dans ce cas de canulations prolongées [77]. Dans une revue actuelle,
l’incidence d’infection est de 0.01% par cathéters et par jours ; le risque est doublé en position
fémorale (RR 1.93) [196a]. Le risque d’infection est lié aux pathologies infectieuses du malade et à la
durée de la canulation, mais non à la ponction elle-même. Bien qu’aucun geste ne soit totalement
dénué de risque, la canulation artérielle peut être considérée comme sûre dans la mesure où
l’incidence de complication estimable au bloc opératoire est inférieure à 1 :10'000 (0.01%).
Canulation artérielle
En chirurgie cardiaque, le cathéter artériel est mis en place de manière stérile avant l’induction de
l’anesthésie, sauf chez les enfants. Le choix du site de ponction dépend des possibilités techniques, du
type de chirurgie, de la canulation pour la CEC et du statut hémodynamique.
- Artère radiale : accès aisé et propre, mais courbe et valeurs de pression tributaires de la
vasoconstriction (artère musculaire) ;
- Artère fémorale : accès aisé mais maintien plus difficile à long terme ; la meilleure fiabilité
de la courbe et des valeurs de pression (artère élastique) et la plus voisine de celles de
l’aorte ; seule canulation possible en cas d’état de choc ;
- Autres artères : cubitale, humérale, axillaire (choix de substitution en cas d’échecs répétés).
L’incidence de complication de la ponction artérielle au bloc opératoire est voisine de 0.01%. Le taux
d’infection en soins intensifs > 3 jours est de l’ordre de 1% (doublé en position fémorale).
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
15
Analyse de la courbe artérielle
La courbe de pression et les valeurs mesurées ne sont pas identiques selon le site de ponction: la
pression systolique peut être 20 à 30 mm Hg plus élevée dans l'artère radiale qu'à la racine de l'aorte,
même en l'absence de toute artériopathie (Figure 6.6A). Cette observation tient à plusieurs
phénomènes.
 Etant normalement très élastiques, l’aorte est ses principales branches se dilatent en systole et
restituent l’énergie emmagasinée pendant diastole. Cela a pour effet de diminuer la pression
systolique (PAs) et d’augmenter la pression diastolique (PAd). Ce phénomène de
tamponnement disparaît lorsque les vaisseaux se sclérosent et se calcifient : la pression
systolique de la personne âgée s’élève parce que ses vaisseaux sont rigides, mais sa
diastolique baisse parce qu’il n’y a plus de restitution de pression en diastole.
 La mise sous tension du volume sanguin pendant la contraction ventriculaire provoque une
onde de pression qui va cheminer dans l’arbre vasculaire et y progresser plus rapidement que
le volume éjecté (voir Figure 5.58). Cette onde de pression avance à 4 m/s chez le jeune, mais
jusqu’à 10 m/s chez le vieillard dont l’arbre vasculaire calcifié transmet mieux les pressions
[152]. Le volume sanguin est éjecté par le VG avec une vélocité de 1-1.5 m/s seulement.
L’onde de pression se réfléchit en périphérie lorsque les artères se divisent en artérioles et que
les résistances augmentent soudainement. Cette réflexion va renvoyer l’onde de pression en
direction du cœur, où elle parvient normalement en protodiastole. Ce retour peut être plus
rapide en cas de vasoconstriction et de rigidité de l’arbre vasculaire : l’onde de pression
réfléchie vient alors se superposer à la pression systolique engendrée par le volume sanguin
éjecté du ventricule ; la PAs mesurée est artificiellement augmentée. Sur le moniteur, la PAs
apparaît bifide (Figure 6.6B).
 La courbe de pression artérielle est différente selon l’endroit de l’arbre vasculaire où elle
analysée. Cela tient à la complexité des embranchements vasculaires, au rétrécissement
progressif des vaisseaux, au remplacement du tissu élastique par des fibres musculaires
circulaires (baisse de compliance), et à la superposition de l'onde de pression avec celle du
flux sanguin. Au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la racine de l’aorte, la pulsation due au
flux est retardée, mais l’onde de réflexion est rapprochée; leur modalité de superposition
modifie le pic de pression enregistré par un capteur positionné à différents endroits de l’arbre
vasculaire (voir Figure 5.60) [188]. La PAs est donc plus basse dans la racine aortique que
dans l’artère fémorale, et plus basse dans cette dernière (artère élastique) que dans la radiale
(artère musculaire). C’est l’inverse pour la pression diastolique : PAd aorte > fémorale >
radiale (Figure 6.6A). Ce phénomène est accentué lorsque les RAS augmentent.
 Alors que la PAs et la PAd se modifient le long de l’arbre vasculaire, la pression artérielle
moyenne (PAM = (PAs – PAd)/3 + PAd ) reste pratiquement identique de la racine de l’aorte
jusqu’aux artérioles périphériques. Elle est la meilleure approximation de la pression de
perfusion coronarienne.
Courbe artérielle (I)
L’élasticité des grandes artères tamponne les variations de pression dues à l’éjection ventriculaire.
Lorsque les artères deviennent rigides, ce tamponnement disparaît : la PAsyst augmente et la PAdiast
diminue (augmentation de la PA différentielle). Normalement, l’onde réfléchie revient à la racine de
l’aorte en protodiastole ; dans les artères rigides, sa progression est plus rapide et elle se superpose au
pic de PAsyst (aspect bifide de la courbe).
Plus on s’éloigne de l’aorte, plus la PAsyst mesurée augmente (aorte < fémorale < radiale) et plus la
PAdiast diminue (aorte > fémorale > radiale).
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
16
Figure 6.6 : A. Image d’une courbe
artérielle dans l’aorte ascendante et dans
l’artère fémorale ou radiale. La pression
systolique enregistrée dans la radiale est
plus élevée, mais la diastolique est plus
basse ; la pression différentielle est
agrandie. La pression moyenne est
pratiquement identique dans les trois
vaisseaux B. Comparaison d’une artère
normale et d’une artère rigidifiée par
une athéromatose diffuse. Le retour de
l’onde de pression (onde réfléchie,
flèche violette) survient plus tôt dans le
deuxième cas et donne un crochetage sur
le pic systolique. Bien qu’enregistré
comme la pression systolique par le
moniteur, cet effet ne correspond pas à
une pression de perfusion réelle mais à
un simple pic de pression.
C:
Comparaison de la pression dans l’aorte
et dans l’artère fémorale en cas de choc
hypovolémique. L’onde réfléchie est
importante
à
cause
de
la
vasoconstriction périphérique, mais elle
progresse plus lentement à cause de
l’hypotension
(parois
vasculaires
molles) ; elle est donc très marquée mais
décalée dans le temps (courbe bifide).
A
Aorte ascendante
Artère radiale
Artère fémorale
C
B
Choc: aorte
Artère normale
© Chassot 2012
Artère rigide
Choc: artère
fémorale
Image analogique
La forme de la courbe artérielle est très instructive, pour autant que certaines conditions soient
remplies :
 Amplification adéquate de la courbe sur l’écran du moniteur ;
 Coefficient d’atténuation du système de mesure adapté à la valeur de la pression ;
 Absence d’artéfact du au mauvais rinçage de l’artère, à une coudure du cathéter ou à une
étanchéité défectueuse du système ; tout amortissement ou image anormale de la courbe
doivent commander immédiatement un rinçage manuel à la seringue ;
 Absence d’obstacle entre le ventricule gauche et le point de mesure (sténose valvulaire
aortique, rétrécissement athéromateux de l’aorte thoraco-abdominale).
Un arbre artériel rigide se caractérise par un double pic systolique, typique du patient âgé dont les
vaisseaux sont calcifiés ; dans ce cas, le moniteur affiche comme valeur systolique la pression
maximale, mais cette dernière correspond à l’onde de pression, non au flux sanguin (Figure 6.6B).
Elle ne traduit donc pas une pression de perfusion réelle pour les organes. Dans un état de choc, la
vasoconstriction augmente la réflexion de l’onde de pression, mais l’hypotension en diminue la
vélocité [198] ; la courbe artérielle apparaît alors bifide, avec un pic systolique et un pic diastolique
bien différenciés et de valeurs proches (Figure 6.6C). C’est une image que l’on constate fréquemment
chez les patients en choc hypovolémique.
La forme de la courbe artérielle offre une série de renseignements hémodynamiques qui ont autant
d’importance que les valeurs numériques (Figure 6.7 et Figure 6.8).
 Fonction systolique du VG : en l'absence de pathologie valvulaire ou sous-valvulaire aortique,
la dérivée première de la courbe pression-temps (dP/dt), ou pente d'ascension de la pression
systolique, donne une appréciation de la fonction systolique du VG. Cette pente est d’autant
plus faible que la fonction ventriculaire est déficiente. L’évolution du dP/dt de l’artère
fémorale chez un même patient présente une excellente corrélation avec celle du dP/dt de son
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
17
VG (r = 0.93) si les RAS restent stables dans des limites normales [51]. La contraction
isovolumétrique impose un délai de 120-200 msec entre l’onde R de l’ECG et le début de
l’ascension de pression dans une artère périphérique.
A
B
1
Amplitude
Pression pulsée
(~ rigidité)
dP/dt
2
3
PAM
Artère
normale
Surface sous
la courbe
(~ Vol systol )
Artère
rigide
Pente téléyst
& dicrotisme
(~ RAS)
© Chassot 2012
Figure 6.7 : Aspect analogique de la courbe artérielle. A : Courbe normale. La pente ascensionnelle est fonction
du dP/dt intraventriculaire (pour autant qu’il n’y ait pas de pathologie valvulaire aortique et que les RAS soient
normales). La surgace sous la courbe systolique est proportionnelle au volume systolique, la pente télésystolique
et le niveau du dicrotisme sont fonction des résistances artérielles périphériques (RAS), l’amplitude est fonction
de la rigidité des parois mais aussi de la volémie, de la compliance aortique et des RAS. La pression artérielle
moyenne (PAM) est calculée selon la formule : PAM = (PAsyst + 2 PAdiast) / 3. B : Comparaison d’une courbe
artérielle normale (en rouge) et de la courbe d’un patient souffrant d’athéromatose (en bleu), dont l’aorte est
devenue rigide. 1 : augmentation de la pression systolique due à la superposition de l’onde réfléchie. 2 :
augmentation de la postcharge du VG. 3 : diminution de la pression de perfusion coronarienne en diastole.
A
B
© Chassot 2012
Figure 6.8 : Courbes de pression artérielle avant (A) et après (B) l’induction chez un patient de 80 ans dont les
vaisseaux artériels sont athéromateux et rigides. L’induction de l’anesthésie a provoqué une baisse des
résistances artérielles périphériques ; cette vasodilatation a diminué considérablement l’intensité de l’onde
réfléchie (flèche violette), mais non sa synchronisation parce que la pression artérielle différentielle (flèches
blanches) liée au flux sanguin (premier pic systolique) n’a pas changé. Le moniteur de pression affiche la valeur
maximale de la pression comme valeur systolique ; on note donc une chute importante de la PAsyst, alors que la
pression due à l’éjection du volume systolique dans les artères ne s’est presque pas modifiée.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
18
 Résistances : la position de l'onde dicrote de fermeture valvulaire aortique et la pente de la
pression diastolique permettent d'apprécier visuellement la compliance du système vasculaire;
des résistance élevées (compliance faible) se traduisent par une élévation du dicrotisme, alors
qu’une vasoplégie est caractérisée par une abaissement du dicrotisme et une descente abrupte
de la pression diastolique. A noter que le dicrotisme n’est réellement synchrone de la
fermeture de la valve aortique que lorsque la pression est mesurée dans l’aorte (voir Analyse
du contour de la courbe artérielle).
 Volume systolique : la surface située sous la courbe d'éjection systolique est proportionnelle
au volume d'éjection ventriculaire gauche, en l’absence de variation importante dans les
résistances périphériques. En hypovolémie, l’onde est rétrécie et pointue, sa surface est
diminuée.
 Variations respiratoires : en ventilation mécanique (volume courant 8-12 mL/kg), les
variations du remplissage gauche liées aux modifications cycliques de la pression
intrathoracique font osciller la PAs proportionnellement au degré d’hypovolémie (voir cidessous Monitorage de la volémie). Les variations de la pression systolique avec le cycle
ventilatoire du respirateur sont d’autant plus importantes que la volémie du patient est basse.
 Le moniteur de pression affiche la valeur maximale de la pression comme valeur systolique ;
chez les personnes dont les vaisseaux sont calcifiés et rigides, le pic de pression est représenté
par la pression de l’onde réfléchie superposée à celle du flux systolique. La vasodilatation due
à l’anesthésie diminue considérablement l’intensité de l’onde réfléchie alors que la pression
artérielle différentielle liée au flux sanguin (pic systolique inférieur) ne se modifie pas. Dans
ce cas, la chute de la PAsyst à l’induction ne représente pas une baisse de pression de
perfusion, car la pression due à l’éjection du volume systolique dans les artères ne se modifie
presque pas (Figure 6.8).
Ces éléments ne peuvent apparaître que si le tracé est correctement amplifié à l’écran (courbe de
dimension suffisante) et ne subit aucun amortissement lié à un rinçage défectueux ou à un reflux de
sang dans le système (prélèvements, défaut d’étanchéité des connexions, etc).
Mesures non-invasives en continu (Finapres™, CNAP™, T-Line Tensymeter ™)
Plusieurs appareils de photo-pléthysmographie actuellement sur le marché permettent une mesure
continue de la pression artérielle de manière non-invasive, tels le Finapres™ ou le CNAP™. Une
mini-manchette pléthysmographique adaptée au doigt, munie d’un émetteur infrarouge pour mesurer
en continu le diamètre de l’artère digitale, varie sa pression pour maintenir la dimension de l’artère
constante à sa valeur télédiastolique (volume minimal) (voir Figure 6.33A). La pression enregistrée est
alors équivalente à la pression artérielle systémique. Une manchette à pression brachiale permet
d’étalonner les valeurs lues au doigt. Le système n’est pas fonctionnel chez 5-15% des patients [241b].
Le Infinity CNAP™ SmartPod est similaire au Finapres™, mais il possède de nombreuses boucles de
rétrocontrôle. Ces systèmes fournissent en temps réel une valeur de PAM corrélée à celle mesurée par
un cathéter artériel avec une marge d’erreur de 30-40% [241a]. Ces systèmes perdent toute précision
lorsque la circulation périphérique est compromise (bas débit cardiaque), lors d’œdème, lors
d’hypothermie ou lors d’utilisation de vasoconstricteurs artériels.
En comprimant l’artère radiale contre l’os sous-jacent (applanométrie tonométrique), il est facile de
mesurer en continu la pression qui règne dans ce vaisseau. Le système T-Line Tensymeter™ consiste
en un bracelet avec des senseurs pour enregistrer les dimensions de l’artère et positionner
optimalement le capteur à l’endroit de pulsatilité maximale ; une calibration externe n’est pas
nécessaire. L’appareil mesure la PAM de manière fiable (marge d’erreur 23%) et dérive les pressions
systolique et diastolique à partir d’algorithmes incluant les données physiques du patient [241b].
Même s’ils sont peu performants lorsque les conditions hémodynamiques sont sévèrement perturbées,
ces systèmes permettent de suivre en continu les variations de la PAsyst et de la PAdiff (pression
pulsée), notamment leurs oscillations respiratoires sous IPPV lors d’hypovolémie. Ils sont
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
19
particulièrement bienvenus pour la gestion dirigée de l’administration liquidienne (voir Monitorage
de la volémie).
Courbe artérielle (II)
La forme analogique de la courbe artérielle apporte autant de renseignements cliniques que les valeurs
numériques de la pression. Pour l’interpréter correctement, la courbe de pression doit être de taille
suffisante sur l’écran du moniteur (régler l’échelle et l’amplification).
- Pente ascentionnelle : proportionnelle au dP/dt du VG (si RAS et valve aortique normales) ;
- Pente de décroissance faible et position haute du dicrotisme : RAS élevées ; en cas de
vasoplégie : pente abrupte et dicrotisme bas positionné ;
- Surface sous la courbe systolique : proportionnelle au volume systolique ;
- Double pic systolique : onde réfléchie ;
- Variations respiratoires : inversément proportionnelles au remplissage.
En ventilation mécanique, les variations du remplissage gauche liées aux modifications cycliques de la
pression intrathoracique font osciller la PAsyst proportionnellement au degré d’hypovolémie.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
20
Voie veineuse centrale
Sites de ponction
En chirurgie cardiaque, le choix du site de ponction est lié à six contingences particulières:






Site de canulation chirurgicale (CEC, endoprothèses) ;
Possibilité de pouvoir flotter un cathéter pulmonaire de Swan-Ganz ;
Risques techniques : hémorragie, ponction artérielle, pneumothorax, anticoagulation ;
Accès peropératoire aisé ;
Technique de préférence de l’anesthésiste ;
Possibilité de maintien à long terme.
De nombreux sites d'accès sont possibles, chacun ayant ses avantages et ses défauts. Une bonne
connaissance de l’anatomie est évidemment essentielle à la réussite de la ponction veineuse centrale
(Figure 6.9). D'une manière générale, les chances de placement en veine cave supérieure (VCS) sont
par ordre décroissant : jugulaire interne droite, sous-clavière gauche, sous-clavière droite, jugulaire
interne gauche, basilique, jugulaire externe [235a,287a].
Jugulaire
interne droite
A
Pomme d’Adam
(cartilage thyroïde)
Gande thyroïde
Carotide
commune droite
B
Jugulaire interne G
Jugulaire externe D
Jugulaire externe G
Veine innominée
Tronc brachiocépalique
Veine s-clavière D
Art s-clavière G
Veine azygos
Artère carotide G
Veine cave supérieure
Aorte ascendante
© Chassot 2012
Figure 6.9 : Illustration anatomique des vaisseaux du cou démontrant les relations entre la veine jugulaire
interne et la carotide commune. A : point de ponction de la technique de Boulanger. B : point de ponction de la
technique du sommet du triangle inter-sterno-cléïdo-mastoïdien ; à cet endroit, la jugulaire et la carotide
s’éloignent l’une de l’autre. On voit aussi que le trajet jusqu’à la VCS est assez rectiligne depuis les jugulaires
internes et depuis la sous-clavière gauche ; depuis la sous-clavière droite, par contre, il faut franchir un angle
presque droit. Une rotation excessive de la tête du patient vers la gauche augmente le recouvrement de la
carotide par la jugulaire interne au niveau du point de ponction A ; le risque de ponction artérielle accidentelle
augmente.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
21
 Jugulaire interne droite : solution largement préférable à toutes les autres, elle offre le meilleur
taux de placement car elle est quasiment alignée avec la VCS; elle est accessible en
peropératoire et permet le passage d'un cathéter pulmonaire Swan-Ganz. Parmi les 17
techniques de ponction relevées dans la littérature, les voies habituellement recommandées en
chirurgie cardiaque sont celle de Boulanger (Figure 6.10A) et celle du sommet du triangle
inter-sterno-cléido-mastoïdien (Figure 6.10B) [26]. Cette préférence pour des voies
antérieures et basses qui s'éloignent de la carotide mais se rapprochent du dôme pleural se
justifie parce que le risque de ponctionner une carotide avant l'anticoagulation de la CEC est
plus grave que celui d’occasionner un pneumothorax avant d'ouvrir le sternum. La voie
postérieure, qui diminue le risque de pneumothorax mais augmente celui de ponction
carotidienne, n'est pas le choix recommandé en chirurgie cardio-thoracique. La sténose
carotidienne symptomatique instable du même côté est une contre-indication à la voie
jugulaire. Le repérage par ultrasons améliore le taux de succès et diminue celui des
complications. Si l’on n’en dispose pas, il est prudent de repérer le vaisseau avec une aiguille
fine (22G) avant la canulation.
Figure 6.10A : Ponction de la veine
jugulaire interne: voie antérieure haute
dite de Boulanger [26]. Technique:
- Cou en légère extension, tête un peu
tournée en direction du côté opposé (<
45°), bras ipsilatéral le long du corps;
- Palpation de la carotide au niveau du
cartilage thyroïde (pomme d’Adam =
C4);
- La main gauche palpe la carotide
sans appuyer;
- Ponction à l'extérieur de la carotide,
parallèle à cette dernière, avec 30°
d'angle par rapport au plan frontal, en
direction du mamelon; la direction de
ponction éloigne l'aiguille de la
carotide. La ponction est située sur le
bord
interne
du
sterno-cléidomastoïdien, jamais à travers le muscle.
© Chassot 2012
 Jugulaire interne gauche : le trajet étant moins direct, le taux de placement en veine cave
supérieure est moins bon. La proximité du canal thoracique présente un risque
supplémentaire ; il faut impérativement éviter la voie postérieure pour éviter de léser ce
dernier. Pour les droitiers, la ponction veineuse et la palpation simultanée de la carotide sont
malaisées ; il est préférable de palper les repères de la main droite et ponctionner avec la
gauche. La voie par le sommet du triangle (voie antérieure basse) est plus facile parce qu’elle
ne nécessite pas la palpation simultanée de la carotide. Ici aussi, le repérage préalable à
l’aiguille fine ou la ponction sous contrôle ultrasonographique sont vivement conseillés.
 Sous-clavière gauche (Figure 6.11) : excellente solution pour la stabilité et le confort à long
terme. Le pneumothorax ou l'hémothorax ne sont pas particulièrement dangereux en
anesthésie cardiaque, car ils peuvent être drainés lors de la sternotomie. Par contre, l'ouverture
et l'écartement du sternum occasionnent souvent une coudure du cathéter dans cette position ;
il devient alors impossible de mobiliser ou d'introduire un cathéter de Swan-Ganz, voire même
d'y effectuer des mesures hémodynamiques tant que l'écarteur est en place. Une ponction
malencontreuse de l’artère sous-clavière gauche peut compromettre l’utilisation de la
mammaire interne pour un pontage coronarien.
 Sous-clavière droite : mêmes remarques que ci-dessus, mais avec un taux de placement en OD
moins bon vu l'angle plus aigu entre ce vaisseau et la VCS. L’artère mammaire droite étant
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
22
peu utilisée pour les pontages coronariens, le risque d’une ponction artérielle est moindre.
Cette voie est impossible en cas de canulation sous-clavière pour la CEC.
© Chassot 2012
Figure 6.10B : Ponction de la veine jugulaire interne: voie antérieure basse dite du sommet du triangle.
Technique:
- Cou en légère extension, tête un peu tournée du côté opposé (< 45°), bras ipsilatéral le long du corps;
- Palpation du sommet du triangle formé par les deux chefs du sterno-cléïdo-mastoïdien et la clavicule; on repère
d'abord le creux sus-sternal, puis le chef sternal du sterno-cléïdo-mastoïdien; le triangle se trouve immédiatement
à l'extérieur de ce dernier; il est facile de confondre ce triangle avec l'espace qui se trouve entre le chef
claviculaire du sterno-cléïdo-mastoïdien et le scalène antérieur;
- La carotide, qu'il n'est pas besoin de palper, suit le bord interne de ce triangle, alors que la jugulaire en suit le
bord externe;
- Ponction en direction du mamelon ispsilatéral, avec 45° d'angle par rapport au plan frontal;
- La jugulaire interne est plus profonde qu'en position de Boulanger;
- Une ponction trop profonde peut atteindre l'artère sous-clavière et/ou le dôme pleural.
 Veines basiliques : le taux de placement est plus faible qu'avec les choix précédents, et les
possibilités de passer un cathéter pulmonaire sont mauvaises. Le seul avantage tient à
l'innocuité de la ponction et à l'absence de risque hémorragique chez les patients dont la
coagulation est anormale. Le site de ponction est inaccessible en peropératoire lorsque le
patient a les bras le long du corps. Cette voie ne peut guère être laissée en place plus de trois
jours. Elle n'est pas adéquate pour la chirurgie cardiaque.
 Jugulaires externes : vu la difficulté importante à descendre en VCS, notamment à cause d’une
valvule à la jonction avec la veine sous-clavière, et l’impossibilité d’y coulisser un cathéter
pulmonaire, elles ne sont pas recommandées comme site de ponction pour voie centrale. En
revanche, elles sont une voie pratique pour placer un cathéter court de gros calibre et de bon
accès (14G), avec l'avantage d'une absence de risque hémorragique en cas d'anticoagulation.
 Veine fémorale : solution de secours en cas de réanimation ou de rechange éventuel en cas de
difficulté. La veine fémorale se trouve du côté interne de l’artère ; en palpant cette dernière, on
pique 1 cm en dessous du ligament inguinal et 1 cm côté médian avec un angle de 45° en
visant le nombril ; la veine est à 2-4 cm de profondeur. Son accès peropératoire est
impossible, sauf en neurochirurgie. Les risques thrombogènes et infectieux (environ 20%) de
cette voie sont excessifs pour justifier son utilisation courante.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
23
© Chassot 2012
Figure 6.11 : Ponction de la veine sous-clavière. Technique:
- Une alèze est placée sous la colonne au niveau scapulaire de manière à faire tomber le moignon de l'épaule; la
tête est tournée du côté opposé; le bras ipsilatéral est tiré le long du corps [129] ;
- Le pouce de la main gauche déprime le moignon de l'épaule et la peau au point de ponction, l’index tient lieu
de repère dans le creux sus-sternal (notch).
- Ponction à la jonction du tiers moyen et du tiers distal de la clavicule, au niveau de la tubérosité du deltoïde, à
son bord inférieur ; introduction de l'aiguille sous la clavicule;
- Direction de ponction horizontale vers le creux sus-sternal, dans le plan frontal ; plus la direction est céphalique
et postérieure, plus le risque est grand de ponctionner l’artère sous-clavière. La direction de l’aiguille indiquée
sur l’image est celle nécessaire à passer sous la clavicule ; l’aiguille prend une direction horizontale dès qu’elle
s’est introduite entre la clavicule et la première côte.
Voie veineuse centrale : sites de ponction
En chirurgie cardiaque, le site de ponction de la voie centrale doit rendre cette dernière accessible en
peropératoire, permettre l’installation d’un cathéter pulmonaire de Swan-Ganz et ne pas interférer avec
la canulation de CEC. Les sites sont par ordre de préférence :
- Veine jugulaire interne droite ;
- Veine sous-clavière ;
- Veine jugulaire interne gauche ;
- Les veines jugulaires externes et basiliques ne sont que des solutions de dépannage.
Techniques de ponction
A l’exception des réanimations, la pose de voie centrale doit avoir lieu dans un endroit permettant une
technique aseptique, avec l’assistance d’une deuxième personne, et en respectant le protocole de
l’institution [235a]. Le site de ponction est choisi en fonction de sa propreté (cou, thorax) et de son
éloignement de zones potentiellement infectées (trachéotomie, plaie opératoire, région pubienne). Une
prophylaxie antibiotique n’est justifiée qu’au cas par cas chez les malades immunodéficients. Les
cathéters imprégnés d’antibiotique sont réservés à des patients sélectionnés sur la base du status
infectieux, des risques et du coût [235a].
Le succès d’une ponction centrale est assuré pour moitié par l’installation (Figure 6.12).
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
24
 La position de Trendelenburg favorise le remplissage des vaisseaux veineux du cou, mais
modifie moins celui des sous-clavières qui sont partiellement fixées aux tissus voisins ; par
contre, elle y diminue le risque d’embolie gazeuse chez les patients en respiration spontanée.
 Le bras ipsilatéral placé le long du corps rend plus aisée la ponction des jugulaires et des sousclavières ; un coussin traversier sous les épaules dégage le cou.
 La ponction sous-clavière est facilitée par une chute du moignon de l’épaule, que l’on obtient
en disposant un coussin entre les omoplates et en tirant l’épaule vers le bas [129].
 Comme la jugulaire interne est placée sur la face antéro-latérale de la carotide, il faut éviter
une rotation excessive de la tête par rapport au plan frontal, qui accentuerait le degré de
croisement des deux vaisseaux [274] ; la rotation de la tête vers l’autre côté ne sert qu’à
effacer l’angle mandibulaire qui gène la visée dans l’axe de la jugulaire. Le degré de
superposition des deux vaisseaux augmente également avec la surface corporelle et l’obésité.
 Chez les femmes obèses, la graisse du sein bombe dans la partie supérieure du tronc en
Trendelenburg ; une traction du sein vers le bas au moyen d'un sparadrap dégage la région
sous-clavière et la base du cou.
Figure 6.12 : Installation pour la
ponction veineuse centrale. La table
d’opération est en position de
Trendelenburg, un coussin est placé
sous les épaules de manière à mettre le
cou en légère extension, la tête est un
peu tournée vers la gauche, les yeux
sont protégés des éclaboussures de
désinfection par le bonnet, le bras droit
est placé le long du corps ; un
sparadrap tire le sein droit vers le bas
de manière à effacer le bourrelet
graisseux sous-clavier et à dégager la
base du cou. Cette façon de procéder
dégage au mieux l’accès à la jugulaire
interne et à la sous-clavière.
Toute canulation centrale s'effectue avec une stérilité chirurgicale en respectant les directives de
l’institution (Tableau 6.1) [235a]. Le site est préparé, rasé et largement désinfecté (chlorhexidine
alcoolique 2% ; en cas de contre-indication : préparation iodée de type Destrobac™) ; les yeux sont
protégés contre d'éventuelles gouttelettes de désinfection. Il est prudent de désinfecter d’emblée deux
sites de ponction possibles (en général jugulaire et sous-clavière). L’anesthésiste n’enfile une blouse
stérile qu’après la désinfection, pour procéder au champage ; les champs sont disposés en commençant
par celui situé contre soi (champ d’approche). Si le patient n'est pas endormi, l'anesthésie locale est
réalisée en premier lieu avec 2 - 3 ml de lidocaïne 1% sans adrénaline ; le cathéter et le matériel de
suture sont préparés pendant le temps d'attente requis par l'installation de l'anesthésie topique. Alors
que le cathéter lui-même doit être tenu à l'écart des manipulations, le mandrin doit être à portée de
main sur les champs au moment de la ponction ; il y est placé de manière à ce que son extrémité en "J"
soit orientée dans la direction de la courbe qu'il doit suivre dans le vaisseau [287]. Aiguille de
ponction et aiguille de repérage (22G) sont posées à portée de main et déjà munies de seringues.
Lorsqu’on n’utilise pas d’ultrasons, un repérage à l’aiguille 22G permet d’explorer la région pour
localiser la veine jugulaire interne ; cette aiguille est assez fine pour ne présenter aucun risque en cas
de ponction artérielle. Il est important de ne pas mettre de liquide dans la seringue montée sur
l’aiguille de repérage ; en effet, la résistance au flux d’une aiguille fine amortit les pulsations
artérielles et peut laisser croire à une pression veineuse ; seule la couleur du sang renseigne sur la
nature du vaisseau ponctionné. Or la saturation veineuse d’un patient endormi, curarisé et ventilé à 50-
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
25
80% d’oxygène est élevée ; sa couleur est d’un rouge assez vif pour être confondue avec celle du sang
artériel lorsqu’il se dilue dans un liquide cristalloïde.
Tableau 6.1
Exemple de recommandation pour la pose de voie veineuse centrale (CHUV, Lausanne)
Premier temps
Lavage des mains, port de masque et bonnet ; enlever montre, bagues et bracelets.
Préparation du plateau contenant : champ stérile percé, set de désinfection, porte-aiguille, pincettes, ciseaux, fil Mersilène™ 3-0
serti, bistouri lame 11, 2 seringues 5 ml, 1 aiguille 22G, aiguille de ponction, dilatateur, mandrin, cathéter et système de fixation.
Installation : position de Trendelenburg, bras ipsilatéral le long du corps, tête légèrement en extension et tournée du côté opposé,
épaule tombante pour la sous-clavière (rouleau médian entre les omoplates). Dégagement large de la zone de ponction ; rasage
si nécessaire ; prévoir deux sites de ponction (jugulaire et sous-clavière).
Deuxième temps
Lavage des mains au Sterilium®, port de gants stériles.
Désinfectant : Chlorhexidine alcoolique colorée 2%, solution acqueuse chez les prématurés et nouveau-nés. Alternative : produit
iodé. Si le site de ponction et le site opéraoire se chevauchent, utiliser le même désinfectant.
Prise de NaCl 0.9% dans un godet et de xylocaïne si anesthésie locale.
Désinfection large de la peau en cercles s’éloignant des sites de ponction ; trois passages sont nécessaires. Temps de séchage
pour permettre l’action du désinfectant : minimum 2 minutes.
Désinfection systématique de deux sites de ponction différents.
Sites de préférence : jugulaire interne droite en peropératoire (ponctions hautes recommandées), sous-clavière si cathéter en
place à long terme ; probabilité de bon positionnement par ordre décroissant : jugulaire interne droite, sous-clavière gauche, sousclavière droite, jugulaire interne gauche, jugulaires externes.
Troisième temps
Changement de gants stériles. Port d’une blouse stérile.
Champage chirurgical, en commençant par le champ placé contre soi.
Placer le champ de manière à recouvrir la zone désinfectée et ne dégager que la zone de ponction ; combler le « trou » qui se
forme à l’angle entre le cou et l’épaule.
Procéder à l’anesthésie locale s’il y lieu.
Préparer sur le champ thoracique le mandrin et l’aiguille de ponction déjà montée sur une seringue (5 mL) ; si elle est utilisée,
l’aiguille de repérage est aussi montée sur une seringue (2 mL).
S’il y a lieu, préparer la sonde d’ultrason dans sa housse stérile, avec gel stérile à l’intérieur et à l’extérieur.
Quatrième temps
Ponction et descente du mandrin ; critères de ponction veineuse : couleur du sang, pression (mesure sur le capteur au moyen
d’une rallonge stérile), ultrasons transcutanés, échocardiographie (apparition du mandrin dans l’OD à l’ETO) ; les arythmies
n’indiquent pas dans quelle cavité se trouve le mandrin.
Pour la sous-clavière : ponction en apnée ou en expirium.
Pose du cathéter après agrandissement de l’orifice de ponction au moyen de la lame de bistouri pointu et passage du dilatateur.
Rinçage des lumières au NaCl 0.9% et occlusion (bouchons, robinets trois-voies).
Enlever les caillots et toute trace de sang coagulé, y compris entre les ailettes de fixation.
Fixation du cathéter à la peau au moyen des ailettes prévues, ou par ligature directe sur le cathéter ; assurer l’hémostase autour
du site de ponction, qui doit être sec ; tamponner la zone de ponction et les points de suture avec du désinfectant ; laisser sécher.
Pansement transparent permettant la vérification permanente du point d’insertion du cathéter.
Si pose de cathéter pulmonaire : recouvrir d’un nouveau champ stérile et changer de gants.
Réinstallation du patient et mise en ordre du matériel.
Réfection du pansement, nettoyage et désinfection à la fin de l’intervention chirurgicale, avant le transfert aux soins intensifs ou
en salle de réveil.
Cinquième temps
Contrôle : après une ponction sous-clavière ou une ponction jugulaire difficile, ou en cas de transfert direct en division, un contrôle
de radiothorax est effectué ; délai idéal entre ponction et radio du thorax : 1-2 heures.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
26
Lorsqu’on obtient du sang veineux par aspiration, l’aiguille de ponction est avancée de 1-2 mm pour
que son biseau soit entièrement dans la lumière du vaisseau. Elle est fermement immobilisée d’une
main pendant que l’on descend le mandrin de l’autre. Celui-ci ne doit rencontrer aucune résistance.
L’orientation du biseau de l’aiguille détermine l’angle de sortie du mandrin ; il doit donc être dirigé
vers la VCS. Il arrive toutefois que le « J » se présente dans le mauvais sens pour négocier une courbe
en direction de l’OD ; il est alors judicieux de le faire pivoter entre les doigts pour trouver l’orientation
qui permette une progression aisée [287]. La couleur et la pression du sang recueilli dans la seringue
de ponction sont des critères très relatifs. Cela est d’autant plus vrai que le patient est
hémodynamiquement compromis. Un bas débit cardiaque, une désaturation artérielle, une stase sur
insuffisance droite ou une insuffisance tricuspidienne peuvent induire une dangereuse ressemblance
entre une ponction veineuse et une ponction artérielle. La survenue d’extrasystoles lorsqu’on descend
le mandrin est bien une preuve de localisation intracardiaque, mais ne renseigne nullement sur
l’identité de la chambre cardiaque stimulée. Une ponction carotidienne conduit le mandrin à travers la
valve aortique jusqu’à l’intérieur du VG sans aucune difficulté ! En cas de doute, la plus grande
prudence est de règle. On dispose de plusieurs moyens de contrôle [235a,187a].
 Connexion de l'aiguille ou du cathéter à une tête de pression par le biais d’une rallonge stérile
pour afficher sur l'écran la courbe et la pression enregistrées.
 Connexion du cathéter à l'ECG par un connecteur relié à l'électrode lectrice (+) qui permet
d'afficher l'ECG endocavitaire de l’OD : l'onde P y est plus grande que le QRS ; le cathéter
doit être rempli de NaCl 0.9% ; technique peu pratiquée et peu fiable.
 Gazométrie sur le sang retiré par l’aiguille ; vu le délai pour attendre la réponse, le risque est
grand de perdre la localisation ; d’autre part, la PvO2 et la PvCO2 jugulaire d’un malade
endormi, curarisé et sans stimulation sympathique peuvent être intermédiaires entre les
valeurs veineuses et artérielles habituelles.
 Contrôle par ultrasons transcutanés : le mandrin apparaît dans la lumière du vaisseau en vues
court-axe et long-axe (voir Guidage par ultrasons) ; toutefois, ceci ne garantit pas qu’il soit
arrivé dans l’OD.
 Contrôle de la localisation du mandrin dans l’OD ou la VCS à l’échocardiographie
transoesophagienne (ETO). Le mandrin apparaît comme un point très échogène dans un plan
de coupe qui lui est perpendiculaire (4-cavités 0°); un plan parallèle (vue bicave 100°) est
moins efficace parce qu’il peut passer à côté du mandrin, puisque l’image
échocardiographique est l’équivalent d’une tomographie (Figure 6.13).
 Injection de NaCl 0.9% sous pression dans la lumière distale du cathéter et contrôle
échocardiographique de son passage dans l’OD.
 La couleur et la non-pulsatilité du sang dans l’aiguille sont des critères de trop faible
prédictivité pour confirmer que la ponction est effectivement veineuse : le taux d’erreur est de
20-25% [28a].
OG
Ao
OD
A
B
Figure 6.13 : Contrôle de la présence du mandrin dans l'OD à l'ETO. A: Le mandrin, très échogène, est visible
dans l'oreillette droite (OD) (flèche). B: Ce qu'il ne faut pas faire ! Le mandrin est logé dans l’aorte ascendante,
après une ponction carotidienne passée inaperçue. Si le mandrin n’est visible ni dans la VCS, ni dans l’OD ni
dans l’aorte ascendante, il faut encore le rechercher dans la partie proximale de l’aorte descendante.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
27
Lorsqu’on dispose de l'ETO, il est judicieux de placer la sonde avant la ponction veineuse centrale,
dès que le patient est intubé, de manière à contrôler la position du mandrin sur l'écran lorsqu’on le met
en place. On contrôle l’image au moment où le mandrin arrive dans la cavité, parce que sa brusque
apparition permet de le différencier d’autres structures échogènes qui peuvent prêter à confusion
(crista terminalis, réverbérations de dépôts calciques, sonde de pace-maker). Il faut retirer le mandrin
lorsqu’on détermine la position du cathéter, car la forte échogénicité du premier empêche de distinguer
le second. Si le mandrin n’est visible ni dans la VCS ni dans l’OD, il faut le rechercher dans l’aorte
ascendante et dans l’aorte descendante, ainsi que dans le médiastin. On ne peut en aucun cas se
contenter d’une image négative.
Lorsque le mandrin est en place, l’orifice de ponction doit être agrandi au moyen d’une lame de
bistouri pointue. Le dilatateur est passé jusque dans la veine en restant strictement dans l’axe de
ponction à cause du risque d’angulation du mandrin, et en maintenant la peau tendue en amont. Si la
situation clinique demande deux voies centrales, on place les deux mandrins l’un après l’autre dans le
vaisseau et l’on coulisse les cathéters ensuite, car il existe toujours un risque de perforation du cathéter
déjà en place si l'on introduit une deuxième voie dans la même veine. Le cathéter central et
l’introducteur de Swan-Ganz n’ayant pas la même longueur, ils possèdent des mandrins de dimensions
différentes ; il faut prendre soin de les repérer soigneusement pour éviter de se retrouver dans la
situation où le mandrin est trop court pour guider le cathéter. Il est préférable de réserver la jugulaire
interne pour l’introducteur de Swan-Ganz ; le cathéter supplémentaire peut être introduit dans la même
veine ou dans une veine sous-clavière. La deuxième solution présente l’avantage d’un meilleur confort
et de plus de propreté à long terme. Lorsqu’un remplace un cathéter suspect d’être contaminé, il est
préférable de changer de site de ponction plutôt que de coulisser un nouveau cathéter sur un mandrin
enfilé dans l’ancien [235a] ; cette technique n’est justifiable que si le premier cathéter est propre ou si
le malade est sous anticoagulation complète .
Après la pose d'une voie centrale, il est de routine de pratiquer une radiographie du thorax. Un
pneumothorax accidentel mettant du temps à se constituer en respiration spontanée, il faut attendre
environ 2 heures pour pratiquer l'examen si l'on veut exclure une lésion. Une radiographie trop
précoce rassure par l'innocuité de la lame d'air à peine visible, mais celle-ci peut s'agrandir
rapidement.
Voie veineuse centrale : techniques de ponction
Une bonne installation est la première clef du succès. Toute voie centrale est posée de manière stérile,
avec blouse, masque et gants après une large désinfection chirurgicale de deux sites de ponction (en
général jugulaire interne et sous-clavière). Un repérage à l’aiguille fine ou aux ultrasons permet de
localiser la jugulaire (la ponction artérielle avec une aiguille 22G est sans risque). La survenue
d’extrasystoles lors de l’introduction du mandrin est la garantie d’être dans une cavité cardiaque mais
n’indique pas laquelle ; ce peut être aussi bien l’OD ou le VD (ponction veineuse) que le VG
(ponction artérielle). L’échographie est le moyen le plus sûr de localiser le mandrin (mise en place de
la sonde ETO avant la ponction centrale dès que le malade est intubé, ou sonde à ultrasons
transcutanés). Si l’on place deux cathéters dans la même veine, on descend les deux mandrins et on
coulisse ensuite les cathéters, pour éviter de perforer le premier cathéter lors de la ponction du second.
Guidage par ultrasons
La canulation des veines centrales selon les repères anatomiques (landmark technique) a un taux de
succès de 60% à 95% selon les sites et l’expérience de l’opérateur. La visualisation directe des
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
28
structures au moyen d’ultrasons (US) facilite grandement le repérage des vaisseaux et leur ponction.
Pour la jugulaire interne, le taux de passage au premier essai augmente ainsi de 54% à 73% et le risque
de ponction artérielle diminue de 8.4% à 4.2% chez les novices et à < 2% chez les opérateurs entraînés
[287a].
Une sonde US munie d’un transducteur de haute fréquence (> 10 MHz) posée sur la peau assure une
vision précise jusqu’à 4-5 cm de profondeur, ce qui est suffisant pour la plupart des vaisseaux. Pour
des structures plus éloignées, on utilise une sonde de plus basse fréquence (5-7 MHz). Pour éviter
toute interposition d’air, on utilise un gel de contact stérile sur la peau, et la surface de la sonde est
collée sur la housse stérile dans laquelle elle est emballée. L’échographe doit être correctement réglé :
gain, taille de l’image, distance focale, etc. Il va sans dire que l’opérateur doit avoir une bonne
connaissance de l’anatomie vasculaire et de la technologie pour pouvoir utiliser correctement
l’imagerie US et en déjouer les pièges (voir Chapitre 25 Principes physiques) [287a]. La sonde est
munie d’un petit ergot qui correspond à la partie droite de l’écran et qui doit être orienté vers la droite
du patient ou en direction céphalique. Lors de repérage de la jugulaire interne, la droite de l’écran doit
correspondre au côté droit du patient de manière à reproduire la vue depuis la tête en direction des
pieds, qui est celle de l’opérateur. On le teste par une légère pression latérale sur le cou en observant
de quel côté de l’écran celle-ci apparaît. Pour les autres sites de ponction, l’orientation est identique à
celle de l’échocardiographie ou de la radiologie, où la gauche de l’écran correspond à la droite du
patient, comme si ce dernier était vu de face.
Le repérage aux ultrasons est surtout utile pour la canulation de la veine jugulaire interne (JI). Il est
plus facile de la localiser en commençant par une vue court-axe (perpendiculaire à l’axe anatomique
de la veine). La JI apparaît comme une structure ovalaire aisément compressible, dont la cavité semble
vide. La carotide est une structure ronde, plus petite et légèrement pulsatile, située plus en profondeur
et du côté interne (Figure 6.14). En plaçant la coupe de la jugulaire au milieu de l’écran et en pivotant
la sonde de 90°, la veine apparaît en long axe comme une structure longitudinale horizontale à l’écran,
qui varie de taille avec la respiration et augmente de volume lors d’une manoeuvre de Valsalva [133].
Le Doppler couleur y démontre un flux systolo-diastolique continu de basse vélocité (échelle de
couleur 20-30 cm/s). Le flux couleur dans la carotide est pulsatile, exclusivement systolique et de
vélocité plus élevée (échelle de couleur ≥ 50 cm/s). Cet examen fait apparaître des anomalies
inattendues de la jugulaire interne dans 8% des cas : thrombose, taille très fine, localisation
anormalement médiane ou anormalement latérale [53].
La première partie de l’examen ultrasonographique consiste à repérer le vaisseau, sa taille, son flux, sa
situation anatomique à l’endroit de ponction choisi (examen US statique) ; ceci est recommandé pour
la jugulaire, mais peut être utile pour la sous-clavière ou la fémorale. Après désinfection, champage et
emballage stérile, la sonde d’US est manipulée de manière coordonnée à la ponction du vaisseau
(examen US en temps réel) [73,309a,139a,287a]. La technique procède en plusieurs temps.
 Pendant que la main dominante procède à la ponction, la main non-dominante maintient la
sonde de manière à visualiser l’aiguille pénétrant la veine ; la pression exercée avec la sonde
doit être modérée de manière à éviter de comprimer la veine.
 Avant de se focaliser sur l’écran, l’opérateur doit prendre soin de contrôler que le point et
l’axe de ponction correspondent à l’anatomie du vaisseau (Figures 6.9 et 6.10). L’aiguille est
dirigée vers le bas et vers le mamelon ipsilatéral ; l’angle avec la peau est d’environ 45°. Le
point de ponction est sur le bord interne du sterno-cléido-mastoïdien et non à travers le
muscle.
 L’attention de l’opérateur doit se porter ensuite sur l’écran et non plus sur les repères
anatomiques externes habituels, ce qui demande un peu d’entraînement pour reconstruire
mentalement en 3D ce que l’on regarde sur l’écran en 2D. On observe un certain collapsus
puis un ressaut de la veine lorsque l’aiguille perfore la paroi antérieure. Comme il est facile de
transpercer la JI de part en part, on peut aisément ponctionner la carotide après avoir traversé
la jugulaire si l’aiguille est dirigée vers l’intérieur. Les ultrasons permettent d’évaluer
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
29
précisément le degré de superposition de la jugulaire interne et de la carotide, donc d’orienter
la direction de l’aiguille de manière à s’éloigner de l’artère.
Médian
Latéral
Court-axe
JI
C
22%
50%
Long
-axe
JI
A
G
C
B
22%
D
Pieds
Tête
JI
JI
C
C
C
D
Figure 6.14 : Images ultrasonographiques lors de ponction jugulaire interne. A: Positions schématiques de la
veine jugulaire interne (JI) et de la carotide (C); les pourcentages représentent la fréquence de la position des
deux vaisseaux au niveau mésocervical où se fait habituellement la ponction. La position de la JI antérieure à la
carotide est normale dans la partie haute du cou et la position latérale normale dans sa partie basse (base du
triangle): plus on descend, plus la jugulaire s’éloigne de la carotide. Le trait jaune indique la direction de
ponction pour éviter la carotide. B: Ponction sous ultrasons. En court-axe, l’aiguille n’est pas dans le plan
ultrasonographique, et n’apparaît que lorsque son trajet coupe le plan, par exemple lorsqu’elle comprime la paroi
antérieure du vaisseau. En vue long-axe, au contraire, le plan de coupe est parallèle au vaisseau et peut suivre
l’aiguille sur tout son trajet, visualiser sa pénétration dans la jugulaire et démontrer son emplacement dans la
lumière vasculaire. C: Vue échographique court-axe. D: Vue long-axe [287a].
 En court-axe, le plan de coupe ultrasonographique est perpendiculaire au vaisseau, alors que
celui de la ponction est oblique dans un plan orthogonal ; l’aiguille n’est visible que dans la
mesure où elle traverse le plan, par exemple à l’endroit où elle pénètre dans la jugulaire. En
vue long-axe, au contraire, le plan de coupe est parallèle au vaisseau et peut suivre l’aiguille
sur tout son trajet, visualiser sa pénétration dans la jugulaire, et démontrer son emplacement
dans la lumière vasculaire (Figure 6.14B). En vue court-axe de la jugulaire interne, le point de
ponction cutané doit se situer 1.5-2 cm en amont de la sonde US et l’aiguille doit être inclinée
de 45° par rapport à la peau de manière à apparaître dans le plan de coupe ultrasonographique
au niveau de la veine.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
30
 Dès que l’aiguille paraît être au milieu de la lumière du vaisseau, on aspire sur la seringue
pour le contrôler : le sang est foncé, la pression est basse et l’aspiration ne présente aucune
résistance.
 La position du mandrin à l’intérieur de la veine est confirmée par les ultrasons en vue long axe
et court axe à la base du cou avant de descendre le cathéter.
Pour la jugulaire interne, cette manière de procéder diminue le taux d’échec (relative risk RR 0.14) et
de complications (RR 0.43) ; le taux de ponction carotidienne passe de 10.6% à 2% et celui de
pneumothorax de 2.4% à 0% ; la ponction sous contrôle d’US accélère la procédure et augmente le
taux de réussite au premier essai (RR 0.59) [109]. Ceci est très bénéfique parce que le taux de
complications augmente avec le nombre d’essais par le même opérateur [169a]. Le guidage par
ultrasons est donc une recommandation pour la canulation en jugulaire interne.
Pour la veine sous-clavière, l’utilisation de la sonde d’ultrasons est plus malaisée, parce que la fenêtre
est limitée par les côtes et parce que l’air contenu dans le poumon bloque les US. L’apport de la
technique est nettement moindre que pour les vaisseaux du cou, parce que les repères anatomiques
sont beaucoup plus consistants. Elle est surtout indiquée dans les extrêmes de poids, après chirurgie
thoracique, et après radiothérapie ou ponction préalable [287a].
La ponction guidée par ultrason demande un peu d’expérience pour devenir aisée. Bien qu’elle puisse
apparaître comme une solution de facilité, elle n’est pas en contradiction avec les techniques
habituelles de repérage anatomique externe. Au contraire, elle est un extraordinaire moyen de mieux
comprendre ces dernières, de voir les effets d’une mauvaise installation (cou en hyperextension, tête
trop tournée sur le côté), d’une palpation trop appuyée ou d’une modification des rapports
anatomiques par les doigts de l’opérateur. Elle est également une technique prioritaire dans les
ponctions difficiles (cous irradiés ou opérés, ponctions itératives, hématome, malades anticoagulés ou
thrombocytopéniques, etc). Le guidage par US est une manière de confirmer la localisation
anatomique de la veine et d’épauler la mise en place du cathéter, mais non un téléguidage de l’aiguille
pour opérateurs ignorant l’anatomie. Il est extrêmement utile pour la jugulaire interne, où il fait l’objet
d’une recommandation de haut degré d’évidence [139a,235a,287a]. Son apport est moindre dans les
autres localisations, où il est sert principalement à évaluer la perméabilité ou le remaniement
anatomique du vaisseau en cas de pathologie locale (irradiation, trauma, canulations précédentes, etc).
La technique ultrasonographique complique la manœuvre de canulation, crée un petit risque infectieux
et en augmente le coût, sans pour autant la garantir contre toute complication: le taux de ponction
carotidienne reste de 2-4% sous US [309a]. Elle induit même un sentiment de fausse sécurité et
d’impunité face à l’ignorance de l’anatomie. Le bénéfice des ultrasons est évident surtout chez les
débutants et les maladroits ; il l’est beaucoup moins chez les opérateurs habiles et expérimentés. De
toute manière, la ponction sous US réclame un enseignement et un entraînement corrects pour
apprendre la coordination avec l’image bidimensionnelle et pour offrir les meilleurs atouts lors de la
canulation [309a]. Malgré l’insistance de l’industrie pour la rendre obligatoire, ce qui est dans son
intérêt, cette technique doit rester avant tout un moyen d’enseignement privilégié et une aide précieuse
pour identifier la jugulaire interne ou ponctionner les cas difficiles. Le fait qu’elle diminue les risques
de la ponction jugulaire interne n’est pas une raison pour l’imposer dans toutes les ponctions veineuses
centrales, ni pour sombrer dans une médecine défensive qui multiplie les précautions dans le simple
but de se mettre à l’abri de poursuites judiciaires. C’est à l’anesthésiste ou au réanimateur de décider
dans quels cas les ultrasons représentent un bénéfice pour le patient. Les données actuelles suggèrent
de recommander formellement l’utilisation des US pour la jugulaire interne, mais sont insuffisantes
pour en faire un standard dans la canulation des autres vaisseaux [309a]. Promulguer cette pratique
comme « règle de l’art » (standard of care) et en faire une obligation est actuellement excessif, et
déboucherait sur trois conséquences majeures.
 Perte d’un savoir-faire technique ; il est capital que l’anesthésiste conserve la capacité de
placer une voie centrale rapidement et sans assistance dans des situations d’urgence comme la
réanimation ou le déchocage.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
31
 Dépendance extrême vis-à-vis d’un instrument qui peut être indisponible, absent ou en panne.
 Accusation potentielle de négligence pour tous ceux qui ne disposent pas de l’appareillage ou
dont l’institution n’a pas les moyens de l’acquérir.
Ponction veineuse centrale : guidage par ultrasons (US)
Pour la ponction jugulaire interne, le guidage par US transcutanés diminue le taux d’échec, accélère la
procédure et réduit le taux de ponction artérielle ou de pneumothorax. Par contre, son apport est très
limité lors de ponction sous-clavière ou fémorale. Il est donc recommandé que les cliniciens maîtrisant
la technique l’utilisent pour la canulation en jugulaire interne ou pour les situations à haut risque, mais
cette recommandation ne peut pas être imposée dans les autres localisations.
Complications
Le taux de complication des ponctions centrales oscille entre 5% et 19% avec les méthodes
traditionnelles. Le risque augmente de six fois après plus de trois essais [287a]. En-dehors de l’échec
et de l’hématome, qui sont les ennuis les plus fréquents, le taux de complication est de l’ordre de 3-5%
pour les opérateurs expérimentés [248] : ponction artérielle (6-9% en jugulaire interne, 3-5% en sousclavière), pneumothorax (5% en sous-clavière), hémothorax, lésions nerveuses [28a,287a]. Le taux de
complication augmente avec le nombre d’essais de ponction [169a]. Le risque de thrombose et
d’infection est le plus élevé pour la voie fémorale (environ 20% chacun), moindre pour la voie
jugulaire (5-8%) et le plus faible pour la voie sous-clavière (1-4%) [287a].
En cas de ponction artérielle à l’aiguille, une compression simple suffit à faire l’hémostase. Il en est de
même pour un cathéter jusqu’à une taille de 7F si la coagulation du patient est normale (anamnèse, TP,
TPT, thrombocytes, thromboélastogramme), et le restera dans les 12 heures suivantes (pas
d’anticoagulation). Si un cathéter de gros diamètre (introducteur de Swan-Ganz 8.0 – 9.5 F, cathéter
de dialyse) a été introduit par erreur dans la carotide ou dans une autre artère, il est recommandé de le
laisser en place et de contacter immédiatement un chirurgien vasculaire pour un retrait peropératoire
sous contrôle de la vue et réparation éventuelle de l’artère, ou de faire appel à un
cardiologue/radiologue interventionnel pour pratiquer une technique d’hémostase endovasculaire
utilisée lors des cathétérismes cardiaques (AngioSeal™, par exemple) [28a,235a]. En cas lésion
carotidienne, un status neurologique s’impose. La question se pose ensuite de procéder à l’intervention
prévue ou de la renvoyer après contrôle définitif de l’hémostase et exclusion d’un AVC. Une
hémorragie artérielle dans le cou dévie l’oesophage (visible sur la radiographie du thorax si une sonde
gastrique est en place) et peut comprimer la trachée au point d’entraîner une dyspnée aiguë. Un
hémothorax secondaire à une ponction artérielle sous-clavière peut entraîner une hypovolémie sévère
parce qu’il n’y a aucun signe externe du saignement pour donner l’alerte assez tôt.
Si le patient est éveillé et respire spontanément, les moments où l’aiguille de ponction et le cathéter
sont ouverts à l’air sont une source potentielle d’embolie gazeuse au cours d’un inspirium profond. Il
faut donc veiller à les occlure. La ventilation en pression positive et la position de Trendelenburg
suppriment le risque d’embolie gazeuse.
Le pneumothorax est plus fréquent lors de ponction sous-clavière, mais il peut survenir dans la voie
jugulaire antérieure basse. En ventilation contrôlée, il est prudent d’arrêter le respirateur pendant la
ponction. Le chylothorax est une complication grave de la ponction jugulaire gauche avec lésion du
canal thoracique. Un épanchement péricardique peut survenir en cas de perforation de l’oreillette par
le mandrin ou le cathéter. En allant trop profondément à la recherche de la veine jugulaire avec
l’aiguille de ponction, on peut léser le plexus brachial, le nerf phrénique ou le ganglion stellaire.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
32
Plusieurs points sont à observer dans l’entretien des cathéters veineux centraux pour limiter le risque
de contamination bactérienne et de thrombose [235a].
 Pansement transparent à la chlorhexidine, désinfection et contrôle quotidien ;
 Ablation au moindre signe d’infection locale ;
 Désinfection des sites d’injection avant toute administration ; maintien des robinets et des
ports d’accès fermés par un bouchon en permanence ;
 Lors de changement de cathéter à cause d’infection locale, préférer la ponction d’un autre site
plutôt que le transcathétérisme sur un mandrin.
Voie veineuse centrale : complications
Les principales complications (incidence 3-9%) sont l’hématome (ponction artérielle), le
pneumothorax, l’hémothorax et l’embolie gazeuse. Une ponction trop profonde peut léser le plexus
brachial, le nerf phrénique, le ganglion stellaire ou le canal thoracique (en position jugulaire gauche).
En position jugulaire interne, le taux de complications diminue avec l’utilisation d’ultrasons.
Mesure de la pression veineuse centrale
La pression mesurée à l’extrémité d’un cathéter central est celle qui règne dans la veine cave
supérieure intrathoracique et dans l’oreillette droite. Cette pression veineuse centrale (PVC) est basse
(6 à 12 mmHg). Cette constatation a deux corollaires.

Le niveau du capteur doit être soigneusement réglé pour correspondre à la mi-hauteur de l’OD
(ligne médio-axillaire chez un malade couché sur le dos) ; un écart de 2 cm crée une
différence de 1.5 mmHg sur la lecture, soit 15 - 20% d’erreur sur la mesure ; la hauteur du
capteur doit être ajustée à chaque changement de position.
 La PVC est du même ordre de grandeur que les pressions respiratoires en ventilation
mécanique ; la pression moyenne intrathoracique est de 4 à 10 mmHg en IPPV (Intermittent
positive pressure ventilation), et augmente linéairement avec la PEEP (Positive end-expiratory
pressure). La mesure de PVC ne traduit la POD réelle qu’en apnée. Toutefois, la transmission
des pressions ventilatoires à l’ensemble de la cage thoracique dépend de la compliance des
poumons ; elle est diminuée en cas de pathologie pulmonaire.
La mesure d'une pression intracardiaque se fait par rapport à la pression atmosphérique (Patm), qui est
le zéro du capteur, alors que la pression externe des cavités cardiaques et des vaisseaux
intrathoraciques est la pression intrathoracique (Pit). La différence de pression entre l’intérieur
(Pintracavitaire Pic) et l’extérieur d’une chambre cardiaque est la pression transmurale (Ptm) (Figure
6.15) :
Ptm = Pic – Pit
d’où : Pic = Ptm + Pit
La mesure d'une Pic par rapport à la Patm n'a de sens que lorsqu’elles sont identiques, c'est-à-dire en
apnée ou lors de la pause expiratoire du ventilateur, sans PEEP. Le fait que seule la Ptm représente la
pression de remplissage réelle a deux conséquences pratiques.

En ventilation en pression positive, la PVC évolue de manière discordante par rapport au
volume du VD dans 52% des cas [58]. L’instauration de l’IPPV provoque un déplacement de
volume de l'intérieur vers l'extérieur de la cage thoracique de l'ordre de 300 – 600 ml (baisse
de précharge), alors que la PAPO et la PVC augmentent de 15 – 25% [305]. La mesure de la
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
33
PVC n’est fiable qu’en apnée ou en soustrayant la valeur de la Pit moyenne affichée sur le
respirateur.
 Lorsqu’on procède à une manoeuvre de Trendelenburg chez un patient curarisé, le poids des
viscères abdominaux appuie contre le diaphragme relâché, et la pression intrathoracique
augmente. Cette augmentation est du même ordre de grandeur que celle de la POD due au
retour veineux ; de ce fait, la Ptm de l’OD ne se modifie pratiquement pas, et la précharge
réelle du coeur droit est inchangée [192]. L’élévation des jambes est plus efficace, car la POD
augmente sans que la Pit ne se modifie.
Figure
6.15 :
Interactions
cardiorespiratoires. La pression
habituellement mesurée dans les
cavités cardiaques (Pic) est
mesurée par rapport à la pression
atmosphérique (ΔP = Pic - Patm)
(double flèche noire). Or la
pression qui règne réellement
dans une chambre cardiaque est la
différence entre la pression
intracavitaire (Pic) et la pression
intrathoracique (Pit). C'est la
pression transmurale (Ptm) : Ptm
= Pic – Pit (double flèche bleue).
La pression transmurale et la
pression mesurée par rapport à la
Patm ne sont équivalentes qu’en
apnée. La différence entre la
pression intrathoracique (zone
verte)
et
la
pression
intrapéricardique (zone jaune)
n'est que de 1-2 mmHg, donc
négligeable en situation clinique
normale.
VCS: veine cave supérieure. VCI:
veine cave inférieure. VP: veines
pulmonaires. AP: artère pulmonaire. En jaune: péricarde.
Patm
APNEE
Pit
VCS
Poumon
s
AP
VCI
VP
OD
Ao
OG
Pic
VD
Cage thoracique
VG
ΔP
ic-atm
Ptm
© Chassot 2012
La PVC est assimilable à la pression auriculaire droite (POD). En l'absence de lésion tricuspide, la
mesure de la PVC au voisinage ou dans l'oreillette droite est un indice de la précharge du ventricule
droit, dans la mesure où cette pression est représentative du volume télédiastolique. Ceci appelle
quatre remarques.

La corrélation entre la pression (P) et le volume (V) est déterminée par la compliance, dont la
courbe est curvilinéaire dans les cavités cardiaques (Figure 6.16). A bas volume de
remplissage (hypovolémie), cette courbe est très plate : de fortes variations de volume ne se
traduisent que par de minimes variations de pression. Lorsque le remplissage est élevé, la
courbe se redresse et les variations de volume s’accompagnent de variations de pression
significatives. En conséquence, la PVC n’est d’aucun apport en hypovolémie, alors qu’elle est
très pertinente en hypervolémie (haut remplissage, insuffisance ventriculaire droite, HVD).
 Dans le régime à basse pression et haute compliance des cavités droites, une mesure isolée de
PVC est un critère non fiable du remplissage vasculaire. Par contre, le suivi de la PVC
lorsqu’elle se modifie, témoigne de l’évolution de la fonction et du remplissage du VD chez
un même patient dans les mêmes conditions ventilatoires.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
34

La dysfonction diastolique du VD modifie la compliance, dont la courbe se redresse et se
déplace vers le haut ; ceci est fréquent avec l’âge, l’hypertrophie du VD, l’ischémie et la
dysfonction ventriculaire. Dans ce cas, la mesure de pression devient un meilleur indice de
remplissage, mais la valeur de la PVC est plus élevée que la normale pour le même volume de
remplissage.
 La PVC ne renseigne que sur les conditions de charge du VD. Il n’existe de relation entre la
PVC et la fonction du VG que si la stase pulmonaire engendrée par la pathologie gauche est
telle qu’elle modifie les conditions de charge et la fonction du VD.
Pression
Compliance
diminuée
Compliance
normale
P’
’
P
’
V’
V’’
V
V’’
Volume
© Chassot 2012
Figure 6.16 : Représentation schématique de la courbe de compliance normale du VG (en bleu), ou lors de
dysfonction diastolique (en rouge). La courbe se redresse et se déplace vers le haut et vers la gauche. La même
variation de volume se traduit par une variation de pression plus importante que lorsque la compliance est
normale. A la pression P correspond un volume ventriculaire plus petit (V’) que la norme (V) ; le sujet peut être
hypovolémique avec une POD (PVC) ou une POG (PAPO) normale. La normovolémie d’un sujet souffrant de
dysfonction diastolique (V’’ rouge) est traduite par une pression de remplissage (P’) qui correspond à une
hypervolémie (V’’ bleu) chez un sujet normal.
La courbe de PVC présente deux pics ("a" et "v") et deux nadirs ("x" et "y") de pression (Figure 6.17).
Le pic "a" est dû à l'onde de pression de la contraction auriculaire. L'onde "v" représente le
remplissage continu de l'oreillette pendant la systole ventriculaire ; la pression s'élève parce que la
valve tricuspide est fermée ; elle ne redescend que lorsque la tricuspide s’ouvre et que l’OD se vide
dans le VD (descente "y"). Le pic de l’onde "v" a lieu pendant la phase de relaxation isovolumétrique
(fin de l’onde T sur l’ECG). Entre les deux pics "a" et "v" survient une baisse de pression (descente
"x") qui est la chute de la pression auriculaire pendant la diastole de l'oreillette et la descente de
l’anneau tricuspidien secondaire à la contraction longitudinale du VD. Le crochetage "c" est
occasionné par le bombement de la valve tricuspide pendant la systole ; il est peu marqué et souvent
absent. L'onde "a" peut devenir très importante en cas d'extrasystolie ventriculaire (ESV), parce que
l'oreillette se contracte alors que la valve tricuspide est déjà fermée par la systole prématurée de l'ESV
(cannon wave) (Figure 6.18). En cas d'insuffisance tricuspidienne, l'onde "v" est prééminente, mais
elle survient plus tôt que l’onde "v" normale puisque la régurgitation survient pendant toute la durée
de la systole (Figure 6.19). Le chiffre de PVC qu’on lit sur l’écran du moniteur est la pression
moyenne instantanée de l’OD. La valeur normale en apnée est 5-8 mmHg. La valeur la plus proche de
la pression télédiastolique du VD est le creux (descente "z".) précédant l’onde "c". Comme cette
mesure est difficile à effectuer, on considère en général le pic de l’onde "a" comme équivalent de la
PtdVD.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
35
Figure 6.17 : Courbe de pression
auriculaire normale. a: onde de
pression
de la
contraction
auriculaire. c: fermeture de la
valve
mitrale/tricuspide
qui
bombe dans l'oreillette. v:
remplissage de l'oreillette pendant
la systole ventriculaire (débit
continu
des
veines
caves/pulmonaires); la pression
s'élève parce que la valve
mitrale/tricuspide est fermée. x:
chute de la pression auriculaire
pendant la descente de l’anneau
mitral/tricuspidien
(contraction
longitudinale du ventricule). y:
ouverture
de
la
valve
mitrale/tricuspide et vidange de
l'oreillette dans le ventricule. z :
diastole de l’oreillette.
a
z
c
x
v
y
© Chassot 2012
Figure 6.18 :
Aspect de la PVC lors
d'extrasystolie ventriculaire;
la
contraction
auriculaire
survenant
alors que la valve
tricuspide
est
déjà
fermée, il apparaît une
onde "a" très importante
(cannon wave) (Extrait
de : Ahrens S, Taylor
LA.
Hemodynamic
waveform
analysis.
Philadelphia :
WB
Saunders Co, 1992.
Waveform 3.4, p 57).
ESV
Onde cannon
Onde a
géante
Ondes a
normal
es
Figure
6.19 :
Insuffisance
tricuspidienne.
L'onde
"v"
est
protosystolique,
pendant la phase
d'éjection
du
ventricule, ce qui est
plus précoce que la
normale où l'onde
"v" est télésystoprotodiastolique.
a
v
a
POD
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
v
P artérielle
36
Mesure de la PVC
La valeur normale de la PVC est basse (6-12 mmHg) ; elle est très influencée par le niveau du capteur
(2 cm de hauteur = 1.5 mmHg) et par la pression intrathoracique (IPPV, PEEP). La pression de
remplissage réelle de l’OD (précharge du VD) est représentée par sa pression transmurale (Ptm), qui
est la différence entre la pression intracavitaire (Pic) et la pression intrathoracique (Pit) :
Ptm = Pic – Pit,
d’où : Pic = Ptm + Pit
En ventilation en pression positive (Pit ↑), la PVC (= Pic) augmente sans que la Ptm ne se soit élevée;
la mesure de PVC doit donc s’effectuer en apnée, ou en soustrayant la valeur de la Pit. Chez un
malade curarisé, la position de Trendelenburg augmente la Pit (pression des viscères abdominaux
contre le diaphragme) autant que la Pic (POD), ce qui ne change pas la Ptm (précharge réelle), alors
que l’élévation des jambes augmente la POD sans modifier la Pit (augmentation de la précharge
réelle).
La PVC représente la précharge du VD (non celle du VG) dans la mesure où la compliance lie la
pression au volume; or la pression évolue de manière non-linéraire avec le volume. De ce fait, la PVC
n’est d’aucun apport en hypovolémie (courbe de compliance quasi-plate), alors qu’elle est très
pertinente en hypervolémie parce que la courbe est redressée (haut remplissage, insuffisance
ventriculaire droite, HVD). En cas de compliance anormale (âge avancé, ischémie, HVD, dysfonction
ventriculaire), la PVC est plus élevée que la normale pour le même volume de remplissage. La valeur
de PVC la plus voisine de la Ptd du VD est le pic de l’onde "a".
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
37
Cathéter artériel pulmonaire de Swan-Ganz
Le cathéter pulmonaire flotté muni d’un ballon à son extrémité fut introduit en 1970 et a connu depuis
lors une mode sans précédent dans le monitorage des patients en état critique [275]. On a estimé à 2
millions le nombre de ces sondes placées annuellement dans le monde, ce qui représente un coût
global évalué de 1 à 2 milliards de dollars [298]. Bien que l'amélioration du matériel et la routine
acquise par les cliniciens en aient fait chuter la morbidité, le rapport coût / bénéfice de cette technique
invasive reste difficile à évaluer, et son taux de complications est estimé à 0.1 - 4 % des cas [228]. Ces
dernières années, certaines analyses statistiques à large échelle ont abouti à la conclusions que la
Swan-Ganz n’offrait probablement aucun bénéfice, ou était associée à une aggravation de la mortalité
[44]. De ce fait, son utilisation a marqué un certain recul est ses indications se sont concentrées sur des
situations précises. Même si l’on est allé jusqu’à demander l’installation d’un moratoire sur son
utilisation en peropératoire comme aux soins intensifs [47], il n’en reste pas moins que le cathéter
pulmonaire est toujours considéré comme la technique de référence pour la mesure du débit cardiaque
en clinique [19].
Le cathéter artériel pulmonaire (CAP) offre un certain nombre de mesures :





Pression artérielle pulmonaire (PAP),
Pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO),
Pression pulmonaire capillaire (Pcap),
Volume systolique (VS),
Saturation en oxygène du sang veineux mêlé (SvO2).
Il permet de calculer ensuite le débit cardiaque (DC), les résistances artérielles pulmonaires (RAP), les
résistances artérielles systémiques (RAS), le travail ventriculaire systolique droit et gauche (RVSW,
LVSW), la fraction d’éjection du ventricule droit, le volume télédiastolique du VD. Les deux dernières
mesures ne sont possibles qu’avec la variante à débit continu, mais non avec le cathéter standard.
Justification et impact
La majorité des études contrôlées comparant les différences de mortalité et de morbidité entre des
patients suivis avec ou sans CAP ne démontrent pas d’avantages évidents à la présence d’un CAP
[299]. Mais un certain nombre d'éléments méthodologiques interfère avec les résultats de ces analyses
et voile l’évidence d’un bénéfice majeur [229].
 L’absence de sélection des cas : les études sont réalisées sur des séries consécutives de
patients de chirurgie cardiaque, de chirurgie générale majeure ou de soins intensifs médicaux
(infarctus myocardique, choc septique) sans tenir compte de leur état fonctionnel, ce qui
atténue l'impact que peut avoir la Swan-Ganz chez des malades sélectionnés pour leur risque
élevé.
 L’absence de protocoles thérapeutiques standardisés : l’impact d’un mode de monitorage est
celui des thérapeutiques qu’il initie ; sans protocoles identiques dans tous les groupes, il n’est
pas possible de comparer les conséquences des décisions prises en fonction des mesures
effectuées.
 Les conditions hospitalières de soins : quelle que soit l’indication, les résultats sont plus
favorables dans les institutions qui sont coutumières de la technique que dans celles qui ne
l’utilisent qu’occasionnellement.
 Les connaissances et les performances des anesthésistes ou des intensivistes : elles sont en
moyenne faibles ; l'impact est plus important dans les hôpitaux d'enseignement.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
38
 L’évolution des thérapeutiques : elle a diminué la mortalité et la morbidité en soins intensifs ;
de ce fait, l’impact du CAP s’est progressivement amenuisé.
 Les croyances du personnel médical : penser qu’une technique modifie le pronostic des
patients biaise l’attitude des cliniciens en sa faveur, parce qu’ils estiment contraire à leur
éthique de soigner ces cas sans elle.
 La variabilité dans le degré d'évidence des études (étude prospective ou rétrospective,
randomisation, puissance, homogénéité des séries) et la rigueur des méthodes statistiques
utilisées selon les études.
En 30 ans, plus de 3’000 articles ont été consacrés à l’impact de la Swan-Ganz. De cette masse, on
peut extraire 29 études contrôlées qui se rapportent à l'anesthésie [229]. Elles représentent un total de
32’802 patients non-sélectionnés, et concernent essentiellement 4 domaines: soins intensifs
chirurgicaux (10 études), chirurgie cardiaque (5 études sur les pontages aorto-coronariens), chirurgie
non-cardiaque (9 études) et polytraumatisme (5 études). A cette somme s’ajoutent six publications
plus récentes [105,221,241,248a,267a,272] et une méta-analyse de 13 études randomisées (5’051
patients) [254]. Les résultats globaux sont assez décevants, puisqu’ils montrent que le CAP ne confère
pas de bénéfice, même s’il n’augmente pas la mortalité. Seuls les groupes des polytraumatismes et des
défaillances ventriculaires trouvent un intérêt à la Swan-Ganz, avec une diminution des défaillances
multiviscérales et de la mortalité [78a,267a]. Sans faire une revue exhaustive de la littérature, il vaut la
peine de revoir quelques publications importantes à ce sujet.
Il y a vingt à vingt-cinq ans, le CAP semblait avoir un impact favorable sur le devenir des patients
après infarctus myocardique ou après chirurgie majeure [90,259]. Le concept d’une thérapeutique
fixée sur des buts prédéfinis (goal-directed management) semblait démontrer que le maintien du débit
cardiaque à des valeurs supra-normales (index cardiaque ≥ 4.5 L/min/m2) pour réduire la dette en
oxygène pouvait améliorer la survie des patients chirurgicaux à haut risque [16,260], des
polytraumatisés [75], ou des malades en choc septique [224]. Un CAP était alors indispensable pour
guider l'administration de perfusats et de support inotrope. Cependant, d'autres études ont infirmé le
bien-fondé de ce traitement [82,289,315], ou ont été interrompues parce que la mortalité des patients
du protocole était plus élevée que celle du groupe contrôle [106]. Ces expériences démontrent que la
normalisation des valeurs hémodynamiques n’est pas le but à rechercher en soi : les données
numériques fournies par le CAP peuvent induire une attitude visant à la simple correction de valeurs
chiffrées en-dehors de tout contexte clinique. Toutefois, ces travaux auront eu le mérite d’attirer
l’attention sur l’importance de maintenir une SvO2 ≥ 70% pour raccourcir le séjour hospitalier et
baisser le taux de dysfonction polyorganique [210]. Ainsi, le maintien d'un remplissage adéquat, d'un
débit cardiaque normal et d'une SvO2 > 60% s’est avéré bénéfique chez les polytraumatisés graves
(ISS 25-75): il raccourcit le séjour en soins intensifs [20,75], baisse la mortalité et diminue l’incidence
de dysfonctions multiviscérales [37,78a,224,244].
Dans les années quatre-vingt-dix, on estimait que les données de la Swan-Ganz conduisaient à des
modifications thérapeutiques immédiates dans un tiers des cas [215,271], et à une réduction de
mortalité de 40% dans le choc septique [181]. Mais une étude sur une cohorte de 5'735 patients en état
critique, collectée dans cinq unités de soins intensifs américains, avait sonné l’alerte en démontrant
que les patients munis de cathéter pulmonaire avaient une morbidité, une mortalité et une durée de
séjour en soins intensifs supérieures à ceux qui n’était pas monitorés de cette manière [44]. Ces
résultats étaient confirmés par l’appariement des malades en paires de pathologies identiques dont un
membre est pourvu de CAP et l’autre pas. Une étude observationnelle en chirurgie non-cardiaque a
également montré que les complications cardiaques postopératoires étaient trois fois plus fréquentes
chez les malades porteurs de Swan-Ganz [209]. Comme le bénéfice du cathétérisme tient aux
décisions thérapeutiques qu’on en déduit et que les protocoles de soins varient d’un centre à l’autre,
les groupes de ces études sont en réalité difficilement comparables, car ce sont les algorithmes
décisionnels et les processus de soin qui créent la différence [292]. Il est possible que le cathétérisme
pulmonaire soit le marqueur d’un style de soins très agressif dont les résultats ultimes sont décevants
[44,248a].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
39
Ces quinze dernières années ont vu la parution de six grandes études d’impact dont la méthodologie
est très rigoureuse. La première porte sur 1'994 patients âgés subissant des interventions de chirurgie
générale à haut risque, randomisés en deux groupes avec PVC ou avec CAP [241]. Elle n'a démontré
aucun bénéfice d'un groupe par rapport à l'autre en terme de mortalité à 12 mois, de complications
postopératoires et de durée de séjour hospitalier; la seule différence porte sur un taux d'embolie
pulmonaire plus élevé dans le groupe avec Swan-Ganz (p = 0.004). La deuxième étude n’observe
aucun intérêt à l’utilisation précoce du CAP dans le choc et le SDRA : 335 patients avec CAP ne
présentent pas de différence de mortalité ni de morbidité à 28 jours comparés à 341 patients traités
sans CAP [221]. La troisième étude (PAC-Man) concerne 1'041 patients de soins intensifs ; leur prise
en charge avec ou sans CAP n’est à l’origine d’aucune différence de mortalité à 3 mois [105]. Dans la
quatrième (ESCAPE trial), la présence d’un CAP pour guider la thérapie n’a pas amélioré la survie à 6
mois de 433 patients en insuffisance cardiaque congestive [272]. La cinquième est une étude
prospective de 3’321 pontages aorto-coronariens regroupés en 1'273 paires appariées ; la présence de
CAP augmente le risque de mortalité (OR 2.08) et de complications cardiaques (OR 1.58), cérébrales
(OR 2.02) ou rénales (OR 2.47) ; cette aggravation semble liée à une utilisation excessive d’agents
inotropes et à la perfusion de davantage de volume chez les malades monitorés avec un CAP [248a].
La dernière démontre un impact positif du CAP chez des malades souffrant de défaillance
ventriculaire aiguë, hypotendus et placés sous inotropes : l’utilisation de la Swan-Ganz diminue la
mortalité de 4.4% à 1.4% (HR 0.3) [267a]. Ces données montrent que le monitorage hémodynamique
systématique d'une large population de patients n'améliore pas leur évolution, alors qu'il est
susceptible d'influencer le devenir immédiat de malades présentant des problèmes aigus particuliers.
Quelques analyses prospectives ou rétrospectives sur l'impact de la Swan-Ganz ont été conduites dans
le cadre de la chirurgie de revascularisation coronarienne élective [42]. Certaines n'ont trouvé aucune
différence dans la mortalité, les complications cardiaques et les durées de séjour en soins intensifs
entre les patients monitorés par Swan-Ganz et ceux monitorés par PVC seule [8,204,291]. D’autres, au
contraire, ont démontré une aggravation des risques [248a]. Dans les hôpitaux peu coutumiers de la
technique, la Swan-Ganz a même tendance à péjorer les résultats [212,273]. La gravité du risque
opératoire n’a pas influencé ces résultats; l’utilisation d’un cathéter oxymétrique n’a pas été
discriminative, mais a renchérit le coût de la technique [204]. Il est certain que le cathéter pulmonaire
n'est d'aucune utilité chez le patient coronarien sans comorbidité dont la fonction ventriculaire est
conservée, que ce soit en chirurgie cardiaque à cœur battant [217] ou en chirurgie de revascularisation
coronarienne en CEC [60]. D'autre part, l'utilisation de plus en plus systématique de l'ETO
peropératoire a certainement diminué les indications de l'anesthésiste au CAP; moins de cathéters sont
insérés lorsque l'ETO est à disposition [117].
Si, à catégories égales, les patients porteurs de Swan-Ganz ont un plus mauvais pronostic que ceux qui
n’en ont pas, on est en droit de se poser une autre question: l’interprétation des résultats, ou les
conclusions thérapeutiques qu’on en tire, sont-ils erronés ? En effet, il faut que les données du CAP
soient correctement interprétées pour que l'incidence thérapeutique soit bénéfique. Or, dans une étude
multicentrique en soins intensifs, 47% des médecins interrogés étaient incapables de lire adéquatement
une courbe de pression capillaire bloquée et 44% ne connaissaient pas les déterminants du transport
d’oxygène, quand bien même ils travaillent quotidiennement avec ces notions [115]. Dans une étude
européenne analogue basée sur un collectif de 535 intensivistes, les résultats ne sont guère meilleurs:
le score moyen aux mêmes questions est de 72% [85]; seuls 46% des médecins interrogés ont
interprété correctement les courbes de pression capillaire et 30% ont identifié les déterminants du
transport d’oxygène. Dans une nouvelle enquête réalisée dix ans plus tard, seuls 38% des praticiens
interrogés interprétaient les données de la même manière que les experts, et 35% proposaient un
traitement potentiellement désastreux [270]. Les infirmières de soins intensifs n’ont pas des
prestations supérieures, puisque leur score est de 49% [114]. D’aussi piètres prestations influencent
lourdement les résultats des études qui cherchent à définir l’impact de la Swan-Ganz. De ce point de
vue, l’amélioration des qualités professionnelles est probablement plus urgente que les études de coût.
Les restrictions budgétaires et la pression économique de ces dernières années ont réactivé le débat sur
le rapport coût / bénéfice du CAP. Dans la notion de coût, il faut inclure le prix du matériel, mais aussi
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
40
le temps du personnel et les dépenses annexes induites (examens de laboratoire, radiographies, etc). A
cela s’ajoute l’impact financier des décisions thérapeutiques et celui des éventuelles complications. On
a estimé que la Swan-Ganz revient ainsi à environ € 550.00 sans tenir compte des effets secondaires
[108]. L’aspect financier de ces derniers est sans commune mesure avec le prix de l’instrumentation,
puisqu’il porte le coût global à environ € 1'000.- [268]. Pour que son insertion soit bénéfique dans le
cadre des pontages aorto-coronariens, par exemple, elle devrait permettre une réduction de la mortalité
annuelle postopératoire de 0.2%. Pour le prouver à un niveau de puissance de 80% et à un niveau de
sensibilité de p < 0.05, il faudrait étudier une cohorte de 223’000 patients [268] ! Il sera donc difficile
de réunir un tel collectif pour définir son utilité en termes uniquement économiques.
Cependant, l’acquisition des connaissances se fait en pratiquant la technique, et les complications
diminuent proportionnellement à l’expérience des praticiens. Si le CAP devenait une rareté, les
performances et les connaissances diminueraient; cette baisse de qualité conduirait à des traitements
moins adéquats, donc à une augmentation du coût thérapeutique [283]. Les enquêtes d’Iberti [115], de
Gnägi [85] et de Squara [270] ont clairement démontré que les connaissances sont directement
proportionnelles à la fréquence d’utilisation. Le cathétérisme pulmonaire est certainement un outil
irremplaçable pour la recherche clinique et pour l'enseignement, ce qui conduit à un paradoxe: s'il faut
en placer beaucoup, c'est pour apprendre à s'en passer ! Pour preuve, une enquête finlandaise portant
sur 14'951 patients de soins intensifs n’a trouvé de corrélation entre l’invasivité du monitorage et
l’efficacité des thérapeutiques que dans les hôpitaux d’enseignement [237]. En effet, l'expérience
clinique des médecins module l’impact du CAP sur les projets thérapeutiques : le plan de traitement
est influencé dans 38% des cas lorsque le médecin en charge est un aîné, mais dans 66% des cas
lorsque le responsable est un assistant [181]. De plus, la pratique clinique des médecins qui ne
disposent pas d’une technologie donnée est grandement influencée par ce qu’ils ont appris en utilisant
ladite technologie sur d’autres patients auparavant [230]. En rejetant globalement la Swan-Ganz, on
perd le bénéfice de ce transfert de connaissances.
Les thérapeutiques se modifient constamment et l’ingénierie biomédicale progresse très rapidement.
L’utilisation de la Swan-Ganz pouvait créer une différence dans le devenir des patients de chirurgie
lorsqu’ils faisaient partie d’un contexte où la mortalité est élevée, mais comment induire une réduction
significative lorsque la mortalité du pontage aorto-coronarien devient inférieure à 1% ? Les données
des années quatre-vingt [214] ne sont certainement plus valables actuellement parce que les résultats
chirurgicaux, la technique de CEC, l’évaluation préopératoire et la cardioprotection prériopératoire se
sont améliorés à pas de géant. D'autre part, la préparation préopératoire des patients avec des bétabloqueurs, des statines et des antiplaquettaires s'est révélée bien plus efficace pour diminuer la
mortalité et la morbidité des malades ischémiques que la sophistication des moyens de monitorage.
Malgré la publication de consensus pratiques par l’American Society of Anesthesiology (ASA), par
l’American College of Cardiology, par la Society for Critical Medicine, et par la FDA, « to swan or
not to swan » reste une question en suspens [17,108b,200,228,229]. Dans ses dernières directives,
l'ASA considère le cathéter pulmonaire comme nécessaire seulement chez les patients à haut risque
prévus pour de la chirurgie majeure dans une institution coutumière de ce monitorage [229]. Par
contre, si la technique n'est utilisée qu'exceptionnellement dans l'institution, son utilisation n'est pas
recommandée. Pour en acquérir le savoir-faire, il faut procéder à 20 – 50 cathétérismes sous
supervision, et en exécuter 25 par année pour le conserver [288]. L’utilisation routinière de cette
surveillance pour toutes les interventions de chirurgie cardiaque est certainement une application
inappropriée d’une technologie coûteuse, qui ne se justifie pas dans les cas dont le risque
périopératoire est bas [257,292,303].
Le cathéter pulmonaire n’a un impact thérapeutique significatif que dans les circonstances où il est
clairement indiqué (voir Indications au CAP) [267a]. En-dehors de ces dernières, il n’apporte rien et
peut même aggraver le pronostic, comme le démontrent toutes les grandes séries dans lesquelles les
patients sont équipés de CAP sans discrimination. L’attitude qui consiste à maximaliser le monitorage
chez tous les malades par souci de sécurité et de simplification ("One size fits all") est contreproductive : il est délétère d’extrapoler aux cas simples une surveillance utile aux cas lourds parce que
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
41
l’impact thérapeutique est inexistant mais les complications bien présentes. Une prise en charge
proactive et agressive est bénéfique dans les situations où la marge de sécurité est très réduite, mais
elle augmente la morbidité, voire même la mortalité, lorsqu’elle s’adresse à des cas où la marge de
manœuvre est grande : excès d’agents inotrope ou de volume perfusé, complications liées aux
cathéters, recherche mono-idéique de la normalisation d’un chiffre au détriment de la situation
clinique d’ensemble.
Si sa pertinence porte sur la rapidité avec laquelle on peut corriger les altérations hémodynamiques, le
CAP doit être déjà fonctionnel lorsque surviennent les complications, puisque le délai entre la décision
de le poser et l’obtention des résultats est en moyenne de 120 minutes [146]. La décision de poser une
Swan-Ganz doit donc se prendre en préopératoire. Or, la sélection des patients susceptibles d’en
bénéficier reste intuitive. Elle se fonde sur le risque cardio-pulmonaire et sur l’importance des
perturbations générées par l’intervention chirurgicale elle-même. Mais on est dans une situation
d’indécidabilité logique puisqu’il est impossible de prouver l’efficacité d’un monitorage de
précaution : en effet, celui-ci repose sur un enchaînement de cause à effet qui est inversé.
Normalement, l’effet suit la cause ; dans le cas d’une mesure préventive, l’effet (la précaution)
précède la cause (la catastrophe potentielle). Seule la survenue de la catastrophe peut prouver que la
mesure de précaution aurait été utile. Il n’y en a aucune évidence avant son échec. Il n’y a donc pas
moyen de justifier un équipement sophistiqué sur une réelle evidence-based attitude.
Impact du cathéter artériel pulmonaire (CAP)
L’impact d’un système de surveillance tient à l’interprétation des données fournies et aux décisions
thérapeutiques que l’on en tire. Quarante-cinq années d’utilisation du cathéter pulmonaire de SwanGanz démontrent qu’il n’est clairement utile que dans des indications précises (altérations importantes
de la circulation pulmonaire, chirurgie à fort retentissement hémodynamique chez des patients à haut
risque). Par contre, son utilisation systématique n’améliore pas le pronostic des patients. Plusieurs
considérations entrent en ligne de compte dans son efficacité :
- Respect des indications particulières ;
- Connaissances du personnel et interprétation des données hémodynamiques ;
- Algorithmes thérapeutiques liés aux résultats du monitorage ;
- Utilisation bien entraînée dans l’institution ;
- Nécessités de l’enseignement clinique ;
- Possibilités financières de l’institution.
En cas de doute sur l’indication, il est préférable de pécher par excès et de mettre en place le CAP. Le
CAP n’est pleinement utile que s’il est présent au moment de la complication hémodynamique. De ce
fait, son indication contient toujours une part d’aléatoire puisqu’il n’est pas possible de savoir à
l’avance si la complication se produira à coup sûr.
Indications au CAP
Malgré le manque de précision de la littérature récente, il se dégage de l’expérience clinique un certain
consensus sur les situations où le cathétérisme pulmonaire modifie certainement le pronostic.
 Pathologies de la circulation pulmonaire :
• Insuffisance ventriculaire droite
• Hypertension pulmonaire (PAPs > 50 mmHg)
• Maladie pulmonaire majeure : BPCO, asthme, etc
• Perméabilité capillaire pulmonaire altérée : SDRA, choc toxique
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
42
 Surcharge de la circulation pulmonaire :
• Stase gauche : insuffisance et/ou dilatation ventriculaire gauche (FE < 0.35),
pathologie mitrale
• Hypervolémie : insuffisance rénale terminale, surcharge liquidienne
 Nécessité de mesurer le débit cardiaque et la SvO2 :
• Situations susceptibles de devenir hémodynamiquement très instables (chirurgie de
l'aorte thoracique, cœur battant) ou engendrant de grandes modifications
hémodynamiques chez des malades à risque élevé
• Choc septique, vasoplégie, grand brûlé, polytraumatisé, assistance ventriculaire
• Mesure du débit cardiaque en cas de RAS très anormales (vasoplégie ou
vasoconstriction intense)
Cibler les indications, former les utilisateurs et améliorer l'interprétation des données sont
certainement plus profitables qu'accumuler de grandes séries de patients dans le but de quantifier
l'impact, car un système de surveillance ne vaut que ce que valent les conclusions thérapeutiques
qu’on en tire. L’indication optimale pour un patient donné tient aux interactions entre quatre facteurs
[303] :




La sélection de patients présentant une dysfonction organique sévère ;
La gravité de l’opération et les perturbations hémodynamiques qu’elle occasionne ;
Les conditions hospitalières de soins, les connaissances et les performances du personnel ;
Les algorithmes de prise en charge thérapeutique.
C’est dans ce contexte que doit se résoudre la question du rapport coût / bénéfice du cathétérisme
pulmonaire. Il repose sur une utilisation ciblée en fonction des pathologies et des interventions, sur
une instrumentation prudente et soigneuse, sur une utilisation de toutes les ressources de la méthode
(débit cardiaque, SvO2) et sur la recherche de réponse à des questions précises. Enfin, les indications
de la Swan-Ganz varient en fonction des alternatives à disposition : le simple cathéter auriculaire droit
avec mesure de la PVC et de la SmvO2, la tonomètrie gastrique (pHi), l’échocardiographie
transoesophagienne (ETO), le Doppler oesophagien (DOe), l'analyse de la courbe artérielle
périphérique (PiCCO) ou les systèmes non-invasifs (FlowTrack/Vigileo). Actuellement, les
indications ont baissé de 50% par rapport à celles des années quatre-vingt-dix [311a].
Indications au cathéter artériel pulmonaire
Pathologies de la circulation pulmonaire
- Hypertension pulmonaire (PAPs > 50 mmHg)
- Insuffisance ventriculaire droite
- Maladie pulmonaire majeure
- Altération de la perméabilité capillaire pulmonaire (SDRA, SIRS)
Surcharge de la circulation pulmonaire
- Insuffisance ventriculaire gauche (stase gauche)
- Valvulopathie mitrale
- Hypervolémie (insuffisance rénale, etc)
Nécessité de mesurer le volume systolique et la SvO2
- Opérations entraînant de fortes variations hémodynamiques chez des malades à haut risque
- Situations susceptibles de devenir hémodynamiquement très instables
- Choc septique, vasoplégie, assistance ventriculaire
- Mesure du débit cardiaque en cas de RAS anormales (vasoplégie, vasoconstriction intense)
Etendre à tous les cas un monitorage qui n’est pertinent que pour des indications précises est contreproductif.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
43
Mise en place du cathéter artériel pulmonaire
Installation, désinfection, champage et pose de l’introducteur se font selon la technique déjà décrite
pour la voie veineuse centrale (voir Techniques de ponction). Après s’être assuré de la calibration du
transducteur et du bon fonctionnement du ballonnet, la voie distale de la Swan-Ganz est reliée au
moniteur (échelle 30 à 60 mmHg) ; la voie proximale est rincée puis fermée (Tableau 6.2). Les
graduations du cathéter donnent la distance par rapport à l’extrémité et permettent de se repérer dans
la progression. Depuis la jugulaire interne droite, on doit atteindre les cavités aux distances suivantes
chez un adulte de taille normale (pressions normales) :




Oreillette droite:
Ventricule droit:
Artère pulmonaire:
Pression bloquée:
15 - 20 cm
30 - 40 cm
40 - 50 cm
50 - 60 cm
(5-8 mmHg)
(15-30 mmHg)
(15-30/5-12 mmHg)
(5-12 mmHg)
Tableau 6.2
Technique de pose du cathéter pulmonaire de Swan-Ganz
D’une manière générale, le cathéter de Swan-Ganz est indiqué en cas de chirurgie majeure chez les patients présentant une
instabilité hémodynamique grave, une surcharge hémodynamique pulmonaire (stase gauche, maladie mitrale), une pathologie
pulmonaire entraînant une altération hémodynamique (dysfonction droite, hypertension pulmonaire), ou un état d’hypervolémie ou
d’altération de la membrane alvéolo-capillaire. Son apport pour l’évaluation de l’hypovolémie est très restreint.
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Après la mise en place de l’introducteur selon la technique décrite dans le Tableau 6.1, l’opérateur change de gants et
dispose le cathéter sur un nouveau champ stérile, de manière à ce qu’il ne soit jamais en contact avec la peau.
Passage de la housse de protection, puis contrôle du ballonnet par injection de 1.5 mL d’air ; celui-ci doit se dégonfler
spontanément lorsque la pression est relâchée.
Rinçage des voies proximales avec du NaCl 0.9% ; les voies sont fermées par des seringues ou des bouchons ; connexion
de la voie distale au capteur de pression, contrôle du zéro.
Le cathéter, positionné de manière à ce que sa courbure le dirige dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, est
introduit jusqu’à 20 cm ; la courbe affichée sur le moniteur est une courbe auriculaire (OD).
Le ballonnet est gonflé (volume maximal 1.5 mL) en contrôlant la persistance de la courbe auriculaire à l’écran ; le cathéter
est avancé jusque dans le VD qui doit être atteint à moins de 35 cm ; l’avancement est continué jusqu’au franchissement
de la valve pulmonaire (< 45 cm) ; la distance à laquelle est passée la valve pulmonaire est notée.
Le franchissement des cavités cardiaques est en général facilité par une propulsion rapide du cathéter et des mouvements
de rotation alternée (twisting) entre le pouce et l’index de manière à modifier légèrement mais continuellement l’orientation
de la courbure.
Dès qu’il est en artère pulmonaire, le cathéter est avancé lentement (maximum 5 – 7 cm) pour l’obtention d’une courbe de
type auriculaire (pression artérielle pulmonaire d’occlusion : PAPO) ; la valeur est notée et le ballonnet dégonflé.
Avant toute manipulation chirurgicale intra-thoracique (CEC, chirurgie cardiaque à cœur battant, exérèse pulmonaire, etc),
le cathéter est retiré à 5 cm au-dessus de la valve pulmonaire (distance notée lors de l’introduction), de manière à ce qu’il
reste dans un tronc artériel pulmonaire lors des gestes chirurgicaux.
Après positionnement, le ballonnet n’est jamais gonflé sans qu’une courbe artérielle pulmonaire soit obtenue au préalable ;
chaque mesure se fait en gonflant très progressivement le ballonnet de la quantité d’air juste nécessaire à obtenir une
courbe de PAPO sur le moniteur ; retirer le cathéter de quelques centimètres si la courbe indique une occlusion prématurée
(over-wedge).
Lors des retraits du cathéter pour repositionnement, le ballonnet doit impérativement être dégonflé.
En-dehors des mesures de PAPO, le ballonnet doit toujours rester dégonflé.
Les substances vasoactives (en pompes-seringue) sont perfusées par la voie proximale blanche de la Swan-Ganz (VIP 5lumières), avec un entraînement de 20-60 ml/h (Ringer-lactate), et non par l’introducteur dont le gros diamètre du bras
latéral (side-arm) permet des perfusions de volume à haut débit.
Dans les situations d’urgence, l’anesthésiste ne dispose pas forcément du temps nécessaire au positionnement du cathéter
pulmonaire ; dès la mise en place de l’introducteur, il peut introduire rapidement la Swan-Ganz en OD après en avoir rincé
les lumières, et tirer la housse de protection en la fixant à 80 cm ; le positionnement et les mesures se feront ultérieurement
lorsque la situation le permettra. Dans ce cas, ne jamais connecter de perfusion à la voie auriculaire (proximale), cqr elle
coulerait dans la housse à l’extérieur du malade.
Lorsqu’un patient est équipé d’un cathéter artériel pulmonaire, la mesure du débit cardiaque et les calculs
hémodynamiques sont impératifs ; ces mesures, consignées dans des documents imprimés, sont répétées à intervalles
réguliers, ou lors de changement de régime dans les substances vasoactives.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
44
Les autres points d’introduction étant plus éloignés du coeur, il faut jouter une certaine distance: + 10
cm pour la sous-clavière gauche et la jugulaire interne gauche, + 20 cm les veines antécubitales et +
30-50 cm pour la veine fémorale.
Après l’introduction du cathéter, le ballonnet est gonflé lorsque le capteur affiche une pression de type
auriculaire droite, à environ 20 cm (Figure 6.20). Le cathéter est avancé dans le ventricule droit, repéré
par l’apparition de pics de pression systolique (noter la valeur numérique) mais de pression diastolique
quasi nulle ; les pentes ascendante et descendante de l’onde de pression sont très raides et ont des
angles identiques (courbe carrée). Les ESV sont fréquentes lors du passage intraventriculaire, surtout
si le ballonnet est dégonflé ; il est prudent de ne pas s’attarder dans cette position. En continuant la
progression, le cathéter pénètre dans l’artère pulmonaire (AP) : il apparaît une pression diastolique, à
une valeur voisine de la moitié de la systolique; on voit un dicrotisme artériel, une pente ascendante
moins raide que dans le VD, et une pente descendante plus arrondie (courbe triangulaire). On repère
la distance à laquelle la valve pulmonaire a été franchie. Comme il traverse le VD, le cathéter
pulmonaire reçoit une secousse à chaque systole ; ce mouvement se traduit par un aspect bifide du pic
de pression systolique pulmonaire. Il peut arriver que survienne un tracé de pression auriculaire
immédiatement après le passage en VD: il s’agit le plus souvent d’un retournement du cathéter qui fait
une boucle dans le VD et revient sur lui-même en OD. Il peut aussi arriver que la pression
ventriculaire n'apparaisse jamais, bien que la courbe de pression soit largement oscillante; il s'agit le
plus souvent d'un passage dans le sinus coronaire ou dans une veine sus-hépatique. En continuant la
progression depuis l’AP, on doit trouver une courbe de pression auriculaire après 5 à 10 cm: c’est la
pression artérielle pulmonaire d'occlusion ou PAPO, qui représente le régime de pression de l’OG. On
retrouve le tracé original de l’AP en dégonflant le ballonnet. La PAPO normale se définit comme une
pression inférieure à la pression artérielle diastolique en phase télé-expiratoire, avec des ondes "a" et
"v" typiques d’une oreillette. Si l’on observe leur synchronisation avec la pression systémique et
l’ECG, l’onde "a" survient avant le pic de la pression artérielle, entre le P et le S de l’ECG, et l’onde
"v" au dicrotisme artériel, à la fin de l’onde T (Figure 6.21). Cette synchronisation est le meilleur
repère pour distinguer la PAPO de la pression artérielle pulmonaire en cas d’hypertension
postcapillaire [290]. La meilleure estimation de la pression télédiastolique du VG est le pic de pression
de l’onde "a" de PAPO.
Figure 6.20 : Aspect de la
courbe de pression lors de la
progression d'un cathéter de
Swan-Ganz. OD: courbe
auriculaire droite. VD: courbe
d'allure "carrée": la phase
d'augmentation et la phase de
diminution de la pression sont
quasi-verticales, la phase
diastolique est voisine de zéro
mais débute par une cupule
de pression négative. AP:
apparition d'une pression
diastolique voisine de la
moitié de la valeur systolique;
la forme de la courbe est
"triangulaire": après une
phase ascensionnelle moins
verticale que celle du VD, la
diminution de la pression est
oblique. PAPO: la pression
de type auriculaire (onde a et
v), de valeur supérieure à la
pression de l'OD.
Pression (mmHg)
30
25
20
15
10
5
OD
VD
AP
PAPO
© Chassot 2012
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
45
Par rapport à l’ECG, on remarque un délai de 150-200 msec entre les évènements électriques et les
enregistrements de la PAPO à cause du temps nécessaire à la transmission rétrograde de l’onde de
pression à travers les veines pulmonaires [311a]. Sur la radio du thorax, l’extrémité du cathéter ne doit
pas se situer à plus de 3-5 cm de la ligne médiane.
Le ballonnet ne doit en aucun cas rester gonflé. On doit toujours observer une courbe d’AP franche
avant d’y injecter de l’air, car le cathéter peut migrer distalement, notamment lorsque le cœur est
manipulé par le chirurgien et que les poumons ne sont plus ventilés pendant la CEC. La quantité d’air
injecté (max 1.5 mL) doit être juste suffisante pour obtenir une courbe de PAPO. Toute surinflation est
dangereuse. Avant la CEC, il est prudent de retirer le cathéter de quelques centimètres pour que son
extrémité soit dans une branche de l’AP.
A
B
© Chassot 2012
Figure 6.21 : La différentiation entre la courbe d'artère pulmonaire (AP) et celle de la pression bloquée (PAPO)
peut parfois être difficile, notamment lorsque l'onde "v" est très importante (insuffisance mitrale massive, par
exemple). En superposant la courbe de la Swan-Ganz (jaune) à celle du cathéter artériel (rouge), la différence
devient plus évidente: alors que le pic de pression d'AP est synchrone avec celui de l'artrère systémique, l'onde
"a" survient avant celle de la pression artérielle, et l'onde "v" a lieu au moment du dicrotisme artériel. A:
superposition de la courbe artérielle systémique et de celle de l'AP. B: superposition de la courbe artérielle
systémique et de celle de la PAPO. Les échelles de pression vont de 0 à 120 mmHg pour l'artère systémique et
de 0 à 30 mmHg pour la Swan-Ganz.
Mise en place du cathéter artériel pulmonaire
La progression du CAP est contrôlée par la surveillance de la pression distale.
- OD (15-20 cm) : PVC, ondes a et v (env 10 mmHg) ;
- VD (30-35 cm) : courbe rectangulaire, pente verticale, Psyst = 25-50 mmHg, Pdiast = 0 ;
- AP (40-45 cm) : courbe triangulaire, pente plus faible, PAPsyst = 25-50 mmHg,
PAPdiast = 10-30 mmHg ;
- PAPO (45-60 cm) : ondes a et v (10-15 mmHg).
En superposition avec la courbe artérielle systémique :
- PAPsyst synchrone avec le pic de PAsyst ;
- Onde a : précède la courbe de pression artérielle systémique ;
- Onde v : synchrone avec le dicrotisme de la courbe de pression artérielle systémique.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
46
Si l’AP n’a pas été atteinte après 60 cm, le cathéter s’est très probablement enroulé dans une cavité
cardiaque. Cette situation est source d’arythmies et peut conduire à la formation de noeuds : au cours
des battements ventriculaires, la Swan-Ganz s’enroule à l’intérieur d’une boucle. Lorsqu’on veut
retirer le cathéter, celui-ci souque. On est en général contraint à des manoeuvres invasives pour
l’extraire. L’incidence d’enroulement diminue si l’on avance à ballonnet gonflé, mais il ne faut jamais
retirer le cathéter sans le dégonfler. Très souvent, le passage du cathéter de l’OD jusqu’en AP est
facilité par une propulsion manuelle rapide accompagnée de petits mouvements de rotation du cathéter
sur lui-même. Lorsque le cathéter s’enroule sans franchir la valve, l’ETO peut être une aide précieuse
pour diriger la manoeuvre, particulièrement dans la vue admission-chasse du VD (60°).
Complications du cathéter pulmonaire
Les complications du cathéter pulmonaire sont liées à la ponction veineuse de l’introducteur, à son
passage à travers le coeur droit, et à la présence de la sonde dans un vaisseau pulmonaire.
 Pose de l'introducteur : pneumothorax, ponction artérielle, hématome compressif, embolie
gazeuse, lésion nerveuse; ces complications sont inhérentes à la technique de ponction
veineuse centrale et à une éventuelle coagulopathie.
 Arythmies : les extrasystoles multifocales sont très fréquentes lors du passage dans les cavités
cardiaques, et sont en général bénignes ; elles cessent par retrait ou avance rapides du cathéter.
Leur probabilité diminue si le ballonnet est gonflé et si le passage intraventriculaire est
accéléré. Les arythmies malignes sont rares: 3% des cas. Le déclenchement d'un bloc de
branche droit (incidence: 0.1 - 4.3 %) peut conduire à un bloc AV complet en cas de BBG
préalable, mais cette complication est très rare [269] ; traitement: perfusion d’isoprénaline,
pace-maker externe, ou Swan-pace.
 Lésion anatomique valvulaire ou cardiaque (perforation et tamponnade) : jamais décrite avec
le ballonnet gonflé. Une lésion valvulaire est possible lors du retrait de la sonde si le ballonnet
reste gonflé par inadvertance.
 Complications mécaniques : rupture du ballon, noeud au cathéter (en cas de boucles par excès
de longueur); les longueurs maximales auxquelles on doit atteindre les cavités cardiaques (par
ponction jugulaire interne) sont : OD 20 cm, VD 35 cm, PAPO 50 cm.
 Infarcissement pulmonaire : occlusion prolongée, thrombose, cathéter laissé en place à long
terme (incidence: jusqu'à 7%). Les cathéters enduits (heparin-coated), le maintien du
ballonnet dégonflé entre les mesures et l'affichage constant de la courbe de pression en
réduisent considérablement l'incidence.
 Hémorragie bronchique par rupture de l'artère pulmonaire : inflation trop brusque, trop
importante, ou trop prolongée du ballon (temps d'inflation recommandé: 15 sec), cathéter trop
distal dans l'AP (fréquent en sortant de CEC). Cette lésion est extrêmement dangereuse
(mortalité 53%), particulièrement chez les patients anticoagulés ; son incidence est inférieure à
1:2’000 cas [127]. Elle se manifeste par une hémorragie bronchique cataclysmique
(hémoptysie subite massive) qui commande un traitement d’urgence:
• Ventilation sous PEEP 15 - 20 cm H2O ;
• Réinflation du ballonnet 1-2 cm en amont de la lésion ;
• Fibroscopie ou bronchoscopie rigide pour visualiser le siège de l’hémorragie ;
• Transtubation avec un tube 2-lumières ;
• Lobectomie ou pneumonectomie d’urgence.
Il est capital de ne jamais gonfler le ballonnet sans avoir visualisé au préalable une courbe
artérielle pulmonaire franche, pour s’assurer d’être dans un vaisseau de bon diamètre.
 Infections : les cultures de l'extrémité du cathéter sont souvent positives (jusqu'à 35% des cas),
mais la portée de cette infection est variable: elle peut être locale au point de ponction (17%
des cas) ou systémique (1-6% des cas) ; elle peut donner lieu à une endocardite lors de
persistance à long terme [173]. L'incidence moyenne des infections est de 2%; elle croit
exponentiellement avec la durée du cathéter au-delà de 72 heures [174]. Les risques septiques
sont diminués de moitié lorsque le placement a lieu de manière élective dans le milieu stérile
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
47
d'une salle d'opération. Les données du CHUV montrent que les infections liées au cathéter
pulmonaire sont rares (< 5 %) pour autant que le protocole d'utilisation soit correctement suivi
et que le cathéter soit enlevé dès qu’il n’est plus nécessaire.
En chirurgie cardiaque, la présence de la Swan-Ganz peut compromettre l'étanchéité de la canule
veineuse cave supérieure pendant la CEC. Elle peut provoquer un désamorçage dangereux de la
pompe par aspiration d'air via l'orifice proximal si celui-ci est malencontreusement ouvert à l'extérieur
vers le capteur de pression. On peut éviter ces risques en retirant le cathéter pulmonaire en VCS avant
la CEC lors de cardiotomie droite. On peut encore citer comme complication la distraction potentielle
induite par l’analyse de la courbe de PAP, qui détourne l’attention de l’observation clinique, et l’excès
de confiance dans les résultats des mesures.
En résumé, les complications graves spécifiquement liées au cathéter de Swan-Ganz surviennent chez
0.1 - 0.5 % des patients chirurgicaux [228,229]. La mortalité qui leur est associée est de 0.02 – 0.1%
[187]. Il est évident que l'expérience et la méticulosité du clinicien sont de première importance pour
maintenir le taux de complications le plus bas possible.
Complications du cathéter artériel pulmonaire
Complications liées à la pose de l’introducteur : ponction artérielle, hématome, pneumothorax.
Complications liées au passage à travers le cœur droit :
- Extrasystoles multifocales ;
- Bloc de branche droit (risque de bloc complet en cas de BBG préalable) ;
- Lésion valvulaire (ballonnet dégonflé), enroulement du cathéter.
Complications liées au cathéter en artère pulmonaire distale :
- Infarcissement pulmonaire : ballonnet maintenu accidentellement gonflé en position distale ;
- Rupture artérielle pulmonaire : gonflement du ballonnet alors que le CAP est en position
bloquée.
La rupture artérielle est la complication la plus grave (mortalité voisine de 50%) et se manifeste par
une hémorragie bronchique cataclysmique. La cause est un défaut de contrôle au moment de gonfler le
ballonnet : il faut toujours s’assurer d’avoir une courbe d’AP avant le gonflement.
Complications infectieuses : incidence 2-5% ; infection cutanée, thrombus septique, endocardite.
Taux de comlications graves : < 1%.
Indications et contre-indications
Vu son coût global (environ € 700-1’000.-), son invasivité et son taux de complications (0.1 - 4%), la
sonde de Swan-Ganz ne doit être posée que sur une indication formelle. Elle n'est bénéfique que dans
des populations particulières de patients chirurgicaux à haut risque. On peut adopter les règles
suivantes comme principe de base pour décider des situations dans lesquelles l'indication au
cathétérisme pulmonaire est péremptoire [42,302]:
 Aucune autre technique moins invasive ne peut apporter la même information ;
 Les données spécifiques recueillies ont une incidence significative sur la thérapeutique ;
 Le risque encouru est moindre que le bénéfice potentiel.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
48
Les indications au cathéter artériel pulmonaire sont résumées dans le Tableau 6.3. Il est certain que la
seule mesure d'une pression pulmonaire bloquée n'est pas une justification suffisante à l'installation
d'une sonde de Swan-Ganz. Elle ne prend son sens que si l’on en utilise toutes les prestations : mesure
du volume systolique, du débit cardiaque, des résistances vasculaires, du travail ventriculaire, du
transport d’O2 et de la SvO2.
En chirurgie cardiaque, les variations de température corporelle modifient l'interprétation des données
de la SvO2. Dans les valvulopathies, la Swan-Ganz est recommandée lors de dilatation ventriculaire,
d'asymétrie ventriculaire fonctionnelle droite et gauche, et d'hypertension pulmonaire. La sténose
mitrale, l'insuffisance mitrale et l'insuffisance aortique sévère remplissent ces conditions. Si la
fonction et les dimensions du VG sont conservées, la sténose aortique et l'insuffisance mitrale sur
prolapsus chez le jeune patient ne sont pas considérées comme des indications formelles au cathéter
pulmonaire.
L’intérêt majeur d’un cathéter pulmonaire tient dans la possibilité d’intervenir plus tôt lorsque se
manifestent des dérives hémodynamiques, et d’apporter des corrections rapides avant la dégradation
clinique globale. Cela veut dire qu’il n’est pleinement utile que s’il est mis en place avant que ne
surviennent les perturbations. En dernier ressort, le jugement clinique de l'anesthésiste reste l'élément
clef pour décider de son indication.
Tableau 6.3
Indications générales au cathéter artériel pulmonaire de Swan-Ganz
Pathologies de la circulation pulmonaire
 Insuffisance ventriculaire droite
 Hypertension artérielle pulmonaire (PAPmoy > 35 mmHg)
 Maladie pulmonaire majeure (BPCO, asthme)
 Altération de la perméabilité capilaire pulmonaire (SDRA, SIRS)
Surcharge de la circulation pulmonaire
 Stase gauche : valvulopathie mitrale, insuffisance et/ou dilatation du VG
 Hypervolémie : insuffisance rénale terminale, anasarque
Nécessité de mesurer le débit cardiaque et la SvO2
 Opérations engendrant de grandes modifications hémodynamiques chez des
malades à haut risque
 Situations susceptibles de devenir hémodynamiquement très instables (chirurgie
de l'aorte thoracique)
 Choc cardiogène ou septique, vasoplégie, assistance ventriculaire
 Mesure de DC en cas de RAS anormales (vasoplégie, vasoconstriction intense)
Etendre à tous les cas un monitorage qui n’est pertinent que pour des indications précises
est contre-productif.
Contre-indications
La première contre-indication est l’absence d’indication ! Pour le reste, il existe certaines situations
dans lesquelles sa mise en place est grevée d’incidents :




Arythmies ventriculaires sévères : risque d'induire une crise maligne ;
BBG : risque d'induire un BBD, donc un bloc complet ;
Anticoagulation ou coagulopathie : risque hémorragique au site de ponction ;
Communication droite-gauche (CIA) : risque de passage dans le cœur gauche ;
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
49
 Sonde de pace-maker mise en place moins de 6 semaines auparavant : risque de déplacement
de la sonde.
Pressions enregistrées
Pression artérielle pulmonaire (PAP) et pression capillaire (Pcap)
La pression artérielle pulmonaire systolique (PAPs) reflète la fonction du VD et les résistances
artérielles pulmonaires. La pression pulmonaire diastolique (PAPd) est modifiée par la pression de
remplissage du lit pulmonaire (volume circulant), par les résistance pulmonaires artérielles et
veineuses, et par la pression moyenne qui règne dans l'oreillette gauche.
En l'absence de pathologie post-capillaire, la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO)
reflète la pression de l'oreillette gauche (POG). Celle-ci est superposable à la pression diastolique du
ventricule gauche si la valve mitrale et la compliance du VG sont normales ; de nombreuses situations
perturbent ces relations. En situation normale, la pression télédiastolique du VG (PtdVG) est
probablement le mieux représentée par le pic de l'onde "a" de la contraction auriculaire [11]. Une
différence de pression de plus de 12-15 mmHg entre la PAP diastolique et la PAPO sont le signe d'une
hypertension pulmonaire précapillaire. Les pressions pulmonaires et la PVC sont influencées par les
pressions régnant dans le thorax (Pit). Les répercussions de la ventilation mécanique en pression
positive sont complexes, car elles sont dépendantes de la compliance thoracique et pulmonaire. Pour
éviter les interférences avec la ventilation, les mesures doivent s'effectuer pendant la pause téléexpiratoire.
Le terme pression capillaire pulmonaire ou Pcap est abusivement utilisé en lieu et place de PAPO ;
or, il ne s’agit pas des mêmes mesures. Comme le sang continue à progresser des capillaires par les
veines pulmonaires vers l’OG, la Pcap est de 3 à 10 mmHg plus élevée que la PAPO. La pression
hydrostatique qui règne dans les capillaires pulmonaires est le principal élément qui conduit à
l’extravasation liquidienne dans l’interstitium. En cas d’altérations de la perméabilité ou de la
compliance du réseau capillaire (SDRA, SIRS, sepsis, insuffisance congestive gauche, etc), cette
mesure est un indice de première importance pour régler l’administration liquidienne.
Malheureusement, la mesure de la Pcap est difficile à réaliser pratiquement. Elle s’estime au point
d’inflexion de la courbe de pression lorsqu’on gonfle le ballonnet pour passer de la PAP à la PAPO
(Figure 6.22) [281]. L’implication clinique de cette donnée est une sous-estimation possible de la Pcap
réelle du patient par la PAPO. Cela fait courir le risque d’une administration liquidienne excessive
lorsque cette dernière est le repère choisi pour guider la thérapeutique, particulièrement chez les
malades qui présentent une large différence entre la pression artérielle pulmonaire diastolique (PAPd)
et la PAPO [262]. Le gradient entre la Pcap et la PAPO est un indice des résistances postcapillaires ; il
augmente lors d'administration de vasoconstricteurs pulmonaires (catécholamines, protamine) ou lors
de transsudation (pré-OAP, SDRA).
Pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO)
Quatre critères de validité doivent être remplis pour garantir une valeur fiable dans la lecture de la
pression distale une fois le ballonnet gonflé.
 La PAPO est inférieure à la pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) et inférieure ou
égale à la pression artérielle pulmonaire diastolique (PAPd) sauf en cas de grande onde "v".
 La courbe affichée de la PAPO est une courbe auriculaire : ondes "a" et "v", descentes "x" et
"y" ; par rapport à la courbe de pression artérielle systémique, l’onde "a" précède la partie
ascendante de la courbe et l’onde "v" est synchrone avec le dicrotisme artériel.
 Dégonfler le ballonnet doit faire réapparaître une courbe d'artère pulmonaire et le regonfler
doit reproduire une image de PAPO. En chirurgie cardiaque, les manipulations du coeur et les
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
50
variations de température lors de la CEC provoquent une migration distale du cathéter qu'il
convient en général de repositionner lors de la mise en charge. Il est impératif de toujours
obtenir une courbe d’AP avant de gonfler le ballonnet, sous peine de rupture artérielle
pulmonaire.
 L'aspiration de sang doit être aisée. Lorsque le ballonnet est dégonflé, l'échantillon est du sang
veineux central (aspiration très lente pour éviter une contamination par du sang
postcapillaire) ; en position bloquée, on obtient du sang artérialisé.
Figure 6.22 : Tracé
représentant
la
décroissance de la courbe
de pression obtenue à
partir de la PAP après
gonflement du ballon. Le
point d'inflexion de la
courbe estime la valeur
de la pression capillaire
effective "Pce" (flèche
rouge). Pcap: pression
capillaire. PAP: pression
artérielle
pulmonaire.
PAPO: pression artérielle
pulmonaire d'occlusion
[281].
Pcap
En cas de dysfonction diastolique du VG, la distensibilité du myocarde est très altérée. Lorsque l’OG
se contracte, une partie du sang qu’elle contient reflue dans les veines pulmonaires parce que le VG
offre trop de résistance au flux à travers la valve mitrale et parce qu’il n’existe pas de valves sur les
veines pulmonaires. De ce fait, l’onde de pression "a" enregistrée dans les capillaires pulmonaires est
très proéminente (Figure 6.23A). De grandes ondes "a" trouvent également leur origine dans la sténose
mitrale (en l’absence de FA), les rythmes jonctionnels ou le bloc AV complet (contraction auriculaire
simultanée à la fermeture de la valve mitrale), et la présence d’un volumineux myxome. Dans de telles
situations, la pression télédiastolique du VG est le mieux représentée par la ligne de base de la
pression bloquée, au pied de l’onde "a", et non à son pic.
De grandes ondes "v" se rencontrent en cas d’insuffisance congestive du VG, de CIV, de sténose
mitrale et, le plus typiquement, d’insuffisance mitrale. Lors de régurgitation mitrale aiguë, l’onde "v"
peut devenir gigantesque et peut être confondue avec la pression systolique pulmonaire (PAPs).
Manoeuvrer le ballonnet ou le cathéter ne permet pas de s'assurer de la position en capillaire bloquée.
Seul le décalage dans le temps permet de différencier la PAPO de la PAPs par superposition avec la
courbe artérielle systémique : la PAPs est synchronisée avec le pic de pression systolique systémique
(pendant l'onde T), alors que l'onde "v" survient au dicrotisme systémique, légèrement plus tard que
l'onde "v" de l'insuffisance mitrale sur le tracé de la PAPO (Figure 6.21). L’importance de l’onde "v"
n’est pas directement liée au volume de sang régurgité par la valve mitrale, car la valeur du pic de
pression auriculaire gauche est principalement fonction de la compliance de l’OG et de la force
d’éjection du VG [206]. Une insuffisance mitrale peut être présente sans onde "v" sur la PAPO si l’OG
est très dilatée et très compliante ou si le VG est en insuffisance congestive sévère. Par contre, la
variation de cette onde en cours de surveillance est pathognomonique de changements dans l'état
fonctionnel du ventricule ou de la valve mitrale. En présence de ce type de pathologie, la PAPO
moyenne ne représente plus la PtdVG; on estime cette dernière par l’onde "a", en général normale, ou
par la valeur de la ligne de base. Le diagramme de Wiggers résume la relation entre les différentes
pressions du coeur gauche (Figure 6.24 ; voir aussi Figure 5.81).
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
51
Il est courant d'assimiler la phase diastolique de la PAPO à la précharge du VG, parce que, en diastole,
la colonne de sang est ininterrompue entre le capillaire pulmonaire, la veine pulmonaire, l'OG et le
VG. Cette supposition implique l'absence d'obstacle (valvulopathie mitrale, par exemple) ou
d'interférence (élévation de pression postcapillaire ou intrathoracique) sur la colonne de sang. Elle
implique aussi une relation linéaire entre la pression et le volume intraventriculaires (voir ci dessous
Relation pression/volume).
A
B
a
v
v
a
v
PAPs
a
Figure 6.23 : Ondes "a" et "v" sur la courbe de PAPO. La PAP systolique est synchrone avec le pic de pression
artérielle systémique (courbe rouge) ; l’onde "a" survient avant l’éjection systémique, alors que l’onde "v"
survient pendant le dicrotisme aortique. A : courbe de PAPO (jaune) superposée à une courbe artérielle
systémique (rouge). L'onde "a" est très importante, alors que l'onde "v" est normale. Ce tracé signe une
insuffisance diastolique du VG: lorsque l'OG se contracte normalement en fin de diastole, le sang est propulsé à
travers la valve mitrale; cependant, si le VG est peu distensible (baisse de compliance), une partie du sang reflue
dans les veines pulmonaires, dépourvues de valves. Il apparaît alors une onde "a" prééminente. B : Courbe de
PAPO avec onde "v" (marquée par la flèche) très importante, alors que l'onde "a" est normale. L'onde "v" de
l'IM survient un peu plus tôt que l’onde "v" physiologique car elle est un événement mésosystolique (onde "cv"), mais un peu plus tard que celle que sur celle de l'insuffisance tricuspidienne sur le tracé de la PVC.
Relation entre la PAPO et la PtdVG
La pression télédiastolique du VG (PtdVG) est le mieux représentée par le creux (descente "z".)
précédant l’onde "c" de la PAPO, puisque c’est le dernier point où la pression des deux cavités sont en
équilibre. La pression effective à l'intérieur d'un vaisseau thoracique est sa pression transmurale (Ptm).
Une augmentation de la pression intrathoracique (Pit) par la ventilation en pression positive diminue la
Ptm si la pression intracavitaire (Pic) n'a pas augmenté d'une valeur équivalente (par une
hypervolémie, par exemple). Dans ce cas, la pression lue à la l'extrémité du cathéter en référence à la
Patm ne représente plus la pression de remplissage réelle. De nombreuses circonstances modifient la
relation entre la Pic et la Pit, et commandent de lire la PAPO ou la Pcap avec beaucoup de
circonspection. Ce sont par exemple la ventilation en pression positive (IPPV), la PEEP,
l’hypovolémie, les pathologies pulmonaires et médiastinales.
Les pathologies valvulaires affectent la corrélation entre la PAPO et la PtdVG de manière importante
(Tableau 6.4).
 Les maladies mitrales élèvent la POG au-dessus de la PtdVG: la sténose crée un barrage au
flux diastolique, l'insuffisance induit une régurgitation auriculaire (onde "v"). L'ampleur de
cette onde "v" n'est pas proportionnelle au degré de régurgitation, mais dépend de la
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
52
compliance de l’OG et de la force motrice du VG. Une OG très dilatée amortit l’à-coup de
volume provoqué par l’IM, et l’onde "v" est minime.
 L'insuffisance aortique sévère et/ou aiguë provoque une fermeture prématurée de la valve
mitrale par remplissage rapide du VG en diastole: la POG est plus basse que la PtdVG réelle.
Figure 6.24 : Représentation
des pressions gauches au
cours d'un cycle cardiaque
(diagramme de Wiggers).
Art : courbe artérielle. VG :
pression
intraventriculaire
gauche. PAPO : pression
artérielle pulmonaire d’occlusion (OG). 1: phase de
contraction isovolumétrique.
2: phase d'éjection rapide. 3:
phase d'éjection tardive. 4:
phase de relaxation isovolumétrique. 5: remplissage
ventriculaire rapide protodiastolique. 6: diastasis du
remplissage ventriculaire. 7:
systole
auriculaire.
OA:
ouverture de
la valve
aortique. FA: fermeture de la
valve
aortique.
OM:
ouverture de la valve mitrale.
FM: fermeture de la valve
mitrale.
Art
VG
a
a
c
v
z
1
FM OA
2
PAPO
y
x
3
FA OM
4
5
6
FM
© Chassot 2012
La valeur des pics de pression sur les ondes "a" ou "v" modifient évidemment la PAPO moyenne, dont
le chiffre surestime la PtdVG dans trois circonstances.
 Grande onde "a". Lorsque la compliance ventriculaire gauche est très faible (insuffisance
diastolique), la contraction auriculaire provoque un reflux dans les veines pulmonaires et y
élève brusquement la pression, car le VG ne se laisse pas distendre normalement. Lors
d’extrasystolie ventriculaire, de bloc de branche complet et de BAV III, la contractions
auriculaire désynchronisée survient alors que la valve mitrale est fermée (cannon waves), ce
qui augmente la POG (Figure 6.23A).
 Grande onde "v". L’onde "v" devient très importante en cas d’insuffisance mitrale ou de
précharge gauche excessive (hypervolémie, insuffisance congestive du VG) ; elle est d’autant
plus marquée que l’OG est moins compliante (Figure 6.23B). L'onde "v" de l'IM survient plus
tôt que l’onde "v" physiologique car elle est un événement mésosystolique (onde "c-v").
 Sommation "a" + "v". La tachycardie qui accompagne l’hypovolémie provoque un
télescopage de l’onde "a" et de l’onde "v" ; la POG lue en PAPO en est artificiellement
augmentée (Figure 6.25).
Dans ces circonstances, la pression diastolique pulmonaire (PAPd) est une mesure plus fiable que la
PAPO. Il arrive aussi qu’on soit contraint de mesurer la PAPd parce que la PAPO n’est pas utilisable
pour des raisons techniques [290]. Normalement, la différence entre ces deux valeurs est inférieure à 5
mmHg. Cependant, ce gradient peut s’élargir en cas d’hypertension pulmonaire, qu’elle soit fixée
(BPCO, embolie) ou transitoire (hypoxie, hypercarbie, acidose, injection de protamine, etc).
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
53
Tableau 6.4
Conditions qui modifient la relation PAPO – PtdVG
 PAPO > POG > PtdVG
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Cathéter en zone non-III de West
Ventilation en pression positive
Pression intrathoracique élevée, PEEP
Tachycardie
Compression veineuse
Obstruction mitrale
Régurgitation mitrale
Résistances artérielles pulmonaires élevées
BPCO sévère
Shunt droit – gauche
 PAPO < POG < PtdVG
•
•
•
•
VG non compliant
Lit vasculaire pulmonaire rétréci
Régurgitation aortique
PtdVG > 25 mmHg
A
B
© Chassot 2012
Figure 6.25 : Effet de la tachycardie sur la lecture de pression de la PAPO. A: normocardie (fréquence 60
batt/min). B: tachycardie (fréquence 120 batt/min); la descente "x" a presque disparu, les ondes "a" et "v" se
téléscopent; dans ces conditions, la pression moyenne calculée par le moniteur est plus élevée que la réalité.
Effets de la ventilation
La relation entre la PAPO et la POG est influencée par trois phénomènes: la pression alvéolaire (Palv),
la pression veineuse pulmonaire (PVP) et la position distale du cathéter. Du fait de la gravité, le flux
sanguin pulmonaire se répartit en trois zones verticales, dites zones de West (Figure 6.26):
 Zone I (zone supérieure). Les pressions de perfusion sont inférieures au zéro de référence et la
pression alvéolaire (Palv) est plus élevée : Palv > PAP > PVP.
 Zone II (zone moyenne). La pression artérielle est positive, mais la pression veineuse reste
inférieure au zéro de référence : PAP > Palv > PVP.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
54
 Zone III (zone inférieure). Les pressions intravasculaires sont supérieures à la pression
alvéolaire; les capillaires sont ouverts en permanence; la PAP reflète la pression de l’OG dans
cette situation seulement : PAP > PVP > Palv.
L'extrémité distale du cathéter doit donc se trouver dans une région pulmonaire correspondant à une
zone III, ce qui est heureusement le cas la plupart du temps, car le cathéter flotté suit le flux maximal.
En décubitus dorsal, il se positionne donc postérieurement, très souvent à droite à cause de la courbure
du cathéter qui l’oriente vers l’artère pulmonaire droite. Radiologiquement, la pointe du cathéter doit
être au niveau ou au-dessous de l'OG sur un cliché latéral. Gonfler le ballonnet en zone II ou I
reviendrait à mesurer la Palv en inspirium (zone II) ou en permanence (zone I).
Zone I
Zone II
OG
VG
Zone III
PAP
Palv
PVP
Figure 6.26 : Zones pulmonaires de West. PAP: pression artérielle pulmonaire. Palv: pression alvéolaire. PVP:
pression veineuse pulmonaire.
Dans la zone I:
Palv > PAP > PVP
Dans la zone II:
PAP > Palv > PVP
Dans la zone III:
PAP > PVP > Palv
La pression alvéolaire représente un obstacle (zone I) ou non (zone III) à la transmission des pressions selon le
degré de remplissage vasculaire.
La ventilation, spontanée ou contrôlée, ne permet un équilibre des pressions intra- et extra-thoraciques
qu'en fin d'expirium: les mesures doivent être effectuées à cette période. L’inspirium de la ventilation
mécanique fait passer le cathéter de zone III en zone II. En instaurant une PEEP, on augmente la
pression alvéolaire, et la majeure partie des poumons passe en zone II, rendant la relation PAPO-POG
aléatoire. Ce phénomène est préoccupant pour des valeurs de PEEP > 10 cm H2 O. Comme elle baisse
la PVP, l’hypovolémie conduit également à un passage du poumon en zone II.
Si la compliance pulmonaire est normale, un positionnement en zone non-III se reconnaît lorsque l'on
instaure une PEEP: la PAPO augmente de plus de 50 % de la valeur de la PEEP et ne représente plus
la PtdVG (Figure 6.27). On peut évaluer cette différence en observant le degré d’augmentation
inspiratoire (Δinsp) de la PAPO par rapport à celui de la PAP : si le rapport Δinsp PAPO / Δinsp PAP
reste voisin de 1, le cathéter pulmonaire reste en zone III et la mesure de la PtdVG reste fiable. Un
rapport inspiratoire très supérieur à 1 signifie que la PAPO augmente parallèlement à la Palv et ne
représente plus la Ptd du VG [281]. Cependant, la mauvaise compliance des poumons de SDRA ou de
BPCO transmet mal la pression, et le modèle des zones de West n'y est pas strictement applicable.
Procéder à des mesures en supprimant brusquement la PEEP conduit à une hypervolémie pulmonaire
momentanée par augmentation du retour veineux au coeur droit, et ne donne pas non plus des valeurs
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
55
correspondant à l'hémodynamique réelle du patient. L'hypoxémie résultante est dangereuse et peut
provoquer une augmentation des résistances artérielles pulmonaires. Les mêmes remarques
s'appliquent aux malades souffrant de BPCO avec air-trapping qui font de l'auto-PEEP.
La pression des veines pulmonaires (PVP) peut être élevée pathologiquement: fibrose, compression
médiastinale, thrombose. La Pcap et la PAPO sont alors plus hautes que la pression de l’OG. La
diminution du lit vasculaire pulmonaire (pneumonectomie, embolie) fait que l'occlusion créée par le
ballonnet interrompt une plus grande proportion du flux pulmonaire que normalement et limite
significativement le remplissage de l'OG : la PAPO sous-estime la POG.
Figure 6.27 : Passage
de zone III en zone II
sous l'effet du PEEP
[281]. A: Le rapport
entre les variations
respiratoires de la
PAP, de la PAPO ou
de la Pcap sont
identiques; le cathéter
est en zone III. B: La
mise sous PEEP (18
cm H2O) entraîne une
diminution du rapport
ΔPAP / ΔPAPO; les
variations respiratoires
de la PAPO beaucoup
plus importantes que
celles de la PAP
traduisent un passage
du cathéter en zone II.
Zone III
ΔPAP
A
ΔPAPO
ΔPAP
B
Zone II
ΔPAPO
Relation pression / volume
La précharge ventriculaire est définie comme la force qui distend le VG en fin de diastole. Elle est
représentée par le volume télédiastolique. En fonction de la relaxation et de la distensibilité
ventriculaires, celui-ci exerce une certaine pression. La compliance du VG, ou relation pression volume de celui-ci en télédiastole (dV/dP), est une fonction curvilinéaire (Figure 6.16) : elle est plus
grande à bas qu'à haut volume de remplissage. A précharge basse, la courbe de compliance est très
plate ; une grande variation de volume s'accompagne d'une faible différence de pression. En
hypovolémie, la corrélation entre les pressions et les volumes de remplissage est aléatoire (r = 0.3 0.5), et la pression n’est pas un indice de précharge [93,148,285,286]. A précharge haute, au contraire,
une variation de volume se traduit par une variation de pression proportionnelle (mais non linéaire) ;
en hypervolémie, la PAPO devient un indice fiable de remplissage. Si une épreuve de charge
volémique (250 ml NaCl 0.9 % en 10 minutes) n'augmente pas la PAPO d'au moins 3 mmHg, le
patient est encore sur la partie plate de la courbe de compliance. Le genou de la courbe est atteint
lorsque la POG augmente d'au-moins 7 mmHg [297]. La lecture d’une pression de remplissage n’est
donc pas un indice pertinent du volume intracavitaire lorsque ce dernier est bas, mais fiable lorsqu’il
est élevé [163,199].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
56
La courbe de compliance ventriculaire est modifiée en cas de dysfonction diastolique ; elle se redresse
et se déplace vers le haut et vers la gauche (voir chapitre 12 Insuffisance diastolique). Ces altérations
diastoliques tendent à modifier la corrélation existant entre la pression et le volume, et à augmenter les
pressions de remplissage nécessaires pour obtenir la même précharge. Il n'est pas rare de rencontrer
des malades hypovolémiques avec une PAPO de 15 à 18 mm Hg dans cette situation [285].
Pressions enregistrées par le cathéter artériel pulmonaire
PAPsyst > PAPdiast > Pcap > PAPO
Le pic de l’onde "a" de la PAPO (pression artérielle pulmonaire d’occlusion) est la valeur la plus
voisine de la Ptd du VG. La Pcap se mesure au point d’inflexion de la courbe lorsqu’on gonfle le
ballonnet. HTAP précapillaire : PAPdiast > PAPO de > 12 mmHg. HTAP postcapillaire : PAPdiast ≤
PAPO. IM sévère : l’onde "v" peut ressembler à la PAPsyst. On les différencie par la synchronisation
de la PAPO et de la courbe artérielle systémique :
- Onde a : précède la courbe de pression artérielle systémique ;
- Onde v : synchrone avec le dichrotisme de la courbe de pression artérielle systémique ;
- PAPsyst synchrone avec le pic de PAsyst.
La PAPO surestime la PtdVG si :
- Grande onde a (insuffisance diastolique et reflux veineux pulmonaire lors de la contraction
auriculaire ;
- Grande onde v (insuffisance mitrale et OG peu compliante) ;
- Sommation a + v (tachycardie et hypovolémie).
La PAPO ne correspond pas à la PtdVG en cas de sténose mitrale ou d’insuffisance aortique
(fermeture prématurée de la valve mitrale par le remplissage de l’IA).
Cas particulier : l’hypovolémie
Bien qu'on l'utilise trop souvent dans ce but, la PAPO est un mauvais critère d'hypovolémie. Sa faible
corrélation au volume télédiastolique du VG la rend impropre à cet effet [285]. Il existe plusieurs
raisons pour lesquelles la PAPO surestime la pression réelle de l’OG et n’est pas un indice efficace du
volume télédiastolique ventriculaire en hypovolémie.
 La courbe de compliance des chambres cardiaques est très plate à bas volume ; les variations
de pression sont quasi-inexistantes par rapport aux variations de volume. Ni la mesure isolée
ni la variation de plusieurs mesures de pression ne sont des critères fiables de remplissage en
hypovolémie.
 L’hypovolémie diminue principalement le volume contenu dans les grandes veines, dont les
parois souples collabent aisément. Cette baisse de la pression veineuse pulmonaire (PVP)
équivaut à un passage du cathéter de la zone III à la zone II de West dès que la Pit s’élève. La
pression mesurée est la Palv et non la pression de l’OG. Ce phénomène est particulièrement
évident pendant l’inspirium de la ventilation en pression positive et sous PEEP [281].
 La pression critique de fermeture des veines pulmonaires peut être atteinte lorsque leur
remplissage s’effondre. La colonne de sang reliant les veines pulmonaires à l’OG est
interrompue ; la PAPO ne peut plus refléter la POG.
 Une tachycardie supérieure à 110 battements/min conduit à un téléscopage des ondes
auriculaires "a" et "v" et ne laisse plus un temps suffisant pour les descentes "x" et "y" ;
d’autre part, l'OG se contracte contre une mitrale en voie de fermeture. La PAPO surestime
donc la PtdVG (voir Figure 6.25).
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
57
Ces différents points maintiennent une PAPO plus élevée que la précharge réelle du VG et induisent
une sous-estimation parfois grossière du degré d'hypovolémie.
PAPO et volémie
La PAPO est un très faible critère d’hypovolémie pour quatre raisons :
- La courbe de compliance est quasi-horizontale à bas volume de remplissage (ΔV = 0 ΔP) ;
- Le poumon passe en zone II de West (PAPO = Palv) ;
- La Pcrit de fermeture des veines pulmonaires est atteinte en inspirium d’IPPV (zone I) ;
- Sommation de l’onde a et de l’onde v par la tachycardie.
La PAPO est au contraire fondamentale pour gérer l’administration liquidienne en cas
d’hypervolémie, de stase gauche et de perméabilité capillaire exaggérée.
Mesure du débit cardiaque
Le débit cardiaque (DC) évalue la performance globale de l’ensemble cœur – vaisseaux – volume
circulant, et mesure son adéquation par rapport aux besoins de l’organisme. Il n’est nullement une
estimation de la fonction systolique des ventricules. Sa valeur prédictive pour la dysfonction
ventriculaire est très faible, puisque le coefficient de corrélation entre le DC et la FE est inférieur à 0.3
[12,76].
Principe de Fick et dilution d’un indicateur
Le principe de Fick détermine le DC par le rapport entre la consommation d’O2 (VO2) et la différence
artério-veineuse dans le contenu du sang en O2 : VO2 / (CaO2 – CvO2). La VO2 est le produit du
volume d’air expiré et de la différence de contenu en O2 de l’air inspiré et de l’air expiré. Le CvO2 se
mesure dans le sang veineux mêlé de l’artère pulmonaire. Le même calcul peut se faire avec le CO2
(voir NiCCO).
Le calcul du DC par la courbe de dilution d’un indicateur repose sur le fait que la quantité de
substance injectée dans la circulation en un point est la même que celle mesurée en un autre point en
aval. La quantité de produit détecté en aval est égale au produit du DC et de la différence de
concentration dans le temps ; c’est le principe de Stewart-Hamilton. La courbe de dilution du produit a
une forme en cloche (voir Figure 6.32) ; le débit cardiaque est le rapport entre la quantité d’indicateur
injecté (I) et la surface sous la courbe : DC = I / ∫ Cdt (où C est la concentration mesurée de
l’indicateur).
Thermodilution
Le cathéter de Swan-Ganz calcule le débit dans l’artère pulmonaire, donc le débit du cœur droit, par
l'analyse instantanée de la baisse de la température sanguine (thermistor distal) lors de l'injection
proximale (OD) de soluté froid (10 mL NaCl 0.9% ou Glucose 5% à 6°C ou à température ambiante).
Le calcul se fait selon une modification de la formule de Stewart-Hamilton puisque l’indicateur est
une température et non une concentration [110]:
DC = [ Vinj (T°s – T°inj) • K1 • K2 ] / ∫ ΔT°s (t) • dt
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
58
où:
Vinj:
T°s:
T°inj:
K1:
K2:
volume de l'injectat
température du sang
température de l'injectat
rapport de la densité et de la chaleur spécifiques de l'injectat et du sang
constante de calcul tenant compte de l'espace mort du cathéter, du réchauffement de
l'injectat dans cet espace, et de la vitesse d'injection
T°s(t): changement (Δ) de température du sang en fonction du temps
Le débit cardiaque est inversement proportionnel à la chute de température du sang et au temps de
transit du bolus froid (surface sous la courbe) [219a]. Le bien-fondé de cette mesure repose sur un
certain nombre de suppositions : le flux pulmonaire et la volémie sont constants pendant les mesures,
l’indicateur ne subit ni perte ni recirculation, il n’y a ni insuffisance tricuspidienne ni shunt
intracardiaque. Les erreurs habituelles sur le calcul sont de 2-5% pour trois mesures successives et de
10% pour des mesures isolées [138,235]. Les valeurs obtenues sont d'autant plus précises que la
différence de température entre l'injectat et le sang est grande et que le volume injecté est important.
Une augmentation de 1°C de la solution se traduit par une surestimation de 3% sur le calcul du débit
cardiaque avec injectat froid (4-6°C) et de 8% avec un injectat à température ambiante (20-22°C). La
chaleur et la densité spécifiques du glucose 5% et du NaCl 0.9% sont suffisamment voisines pour que
leur utilisation soit équivalente. Le temps d'injection de 10 mL doit être inférieur à 4 secondes, et le
délai entre les injections supérieur à 90 secondes pour permettre la rééquilibration de la température du
sang. Les mesures doivent se faire en phase télé-expiratoire, car le DC varie de 10% au cours d’un
cycle ventilatoire [267]. En présence d'une insuffisance tricuspidienne (IT) significative, il est
habituellement admis que la thermodilution pulmonaire sous-estime le débit cardiaque réel [21], mais
ceci ne semble vrai que dans les situations de haut débit car l’IT conduit à une surestimation du DC en
cas de bas débit [219a]. Le DC est également surestimé par la thermodilution en cas de shunt gauche –
droite [21]. Comme l'hypertension pulmonaire s'accompagne en général d'une IT, la Swan-Ganz sousestime le DC lorsque la PAP est élevée. En cas d'arythmies, il est capital de procéder à un
échantillonnage élevé pour compenser les variations de volume systolique. En conditions cliniques, il
est recommandé d'écarter la première mesure et d'effectuer la moyenne de 3 mesures consécutives.
Les valeurs normales des différents enregistrements effectués par le cathéter artériel pulmonaire sont
résumées dans le Tableau 6.5.
Il est habituel de rapporter le débit cardiaque et le volume systolique à la taille du patient, puisqu'ils
varient de manière parallèle (valeurs indexées). Ce n'est pas le cas pour la pression artérielle, qui est
indépendante de la taille. De ce fait, les résistances calculées sont plus élevées pour un individu petit
que pour un grand; il est donc logique d'indexer les résistances périphériques. De plus, en se divisant
en périphérie, les artères forment des embranchements "en parallèle" dont l'arborescence est
proportionnelle à la taille de l'individu ; les grands individus ont des résistances inférieures aux petits
parce qu'ils possèdent plus de vaisseaux en parallèle.
Calcul de postcharge
La postcharge du ventricule est la somme de cinq éléments : la résistance artérielle périphérique (RAS
et RAP), l’impédance aortique (ZAo), la compliance artérielle (Ca = VS / PAdiff), l’onde de pression
réfléchie et la viscosité sanguine (Ht). En clinique, seule la résistance artérielle est mesurée ; elle est
calculée par application de la loi d'Ohm :
RAS = (PAM - POD) / DC
où :
PAM : pression artérielle moyenne
DC : débit cardiaque
Les unités utilisées sont les dynes • sec • cm-5, mais on peut simplifier le calcul en utilisant les unités
Wood: mmHg • L • min ; la conversion des unités Wood en unités standard se fait en multipliant par
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
59
80. La pression d'aval utilisée dans le calcul des résistances systémiques (POD) peut être très
inférieure à la pression veineuse réelle lorsque la pression critique de fermeture des veines centrales
est atteinte et qu'elle provoque un barrage sur le retour veineux au coeur droit (hypovolémie,
surpression inspiratoire abdominale). La loi d'Ohm est en elle-même une simplifiction car elle
s'applique à des systèmes continus non-pulsatiles. C’est l'impédance (ZAo) qui est la mesure de
postcharge dans les système pulsatiles. Elle est le rapport entre la pression instantanée et le flux :
ZAo = P(t) / F = ( ρ • √ Vmax • ΔP ) ( π • r2 ) (dt)
Tableau 6.5
Valeurs hémodynamiques du cathétérisme droit
Définition
Valeur normale
Pression artérielle moyenne (PAM) :
1/3 (PAsyst - PAdiast) + PAdiast
75 – 90 mmHg
Pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) :
12 – 20 mmHg
Index cardiaque (IC) :
débit cardiaque / surface corporelle
3 – 4.5 L/min/m2
Index systolique (IS) :
volume systolique / surface corporelle
40-80 mL/ m2
Résistances vasculaires systémiques (RVS) :
[ (PAM - PVC) / DC ] • 80
1500-2200 dynes sec cm-5
Résistances vasculaires pulmonaires (RVP) :
[ (PAPm - PAPO) / DC ] • 80
80-300 dynes sec cm-5
Travail systolique indexé du VG:
0.0136 (PAM – PAPO) • IS
40-60 g L/m2
Travail systolique indexé du VD:
0.0136 (PAPm – PVC) • IS
5-9 g m/m2
Contenu artériel en O2 (CaO 2):
(Hb • SaO 2 • 1.39) + (0.0031 • PaO2)
18-20 vol%
Contenu veineux en O2 (CvO2):
(Hb • SvO2 • 1.39) + (0.0031 • PvO 2)
13-16 vol%
Transport d'O2 (DO 2):
DC • CaO2
900 – 1200 mL/min
Consommation d'O 2 (VO2):
DC • (CaO2 – CvO2)
250 mL/min
Extraction d'O 2:
C(a – v)O 2 / CaO2
0.25
Shunt pulmonaire (Qs/Qt):
(CcO2 – CaO2) / (CcO2 – CvO2)
2 – 8%
En pratique, le contenu capillaire en O 2 est assimilé au contenu artériel en O2 :
CaO2 / (CcO2 – CvO 2)
Elle est identique à la résistance lorsque la fréquence est nulle. Son calcul nécessite la mesure
simultanée du flux et de la pression aortiques ; il n’est pas réalisable en clinique. En CEC, on
considère que la pression de l’OD est nulle ; le débit cardiaque est celui de la pompe (Dp). Les RAS
sont alors faciles à calculer : RAS = PAM / Dp (en unités Wood).
La mesure des RAS ne prend pas en compte le stress (σ) de paroi ventriculaire, qui est la vraie
postcharge du ventricule. Selon la loi de Laplace, le stress de paroi est fonction directe du diamètre et
fonction inverse de l'épaisseur du ventricule :
σ = (P • r) / 2h
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
où :
σ : tension de paroi (dynes/cm)
P: pression intraventriculaire (mmHg)
r: rayon interne du VG (cm)
h: épaisseur de paroi (cm)
60
La tension de paroi est une force exercée par unité de longueur d'une circonférence, exprimée en
gm/cm ou en dynes/cm (1 gm = 981 dynes); le stress de paroi est une force exercée sur une surface,
exprimée en dynes/cm2. Le stress de paroi est calculé facilement en combinant la mesure de pression
artérielle avec celles du diamètre et de l’épaisseur du VG à l’échocardiographie. Ce concept souligne
l’importance de la taille du ventricule dans le travail qu’il doit produire. Plus le VG est dilaté (r élevé)
et plus sa paroi est étirée et amincie (h diminuée), plus il consomme d’énergie pour le même résultat
hémodynamique.
Mesure du débit cardiaque
Le débit cardiaque est mesuré par thermodilution au moyen de l’équation de Stewart-Hamilton. La
mesure est fiable si le flux pulmonaire et la volémie sont constants pendant les mesures (minimum 3),
si l’indicateur (NaCl 0.9% ou glucose 5% à 4-6°C) ne subit ni perte ni recirculation, et s’il n’y a ni
insuffisance tricuspidienne (sous-estimation du DC) ni shunt intracardiaque (surestimation du DC).
Les résistances artérielles systémiques sont calculées par analogie à la loi d’Ohm :
RAS = 80 • (PAM - POD) / DC (dynes sec cm-5)
Transport d'oxygène et rapport DO2 / VO2
Pour assurer l’oxygénation cellulaire, le transport (DO2 ) et la consommation d’oxygène (VO2) doivent
être en harmonie. La demande métabolique est le principal déterminant du débit cardiaque, qui est
distribué aux organes de manière inhomogène selon leurs fonctions et leurs besoins particuliers. Les
mesures que l’on pratique en clinique n’apprécient en général que la consommation globale
d’oxygène. Le DO2 est réglé par la ventilation, le débit cardiaque, le contenu en Hb et sa distribution
périphérique; il se calcule de la manière suivante:
DO2 = CaO2 • DC
où
DC: débit cardiaque
CaO2: contenu artériel en oxygène
CaO2 = [(1.34 • Hb) • SaO2] + (0.0031• PaO2)
Le terme [ (1.34 • Hb) • SaO2 ] représente la quantité d’O2 transportée par l’hémoglobine en
mL/min; l’Hb fixe 1.34 à 1.39 mL O2 par gm selon le type d’Hb. Le facteur (0.0031 • PaO2) est la
fraction d’oxygène dissoute dans le sang; elle reste une valeur négligeable dans les conditions
normales et n’est pas prise en compte dans le transport global, sauf lorsque la FiO2 est élevée :
DO2 = [ (1.34 • Hb) • SaO2 ] • DC
valeur normale: 10 mL/kg/min ou 500 mL/min/m2
La consommation d’O2 est la différence entre le débit artériel et le débit veineux en oxygène:
VO2 = (CaO2 - CvO2) • DC
Donc:
où CvO2 : contenu en O2 du sang veineux mêlé
VO2 = (1.34 • Hb) • (SaO2 - SvO2) • DC
valeur normale: 3.5 mL/kg/min ou 250 mL/min
valeur normale SvO2: 70%
On peut tirer de cette équation l’extraction périphérique d’oxygène (EO2):
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
61
EO2 = VO2 / DO2
EO2 = (CaO2 - CvO2) / CaO2 = (SaO2 - SvO2) / SaO2
valeur normale: 25 - 30 %
La VO2 mesurée par la méthode de Fick est moins précise que sa mesure par calorimétrie indirecte
(méthode des échanges gazeux). De plus, elle ignore la consommation d'oxygène pulmonaire ; celle-ci
ne représente que 1-2% de la VO2 totale de l'organisme chez le sujet sain avec des poumons normaux,
mais elle s'élève jusqu'à 10% en cas de pneumonie ou de SDRA. Normalement, la VO2 est
indépendante du transport pour deux raisons :
 Le DO2 est en excès par rapport à la VO2 ;
 L'extraction d'oxygène augmente parallèlement à la demande comme le démontre la baisse
progressive de la saturation veineuse centrale (SvO2).
Il arrive que cette situation soit dépassée: si le transport d'O2 chute en-dessous d'un certain seuil (DO2
critique), l'extraction ne peut plus augmenter proportionnellement à la demande, et la consommation
d'O2 devient dépendante de son transport (Figure 6.28). Chez le sujet normal, la valeur de ce seuil se
situe entre 9 et 10 mL/min/kg ; il est abaissé à 8.2 mL/min/kg en anesthésie générale[257].
L'extraction d'O2 (EO2) maximale est de 60%, ce qui se traduit par des valeurs de SvO2 très basses (<
50%). Au-delà de cette capacité d'extraction, la VO2 diminue, le métabolisme devient partiellement
anaérobe et le taux de lactate dépasse 1.5 mmol/L [49]. Dans de nombreuses situations pathologiques,
la VO2 reste dépendante du transport d'O2 sur une vaste échelle de valeurs, parce que l'extraction
d'oxygène reste basse (EO2 < 35%) et que la DO2 critique est plus élevée que la norme (15-20
ml/min/kg). C'est le cas notamment dans le SDRA, le choc septique et le choc hypovolémique. Les
patients qui se trouvent sur cette partie de la courbe ont un pronostic vital réservé [98]. C’est sur cette
notion que se fonde le concept de thérapie « supramaximale » dans la prise en charge des malades de
soins intensifs, visant à maintenir un débit cardiaque supérieur à 4 l/min/m2 afin d’éviter la survenue
de défaillances multi-organiques [260]. Cependant, le seuil critique du DO2 est difficile à déterminer
chez l’homme, d’autant plus que la consommation d’oxygène ne reste pas constante, même chez un
individu sédaté ou endormi [160]. La pertinence pronostique de la dépendance DO2/VO2 reste
débattue [231]. En anesthésie cardiaque, le strict maintien d'une SvO2 > 70% permet de diminuer la
morbidité et de raccourcir le séjour en soins intensifs [210].
La SvO2 est la seule mesure clinique représentative de l’oxygénation tissulaire. Elle évalue
l’adéquation du transport d’oxygène par rapport aux besoins de l’organisme. Sa valeur normale est ≥
70%, ce qui correspond à une PvO2 de 40 mmHg environ. Les facteurs qui interfèrent avec l’affinité
de l’hémoglobine pour l’oxygène (pH, température, 2,3-DPG, etc) agissent également au niveau
veineux et modifient la PvO2 sans affecter la SvO2 de manière identique. D’après les équations cidessus, on peut déduire que:
SvO2 = SaO2 - VO2 / (DC • 1.34 • Hb)
valeur normale: ≥ 65 %
Cette formule démontre que la SvO2 n’est pas une mesure univoque; sa baisse peut résulter de quatre
facteurs différents:




L’hypoxémie,
L’élévation de la VO2,
La baisse du débit cardiaque,
L’anémie.
Plusieurs conditions élèvent la SvO2 : la baisse de la VO2, la sepsis (défaut d’extraction périphérique),
les fistules artério-veineuses, les shunts gauche-droit (cirrhose hépatique, CIV), l’hypothermie et les
intoxications (cyanure, CO). En l’absence d’anémie, d’hypoxémie et de modification de la VO2, la
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
62
SvO2 évolue en symétrie avec le débit cardiaque. Après chirurgie cardiaque, les patients qui arrivent
aux soins intensifs avec une SvO2 < 60% ont davantage de complications cardiovasculaires et une
mortalité 5 fois plus élevée à 30 jours que ceux qui présentent une SvO2 > 60% [113].
VO2
ml/min/kg
VO2
indépendant
du transport
VO2 dépendant
du transport
DO2 critique
ICC, SDRA, choc septique
DO2
ml/min/kg
Rapport DO2/VO2 normal
Figure 6.28 : Rapport entre la consommation et le transport d'O2 chez le sujet normal. La courbe bleue
représente le sujet normal. La courbe en pointillé rouge illustre la modification induite par une sepsis: le
couplage du transport et de la consommation d’oxygène s’étend sur une plus grande plage de valeurs.
DO2 = CaO2 • DC
où : CaO2 contenu artériel en oxygène, DC débit cardiaque
CaO2 = (1.39 • Hb • sat O2) + (0.0031 • PaO2)
VO2 = DC • (CaO2 - CvO2)
SvO2 = 1 - VO2 / DO2
Valeurs normales: VO2: 6-7 mL/min/kg ou 200-250 mL/min. DO2: > 10 mL/min/kg ou 800-1000 mL/min.
CaO2: 20 vol%. CvO2: 15 vol%. SvO2: > 65 %. ERO2: extraction périphérique d'oxygène: 25-35%.
Pour simplifier l’équipement, on peut remplacer la mesure la SvO2 dans l’artère pulmonaire par la
mesure de la saturation veineuse centrale (mixed venous SO2, ou SvcO2) en échantillonnant le sang
dans l’OD par un simple cathéter de PVC. Bien que moins fiable, cette mesure reste bien corrélée avec
l’adéquation du DC [90,284]. Le sang de l’OD n’est pas entièrement mélangé, et la mesure peut être
influencée par son voisinage avec la veine cave inférieure (SO2 élevée) ou le sinus coronaire (SO2
basse). La SvcO2 est en moyenne 5% plus élevée que la SvO2.
Transport (DO2) et consommation (VO2) d’oxygène
DO2 = CaO2 • DC où : CaO2 (contenu artériel en O2) = [(1.34 • Hb) • SaO2] + (0.0031• PaO2)
(norme : 1'000 mL/min)
VO2 = (CaO2 - CvO2) • DC = (1.34 • Hb) • (SaO2 - SvO2) • DC (norme : 250 mL/min)
Extraction d’O2 = VO2 / DO2 = (CaO2 - CvO2) / CaO2 = (SaO2 - SvO2) / SaO2 (norme : 25-30%)
SvO2 = SaO2 - VO2 / (DC • 1.34 • Hb) (norme : ≥ 65 %)
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
63
Techniques particulières
Plusieurs améliorations techniques se sont greffées sur le cathéter artériel pulmonaire pour en
augmenter les performances. Ces innovations occasionnent une ascension des coûts souvent
importante. La portée thérapeutique de certaines de ces mesures reste difficile à estimer.
Cathéter oxymétrique
La mesure de la saturation veineuse centrale (SvO2) se fait dans l’artère pulmonaire, à l’extrémité du
cathéter, là où le sang des différentes parties de l’organisme est mêlé. Normalement, le contenu en
oxygène de la veine cave inférieure est plus élevé que celui de la veine cave supérieure, parce que les
reins ont un débit sanguin très important mais une faible activité métabolique. Par spectrophotométrie
de réflexion, il est possible d’analyser la SvO2 en continu. Une lumière rouge et infrarouge,
caractérisée par deux ou trois longueurs d’onde, est émises par des lampes diodes et transférée à
l’extrémité de la sonde au moyen de fibres optiques. L’intensité de la réflexion lumineuse est
proportionnelle au taux d’hémoglobine réduite du sang. Comparés à la co-oxymétrie, les valeurs
obtenues sont fiables (r = 0.96) sauf lorsque la SvO2 est très basse ou le patient très anémique [59]. Si
l'on ne tient pas compte de l'O2 dissout, la SvO2 se définit selon la formule:
SvO2 = ( SaO2 - VO2 ) / DC • 1.36 • Hb
La SvO2 est indépendante de la PaO2, sauf lorsque celle-ci est très basse (< 60 mmHg) ou que la FiO2
est de 1.0 [233]. A la différence de celle du DC, la mesure de la SvO n’est pas influencée par la
présence d’une insuffisance tricuspidienne. Bien qu’elle ne donne pas d'indications sur l'extraction
régionale de territoires ischémiques ou défaillants, la SvO2 reflète l'extraction d'O2 de l'organisme
entier et représente un monitorage intégratif de quatre ensembles, comme le démontre la formule cidessus : le débit cardiaque (DC), les échanges gazeux (SaO2), la consommation d’oxygène (VO2) et le
taux d’hémoglobine (Hb). Elle surveille l’adéquation de l’hémodynamique par rapport aux besoins de
l’organisme, ce qui est une donnée capitale pour le monitorage des cas difficiles.
La SvO2 est bien corrélée au débit cardiaque (DC) si la VO2 est maintenue constante et qu’il n’y a ni
anémie, ni hypotension, ni modification des échanges gazeux [59]. La relation qui les unit varie en
fonction de la VO2. Le lien entre la SvO2 et la PvO2 est fonction de l’affinité de l’Hb pour l’oxygène ;
ainsi, en cas d’hypothermie, la SvO2 sera plus élevée pour la même PvO2. Chez l’insuffisant
cardiaque, chez qui la courbe de dissociation de l’Hb est déplacée vers la droite, la SvO2 sera plus
basse pour la même PvO2 [9]. Une valeur inférieure à 70% signale une augmentation de l'extraction
d'O2 (baisse du débit cardiaque ou augmentation de la VO2), une diminution de son apport (baisse du
débit pulmonaire ou de la ventilation) ou de son transport (Hb). En-dessous d’un seuil critique, DO2 et
VO2 deviennent couplés; la SvO2 ne peut guère descendre au-dessous de cette valeur critique (située
vers 30-40%), même si l’oxygénation tissulaire continue à se détériorer [69]. La baisse de la
consommation d’oxygène due à l’anesthésie élève cette valeur-seuil à environ 60% [122].
Les malades en insuffisance cardiaque augmentent leur extraction d’oxygène au repos, mais le seuil
critique de leur SvO2 reste aux environ de 60%; celle-ci est un indice très fiable des modifications
hémodynamiques, car elle est bien corrélée au débit cardiaque [90]. C’est un monitorage très précoce
des altérations circulatoires qui en fait un système de surveillance précieux en anesthésie cardiaque,
mais essentiellement chez les patients qui présentent une dysfonction sévère: ses variations
surviennent avant les modifications de la pression systémique ou de la PAPO. La SvO2 n’est pas
utilisable pendant la CEC, mais peut servir de critère pour l’extubation en phase postopératoire: le
patient est sevrable si sa SvO2 reste supérieure à 60% [3]. Même si le taux de modifications
thérapeutiques basées sur la SvO2 s'élève jusqu’à 57%, le devenir des patients n'en n'est pas modifié
pour autant [296]. Vu son coût, son utilisation n’est pas une routine dans les cas standards, mais ces
cas tendent de toute manière à ne plus être équipés de cathéter pulmonaire. Dans les cas à haut risque,
par contre, l’impact de la SvO2 est considérable, ce qui fait que la proportion de Swan-SvO2
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
64
(Vigilance™, OptiQ™) tend à augmenter [29]. Lorsqu’on juge nécessaire de mettre en place un
cathéter pulmonaire en soins intensifs, il devient une routine d’utiliser une mesure continue de la
SvO2 .
Lors de spoliation sanguine, le coefficient d’extraction d’oxygène dans les tissus augmente; une perte
rapide de 15% du volume circulant induit une baisse de la SvO2 de 10%, tous les autres paramètres
étant maintenus constants [39]. Lors d’hémorragies massives, la capacité d’extraction d’oxygène est
diminuée vu le raccourcissement du temps d’équilibration dans les capillaires à cause de l’accélération
du flux. Certaines situations critiques sont caractérisées par une SvO2 élevée: sepsis, shunt porto-cave,
cirrhose hépatique, shunt G→D, empoisonnement au cyanide (nitroprussiate de Na) ou au CO [297].
La sepsis augmente la VO2 et élève le seuil critique de DO2; le premier devient plus rapidement
dépendant du second; les mécanismes d’utilisation périphérique de l’oxygène sont secondairement
altérés. Les perturbation introduites par la sepsis tout au long de la chaîne de transport et d’utilisation
de l’oxygène rendent la mesure de la SvO2 peu fiable pour juger de l’adéquation métabolique et
circulatoire; seules ses variations peuvent avoir une signification clinique.
On peut résumer les indications à l’oxymétrie veineuse centrale continue de la manière suivante:
 La surveillance précoce des altérations du rapport DO2/VO2 et de l’hémodynamique chez les
patients en choc cardiogène ou septique, chez les polytraumatisés sévères, et chez les brûlés
graves [90,313] ;
 L’évaluation du débit cardiaque dans les cas d’arythmies ou de régurgitation tricuspidienne,
situations qui altèrent la mesure par thermodilution ;
 La définition de la limite inférieure du bas débit tolérable lors de situations critiques (pontage
à coeur battant, assistance ventriculaire) [38] et lors de sevrage difficile du ventilateur ou de
l’assistance ventriculaire ;
 Autres indications : transplantation pulmonaire, diagnostic de shunt par une CIV [90],
recherche de la meilleure PEEP chez les patients hypoxémiques en insuffisance respiratoire
[59].
L’oxymétrie veineuse centrale, indicateur non-spécifique de l’oxygénation tissulaire, est un signe
d’alarme précoce chez les insuffisants cardiaques et dans les situations où le débit cardiaque est limite
(coeur battant, assistance ventriculaire).
Oxymétrie du sang veineux mêlé (SvO2)
SvO2 = SaO2 - VO2 / (DC • 1.34 • Hb) (norme : ≥ 65 %). La SvO reflète l’adéquation de
l’hémodynamique aux besoins de l’organisme
SvO2 < 65% : augmentation de l'extraction d'O2 (↓ DC ou ↑ VO2), une diminution de son apport
(↓ débit pulmonaire ou ↓ ventilation) ou de son transport (↓ Hb). Non fiable en CEC (variations T°C).
SvO2 > 75% : hypothermie, sepsis, shunt G→D, intoxication CN- ou CO.
Débit cardiaque continu
L'injection intermittente de liquide froid peut être remplacée par une pulsation thermique induite par
un fil chauffant (T° < 44° C) situé dans l'OD et le VD. Elle provoque de petites modifications
thermiques qui sont repérées par le thermistor distal. En corrélant la quantité d’énergie libérée par le
fil chauffant (environ 7.5 W) et les variations de température repérées dans l’artère pulmonaire,
l’ordinateur peut calculer le débit cardiaque moyen de la période analysée. L'instrument réactualise
toutes les 30 secondes l’affichage du débit cardiaque moyen des dernières minutes [314]. Le délai
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
65
pour afficher une modification du DC varie de 4 à 11 minutes [219a]. La corrélation avec le calcul
habituel par thermodilution est excellente (r = 0.94), mais elle dépend de la stabilité thermique du flux
dans l’artère pulmonaire; des perfusions froides accélérées (cristalloïdes, sang, PFC) affectent
considérablement la fiabilité de la lecture, alors qu’une fièvre stable (T° > 39°C) ne l’influence pas
[22].
Fraction d'éjection du VD
La forme complexe du ventricule droit enroulé en croissant autour du VG rend sa mesure de surface et
de volume difficile à l’échocardiographie (voir Figures 5.13 et 5.101) ; le calcul de sa fraction
d’éjection est trop complexe pour une utilisation de monitorage. Par contre, l'analyse en fréquence
rapide de la courbe de température enregistrée lors du passage de l'injectat froid pendant un cycle
cardiaque permet d'en dériver la fraction de volume restant dans le VD après l'éjection ; en l'absence
d'arythmie ou de régurgitation tricuspidienne, l’ordinateur peut déduire la température résiduelle et,
par ce biais, la fraction d’éjection du VD [193]. Il calcule également le volume télédiastolique en
divisant le volume d’éjection par la fraction d’éjection. Les modifications par rapport à un système
standard sont un triple orifice proximal pour l'injectat, un thermistor rapide (mesure toutes les 52
msec), un enregistrement simultané de l'ECG et le programme informatique adéquat. Etant une pompe
à basse pression, le VD est extrêmement sensible à la postcharge ; sa performance systolique baisse si
les RAP augmentent. Les modifications de sa fraction d'éjection ne traduisent donc pas que les
modifications de sa contractilité. La valeur normale de la FEVD est de 0.4 - 0.5 [56,100].
Le volume télédiastolique d’un ventricule (Vtd) est un meilleur indicateur de sa précharge que la
pression de remplissage. La corrélation du Vtd du VD avec le débit cardiaque est bien supérieure à
celle de la PVC ou de la PAPO [58]. Elle reste excellente lorsque les malades sont ventilés en pression
positive avec PEEP, alors que la PVC et la PAPO ne présentent plus de corrélation valable dans ces
circonstances. Le Vtd normal du VD est de 60 - 100 mL/m2. Une valeur supérieure à 120 mL/m2
correspond à une dilatation [193].
Les critiques de ce type de mesure, sophistiquée et onéreuse, tiennent au fait que la fraction d’éjection
du VD est très dépendante de sa postcharge et ne mesure pas réellement sa contractilité, et que le
couplage entre le Vtd et le débit cardiaque tient à la formulation mathématique du calcul: le Vtd étant
calculé à partir de la FE et du volume systolique, on compare deux variables dont l’une est utilisée
dans le calcul de l’autre. La corrélation avec le débit cardiaque n’est valable que dans la mesure où les
méthodes de calcul pour le débit et la fraction d’éjection sont différentes. D’autre part,
l’échocardiographie transoesophagienne permet d’apprécier les volumes cardiaques de manière moins
compliquée et plus économique ; leur corrélation avec le débit cardiaque est excellente (r = 0.9) [39].
Cathéter pulmonaire pace-maker
Une lumière supplémentaire permet d'introduire une sonde de pace-maker jusque dans le VD. Bien
que coûteux, ce système n'est pas plus cher qu'un pace-maker endoveineux traditionnel. Son taux de
succès dans l'entraînement ventriculaire est de 96%. Des sondes munies d’un canal pour une électrode
supplémentaire permettent le pacing séquentiel auriculo-ventriculaire. Vu le risque thrombotique, ce
type de sonde ne doit pas être laissé en place plus de trois jours.
Les indications à la Swan-pace sont ceux du pacing temporaire: bradyarythmies sysmptomatiques,
anamnèse ou présence d’un BAV complet, nouveau bloc bifasciculaire ou Mobitz II en présence d’un
infarctus aigu. En chirurgie cardiaque, il s’agit essentiellement d’indications concernant les arythmies
survenant avant la CEC ; après celle-ci, les malades sont munis d’électrodes épicardiques, dont seul le
dysfonctionnement justifie d’autres techniques d’entraînement [223].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
66
Mesure du débit cardiaque : autres technologies
Ces dernières années ont vu la mise au point de nouveaux appareils pour mesurer le débit cardiaque de
manière moins invasive que le cathéter pulmonaire. Ces technologies sont basées sur une
interprétation sophistiquée de certaines données physiologiques comme l’analyse de la surface sous la
courbe de pression artérielle (PiCCO™, VolumeView™, LiDCO™, FloTrac™, ProAQT™) ou sous
la courbe de pulsométrie digitale (Nexfin™), du flux aortique (Doppler oseophagien CardioQ™), du
principe de Fick (NiCCO™), et de la bioimpédance thoracique (NICOM™). Bien que d’utilisation
plus simple, ces appareils ne sont pas forcément plus économiques ni moins invasifs que la SwanGanz, mais ils ont l’avantage d’afficher le volume systolique et le débit cardiaque en continu. Alors
que le cathéter pulmonaire mesure le débit du cœur droit, ces instruments mesurent celui du cœur
gauche. Comme l’ETO est peu performant pour le calcul du DC [19], nous ne le mentionnerons pas
ici.
En clinique, le cathéter pulmonaire de Swan-Ganz reste le seul standard de comparaison lorsqu’on
veut tester la pertinence des mesures de ces nouvelles technologies. C’est un étalon de performance
moyenne, qui a ses propres limitations. La référence idéale serait soit un débitmètre électronique
autour de l’aorte ascendante, soit la méthode de Fick par dilution d’un traceur, mais toutes deux sont
impraticables en clinique. Dans les comparaisons de résultats, les critères signant une corrélation
satisfaisante entre deux techniques de mesure sont un coefficient de corrélation supérieur à 0.75 (r >
0.75), des biais faibles, et une limite d’agrément inférieure à 30%.
Analyse du contour de la courbe artérielle
La surface sous la partie systolique de la courbe de pression artérielle est proportionnelle au volume
systolique (VS) du VG (Figure 6.29A). L'analyse du contour de la courbe de pression est basée sur un
algorithme de calcul du débit cardiaque en continu (DCC):
DCC(P) = cal • FC • ∫ ( Pt / RAS + Ca • dP/dt ) dt
Surface sous la courbe
Pente de la courbe
Les RAS sont calculées par la loi d’Ohm : RAS = (PAM – PVC) / DC. Le facteur de calibration "cal"
est calculé lors de la calibration par thermodilution ou par un algorithme. Il intègre l’impédance à
l’éjection dans l’aorte (Zao), la résistance statique (RAS) et la compliance artérielle globale (Ca) (voir
ci dessous : Surface sous la courbe artérielle) [154]. La surface sous la courbe artérielle représente le
volume systolique pour autant que Zao, Ca et RAS restent stables. Pour que l’appareil puisse suivre
l’évolution du DC, il doit connaître à quel débit correspond quelle surface. A cet effet, il existe trois
méthodes d’étalonnage :
 Courbe de thermodilution transpulmonaire (PiCCO™),
 Courbe de dilution d’un traceur (lithium dans le cas du LiDCO™),
 Nomogramme et algorithme (FloTrac Vigileo™).
Si l’impédance et les résistances artérielles se modifient de manière significative, l’appareil doit être
ré-étalonné, sans quoi il interprétera incorrectement le rapport entre la surface sous la courbe et le
volume systolique. Toute variation importante des RAS diminue la précision de la mesure du DC. Par
exemple, le biais (± SD) entre la mesure par analyse du contour de la courbe artérielle et la mesure par
thermodilution (Swan-Ganz), qui est de 0.16 L/min dans la situation de base, passe à 3.25 L/min après
une injection de phényléphrine qui augmente les RAS de 60% (Figure 6.30) [226]. Ceci illustre bien la
nécessité de recalibrer les systèmes d’analyse de la courbe artérielle chaque fois que les RAS se
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
67
modifient significativement, sous peine d’obtenir des résultats de débit cardiaque non fiables. Ces
technologies ne sont pas adaptées aux opérations sur l’aorte thoraco-abdominale parce que le
clampage aortique modifie brusquement la postcharge du VG. La précision des mesures peut
également varier en fonction du site d’analyse, par exemple entre l’artère radiale et l’artère fémorale :
la mesure en artère radiale peut sous-estimer la pression aortique réelle et donner une valeur de DC
trop basse [162a,247].
Δup
Δdown
⇑ V VG
⇓ V VG
A
Pression
respiratoire
(IPPV)
VC: 8 - 12 ml/kg
Ss
© Chassot 2012
Figure 6.29 : Variations ventilatoires de la pression artérielle (en rouge) par rapport à la pression des voies
aériennes (en bleu) lors de ventilation en pression positive. Lorsque la pression intrathoracique (Pit) s’élève à
l’inspirium, la pression artérielle est augmentée (Δup) puisque le volume systolique du VG est plus grand
(augmentation du retour à l’OG) et que la Pit s’additionne à la pression que génère ce dermier. Mais 2 à 5 cycles
cardiaques plus tard, la pression artérielle baisse (Δdown) parce que la diminution du retour veineux au cœur
droit, qui a baissé le volume éjecté dans l’artère pulmonaire, arrive maintenant à l’OG et diminue la précharge du
VG. Cet enchaînement provoque une oscillation ventilatoire de la pression artérielle (normal < 12%). Le Δup est
prédominant lors d’insuffisance ventriculaire gauche, parce que le VG congestif bénéficie grandement de l’aide
que représente la compression par la Pit ; c’est l’équivalent d’une baisse de postcharge. Le Δdown est
prédominant en hypovolémie, parce que le volume systolique est très dépendant de la précharge lorsque le
malade se trouve sur la partie gauche très verticale de la courbe de Frank-Starling. V VG : volume
télédiastolique du VG. VC : volume courant. A : Analyse de la courbe de pression artérielle ; la surface S sous la
courbe artérielle (Ss) est proportionnelle au volume systolique éjecté (après calibration): S = ƒ (Pt / RAS).
Les variations de la pression artérielle simultanée à la ventilation en pression positive s’accompagnent
d’une variation dans le même sens de la surface sous la courbe artérielle. Les systèmes de mesure du
contour de la courbe peuvent donc suivre les variations du volume systolique (ΔVS) en fonction de
l’IPPV (Figure 6.29). L'importance des ΔVS est inversément proportionnelle au volume de la
précharge cardiaque ; plus la surface est respiro-dépendante, plus le patient est hypovolémique. Cette
technique offre une manière de le quantifier : une hypovolémie se caractérise par un ΔVS ventilatoire
de plus de 12% [15,178,218]. Les ΔVS sont mesurées en pourcent sur les 30 dernières secondes par la
formule: ΔVS = (VSmax - VSmin) / VSmoy • 100 (où VSmoy = (VS min + VS max) / 2).
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
68
Outre la possibilité d'afficher le débit cardiaque systole par systole, l’analyse du contour de la courbe
artérielle permet encore de construire un index de contractilité basé sur le dP/dt de la courbe. L'analyse
de la montée maximale de la pression périphérique évalue la force de contraction du VG; la valeur
normale est 1’200-2’000 mmHg/sec (voir Figure 6.7).
Figure 6.30 : Variation des biais sur la
mesure de débit cardiaque par la technique
de la surface sous la courbe artérielle en
fonction
des
résistances
artérielles
systémiques (RAS) (d’après réf 226). Le
biais (± SD) entre la mesure par analyse du
contour de la courbe artérielle et la mesure
par thermodilution (Swan-Ganz), qui est de
0.16 L/min dans la mesure de base, passe à
3.25
L/min
après
injection
de
phényléphrine (augmentation des RAS de
60%) (10 patients). Ce graphique illustre
bien la nécessité de recalibrer les systèmes
d’analyse de la courbe artérielle chaque
fois que les RAS se modifient
significativement, sous peine d’obtenir des
résultats de débit cardiaque non fiables.
Biais
(L/min)
Injection de
phényléphrine
5
4
p < 0.05
3
2
1
0
⇑ RAS 60%
-1
Avant
Après
Le PiCCO™
La technologie du PiCCO™ et du VolumeView™ est basée sur deux principes qui évaluent
respectivement les volumes de la précharge et l'éjection systémique : la thermodilution
transpulmonaire et le suivi en continu de la surface sous la courbe artérielle [164].
Thermodilution transpulmonaire
La thermodilution transpulmonaire (Figure 6.31) consiste en une injection en voie veineuse centrale de
15 ml à < 8°C et en une mesure de la température au niveau de l'artère fémorale par un thermistor. Elle
permet de mesurer le débit du cœur gauche et le volume sanguin de distribution, inclus le volume
intrathoracique et l'eau pulmonaire extravasculaire. Le temps de circulation étant plus long que dans
un échantillonage en artère pulmonaire, la mesure a l’avantage d’être indépendante du cycle
ventilatoire. Le volume de distribution de l'injectat (VDI) est le volume contenu entre le site
d'injection et le site de mesure:
VDI = OD + VD + VSIT + OG + VG + Ao
VSIT est le volume sanguin intrathoracique. Le volume de l'aorte est considéré comme représentant 50
mL/m2 chez un adulte; il est automatiquement soustrait par l'appareil. Le volume de distribution de
l'indicateur est égal au produit du débit cardiaque et du temps de transit moyen (Figure 6.32) :
(MTt): VDI = DC • MTt
Le volume de la plus grande chambre de distribution, qui est le volume sanguin pulmonaire (VSP), est
calculé par la formule: VSP = DC • DSt (DSt: temps de décroissance exponentielle). De là, on peut
tirer une série de renseignements que calcule le moniteur [219a,238a].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
69
 Volume télédiastolique global du coeur (VtdG), qui est le volume des oreillettes et des
ventricules : VtdG = VDI - VS. C'est un bon indice de précharge global, dont la valeur
normale est 600-800 mL/m2 chez l'adulte.
 Volume sanguin intrathoracique (VSIT) : VSIT = 1.25 • VtdG ; le VSIT est un indicateur de
précharge cardiaque sensible (valeur normale : 850-1'000 mL/m2).
 Eau pulmonaire extravasculaire (EPEV) : EPEV = VTIT – VSIT. Le VTIT est le volume
thermique intrathoracique total, somme du volume intra- et extra-vasculaire. L'EPEV
augmente en cas d'insuffisance gauche ou de trouble de la perméabilité capillaire ; dans les
conditions normales, sa valeur est < 7 mL/kg.
 Indice de fonction cardiaque (IFC) : IFC = DC / VTdG (valeur normale : 4.5-6.5); lorsqu'il
est inférieur à 0.4, la fraction d'éjection est inférieure à 0.5.
Figure 6.31 : Moniteur
PiCCO. Un injectat froid
(15 mL à < 8°C) est
administré rapidement par
une voie centrale (en bleu);
les variations thermiques
sont mesurées dans un
cathéter artériel fémoral (en
rouge). Le temps de
circulation étant plus long
que dans un échatillonage
en artère pulmonaire, la
mesure est indépendante de
la ventilation. Le volume
de distribution de l'injectat
(VDI) est celui contenu
entre le site d'injection et le
site de mesure: VDI = OD
+ VD + VSIT + OG + VG
+ Ao.
VSIT: volume sanguin
intrathoracique.
VSP: volume
sanguin
pulmonaire.
VDI = OD + VD + VSIT + OG + VG + Ao
VSIT
OD
VD
VSP
OG
VG
Ao
L’EPEV est un excellent prédicteur de mortalité chez les malades souffrant de lésions pulmonaires ou
de surcharge liquidienne : la mortalité double entre < 10 mL/kg et > 15 mL/kg [238a]. La présence
d’un shunt modifie la forme de la courbe de thermodilution, qui devient bifide en présence de shunt
droite-gauche. Un shunt gauche-droite, par contre, surestime l’EPEV comme en présence d’œdème
pulmonaire, alors que les échange gazeux sont normaux [238a].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
70
Surface sous la courbe artérielle
La surface sous la courbe artérielle systolique (Sc) est directement proportionnelle au volume éjecté
(VS) et inversément reliée à la compliance vasculaire (Ca). On obtient : VS = Sc / Ca. Cette
proportionalité est étalonnée par la thermodilution transpulmonaire ; l’étalonnage doit être répété à
chaque modification importante des RAS, ou toutes les 4-6 heures. L'intégration de la courbe de
dilution permet le calcul du débit cardiaque selon le principe de Stewart-Hamilton (Figure 6.32) :
DC = Kcal • F • ∫ [ P(t) / RAS + Ca • dP/dt ] dt
Kcal est le facteur de calibration spécifique du patient obtenu par thermodilution, F la fréquence
cardiaque, P(t)/RAS est la surface sous la courbe, Ca la compliance artérielle (VS/PAdiff) et dP/dt
représente la forme de la courbe de pression [164].
Courbes de
thermodilution :
-ΔT
(°C)
Artère pulmonaire
Art fémorale
Injection par
voie centrale
MTt
DSt
© Chassot 2015
Figure 6.32 : Courbe de thermodilution obtenue en artère fémorale, comparée à la courbe en artère pulmonaire
(pointillé), après une injection de liquide froid en PVC (OD). MTt: temps de transit moyen; la moitié de
l'indicateur a passé le point de détection. DSt: temps de décroissance exponentielle de la courbe de
thermodilution. L’intégration de la courbe rouge, ou courbe de Stewart-Hamilton, permet de calculer le débit
cardiaque (DC) : DC = Kcal • F • ∫ [P(t) / RAS + Ca • dP/dt] dt. Où Kcal est le facteur de calibration spécifique
du patient obtenu par thermodilution, F la fréquence cardiaque, P(t)/RAS est la surface sous la courbe, Ca la
compliance artérielle (VS/PAdiff) et dP/dt représente la forme de la courbe de pression. Le DC est inversément
proportionnel à la chute de température du sang et au temps de transit du bolus froid (surface sous la courbe).
Les algorithmes des nouveaux modèles analysent plus finement la forme de la courbe de pression et
repèrent le dicrotisme et la pente qui lui succède, ce qui permet de mieux tenir compte de la
compliance artérielle et des résistances périphériques. Ces algorithmes tentent d’intégrer les quatre
composantes de la résistance à l’éjection (voir Chapitre 5, Détermninants de la fonction systolique, La
postcharge).
 Impédance aortique liée à la pulsatilité : Zao = Pression instantanée / flux instantané ; vu les
difficultés de ce calcul, peut être remplacée par : Zao = Pression pulsée / volume systolique. La
pression pulsée (PP) ou pression différentielle est la différence PAsyst – PAdiast
 Résistances périphériques fixes : RAS = (PAM – PVC) / DC.
 Onde réfléchie : 10% de la postcharge du VG ; non quantifiable en clinique.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
71
 Compliance artérielle globale : Ca = VS / PP ; c’est l’inverse de l’impédance simplifiée.
 Physiologiquement, il existe une cinquième composante, la viscosité sanguine, mais celle-ci
n’entre pas dans le calcul de ces moniteurs, car elle est supposée rester normale et stable.
Le rapport entre les variations (Δ) de la pression pulsée (ΔPP) et celles du volume systolique (ΔVS)
peut indiquer l’état des RAS parce que la vasoplégie augmente les ΔVS davantage que les ΔPP
(rapport ΔPP/ΔVS bas), alors que la vasoconstriction augmente les ΔPP plus que les ΔVS (rapport
ΔPP/ΔVS > 1) [112a]. Le calculateur du moniteur en tient compte pour évaluer les RAS. Mais si
celles-ci se modifient significativement, l’appareil doit être ré-étalonné avec une thermodilution
transpulmonaire. De toute manière, la précision du DC calculé diminue considérablement si les RAS
sont très basses ou très élevées.
La technique de PiCCO™, qui est utilisable chez les enfants, n'est guère moins invasive que le
cathétérisme pulmonaire mais plus rapide. Le PiCCO™ et la VolumeView™ nécessitent une voie
centrale et la pose d’un cathéter spécial dans une artère de grande taille telle la fémorale ou
l'humérale ; le calibre de l’artère radiale est en général trop faible pour l'accepter. La méthode a été
bien validée par rapport à la Swan-Ganz pour la mesure du débit cardiaque (r = 0.91) [226,238] et par
rapport à la technique de double dilution pour la mesure de l'EPEV [239]. Le biais est de l’ordre de
0.16 L/min [226]. Le PiCCO mesure le débit cardiaque systémique et non pulmonaire ; il n’est pas
fiable en cas d’anévrysme de l’aorte thoracique (surestimation du VSIT) ni en cas de clampage de
l’aorte thoraco-abdominale. D’autre part, il ne permet pas de mesurer la SvO2.
Pour l’évaluation de la volémie, la technique du PiCCO offre deux avantages [215].
 Le VtdG est un indice de remplissage adéquat quel que soit le mode de ventilation (contrôlée,
assistée, spontanée, PEEP) ; il n’est pas dépendant de la compliance des cavités cardiaques,
contrairement aux mesures de PVC et de PAPO [176] ;
 Les variations du VS avec la ventilation mécanique est un indice dynamique de la volémie
plus pertinent que les mesures statiques, mais restreint aux malades sous respirateur [15,178] ;
la valeur prédictive pour l’hypovolémie et la réponse au remplissage est d’autant meilleure
que les patients sont plus hypotendus [48].
Le LiDCO™
Une technologie sensiblement différente permet d'analyser la courbe artérielle à partir d'un cathéter
normal (LiDCO™). L’algorithme évalue la totalité de la courbe artérielle, et non sa seule portion
systolique [164]. L’étalonnage est effectué par dilution transpulmonaire au moyen d’une injection de
0.2 mmol de lithium dans une veine périphérique et par un prélèvement dans l’artère au moyen d’une
petite pompe et d’une électrode Li-sensible ; vu la toxicité du lithium, l’étalonnage ne peut pas être
répété plus de 10 fois en 24 heures [123]. La courbe de dilution au Li est une manière très précise de
calculer le débit cardiaque (r = 0.96) [123]. La corrélation du DC continu mesuré au LiDCO avec celui
du PiCCO est excellente (r = 0.94) [208]. La corrélation avec la débitmétrie électromagnétique
aortique (r = 0.95) est même meilleure que celle de la Swan-Ganz (r = 0.87) [134]. Comme le lithium
injectable n’est pas disponible sur le marché dans de nombreux pays occidentaux, l’application
clinique de cette technologie, pourtant excellente, est limitée. Le LidCOrapid™ est une variante qui ne
réclame pas de calibration externe mais s’étalonne par référence à un algorithme interne comme le
FloTrac/Vigileo™.
Le FloTrac/Vigileo™
Pour éviter les problèmes de calibration et pour pouvoir utiliser un cathéter artériel standard, le
FloTrac/Vigileo™ s’auto-étalonne au moyen d'un algorithme d'autocorrélation basé sur la pulsatilité
de la courbe artérielle. Celle-ci est calculée en utilisant la déviation standard de l’onde de pression
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
72
artérielle sur 20 secondes (échantillonnage à 100 Hz) et un coefficient (κ) représentant la compliance
(Ca) et les résistances artérielles (RAS). Ce coefficient est basé sur l’âge, la taille et le poids du
malade à partir de données sur la compliance et l’élasticité aortique de cadavres [140]. Il est également
fondé sur une opération mathématique renouvelée toutes les minutes et tenant compte de la pression
moyenne, du déplacement relatif de la courbe vers la droite ou la gauche (obliquité des pentes) et de
son aplatissement (curtose) [161,162,162a]. La 3ème génération de l’appareil contient en mémoire des
tracés de patients avec des RAS très basses ou très hautes et leurs DC correspondants ; elle peut ainsi
partiellement tenir compte des variations de résistance et de compliance artérielles dans son calcul du
débit [273a]. Le calcul lui-même est une propriété industrielle non publiée.
Les premières évaluations cliniques ont révélé une corrélation satisfaisante mais variable entre la
mesure du DC par FloTrac™ et celle par thermodilution : r = 0.66, [33], r = 0.74 [30], r = 0.85 [197].
Les biais sont de l’ordre de 0.26 L/min. L’appareil affiche une certaine association avec la valeur de la
pression artérielle moyenne, et des résultats sensiblement différents selon que le site de mesure est
l’artère radiale ou l’artère fémorale (biais 0.55 L/min) [162,247]. Il tend à surestimer les bas débits et
sous-estimer les débits élevés, mais lit un DC anormalement haut lorsque les RAS augmentent
rapidement [30], ou trop bas lorsqu’elles s’abaissent avec un vasodilatateur [162]. Des
perfectionnements de l’algorithme et la mémorisation de tracés vasoplégiques ou vasoconstrictés (3ème
génération) ont permis d’améliorer la corrélation avec les mesures de thermodilution (r = 0.92, biais
0.19 L/min) dans la plage normale du débit cardiaque [165,265a], où le pourcentage d’erreur est de
15-34% [166,247], mais l’appareil reste peu performant lors des situations hémodynamiques extrêmes
(vasoplégie, hypovolémie) [162a,167,273a]. Sous hautes doses de vasopresseur, l’erreur est de 27.9%,
même avec l’algorithme de 3ème génération [174a]. Le FloTrac/Vigileo™ reste très sensible à la forme
de la courbe artérielle et perd sa fiabilité en cas de sténose aortique serrée, d’insuffisance aortique
sévère, de shunt (cirrhose hépatique) ou de contrepulsion intra-aortique, parce que la forme de la
courbe est trop anormale pour qu’il puisse l’interpréter correctement [158,167]. Il est utile et fiable
pour tracer les variations du DC liées aux modifications de la volémie (taux de concordance 85-96%)
pour autant que les résistances artérielles se maintiennent dans une fourchette normale, car il perd sa
précision en cas de vasoplégie ou de vasoconstriction (taux de concordance 23-60%) [265a,273a].
Le ProAQT™ Pulsioflex
Ce système analyse la forme de la courbe artérielle en temps réel comme le PiCCO mais à travers
n’importe quel cathéter et sans calibration externe. Il fournit une évaluation du VS et du DC ; il
calcule les variations de pressions pulsée et de volume systolique, et il estime un index des résistances
artérielles et de la contractilité [216a]. Bien que partiellement évaluée, la précision de ses mesures est
plutôt décevante : le coefficient de corrélation avec la thermodilution oscille entre 0.5 et 0.7 selon que
les variations sont liées aux résistances artérielles (r = 0.53) ou à la volémie (r = 0.73). L’appareil suit
correctement les variations du DC liées à la précharge, mais sa lecture en valeur absolue est peu fiable
[184].
Le système ClearSight™ (anciennement Nexfin™)
Par analogie avec celle de la courbe de pression artérielle, l’analyse de la courbe de photopléthysmographie d’un doigt au moyen d’une manchette à pression miniaturisée et de LED
infrarouges permet d’évaluer le débit cardiaque (Figure 6.33). Les trois composantes vasculaires de la
compliance, de l’impédance et de la résistance périphérique sont estimées d’après l’âge, le genre, la
taille et le poids du patient ainsi que par l’analyse en continu de la pression artérielle. Le volume
systolique est alors calculé en divisant la surface sous la courbe systolique du pulsemètre par la
l’impédance/résistance artérielle globale calculée par l’algorithme [216a]. L’avantage principal est de
disposer d’un moyen d’apprécier le débit cardiaque de manière totalement non-invasive et de pouvoir
suivre les variations du volume systolique en IPPV pour la détection précoce de l’hypovolémie. Mais
le système présente des faiblesses majeures : inexactitude en cas de haut ou de bas débit, sensibilité à
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
73
l’état de vasoconstriction ou de vasoplégie artérielle, meilleure capacité à estimer les variations du DC
que la valeur réelle de celui-ci [241b].
Volume artériel
A
Volume artériel
Pression manchette
Pression manchette
mmHg
Pression de manchette
constante (open-loop)
Volume artériel
constant (closed-loop)
Manchette à
pression
B
Phalange
Artères digitales
Emetteur
infra-rouge
Détecteur
Figure 6.33 : Mesure continue non-invasive de la pression artérielle (Volume clamp method) et du débit
cardiaque (système ClearSight™) par photo-pléthysmographie digitale. A : La manchette miniaturisée qui
entoure le doigt est gonflée de manière à maintenir en permanence le volume de l’artère identique ; dès lors, la
pression enregistrée dans la manchette est celle de l’artère en continu (d’après Peñáz J, Voigt A, Teichmann W.
Contribution to the continuous indirect blood pressure measurement. Z Gesamte Inn Med 1976 ; 31 :1030-3). B :
Le système ClearSight™ comprend deux capteurs digitaux, qui enregistrent chacun la pression en continu et
analysent la surface sous la courbe de photopléthysmographie, analogue à une courbe de pulsoxymétrie. Ils
fonctionnent en alternance de manière à éviter une ischémie du doigt. Une source de lumière infra-rouge
détermine en permanence le volume de l’artère et en tire la courbe de photopléthysmographie. Le volume
systolique est calculé en divisant la surface sous la courbe systolique du pléthysmographe par
l’impédance/résistance artérielle globale calculée par l’algorithme de la machine sur la base de la pression
artérielle. Un repère électronique connecté au doigt et placé au niveau du cœur sur la cage thoracique permet
d’ajuster la mesure de pression en fonction de l’éventuel déplacement de la main et maintient les valeurs
correspondant au niveau de référence malgré les mouvements.
Le système esCCO™
La mesure du temps de transit entre l’ECG et l’onde de pouls pléthysmographique (ECG-SpO2)
permet d’estimer le DC si l’on connaît la relation entre celui-ci et la compliance artérielle : le temps
s’allonge lorsque le débit cardiaque baisse. Cette dernière est évaluée par l’analyse de la pression
pulsée (sphygmomanomètre) et par les données du patient (âge, sexe, taille et poids). Le système
actuellement sur le marché (esCCO™, Nihon-Kohden) est toutefois peu performant. Son degré de
concordance avec la mesure de référence du DC est de 0.61-0.63, et le pourcentage d’erreur de 4954% [8]. Le biais est lié principalement aux résistances artérielles périphériques.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
74
Analyse du contour de la courbe artérielle
La surface sous la courbe artérielle systolique est proportionnelle au volume systolique (VS). Après
étalonnage par thermodilution transpulmonaire (PiCCO™), dilution d’un traceur (LiDCO™) ou
algorithme de calcul (FloTrac Vigileo™), elle permet de calculer le VS et le débit cardiaque.
L’appareil doit être recalibré en cas de variation des RAS.
La thermodilution transpulmonaire et l’analyse de la courbe artérielle du PiCCO™ permet en outre de
calculer le volume télédiatolique global du cœur, le volume sanguin intrathoracique et l’eau
pulmonaire extravasculaire. Mais le PiCCO™ nécessite un cathéter spécial (voie fémorale) et une voie
veineuse centrale.
Le LiDCO™ s’étalonne par injection de lithium (voie périphérique) et s’accomode d’un cathéter
artériel standard. La toxicité du lithium limite le nombre d’étalonnages par 24 heures.
Le FloTrac Vigileo™ s’auto-étalonne au moyen d'un algorithme d'autocorrélation et ne réclame aucun
cathétérisme particulier (cathéter standard par voie fémorale ou radiale). Toutefois, il tend à surestimer
les bas débits et sousestimer les débits élevés ; il surestime de DC si les RAS augmentent et le
sousestime lorsqu’elles baissent. Il est peu fiable lors de vasoconstriction prononcée ou de vasoplégie.
Le système ClearSight™ utilise le principe de la surface sous la courbe pour analyser celle de la
pléthysmographie digitale et en déduire le DC de manière non-invasive, mais il est très sensible aux
variations de résistances artérielles et reste peu précis en-dehors d’une hémodynamique normale.
Tous les systèmes déduisant le débit cardiaque de la surface sous la courbe artérielle sont sensibles
aux RAS et à la compliance vasculaire. Ils doivent être ré-étalonnés lorsque celles-ci se modifient. En
cas de variations extrêmes des RAS (vasoplégie, vasoconstriction intense, CPIA), seul le cathéter
pulmonaire donne des valeurs fiables.
Réinspiration partielle de CO2
Basé sur le principe de Fick, le NICO™ utilise la technique de la réinspiration partielle de CO2. Le
débit cardiaque est proportionnel au changement du CO2 éliminé divisé par le changement simultané
de la PCO2 expirée. Le principe de Fick stipule que le débit de sang à travers les poumons est égal au
rapport entre la prise ou l'élimination d'un gaz (V) et la différence en concentration de ce gaz entre le
sang rentrant (Cv) et le sang quittant (Ca) les poumons. Pour le CO2, l'équation est la suivante:
DC = VCO2 / (CvCO2 - CaCO2)
où:
DC : débit cardiaque
VCO2 : élimination de CO2
CvCO2 : concentration veineuse mêlée centrale
CaCO2 : concentration artérielle
Le débit cardiaque est supposé rester le même pendant une période de ventilation normale et pendant
une courte période avec reventilation partielle (R):
DC = VCO2 / (CvCO2 - CaCO2) = VCO2 R / (CvCO2 R - CaCO2 R)
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
75
Le changement en CaCO2 est mesuré par les modifications induites dans la pression télé-expiratoire de
CO2 (PetCO2) ; le flux de gaz est mesuré par un capteur de débit respiratoire (tube de Pitot); la CaCO2
est égale à la CetCO2 corrigée par le facteur de dissociation du CO2; la CvCO2 est supposée stable
pendant les mesures, donc peut être éliminée de l'équation. La valeur du débit cardiaque étant égal
dans les deux situations avec et sans réinspiration, celui-ci est donc proportionnel à:
DC = VCO2 - VCO2 R / CaCO2 - CaCO2 R
DC = DVCO2 / DCetCO2
Pour calculer le contenu alvéolaire en CO2, l'appareil utilise la formule:
CaCO2 = (6.957 [Hb] + 94.864) • log (1.0 + 0.1933 PaCO2)
La correction pour un éventuel shunt est calculée à partir de la FiO2 et de la SpO2 par les graphiques
de Nunn [24]. L'effet shunt est supposé stable pendant la durée des mesures. Le système consiste en
une valve et un circuit de réinspiration ajoutés sur le circuit respiratoire du ventilateur; le système
contient un capteur de CO2 et un flux-mètre respiratoire. La technique comporte trois périodes. Après
60 secondes de respiration normale où sont estimées la PetCO2 et la production de CO2 (VCO2) (phase
1), une valve de réinspiration est automatiquement ouverte pour introduire une boucle de réinspiration
dans le circuit pendant 50 secondes (phase 2), et la différence de VCO2 et de PetCO2 est mesurées. La
fermeture de la valve réintroduit les conditions standards (phase 3, durée 70 secondes). La valeur du
débit cardiaque est affichée toutes les trois minutes.
Le système est simple et non-invasif puisqu’il interpose une tubulure sur le circuit respiratoire d’un
malade intubé. Il renouvelle la mesure de débit cardiaque toutes les 3 minutes. Les conditions
ventilatoires doivent être stables : volume courant 10 ml/kg, fréquence respiratoire 8-12 cycles/min et
PetCO2 35-40 mmHg [95]. La technique perd sa validité en cas de BPCO, de très haut ou de très bas
débit cardiaque, et lors de laparoscopie [196]. Le DC est sous-estimé en cas de large différence entre
la PetCO2 et la PaCO2 [95]. La comparaison avec les mesures de la Swan-Ganz est satisfaisante (biais
0.3 L/min), mais le NiCO™ a tendance a sous-estimer le débit cardiaque [94]. Bien qu’elle soit
correcte (r = 0.88) [23,196], la corrélation avec les mesures classiques de débit cardiaque est
insuffisante pour assurer la prise en charge des patients en chirurgie cardiaque avec ce seul monitorage
[179].
NiCO
Basé sur le principe de Fick, le NICO™ utilise la technique de la réinspiration partielle de CO2 montée
sur le circuit respiratoire du ventilateur. Le débit cardiaque est proportionnel au changement du CO2
éliminé divisé par le changement simultané de la PCO2 expirée : DC = VCO2 / (CvCO2 - CaCO2).
Le NICO est tombé en désuétude, mais le principe de Fick appliqué au CO2 continue à être investigué
comme méthode de mesurer le débit cardiaque de manière automatique et semi-continue. La dernière
en date utilise des séries itératives de tests pendant lesquels la ventilation alvéolaire et l’élimination de
CO2 sont contrôlés par élévation et maintien de la PeCO2 à 10 mmHg au dessus de sa valeur de départ.
En calculant la PiCO2 nécessaire à stabiliser la PeCO2 au moyen de l’équation de Fick, on peut
calculer le débit cardiaque par approximations successives. Lorsque les valeurs obtenues par
répétitions itératives du test se stabilisent, le DC calculé peut être considéré comme la valeur réelle du
débit cardiaque [129a]. Ce système n’a pas encore d’application clinique.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
76
Doppler oesophagien (DOe)
Il est possible d'enregistrer en continu le flux sanguin dans l'aorte descendante au moyen d'une
échographie Doppler par voie transoesophagienne. Le capteur Doppler est monté à l’extrémité d’une
petite sonde introduite par la bouche jusqu’au niveau D5-D6 (35-40 cm depuis l’arcade dentaire)
(Figure 6.34A). Lorsqu’il est dirigé vers l’aorte descendante, le capteur y enregistre la vélocité
sanguine. Pour calculer le DC, il mesure le volume systolique (VS), qui est égal au produit de la
section de l’aorte et de l’intégrale des vélocité du flux (ITV) :
VS (cm3) = Sao (cm2) • ITV (cm)
où :
Sao : surface transversale de l’aorte descendante
ITV : intégrale des vélocités, ou distance parcourue pendant le temps d’éjection dans
un cylindre idéal de même diamètre ; c’est la moyenne spatiale des vélocités sur toute
la surface de section du vaisseau (∫Vao(t)dt), ou le produit de la vélocité (cm/s) et du
temps(sec).
Figure
6.34 :
Doppler
oesophagien. A : sonde
d'échographie Doppler en
place
dans
l'oesophage
moyen, tournée en direction
postérieure
vers
l'aorte
descendante. B : Le faisceau
Doppler analyse le flux
aortique sous un angle (θ) de
45° à 60° dont le cosinus
rentre dans le calcul de
l’équation Doppler. Cette
équation permet de calculer la
vélocité du flux (V) par la
modification de la fréquence
des ultrasons enregistrés (Δf)
par rapport à la fréquence
émise par la sonde (f0) ; "c"
est la vélocité des ultrasons
dans le milieu ambiant (1'540
m/s).
Sonde
oesop
h
θ
Flux
Aort
e
Faisceau Doppler
Equation Doppler :
V = (c • Δf) / 2 (f0 • cos θ)
A
B
Le diamètre de l’aorte descendante est connu par un nomogramme en mémoire dans l’appareil ; sa
valeur est fonction de l’âge, du poids et de la taille du patient. Un modèle mesure le diamètre réel de
l’aorte au moyen d’un capteur TM adjoint au capteur Doppler. L’équation Doppler (voir Chapitre 25,
Echocardiographie Doppler) permet à l’appareil de mesurer l’ITV en corrigeant pour l’angle de lecture
entre le faisceau d’ultrasons et le flux dans l’aorte (45°) (Figure 6.34B). Comme ce Doppler analyse le
flux après le départ des vaisseaux de la gerbe aortique, il ne représente que les deux tiers du volume
éjecté; un facteur de correction (x 1.3) est introduit dans les calculs pour obtenir le débit cardiaque
global [27]. L'impossibilité de connaître l'anatomie de l'aorte limite l'application de cette technique
aux patients dont le status vasculaire thoracique est normal. Il existe trois modèles sur le marché :
HemoSonic100™, CardioQ™ et Waki TO™ [284a]).
L'affichage spectral du flux aortique donne plusieurs renseignements (Figure 6.35) :
 Vélocité (Vmax) du flux systolique ;
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
77
 Durée d’éjection (durée du flux) Téj ; elle est corrigée pour la fréquence cardiaque par
multiplication avec la racine carrée de l’intervalle RR ;
 Volume systolique : VS = 1.3 • (Sao • ITV) ;
 Débit cardiaque (DC = VS • FC) ; il est calculé en continu ;
 Pente ascensionnelle du flux (dV/dt, accélération moyenne du flux, indice de performance
systolique) ;
 L’information conjointe de la pression artérielle permet de calculer les RVS ;
 L'ECG simultané permet de calculer les Systolic time intervals.
A
B
Ejt
Hypovolémie
C
Dysfonction VG
Vmax
ITV
dV/dt
Figure 6.35 : Affichage spectral d’enregistrements du flux dans l'aorte. A : hémodynamique normale. ITV :
intégrale des vélocités, équivalant de la surface sous la courbe du flux. Ejt : durée de l’éjection. Vmax : vélocité
maximale du flux. dV/dt : pente ascensionnelle du flux. B : enregistrement en hypovolémie; la pente
ascentionnelle est raide car l'éjection du VG est rapide, la surface de la courbe est étroite et la durée du flux
raccourcie, car le volume systolique est bas. C : image du flux lors de dysfonction du VG; la pente
ascentionnelle est faible, la vélocité globale diminuée, la courbe très élargie et la durée du flux allongée,
traduisant l'éjection ralentie et le bas volume systolique du VG dysfonctionnant.
En fonction de la forme et de l’évolution de l’image spectrale du flux aortique, il est possible
d’apprécier les modifications de la volémie, de la fonction ventriculaire et des résistances artérielles
[246].

Une baisse de fonction inotrope se traduit par une diminution de la Vmax, de la pente
ascentionnelle du flux (dV/dt) et de la surface sous la courbe (ITV) ; la durée d’éjection (Téj)
est allongée (valeur normale : 250-350 msec) ;
 Une hypovolémie provoque une diminution de la durée d’éjection (Téj) et un rétrécissement
de la surface sous la courbe (ITV) ; la Vmax est normale ou légèrement modifiée ;
 Une augmentation des résistances diminue la Vmax et la durée d’éjection, mais redresse la
pente ascentionnelle ;
 Aucune mesure n’est spécifique de la volémie, de la résistance artérielle ou de la contractilité ;
le diagnostic est basé sur la combinaison des différentes variables et de leur évolution.
Cette technique a été très utilisée pour guider l'administration liquidienne peropératoire (Goal-directed
fluid administration) en visant un maintien du volume systolique dont elle permet un bon suivi, même
si la précision en valeur absolue est discutable (voir Monitorage de la volémie) [80]. Des aliquots
liquidiens (cristalloïdes ou colloïdes) sont administrés dès que le VS diminue de plus de 10% ; la
restitution est répétée jusqu’à ce que l’addition liquidienne ne provoque plus d’augmentation du VS
parce que le malade est sur la partie plate de sa courbe de Starling. Cette prise en charge a permis une
réduction du séjour hospitalier et de la morbidité postopératoire [1], et même une diminution de
mortalité chez des polytraumatisés [40].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
78
La corrélation des mesures avec les valeurs de thermodilution est modeste : la variation est de 3.3 à
5.0 L/min (médiane 4.2 L/min) [57,145,246]. La sensibilité est meilleure pour les DC élevés (97%)
que pour les DC bas (71%) [27]. Bien que facile à maîtriser, la technique demande une courbe
d’apprentissage d’une douzaine de patients [145]. Sa valeur tient essentiellement à la possibilité de
suivre l’évolution hémodynamique d’un patient, car les mesures fournies sont modérément fiables en
valeur absolue. Elle est insuffisante comme seule technique de mesure du débit cardiaque pour assurer
la prise en charge des patients en chirurgie cardiaque [118].
Le DOe souffre de quatre sources d’erreurs majeures [246] :

L’image du flux dépend étroitement de la position de la sonde, qui doit viser l’aorte dans son
plus grand diamètre.
 L’imprécision sur le diamètre aortique, qui est estimé de manière aveugle puisqu’il n’y a pas
d’image échocardiographique de l’aorte descendante ; les mesures ne sont pas fiables en cas
de pathologie aortique (anévrysme, sténose, athéromatose, tortuosité, etc).
 L’aorte est pulsatile et change de dimension entre la systole et la diastole ; une erreur sur
l’évaluation du rayon est élevée au carré lors du calcul de la surface.
 Le DOe suppose un rapport fixe entre le flux supra-aortique (tête et membres supérieurs) et le
flux infrathoracique, ce qui n’est pas le cas en cas de choc hémorragique, de vasoplégie ou de
clampage de l’aorte abdominale. Il surestime le DC en cas d’anesthésie combinée à cause du
flux excessif dans la partie inférieure du corps qui est vasodilatée [141].
Le DOe est donc un instrument utile pour le suivi d’un patient dont les conditions de base ne sont pas
significativement modifiées. Il perd toute valeur en cas de clampage aortique ou de contre-pulsion
intra-aortique.
Echocardiographie
L’échocardiographie transthoracique (en soins intensifs) ou transoesophagienne (en peropératoire)
permet de calculer le débit cardiaque de manière peu invasive selon plusieurs méthodes. La plus
utilisée est le calcul du volume systolique par le produit de l’intégrale des vélocités (ITV) du flux
aortique et de la surface d’ouverture en systole ; la mesure se fait dans la chambre de chasse du VG ou
à travers la valve aortique : VS (cm3) = ITV (cm) x SAo (cm2) (voir Figure 6.54 et Chapitre 25 Volume
systolique et débit cardiaque). Cependant, cette mesure est lente, complexe et peu précise [19].
D’autre part, elle est ponctuelle et inadaptée à un suivi continu. Elle ne peut en aucun cas remplacer un
appareil dédié à la mesure du débit cardiaque comme le cathéter pulmonaire ou le PiCCO. Par contre,
l’échocardiographie est le meilleur moyen de quantifier la fonction ventriculaire droite ou gauche, et
d’évaluer les pathologies valvulaires ou myocardiques ; elle est également très performante pour le
diagnostic différentiel de l’hypotension réfractaire et de l’hypovolémie.
Doppler oesophagien
Un capteur placé dans une sonde oesophagienne mesure le flux dans l’aorte descendante. Le volume
systolique est : VS (cm3) = Sao (cm2) • ITV (cm) où ITV est l’intégrale des vélocités aortiques. Le
système permet de calculer le VS, le DC, la durée d’éjection, la Vmax du flux et son accélération.
L’affichage de l’image spectrale du flux aortique illustre les modifications de la volémie, de la
performance ventriculaire gauche et des résistances artérielles. Cet appareil est fréquemment utilisé
pour gérer l’administration liquidienne en fonction des modifications du VS.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
79
La bio-impédance/bio-réactance électrique du thorax
Après la commercialisation de plusieurs appareils aux prestations peu convaincantes, l’industrie a
produit de nouveaux algorithmes d’analyse des ondes d’impédance et de nouvelles modélisations de la
cage thoracique, aboutissant à une technologie plus performante pour la mesure non-invasive du débit
cardiaque au moyen de simples électrodes fixées sur le thorax. L’impédance électrique à l’intérieur du
thorax varie en fonction du volume de sang qui s’y trouve. Ses variations étant dues essentiellement au
modifications systolo-diastoliques du volume de l’aorte, on peut en déduire le débit dans cette
dernière, pour autant qu’on dispose d’un cathéter artériel. La concordance du système ECOM™ avec
la thermodilution conventionnelle est modeste (r = 0.74) [62] et l’erreur moyenne supérieure à 40%
[171,241a].
La bio-réactance représente le décalage de phase dans le voltage transthoracique, qui ne dépend que de
la pulsatilité du flux aortique et permet ainsi de le mesurer (NICOM™). Sa valeur est moyennée sur
une minute [162a]. Toutefois, sa marge d’erreur sur le débit cardiaque voisine 50% [241a]. L’effet de
la ventilation sur la précision de cette technique est significatif.
Un certain nombre de conditions altèrent les mesures par impédance électrique du thorax: coagulation,
pace-maker, frissons, épanchement pleural, oedème pulmonaire, drains thoraciques, et autres
situations dans lesquelles le signal électrique chemine préférentiellement à travers des solutions
électrolytiques plutôt que par les structures vasculaires du thorax. D’autre part, les mesures deviennent
moins fiables en cas de haut débit cardiaque et d’arythmies. Cette technique est peu populaire et n’a
jamais vraiment « décollé » en anesthésie, car les résultats sont inconsistants en salle d'opération ou
chez les patients instables [24,162a,241a].
Mesures de l’oxygénation tissulaire
Chaque patient nous offre un accès direct à sa perfusion périphérique: il suffit d’observer les
extrémités, les muqueuses ou les conjonctives. Palper les mains, sentir leur température et leur
moiteur, regarder leur coloration et leur vitesse de recoloration après compression, évaluer la couleur
des lèvres ou des ongles, sont autant de manières rapides et toujours disponibles d’apprécier
l’oxygénation tissulaire. Après ce premier examen, on peut envisager diverses méthodes quantitatives.
La tonométrie gastrique (pHi)
La tonométrie gastrique a été développée pour évaluer le degré de perfusion de la muqueuse digestive,
qui est particulièrement sensible à la réduction du flux sanguin; cette sensibilité en fait une excellente
sentinelle de l’hypoxie tissulaire. La technique consiste à introduire une sonde gastrique munie d’un
ballon en silicone perméable au CO2 et rempli de NaCl; le CO2 de la muqueuse gastrique va
s’équilibrer avec le contenu du ballon en 30 à 60 minutes; la pression partielle de CO2 est ensuite
mesurée dans le NaCl retiré du ballon. En cas d’hypoxie, le CO2 est produit en excès, parce qui les
ions [H+] libérés par le métabolisme anaérobie sont tamponnés par le bicarbonate tissulaire [280]. Le
concept de cette tonométrie repose sur trois hypothèses:
 Le CO2 diffuse librement entre la muqueuse et le ballon ;
 La PCO2 intraluminale est en équilibre avec la PCO2 intratissulaire ;
 La concentration en bicarbonate [HCO3-] est la même dans le sang et dans la muqueuse.
Ces préalables ne sont pas remplis en cas d’ischémie digestive massive, d’acidose systémique
profonde (pHa < 7.1) ou de perfusion de bicarbonate. L’administration d’antihistaminiques H2
perturbe la mesure et donne des pHi anormalement bas. Dans les situations habituelles, l’équation de
Henderson-Hasselbach offre la possibilité de calculer le pH intramuqueux (pHi):
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
80
pHi = 6.1 + log (HCO3- / a • PCO2)
où :
a est le coefficient de solubilité du CO2 dans le plasma (a = 0.03).
La mesure du pH intramuqueux (pHi) présente une valeur pronostique pour la morbidité et la mortalité
des patients en état critique [168]. Après chirurgie majeure, par exemple, le taux de complications est
significativement plus importants lorsque les patients ont un pHi < 7.32 que lorsque les valeurs sont
supérieures à 7.32 [190]. La mortalité est de 37% dans un groupe de patients postopératoires de
chirurgie générale lorsque le pHi est inférieur à 7.3, mais reste de 0% lorsqu’il est en-dessus de cette
valeur [99]. Dans une étude prospective, le pHi s’est révélé être le meilleur discriminant entre les
malades à bon pronostic et ceux qui sont décédés [96]. Seules quelques études ont évalué l’impact de
cette mesure sur la thérapeutique; après chirurgie cardiaque, l’administration liquidienne règlée de
manière à maintenir le pHi > 7.32 a diminué le taux de complications postopératoires [190]; une
tendance similaire a été retrouvée dans une série de 260 malades de soins intensifs [97]. La valeur de
PCO2 intramuqueux semble être une variable plus spécifique que le pHi en cas de choc septique; le
pHi, qui reflète partiellement l’acidose métabolique systémique, est une mesure plus sensible mais
moins spécifique [78]. Corroborées au taux de lactate circulant, ces mesures sont d’excellents
marqueurs de l’état de la perfusion organique, mais ne permettent pas la rapidité d’intervention des
mesures hémodynamiques directes.
Bien que peu invasive, la tonométrie gastrique est une mesure lente (temps d’équilibration de 30 à 90
minutes), qui demande beaucoup de précision et de rigueur de manipulation; malgré son coût
relativement bas, elle est mal adaptée à la situation très instable du bloc opératoire. Des évolutions
techniques laisent entrevoir la possibilité de mesures plus rapides.
 Une mesure continue de la PCO2 intramuqueuse est possible en adaptant à une sonde
nasogastrique le sytème de capteur à fibre optique utilisé pour la mesure continue dans le sang
artériel (Paratrend™); il n’y a plus de délai de lecture [130] ;
 Une technique d’analyse infrarouge continue dérivée des analyseurs de gaz expirés fournit une
mesure de PCO2 toutes les cinq minutes si l’on remplace la NaCl du ballon par de l’air [240].
La saturation cérébrale en O2
La spectroscopie infrarouge (NIRS, Near-InfraRed Spectroscopy) permet la mesure locale de la
saturation de l'hémoglobine en oxygène (ScO2) au niveau des hémisphères cérébraux (voir
Spectroscopie infrarouge et Figure 6.79). Les valeurs affichées sont très voisines de la saturation
veineuse cérébrale (SjO2) parce que les 75% du sang cérébral sont dans le réseau veineux, 20% dans le
réseau artériel et 5% dans les capillaires. La valeur normale à l’état éveillé oscille entre 60 et 75%
[195] ; elle diminue de 78% chez l’enfant à 67% à partir de 60 ans [65]. Bien que l’évolution du
chiffre soit plus significative que sa valeur absolue, une ScO2 inférieure à 50% est clairement
anormale. Il existe souvent une légère asymétrie entre les deux hémisphères, mais l’apparition d’une
nouvelle asymétrie de > 10 points est pathologique.
La ScO2 est modifiée par les conditions circulatoires locales (ischémie, embolie, clampage), mais ces
changements sont unilatéraux. Comme les altérations hémodynamiques modifient la ScO2 de manière
diffuse et homogène, la diminution est bilatérale et sysmétrique ; de ce fait, la ScO2 est un excellent
monitorage de l’oxygénation tissulaire puisqu’elle baisse lorsque l’extraction cérébrale d’O2 augmente
[52,201].
 La ScO2 s’abaisse avec le débit cardiaque et lui est directement corrélée [159] ; si les
conditions locales sont inchangées, une chute de la ScO2 traduit une dysfonction systolique du
VG avec une corrélation modeste (r = 0.74) [201].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
81
 La ScO2 baisse avec une augmentation de la pression veineuse (stase veineuse, PEEP,
Trendelenburg), puisque la pression de perfusion cérébrale est égale à : PAM – Pjug ; la ScO2
tend à diminuer en cas d’insuffisance diastolique.
 La valeur de la ScO2 préopératoire traduit le degré de dysfonction cardiopulmonaire (r =
0.77) ; lorsqu’elle est < 50%, elle est un facteur de risque indépendant de la mortalité à 30
jours et à un an après pontage aorto-coronarien [108a].
 La ScO2 s'élève en hyperoxie, en hypercapnie (augmentation de l’apport d’O2 et vasodilatation
cérébrale) et en hypothermie (baisse du métabolisme et de la libération d'O2 par l'Hb) [277].
 La ScO2 diminue avec une hémodilution comme en début de CEC, ou avec une hémorragie
(baisse de l’Hb).
 Dans les arrêts circulatoires hypothermiques, la ScO2 permet de juger de la tolérance du
cerveau à l’ischémie. A 20°C, la désaturation est d’environ 1%/min ; à 36°C, elle est de
20%/min [55].
En cours d’intervention, on cherche à maintenir la ScO2 entre 65% et 75%, et à éviter une chute de
plus de 20% par rapport à la valeur de base. Lorsqu’elle baisse en dessous de ces limites, il faut
prendre des mesures immédiates pour améliorer la perfusion cérébrale : augmenter la pression
artérielle et/ou le débit de CEC, éviter l’hypocapnie, diminuer la température cérébrale (hypothermie <
32°C), augmenter l’hématocrite. La vitesse de modification de la ScO2 a autant de valeur que le chiffre
atteint ; plus la chute est rapide, plus la situation est grave et demande une correction accélérée de la
pression artérielle. Le maintien rigoureux de la perfusion cérébrale en suivant l’évolution de la ScO2
tend à diminuer l’incidence d’AVC et de troubles neuro-cognitifs mais aussi d’insuffisance multiorganique postopératoires ; de plus, la durée d’hospitalisation est liée à l’importance de la désaturation
cérébrale peropératoire (OR 2.71) [52,188a]. La ScO2 fonctionne donc comme un excellent moniteur
de l’oxygénation tissulaire.
La SvO2 et la SvcO2
La saturation veineuse mêlée (SvO2) mesurée dans l’AP par un cathéter de Swan-Ganz et la saturation
veineuse centrale (SvcO2) mesurée en PVC par un cathéter veineux situé dans l’OD ou la VCS sont
des indices indirects de l’oxygénation tissulaire globale de l’organisme. La différence artério-veineuse
de la SO2 correspond à l’extraction tissulaire d’O2, qui est en moyenne de 25% (de 10% dans les reins
à 60% dans le myocarde). La SvcO2 est une donnée plus aisée puisqu’elle ne nécessite qu’un cathéter
court. Sa valeur normale (73-82%) est en moyenne 5% supérieure à celle de la SvO2, sauf si
l’extrémité du cathéter est située dans l’OD en regard du sinus coronaire, auquel cas elle est plus basse
[278a].
Oxygénation tissulaire
La tonométrie gatsrique montre que le taux de complications organiques augmente lorsque le pHi est
< 7.32.
La saturation de l'hémoglobine en oxygène au niveau du cerveau (ScO2) est modifiée de manière
diffuse, homogène et sysmétrique par les altérations hémodynamiques, ce qui en fait un excellent
monitorage de l’oxygénation tissulaire puisqu’elle baisse lorsque l’extraction cérébrale d’O2
augmente. Valeur normale : 65-75%.
La SvO2 Swan-Ganz) et la SvcO2 (PVC) traduisent le degré d’adéquation entre le débit cardiaque et
les besoins tissulaires globaux en oxygène.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
82
Bien qu’elles ne soient pas équivalentes, ces deux mesures varient parallèlement et identifient toutes
deux le point où le transport d’O2 devient insuffisant par rapport aux besoins de l’organisme (voir
Rapport DO2/VO2). Elles sont notamment très utiles pour les points suivants.
 Détermination du seuil de transfusion ;
 Indication de souffrance tissulaire en cas d’hypovolémie ou de bas débit cardiaque ;
 En cas de sepsis, indication d’hypoxie tissulaire (SvO2 < 60%) ou de mésutilisation de l’O2
(SvO2 > 90%) ; une SvO2 élevée peut être également due à un shunt artério-veineux ;
 Evaluation du sevrage ventilatoire.
Avantages et limites des technologies
Les nouvelles technologies décrites ci-dessus permettent une quantification continue du débit
cardiaque (DC) et une bonne évaluation de ses variations instantanées. Les systèmes d’analyse du
contour de la courbe artérielle détectent les modifications du DC plus rapidement que la Swan-Ganz à
débit continu, qui opère sur plusieurs cycles cardiaques. De ce fait, la corrélation entre les deux
méthodes est meilleure en situation hémodynamiquement stable qu’en période d’instabilité. Par
ailleurs, l’analyse de la courbe artérielle est davantage influencée par le cycle respiratoire en
hypovolémie.
Toutefois, la mesure du volume systolique (VS) est plus intéressante que celle du DC, parce qu’elle
n’est pas corrigée par la fréquence cardiaque. En effet, l’organisme maintient le DC stable sur une
grande plage de VS différents par le truchement de modifications de la fréquence ; le DC est donc une
valeur spontanément corrigée, alors que le VS est une valeur primaire directement influencée par la
précharge et la performance systolique du VG. Sa variation est très utile pour suivre l’évolution de la
volémie en cours d’intervention. D’autre part, le DC n’est pas une mesure de fonction ventriculaire,
mais un paramètre réglé par rapport aux besoins métaboliques de l’organisme. Sa valeur résulte de la
performance systolique du VG, de la capacitance du lit vasculaire et de la volémie. Son adéquation
aux besoins peut être surveillée par la SvO2/SvcO2 et la qualité de la perfusion tissulaire par la ScO2.
Avantages et limites
Le volume systolique est une mesure primaire, alors que le DC est corrigé par la fréquence cardiaque.
L’indication à la mesure du DC est restreinte aux situations où celle-ci apporte la réponse à une
question spécifique et modifie de ce fait la thérapeutique en fonction d’un protocole de soin.
Malgré ses imperfections, la mesure du VS et du DC par thermodilution (Swan-Ganz) reste la mesureétalon en clinique ; de plus, la Swan-Ganz permet la mesure de la PAPO (adaptation des perfusions en
hypervolémie) et de la SvO2 (adéquation du DC aux besoins de l’organisme). Les systèmes moins
invasifs de type PiCCO permettent le suivi des variations du VS et de ses oscillations avec les ΔPit de
l’IPPV (indice dynamique de volémie). Les systèmes pléthysmographiques non-invasifs Comme la
SvO2 , la SvcO2 et la ScO2 mesurent l’adéquation de l’oxygénation tissulaire, mais de manière noninvasive.
Alors que le cathéter pulmonaire mesure le débit du cœur droit, les systèmes d’analyse de la courbe
artérielle évaluent celui du cœur gauche. Le premier est donc indiqué en cas de pathologie du VD et de
la circulation pulmonaire ; les deuxièmes sont plus pertinents dans les pathologies systémiques mais
perdent de leur précision dans les situations de vasoplégie (sepsis) ou de vasoconstriction extrême
(hypovolémie). Les systèmes pléthysmographiques non-invasifs sont résevés aux interventions
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
83
mineures chez les malades à risque [216a]. De toute manière, la mesure du DC et du VS n’ont de sens
que dans le cadre d’une prise en charge dirigée en fonction d’un protocole de soin visant à normaliser
la volémie, la postcharge et la contractilité (goal-directed fluid adminisitration) (voir Monitorage de la
volémie). Il y a peu d’évidence dans la littérature pour démontrer l’impact de la mesure routinière du
débit cardiaque si elle n’est pas accompagnée d’un algorithme thérapeutique.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
84
Surveillance hémodynamique
Monitorage de la volémie
Les variations de volume circulant sont fréquentes et rapides en salle d’opération. Leur surveillance
est une fonction prioritaire du monitorage. L’anesthésiste pose habituellement le diagnostic
d’hypovolémie sur la conjonction de plusieurs critères:
 Tachycardie (sauf en cas de chute brusque et isolée de la précharge: le réflexe de BezoldJarish induit une bradycardie); sous anesthésie générale, la tachycardie est moins prononcée
qu’à l’état d’éveil ;
 Hypotension artérielle systémique (systolique, diastolique et moyenne) ;
 Diminution de la pression différentielle (PAdiff) ou pression pulsée (PP) : PAs – PAd (pulsus
parvus et celer) ;
 Aspect étroit et pointu de la courbe de pression invasive ;
 Accentuation des variations respiratoires de la pression artérielle ;
 Hypotension artérielle pulmonaire ;
 Pression veineuse centrale basse (PVC, PAPO et Pcap basses) ;
 Oligo-anurie.
Malheureusement, aucun de ces éléments n’est pathognomonique de l’hypovolémie. D'autre part, le
patient sous anesthésie générale ou loco-régionale rachidienne subit une sympathicolyse importante
qui diminue sa réactivité à la chute du volume circulant et qui augmente la dépendance de la pression
artérielle vis-à-vis de la précharge du cœur : il se place sur la partie basse et très verticale de la courbe
de Starling (Figure 6.36). Comme il n’existe pas de mesure-étalon de la volémie en clinique, on ne
peut parler que d’adéquation du volume circulant aux besoins de l’organisme, mais non de valeur
absolue de la volémie. La volémie adéquate est celle qui permet d'assurer un débit cardiaque et une
pression artérielle adaptés aux circonstances (voir Chapitre 4 Besoins liquidiens).
Figure 6.36 : Courbe de FrankStarling. Elle traduit la relation entre
l’augmentation de la précharge (Ptd ou
Vtd) et l’augmentation correspondante
de
la
performance
systolique
(augmentation du volume systolique).
Elle comprend une partie gauche
ascendante où de petites variations de
remplissage (ΔP) se traduisent par de
fortes variations de volume systolique
(ΔVS) ; c’est le cas de l’hypovolémie.
La partie droite est caractérisée par un
genou à partir duquel la courbe
devient un plateau : le VS maximal est
atteint et toute augmentation ultérieure
de remplissage ne se traduit plus que
par une aiugmentation de la pression
veineuse centrale.
Volume
systolique
Genou et
plateau
ΔVS
Phase de
recrutement
ΔP
Pression ou volume télédiastolique
© Chassot 2012
Le coeur interagit avec le volume circulant par le biais de la précharge, qui est la force de distension
appliquée sur le ventricule en fin de diastole et que l'on peut évaluer par la pression (Ptd) ou le volume
(Vtd) télédiastoliques. La pression de remplissage d'une cavité cardiaque dépend de plusieurs facteurs.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
85
 Le volume circulant lui-même : l’hypovolémie diminue le Vtd.
 La compliance de la cavité : la courbe pression/volume des ventricules est curvilinéaire. A bas
volume, les variations de Vtd ne se traduisent que par de très faibles variations de Ptd (Figure
6.16). La dysfonction diastolique élève et redresse la courbe de compliance ; au même volume
correspond un pression plus élevée ; un insuffisant diastolique peut être sévèrement
hypovolémique avec une PVC et une PAPO normales [103,276].
 Le status des grandes veines centrales : la veinoconstriction élève le gradient de pression
commandant le retour vers l’OD alors que la veinodilatation stocke le volume en périphérie.
En respiration spontanée, la pression abdominale et le diaphragme agissent comme une pompe
qui augmente gradient de pression entre la veine cave inférieure (VCI) et l'OD en inspirium
(Figure 6.37) [278]. La curarisation abolit cet effet.
 La pression intrathoracique (Pit) : son augmentation par la ventilation en pression positive
provoque un déplacement de volume de l'intérieur vers l'extérieur du thorax : le volume
sanguin intrathoracique diminue de 17% alors que le volume sanguin extrathoracique
augmente de 28% [305]. Simultanément, la PVC et la PAPO augmentent de 15 et 25%
respectivement : la pression de remplissage s’élève alors que le Vtd diminue. Les variations
respiratoires du flux artériel en IPPV constituent les indices dynamiques (voir ci-dessous).
 La contraction auriculaire: elle permet une augmentation de la Ptd sans augmentation de la
pression auriculaire moyenne. Normalement, elle n’ajoute que 20% du volume de remplissage
ventriculaire, mais elle devient cruciale lors de dysfonction diastolique, où son apport peut
s'élever jusqu'à 50%.
 La tachycardie abaisse le Vtd en diminuant le temps de remplissage; ce phénomène est surtout
sensible lors de dysfonction diastolique (défaut de relaxation ou de distensiblité).
Pabd
Patm
Pvf
Pit
P
it
Volume
splanchnique
Volume
périphérique
VCI
V
CI
Ao
POD
VD
VG
Pcf
© Chassot 2012
Diaphragme
Figure 6.37 : Variations de la pression abdominale et retour veineux cave inférieur. La pression critique de
fermeture (Pcf) est fonction de la pression dans la veine cave inférieure (VCI) et de la pression qui l'entoure
(pression abdominale Pabd); la veine collabe lorsque la Pcf est atteinte, et le retour veineux à l'OD cesse
momentanément. Le volume périphérique représente le réseau veineux en amont de l'abdomen (membres
inférieurs, etc). Le volume splanchnique représente le réseau veineux intra-abdominal mésentérique, porte, cave
inférieur, etc. PVF: pression en veine fémorale. Lorsqu’il se contracte, le diaphragme agit comme une pompe qui
comprime l’abdomen (Pabd ↑) mais diminue la pression intrathoracique (Pit ↓) : le flux par la VCI est augmenté
à chaque inspirium spontané [278]. Avec la curarisation, ce phénomène est perdu ; non seulement la pression
d’amont de la VCI (Pabd) n’augmente plus, mais la pression d’aval (Pit) s’élève à l’inspirium de l’IPPV. Le flux
par la VCI diminue d’autant.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
86
PVC et PAPO
Bien qu'on l'utilise trop souvent dans ce but, la pression mesurée en PVC ou en PAPO a une faible
corrélation avec le volume de l'OD et de l'OG, respectivement. Elle n'est pas corrélée au volume
télédiastolique du ventricule (r = 0.3-0.5) [119,132,163,199,285]. Elle n'est pas corrélée non plus à
l'augmentation du débit cardiaque après un test de charge [132]. En hypovolémie, les mesures de
pression ne sont pas représentatives du volume de remplissage pour quatre raisons.
 La courbe curvilinéaire de la compliance des chambres cardiaques est très plate en
hypovolémie : les variations de pression sont quasi-inexistantes par rapport aux variations de
volume (Figure 6.16).
 L’hypovolémie diminue principalement le volume contenu dans les grandes veines centrales
(vaisseaux de capacitance), dont les parois souples collabent aisément ; la pression enregistrée
ne correspond plus à celle de l’oreillette mais à celle qui règne à l’intérieur du thorax. Le
poumon passe en zone II de West (Figures 6.26 et 6.27) à chaque inspirium de ventilation en
pression positive, et la PAPO ne représente que la pression alvéolaire [281].
 Une tachycardie > 110 battements/min téléscope les ondes auriculaires a et v ; l'OG se
contracte contre une mitrale en voie de fermeture. La PAPO surestime la PtdVG (Figure 6.25).
 La ventilation en pression positive (IPPV) augmente la pression moyenne intrathoracique
(Pit) ; la curarisation abaisse la pression abdominale (perte du tonus musculaire) et supprime
la pompe diaphragmatique (compression abdominale et dépression intrathoracique
simultanées) [278]. Le retour veineux par la VCI est diminué, alors que la PVC mesurée est
augmentée parce que la Pit s’est élevée (Figure 6.37).
En hypervolémie, au contraire, la situation est toute différente.
 La courbe de compliance est redressée, donc chaque variation du volume de précharge se
traduit par une variation correspondante (mais non linéaire) de la pression.
 La pression dans les veines centrales est plus élevée que la pression ambiante, le poumon reste
en zone III de West ; la PAPO correspond à la POG puisque la colonne de sang est
ininterrompue.
 La PAPO et la Pcap mesurent la pression vasculaire péri-alvéolaire et surveillent efficacement
le risque d’extravasation liquidienne interstitielle. Leur mesure est essentielle pour guider le
remplissage dans la population dont la Pcap est élevée (stase gauche, maladie mitrale), dont la
perméabilité capillaire est altérée (sepsis, SDRA, SIRS) ou dont la circulation pulmonaire est
pathologique (BPCO, HTAP). Cette mesure permet d’éviter la surcharge pulmonaire.
Le cathéter pulmonaire de Swan-Ganz et la PVC sont donc de mauvais moyens diagnostiques de
l’hypovolémie, mais d’excellents guides dans l’administration liquidienne parentérale en cas
d’hypervolémie. Tout au plus, les modifications de la PVC lors de changements de la pression
intrathoracique peuvent être un critère d’hypovolémie : une augmentation de PVC ≥ 2.5 mmHg lors de
l’installation d’une PEEP de 10 cm H2 O est corrélée (r = 0.77) à une réponse positive du DC au
remplissage vasculaire [82a].
La thermodilution transpulmonaire nécessaire à étalonner le PiCCO™ permet d’évaluer le volume
sanguin intrathoracique (VSIT) et le volume télédiastolique global (VtdG) du coeur, qui sont des
mesures pertinentes de la précharge cardiaque. Tous deux suivent adéquatement le remplissage tel
qu’on peut le contrôler par la mesure de la StdVG à l’ETO [111,176]. Même si elle peut être
automatisée, la mesure nécessite de réaliser une thermodilution transpulmonaire pour être fiable.
Courbe de pression artérielle
La surface sous la courbe de pression artérielle est proportionnelle au volume systolique. En cas
d’hypovolémie, cette surface se rétrécit : la silhouette de la courbe devient étroite et pointue (Figure
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
87
6.38). Cet aspect est important, car la tachycardie est freinée par la sympathicolyse de l’anesthésie
générale ou par le béta-blocage préopératoire ; dans ces conditions, le débit cardiaque chute
parallèlement au volume systolique. Cette modification de la courbe de pression se retrouve sur les
différents appareils qui analysent la pulsation artérielle par pléthysmographie et pulsoxymétrie.
Figure
6.38 :
Modifications du tracé
de la courbe artérielle
en fonction de la
volémie. A : Volume
systolique normal. B :
volume
systolique
diminué ; la courbe est
étroite et pointue.
A
B
© Chassot 2012
Indices de perfusion tissulaire
On peut juger la perfusion tissulaire par des indices tels que la couleur et la température de la peau des
mains (évaluation clinique), le taux de lactate, le pH, la saturation cérébrale ou musculaire en O2
(ScO2), la saturation veineuse centrale dans l’AP (SvO2) ou en PVC (SvcO2), la différence artérioveineuse en CO2, ou encore le débit urinaire. La Pv-aCO2 exprime l’équilibre entre la perfusion
tissulaire globale et l’activité métabolique de l’organisme ; elle se creuse lorsque la perfusion diminue
sans modification du métabolisme. Elle se mesure entre la pCO2 en PVC ou en AP et la pCO2
artérielle [112a].
Echocardiographie transoesophagienne (ETO)
La pertinence de l’ETO pour l’évaluation de la volémie est traitée en détail dans le Chapitre 25
(Evaluation de la volémie). L'examen ETO offre un certain nombre d'indices d’hypovolémie, qui
peuvent se classer en quatre catégories.
 Indices dérivés de l’examen bidimensionnel : la diminution des dimensions (diamètres,
surfaces, volumes) des cavités cardiaques est un indice indépendant de leur compliance ; s’y
ajoutent l’élévation de la fraction d'éjection, la flaccidité des parois et l’accentuation des
oscillations cardiogènes du septum interauriculaire due au fait que les oreillettes sont
relativement vides. L’hypovolémie est probable dans les conditions suivantes (Figure 6.39)
[41,234,264,286] :
• Diamètre télédiastolique (Dtd) court-axe du VG < 2.5 cm/m2 ;
• Oblitération télésystolique de la cavité du VG;
• Surface télédiastolique (Std) du VG < 5 cm2/m2 ;
• Surface en court-axe de la veine cave supérieure < 1 cm2/m2 ;
• Fraction d'éjection supranormale : elle tend vers 1.0 lorsque le Vts tend vers zéro ;
• Faseyement ample du septum interauriculaire (SIA) avec double bascule en
systole et en diastole à chaque cycle cardiaque (Figure 6.40);
• Les dimensions ventriculaires sont d’excellents indices de suivi du même patient
mais n’ont que peu de valeur en temps que mesures isolées de la volémie (r = 0.60.75) à cause des grandes variations dans la taille des cavités cardiaques.
 Indices dérivés des flux de remplissage à l'examen Doppler (flux dans les veines pulmonaires
et la valve mitrale) (Figure 6.41) : comme ils dépendent du gradient de pression, ils sont
tributaires de la pression intrathoracique et de la compliance des chambres cardiaques et sont
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
88
indissociables de la fonction diastolique. Ils ne permettent d’évaluer la POG que si celle-ci est
élevée au dessus de la norme ; ils n’ont pas de valeur pratique pour la mesure de
l’hypovolémie. Cette remarque est la même que pour la PVC et la PAPO
25
B
A
StdVG
2
(cm )
Dysfonction VG
20
C
15
Fonction VG normale
Déficit en vol circ (%)
0.0
2.5
5.0
7.5
10.0
12.5
15.0
Figure 6.39 : Evaluation de la volémie à l'ETO par mesure de la surface télédiastolique du VG (StdVG en cm2)
en court-axe transgastrique. A : la relation entre cette surface et le déficit en volume lors d'hémodilution aiguë
est linéaire. En bleu: courbe chez des individus normaux; en rouge: courbe chez des insuffisants cardiaques
gauches [39]. B : dessin de la surface (traitillé bleu) n’incluant pas les muscles papillaires, diamètre de la cavité
du VG. C : rétrécissement de la cavité télésystolique en hypovolémie ou lors de vasoplégie.
100°
A
B
OG
FO
OD
1
C
OG
1
OD
2
2
3
3
Figure 6.40 : Oscillations de la membrane souple de la fosse ovale (FO) en fonction de la volémie à l’ETO. A :
positionnement du vecteur de mode TM en vue bicave rétrocardiaque mi-oesophage. B : déroulement dans le
temps des oscillations du septum interauriculaire. Flèche verte : contraction de l’OD avant celle de l’OG, l’onde
"a" droite précède l’onde "a" gauche. Flèche rouge : bascule du septum dans l’OG lors de la descente "x" ; quelle
que soit l’amplitude des oscillations, cet évènement est le plus important. Flèche jaune : bascule du septum dans
l’OG lors de la descente "y". C : les trois aspects du septum interauriculaire en fonction de la volémie. 1 : en
hypervolémie (PAPO 18 mmHg), le septum est tendu pendant tout le cycle cardiaque. 2 : en normovolémie
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
89
(PAPO 13 mmHg), le septum présente un renversement mésosystolique. 3 : en hypovolémie (PAPO 9 mmHg),
le septum faseye librement et amplement entre les deux oreillettes [234].
Figure 6.41 : effet de la volémie sur
les flux veineux pulmonaire (FVP)
et mitral. Comme la POG est basse en
hypovolémie, la composante systolique du FVP est élevée, puisque la
POG est sa pression d’aval (valve
mitrale fermée). Par contre, le flux
mitral E est faible car la POG est sa
pression d’amont (pression motrice).
La tachycardie fusionne les flux E et
A en une seule onde mésotélédiastolique. En hypervolémie, la
POG est haute ; la composante
systolique du FVP est freinée ; la
majeure partie du flux passe en
diastole, lorsque la mitrale est
ouverte et que le VG se relâche.
L’élévation de la POG augmente la
vélocité du flux E. La dysfonction
diatolique reproduit les mêmes
modifications des flux. L’image des
flux ne permet pas de dissocier les
effets de la volémie de ceux de la
fonction diastolique des ventricules.
Normal
Hypovolémie
Hypervolémie
Flux veineux pulmonaire
S
D
S
D
S
D
Ar
Ar
Ar
Flux mitral
A
E
E
A
A
E
Tachycardie
E
Fusion
E→A
A
© Chassot 2010
A
120°
B
0 m/s
VG
Ao
VD
1 m/s
Figure 6.42 : Flux aortique à l’ETO. A: Position du faisceau Doppler (trait rouge) à travers la valve aortique
dans une vue transgastrique profonde à 120°. B : La vélocité maximale (Vmax) du flux aortique est 0.98 m/s.
L’intégrale des vélocité par rapport au temps (ITV) est la distance parcourue pendant le temps d’éjection dans un
cylindre idéal de même diamètre que la valve ; c’est la moyenne spatiale des vélocités sur toute la surface de
section (∫t VAo(t)dt). Elle s’obtient en dessinant l’enveloppe de la courbe de flux (pointillé jaune) ; elle est
l’équivalent de la surface sous la courbe de pression artérielle ; elle est proportionnelle au volume systolique.
 Indices liés au flux d’éjection : vélocité, durée et surface spectrale du flux aortique (Figure
6.42).
 Indices dynamiques liés aux interactions cardio-respiratoires en IPPV : mouvements du
septum inter-auriculaire aux deux temps respiratoires, pulsatilité augmentée des veines caves,
variations importantes du flux aortique.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
90
Indices dynamiques
Chez les malades ventilés en pression positive (IPPV), on observe couramment que le degré de
respiro-dépendance de la courbe de pression artérielle reflète le déficit présumé du volume circulant.
Les variations de la pression artérielle en relation avec l’IPPV sont tributaires de deux phénomènes
(voir Figure 6.29).
 Au moment de l'inspirium en IPPV, le sang contenu dans le lit pulmonaire est chassé vers
l'OG, ce qui augmente la précharge du VG; de plus, celui-ci est comprimé de l’extérieur par
l’augmentation de la pression intrathoracique (Pit), ce qui facilite son éjection. Son volume
systolique s'accroît et la pression systolique mesurée en périphérie est plus élevée (Δup).
 Simultanément, l'élévation de la Pit freine le retour veineux vers l'OD, diminue la précharge
du VD et augmente sa postcharge ; le volume systolique droit baisse. Le temps de transit
pulmonaire entre le coeur droit et le coeur gauche étant de 3-5 cycles cardiaques, la précharge
du VG est diminuée dès que le faible volume systolique droit atteint l’OG; la pression
systolique baisse (Δdown).
Les variations hémodynamiques apparaissent au niveau du remplissage (volume des veines caves et
des oreillettes) et de l’éjection (volume systolique, vélocité du flux aortique, pression artérielle)
(Figure 6.43). Leur origine est liée à la position du ventricule sur la courbe de Frank-Starling (Figure
6.44). En hypovolémie, sur la partie verticale de la courbe (phase de recrutement), de petites variations
de remplissage se traduisent par de grandes variations de volume systolique ; les variations de Pit en
IPPV donnent naissance à d’amples variations de pression artérielle. Lorsqu’il est au plateau de la
courbe, au contraire, les variations ventilatoires disparaissent parce que les variations de remplissage
ne modifient plus le volume systolique ; seule la pression de remplissage augmente [79]. Deux
situations modifient la pente de la courbe de Starling (Figure 6.45).
Figure
6.43 :
Indices
dynamiques. A : Variations
ventilatoires de la Vmax du
flux aortique en vue
transgastrique profonde à
110° [86]. B : variation du
diamètre de la VCI
rétrohépatique
(vue
transgastrique 90° en mode
TM) ;
le
diamètre
maximum correspond au
pic de pression intrathoracique (Pit). P tube
OT : pression dans le tube
oro-trachéal
[71].
C:
variations du diamètre de la
veine
cave
supérieure
(VCS) (vue rétrocardiaque
bicave à 100° en mode
TM) ; la VCS diminue de
diamètre lorsque la Pit
augmente (flèche verticale). Image du haut :
normovolémie, image du
bas : hypovolémie [301].
A
C
VCS
P tube
OT
Veine cave
inférieure (VCI)
B
P tube
OT
P tube OT
 L’insuffisance systolique est caractérisée par une courbe aplatie dont la pente est faible ; elle
redescend même au-delà du genou ; les modifications de la précharge changent peu le volume
systolique : les variations ventilatoires de la pression artérielle sont absentes.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
91
 L’insuffisance diastolique présente une courbe très redressée : toute modification de précharge
a un retentissement marqué sur le volume éjecté ; l’augmentation de Pit (IPPV, PEEP) et la
perte de la pompe diaphragmatique (curarisation) effondrent le volume systolique et la
pression artérielle.
Figure 6.44 : Courbe de FrankStarling. En hypovolémie (A), le
VG est sur la partie verticale de la
courbe (phase de recrutement) : de
petites variations de remplissage
(ΔP) se traduisent par de grandes
variations de volume systolique
(ΔVS).
Les
variations
de
remplissage dues aux oscillations de
la Pit en IPPV donnent naissance à
d’amples variations de pression
artérielle. Lorsqu’il est au plateau de
la courbe (B), au contraire, les
variations ventilatoires disparaissent
parce que les variations de
remplissage (ΔP’) ne modifient plus
le volume systolique (ΔVS’) ; seule
la
pression
de
remplissage
augmente.
Figure 6.45 : Courbes de Frank-Starling
en cas d’insuffisance diastolique (en
vert) et d’insuffisance systolique (en
rouge) comparées à une courbe normale
(en bleu). Dans l’insuffisance diastolique
(A), la pente de recrutement est très
raide, le genou conduisant au plateau a
disparu. Une variation de remplissage se
traduit par une très grande variation de
volume systolique (VS). Ceci conduit à
une grande dépendance vis-à-vis de la
précharge et à une accentuation des
variations ventilatoires de la pression
artérielle. Dans l’insuffisance systolique
(B), la pente de recrutement est très
plate, le genou conduit à une redescente
de la courbe (baisse du VS par dilatation
ventriculaire sur surcharge). Une
variation de remplissage se traduit par
une minime variation de VS. La
dépendance à la précharge est faible ; les
variations ventilatoires de la pression
artérielle disparaissent.
B
Volume
systolique
ΔVS’
A
ΔP’
ΔV
S
ΔP
Volume télédiastolique
© Chassot 2012
Volume
systolique
Courbe
normale
ΔVS
A
ΔP
ΔVS
B
© Chassot 2012
ΔP
Volume télédiastolique
Il n’existe pas de mesure clinique de la volémie, et les pressions de remplissage ne représentent pas les
volumes de précharge à cause de la compliance curvilinéaire des cavités. De ce fait, il est habituel de
tester la validité d’une méthode destinée à évaluer l’hypovolémie par la réponse de la performance
systolique au remplissage. La réponse au remplissage (fluid responsiveness) est considérée comme
positive si le volume systolique, le débit cardiaque ou la pression artérielle augmentent de > 12-15%
après un test de charge de 5-10 mL/kg (voir ci-dessous : Tests de réponse au volume). On distingue
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
92
alors les patients répondeurs de ceux qui ne le sont pas. Les premiers sont hypotendus à cause d’une
hypovolémie, ce qui est le cas chez la moitié des patients en salle d’opération et en soins intensifs
[34a] ; les autres souffrent d’une autre cause d’hypotension.
Les indices dynamiques utilisés en clinique ne prédisent une réponse positive au remplissage que si
certaines conditions sont remplies [216].
 La fonction ventriculaire droite et gauche est normale (FE VG > 0.4).
 Les conditions de charge sont fondamentalement normales : absence de valvulopathie et
d’arythmie.
 Les variations de pression intrathoracique d’origine ventilatoire sont significatives ; pour cela,
les poumons doivent être normalement compliants et le volume courant élevé (8-12 mL/kg); la
transmission de la Pit est altérée en cas de SDRA et de compliance pulmonaire < 30 mL/cm
H2 O [50]. En ventilation protective à bas volume courant (6 mL/kg), les indices dynamiques
perdent leur fiabilité ; pour tester la dépendance du volume circulant, il faut momentanément
augmenter le volume courant à 8-10 mL/kg [224a].
 La ventilation est réalisée en pression ou en volume contrôlé [175,312] ; les indices
dynamiques habituels ne sont pas significatifs en respiration spontanée ou assistée [107].
 Le volume courant (8-12 mL/kg) et la fréquence respiratoire (< 25/min) ont des valeurs
spécifiques ; la PEEP est peu élevée, car une surpression intrathoracique tend à exagérer les
variations de VS et de PA.
 Le thorax est étanche ; les variations de la pression artérielle et du VS ne sont pas corrélées à
la volémie à thorax ouvert [219,220] ; par contre, la PVC et la PAPO ne sont plus influencées
par la Pit et deviennent plus fiables pour l’évaluation de la volémie lors de sternotomie ou de
thoracotomie.
 La pression abdominale doit être normale ; une surpression intra-abdominale atténue la
réponse artérielle à la ventilation mécanique [63].
 Les résistances artérielles (RAS) sont supposées rester normales et stables pendant la période
de mesure. Des RAS élevées ou effondrées amputent les indices de leur valeur discriminative ;
de plus, l’enregistrement non-invasif de la pulsatilité n’est souvent plus possible sous
vasoconstricteurs.
 La mesure est plus fiable si sa période de mesure est synchronisée avec le cycle du ventilateur
[35].
 En respiration spontanée, la compliance artérielle définie comme le rapport entre les variations
de la pression pulsée et celles du volume systolique (VPP/VVS) (voir Chapitre 5,
Déterminants de la fonction systolique, La postcharge) est un prédicteur valable (r = 0.91) de
la réponse au volume lorsqu’elle est > 1.15 [36].
Variations respiratoires de la pression artérielle et du volume systolique
Les variations de la pression pulsée (PP = PAs – PAd) et du VS liées à la ventilation sont normalement
inférieures à 13% et 10%, respectivement. Ces variations sont calculées selon la formule : ΔPP = 100
x ([PPmax - PPmin] / [PPmax + PPmin]/2) [224a]. La plupart des moniteurs récents de pression
artérielle et de débit cardiaque continu affiche automatiquement ces variations (Intellivue™,
PiCCO™, FloTrack™, etc). Les systèmes non-invasifs (ClearSight™, CNAP™, esCCO™, T-Line™)
sont particulièrement attractifs pour les cas de chirurgie noncardiaque à risque faible ou intermédiaire
et pour les cas d’endoscopie ou de radiologie interventionnelle où l’on hésite à poser un cathéter
artériel [241a].
L’hypovolémie place le malade sur la partie ascendante de la courbe de Starling (Figure 6.44), là où le
débit systolique du VG est très dépendant de son degré de remplissage. Les variations alternées de la
pression intrathoracique en IPPV induisent donc une oscillation respiratoire du volume systolique et
de la pression artérielle dont l’ampleur est proportionnelle au manque de volume circulant. Une
variation ventilatoire du volume systolique, de la pression systolique, de la pléthysmographie ou de la
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
93
pression pulsée supérieure à 15% signe en général une hypovolémie ; le coefficient de corrélation avec
une augmentation du débit cardiaque par administration liquidienne est respectivement de 0.84, 0.86,
0.89 et 0.94 [95a,163a,175,183a,312]. La mesure la plus performante est celle de la pression pulsée
(PP). Le rapport entre les variations (Δ) de la pression pulsée (ΔPP) et celles du volume systolique
(ΔVS) peut indiquer l’état des RAS parce que la vasoplégie augmente les ΔVS davantage que les ΔPP
(rapport ΔPP/ΔVS bas), alors que la vasoconstriction augmente les ΔPP plus que les ΔVS (rapport
ΔPP/ΔVS > 1) [112a]. La situation est en général claire lorsque la variation de la pression pulsée est >
15% ou < 9% ; dans la zone grise comprise entre ces deux valeurs, par contre, la situation est
indécidable (25% des cas) [34a].
En-dehors de la chirurgie cardiaque, la variation respiratoire de la pulsation artérielle peut être évaluée
avec autant d’efficacité (coefficient de corrélation : 0.9) par des techniques non-invasives comme la
photopléthysmographie (CNAP™, Finapres™, ClearSight™, voir Figure 6.33) [183a]. Un
appareillage simple (Masimo Set™) permet d’afficher sur le moniteur un index de variabilité
pléthysmographique de la SpO2 ; lorsque cette dernière est > 14%, la probabilité d’hypovolémie est
élevée [95a]. Ce système fonctionne correctement lorsque la pulsatilité est captée sur un doigt mais
non au lobe de l’oreille.
Variations ventilatoires des oscillations septales (ETO)
Lors de l'inspirium en pression positive, le retour veineux à l'OG est augmenté parce que les poumons
sont comprimés comme une éponge ; le volume et la pression de l'OG augmentent, alors que ceux de
l'OD diminuent à cause du faible retour veineux extrathoracique ; le septum interauriculaire (SIA) va
donc bomber de la gauche vers la droite. Au cours de l'expirium, la situation s'inverse, et le septum
retrouve sa place. En normovolémie, l’apport de volume à l’OG est suffisant pour que ce bombement
du septum efface les oscillations cardiogéniques (Figure 6.46), alors que celles-ci persistent en
hypovolémie. La durée des oscillations cardiogéniques du SIA pendant le cycle respiratoire permet
d'évaluer la valeur de la POG [135] :
 Septum tendu aux deux temps du ventilateur : POG > 16 mmHg ;
 Présence d’oscillations cardiogéniques à l’expirium mais disparition à l’inspirium du
ventilateur : normovolémie (POG = 12 mmHg) ;
 Persistance des oscillations cardiogéniques aux deux temps respiratoires : hypovolémie (POG
≤ 10 mmHg).
Inspirium
Figure 6.46 : Modification des
oscillations
cardiogéniques
du
septum interauriculaire lors de la
ventilation en pression positive.
L’apport de volume à l’OG lors de
l’inspirium du respirateur est
suffisant pour effacer les oscillations
du septum qui bombe dans l’OD en
normovolémie (A), mais insuffisant
en hypovolémie (B) ; dans ce cas,
les
oscillations
cardiogéniques
persistent aux deux temps de la
ventilation.
Expirium
A
B
En l’absence de valvulopathie mitrale ou tricuspidienne, la valeur prédictive positive est de 97%, la
sensibilité de 89% et la spécificité de 95% [135].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
94
Variations ventilatoires de l’éjection ventriculaire gauche
Les modifications respiratoires de l’éjection systolique gauche peuvent se mesurer par les variations
de différents paramètres : la pression artérielle systolique (PAs), la pression différentielle (PAdiff =
PAs – PAd, ou pulse pressure), le flux aortique (VmaxAo), le volume systolique (VS) et le débit
cardiaque (DC).
La variation ventilatoire de la PAs est la méthode la plus évidente et la plus utilisée spontanément :
une courbe artérielle respiro-dépendante signe une hypovolémie (Figure 6.29). Une baisse inspiratoire
de la PAs ou de la PAdiff > 15% ou > 12 mmHg par rapport à la PAs/PAdiff moyennes a une valeur
prédictive positive de 95% pour une réponse positive au remplissage [45,279].
 Comme elle est fonction de la Pit, la variation de la pression artérielle est proportionnelle au
volume courant (Figure 6.47).
 La PAs et la PAdiff sont directement proportionnelles au volume systolique, mais inversément
proportionnelles à la compliance artérielle [175]. Leurs variations n’ont une valeur prédictive
pour l’hypovolémie que si les RAS restent dans des valeurs normales ; lorsque la compliance
artérielle est très basse (artères calcifiées du vieillard, par exemple), on observe de fortes
variations de pression sans modification significative du volume systolique.
 Une fois la normovolémie atteinte, les ΔPAs disparaissent (Figure 6.48).
 Les variations ventilatoires de la PAdiff ont une valeur prédictive légèrement supérieure à
celles de la PAs [177].
 Il existe toutefois une "zone grise" située entre 9% et 13% de variation ventilatoire de la PA
qui ne permet aucune prédiction sur la réponse au remplissage [35a].
Une variation d’amplitude de l’onde pléthysmographique du pulsmètre de > 13% peut remplacer de
manière moins invasive celle de la surface sous la courbe artérielle ; elle permet une bonne prédiction
de la réponse au volume (sensibilité 80%, spécificité 90%) [34].
Figure 6.47 Test de réactivité
potentielle au remplissage chez un
patient ventilé en pression positive.
On programme 4 inspirations du
ventilateur à volume courant
croissant et l’on observe la pente
des variations engendrées sur la
pression artérielle systolique [205].
Une valeur de > 0.24 mmHg/cm
H2O prédit une réponse positive au
remplissage (augmentation > 15%
du débit cardiaque) avec une
sensibilité de 87% et une spécificité
de 83%.
20
Pression
respiratoire
(cm H2O)
10
Les systèmes de mesure du contour de la courbe artérielle (PiCCO™, LiDCO™, FloTrac™) peuvent
suivre les variations du volume systolique (VS) en fonction de l’IPPV et en rapporter la variabilité
selon la formule : ΔV (%) = (VSmax – VSmin) / VSmoy. L'importance des variations du VS est
inversement proportionnelle au volume de la précharge cardiaque ; plus la surface est respirodépendante, plus le patient est hypovolémique. Une ΔVS ventilatoire de > 10-12% a une valeur
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
95
prédictive positive de 90-95%, une sensibilité de 85-90% et une spécificité de > 90% pour une
augmentation du débit cardiaque par remplissage vasculaire (5%/100 ml) [15,177,218,279,312]. La
corrélation reste bonne pour un volume courant de seulement 7.5 mL/kg, mais uniquement à thorax
fermé, ce qui limite l’application en chirurgie cardiaque [220]. Le VS est plus sensible que le débit
cardiaque, car il est indépendant de la fréquence ; la tachycardie a tendance à amortir l’effet de
l’hypovolémie sur le DC [15,232].
Figure 6.48 : Variabilité de la
pression artérielle systolique en
ventilation en pression positive
lors d'hypovolémie. A : avant
remplissage. B : après 500 ml de
colloïde.
Une
variabilité
supérieure à 12 mmHg a une
valeur prédictive de 80% pour une
réponse favorable au remplissage
[45].
A
B
La vélocité maximale du flux aortique (VmaxAo) à l’ETO varie au cours du cycle respiratoire en
pression positive proportionnellement au degré de remplissage vasculaire (Figure 6.43A). Une
variation respiratoire du flux de ≥ 15% indique une hypovolémie et a une valeur prédictive positive
sur la réponse au remplissage, alors qu'une variation ≤ 10% prédit une non-réponse au volume
(sensibilité de 100% et spécificité de 89%) [72].
Une comparaison des différentes méthodes d’évaluation de l’hypovolémie par la réponse probable au
remplissage montre que leur valeur prédictive (en pourcent et en surface proportionnelle sous la
courbe ROC) est par ordre croissant (Figure 6.49) [163a] :






Pressions de remplissage (PVC-PAPO) : < 50%, ROC 0.55 ;
Surface télédiastolique du VG : < 68%, ROC 0.64 ;
Variations ventilatoires de la PAs : > 70%, ROC 0.72 ;
Variations ventilatoires du VS : > 70%, ROC 0.72 ;
Variations ventilatoires de la PAdiff : > 75%, ROC 0.0.78 ;
Variations ventilatoires des oscillations septales auriculaires : > 90%.
Variations ventilatoires du retour veineux (ETO)
Le diamètre et la surface de la veine cave supérieure intrathoracique (VCS), faciles à mesurer à l’ETO,
varient avec le cycle du respirateur en fonction du degré de remplissage de la veine (Figure 6.43).
Lorsqu’elle est peu remplie, la VCS collabe pendant l’inspirium de l’IPPV ; c’est l’équivalent d’une
zone II de West. Au contraire, elle maintient son diamètre en normovolémie parce qu’elle en zone III.
Si la surface de la VCS se modifie de plus de 40% au cours du cycle respiratoire, la POD est inférieure
à 10 mmHg [301]. La même observation peut être réalisée sur la veine cave inférieure (VCI) dans son
trajet intrahépatique. Pendant l’inspirium du respirateur, celle-ci augmente significativement de
volume en cas d'hypovolémie parce que les variations de la Pit sont plus importantes que la valeur de
la POD. En hypervolémie, les pressions de remplissage sont plus élevées que la Pit moyenne et la VCI
se modifie très peu avec le cycle ventilatoire [71].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
96
Sensibilité
ΔVS, FAo, SIA: > 0.90
1.0
Valeur prédict pos: > 90%
0.8
Δ PAs, ΔPAdiff: 0.78
Valeur préd pos: 80%
StdVG: 0.64
Valeur préd pos: < 70%
0.6
0.4
Courbes
ROC
0.2
PVC, PAPO: 0.51
Valeur préd pos: < 45%
1 - spécificité
0.0
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
Figure 6.49 : Courbes ROC (Receiving operator curve) traduisant le degré de spécificité et de sensibilité des
diverses méthodes pour évaluer l’hypovolémie (d’après réf 163a,175,178). La valeur prédictive positive est
indiquée en pourcent ; le degré de corrélation avec l’importance de l’hypovolémie est mesuré par la surface sous
la courbe ROC en proportionnalité avec la surface du quadrilatère dans lequel elle est incluse. La technique la
moins performante est la mesure des pressions de remplissage (PVC, PAPO). La mesure de la surface
télédiastolique du VG (StdVG) est meilleure, mais surtout adéquate pour le suivi du même patient. Les indices
dynamiques (Δ) sont certainement supérieurs, particulièrement les variations ventilatoires du volume systolique
(ΔVS), du flux aortique (ΔFAo) et des oscillations du septum interauriculaire (SIA).
Tests de sensibilité au remplissage (Fluid responsiveness)
Outre la variabilité ventilatoire du volume systolique et de la pulsation artérielle, il est possible de
procéder à quelques tests simples pour juger si un malade hypotendu est susceptible de répondre
positivement au remplissage vasculaire [95a,112a]. Ces tests ont l’avantage de rester performants
lorsque les indices dynamiques ventilatoires sont pénalisés par un défaut de compliance pulmonaire ou
un bas volume courant.
 Test de charge (fluid challenge) : administration de 5 mL/kg (300-500 mL) de cristalloïde en
une dizaine de minutes, ou de 1 mL/kg en 1 minute ; la réponse est positive si l’éjection du
VG augmente d’au moins 12% ou si les variations respiratoires de la PA disparaissent.
 L’occlusion télé-expiratoire (end-expiratory occlusion) : l’interruption du ventilateur pendant
15 secondes à la fin d’un cycle augmente momentanément le retour veineux et la précharge
ventriculaire ; le test est positif si la pression pulsée ou le volume systolique augmentent de
plus de 5%.
 L’élévation des jambes (passive leg raising) provoque une autotransfusion de 300-500 mL de
sang qui augmente le volume systolique de 10-12% après 30-90 secondes et fait disparaître
momentanément les variations respiratoires de la PA (PiCCO, FloTrac, Doppler oesophagien,
etc) ; l’avantage du test est sa réversibilité, car il n’y a pas d’apport liquidien externe. Le test
n’est pas fiable en cas de surpression intra-abdominale.
Il est normal que la précharge s’élève lorsqu’on fait un test de charge puisque le volume sanguin
veineux central représente 60-70% du volume circulant et fonctionne comme réserve en cas
d’hypovolémie. Une ascension de la PVC, de la PAPO ou du volume télédiastolique global (PiCCO)
n’est aucunement une preuve que le patient manquait de volume circulant. Si l’on dépasse la
normovolémie, par contre, il n’existe aucune protection contre l’hypervolémie car le compartiment
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
97
artériel n’as pas de réserve de compliance. Nous sommes relativement protégés contre l’hypovolémie,
mais nullement contre la surcharge, qui conduit rapidement à une extravasation intersticielle et à un
œdème. Un test de charge n’est donc indiqué que si la clinique suggère une hypovolémie. Il doit être
évalué par une amélioration du volume systolique (VS) ou d’un substitut tels le débit cardiaque, le flux
aortique ou la pression pulsée. Des multiples études sur la sensibilité au remplissage, il ressort que
seule la moitié des patients hypotendus répond favorablement à l’administration de liquide et que le
quart d’entre eux se situe dans une zone grise d’indécidabilité avec les différents critères de sensibilité
au volume dont nous disposons [34a].
Evaluation de la volémie
Quelques points sont essentiels pour évaluer correctement la volémie (voir Tableau 6.6) :
- Les indices indépendants de la compliance (StdVG, oscillations du SIA) sont préférables
pour suivre l’évolution du remplissage ;
- Les pressions de remplissage (PVC, PAPO) sont inadéquates pour diagnostiquer une
hypovolémie ;
- L’ETO est le moyen le plus rapide et le plus efficace pour faire le diagnostic différentiel
étiologique d’une hypotension ;
- Les indices dynamiques en IPPV (ΔPA, ΔPP, ΔVS, oscillations ventilatoires du SIA) sont
plus performants que les indices statiques (PA, VS, surfaces) ;
- Les indices dynamiques en IPPV sont de bons prédicteurs de la réponse au remplissage, mais
ne sont pas des mesures de la volémie ni de la précharge cardiaque ;
- La PVC et la PAPO sont essentielles pour régler le remplissage des malades en
hypervolémie (surcharge liquidienne, stase gauche, maladie mitrale).
Lorsqu’on met en relation la courbe de Frank-Starling et la courbe de compliance sur un même
graphique dont l’abscisse représente la précharge, on voit apparaître deux zones de configurations
différentes selon que l’individu est en hypovolémie ou en hypervolémie (Figure 6.50).
En hypovolémie, la courbe de Starling est très redressée et les variations de précharge se traduisent par
de fortes variations du volume systolique (phase de recrutement). La courbe de compliance est au
contraire très plate et la pression de remplissage varie peu avec le volume télédiastolique. Ce sont
donc les indices éjectionnels dynamiques (variations ventilatoire de la pression artérielle et du volume
systolique) ou les mesures indépendantes de la compliance (surfaces des cavités à l’ETO oscillations
du septum interauriculaire) qui sont les plus pertinentes.
En hypervolémie, la courbe de Starling s’est aplatie, alors que la courbe de compliance s’est
redressée ; la pression de remplissage varie significativement avec le volume de la précharge mais non
le volume systolique. Ce sont les pressions de remplissage (PVC, PAPO) fournies par la voie centrale
ou le cathéter pulmonaire de Swan-Ganz qui deviennent les plus utiles. D’autant plus qu’elles
permettent de gérer l’administration liquidienne en fonction de la pression qui règne là où le risque
d’oedème tissulaire est le plus important. Les malades en dysfonction ventriculaire ou souffrant d’un
syndrome de fuite capillaire se trouvent dans la situation de l’hypervolémie.
La technique la plus appropriée pour évaluer la volémie varie donc en fonction de celle-ci. Pression
artérielle, échocardiographie et cathéter pulmonaire sont complémentaires et offrent des performances
différentes selon que l’on est en hyper- ou en hypovolémie.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
98
Tableau 6.6
Indices d’hypovolémie en pratique clinique
 Cathéter artériel
•
Courbe étroite et pointue
•
Réduction de la surface sous la courbe
•
Hypotension artérielle (± tachycardie)
 PiCCO (ou autre système d’analyse de la courbe artérielle)
•
↓ volume systolique (VS)
•
↓ volume sanguin intrathoracique et Vtd total
 Cathéter central / Swan-Ganz
•
PVC et PAPO basses (non diagnostique)
•
PAP basse
 ETO
•
Parois auriculaires détendues
•
Réduction des dimensions télédiastoliques (S < 5.0 cm2/m2) et
télésystoliques (D < 2.5 cm/m2) du VG, oblitération télésystol
•
↑ fraction d'éjection (> 0.7)
•
↑↑ oscillations cardiogéniques du septum interauriculaire
 Indices dynamiques en IPPV (volume courant : 8-12 ml/kg)
•
↑ > 15% des variations respiratoires de PAs, PAdiff et VS
•
↑ variations respiratoires de S VCS et de D VCI
•
Oscillations du septum interauriculaire persistant aux deux temps
respiratoires
•
Variations > 15% de la Vmax du flux aortique
 Indices d’hypoperfusion
•
Oligo-anurie
•
Acidose, lactacidémie
•
↓ SvO2
•
↓ ScO2
•
↓ PetCO2
Gestion ciblée de la volémie
L'intérêt majeur de ces techniques de monitorage est de déterminer des stratégies de remplissage en
fonction de buts définis (Goal-directed fluid administration) et d’obtenir ainsi une optimisation du
remplissage. Le but d'une administration liquidienne dirigée (ALD) est de maintenir l’hémodynamique
juste en-dessous du genou de la courbe de Starling, en évaluant le moment où la pression artérielle se
stabilise (cathéter artériel), où le volume systolique cesse d'augmenter (Doppler oseophagien, PiCCO),
et où les signes échocardiographiques ne varient plus (faseyement du septum interauriculaire, flux
aortique, dimensions des oreillettes et des ventricules) en fonction du remplissage. Une variation
ventilatoire des indices dynamiques (PAs, PP, VS) supérieure à 15% traduit en général une
hypovolémie et laisse augurer une réponse positive au remplissage (5-10 mL/kg) [35a,95a,112a]. La
nature des liquides de remplacement est abordée dans le Chapitre 4, Besoins liquidiens.
Plusieurs études ont comparé l’effet de l’ALD sur la morbidité postopératoire en chirurgie abdominale
majeure [1,83], en orthopédie [263,300,307], en chirurgie cardiaque [125,170,191,210,266a] et chez le
polytraumatisé [40]. L’évaluation continue du volume systolique par Doppler oesophagien ou par
PiCCO sont les méthodes les plus couramment utilisées pour mesurer la réponse à l’administration
liquidienne, le but étant de maintenir le volume systolique maximal par addition d’aliquots d’environ
200 mL en sus des cristalloïdes de base pour l’entretien. Dans la majeure partie des cas, les patients du
groupe sous ALD ont reçu davantage de liquide que ceux du groupe contrôle, essentiellement des
colloïdes. Le séjour hospitalier est raccourci par l’ALD de 2 jours en chirurgie générale [80], de 4
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
99
jours en chirurgie cardiaque [191] et de 4-8 jours chez des personnes âges subissant des prothèses de
hanche [263,300]. La reprise du transit est accélérée, les nausées et les vomissements sont diminués ;
le taux de complications digestives (OR 0.29-0.42) et cardiovasculaires (OR 0.54-0.84) tend à
diminuer, particulièrement chez les patients à haut risque [4a,83]. L'adéquation de la volémie va se
répercuter sur celle du débit cardiaque. Ainsi, on peut maintenir la SvO2 > 70% en permanence,
preuve de l’adéquation du DC aux besoins de l’organisme [210]. Toutefois, aucune de ces études n’a
une puissance suffisante pour observer des différences de mortalité. Si la différence des perfusions
totales est assez grande entre régime restrictif et régime libéral (2-4 L), celle que l’on retrouve entre
groupe protocolé et groupe contrôle est assez faible dans les séries où l’on teste l’ALD (≤ 1 L) ; cela
tient au fait que la synchronisation du remplacement liquidien avec les pertes a probablement autant
d’importance que la quatité globale de liquide administré. Il existe également un piège
méthodologique : l’hémodilution induite par des quantités importantes de cristalloïdes baisse la
viscosité sanguine, ce qui diminue les résistances artérielles apparentes et augmente le retour veineux ;
l’augmentation de précharge et la baisse de postcharge influencent significativement le volume
systolique, qui a tendance à augmenter sans rapport avec la volémie réelle du patient. D’une manière
générale, aucun de ces essais cliniques ne prend en compte la fonction cardiaque du patient, car la
plupart du temps la dysfonction ventriculaire est un critère d’exclusion de l’étude.
Figure 6.50 : Les deux phases de
la courbe de Frank-Starling et de
la
courbe
de
compliance
déterminent
les
meilleures
techniques de monitorage. Ces
deux phases sont séparées par un
pointillé jaune vertical. A : A
gauche, en hypovolémie, ce sont
les
indices
éjectionnels
dynamiques
(variations
ventilatoire de la pression
artérielle et du volume systolique
VS) ou les mesures indépendantes
de la compliance (surfaces des
cavités à l’ETO, oscillations du
septum interauriculaire) qui sont
les plus pertinentes. B : A droite,
en hypervolémie, ce sont les
pressions de remplissage fournies
par la Swan-Ganz (PVC, PAPO)
qui deviennent utiles. En effet, la
relation précharge / volume
systolique est bien marquée
pendant la phase de recrutement
de la courbe de Starling, alors que
la relation pression / volume de
remplissage n’est significative que
pendant la phase de redressement
de la courbe de compliance.
Pression
ou
VS
A
B
Indices éjectionnels
dynamiques
(PA, PiCCO)
ETO
Pressions de
remplissage
(PVC, PAPO)
Swan-Ganz
Courbe de
Starling
ΔVS’
ΔP’
ΔVS
ΔP
ΔP
Courbe de
compliance
ΔV
Pression ou volume télédiastolique
© Chassot 2012
En chirurgie cardiaque, la crainte d'une surcharge hémodynamique pousse souvent à un régime
liquidien restrictif, dont le corollaire est un bas débit systémique, première cause de l'insuffisance
polyorganique postopératoire. L'ALD, basée le plus souvent sur le PiCCO, permet de déterminer et
d'individualiser le volume de retour veineux dont le cœur du malade a besoin pour assurer un débit
optimal. Il s'agit en fait d'une "restriction liquidienne dirigée" basée sur des indices de perfusion
organique et de transport d'O2 [73a]. Elle a d'autant plus d'impact que la situation du patient est plus
critique. Le but de la gestion liquidienne dirigée est de titrer la précharge pour, in fine, optimaliser le
transport d'O2 en périphérie. Elle prend tout son sens si elle se base sur une combinaison de données
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
100
(débit cardiaque, volume télédiastolique, volume systolique/pression pulsée et leurs variations
respiratoires, SO2 tissulaire ou veineuse), si elle porte sur une thérapeutique à la fois liquidienne et
catécholaminergique, et si elle s’étend de l’induction à la sortie des soins intensifs [85a]. Les quelques
études randomisées qui existent montrent une réduction significative du taux de complications
postopératoires (OR 0.33) et un raccourcissement moyen de 2 jours du séjour hospitalier, mais pas
d’effet sur la mortalité [6a].
La question du 3ème secteur
Les pertes liquidiennes peropératoires doivent être compensées pour éviter une hypovolémie
entraînant une hypotension artérielle et une chute du volume systolique. Elles sont liées à plusieurs
phénomènes souvent incorrectement appréciés et en général surcompensés par les perfusions [37a].
 Jeûne préopératoire ; il est en général bien toléré et n’entraîne pas d’hypovolémie ;
 Pertes insensibles peropératoires ; elles varient entre 0.5 et 1.0 mL/kg/h selon le type de
chirurgie ;
 Extravasation liquidienne ; la chirurgie majeure entraîne un déficit intravasculaire de 3-6 L,
proportionnel au traumatisme tissulaire (augmentation de 5-10% du contenu en eau des tissus
contus) ; il s’agit d’une translocation liquidienne vers le secteur intersticiel où elle provoque
un oedème ;
 Pertes de volume externes ; ce sont les pertes effectives : hémorragie, liquide dans le tube
digestif (iléus) ou le péritoine ;
 Baisse du tonus sympathique et vasoplégie liés à l’anesthésie ; leur compensation par du
volume est illogique, car les vasopresseurs sont plus adéquats.
Le 3ème secteur est une entité non-anatomique qui représente un secteur virtuel où est supposé
s’accumuler le liquide perdu depuis l’espace intravasculaire au cours des interventions chirurgicales.
Son existence n’a été démontrée que dans des conditions particulières (traceur au 35SO4, délai
d’échantillonnage court) ; elle a été infirmée ces dernières années avec des techniques plus
sophistiquées [29a]. L’hypothèse de ce 3ème secteur a été à l’origine d’un remplissage peropératoire
excessif par des cristalloïdes, qui se traduit par des oedèmes souvent massifs et par un excès pondéral
dont l’importance est directement proportionnel à la mortalité [158a]. Tant que la membrane capillaire
est intacte, la fuite ne concerne certes que l’eau et les électrolytes, mais lorsqu’elle est lésée par un
traumatisme, la chirurgie, l’ischémie, les endotoxines ou l’inflammation (SIRS postopératoire), la fuite
entraîne également les protéines plasmatiques [130a]. Le remplacement systématique de ces pertes
occultes par des cristalloïdes diminue la pression oncotique, ce qui tend à augmenter les fuites
intersticielles car les cristalloïdes diffusent dans tout le secteur extracellulaire, qui représente 3 L de
liquide intravasculaire et 12 L de liquide intersticiel chez un adulte [37a]. Le remplacement liquidien
donc doit être basé sur trois principes.
 Les cristalloïdes sont destinés à remplacer le débit utinaire et la perspiration ; cette dernière
représente en moyenne 0.5 mL/kg/h et s’élève jusqu’à 1 mL/kg/h en chirurgie abdominale
majeure.
 L’importance de la lésion capillaire étant proportionnelle à celle du traumatisme tissulaire,
seule une perfusion de colloïdes de troisième génération permet de maintenir la pression
oncotique intravasculaire et de retenir le volume dans les vaisseaux.
 La synchronisation du remplacement liquidien avec les périodes d’hypovolémie est capitale ;
le mérite des indices dynamiques de volémie et de l’administration liquidienne dirigée est
précisément d’assurer le maintien de la normovolémie de manière à peu près constante.
En chirurgie majeure, il est impossible d’éviter complètement la formation d’œdème intersticiel, mais
l’utilisation de colloïdes iso-oncotiques au lieu de solutions exclusivement cristalloïdes en diminue
considérablement l’étendue. D’autre part, l’ALD permet de suivre les besoins en volume circulant de
manière y subvenir sans retard.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
101
Gestion rationnelle de la volémie
Une variation ventilatoire des indices dynamiques (PAs, PP, VS) supérieure à 15% traduit en général
une hypovolémie et laisse augurer une réponse positive au remplissage (5-10 mL/kg).
L’administration liquidienne dirigée consiste à suivre les variations de volémie au moyen d’indices
dynamiques et à remplacer les pertes liquidiennes par des aliquots (3-5 mL/kg) de cristalloïdes ou de
colloïdes de manière à maintenir le VS optimal (correspondant au genou de la courbe de Starling).
Cette technique tend à diminuer les complications postopératoires et le séjour hospitalier.
Le remplacement liquidien est basé sur quatre principes :
- Suivi de la volémie au moyen d’indices dynamiques ;
- Synchronisation des perfusions avec les périodes d’hypovolémie ;
- Solutions cristalloïdes pour compenser le débit urinaire et la perspiration (0.5-1.0 mL/kg/h) ;
- Solutions colloïdes iso-oncotiques (3ème génération) ou cristalloïdes pour compenser les
pertes chirurgicales.
La chirurgie abdominale majeure se caractérise par des pertes liquidienne de 3-6 L, indépendamment
de l’hémorragie sanguine.
Le 3ème secteur est une entité virtuelle qui n’a probablement pas d’existence propre. Les lésions des
membranes capillaires entraînées par le traumatisme tissulaire, les endotoxines, l’ischémie et
l’inflammation laissent fuir l’eau, les électrolytes et les protéines plasmatiques vers le secteur
intersticiel. Leur remplacement par des solutions exclusivement cristalloïdes augmente l’importance
de l’œdème tissulaire.
En chirurgie cardiaque, une gestion liquidienne dirigée assure une hémodynamique adéquate avec le
minimum d’apport liquidien. Elle se base sur une combinaison de données (degré de remplissage à
l’ETO, débit cardiaque, volume systolique/pression pulsée et leurs variations respiratoires), elle porte
sur une thérapeutique liquidienne et catécholaminergique, et elle s’étend de l’induction à la sortie des
soins intensifs
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
102
Evaluation et monitorage de la fonction systolique ventriculaire gauche
La performance cardiaque est déterminée par six facteurs interdépendants: la contractilité, la
relaxation, la précharge, la postcharge, la fréquence et l’apport d’oxygène coronarien. Leur gestion
intégrée permet à l'organisme d'assurer une perfusion tissulaire adaptée aux besoins dans un vaste
ensemble de situations différentes. La contractilité, qui est la capacité inhérente du myocarde à se
contracter indépendamment des conditions de charge, est définie comme la force de raccourcissement
d’une fibre isolée par unité de temps. Aucune des mesures habituelles de la fonction systolique ne
permet d’apprécier cette contractilité myocardique de manière indépendante, car les mesures cliniques
ne sont jamais univoques, mais expriment la résultante d'interactions dynamiques gérées en
interdépendance. Le propos de ce chapitre sera donc d'examiner quels sont les moyens de se
rapprocher au plus près d'une quantification de la contractilité avec les techniques utilisées en clinique.
En salle d'opération ou en soins intensifs, on surveille des malades placés dans des conditions
particulières.
 L'anesthésie diminue le tonus sympathique central, la précharge, la postcharge, la fonction
ventriculaire et le traffic neuro-végétatif venant des barorécepteurs ;
 La ventilation en pression positive, avec ou sans PEEP, change le régime des pressions
intrathoraciques ;
 La pathologie des patients remodèle l'équilibre entre ces différents facteurs et diminue la
réserve fonctionnelle hémodynamique.
On peut classer les mesures de la fonction systolique en quatre catégories :
 Les indices éjectionnnels, qui sont dépendants des conditions de charge ; ce sont, par exemple,
la fraction d’éjection (FE), la vélocité du flux systolique ou le dP/dt de la courbe artérielle ;
 Les indices de la phase de contraction isovolumétrique, qui sont indépendants de la
postcharge, comme le dP/dt de l'insuffisance mitrale ou les intervalles de temps systoliques ;
 Les indices de travail, qui incorporent la postcharge, ou les indices de puissance, qui
incorporent le temps d’éjection ;
 Les indices incorporant des mesures de précharge (dimensions ventriculaires) et de postcharge
(pression artérielle), donc peu dépendants de ces deux conditions ; on peut citer le stress de
paroi (σ), l’élastance maximale (Emax) ou la puissance éjectionnelle maximale (PWR).
L’indice idéal pour l’usage clinique devrait être indépendant de la précharge, de la postcharge, de la
fréquence et de la géométrie du ventricule ; il doit être simple et robuste, et facile à utiliser en temps
réel.
Le débit cardiaque n’est pas une mesure de la fonction contractile du myocarde ; il évalue la résultante
de l’interaction entre les six facteurs qui déterminent la performance éjectionnelle, et vise une
adéquation avec les besoins métaboliques de l’organisme. C’est la raison pour laquelle la valeur
prédictive de la thermodilution (Swan-Ganz) pour la dysfonction ventriculaire gauche est inférieure à
30% [12,76]. L’adéquation du débit cardiaque peut se juger par le débit urinaire (> 0.5 mL/kg/heure),
l'équilibre acido-basique (excès de base, pH, lactacidémie), les échanges gazeux (PaCO2, PetCO2), la
saturation veineuse centrale en O2 (SvO2), le rapport DO2/VO2, la tonomètrie gastrique (pHi) ou la
saturation cérébrale en O2 (ScO2).
L’échocardiographie est certainement la technique de choix pour apprécier la contractilité parce
qu’elle offre la vision directe des cavitées cardiaques (Figure 6.51) et toute une série de mesures
précises de la fonction systolique. Mais c’est en combinant des données géométriques (surface,
volume) avec des données hémodynamiques (pression, flux) que l’on obtient le plus de
renseignements sur la fonction contractile du myocarde. En introduisant la notion de temps comme la
durée d’éjection, on peut calculer la puissance du ventricule, qui est équivalent au rapport travail /
temps (gm • cm / s), ou au produit "pression • débit" (gm/cm2 • cm3/s).
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
103
Figure 6.51 : Image
d'insuffisance ventriculaire. A: insuffisance
gauche; le VG est dilaté,
arrondi, l'OG est dilatée,
la valve mitrale ne
coapte pas correctement
car ses feuillets sont
retenus en dessous du
plan
de
coaptation
(traitillé) en systole par
la dilatation ventriculaire; les cavités droites
sont de taille normales.
B: situation similaire,
avec présence d’une
insuffisance
mitrale
restrictive. C et D :
insuffisance du VD;
l’OD et le VD sont
dilatés, alors que l’OG et
le VG sont comprimés ;
les septa interauriculaire
et
inter-ventriculaire
bombent en diastole dans
les cavités gauches.
OG
OG
Valve
mitrale
VD
VD
VG
A
VG
B
OG
OG
OD
OD
VG
VG
VD
VD
C
D
Indices éjectionnels
Les indices éjectionnels sont les plus couramment utilisés en clinique car ils sont souvent simples,
mais ils sont entièrement dépendants des conditions de charge car ils expriment le couplage
ventriculo-artériel.
 La relation force – longueur du ventricule détermine sa position sur la courbe de FrankStarling : l’augmentation de précharge (VtdVG) améliore la performance systolique jusqu’au
plateau. La pente de la courbe est fonction de la contractilité : elle est plus plate lors
d’insuffisance systolique (voir Figure 6.45).
 La postcharge est définie comme la tension de paroi ventriculaire maximale en cours de
systole (stress σ, en dynes/cm2). La fraction d’éjection du myocarde et sa vélocité de
contraction sont inversément proportionnels à la postcharge ; ceci est d’autant plus marqué
que sa performance systolique est abaissée. La tension de paroi est directement
proportionnelle à la pression et au diamètre du VG, et inversément proportionelle à son
épaisseur ; elle est exprimée par la loi de Laplace (σ = (P • r) / 2h). Pour produire le même
travail, un ventricule dilaté (r élevé et h diminué) a un stress de paroi plus important, donc
consomme davantage d’énergie et d’oxygène.
Ces phénomènes disqualifient les indices éjectionnels comme mesure de la contractilité, mais leur
conservent toute leur valeur clinique comme évaluation de la performance du ventricule intégrée au
retour veineux et au couplage artériel. L’évaluation visuelle à l’échocardiographie permet une bonne
appréciation de la contraction ventriculaire, mais elle dépend de l’expérience de l’opérateur. Pour
quantifier la fonction du VG, l’arsenal clinique offre une série d’indices éjectionnels faciles à utiliser.
On citera ici les plus courants.
La fraction d’éjection est certainement l’indice éjectionnel le plus familier. Elle est définie par le
rapport :
FE = (Vtd – Vts) / Vtd
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
104
Sa valeur normale est 0.55 – 0.7 pour le VG et 0.4 – 0.6 pour le VD. Elle se mesure de plusieurs
manières par l’ETO (voir Chapitre 25, Fonction systolique du VG) (Figure 6.52). Le FE représente le
degré de vidange du VG ; elle reflète la régulation intégrée du volume systolique dans des conditions
de contractilité, de précharge et de postcharge données. Elle quantifie la capacité du système
ventricule – artères à maintenir un débit cardiaque adéquat en cas de variations des conditions de
charge et/ou de contractilité [225]. La FE est un indice pronostique pertinent parce qu’elle exprime la
réserve fonctionnelle et l'adaptabilité aux conditions hémodynamiques lorsque celles-ci se modifient,
mais elle n’est pas un indice de contractilité. Sa valeur dépend de la précharge, de la postcharge et des
dimensions du VG.
Figure 6.52 : Calculs de la
fraction d'éjection (FE) du
VG. A: Approximation
géométrique pour le calcul
simplifié
du
volume
ventriculaire
gauche
(ellipsoïde régulier) ; le long
axe est le double du court
axe (D), la section est
circulaire. B : Calcul du
volume en systole et en
diastole par la règle de
Simpson ; le dessin manuel
de l’endocarde et le tracé du
long axe permettent de
définir 20 disques circulaires
d’épaisseur connue (1/20ème
du long axe) et de diamètre
variable ; l’addition de leurs
volumes donne une mesure
fiable
du
volume
ventriculaire. C : Calcul par
la formule de Teichholz, qui
assimile le VG à un
ellipsoïde régulier (A) dont
le volume peut être calculé à
parti du diamètre en courtaxe; ce calcul n'est valable
que si le VG est symétrique
et régulier; l'ordinateur de
l'ETO effectue le calcul
automatiquement à partir des
deux
diamètres
en
télésystole et en télédiastole.
Diastole
Systole
D
D
B
A
3
V = ( 7 • D ) / (2.4 • D)
FE = (Vtd - Vts) / Vtd
Paroi post
Foie
Diaphragme
Péricarde
Epicarde
Endocarde
Cordage
Cordage
Endocarde
Paroi ant
C
Epicarde
Péricarde
© Chassot 2012
 Si le volume télésystolique (Vts) tend vers zéro, la FE tend vers 1.0 ; elle augmente en
hypovolémie ;
 Si le volume télédiastolique (Vtd) augmente, la FE diminue, parce que le Vtd se trouve au
dénominateur ;
 Si la postcharge se modifie, la FE change ; elle augmente en cas de vasoplégie et baisse en cas
de vasoconstriction intense ;
 La FE n’a pas de valeur pour mesurer la fonction systolique en cas de valvulopathie ou de
cardiopathie congénitale, à cause des conditions de charge pathologiques et du remodelage
ventriculaire.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
105
Dans le cas particulier des valvulopathies et des cardiopathies congénitales, les dimensions du VG
sont de meilleurs critères fonctionnels que la FE ; la performance systolique est abaissée de manière
proportionnelle à la dilatation (diamètre télédiastolique VG > 4 cm/m2).
La fraction de raccourcissement de surface est l’équivalent de la FE avec les mesures de surface du
VG à l’échocardiographie : (Std – Sts) / Std (valeur normale : 0.4-0.5) (voir Figure 6.58). Elle est une
mesure plus fiable que la FE car elle ne repose pas sur une approximation géométrique du volume
ventriculaire, mais opère le calcul avec les données brutes de l’image bidimensionnelle.
D’autres indices sont fréquemment utilisés en clinique :
 Le Doppler tissulaire (DT) permet une évaluation plus fine de la contraction myocardique en
analysant la contraction longitudinale de la paroi ventriculaire ou la descente de l’anneau
mitral en systole (Figure 6.53). L'amplitude du mouvement de l’anneau mitral est de plus de 1
cm; sa vélocité systolique maximale est normalement ≥ 10 cm/s; en cas de dysfonction, elle
s'abaisse à < 6 cm/s. C'est un signe sensible de baisse de la performance systolique du VG car
les fibres longitudinales se contractent avant les circulaires et sont les premières atteintes par
la diminution de contractilité [124].
A
B
E’
A’
A’
CI
E’
CI
S
S
Figure 6.53 : Examen au Doppler tissulaire de la vélocité des mouvements systolo-diastoliques de l'anneau
mitral dans sa portion latérale. A : image spectrale des mouvements de l'anneau enregistrés dans la fenêtre
d'examen; CI: contraction isovolumétrique; S: descente systolique de la contraction éjectionnelle, normalement ≥
12 cm/s; E’: mouvement protodiastolique; A’: mouvement de la contraction auriculaire en télédiastole. B :
représentation schématique de la vitesse de déformation de l'anneau au cours d'un cycle cardiaque (strain rate);
le trait rouge est la pente de la contraction isovolumétrique qui permet d'en calculer l'accélération [304].
 Le flux à travers la valve aortique est bien mesurable avec l'ETO lorsque la sonde est en
position transgastrique (voir Figure 6.54). Sa durée (220-300 msec) et sa Vmax (0.8–1.5 m/s)
reflètent la force d’éjection du VG. Un brusque accroissement de postcharge par clampage de
l'aorte a un retentissement immédiat sur le flux aortique : la Vmax baisse et la durée d’éjection
augmente. De manière simplifiée et moins précise, le Doppler oesophagien offre un
renseignement analogue (voir Doppler oesophagien).
 La silhouette de la courbe artérielle met en évidence la pente ascentionnelle en protosystole
(Figure 6.55). Ce dP/dt est une mesure de la force éjectionnelle du VG ; sa valeur normale est
> 1’200 mmHg/sec [51]. Cette observation n'est valable qu'en l'absence d'obstacle sur la valve
aortique et sur l'aorte thoraco-abdominale et en l'absence de vasoconstriction artérielle
importante.
 La technologie PiCCO™ permettant de calculer les volumes de précharge et le volume
systolique, il est possible de construire un index de performance ventriculaire gauche qui se
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
106
définit comme le rapport du débit cardiaque et du volume télédiastolique global (DC / VTDG)
(voir Analyse du contour de la courbe artérielle). Le fait d'intégrer la précharge dans le calcul
le rend peu dépendant des conditions de remplissage, mais il reste tributaire de la postcharge.
A
B
C
© Chassot 2010
Figure 6.54 : Fonction ventriculaire et flux éjectionnels. A: Mesure du flux à travers la valve aortique en
position transgastrique rétrofléchie permettent de se placer dans l'axe de la valve. B: flux à travers la valve
aortique ; on peut calculer le temps d'éjection (double flèche, 240 msec), la vélocité maximale (cercle jaune, 100
cm/s), et l'accélération en début d’éjection (trait jaune, 30 m/s2). C : baisse brusque de la performance systolique
du VG au moment d’un clampage de l’aorte à cause de l’élévation de sa postcharge ; la Vmax diminue à 60 cm/s
et la durée d'éjection augmente à 530 msec.
Figure 6.55 : Aspect de la
courbe artérielle lors de
dysfonction du VG. A :
courbe normale ; le dP/dt est
très redressé, la courbe est
pointue. B : insuffisance
ventriculaire gauche ; la pente
du dP/dt est plus faible, la
PAs est plus basse et la
courbe arrondie ; la PAd est
plus élevée, la pression
pulsée est diminuée.
A
dP/dt
B
dP/dt
© Chassot 2012
Indices isovolumétriques
Théoriquement, les indices de la phase de contraction isovolumétrique sont indépendants de la
postcharge puisque la valve aortique est encore fermée pendant cette phase; de plus, ils sont
particulièrement sensibles à la dysfonction, puisque la consommation d'O2, l'accélération de la
contraction et le stress pariétal sont au maximum. Malheureusement, ils sont sensibles à la précharge
[155], et leur mesure nécessite un cathéter intraventriculaire. On peut toutefois investiguer cette phase
par des moyens détournés grâce à l'échocardiographie.
 Les intervalles de temps systoliques (Systolic time intervals) font le rapport entre la phase prééjectionnelle (PPE) et la phase d'éjection du VG (PEVG) [25]; la PPE est le temps de
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
107
stimulation électrique ajouté à celui de la contraction isovolumétrique; elle dure 75-100 msec
et s'étend de l'onde Q à l'ouverture de la valve aortique. La PEVG, va de l'ouverture à la
fermeture de la valve aortique; sa durée normale est de 220-300 msec (Figure 6.56). Le
rapport PPE / PEVG est normalement de 0.35; en cas de dysfonction ventriculaire, la PPE
s'allonge et le rapport augmente.
Figure 6.56 : Intervalles de
temps
systoliques.
1:
période de prééjection
(PPE); c'est le temps de
stimulation
électrique
ajouté à celui de la
contraction
isovolumétrique; elle dure 75-100
msec et s'étend de l'onde Q
à l'ouverture de la valve
aortique.
2:
période
d'éjection du VG (PEVG),
allant de l'ouverture à la
fermeture de la valve
aortique; sa durée normale
est de 220-250 msec.
L'image est obtenue en
mode
temps-mouvement
(TM) au niveau de la base
du coeur de manière à
couper le plan de la valve
aortique (40 – 80°).
ECG
Mouvements de
la valve aortique
en mode TM
1
2
© Chassot 2012
 La régurgitation d'une insuffisance mitrale commence pendant la phase isovolumétrique
puisque la POG est bien plus bassse que la pression aortique : la valve mitrale s’ouvre avant la
valve aortique. Le dP/dt de l'IM reflète alors celui du ventricule; on mesure à l'ETO le temps
écoulé entre le moment où la vélocité de l'IM est de 1 m/s et celui où elle est de 3 m/s. Ces
vélocités correspondant respectivement à 4 et 36 mmHg de gradient de pression entre le VG et
l'OG (Figure 6.57); la valeur normale du dP/dt est de 1’200 à 2’000 mmHg/s [306].
 Au moyen du Doppler tissulaire à l'ETO, il est possible de repérer un premier pic de
mouvement systolique avant celui de l'éjection; il représente la vélocité de la contraction
isovolumétrique (Figure 6.53). La pente ascentionnelle de cette vélocité est un bon indice de
contractilité parce qu’elle représente la vitesse avec laquelle le ventricule se met sous tension
avant d’éjecter. C'est un évènement bref, qui dure 20-40 msec, et qui se calcule sur la courbe
de vitesse de déformation des tissus (strain rate); cette technique complexe est utilisable pour
le VD comme pour le VG [304].
Indices de travail et de puissance
En utilisant simultanément des mesures hémodynamiques de pression et des mesures géométriques de
surface ou de volume, on obtient des mesures de travail. En introduisant une mesure de temps, on
obtient une puissance (travail / temps) ; en hémodynamique, la puissance est obtenue en multipliant la
pression par le débit. Le travail est une grandeur physique correspondant à une masse déplacée d'une
certaine distance; elle s'exprime en (kg • m), ou en (g • m). Dans le cas du travail cardiaque, il s'agit
du produit du volume systolique (cm3) par la résistance à l'éjection représentée de manière simplifiée
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
108
par la pression artérielle (g/cm2), indexé à la surface corporelle. C'est une donnée dérivée des valeurs
obtenues par le cathéter pulmonaire (LVSWI: left ventricle stroke work index):
LVSWI = [ 1.36 • (PAM - PAPO) • VSi ] / 100 (g/m2)
où:
VSi = volume systolique indexé (obtenu par cathétérisme droit)
n = 45-60 g/m2
Dans les situations où les résistances périphériques sont très basses ou très hautes, cette mesure du
travail systolique ne donne plus une image réaliste de la fonction ventriculaire; c’est notamment le cas
en sortant de CEC [119,143].
Figure 6.57 : Flux d'une insuffisance
mitrale (IM) et calcul du dP/dt de la
phase de contraction isovolumétrique par
la pente de l'IM (trait jaune) dans le cas
d’une fonction normale (A) et en cas de
dysfonction ventriculaire gauche (B). On
mesure le Δt entre 1 m/s et 3 m/s de
vélocité; ces deux points correspondent
respectivement à 4 et 36 mmHg de ΔP
(équation de Bernouilli: ΔP = 4 V2) entre
le VG et l’OG. La valeur normale est
1’200 – 2’000 mmHg/s.
A
B
3
3
1
1
cm/s
Un pas supplémentaire peut être franchi en intégrant la vitesse de la contraction dans le calcul. Un
manière simple de réaliser cette mesure est la vélocité circonférentielle de raccourcissament ou Vcf.
Elle consiste à mesurer la fraction de raccourcissement de la circonférence (C) du VG en court-axe
transgastrique à l'ETO (Figure 6.58): (Ctd - Cts) / Ctd. En divisant le résultat par la durée de l'éjection
mesurée par le temps d'ouverture de la valve aortique (220-250 msec), on obtient:
Vcf = ( Ctd – Cts ) / ( Ctd • téj )
La valeur normale est 1.1 s-1. Bien que peu dépendante de la précharge, la Vcf est encore dépendante
de la postcharge. La valeur corrigée pour la fréquence est plus précise; elle s'obtient par la
multiplication avec la racine carrée de l'intervalle R-R précédent: Vcfc = Vcf • √R-R. Comme le
diamètre et la circonférence sont liés entre eux par la valeur de π, le calcul de la Vcf peut être simplifié
en mesurant les diamètres seuls : (Dtd – Dts) / Dtd • téj, ou FR / téj (FR : fraction de raccourcissement) ; la valeur normale est 2.5-3-5 s-1.
Une manière indirecte d’évaluer la puissance est l'indice de performance myocardique de Tei, qui
englobe toutes les phases consommatrices d'oxygène du cycle cardiaque [282]. Il est défini par la
somme du temps de contraction isovolumétrique (tCI), de contraction éjectionnelle (téj) et de
relaxation isovolumétrique (tRI) divisée par la durée d'éjection (téj) : (tCI + téj + tRI) / téj. Il se calcule
par les flux Doppler aortique et mitral; sa valeur normale est 0.5 (Figure 6.59). Il a l’avantage d’être
indépendant de la géométrie du ventricule ; il est donc une mesure fonctionnelle valable dans les
valvulopathies.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
109
A
B
C
© Chassot 2008
Vcf = (Ctd – Cts) / (Cts • téj)
Figure 6.58 : Vélocité de raccourcissement circonférentiel (Vcf). A: mesure de la circonférence diastolique
(Ctd) du VG en court-axe (pointillé jaune). B : mesure de la circonférence systolique (Cts) du VG en court-axe.
C : durée d'éjection (téj) mesurée par le temps d'ouverture de la valve aortique ; pour ce faire, on coupe la valve
aortique en court-axe par le mode TM (trait rouge illustré dans la cartouche).
Flux
aortique
Indice: 0.4
(B - A) / A
A
B
tCI
téj
tRI
Flux
mitral
Figure 6.59 : Indice de performance myocardique de Tei. Cet indice englobe toutes les phases consommatrices
d'oxygène du cycle cardiaque; il est défini par la somme du temps de contraction isovolumétrique (tCI), de
contraction éjectionnelle (Téj) et de relaxation isovolumétrique (tRI) divisée par la durée d'éjection: (B – A) / A.
La valeur normale est 0.5 [282]. L’indice de Tei se calcule sur l’affichage spectral des flux Doppler aortique et
mitral, en plaçant la fenêtre Doppler à cheval sur la chambre de chasse et le flux mitral.
Indices intégrant les conditions de charge
Pour qu’une mesure soit indépendante d’un élément, il faut l’incorporer dans le calcul de cette mesure.
Ainsi pour mieux cerner la contractilité, on peut intégrer les mesures géométriques de
l'échocardiographie et les mesures de pression artérielle.
La réserve de travail systolique, ou Preload recrutable stroke work (PRSW), représente le degré
d’augmentation possible du travail systolique en fonction de la précharge ; celle-ci est mesurée par le
volume télédiastolique du VG (VtdVG) [84]. La formule est : PRSW = LVSW / VtdVG. Soit :
PRSW = [ 0.0136 • (PAM - PAPO) • VS ] / VtdVG (g•m/ml)
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
110
Le PRSW est la relation travail systolique / VtdVG. Graphiquement, c’est une quasi-droite dont la
pente est un bon indice de contractilité. Cette pente se redresse sous stimulation adrénergique ou
s’abaisse en cas d’insuffisance systolique.
Le stress de paroi (σ) est une force appliquée sur une surface. Il représente la force générée par le
ventricule pour éjecter un volume systolique donné. Bien qu’il soit encore sensible aux conditions de
remplissage, le stress de paroi est la meilleure expression du travail ventriculaire en fonction de la
postcharge. Bien que le VG soit un ellipsoïde, la tension de paroi se définit habituellement par la loi de
Laplace pour une sphère, qui a l’avantage d’être simple et utilisable en clinique : σ = (P • r) / 2 h
(voir Mesure du débit cardiaque, calcul de postcharge). La tension de paroi maximale est générée
pendant la contraction isovolumétrique, puis diminue régulièrement jusqu'à la moitié de sa valeur
maximale en fin de systole, parce que la cavité ventriculaire se rétrécit (le rayon r diminue) et la paroi
s'épaissit (l’épaisseur h augmente) pendant la phase d’éjection. Le stress de paroi du VG est différent
selon ses différents axes. En clinique, il serait trop fastidieux de calculer le stress de paroi dans chaque
plan ; on utilise donc des simplifications. La pression artérielle systémique peut être assimilée à une
pression intraventriculaire (P) en l’absence de pathologie aortique; la dimension du VG au cours de la
contraction isométrique est évaluée en télédiastole, avant que le ventricule ne commence à éjecter. On
peut alors simplifier le calcul du stress de la manière suivante : σ = (PAsyst • Dtd) / h [211].
L'épaisseur de paroi (normal : 1.2 cm en diastole) est malaisée à mesurer en échocardiographie, car
l'épicarde est très souvent mal identifiable; de plus, une seule mesure ne tient pas compte de
l'ensemble du ventricule. D’autre part, la synchronisation des mesures est difficile.
Pour disposer d’un indice simple, construit avec des mesures courantes mais incluant la résistance à
l'éjection, on peut utiliser diverses combinaisons arithmétiques entre la fonction ventriculaire
systolique et la pression artérielle, sans tenir compte du temps réel auquel correspondent ces mesures.
L’évolution de ces indices au cours d'une anesthésie est plus significative que leur valeur absolue. On
peut citer quelques exemples parmi les nombreuses combinaisons imaginées.
 Le produit de la fraction d'éjection (FE) et de la pression artérielle moyenne (PAM, en mmHg)
répond à la formule : PAM • FE (normal: 40-70 mmHg).
 Le rapport pression / surface systolique est établi entre la pression artérielle systolique (PAs)
et la surface télésystolique (Sts) : PAs / Sts [87,202]. La valeur normale est 25-40 mmHg/cm2.
On peut ainsi surveiller les variations de la fonction inotrope avec une sonde ETO et un
cathéter artériel. On peut encore simplifier en faisant le rapport avec le diamètre télésystolique
(Dts) en mode TM au lieu de la surface : PAs / Dts.
 Le produit de la fraction de raccourcissement de diamètre ventriculaire (FR) et de la pression
artérielle moyenne (PAM) peut être rapporté à la durée d’éjection (téj) : (PAM • FR) / téj
(normal: > 60 mmHg / sec).
L'enregistrement de la pression et du volume ventriculaires permet de figurer une famille de boucles
pression-volume (P/V) qui représentent le status fonctionnel du ventricule sous différentes conditions
de précharge (Figure 6.60) [261]. Lorsque celle-ci varie, l'ensemble des points télésystoliques se
déplace sur une quasi-droite appelée élastance maximale (Emax) qui est indépendante de la postcharge
et qui est un excellent reflet de la contractilité myocardique. Avec les techniques
échocardiographiques de définition automatique du contour endocavitaire (ABD: Automatic Border
Detection) et l'enregistrement simultané informatisé de la pression artérielle invasive, il devient
possible de produire des séries de points pression-surface en temps réel et d'en déduire la courbe
d'élastance maximale (Emax) du patient (Figure 6.61 et Figure 6.62) [87]. Cette technique ne nécessite
qu'une sonde ETO, un cathéter artériel et un programme informatique pour synchroniser les données,
mais elle implique des manipulations contrôlées de la précharge pour construire la courbe d'Emax à
partir d'une famille de bloucles pression/surface: occlusion de la veine cave inférieure avec un ballon,
administration de nitroglycérine et de volume. L'Emax représente la fonction myocardique de manière
indépendante de la précharge et de la postcharge. La comparaison de ces résultats avec ceux du
cathéter à conductance est excellente [88]. C'est une bonne technique de recherche clinique, mais non
une méthode de surveillance des patients en salle d'opération.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
111
A
Pression
B
Pression
Emax
2
3
1
4
Compliance
V0
Volume
© Chassot 2012
Compliance
Volume
V0
Figure 6.60 : Boucle pression – volume. A : Boucle tournant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. 1 :
point télédiastolique. 1 → 2 : contraction isovolumétrique. 2 : début de l’éjection. 2 → 3 : phase de l’éjection
systolique. 3 : point télésystolique. 3 → 4 : relaxation isovolumétrique. 4 : début du remplissage. 4 → 1 :
remplissage diastolique. B : Construction de la pente d’élastance maximale Emax par l’alignement des points
télésystoliques d’une famille de courbes obtenues à des précharges différentes chez le même individu.
Figure 6.61 : Boucles
pression-surface
construites à partir de l'enregistrement continu de la
pression artérielle (A) et
de la surface du VG (B)
par la technique de la
détection
automatique
des contours de la cavité
ventriculaire.
C
:
évolution en continu de
la surface ventri-culaire.
D : boucles pression /
surface d'un malade ;
courbes traitillées enregistrements dans le VG ;
courbes pleines : artère
fémorale. La pente de
leurs points télésystoliques, ou élastance
maximale (Emax), est
identique [88].
Pression
(mmHg)
A
Emax
VG
B
C
D
Surface (cm2)
La puissance éjectionnelle maximale (PWRmax) est un indice de contractilité plus utilisable dans le
quotidien. La puissance d'une pompe est le produit de la pression fournie et du volume éjecté par unité
de temps [126]. Dans le cas du VG, il s'agit du produit de la pression du VG et du flux aortique; on
peut remplacer la pression intraventriculaire par la pression artérielle systolique; le flux aortique est le
produit de la surface de la valve aortique et de la vélocité maximale du sang en systole à travers la
valve : PWR= PAs • (SAo • VmaxAo) en mmHg • cm3 / s. On obtient un résultat en watt en multipliant
le résultat par (1.333 • 10-4) [256]. Cette valeur, qui est indépendante de la postcharge, peut être rendue
indépendante de la précharge en divisant le résultat par une mesure de remplissage télédiastolique, par
exemple la surface télédiastolique du VG (cm2): PWR / Std. Le calcul pratique est démontré dans la
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
112
Figure 6.63. La PWR est un bon indice de contractilité pour l'analyse des effets hémodynamiques des
agents d'anesthésie ou des manœuvres chirurgicales (clampage de l’aorte), car elle permet de mesurer
la contractilité indépendamment des conditions de charge et de fréquence [144,245].
Figure 6.62 : Boucles pressionsurface construites à partir de
l'enregistrement continu de la
pression artérielle et de la surface du
VG par la technique de la détection
automatique des contours de la
cavité ventriculaire (ETO) (voir
figure précédente).
A : boucles pression / surface d'un
malade avant CEC ; la pente Emax
est représentée par un pointillé
jaune.
B : boucles du même patient après
CEC; la pente Emax s'est nettement
abaissée (pointillé rouge), la
contractilité a diminué [87].
Figure 6.63 : Calcul de la
PWRmax par ETO. PWR =
[(S • VmaxAo) • PAsyst] /
Std2. PWR : puissance
éjectionnelle maximale du
VG. A: la surface de la
valve aortique (S) est
mesurée par planimétrie en
court-axae basal (40°); S =
2.1 cm2. B: le flux aortique
à travers la valve est
mesuré
par
voie
transgastrique (120°); la
Vmax est 130 cm/s. C:
mesure
la
pression
artérielle systolique au
niveau du cathéter artériel;
la PAsyst est 120 mmHg.
D:
la
surface
télédiastolique du VG par
la technique de Simpson
est de 35.8 cm2; cette
valeur est placée au
dénominateur pour rendre
le résultat indépendant de
la précharge.
Pression (mmHg)
A
B
Surface (cm2)
Après CEC
Avant CEC
A
C
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
B
© Chassot 20102
D
113
Evaluation de la fonction systolique du VG
Les nombreux indices de fonction systolique peuvent être classés en 4 catégories :
- indices éjectionnels (FE, raccourcissement de surface, flux aortique, dP/dt artériel) ; ils sont
dépendants de la précharge et de la postcharge ;
- indices isovolumétriques (dVmax/dt IM, pente isovolumétrique de la Vmax de l’anneau
mitral) ; ils sont indépendants de la postcharge ;
- indices de travail et de puissance (LWSW, Vcf, Tei) incluant la durée d’éjection systolique ;
- indices incluant la postcharge et la précharge (Emax, PWR, produit PAM • FE) en
combinant des mesures de dimensions et de pression.
Indices offfrant la meilleure combinaison de simplicité, de robustesse et d’adéquation à la fonction
systolique du VG :
- fraction de raccourcissement de surface (normal 0.4 - 0-5) ;
- durée d’éjection systolique (normal 220-300 ms), Vcf (normal 1.1 s-1) ;
- évaluation globale de l’image échocardiographique par un observateur entraîné ;
- dilatation du VG ;
- dP/dt de la courbe artérielle ;
- produit PAM • FE (normal: 40-70 mmHg) ;
- FE si la géométrie du ventriculaire est normale et en l’absence de valvulopathie.
Evaluation et monitorage de la fonction diastolique
Il est difficile de mettre en évidence cliniquement une insuffisance diastolique. Il s'agit avant tout d'un
diagnostic de présomption basé sur la présence de dyspnée. On ne peut l'objectiver que par une
échocardiographie, une ventriculographie ou une IRM. Comme cette notion est importante pour la
prise en charge hémodynamique périopératoire des patients chirurgicaux, il faut garder à l'esprit les
situations dans lesquelles la diastole est très probablement perturbée [317].









Age : nouveau-né, vieillard ;
Hypertrophie ventriculaire gauche concentrique: HTA, sténose aortique ;
Ischémie, infarctus étendu, ischémie à l'effort ;
Insuffisance cardiaque systolique ;
Dilatation ventriculaire ;
Hypertrophie ventriculaire droite: pneumopathies chroniques ;
Cardiomyopathie restrictive ;
Œdème myocardique : post-CEC, rejet de transplant ;
Pathologie péricardique.
L’insuffisance diastolique représente 40% des cas d’insuffisance cardiaque congestive ; elle est
caractérisée par une stase et une dyspnée, mais une fonction systolique conservée (FE > 0.5) [295]. La
dysfonction diastolique est un facteur pronostique de mortalité (HR 1.78) indépendant de la fonction
systolique [1a].
Comme il n’est pas possible de construire la courbe de compliance avec les données cliniques
habituelles, la surveillance de la fonction diastolique se restreint à observer trois éléments :



Relation de la pression artérielle et du volume systolique avec le remplissage ;
PVC et la PAPO ;
Indices échocardiographiques de la performance diastolique des ventricules.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
114
Comme la courbe de Frank-Starling est très redressée en cas d’insuffisance diastolique, les patients
sont très sensibles aux variations de précharge (Figure 6.45). Une hypovolémie ou une augmentation
de la pression intrathoracique provoquent une baisse du volume éjecté, donc de la pression artérielle.
Les variations de la PAsyst avec le cycle ventilatoire du respirateur sont plus amples que
normalement.
Les pressions de remplissage (PVC et PAPO) sont supérieures à la norme pour le même volume
télédiastolique parce que la courbe de compliance est déplacée vers le haut. D’autre part, la courbe est
redressée et présente une pente moyenne supérieure à celle de la courbe normale (Figure 6.16) [317].
De ce fait, il existe une bonne cohérence entre la pression et le volume de remplissage, même si elle
n’est pas linéaire. La PVC et la PAPO sont donc très utiles pour le suivi du remplissage de ces
patients. Les malades en insuffisance diastolique sévère avec fonction systolique conservée présentent
une stase pulmonaire chronique ; dans ces cas, la PAPO est de première importance pour la gestion
des perfusions.
Indices échocardiographiques
Les seuls indices de fonction diastolique qui soient pratiques en clinique sont fournis par
l’échocardiographie. La diastole est divisée en 4 périodes, comme l’illustre l’image ETO du flux
mitral (Figure 6.64) :




Relaxation isovolumétrique ;
Remplissage protodiastolique (relaxation active), flux mitral E ;
Diastasis (remplissage passif) ;
Contraction auriculaire, flux mitral A.
Figure 6.64 : Phases de la diastole. 1:
phase de relaxation isovolumétrique
(tRI). 2: phase de relaxation active,
flux mitral E. 3: diastasis. 4:
contraction auriculaire, flux mitral A.
La partie supérieure de l'image
représente les gradients de pression
instantanés entre le le VG (courbe
rouge) et l'OG (courbe bleue). La
phase de flux protodiastolique
(relaxation) est représentée en jaune, le
diastasis (équilibre des pressions OG –
VG) en bleu et la phase de contraction
auriculaire (distensibilité) en vert.
1
2
3
A
4
PVG
PO
POG
G
G
Flux
protodiast
Diastasis
E
A
Flux
auriculaire
tDE
La dysfonction diastolique évolue en trois phases, qui sont définies par la silhouette du flux mitral, par
celle du flux dans les veines pulmonaires et par la vélocité de déplacement de l’anneau mitral (Figure
6.65) [203].
 Défaut de relaxation protodiastolique, caractéristique de l’hypertrophie ventriculaire
(hypertension artérielle, sténose aortique), du vieillissement, de l’ischémie, de la dilatation, de
l’obésité et du syndrome d’apnée du sommeil ; c'est un trouble fréquent et bénin.
 Pseudo-normalisation : l'augmentation progressive de la pression auriculaire gauche rétablit le
gradient de pression OG – VG, mais la morphologie des flux est pathologique.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
115
 Restriction par non-distensibilité ventriculaire, caractéristique des cardiomyopathies
restrictives, des infiltrations (collagénoses, amyloïdose) et de la péricardite. Il s'agit d'une
situation sévère conduisant à la stase et à l’oedème pulmonaire, même si la fonction systolique
est conservée. On rencontre le même phénomène dans la dilatation ventriculaire massive, dans
le rejet après transplantation ou dans l’oedème myocardique post-CEC.
Défaut de
relaxation
Normal
Pseudonormalisation
Restriction
Flux veineux pulmonaire
S
D
S
D
S
D
A
Ar r
Ar
Ar
Ar
D
S
Flux mitral
RI
A
E
E
A
A
E
A
E
Doppler tissulaire de l’anneau mitral
E
’
© Chassot 2010
A
’
E
’
Stade 1
A
’
E
’
Stade 2
A
’
E
’
A
’
Stade 3
Figure 6.65 : Modifications du flux veineux pulmonaire, du flux mitral et de la vélocité de l’anneau mitral selon
l'évolution de la dysfonction diastolique. Stade I, défaut de relaxation : allongement de la phase de relaxation
isovolumétrique (tRI > 220 msec), diminution de vélocité du flux mitral passif (E), augmentation de la
contribution auriculaire (flux A ↑). Peu de modification sur le flux veineux pulmonaire. Diminution de la
vélocité de l’anneau mitral. Stade 2, pseudo-normalisation : l'augmentation progressive de la pression
auriculaire gauche rétablit le gradient de pression OG – VG; la vélocité du flux E augmente et retrouve sa valeur
normale, mais sa morphologie est pathologique: pente d'accélération et de décélération accentuée (tDE < 150
msec), raccourcissement de la relaxation isovolumétrique (tRI < 200 msec). La composante S du flux veineux
pulmonaire diminue parce que la POG augmente. Diminution de la vélocité de l’anneau mitral. Stade 3,
restriction : c'est la situation la plus grave; le ventricule devient tellement rigide et la pression auriculaire
tellement haute que la vélocité du flux E devient très élevée et sa décélération très brutale (tDE < 100 msec);
l'onde A de la contraction auriculaire est minime parce que le ventricule n'est plus distensible en fin de diastole.
La composante S du flux veineux pulmonaire est minime, le remplissage auriculaire a lieu en diastole, le reflux
dû à la contraction auriculaire augmente car le VG n’est pas distensible et la vidange par la mitrale est minime.
La vélocité de l’anneau mitral est minime.
Les indices échocardiographiques sont décrits en détail dans le Chapitre 25 (Fonction diastolique). On
ne mentionnera ici que deux d’entre eux [4,265].
Dilatation de l’OG, (> 40 mL/m2), bombement du septum interauriculaire dans l’OD (Figure
6.66) ; la proportion du remplissage diastolique dû à la systole auriculaire, normalement de
20%, augmente considérablement ; sa contribution est de 50%.
 Rapport entre la vélocité du flux mitral E et celle de l’anneau mitral E’ (Figure 6.67) ; il
permet de différencier l’effet respectif de la précharge et du défaut de relaxation. Lorsqu’il est

Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
116
bas (< 8), la relaxation et le remplissage sont normaux, et la PAPO est basse ; s’il est > 15, la
PAPO est > 18 mmHg (r = 0.82) [203].
Figure 6.66 : Dysfonction
diastolique, images 2D. A :
dilatation de l’OG (> 30
ml/m2, POG > 16 mmHg) ;
le septum interauriculaire
bombe dans l’OD, le VG
est hypertrophié (HVG).
B : Evolution de la surface
du VG au cours du cycle
cardiaque par la technique
Automated
Border
Detection™.
B:
VG
normal; l'accroissement de
surface diastolique due à la
contraction auriculaire (A)
est de l'ordre de 20%, celui
dû au remplissage passif E
est de 80%. C: dysfonction
diastolique; l'accroissement
de surface télédiastolique
est dû pour la moitié à la
contraction de l'oreillette.
A
A
B
OG
E
HVG
A
E
C
© Chassot 2012
E’
E
Flux mitral
DT anneau mitral
Figure 6.67 : évaluation non-invasive d’une élévation de la pression auriculaire gauche par le rapport entre la
vélocité du flux mitral E et celle du déplacement de l’anneau mitral E’ au Doppler tissulaire (DT). Lorsque ce
rapport E/E’ est > 15, la PAPO est > 18 mmHg [203].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
117
Evaluation de la fonction diastolique du VG
Environ 40% des insuffisances cardiaques congestives caractérisées par une stase et une dyspnée sont
des insuffisances diastoliques à fonction systolique conservée (FE > 0.5). L'insuffisance diastolique est
fréquente en cas de: HVG concentrique, âge avancé, ischémie, dilatation VG/VD, HVD. Elle est
pathognomonique de: nouveau-né, infiltrations (fibrose, œdème), cardiomyopathie restrictive,
restriction péricardique.
Impact hémodynamique en clinique:
- pression de remplissage élevée (PVC, PAPO ↑);
- dépendance accentuée de la précharge, intolérance à l'hypovolémie;
- intolérance à la bradycardie et à la tachycardie;
- dépendance du rythme sinusal.
Indices échocardiographiques :
- dilatation de l’OG ;
- rapport E/E’ > 15.
Monitorage de la fonction ventriculaire droite
En chirurgie cardiaque, l'examen du VD est possible dans le champ opératoire puisqu'il est antérieur
par rapport au VG: on le voit à l'ouverture du péricarde par la sternotomie. Bien que non quantifiable
de cette manière, l’apparition d’une dysfonction et/ou d’une dilatation est parfaitement visible. Un
point de repère pratique est le niveau de la face antérieure (paroi libre) du VD par rapport à la jonction
entre l’ouverture du péricarde et le diaphragme : tant que le VD est en-dessous de cette limite, il est de
taille normale. Une dilatation aiguë empêche de fermer le péricarde.
La surveillance électrocardigraphique du VD demande de placer l'électrode précordiale en position
V4R, soit parasternale dans le 4ème espace intercostal. Le cathéter de Swan-Ganz est nécessaire pour la
mesure de la pression et des résistances artérielles pulmonaires ; la PVC renseigne sur la Ptd du VD.
La dysfonction du VD se caractérise par une augmentation de la PVC et une baisse de la PAP.
L’ETO permet d’affiner la surveillance droite. La dysfonction du VD présente certaines
caractéristiques [101].






Dilatation de l’OD et bombement du septum interauriculaire dans l’OG ; ce signe est souvent
le premier à attirer l’attention;
Dilatation du VD (voir Figures 6.51C et 6.51D) ;
Empiètement du septum interventriculaire dans la cavité du VG en diastole (surcharge de
volume) ou en systole (surcharge de pression) ; mouvement paradoxal du septum
interventriculaire (Figure 6.68) ;
Hypokinésie ou akinésie de la paroi libre du VD;
Apparition ou augmentation de l’insuffisance tricuspidienne (IT) ; sa Vmax est > 2.5 m/s ; en
cas de dysfonction massive du VD, la Vmax de l’IT est basse (Figure 6.69) ;
Les indices fonctionnels sont abaissés à l’ETO (Figure 6.70) : fraction de raccourcissement de
surface < 0.35, TAPSE < 0.30, Vmax de l’anneau tricuspidien < 5 cm/s.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
118
Figure 6.68 : Vues en
court-axe des ventricules
(échocardiographie
transoesophagienne) lors
de surcharge du VD (en
beige). A : Surcharge de
volume.
Le
septum
interventriculaire
bombe
dans le VG (en rouge) en
diastole (effet Bernheim),
mais non en systole car la
pression et la force de
contraction du VG restent
supérieures à celles du VD
dilaté. B : Surcharge de
pression.
Le
septum
interventriculaire
bombe
dans le VG aux deux temps
car la pression du VD
hypertrophié est capable de
repousser le VG. PAL :
pilier antéro-latéral. PPM :
pilier postéro-médian [18].
A
Diastole
Systole
B
Diastole
Systole
60°
A
B
OG
OD
AP
VD
Flux IT
360
2
ΔP = 4 (Vmax) = 4 (VIT)
2
ΔP = 4 • 3.6 m/s
ΔP = 52 mmHg
PAPs = 52 mmHg + POD
PAPs = 62 mmHg
2
Figure 6.69 : Calcul de la pression pulmonaire par échocardiographie Doppler en présence d’une insuffisance
tricuspidienne. A : Le faisceau Doppler est placé en ligne avec le jet de l'IT ; la meilleure orientation est obtenue
à 60° (vue chambre d’admission-chambre de chasse du VD) ou à 0° (vue 4 cavités profonde). B : au moyen de
l'affichage spectral du flux de l’IT, on repère la valeur de la vélocité maximale (Vmax) du flux régurgitant, en
l'occurence 360 cm/sec, soit 3.6 m/sec. L'équation simplifiée de Bernoulli spécifie que la différence de pression
entre deux cavités est égale à 4 fois le carré de la vélocité maximale du flux entre ces deux cavités: ΔP = 4
(Vmax)2. Ce calcul donne 52 mmHg de gradient entre l'OD et le VD en systole. Comme la pression de l'OD est
estimée à 10 mmHg, il faut l'additionner au gradient de pression pour trouver la pression systolique du VD.
Celle-ci est identique à la PAP systolique en l'absence de lésion sur la valve pulmonaire, ce qui est normalement
le cas chez l'adulte. La PAPs est donc de 62 mmHg dans ce cas, soit environ 65 mmHg compte tenu de la légère
sous-estimation de la Vmax à cause de l'angle entre l'axe du jet de l'IT et celui du faisceau Doppler.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
119
A
Diastole
B
Systole
Diastole
Systole
V (cm/s)
Vtr
VCI
dV
VD
S
OD
A
VP
AP
VCS
C
D
E
dt
Figure 6.70 : mesures fonctionnelles du VD. A : fraction de raccourcissement du plus large diamètre en courtaxe (vue 4-cavités). B : mesure de l'excursion systolique de l'anneau tricuspidien ou TAPSE (tricuspid annular
plane systolic excursion); on mesure le pourcentage de raccourcissement de la distance entre la partie antérieure
de l'anneau et l'apex du VD par rapport à la longueur en diastole; la valeur normale est 35%. C : vélocité
systolique de l’anneau tricuspidien au Doppler tissulaire : en vue TG profonde à 140°, il est possible d’avoir un
bon alignement avec l’anneau tricuspidien pour mesurer sa vélocité de déplacement systolique [100,101]. D :
accélération de la contraction isovolumétrique (trait bleu) mesurée à l’anneau tricuspidien en vue TG profonde à
140° ; dV : différence de vélocité, dt : durée de la phase d’accélération. V (cm/s) : échelle des vélocités de
l’anneau tricuspidien. S : éjection systolique. E : relaxation protodiastolique. A : contraction auriculaire.
Evaluation de la fonction ventriculaire droite
Fonction et volume du VD visibles par la sternotomie.
Signes échocardiographiques de dysfonction droite :
- Dilatation OD – VD, bombement du septum interauriculaire dans l’OG et du septum
interventriculaire dans le VG ;
- Hypokinésie/akinésie de la paroi libre ;
- Insuffisance tricuspidienne ;
- Indices fonctionnels abaissés.
Monitorage de l’ischémie
L'ischémie peropératoire est par nature silencieuse. La plupart des épisodes surviennent en l’absence
de modifications hémodynamiques, suggérant ainsi qu’ils ont pour origine une insuffisance dans
l’apport d’oxygène (bas débit coronarien, spasmes, instabilité de plaques athéromateuses) plutôt qu’un
excès de demande métabolique myocardique. Le risque d'une coronaropathie cliniquement instable
(angor stade III-IV) est donc beaucoup plus élevé que celui d'un angor stable ou stabilisé (stade I-II).
Le diagnostic repose sur des données paracliniques; trois méthodes sont couramment utilisées à cet
effet (voir Chapitre 9 Monitorage):
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
120
 l'ECG, avec surveillance du segment ST ;
 la cinétique segmentaire du VG à l'ETO ;
 la PAPO du cathéter pulmonaire.
Aucune d'entre elles n'a une spécificité ni une sensibilité suffisante pour devenir le critère de
référence, qui, par défaut, est attribué à l'ECG. Cependant, dans certaines situations comme la
revascularisation coronarienne à cœur battant, l’ETO s’avère plus sensible et plus spécifique que
l’ECG. Le Tableau 6.7 compare les sensibilités et spécificités moyennes de ces trois techniques.
Tableau 6.7
Comparaison de l’ECG, de l’ETO et de la Swan-Ganz
dans le diagnostic peropératoire de l’ischémie
Sensibilité
Spécificité
VPP
95%
ECG 5 dérivations (segment ST)
75 %
99 %
ETO (altération cinétique segmentaire)
ischémie sous-endocardique
ischémie tronculaire
75 %
80 %
PAPO (onde "a" ou "v")
PAM / FC (si < 1)
33%
88%
5%
30 %
77 %
55 %
13%
VPP: valeur prédictive positive. ETO : échocardiographie transoesophagienne. PAPO : pression artérielle
pulmonaire d’occlusion. PAM : pression artérielle moyenne. FC : fréquence cardiaque.
L’ECG
En général, l'ECG est le mode surveillance le plus spécifique ; il est également très sensible. Il est bon
marché et très simple d'utilisation; il fonctionne en permanence et ne nécessite par de compétence très
particulière. Il est le plus efficace pour la détection des sous-décalages du segment ST spécifiques des
lésions sous-endocardiques, qui caractérisent les malades subissant des interventions de chirurgie
générale (voir Figures 6.1 et 6.2). En chirurgie cardiaque, l'ouverture du sternum, les manipulations
chirurgicales du cœur, la survenue de troubles de la conduction ou la nécessité d'un entraînement
électrosystolique limitent les renseignements fournis par l'analyse du segment ST et expliquent en
partie l'incidence élevée d'akinésies segmentaires périopératoires en l'absence de tout signe
électrocardiographique. D'autres signes électriques peuvent traduire des épisodes ischémiques: ESV
multifocales, tachycardie ventriculaire, fibrillation ventriculaire, blocs de branche intermittents ou
permanents.
En chirurgie cardiaque, l’air qui peut se collecter dans les cavités gauches est éjecté dès le déclampage
de l’aorte. Cet air à tendance à se drainer dans la coronaire droite (CD) ou dans les pontages aortocoronariens veineux qui sont implantés à la face antérieure de l'aorte. Il est fréquent de constater alors
des sus-décalages du segment ST (en DII si l’embolie est dans la CD), ou des troubles de la
conduction (BBD, BAV complet). Ces modifications sont transitoires [7].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
121
L’ETO
Les trois territoires coronariens sont bien identifiés à l’ETO (Figure 6.71). A l’échocardiographie,
l’ischémie se présente sous la forme de modifications de la cinétique segmentaire : hypokinésie,
akinésie ou dyskinésie d’un ou plusieurs segments du ventricule (Figure 6.72) (voir Chapitre 25,
Fonction ventriculaire segmentaire). Chez les patients souffrant de lésions transmurales persistantes,
ce qui est le cas des patients subissant des interventions de revascularisation coronarienne, la moitié
des incidents ischémiques visibles à l'ETO ne s'accompagne pas de modifications hémodynamiques, et
dans 40% des cas il n'y a pas d'altérations électriques du segment ST [150]. La valeur prédictive
positive de l’ETO pour l’infarctus postopératoire s’élève jusqu’à 88% en chirurgie cardiaque, alors
qu’elle n’est que de 33% pour les accidents ischémiques survenant en chirurgie non-cardiaque où les
lésions prédominantes sont sous-endocardiques [43,149]. La place de l’ETO dans le monitorage de
l’ischémie demande quelques remarques.
Paroi
postéroinférieure
Paroi
latérale
VG
VD
9
10
8
6
Paroi
antérieure
7
Vue court-axe
VD
VG
Vue court-axe
VG
4
2
5
3
9
7
10
8
14
Paroi
postérieure
Paroi
antérieure
Vue long-axe 90°
CX
CD
11
17
Paroi
latérale
Vue 4-cavités 0°
IVA
12
17
Vue long-axe
CX
13
Vue 4-cavités
IVA
CD
© Chassot 2012
Figure 6.71 : Représentation schématique des
différents territoires coronariens vascularisés
par chaque tronc artériel dans des coupes
échocardiographiques transoesophagiennes.
Figure 6.72 : Segments ventriculaires gauches.
La numérotation commence à la base. Le VG est
divisé en trois parties (basale, moyenne, distale) ;
la partie apicale est le 17ème segment.
 Bien qu'il ait une bonne sensibilité (80%) pour le diagnostic de l’ischémie segmentaire, l'ETO
n'a qu'une faible spécificité pour son monitorage, car les altérations de la cinétique
segmentaire (ACS) peuvent être dues à d'autres causes (dysfonction ventriculaire,
péricardotomie, blocs de branche, etc).
 L’ETO est sensible à l’ischémie segmentaire caractéristique de lésions tronculaires, mais non
à l’ischémie sous-endocardique, raison pour laquelle il a plus d’impact en chirurgie
coronarienne qu’en chirurgie non-cardiaque (Figure 6.73).
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
122
 Il n’y a surveillance de l’ischémie que dans la mesure où l’anesthésiste observe l’écran de
l’appareil, ce qui ne peut pas être continu.
 La surveillance des ACS est délicate et demande une formation adéquate en
échocardiographie, ce qui limite la portée de l’ETO [13,236].
 En chirurgie coronarienne, l'ETO diagnostique des ACS justifiant un traitement médical ou
chirurgical dans 24% des cas ; le taux de reprise chirurgicale de pontages aorto-coronarien est
de 3-5% [14,182].
 Chez les patients à haut risque ischémique, l’impact de l’ETO dans la prise en charge
hémodynamique s’élève jusqu’à 51% des cas [46,182,255].
 La persitance d’ACS après revascularisation a une valeur pronostique pour les complications
postopératoires [183].
 L’ETO permet le diagnostic de décompensations liées à l’ischémie comme l’insuffisance
mitrale ou la dysfonction ventriculaire ; ceci est particulièrement important dans la chirurgie
de l’aorte abdominale au moment du clampage, qui correspond à une augmentation brusque
de la postcharge du VG.
 Dans le cadre de la chirurgie coronarienne à cœur battant (OPCAB), l’ETO a une meilleure
sensibilité à l’ischémie que l’ECG ; sa valeur prédictive pour l’infarctus postopératoire est
supérieure [183,308].
Figure 6.73 :
Ischémie
myocardique
et
image
échocardiographique.
L’occlusion
d’un
tronc
coronarien se traduit par une
ischémie transmurale (surface
pointillée) qui provoque une
altération de la cinétique
segmentaire
visible
à
l’échocardiographie.
Les
lésions distales conduisent à
une ischémie diffuse sousendocardique (en vert), qui ne
se traduit pas par des altérations
cinétiques
visibles
aux
ultrasons. L'implication d'un
pilier dans le territoire ischémie
peut provoquer une insuffisance
mitrale.
Ischémie sous-endocardique
Occlusion
tronculaire
Ischémie
transmurale
© Chassot 2012
Bien que l'échocardiographie soit un moyen très sensible et très spécifique pour le diagnostic de
l'ischémie myocardique, il ne s'avère pas que ce soit un moyen de surveillance peropératoire efficace
en-dehors de la chirurgie coronarienne. Le diagnostic échocardiographique d’ischémie n'est fondé
qu'en l'absence de perturbations hémodynamiques telles que la tachycardie, l'hypovolémie ou
l'hypertension, qui peuvent être elles-mêmes à l'origine de perturbations de la cinétique segmentaire.
Le cathéter pulmonaire
Le rôle de la Swan-Ganz est très limité dans la surveillance de l’ischémie. Il faut que le territoire
touché soit quantitativement très important pour que les modifications de compliance et de fonction
systolique secondaires à l'ischémie se traduisent par des modifications apparaissant sur la PAPO: onde
"a" > 15 mm Hg, onde "v" > 20 mm Hg, augmentation de plus de 15 mm Hg de la PAP diastolique. La
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
123
sensibilité de cet élément pour l’ischémie et sa valeur prédictive d’infarctus sont décevantes, car seuls
13% de toutes les mesures de PAPO et 21% de tous les évènements ischémiques sont associés à des
altérations morphologiques de la courbe de pression bloquée [153,293]. Comparées à la sécrétion de
lactate dans le sinus coronaire, seule mesure objective de l’ischémie myocardique globale du VG, les
modifications de la PAPO ne présentent pas de corrélation fiable avec les épisodes d’ischémie
[91,112]. La Swan-Ganz peut déceler le retentissement hémodynamique secondaire à la souffrance
ventriculaire, mais ne surveille pas l’apparition de l’ischémie.
Le cathéter artériel
On ne saurait trop insister sur l'importance du contrôle continu de la pression artérielle par monitorage
invasif. En effet, derrière les sténoses et dans les collatérales le flux est pression-dépendant. Une
baisse de la pression artérielle de plus de 30% a un pouvoir prédictif de 84% pour une ischémie périopératoire [153]. Comme la PAM en périphérie est la mesure la plus voisine de la pression aortique
qui perfuse l'arbre coronarien, il est habituel de la maintenir au-dessus de 75 mmHg pour avoir une
marge de sécurité. La fréquence étant l'élément majeur parmi ceux qui augmentent la consommation
d'O2 myocardique, plusieurs index ont été imaginés pour déterminer les situations à risque pour le
coronarien. Le plus simple est le rapport de Buffington [32] : c'est le rapport entre la pression artérielle
moyenne et la fréquence cardiaque (PAM / FC). Ce rapport est une analogie du rapport DO2/VO2 ;
chez les coronariens, il doit rester au-dessus de 1. Sa valeur d'alarme pour la survenue d’ischémie
lorsqu’il devient < 1 est d’autant plus intéressante qu’il ne nécessite aucun équipement particulier. En
anesthésie, il est plus pertinent que le double produit (PAsyst • FC) ou le triple produit (PAsyst • FC •
PAPO). Toutefois, sa valeur prédictive positive est très limitée, alors que sa valeur prédictive négative
est élevée [89] ; cela signifie que le risque d'ischémie est faible tant que la fréquence cardiaque d’un
malade coronarien est inférieure à sa PAM, pour autant que toutes deux restent dans les limites
physiologiques.
Les biomarqueurs
Le relargage de troponines est le marqueur le plus sensible d’une lésion myocardique. Après chirurgie
de revascularisation coronarienne, les troponines ne permettent pas de faire la différence entre une
ischémie et les dégâts de l’intervention chirurgicale elle-même. Comme leur taux est proportionnel à
la gravité de la lésion, elles restent un indicateur assez spécifique d’infarctus postopératoire, que la
nécrose soit liée à l’acte chirurgical ou à une thrombose coronarienne (voir Chapitre 9 Infarctus en
chirurgie cardiaque). Un taux postopératoire de troponine T supérieur à 1.5 mcg/L est un prédicteur
efficace de la mortalité à 6 mois [72a]. Malheureusement, son évolution dans le temps (pic à 12-24
heures) impose un certain délai diagnostique. La myoglobine est un marqueur plus précoce (1-3 heures
après la lésion, pic à 6-12 heures), mais son élévation immédiate est peu spécifique après une
opération; la persistence d’un taux élevé à 24 heures est un meilleur indice. D’autre part, la
retransfusion de sang médiastinal complique le diagnostic biologique de l’infarctus, car cette
autotransfusion augmente artificiellement le taux des marqueurs habituels.
Dans les trois premiers jours postopératoires de chirurgie noncardiaque, une élévation momentanée du
taux de troponine (≥ 0.02 ng/L) est associée à une augmentation de mortalité à 1 mois, bien que les
trois quarts des patients soient asymptomatiques et les deux tiers sans signes ECG (voir Chapitre 9
Infarctus en chirurgie noncardiaque). Une élévation de 0.02 ng/L, 0.03-0.25 ng/L et de ≥ 0.3 ng/L est
associée à une élévation du risque (hazard ratio) de mortalité postopératoire de 2.41, 5.0 et 10.5
respectivement (mortalités de 4.0%, 9.3% et 16.9%) [54a]. Définie par les troponines, une ischémie
myocardique postopératoire est présente chez 8-19% des patients à risque intermédiaire et élevé, bien
que 58% d’entre eux ne remplissent pas les critères d’un infarctus et que 84% soient asymptomatiques
[24a,294a]. Le délai moyen minimal d’une dizaine de jours entre l’élévation du marqueur et le décès
laisse suffisamment de temps pour entreprendre une prise en charge immédiate de l’ischémie
myocardique. Lorsque le taux de troponine est significatif et lorsque l’ECG est modifié, le traitement
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
124
est celui d’une ischémie myocardique aiguë (voir Chapitre 9 Traitement, Ischémie aiguë). Lorsque le
taux est faible et l’ECG sans altération, le traitement est celui d’une ischémie myocardique stable
asymptomatique, équivalente à une prévention secondaire proactive : antiplaquettaires, statine, bétabloqueur, inhibiteur de l’enzyme de conversion et, à long terme, modifications du style de vie. Après
chirurgie vasculaire majeure, cette prise en charge diminue de moitié la mortalité à 1 an [76a].
Toutefois, l’association entre troponines et pronostic postopératoire est davantage liée à la mortalité
générale, toutes causes confondues, qu’à l’infarctus per se [294a]. L’élévation du taux de troponine à
des valeurs inférieures à celles admises pour le diagnostic non-équivoque d’infarctus est un marqueur
de risque pour les complications postopératoires, qu’elles soient cardiovasculaires ou non (embolie
pulmonaire, insuffisance respiratoire, AVC, sepsis). Même si elles sont liées à une ischémie
myocardique, les troponines ne signent pas forcément une lésion nécrotique dans un ventricule. Ceci
pose un problème de prise en charge, car il n’est pas anodin d’imposer à un patient le traitement
agressif d’une ischémie myocardique aiguë s’il n’en souffre pas.
Monitorage de l’ischémie coronarienne
L'ECG, particulièrement l’analyse continue du segment ST, reste la technique de choix pour la
surveillance de l’ischémie coronarienne ; il fonctionne en continu de manière automatique. L'ETO est
efficace en cas de lésions tronculaires engendrant des anomalies contractiles segmentaires (chirurgie
coronarienne), mais elle est très peu sensible à l’ischémie sous-endocardique (plus fréquente en
chirurgie non-cardiaque) ; d’autre part, elle réclame une attention exclusive et une formation
spécifique. Par contre, l’ETO démontre clairement les décompensations hémodynamiques liées à
l'ischémie : dysfonction ventriculaire gauche ou droite, insuffisance mitrale.
La Swan-Ganz peut déceler le retentissement hémodynamique secondaire à la souffrance
ventriculaire, mais n’est pas une technique de surveillance de l’ischémie coronarienne. Un cathéter
artériel est fondamental pour maintenir le rapport PAM / FC > 1.
Les troponines sont un marqueur très sensible de lésions myocardiques aggravant le pronostic
postopératoire (mortalité augmentée d’environ trois fois).
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
125
Surveillance respiratoire
Après l'hémodynamique, le système respiratoire est le principal objet de surveillance peropératoire.
Comme tout patient sous anesthésie, le malade de chirurgie cardiaque doit être équipé d'un
pulsoxymètre (SpO2), d'un oxymètre (FiO2) et d'un capnographe (PetCO2). Actuellement, les
moniteurs échantillonnent ces deux dernières données de manière continue à l'inspirium et à
l'expirium, et les complètent par la mesure des flux et des pressions dans le système respiratoire, en
général au niveau de la connexion en Y côté patient. Les mesures de flux et de pression permettent
d'évaluer la mécanique ventilatoire, la compliance pulmonaire, les résistances bronchiques et la PEEP
intrinsèque.
Relation PaCO2 - PetCO2
La différence moyenne entre la pressions artérielle (Pa) et la pression télé-expiratoire (Pe) de CO2 est
habituellement de 3 à 5 mm Hg, mais elle oscille physiologiquement entre 0 et +13 mm Hg. Elle n'est
pas toujours constante au cours de l'anesthésie. Trois catégories de facteurs influencent cette
différence [86].
 Le rapport ventilation - perfusion (V/Q) ; la diminution du rapport V/Q (effet shunt) creuse
très peu la différence entre la PaCO2 et la PeCO2, alors que l'augmentation de ce rapport
l'accentue considérablement (baisse du débit cardiaque, effet espace-mort alvéolaire par
intubation endo-bronchique ou embolie pulmonaire).
 Débit expiratoire alvéolaire insuffisant au niveau du capteur ; le capteur ne peut donner des
valeurs cohérentes de CO2 que s'il reçoit de l'air alvéolaire qui s'est équilibré avec le sang
artériel pulmonaire. Chez les petits enfants (poids inférieur à 10 kg), cette condition n'est pas
remplie et la PeCO2 est très inférieure à la PaCO2 pour plusieurs raisons :
• Débit expiratoire faible ;
• Haut débit de gaz frais ;
• Circuits respiratoires ouverts ;
• Espace-mort important (connexions, etc) ;
• Fuites autour du tube endotrachéal ;
• PEEP ;
• Fréquence respiratoire élevée ;
• Volume courant faible.
 Problèmes techniques ; ils relèvent de la calibration de l'appareil et de sa fréquence
d'échantillonnage par rapport à la fréquence respiratoire ; la première doit être supérieure à la
deuxième pour que les valeurs affichées soient fiables.
Il se peut aussi, plus rarement, que la PeCO2 soit plus élevée que la PaCO2. Cette situation se
rencontre surtout lorsque la capacité résiduelle fonctionnelle est diminuée (obésité, grossesse, etc) et
qu'elle participe aux échanges gazeux en phase télé-expiratoire, car les zones à V/Q bas se vidangent
lentement et influencent la phase terminale du capnogramme. Pour être significatives, les valeurs
doivent être observées sur plusieurs cycles respiratoires.
Hypocapnie et hypercapnie
Les modifications ventilatoires du CO2 sont un des meilleurs moyens de varier les résistances
pulmonaires sans affecter significativement les résistances systémiques. L'hypercapnie provoque une
vasoconstriction pulmonaire (acidose respiratoire et augmentation de [H+]), l'hypocapnie une
vasodilatation. L'hypercapnie (PetCO2 > 45 mm Hg) relève de trois causes:
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
126
 Hypoventilation alvéolaire ;
 Ré-inspiration ;
 Augmentation de la production de CO2 :
• Réveil, douleur, décurarisation, frissons ;
• Métabolisme augmenté (sepsis, hyperthyréose, hyperthermie maligne) ;
• Laparoscopie, thoracoscopie ;
• Relâchement de clamp artériel ou de garrot.
L'hypocapnie est liée à quatre phénomènes:
 Hyperventilation alvéolaire ;
 Augmentation de la différence Pa - PeCO2 ;
 Diminution de la production de CO2 (anesthésie générale profonde, curarisation,
hypothermie) ;
 Baisse du transport de CO2 vers les poumons (bas débit cardiaque).
Relation entre le débit cardiaque et les échanges gazeux
En l'absence de modifications dans la ventilation ou dans la production de CO2, la chute du débit
cardiaque entraîne une baisse de la PeCO2 [147]. Deux mécanismes sont impliqués.
 Baisse de la quantité de CO2 transporté vers les poumons par unité de temps ;
 Augmentation de la proportion des volumes pulmonaires à rapport ventilation-perfusion élevé
(zone I de West, ventilation normale, perfusion nulle) et augmentation de l'espace-mort
physiologique par diminution de la pression intravasculaire pulmonaire. Le rapport espacemort / volume-courant est augmenté (normal 0.2-0.4). Pendant l'expirium, cet espace-mort
alvéolaire dilue le CO2 effectivement échangé dans les alvéoles perfusées ; la PeCO2 chute
proportionnellement.
Quatre mécanismes fonctionnent en sens opposé, et contribuent à rétablir la pression partielle de CO2
dans le gaz alvéolaire [116].
 L'augmentation de l'espace-mort alvéolaire diminue la ventilation alvéolaire effective, d’où
augmentation de la PalvCO2 et hypoventilation ;
 La baisse de la SvO2 augmente la capacité de transport du CO2 dans le sang veineux (effet
Haldane) ;
 Le contenu en CO2 du parenchyme pulmonaire, quoique faible, tamponne partiellement la
baisse de la PalvCO2 ;
 Le CO2 produit s'accumule dans les tissus périphériques à cause du bas débit sanguin local ;
lorsque la situation de bas débit se prolonge, la quantité de CO2 tissulaire devient suffisante
pour augmenter la PvCO2 et diffuser dans les alvéoles perfusées ; la PeCO2 ré-augmente.
Expérimentalement, il existe une relation linéaire entre la baisse de la PeCO2 et la chute du débit
cardiaque exprimées en pourcentage de leur valeur de base : une baisse de 20% de la PeCO2
correspond à une chute de 27% du débit cardiaque [116]. Après 20-30 minutes de bas débit cardiaque,
le CO2 tissulaire accumulé repasse progressivement dans la circulation : la PaCO2 remonte, de même
que la PeCO2 . La relation entre le débit expiratoire de CO2 et le débit cardiaque n'est donc valable que
dans les phases aiguës de bas débit (Figure 6.74). La même relation a été trouvée en clinique. La
corrélation entre la baisse de la PeCO2 et celle du débit cardiaque est très bonne. Le rapport de ces
modifications est de 1:3, c'est-à-dire que la chute de la PeCO2 est le tiers de celle du débit pour des
réductions modérées de ce dernier [258]. Cette chute est proportionnellement plus grande lorsque le
débit cardiaque est très bas. La corrélation dans le temps est très rapide, mais non permanente ; elle
dure au moins 10 minutes, mais la PeCO2 se rétablit sur une période de 50 minutes. Lors du sevrage de
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
127
la CEC, le débit pulmonaire se rétablit lentement au fur et à mesure que le débit de pompe diminue, et
la PeCO2 augmente parallèlement. Malgré l’affichage d’une hypocapnie, il est important de maintenir
un régime ventilatoire normal pour éviter tout risque d’atélectasie, car les contraintes techniques dans
le champ opératoire limitent l’importance de la PEEP que l’on peut adjoindre.
120
Figure
6.74 :
Représentation
graphique
d'un
écran de moniteur
au cours d'une
hypotension
brusque
par
hémorragie.
La
PetCO2 suit la
chute de pression
artérielle
(PA),
mais la VO2 a une
réponse
plus
rapide que la
VCO2 à la chute
du
débit
cardiaque. PA en
mmHg. PetCO2 en
mmHg. VO2 et
VCO2 en mL/min.
60
PA
40
20
PeCO2
200
100
VO2
VCO2
Ces résultats supposent que la ventilation et le métabolisme restent inchangés. Or le bas débit
cardiaque peut diminuer suffisamment l'apport d'oxygène aux tissus pour que le métabolisme aérobie
soit freiné et que la production de CO2 diminue ; la PeCO2 baisse d'autant. En cas de ventilation
spontanée, la gêne respiratoire contribue à une hypoventilation. En ventilation mécanique, une
élévation de la pression alvéolaire augmente le rapport VD/VT. Ces phénomènes interfèrent dans la
relation entre la PeCO2 et le débit cardiaque. En résumé, la PeCO2 varie linéairement avec le débit
cardiaque lors des modifications aiguës de ce dernier, pour autant que la ventilation et le métabolisme
restent inchangés. Elle a une valeur pronostique certaine en cas de réanimation cardiaque. La
simplicité et la fiabilité de cette mesure chez un patient intubé en font un test utile pour juger des
modifications aiguës de la perfusion pulmonaire.
Une embolie pulmonaire massive ampute soudainement la perfusion pulmonaire et fait chuter
brutalement la PeCO2, alors que la PaCO2 s'élève ; l'effet espace-mort est gigantesque. On a ainsi
enregistré au cours d'une embolie gazeuse massive une valeur expirée de 13 mmHg alors que la valeur
artérielle était de 85 mmHg. En cas d'arrêt cardiaque, la PeCO2 s'effondre immédiatement, et remonte
lorsque la perfusion pulmonaire se rétablit ; elle est une fonction linéaire (r = 0.62) de l'index
cardiaque [70]. Lors de réanimation cardio-pulmonaire, la présence de CO2 expiré est un bon indice de
l'efficacité du massage cardiaque. La PeCO2 obtenue après 5 minutes de réanimation a une valeur
pronostique. Si elle reste inférieure à 10 mmHg, la survie est peu probable ; au-dessus de 15 mmHg, le
taux de réanimation efficace est élevé. Si l'on place le seuil de signification à 15 mmHg, la valeur
prédictive est de 91% [70]. L'administration de bicarbonate peut fausser cette relation au augmentant
passagèrement la PeCO2. Lorsqu'on reprend la ventilation en fin de CEC, le CO2 expiré est très bas
parce que le circuit pulmonaire est partiellement exclu et que les échanges gazeux sont assurés par
l'oxygénateur.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
128
Deux mesures supplémentaires permettent d'accroître la pertinence du monitorage :
 La mesure continue de la fraction inspirée et de la fraction expirée d'O2 (FiO2 et FeO2) ;
 Les mesures du flux et de la pression dans le système respiratoire au moyen d'un tube de Pitot.
En combinant les mesures du CO2 et de l'O2 inspirés et expirés avec celles des volumes respirés, on
peut calculer la consommation d'oxygène (VO2 = 250 ml/min) et la production de CO2. On peut en
extraire le débit cardiaque par l'équation de Fick : DC = VO2 / (CaO2 – CvO2). La différence entre la
FiO2 et la FeO2 (ΔO2) varie plus rapidement que la FiCO2 et FeCO2 au changement de ventilation et de
débit cardiaque, parce que le volume de CO2 de l'organisme (20 L) est bien plus grand que la réserve
en O2 des poumons (1 L) [172]. Une hypoventilation soudaine est détectée vingt fois plus vite par la
ΔO2. En anesthésie, une baisse de la VO2 est liée à la baisse du tonus sympathique central, à
l'hypothermie, à la curarisation, ou à une perte de volume circulant ; la valeur peut diminuer de 75%
dans ces circonstances.
Surveillance respiratoire
La PeCO2 varie proportionnellement au débit cardiaque lors des modifications aiguës de ce dernier,
pour autant que la ventilation et le métabolisme restent inchangés. L’hypocapnie dure au moins 10
minutes, mais la PeCO2 se rétablit sur une période de 50 minutes. Une embolie pulmonaire massive
ampute la perfusion pulmonaire et fait chuter brutalement la PeCO2, alors que la PaCO2 s'élève.
On peut calculer le débit cardiaque par l'équation de Fick : DC = VO2 / (CaO2 – CvO2).
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
129
Surveillance neurologique
Les complications neurologiques après chirurgie cardiovasculaire sont de deux types [81,194,294] :
 Lésions focales (Type I), provoquant des accidents vasculaires cérébraux ischémiques
(AVC) ; elles surviennent dans 2-6% des cas de chirurgie cardiaque ;
 Dysfonctions neuro-cognitives (Type II), beaucoup plus fréquentes (30-50% des cas), qui sont
largement réversibles à long terme.
Comparée à une mortalité de base voisine de 2% en moyenne, la mortalité associée aux lésions focales
s’élève jusqu’à 21% et celle des dysfonctions jusqu’à 10%. Il existe essentiellement deux mécanismes
à l’origine de ces lésions [64] :
 L’hypoperfusion cérébrale ; elle est due à une hypotension artérielle, un bas débit, une
pression veineuse excessive (position de Trendelenburg, canulation veineuse subocclusive) ou une collatéralisation insuffisante en cas de clampage carotidien ;
 L’embolisation de matériel athéromateux, de particules lipidiques, de thrombi, d’agrégats
fibrineux, de microparticules de plastic ou de bulles d’air ; l’embolisation est fréquente lors de
clampage aortique ou carotidien, et constante au cours de la CEC (Figure 6.75).
Figure 6.75 : Pourcentage
d'embols enregistrés par
Doppler transcrânien au cours
d'une opération de pontages
aorto-coronariens en CEC. 1:
dissection. 2: canulation
aortique. 3: CEC partielle. 4:
cardioplégie et clampage
aortique. 5: en CEC. 6:
déclampage de l'aorte. 7:
clamp tangentiel sur l'aorte.
8: CEC avec clamp tangentiel
en place. 9: déclampage
tangentiel. 10: début de
l'éjection. 11: décanulation.
12: hors-CEC. Aspiration,
filtre artériel et réservoir
influencent directement le
taux d'embols en CEC (5).
Taux en %
12.5
10.0
7.5
5.0
2.5
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
Le but du monitorage cérébral est de détecter les incidents avant que la lésion induite ne soit
irréversible. On dispose à cet effet de cinq types de moniteurs : l’EEG, les potentiels évoqués, le
Doppler transcrânien, l’oxymétrie cérébrale (voir Oxymétrie cérébrale) et la saturation jugulaire. On
peut y ajouter la surveillance de la profondeur de l’anesthésie (BIS™), qui a un rôle accessoire dans le
neuromonitorage (voir Index bispectral). L'ETO contribue indirectement à la protection cérébrale dans
la mesure où elle permet de sélectionner le meilleur site de canulation dans l'aorte ascendante pour
éviter les plaques athéromateuses, et où elle est une aide capitale dans le débullage des cavités
cardiaques après cardiotomie gauche (Figure 6.76) ; elle contribue ainsi à prévenir les séquelles
neurologiques potentielles de la CEC. Comme ces séquelles neurologiques sont liées aux épisodes
d’hypoperfusion et d’hyperthermie cérébrale post-CEC, les mesures de pression de perfusion et de
température font partie intégrante de la surveillance neurologique [70a].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
130
Figure 6.76 : Elimination des
bulles d'air après CEC avec
ouverture des cavités gauches.
Une grande quantité de bulles
(taches
blanches
oblongues)
revient par les veines pulmonaires
dans l'OG et le VG, et a tendance
à s'accumuler dans les endroits
élevés: l'angle mitro-aortique et le
septum antéro-apical (flèches).
L'ETO est indispensable pour en
faire le diagnostic et pour
surveiller la vidange adéquate par
les manoeuvres chirurgicales.
Pression de perfusion cérébrale
La pression de perfusion cérébrale (PPC) est habituellement définie comme la différence entre la
pression artérielle moyenne (PAM) et la pression veineuse jugulaire (PVC) :
PPC = PAM - PVC
L’hypoperfusion peut survenir sur une hypotension artérielle systémique ou sur une élévation
excessive de la PVC (position de Trendelenburg, rotation de la tête, manipulation du cœur, canulation
veineuse de CEC). Dans la population normale, il est recommandé de maintenir la PAM à 70-80
mmHg. En présence d'athéromatose vasculaire, de diabète, d'hypertension artérielle, d’insuffisance
rénale, de sténose carotidienne, et d'un âge avancé (> 70 ans), il est préférable de maintenir la PAM
dans la zone normale-haute, car l’autorégulation cérébrale s’est déplacée vers des valeurs plus élevées.
Température cérébrale
Après un épisode d’hypothermie en CEC, le réchauffement entraîne un rebond hyperthermique
cérébral qui dure plusieurs heures et dont l’importance est proportionnelle à la profondeur de
l’hypothermie et à la rapidité du réchauffement. Cette poussée hypertherme (> 38°C) aggrave les
séquelles neurologiques [93a]. Bien que les plus proches possibles du cerveau, les températures
tympanique et ethmoïdale (sonde contre la paroi nasopharyngée supérieure) tendent à sous-estimer la
température cérébrale et la température du sang jugulaire.
L'électro-encéphalographie (EEG)
L'EEG reflète l'activité globale du cortex. Des modifications éléctro-encéphalographiques apparaissent
lorsque le flux sanguin cérébral (FSC) a diminué de moitié (valeur normale: 50 ml/100g/min).
L'ischémie provoque une perte des signaux électriques rapides alpha (7-14 Hz) et béta (> 14 Hz), et
une augmentation des signaux lents delta (0.5-3 Hz) et théta (4-7 Hz), puis une perte d'amplitude allant
jusqu'au silence électrique [213]. L'EEG est isoélectrique pour un flux sanguin < 15 ml/100g/min. Une
ischémie focale due à une embolie peut échapper à cette surveillance. Les modifications électriques
surviennent avant les lésions cellulaires; les déficits neurologiques sont probables lorsqu'elles durent
plus de 10 minutes. L'EEG est isoélectrique à 20°C.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
131
Le système à 16 ou 20 canaux, encombrant et difficile à interpréter, est en général remplacé par un
moniteur de fonction cérébrale de type CSA (Compressed Spectral Array), qui affiche une analyse
spectrale des ondes par une transformation de Fourrier, et ne nécessite que 4 électrodes placées sur les
apophyses mastoïdes et au milieu du rebord orbitaire frontal. L’appareil affiche le spectre des
fréquences qui comprennent le 95% des ondes enregistrées et en extrait la prédominance relative des
ondes de type α, β, δ et θ (Figure 6.77). Une hypoperfusion cérébrale se traduit par une baisse de
l’amplitude globale, une baisse des ondes rapides α et β (4-7 Hz), et une augmentation relative des
ondes lentes δ et θ (0.5-3 Hz) [81]. Cette technique, plus conviviale que l’EEG, ne permet pas toujours
de distinguer les ondes cérébrales des interférences comme l'activité cardiaque ou musculaire, l'effet
des médicaments, de la température ou de la pCO2 . Contrairement au BIS™, elle demande une
certaine formation pour être capable d’interpréter correctement les tracés [127a].
Figure
6.77 :
Image
d'analyse spectrale des
ondes (transformation de
Fourrier) fournie par un
moniteur
de
fonction
cérébral de type CSA
(Compressed
Spectral
Array). Le nombre d'ondes
d'une certaine fréquence
apparaît sous forme de
spectre de fréquence; dans
ce cas, les ondes alpha
prédominent.
Quoique bien corrélée avec le FSC, ces techniques sont biaisées par des interférences comme l'activité
cardiaque ou musculaire, l’anesthésie générale, l’hypothermie et la PaCO2. Son interprétation est
parfois difficile. Lors de clampage carotidien, l’EEG ne détecte l’ischémie cérébrale que dans 59% des
cas et présente un taux de faux négatifs de 40% [102]. Par contre, il permet de déterminer le degré
d’hypothermie optimal en cas d’arrêt circulatoire par la survenue d’un tracé isoélectrique.
Les potentiels évoqués
Les potentiels évoqués (PE) d'un membre sont utiles dans la chirurgie de l'aorte thoracique
descendante parce qu’ils surveillent l'intégrité médullaire. Les potentiels évoqués sensitifs sont très
sensibles à l'ischémie, mais ils explorent la colonne postérieure de la moëlle ; une paraplégie (lésion de
la colonne antérieure) peut survenir à leur insu. L'appareillage est encombrant et la valeur prédictive
faible ; l'hypothermie et les halogénés en altèrent la lecture (Figure 6.78). Les potentiels évoqués
moteurs surveillent la colonne antérieure de la moëlle ; la sensibilité est faible mais la spécificité est de
100% [66]. Plus intéressants sont les potentiels évoqués auditifs (PEA) (A-Line Monitor™). La
réponse auditive du tronc cérébral reflète l'activité neuronale entre le noyau cochléaire et le colliculus
inférieur ; elle n'est pas modifiée par les agents d'anesthésie, mais varie directement avec la
température. Elle est un excellent moyen de surveiller le degré d'inhibition neuronale par
l'hypothermie [227].
Le Doppler transcrânien (DTC)
Le Doppler transcrânien mesure la vélocité (V) du sang dans une grande artère. Le flux est calculé
selon l'équation: Q = V • S, où S (π r2) est la surface de section du vaisseau. Une fois le diamètre du
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
132
vaisseau connu, la mesure de la vélocité (V) permet de calculer le flux (Q). On choisit en général
l’artère cérébrale moyenne, qui est facile d’accès et qui achemine 70% du sang à l’hémisphère
ipsilatéral. On admet que le diamètre de l’artère ne se modifie pas au cours de l’examen, et que les
variations de vélocité traduisent les variations du flux sanguin cérébral. L’analyse Doppler ne mesure
que la vélocité des hématies, non leur nombre ; ainsi l'hémodilution, qui accélère le flux, peut faire
croire à une augmentation de l'apport d'oxygène, alors que celle-ci a diminué. Son utilisation comme
monitorage suppose que la vélocité du flux reflète effectivement le débit sanguin total, que le diamètre
du vaisseau ne se modifie pas, et que le capteur reste absolument stable. Les variations de l'Hb, de la
viscosité, de la température, de la PaCO2, et les agents d'anesthésie interfèrent considérablement avec
la mesure [61].
PES
Figure 6.78 : Potentiels
évoquées sensitifs (PES)
enregistrés
pendant
un
clampage aortique. Les temps
correspondent à la durée du
clampage. Les potentiels
évoqués
auditifs
(PEA)
présentent une évolution
analogue lors d'ischémie
cérébrale en hypothermie.
0 min
30 min
50 min
Post
Si la valeur absolue du flux peut être incertaine, ses variations (ischémie ou hyperémie) et son sens
(antérograde ou rétrograde) lors de clampage sont parfaitement surveillés par le DTC. Les embols sont
aisément détectés par la technique, notamment lors du clampage aortique ou pendant la chirurgie
carotidienne; ils apparaissent sous forme de HITS (High-intensity transient signals) dont la
morphologie donne une clef sur l'origine (bulle, athérome, etc) [222]. Toutefois, la corrélation avec les
symptômes cliniques n'est pas évidente [64]. Le DTC est encombrant, instable et très opérateurdépendant. Les signaux sont ininterprétables dans 21% des cas et non localisables chez 10% des
patients [81,185]. Ils sont absents en cas de bas débit, de flux dépulsé (CEC) ou d’arrêt circulatoire
hypothermique.
La saturation veineuse jugulaire (SjO2)
La saturation veineuse jugulaire (SjO2) s'obtient par canulation rétrograde de la jugulaire interne
(cathéter oxymétrique 5.5 F). Elle est fonction de l'extraction cérébrale en O2 et de l'activité
métabolique globale. Sa valeur normale est 60-75% [139]. La valeur critique se situe autour de 50%.
Une valeur < 40% est associée à une souffrance cérébrale ischémique et à des séquelles neurologiques
[253]. Elle augmente en cas d'hyperémie, d'hypercapnie ou de fistule artério-veineuse. Elle diminue
pour des raisons systémiques (désaturation artérielle, hypocpanie, anémie aiguë, hypotension) ou
cérébrale (hypertension intracrânienne, hyperthermie, convulsions, vasospasme). Elle peut être utile
pour confirmer la baisse de la demande métabolique avant un arrêt circulatoire, mais n’a aucune
valeur localisatrice [169].
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
133
Monitorage neurologique
Plusieurs techniques permettent une surveillance neurologique peropératoire :
- EEG et CSA, corrélés au flux sanguin cérébral et à l’activité électrique neuronale ;
- Potentiels évoqués sensitifs ou moteurs (moëlle), et auditifs (tronc cérébral) ;
- Doppler transcrânien (diagnostic d’embols, suivi du flux) ;
- Saturation veineuse jugulaire ;
- Pression de perfusion cérébrale (PPC = PAM – PVC) et température éthmoïdale.
- Spectroscopie infrarouge (NIRS) : saturation cérébrale bilatérale en O2 (ScO2) ;
- Index bispectral (non adapté à la surveillance d’embols ou d’ischémie) ;
La combinaison de la ScO2 et de l’EEG/CSA offre l’optimum de surveillance.
Oxymétrie cérébrale
La spectroscopie infrarouge (NIRS, Near-infrared spectroscopy) permet la mesure locale de la
saturation de l'hémoglobine cérébrale en oxygène (ScO2). Plusieurs appareils sont disponibles sur le
marché : INVOS™, Fore-Sight™, Equanox™, CerOX™, NIRO™, TOS-96™. Les deux diodes de
chaque capteur sont écartées de 3 cm environ; chaque capteur est placé sur l'angle fronto-temporal
susorbitaire, de chaque côté du crâne. La longueur d'onde laser émise (770 – 910 nm) pénètre la boîte
crânienne et se trouve dispersée par la substance cérébrale où une partie spécifique du spectre est
absorbée par l'hémoglobine oxygénée (HbO2) et une autre par l'hémoglobine réduite (Figure 6.79). Le
pic d'absorption de l'Hb oxygénée est à 929 nm et celui de l'Hb désoxygénée à 758 nm. La quantité de
lumière réféchie et le spectre d'absorption permettent de calculer la teneur en oxygène de la zone
cérébrale explorée [250]. Comme sa lecture n’est pas basée sur la pulsatilité vasculaire, la
spectroscopie infrarouge peut surveiller l’oxygénation cérébrale pendant la CEC ou lors d’arrêt
circulatoire. Une ischémie cérébrale survenant dans une autre région que celle examinée échappe
cependant à la surveillance. Avec deux jeux de capteurs, par contre, la technique permet de
différencier l'état des deux hémisphères (Figure 6.79B et C).
Les valeurs affichées sont très voisines de la saturation veineuse cérébrale (SjO2) parce que les 75% du
sang cérébral sont dans le réseau veineux, 20% dans le réseau artériel et 5% dans les capillaires. La
valeur normale à l’état éveillé oscille entre 60 et 75% [195] ; elle diminue de 78% chez l’enfant à 67%
à partir de 60 ans [65]. Bien que l’évolution du chiffre soit plus significative que sa valeur absolue,
une ScO2 inférieure à 50% est considérée comme anormale. La valeur affichée peut varier de 10%
d’un appareil à un autre [271a]. Il existe souvent une légère asymétrie entre les deux hémisphères,
mais l’apparition d’une nouvelle asymétrie de > 10 points est pathologique. Plusieurs phénomènes
modifient la ScO2 [65,159,271a,277].
 La ScO2 s'élève en hyperoxie et en hypercapnie (augmentation de l’apport d’O2 et
vasodilatation cérébrale) ; elle baisse en hypoxie et en hypocapnie.
 La ScO2 s'élève en hypothermie par baisse du métabolisme et de la libération d'O2 par
l'hémoglobine ; elle baisse en hyperthermie.
 Les agents d’anesthésie diminuent le métabolisme davantage que la perfusion cérébrale ; la
ScO2 a tendance à augmenter. Si le capteur est en regard d’une zone infarcie (absence de
métabolisme), la ScO2 est anormalement élevée.
 La ScO2 s’abaisse avec le débit cardiaque et lui est directement corrélée ; elle baisse
également avec une augmentation de la pression veineuse (PEEP, Trendelenburg,
subocclusion jugulaire par appui ou rotation excessive de la tête).
 La ScO2 diminue avec l’hémodilution (début de CEC) et l’anémie.
 La ScO2 diminue par vasoconstriction artérielle (nor-adrénaline).
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
134
 L’autorégulation maintien l’apport d’O2 sur une vaste plage de PAM allant de 50 à 110
mmHg ; l’anesthésie, la température et l’équilibre acido-basique modifient l’étendue de
l’autorégulation. La ScO2 est un moyen efficace de mettre en évidence la PAM minimale
tolérable chez un patient ; elle correspond au moment où la consommation cérébrale d’O2
devient dépendante de la pression artérielle [207]. Un enregistrement simultané de la ScO2 et
de la pression artérielle permet de définir la zone d’autorégulation comme la plage de valeurs
artérielles dans laquelle la PA et la ScO2 ne sont pas corrélées ; dès qu’elles varient
simultanément, le malade se situe au dessus (hypertension) ou au dessous (hypotension) de
cette zone [271a]. La zone d’autorégulation est rétrécie lors du réchauffement de CEC.
Figure
6.79 :
Spectroscopie
infrarouge et mesure de la
saturation
de
l'hémoglobine
cérébrale en oxygène (ScO2).
A : Les deux diodes de chaque
capteur sont écartées de 3 cm
environ; chaque capteur est placé
sur l'angle fronto-temporal, de
chaque côté du crâne. La longueur
d'onde laser émise (770 – 910 nm)
pénètre la boîte crânienne et se
trouve dispersée par la substance
cérébrale où une partie spécifique
du spectre est absorbée par
l'hémoglobine oxygénée (HbO2)
et une autre par l'hémoglobine
réduite. La quantité de lumière
réféchie et le spectre d'absorption
permettent de calculer la teneur en
oxygène de la zone cérébrale
explorée (d'après 286).
B : électrodes de lecture en place
au-dessus du rebord orbitaire sur
la peau glabre du front ; elle
doivent prendre l’angle frontotemporal pour que les rayons des
deux diodes soient concentriques.
C : affichage de la ScO2
bilatérale.
3-6 cm
Cerveau
Compte
photons
Voûte
crânienne
Spectroscope
infra-rouge
Affichage ScO 2
A
B
Diodes
laser
C
Dans les arrêts circulatoires hypothermiques, la ScO2 permet de juger de la tolérance du cerveau à
l’ischémie. A 20°C, la désaturation est d’environ 1%/min ; à 36°C, elle est de 20%/min [55]. La ScO2
permet de régler le débit continu minimal de CEC (perfusion aortique ou carotidienne sélective) qui
assure les besoins cérébraux en hypothermie (environ 20 mL/kg/min) [277]. Comme l’autorégulation
est abolie pour plusieurs heures par l’hypothermie, la période dangereuse est celle du réchauffement,
parce que la consommation cérébrale d’O2 devient dépendante de l’apport d’O2, donc de la pression
artérielle. L’hémodynamique la plus adéquate est celle qui normalise la ScO2.
La question majeure est celle de la définition d'un seuil en dessous duquel une intervention
thérapeutique se justifie parce que des déficits neurologiques sont probables. En chirurgie
carotidienne, une baisse de 20% a une valeur prédictive positive de 37% et une valeur prédictive
négative de 98% pour la présence de déficits neurologiques postopératoires [180]. Une baisse à des
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
135
valeurs de 30-40% signe une souffrance grave mais est encore compatible avec une récupération
neurologique [185,249]. Dans l'état actuel de nos connaissances, on peut suggérer les repères suivants:





Baisse de 5-15% : normal lors de clampage carotidien ;
Baisse de < 20% : faible probabilité de souffrance neurologique ;
Baisse de > 20% : seuil d’alerte ;
ScO2 = 40% : limite de récupération neurologique certaine ;
ScO2 ≤ 30% : seuil de probabilité de déficits neurologiques postopératoires.
En cours d’intervention, on cherche donc à maintenir la ScO2 entre 65% et 75%, et à éviter une chute
de plus de 20%. Lorsqu’elle baisse en dessous de ces limites, il faut prendre des mesures immédiates
pour améliorer la perfusion cérébrale : augmenter la pression artérielle et/ou le débit de CEC,
reprendre la perfusion en cas d’arrêt circulatoire, éviter l’hypocapnie, diminuer la température
cérébrale (hypothermie < 32°C), augmenter l’hématocrite, repositionner les canules, le cœur ou la tête.
La vitesse de modification de la ScO2 a autant de valeur que le chiffre atteint ; plus la chute est rapide,
plus la situation est grave et demande une correction accélérée de la pression artérielle. Le maintien
rigoureux de la perfusion cérébrale en suivant l’évolution de la ScO2 tend à diminuer l’incidence
d’AVC, de troubles neuro-cognitifs et d’insuffisance multi-organique postopératoires dans plusieurs
études ; de plus, la durée d’hospitalisation semble liée à l’importance de la désaturation cérébrale
peropératoire (OR 2.71) [188a]. Toutefois, les données actuelles sont insuffisantes pour établir que le
suivi de la ScO2 et sa correction immédiate par des manœuvres hémodynamiques ou ventilatoires
puisse améliorer le pronostic des malades et diminuer le risque d’AVC. En chirurgie cardiaque, le
niveau d’évidence est bas [316]. Vu ce manque d’évidence et vu le coût du matériel (CHF 150-200.par patient), on ne peut pas recommander formellement l’oxymétrie cérébrale comme routine standard
dans tous les cas de chirurgie cardiaque [271a].
Le principe de l’oxymétrie cérébrale est applicable à d’autres régions du corps, telles les masses
musculaires. Elle peut ainsi détecter plus précocement des signes d’hypoperfusion tissulaire en cas
d’hypovolémie ou d’instabilité hémodynamique, car le cerveau est relativement protégé par son
autorégulation et ne souffre que tardivement des modifications circulatoires.
Monitorage neurologique : ScO2
Par spectroscopie infrarouge (NIRS), la ScO2 mesure la saturation cérébrale bilatérale en O2. La
corrélation entre les modifications peropératoire de la ScO2 et le pronostic neurologique est faible, ce
qui ne permet pas de recommander ce monitorage comme standard pour tous les cas. L’oxymétrie
cérébrale est cependant indiquée dans une série de circonstances :
- Chirurgie carotidienne
- Chirurgie cardiaque à risque cérébral, chirurgie de l’aorte thoracique
- Instabilité hémodynamique
La présence d’une corrélation entre la ScO2 et la pression artérielle indique que le malade est endehors de sa zone d’autorégulation cérébrale.
Index bispectral
L'index bispectral (BIS™) analyse 4 variables d'un tracé EEG bipolaire (amplitude, fréquence,
composition et cohérence de phase). Un algorithme (propriété du brevet et non explicité) les
transforme en un nombre compris entre 0 et 100 qui décrit la puissance relative dans un espace à 4
phases des bandes de fréquences les plus élevées de l'EEG/EMG [213]; ce chiffre représente la
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
136
profondeur de l'anesthésie. Une valeur de 100 correspond à l'éveil, 0 au coma et 50 à une haute
probabilité de sommeil. Le point critique entre amnésie et souvenir se trouve vers 65; l'échelle n'est
toutefois par linéaire, le chiffre 40 ne signifiant pas un sommeil deux fois plus profond que 80 [250].
La zone de sommeil clinique probable correspond aux valeurs situées entre 40 et 60. Il existe d’autres
appareils fondés sur un principe analogue : Entropy Module™, Narcotrend Monitor™.
Le BIS™ est un moniteur global et non focal de l'activité cérébrale, qui convient mal à la situation où
le risque est une embolie ou une ischémie localisée. Dans une étude portant sur 52 patients opérés de
carotides en ALR, le BIS™ a affiché une valeur moyenne de 96 (± 2.9) [54]. Cinq patients ont
présenté des épisodes d'ischémie cérébrale d'après leur status neurologique ; le BIS a affiché une
valeur moyenne de 96.7 pendant ces épisodes. Cette absence de corrélation entre la valeur du BIS™ et
l'état neurologique le rend donc inadapté à la surveillance du clampage carotidien. Il pourrait toutefois
offrir un mode de surveillance des fonctions cérébrales pendant des états hémodynamiques instables,
car il baisse dans les états de bas débit ou d’hypotension sévère [67]. Quelques rapports ont indiqué un
effondrement du BIS™ (valeur 10-15) lors d'épisodes de souffrance cérébrale ou d'infarcissement
[311].
Le BIS™ est une technique d’apparence séduisante pour se protéger des éveils sous anesthésie. Ceuxci surviennent dans 0.1-0.2% des anesthésies générales ; dans les situations à haut risque comme la
chirurgie cardiaque, la curarisation ou la CEC, l’incidence augmente jusqu’à 1% [251]. La réponse
dépend toutefois du type d'anesthésie. Sous anesthésie intraveineuse avec propofol (TIVA), la valeur
du BIS prédit adéquatement la réponse au stimulus chirurgical, mais les opiacés ne montrent aucune
relation dose-effet et les halogénés une corrélation modeste [65a,252]. Cependant, le chiffre construit
par le BIS™ n’est que le marqueur d’un mode d’interprétation de l’EEG. Bien qu’il soit très répandu,
l’efficacité du BIS™ et sa pertinence physiologique ont souvent été mis en doute. Les
recommandations de l’ASA spécifient que l’évidence clinique est insuffisante pour recommander
l’utilisation de routine de ce type de moniteur dont l’efficacité est incertaine en chirurgie cardiaque
[2,108b]. Deux grandes études randomisées, portant l’une sur 2'000 cas dont 540 de chirurgie
cardiaque [6] et l’autre sur 6'041 patients dont 2'041 de chirurgie cardiaque [5], démontrent que les
protocoles basés sur le BIS ne sont pas supérieurs à ceux basés sur la concentration expiratoire
d’halogéné pour prévenir l’éveil peropératoire. Comparant le taux d’éveil et de mémorisation sous
anesthésie générale entre un groupe monitoré avec le BIS™ et l’autre avec la concentration expirée de
l’halogéné, ces études ne trouvent aucune différence entre ces groupes, ni dans le nombre d’éveils (2
cas dans chaque groupe dans la première, 19 cas dans le groupe BIS et 8 dans le groupe contrôle dans
la deuxième) ni dans la MAC d’halogéné (0.81 vs 0.82) nécessaire à maintenir le sommeil. D’autre
part, la valeur du BIS™ était largement > 60 dans les 16 cas de mémorisation d’évènements
peropératoires [5,6].
L’intérêt du BIS™ est d’éviter l’utilisation excessive d’halogénés ou de propofol pour maîtriser une
poussée hypertensive qui n’est pas liée à un réveil. Si la profondeur de l’anesthésie est adéquate, il est
préférable d’avoir recours à un agent hypotenseur [70a]. Cependant, aucune des grandes études n’a
démontré qu’une valeur de BIS™ maintenue entre 40 et 60 conduise à des économies d’agents, ni à
une amélioration du réveil, ni à une diminution des nausées et vomissements [65a]. Le maintien de la
concentration d’halogéné entre 0.7 et 1.3 MAC est tout aussi performant. La valeur affichée par le BIS
doit être corroborée par les autres signes cliniques de la profondeur de l’anesthésie. Régler les agents
assurant le sommeil pour maintenir le seul chiffre d’un moniteur en dessous d’un certain seuil peut
conduire à une profondeur excessive du point de vue ventilatoire ou hémodynamique, et devenir de ce
fait contre-productif. Il n’y a aucune évidence pour l’utilisation du BIS™ comme système de neurosurveillance.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
137
Monitorage neurologique : BIS™
Le BIS™ n’offre pas de garantie sur la profondeur de l’anesthésie; son efficacité est incertaine en
chirurgie cardiaque. Il n’est pas un système de neuro-surveillance.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
138
Surveillance de la coagulation
Le développement de tests de coagulation faisables en salle d’opération (POC tests : point-of-care
tests) permet maintenant aux anesthésistes de mieux gérer l’administration d’anticoagulants et de
dérivés plasmatiques. D'un point de vue pratique, on peut grouper ces tests en 3 catégories.
 Test de la cascade coagulatoire in vitro (ACT);
 Tests de résistance viscoélastique du caillot (TEG™, ROTEM™, Sonoclot™);
 Tests d'agrégabilité plaquettaire (Multiplate™, VerifyNow™, PFA-100™, etc).
L’implémentation de ces tests dans la routine de chirurgie cardiaque a pour objectif d'individualiser la
prise en charge et de gérer l'hémostase de manière dirigée au lieu de perfuser divers composants de
manière indiscriminée. On a déjà démontré qu’elle permet de diminuer le taux d’hémorragie
postopératoire, la consommation de produits sanguins et la morbidité par rapport à la prise en charge
conventionnelle [308a]. Mais elle implique une formation adéquate du personnel d’anesthésie et un
contrôle de qualité permanent. Pour plus de détails, on se référera au Chapitre 8 Tests peropératoires.
ACT
Le test le plus utilisé en chirurgie cardiaque est l’ACT (Activated clotting time). L’appareil mesure le
temps nécessaire à transformer le sang liquide en un gel coagulé. L’ACT est essentiellement utilisé
pour quantifier l’effet de l’héparine ; bien qu’il soit très sensible, il est peu spécifique. Les résultats
sont prolongés en cas de déficience en facteurs de la voie intrinsèque (facteur XII, prékallikréine) ou
en fibrinogène.
La valeur de l’ACT normal est situé entre 80 et 120 secondes. Une valeur minimale > 450 secondes,
correspondant à une héparinémie de > 2 U/mL, est généralement acceptée comme référence pour les
circuits standards, et une valeur de > 250 secondes pour les circuits pré-héparinés. Si l'ACT est < 400
secondes (ou < 250 secondes), il est recommandé de ne pas commencer la CEC sans ajouter une dose
supplémentaire d'héparine (5'000 – 10'000 UI) ; on procède à un nouveau contrôle après 3 minutes. Il
se peut que l’ACT ne s’allonge pas suffisamment malgré une dose adéquate d’héparine; il s’agit
probablement d’une résistance à l’héparine liée à un défaut en anti-thrombine III (voir Chapitre 8
Coagulopathie peropératoire).
Thromboélastographie
La thromboélastographie est une manière élégante et rapide d’évaluer le développement et la
résistance physique du thrombus formé au cours du processus coagulatoire, et sa dissolution au cours
de la fibrinolyse. L’échantillon de sang complet est placé dans une petite cuve chauffée à 37°C ; le
développement de la fibrine se traduit par un couplage progressif des mouvements rotatoires entre la
cuvette et une tige qui y est plongée (voir Figure 8.15). Le signal électrique est affiché sous forme
d’une trace dont la déflection est proportionnelle à la solidité du caillot (Figure 6.80). Cette trace
permet de mesurer une série de paramètres correspondant aux propriétés visco-élastiques du thrombus
sous une force de cisaillement correspondant à celle qui règne dans la circulation veineuse [282a].
 TC (temps de coagulation) : temps écoulé entre le début de la mesure et le début de la
formation du caillot. Valeur normale : 15-23 minutes (sang natif), 2-4 minutes (activation par
kaolin) ; la valeur normale varie selon le type de test.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
139
 TFC (temps de formation du caillot) : temps écoulé entre le début de la formation du caillot et
une amplitude de courbe de 20 mm. Valeur normale : 5-10 minutes (sang natif), 1-3 minutes
(activation par kaolin) ; la valeur normale varie selon le type de test.
 Angle alpha (pente du TFC) : vitesse de formation de la fibrine. Valeur normale : 22-38° (sang
natif), 53-67° (activation par kaolin).
 A10: amplitude 10 minutes après le temps de coagulation (TC); valeur normale : 43-68 mm.
 FMC (fermeté maximale du caillot, exprimée en mm) : amplitude maximale du tracé, en
général à la 15ème minute ; il définit les propriétés visco-élastiques finales du caillot. Valeur
normale : 47-58 mm (sang natif), 59-68 mm (activation par kaolin).
 IL (index de lyse, ou lyse maximale) : pourcentage de la fermeté du caillot (FMC) à 30 ou 60
minutes. Valeur normale : < 18% à 60 minutes.
A
A10
α
20 mm
TC
FMC
TFC
IL
60 min
Thrombose
Figure 6.80 : Thromboélastogramme. A:
représentation schématique d’un thromboélastogramme normal. TC: temps de coagulation.
TFC: temps de formation du caillot (temps écoulé
entre le début de la formation du caillot et une
amplitude de courbe de 20 mm). A10: amplitude
10 minutes après le TC. FMC: fermeté maximale
du caillot. IL: index de fibrinolyse. α: angle
représentant la pente du TFC, mesurée entre le
point de démarrage du caillot et une amplitude de
20 mm. B: Illustration de thromboélastogrammes
correspondant à différentes pathologies (d’après
référence 282a).
Fibrinolyse
B
Normal
Anticoagulants
Antiplaquettaires
Fibrinolyse
Hyperrcoagulabilité
Il existe deux modèles de thromboélastographie en version utilisable au lit du malade (POC-test): le
thromboélastogramme (TEG™) et le thromboélastomètre rotatoire (ROTEM™). Ce dernier est le plus
utilisé. L’échantillon consiste en sang citraté et recalcifié ; il est réparti en aliquots additionnés de
différents activateurs (figurant entre parenthèses dans la liste ci-dessous) permettant plusieurs analyses
en parallèle. Outre le temps de coagulation et la cinétique du caillot, le ROTEM™ offre ainsi plusieurs
autres données (Figure 6.81).
 INTEM (+ acide ellagique + phospholipide + calcium): information sur la voie intrinsèque ; le
TC de l’INTEM est équivalent à l’aPTT.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
140
 EXTEM (+ facteur tissulaire + calcium): information sur la voie extrinsèque, équivalente au
TP.
 HEPTEM (acide ellagique + héparinase): neutralisation de l’héparine par de l’héparinase ;
permet de diagnostiquer des anomalies alors que le patient est sous héparine (CEC).
 APTEM (facteur tissulaire, calcium, + aprotinine): neutralisation de la fibrinolyse par de
l’aprotinine ; met en évidence une hyperfibrinolyse en comparaison avec l’EXTEM.
 FIBTEM (élimination de la participation plaquettaire au caillot par la cytochalasine D):
évaluation de la fonctionalité du fibrinogène, puisque la formation du thrombus ne dépend
plus que de ce dernier.
 ECATEM (+ écarine): information équivalente à l’Ecarin clotting time pour l’évaluation des
inhibiteurs directs de la thrombine (bivalirudine, desirudine, dabigatran).
Figure 6.81 :
Exemples de tracés
thromboélastographiqu
es ROTEM™.
A: tracé normal.
B: tracé de
thrombocytopénie. C:
tracé de fibrinolyse
excessive.
D: tracé sous
héparinisation
complète (CEC).
MCF: fermeté
maximale du caillot.
CT : temps de
coagulation.
ML : lyse maximale
(pourcentage de MCF
à 60 minutes) (d’après
Tanaka KA, Bolliger
D, Vadiamudi R, et al.
Rotational
thromboelastometry
(ROTEM)-based
coagulation
management in cardiac
surgery and major
trauma. J Cardiothorac
Vasc Anesth 2012 ;
26 :1083-93).
A
B
C
D
L’EXTEM, l’INTEM et l’APTEM sont directement asociés aux taux de fibrinogène et de plaquettes.
L'HEPTEM associé à l'INTEM autorise un diagnostic des anomalies de facteurs de la coagulation
alors que le patient est sous héparine en CEC; on peut ainsi prévoir quels seront les éléments à corriger
après la sortie de pompe. Le TC de l'INTEM (> 240 sec) et de l'EXTEM (> 100 sec) sont utiles pour
déterminer les besoins en PCC (Prothrombin complex concentrate), qui contient les facteurs II, VII,
IX, X protéines C et S. Toutefois, un excès d'héparine ou de protamine peut également prolonger
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
141
l'INTEM-TC. Une valeur de FIBTEM A10 < 5 mm est un bon indicateur d'hypofibrinogénémie (< 1
g/L) ; si la FMC de l’EXTEM ne s’améliore pas après perfusion de fibrinogène, l’indication est posée
à une transfusion de plaquettes. La comparaison entre EXTEM et FIBTEM permet le diagnostic
différentiel entre thrombocytopénie et hypofibrinogénémie, ce qui offre la possibilité de n'administrer
que l'élément en défaut. Toutefois, la fonction plaquettaire n'est pas correctement investiguée par la
thromboélastographie, sauf dans une version spécifique de cette dernière (TEG-PlateletMapping™).
Les premiers résultats de ces tests tombent en 5 à 10 minutes, mais il faut attendre jusqu’à 60 minutes
pour un examen complet (selon la durée de la fibrinolyse). Comme ces tests ont une haute valeur
prédictive négative, leur normalité en présence d’hémorragie est une indication formelle à une reprise
chirurgicale [131].
Agrégabilité plaquettaire
Le thromboélastogramme ne dit malheureusement pas grand’chose sur la fonction plaquettaire. Il est
donc judicieux de lui adjoindre un test d’agrégabilité plaquettaire, mais celle-ci est un phénomène
complexe et multifactoriel, dont il est malaisé de juger la fonctionalité avec un examen standard,
rapide et univoque. Plusieurs examens sont disponibles mais ils évaluent des mécanismes différents du
fonctionnement des plaquettes ; leur degré de cohérence est modeste. De ce fait, il n’existe pas de
consensus clair sur la meilleure méthode à utiliser ni sur la valeur à considérer comme le seuil au-delà
duquel le risque hémorragique devient très élevé. Deux appareils sont fréquemment utilisés en
peropératoire (voir Annexe B, Tests d’activité plaquettaire).
 Multiplate Electrode Aggregometry (MEA™). Il est fondé sur l’augmentation de l’impédance
électrique entre des électrodes plongées dans le plasma lorsque celles-ci se recouvrent d’amas
plaquettaires. Il mesure l’agrégation entre thrombocytes par les récepteurs GP-IIb/IIIa, point
de convergence de la stimulation de tous les autres récepteurs plaquettaires. Il évalue
l’agrégation liée à différents agents selon l’agoniste utilisé: aspirine (acide arachidonique),
bloqueurs du récepteur ADP (ADP).
 VerifyNow™. Cet examen mesure la baisse de densité optique lorsque les plaquettes forment
des agrégats, facilités par la présence de microbilles recouvertes de fibrinogène. Il évalue
l’agrégation entre thrombocytes par les récepteurs GP-IIb/IIIa. Selon l’agoniste utilisé, il
mesure l’agrégation liée à différentes substances : acide arachidonique (aspirine) ou ADP
(clopidogrel, prasugrel, ticagrelor). Il n’est fiable que dans les limites normales du taux
plaquettaire et de l’hématocrite. Il est relativement peu sensible aux très hauts et très bas
degrés d’inhibition plaquettaire.
Ces tests d’agrégabilité plaquettaire effectués avant l’héparinisation permettent de prévoir quels sont
les patients qui réclameront le plus de transfusions érythrocytaires et plaquettaires : une inhibition de >
60% identifie 72-91% des patients polytransfusés. Ils ont une meilleure valeur prédictive que le délai
entre l’opération et la dernière prise de clopidogrel . Lorsque leurs plaquettes sont inhibées à > 70%,
les patients ont 11 fois plus de risque d’être transfusés, quelle que soit la durée d’interruption [213a].
Prise en charge ciblée
La mise au point de tests de coagulation spécifiques faciles à réaliser en salle d’opération a permis de
définir des stratégies logiques dirigées sur des cibles précises (goal-directed), qui évitent de donner à
l’aveugle une quantité de produits sans rapport avec les besoins réels. Un algorithme basé sur
l'utilisation du thromboélastogramme et d’un test d’agrégabilité plaquettaire permet de déterminer
l’origine du saignement et de stratifier l'administration des différents facteurs hémostatiques en
fonction des lacunes décelées (exemple basé sur le ROTEM™ à la Figure 6.82) [308a]. Cet algorithme
est variable selon les institutions, mais est en général constitué de plusieurs étapes identiques (voir
Hémothérapie peropératoire).
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
142
Traiter en premier lieu les éléments suivants (objectif):
2+
Hypothermie (T ≥ 36°C), hypocalcémie (Ca > 1 mmol/L),
acidose (pH > 7.3), érythrocytes (Hb ≥ 80 gm/L)
HEPTEM
TCIN > 240 s
TCHEP normal
TCHEP/TCIN < 0.66
Protamine
25-50 mg
INTEM
TCIN > 240 s
TCHEP > 240 s
EXTEM
TCEX > 79 s
PCC 30 U/kg
PFC 15 mL/kg
APTEM
MLAP < 15%
A tranexamique
15 mg/kg
MCFFIB < 9 mm
Fibrinogène
20-50 mg/kg
MCFFIB > 9 mm
Thrombocytes
2 – 5 unités
FIBTEM
Test fonct
plaquettes
Multiplate™,
VerifyNow™, etc
Desmopressine
0.3 mcg/kg
© ALG - CHUV 2013
Figure 6.82 : Exemple d’algorithme pour l’administration des agents hémostatiques basé sur l’utilisation du
ROTEM™ en fin de CEC, complété par un test de fonction plaquettaire (CHUV, Lausanne) [Gronchi F, Ranucci
M. Perioperative coagulation in cardiovascular surgery. In : Marcucci C, Schoettker P, editors. Perioperative
hemostasis. Coagulation for anesthesiologists. Heidelberg : Springer Verlag, 2014, 243-66]. Il est recommandé
de procéder à un nouveau test après le renversement de l’héparine par la protamine. TC: temps de coagulation
(sec). ML: lyse maximale du caillot à 60 minutes (%). MCF: fermeté maximale du caillot (mm).
 Correction des altérations physiologiques: maintien du pH > 7.3, de la température > 36°C, du
[Ca2+]i > 1 mmol/L, et de l'Ht > 25%.
 Administration d'un antifibrinolytique: acide tranexamique ou acide e-amino-caproïque,
(aprotinine) (voir Antifibrinolytiques).
 Renversement de l'héparine (pour ACT < 130 sec): protamine selon le dosage de
l’héparinémie, ou à raison de 0.8 mg pour 1 mg.
 Maintien des facteurs de coagulation (selon thromboélastogramme):
o Fibrinogène > 2.0 g/L (concentré de fibrinogène 25-50 mg/kg).
o Facteurs II, VII, IX et X (concentré de complexe prothrombinique avec 3 ou 4
facteurs, 20-30 UI/kg ; FEIBA™ avec 4 facteurs partiellement activés, 50 UI/kg).
o Facteur XIII (30 UI/kg) (voir Chapitre 8 Facteurs de coagulation).
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
143
 Maintien des plaquettes (selon tests d’agrégométrie): concentrés plaquettaires pour taux >
70'000/mcL ; éventuellement desmopressine (DDAVP, 0.3 mcg/kg) (voir Chapitre 8
Normalisation des plaquettes).
 Mesure extrême (sauvetage): facteur rVIIa (90 mcg/kg), pour autant que soient normalisés l'Ht
(> 25%), le fibrinogène (> 2.0 g/L), la calcémie (> 1 mmol/L) et les plaquettes (>
70'000/mcL). Justifié seulement en cas d’hémorragie persistante malgré l’utilisation de tous
les moyens hémostatiques, inclus la chirurgie et la radiologie interventionnelle.
Plusieurs études cliniques ont déjà démontré les bénéfices de cette attitude. L’adoption d’un
algorithme précis permet d’économiser les transfusions sanguines (-25%) et surtout le plasma frais
décongelé (PFC : 10-15 x moins) ; elle diminue de moitié le taux de ré-exploration chirurgicale pour
hémostase et celui d’évènements thrombo-emboliques. Par contre, elle double l’utilisation de
fibrinogène et de PCC (concentré de complexe prothrombinique). Une première étude contrôlée et
randomisée (100 patients de chirurgie cardiaque) comparant un guidage par des tests conventionnels à
un guidage par thromboélastographie (ROTEM™) et agrégométrie plaquettaire (Multiplate™)
démontre clairement que le suivi ciblé diminue les transfusions (5 versus 3 poches), l’administration
de PFC (5 versus 0 unités) et l’utilisation de facteur VIIa (12 versus 1 patients traités), mais aussi la
morbidité (insuffisance rénale, sepsis, thrombose) et la mortalité (20% versus 4%, p = 0.013) [308a].
Une deuxième étude corrobore ces résultats : l’administration de produits sanguins selon un
algorithme basé sur le ROTEM™ diminue significativement le taux de transfusions érythrocytaires
(OR 0.50), de plaquettes (OR 0.22) et de PFC (OR 0.20) sans modifier les perfusions de fibrinogène
[125a]. Les mesures de sauvetage comme les transfusions massives, la ré-exploration chirurgicale et le
Facteur VIIa sont moins fréquentes, sans que le taux de complications soit modifié.
Tests de coagulation peropératoires
Tests réalisés en salle d’opération dans un délai de < 20 minutes qui permettent de stratifier
l'administration des différents facteurs hémostatiques en fonction des déficits spécifiques décelés au
lieu de perfuser divers agents de la coagulation de manière indiscriminée.
ACT : temps de coagulation activé (normal 80 - 120 sec), utilisé pour le suivi de l’héparinisation.
Valeur recherchée :
- CEC conventionnelle > 450 sec
- Circuit pré-hépariné 250-300 sec
- Allongement insuffisant après une dose adéquate d’héparine : déficience en AT III
Thromboélastographie (TEG™, ROTEM™) : mesure du développement et de la résistance physique
du thrombus, puis de sa dissolution au cours de la fibrinolyse.
- Temps de coagulation
- Temps de formation du caillot
- Vitesse de formation de la fibrine
- Fermeté maximale du caillot
- Lyse maximale du caillot
Permet de différencier les besoins en protamine, facteurs de coagulation, fibrinogène, thrombocytes
ou antifibrinolytique.
Agrégabilité plaquettaire : évalue l’effet résiduel des antiplaquettaires (transfusion de plaquettes
fraîches, desmopressine).
L’utilisation de ces tests au sein d’un algorithme basé sur l’administration ciblée de procoagulants
permet de diminuer le taux d’hémorragie postopératoire, la consommation de produits sanguins et la
morbidité par rapport à la prise en charge conventionnelle.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
144
Conclusions
Les différents systèmes de surveillance hémodynamique ne sont pas en compétition entre eux mais
offrent au contraire des fenêtres complémentaires pour observer les phénomènes circulatoires. Ils ont
leurs indications propres car ils fournissent chacun des prestations spécifiques. On peut ainsi
concevoir un monitorage intégré comprenant différents éléments choisis en fonction des risques
encourus par le patient (Figure 6.83).
 L'ECG pour le diagnostic des arythmies et de l'ischémie myocardique (sous-endocardique et
transmurale);
 La pression artérielle invasive pour la pression de perfusion et l'estimation de la postcharge;
 Le cathéter pulmonaire de Swan-Ganz pour l’hémodynamique pulmonaire (HTAP,
insuffisance droite), pour la mesure de la SvO2 (adéquation du DC aux besoins métaboliques),
pour le débit cardiaque en cas de RAS anormales (vasoplégie, vasoconstriction intense), et
pour la précharge (PVC, PAPO) en cas d'hypervolémie ;
 Le PiCCO™ pour la précharge (thermodilution transpulmonaire, mesures itératives) et le VS
(mesure automatique et continue);
 L'ETO pour la fonction ventriculaire, pour la précharge en cas d'hypovolémie, pour l'ischémie
en cas de lésion segmentaire, pour le diagnostic étiologique d'une hypotension réfractaire et
pour le suivi cardiologique peropératoire;
 En chirurgie cardiaque, l'ETO pour de multiples indications spécifiques (corrections
anatomiques ou valvulaires, endochirurgie, guidage de canulations, etc);
 En ventilation mécanique, les indices dynamiques (variations de la PA, de PP, du VS, des
oscillations septales interauriculaires) comme marqueurs d'une hypovolémie susceptible de
répondre au remplissage.
 Des méthodes moins invasives (FlowTrak/Vigileo™) ou non-invasives (ClearSight™) pour la
surveillance en chirurgie non-cardiaque ou pour le suivi postopératoire.
Figure
6.83:
Illustration
schématique des
spécificités et de
la
complémentarité des principaux systèmes
de
surveillance
hémodynamique.
Ces derniers ne
sont nullement en
concurrence
les
uns avec les autres
mais offrent des
axes de vision
différents sur les
principaux
éléments
qui
gèrent l’équilibre
circulatoire.
ECG
Cath
art
Arythmies
Ischémie
(sous-endocardique)
Pression systémique
Pression de perfusion
Postcharge
ETO
Anatomie fonctionnelle
Fonction ventriculaire
Hypovolémie, hypoTA
Ischémie (tronculaire)
Chirurgie cardiaque
Swan-Ganz
PiCCO
Précharge
VS
Pressions pulmonaires
Volume de perfusion (VS)
SvO2
Hypervolémie
© Chassot 2012
Quelle que soit la technique utilisée, l'impact d'un monitorage tient à la précision des mesures, à la
pertinence des questions qu'on lui pose ("Pas de question, pas de réponse") et aux conséquences
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
145
thérapeutiques qu'on en déduit. La qualité de l'interprétation des résultats est entièrement déterminée
par les connaissances de l'anesthésiste et du réanimateur. Leur insuffisance est la source même du
manque d'impact des différents systèmes de surveillance, car un moniteur ne vaut pas plus que les
conclusions qu’on en tire. Quelques idées de base doivent présider au choix du mode de surveillance
des malades en salle d’opération et aux soins intensifs [303a].
 La chirurgie majeure, la chirurgie cardiaque et la phase initiale du déchocage nécessitent un
monitorage agressif, qui peut être remplacé par des techniques moins invasives pendant la
phase de stabilisation post-opératoire et post-réanimatoire.
 Il n’existe pas de chiffre magique à rechercher ; l’optimum hémodynamique dépend de chaque
patient et de chaque situation (sepsis, polytraumatisme, ischémie myocardique, insuffisance
ventriculaire, valvulopathie, etc).
 La tendance évolutive d’un paramètre est souvent plus instructive que sa valeur absolue, ce
qui le rend très utile même si sa précision laisse à désirer.
 Les mesures continues, qui enregistrent les variations à court terme, sont préférables aux
mesures ponctuelles isolées.
 Même si le moins invasif est préférable, un monitorage complexe est souvent celui qui a le
meilleur rapport risque/bénéfice dans les situations difficiles.
 La connaissance des indications et des limites de chaque technique est primordiale pour opérer
le bon choix.
Des raffinements technologiques constants permettent d’étendre la surveillance peropératoire à des
analyses de plus en plus sophistiquées, mais chaque nouveau moniteur amène son lot d’artéfacts,
d’imprécisions, de faux-positifs et de faux-négatifs. Bien que cela conduise à davantage de nuance
dans la gestion des patients et à plus de rigueur dans la compréhension des phénomènes, le risque de
perdre de vue les priorités cliniques du moment est bien réel. Au milieu de l’enchevêtrement des
câbles et de la multiplicité des chiffres, il n’est pas toujours aisé de prendre une certaine distance et de
garder la capacité de synthèse pour juger de la meilleure action thérapeutique. Le rôle de l’anesthésiste
est d’être plus intelligent que ses moniteurs, et de soigner un malade dans son contexte clinique plutôt
que de réagir à un nombre isolé. Les chiffres et les courbes sont des dérivées par rapport aux
évènements. Les données surveillées sur l’écran sont un langage, non la réalité. Le terme d’écran luimême traduit bien le fait que celui-ci s’interpose entre le réel et l’observateur. Or, on n’agit pas sur la
pathologie en corrigeant ses marqueurs. Il est donc de la plus haute importance que l’anesthésiste reste
constamment conscient de l’ensemble de la situation clinique.
Auteur
Pierre-Guy CHASSOT
Ancien Privat-Docent, Faculté de Biologie et de Médecine,
Université de Lausanne (UNIL), CH - 1005 Lausanne
Ancien responsable de l’Anesthésie Cardiovasculaire, Service
d’Anesthésiologie, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois
(CHUV), CH - 1011 Lausanne
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
146
Bibliographie
Lectures conseillées
CANNESSON M. Arterial pressure variation and goal-directed fluid therapy. J Cardiothorac Vasc Anesth 2010; 24:487-97
GARRACINO F. Cerebral monitoring during cardiovascular surgery. Curr Opin Anesthesiol 2008; 21:50-4
GUERIN L, MONNET X, TEBOUL JL. Monitoring volume and fluid responsiveness: from static to dynamic indicators.
Best Practice Res Clin Anaesthesol 2013; 27:177-85
HOLDER AL, PINSKY MR. Applied physiology at the bedside to drive resuscitation algorithms. J Cardiothorac Vasc
Anesth 2014; 28:1642-59
KERTAI MD, WHITLOCK EL, AVIDAN MS. Brain monitoring with electroencephalography and the
electroencephalogram-derived Bispectral Index during cardiac surgery. Anesth Analg 2012; 114:533-46
MARIK PE, BARAM M, VAHID B, et al. Does central venous pressure predict fluid responsiveness ? A systematic review
of the literature and the tale of the seven mares. Chest 2008; 134:172-8
MARIK PE. Noninvasive cardiac output monitors: a state-of-the-art review. J Cardiothorac Vasc Anesth 2013; 27:121-34
MAUS TM, LEE DE. Arterial pressure-based cardiac output measurement. J Cardiothorac Vasc Anesth 2008; 22:468-73
MICHARD F. Changes in arterial pressure during mechanical ventilation. Anesthesiology 2005; 103:419-28
RUPP SM, APFELBAUM JL, BLITT C, et al. Practice Guidelines for central venous access. A report by the American
Society of Anesthesiologists Task Force on central venous access. Anesthesiology 2012; 116:539-73
TROIANOS CA, HARTMAN GS, GLAS KE, et al. Guidelines for performing ultrasound-guided vascular cannulation:
Recommendations of the American Society of Echocardiography and the Society of Cardiovascular
Anesthesiologists. Anesth Analg 2012; 114:46-79
WHITENER S, KONOSKE R, MARK JB. Pulmonary artery catheter. Best Practice Res Clin Anaesthesiol 2014; 28:323-35
Références
1
1a
2
3
4
4a
5
6
6a
7
8
9
10
11
12
13
14
ABBAS SM, HILL AG. Systematic review of the literature for the use of oesophageal Doppler monitor for fluid
replacement in major abdominal surgery. Anaesthesia 2008 ; 63 :44-51
AL JAROUDI W, ALRAIES C, HALLEY C, et al. Impact of progression of diastolic dysfunction on mortality in
patients with normal ejection fraction. Circulation 2012 ; 125 :782-8
APFELBAUM JL, ARENS JF, COLE DJ, et al. Practice Advisory for intraoperative awareness and brain function
monitoring. A report by the ASA Task Force on intraoperative awareness. Anesthesiology 2006; 104:847-64
ARMAGANIDIS A, DHAINAUT JF. Sevrage de la ventilation artificielle: intérêt du monitorage continu de la SvO2.
Ann Fr Anesth Réanim 1989; 8:708-15
ARQUES S, ROUX E, LUCCIONI R. Current clinical applications of spectral tissue Doppler echocardiography
(E/E’ ratio) as a noninvasive surrogate of left ventricular diastolic pressures in the diagnosis of heart failure with
preserved left ventricular systolic function. Cardiovasc Ultrasound 2007; 5:16
ARULKUMARAN N, CORREDOR C, HAMILTON MA, et al. Cardiac complications associated with goal-directed
therapy in high-risk surgical patients: a meta-analysis. Br J Anaesth 2014; 112:648-59
AVIDAN MS, JACOBSOHN E, GLICK D, et al. Prevention of intraoperative awareness in a high-risk surgical
population. N Engl J Med 2011; 365:591-600
AVIDAN MS, ZHANG L, BURNSIDE B, et al. Anesthesia awareness and the Bispectral Index. N Engl J Med 2008;
358:1097-108
AYA HD, CECCONI M, HAMILTON M, RHODES A. Goal-directed therapy in cardiac surgery: a systematic
review and meta-analysis. Br J Anaesth 2013; 110:510-7
BARRON M. Transesophageal echocardiographic characterization of intramyocardial air. Anesth Analg 1997;
84:SCA61
BATAILLE B, BERTUIT M, MORA M, et al. Comparison of esCCO and transthoracic echocardiography for noninvasive measurement of cardiac output intensive care. Br J Anaesth 2012; 109:879-86
BEAUSSIER M, CORIAT P. Monitorage cardio-vasculaire spécifique de l’opéré à risque. III: Monitorage de la
saturation veineuse en oxygène du sang veineux mêlé. in: CORIAT P. Les contraintes circulatoires et le risque
cardiaque de l’anesthésie. Arnette, Paris, 1997, pp 185-213
BEDFORD RF. Invasive blood pressure monitoring. In: BLITT CD (ed). Monitoring in anesthesia and critical care
medicine. New York: Churchill-Livingstone, 1989, 93-134
BEIQUE F, RAMSAY JG. The pulmonary artery catheter: A new look. Seminars in Anesthesia 1994; 13:14-25
BENJAMIN E, GRIFFIN K, LEIBOWITZ AB, et al. Goal-directed transesophageal echocardiography performed by
intensivists to assess left ventricular function: comparison with pulmonary artery catheterization. J Cardiothorac Vasc
Anesth 1998; 12:10-15
BERGQUIST BD, LEUNG JM, BELLOWS WH. Transesophageal echocardiography in myocardial
revascularisation: I Accuracy of intraoperative real-time interpretation. Anesth Analg 1996 ; 82:1132-8
BERGQUIST BD, BELLOWS WH, LEUNG JM. Transesophageal echocardiography in myocardial
revascularisation: II. Influence on intraoperative decision making. Anesth Analg 1996 ; 82:1139-45.
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
147
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
24a
25
26
27
28
28a
29
29a
30
31
32
33
34
34a
35
35a
36
37
37a
38
BERKENSTADT H, MARGALIT N, HADANI M, et al. Stroke volume variations as a predictor of fluid
responsiveness in patients undergoing brain surgery. Anesth Analg 2001; 92:984-9
BERLAUK JF, ABRAMS JH, GILMOUR IJ, et al. Preoperative optimization of cardiovascular hemodynamics
improves outcome in peripheral vascular surgery. Ann Surg 1991; 214:289-99
BERNARD GR, SOPKO G, CERRA F, et al. Pulmonary artery catheterization and clinical outcomes: National Heart,
Lung and Blood Institute and Food and Drug Administrtation workshop report: consensus statement. JAMA 2000;
283:2568-72
BETTEX D, CHASSOT PG. Echocardiographie transoesophagienne en anesthésie-réanimation. Masson, Williams &
Wilkins, Paris 1997, 454 p.
BETTEX DA, HINSELMANN V, HELLERMANN JP, JENNI R, SCHMID ER. Inaccuracy of cardiac output
determination by transoesophageal echocardiography. Anaesthesia 2004; 59:1184-92
BISHOP MH, SHOEMAKER WC, APPEL PL, et al. Prospective randomized trial of survivor values of cardiac
index, oxygen delivery, and oxygen consumption as resuscitation endpoints in severe trauma. J Trauma 1995; 38:7807
BOERBOOM LE, KINNEY TE, OLINGER GN, et al. Validity of cardiac output measurement by the thermodilution
method in the presence of acute tricuspid regurgitation. J Thorac Cardiovasc Surg 1993; 106:636-42
BOLDT J, MENGES T, WOLLBRUCK M, et al. Is continuous cardiac output measurement using thermodilution
reliable in the critically ill ? Crit Care Med 1994; 22:1913-8
BOTERO M, HESS P, KIRBY D, et al. Measurement of cardiac output during coronary artery bypass grafting:
Comparison of pulmonary artery catheter, non-invasive partial CO2 rebreathing and direct aortic flow. Anesth Analg
2000; 90:SCA87
BOTERO M, LOBATO EB. Advances in non-invasive cardiac output monitoring: an update. J Cardiothoec Vasc
Anesth 2001; 15:631-40
BOTTO F, ALONSO-COELLO P, CHAN MT, et al. Myocardial injury after noncardiac surgery: a large international
prospective cohort study establishing diagnostic criteria, characteristics, predictors, and 30-day outcomes.
Anesthesiology 2014; 120:564-78
BOUDOULAS H. Systolic time intervals. Eur Heart J 1990; 11(supp I):93-103
BOULANGER M, DELVA E, PAIEMENT JM. Une nouvelle voie d'abord de la veine jugulaire interne. Can Anaesth
Soc J 1976; 23:609
BOULNOIS JLG, PECHOUX T. Non-invasive cardiac output monitoring by aortic blood flow measurement with the
Dynemo 3000. J Clin Monit Comput 2000; 16:127-40
BOWDLE TA. Complications of invasive monitoring. Anesthesiol Clin N Am 2002 ; 20 : 571-88
BOWDLE TA. Vascular Complications of central venous catheter placements: evidence-based methods for
prevention and treatment. J Cardiothorac Vasc Anesth 2014; 28:358-68
BOYLAN JF, TEASDALE SJ. Perioperative continuous monitoring of mixed venous saturation should be a routine
in high-risk cardiac surgery. Con. J Cardiothor Vasc Anesth 1990; 4:651-4
BRANDSTRUP B, SVENSEN C, ENGQUIST A. Hemorrhage and operation cause a contraction of the extracellular
space needing replacement: Evidence and implications. A systematic review. Surgery 2006; 139:419-32
BREUKERS RM, SEPEHRKHOUY S, SPIEGELENBERG S, GROENEVELD ABJ. Cardiac output measured by a
new arterial pressure waveform analysis method without calibration compared with thermodilution after cardiac
surgery. J Cardiothorac Vasc Anesth 2007; 21:632-5
BRZEZINSKI M, LUISETTI T, LONDON MJ. Radial artery cannuation: A comprehensive review of recent
anatomic and physiologic investigations. Anesth Analg 2009; 109:1763-81
BUFFINGTON C. Hemodynamic determinants of ischemic myocardial dysfunction in the presence of coronary
stenosis in the dog. Anesthesiology 1985; 63:651-62
CANNESSON M, ATTOF Y, ROSAMEL P, et al. Comparisopn of FloTrac™ cardiac output monitoring system in
patients undergoing coronary artery bypass grafting with pulmonary artery cardiac output measurements. Eur J
Anaesthesiol 2007; 24:832-9
CANNESSON M, ATTOF Y, ROSAMEL P, et al. Respiratory variations in pulse oxymetry plethysmographic
waveform amplitude to predict fluid responsiveness in the operating room. Anesthesiology 2007; 106:1105-11
CANNESSON M, LE MANACH Y, HOFER CK, et al. Assessing the diagnostic accuracy of pulse pressure
variations for the prediction of fluid responsiveness. A “grey zone” approach. Anesthesiology 2011; 115:231-41
CANNESSON M, SLIEKER J, DESEBBE O, et al. The ability of a novel algorithm for automatic estimation of the
respiratory variations in arterial pulse pressure to monitor fluid responsiveness in the operating room. Anesth Analg
2008; 106:1195-200
CANNESSON M. Arterial pressure variation and goal-directed fluid therapy. J Cardiothorac Vasc Anesth 2010;
24:487-97
CECCONI M, MONGE GARCIA MI, GRACIA ROMERO M; et al. The use of pulse pressure variation and stroke
volume variation in spontaneous breathing patients to assess dynamic arterial elastance and to predict arterial pressure
response to fluid adminsitration. Anesth Analg 2015; 120:76-84
CHANG MC, MEREDITH JW, KINCAID EH, et al. Maintaining survivors'values of left ventricular power output
during shock resuscitation: A prospective pilot study. J Trauma 2000; 49:26-33
CHAPPELL D, JACOB M, HOFMANN-KIEFER K, et al. A rational approach to perioperative fluid management.
Anesthesiology 2008; 109:723-40
CHASSOT PG, VANDERLINDEN P, ZAUGG M, MUELLER X, SPAHN DR. Physiologic and anaesthetic
management for off-pump coronary artery bypass surgery. Brit J Anaesth 2004; 92:400-13
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
148
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52
53
54
54a
55
56
57
58
59
60
61
62
63
64
65
65a
66
67
68
CHEUNG AT, SAVINO JS, WEISS SJ, et al. Echocardiographic and hemodynamic indexes of left ventricular
preload in patients with normal and abnormal ventricular function. Anesthesiology 1994; 81:376-87
CHYTRA I, PRADL R, BOSMAN R, et al. Doppler-guided fluid management decreases blood lactate levels in
multiple trauma patients: a randomised controlled trial. Crit Care 2007; 11:R24
CLEMENTS F, HARPOLE D, QUILL T, et al. Estimation of left ventricular volume by two-dimensional
transesophageal echocardiography: comparison of short axis imaging and simultaneous radionuclide angiography.
Brit J Anaesth 1990; 64:331-6
COLOMBO JA, TUMAN KJ. The role of pulmonary artery catheterization in the management of cardiothoracic
surgical patients. Seminars Cardiothor Vasc Anesth 1998; 2:46-51
COMMUNALE ME, BODY SC, LEY C, et al. The concordance of intraoperative left ventricular wall-motion
abnormalities and electrocardiographic ST segment changes. Anesthesiology 1998; 88:945-54
CONNORS AF, SPEROFF T, DAWSON NW, et al. The effectivenes of right heart catheterization in the initial care
of critically ill patients. SUPPORT investigators. JAMA 1996; 276:889-97
CORIAT P, VRILLON M, PEREL A, et al. A comparison of systolic blood pressure variations and
echocardiographic estimates of end-diastolic left ventricular size in patients after aortic surgery. Anesth Analg 1994;
78:46-53
COUTURE P, DENAULT A, LIMOGES P, et al. Mechanisms of hemodynamic changes during off-pump coronary
artery bypass surgery. Can J Anaesth 2002; 49:835-40
DALEN JE, BONE RC. Is it time to pull the pulmonary artery catheter ? JAMA 1996; 276:916-8
DALIBON N, GUENOUN T, JOURNOIS D, et al. The clinical relevance of systolic pressure variations on
anesthetized nonhypotensive patients. J Cardiothorac Vasc Anesth 2003; 17:188-92
DANTZKER DR, FORESMAN B, GUTTIEREZ G. Oxygen supply and utilization relationships. Am Rev Resp Dis
1991; 143:675-9
DE BACKER D, HEENEN S, PIAGNERELLI M, et al. Pulse pressure variations to predict fluid responsiveness:
influence of tidal volume. Intensive Care Med 2005; 31:517-23
DE HERT SG, ROBERT D, CROMHEECKE S, et al. Evaluation of left ventricular function in anesthetized patients
using femoral artery dP/dtmax. J Cardiothorac Vasc Anesth 2006; 20:325-30
DENAULT AY, DESCHAMPS A, MURKIN JM. A proposed algorithm for the intraoperative use of cerebral nearinfrared spectroscopy. Semin Cardiothorac Vasc Anesth 2007; 11:274-81
DENYS BG, URETSKY BF, REDDY PS. Ultrasound-assisted canulation of the internal jugular vein: a prospective
comparison of the external landmark –guided technique. Circulation 1993; 87:1557-62
DEOGAONKAR A, VIVAR R, BULLOCK RE, et al. Bispectral index monitoring may not reliably indicate cerebral
ischaemia during awake carotid endarterectomy. Br J Anaesth 2005; 94:800-4
DEVEREAUX PJ, CHAN MT, ALONSO-COELLO P, et al. Association between post-operative troponin levels and
30-day mortality among patients undergoing noncardiac surgery. JAMA 2012; 307:2295-304
DE VRIES JW, HOORNTJE T, BAKKER PFA. Cerebral oxygen saturation monitoring in an infant undergoing ICD
implantation. J Cardiothor Vasc Anesth 1998; 12:442-4
DHAINAUT JF, BRUNET F, MONSALIN J, et al. Bedside evaluation of right ventricular performance using a rapid
computerized thermodilution method. Crit Care Med 1987; 15:148-52
DICORTE CJ, LATHAM P, GREILICH P, et al. Esophageal Doppler monitor determination of cardiac output and
preload during cardiac operations. Ann Thorac Surg 2000; 69:1782-6
DIEBEL LN, WILSON RF, TAGETT MG, et al. End-diastolic volume: A better indicator of preload in the critically
ill. Arch Surg 1992; 127:817
DIVERTIE MB, McMIHAN JC. Continuous monitoring of mixed venous oxygen saturation. Chest 1984; 85:423-8
DJAIANI G, KARSKI J, YUDIN M, et al. Clinical outcomes in patients undergoing elective coronary artery bypass
graft surgery with and without utilization of pulmonary artery catheter – Generated data. J Cardiothorac Vasc Anesth
2006; 20:307-10
DOBLAR DD. Cerebrovascular assessment of the high-risk patient: The role of transcranial Doppler ultrasound. J
Cardiothorac Vasc Anesth 1996; 10:3-14
DRAZNER MH, THOMPSON B, ROSENBERG PB, et al. Comparisons of impedance cardiography with invasive
hemodynamic measurements in patients with heart failure secondary to ischemic or nonischemic cardiomyopathy.
Am J Cardiol 2002; 89:993-5
DUPERRET S, LHUILLIER F, PIRIOU V, et al. Increased intra-abdominal pressure affects respiratory variations in
arterial pressure in normovolaemic and hypovolaemic mechanically ventilated healthy pigs. Intens Care Med 2007;
33:163-71
EDMONDS HJ. Advances in neuromonitoring for cardiothoracic and vascular surgery. J Cardiothorac Vasc Anesth
2001; 15:241-50
EDMONDS HJ,
GANZEL BL, AUSTIN EH. Cerebral oximetry for cardiac and vascular surgery. Semin
Cardiothora vasc Anesth 2004; 8:147-66
ELLERKMANN, SOEHLE M, KREUER S. Brain monitoring revisited: what is it all about ? Best Practice Res Clin
Anaesthesiol 2013; 27:225-33
ELMORE JR, GLOVICZKI P, HARPER CM, et al. Failure of motor evoked potentials to predict neurologic outcome
in experimental thoracic aortic occlusion. J Vasc Surg 1991; 14:131-9
ENGLAND MR. The changes in bispectral index during a hypovolemic cardiac arrest. Anesthesiology 1999;
91:1947-9
ESTEFANOUS FG, BRUM JM, RIBEIRO M, et al. Analysis of heart rate variability to assess hemodynamic
alterations following induction of anesthesia. J Cardiothorac Vasc Anesth 1992; 6:651-7
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
149
69
70
70a
71
72
72a
73
73a
74
75
76
76a
77
78
78a
79
80
81
82
82a
83
84
85
85a
86
87
88
89
90
91
92
93
FALK JL, RACKOW EC, WEIL MH. Impaired oxygen utilization during anesthesia and surgery. J Crit Care 1986;
1:150-3
FALK JL, RACKOW EC, WEIHL MH. End-tidal carbon dioxide concentration during cardiopulmonary
ressuscitation. N Engl J Med 1988; 318:607-11
FEDOROW C, GROCOTT HP. Cerebral monitoring to optimize outcomes after cardiac surgery. Curr Opin
Anesthesiol 2010; 23:759-64
FEISSEL M, MICHARD F, FALLER JP, TEBOUL JL. The respiratory variation in inferior vena cava diameter as a
guide to fluid therapy. Intensive Care Med 2004; 30:1834-7
FEISSEL M, MICHARD F, MANGIN I, et al. Respiratory changes in aortic blood velocity as an indicator of fluid
responsiveness in ventilated patients with septic shock. Chest 2001; 119:867-73
FELLAHI JL, GUEX X, RICHOMME X, et al. Short-and long-term prognostic value of ppostoperative cardiac
troponin I concentration in patients undergoing coronary artery bypass grafting. Anesthesiology 2003; 99:270-4
FELLER-KOPMAN D. Ultrasound-guided internal jugular access: a proposed standardized approach and
implications for training and practice. Chest 2007; 132:302-9
FERGUSON BD, MANECKE GR. Goal-directed therapy in cardiac surgery: are we there yet? J Cardiothorac Vasc
Anesth 2013;27:1075-8
FILIPOVIC M, JEGER R, GIRARD T, et al. Predictors of long-term mortality and cardiac events in patients with
known or suspected coronary artery disease who survive major non-cardiac surgery. Anaesthesia 2005; 60:5-11
FLEMING AW, BISHOP M, SHOEMAKER WC, et al. Prospective trial of supranormal values as goals of
ressuscitation in severe trauma. Arch Surg 1992; 127:1175-81
FONTES ML, BELLOWS W, NGO L, et al. Assessment of ventricular function in critically illl patients: limitations
of pulmonary artery catheterization. J Cardiothorac Vasc Anesth 1999; 13:521-7
FOUCRIER A, RODSETH R, AISSAOUI M, et al. The long-term impact of early cardiovascular therapy
intensification for postoperative troponin elevation after major vascular surgery. Anesth Analg 2014; 119:1053-63
FREZZA EE, MEZGHEBE H. Indications and complications of arterial catheter use in surgical or medical intensive
care units: analysis of 4932 patients. Am Surg 1998 ; 64 : 127-31
FRIEDMAN G, BERLOT G, KAHN RJ, et al. Combined measurement of blood lactate concentrations and gastric
intramucosal pH in patients with severe sepsis. Crit Care Med 1995; 23:1184-93
FRIESE RS, SHAFI S, GENTILELLO LM. Pulmonary artery catheter use is associated with reduced mortality in
severely injured patients: A National Trauma Data Bank analysis of 53’312 patients. Crit Care Med 2006; 34:1597601
FUJITA Y, YAMAMOTO T, SANO I, et al. A comparison of changes in cardiac preload variables during graded
hypovolemia and hypervolemia in mechanically ventilated dogs. Anesth Analg 2004; 99:1780-6
GAN TJ, SOPPITT A, MAROOF M, et al. Goal-directed intraoperative fluid administration reduces length of
hospital stay after major surgery. Anesthesiology 2002; 97:820-6
GARRACINO F. Cerebral monitoring during cardiovascular surgery. Curr Opin Anesthesiol 2008; 21:50-4
GATTINONI L, BRAZZI L, PELOSI P, et al. A trial of goal-oriented hemodynamic therapy in critically ill patients.
N Engl J Med 1995; 333:1025-36
GEERTS BF, AARTS LPHJ, GROENEVELD AB, et al. Predicting cardiac output responses to passive leg raising by
a PEEP-indiced increase in central venous pressure, in cardiac surgery patients. Br J Anaesth 2011; 107:150-6
GIGLIO MT, MARUCCI M, TESTINI M, BRIENZA N. Goal-directed haemodynamic therapy and gastrointestinal
complications in major surgery: a meta-analysis of randomized controlled trials. Br J Anaesth 2009; 105:637-46
GLOWER DD, SPRATT JA, SNOW ND, et al. Linearity of the Frank-Starling relationship in the intact heart: the
concept of preload recruitable stroke work. Circulation 1985; 71:994-1009
GNAEGI A, FEIHL F, PERRET C. Intensive care physicians’ insufficient knowledge of right-heart catheterization at
the bedside: Time to act ? Crit Care Med 1997; 25:213-20
GOEPFERT MS, RICHTER HP, ZU EULENBURG C, et al. Individually optimized hemodynamic therapy reduces
complications and length of stay in the intensive care unit. Anesthesiology 2013; 119:824-36
GOOD ML. Principles and practice of capnography. ASA Refresher Course 1993; 222:1-7
GORCSAN J, DENAULT A, GASIOR TA, et al. Rapid estimation of left ventricular contractillity from end-systolic
relations by echocardiographic automated border detection and femoral arterial pressure. Anesthesiology 1994;
81:553-62
GORCSAN J, DENAULT A, MANDARINO WA, et al. Left ventricular pressure-volume relations with
transesophageal echocardiography automated border detection: comparison with conductance-catheter technique. Am
Heart J 1996; 131:544-52.
GORDON MA, URBAN MK, O'CONNOR T, BARASH PG. Is the pressure-rate quotient a predictor or indicator of
myocardial ischemia as measured by ST segment changes in patients undergoing coronary artery bypass surgery ?
Anesthesiology 1991; 74:848-53
GORE JM, SLOAN K. Use of contiuous monitoring of mixed venous saturation in the coronary care unit. Chest
1984; 86:757-61
GORE JM, GOLDBERG RJ, SPODICK GH, et al. A community-wide assessment of the use of pulmonary artery
catheters in patients with myocardial infarction. Chest 1987; 92:721-7
GRAVLEE G, WONG A, ADKINS T, et al. Comparison of radial, brachial and aortic pressures after
cardiopulmonary bypass. J Cardiothorac Vasc Anesth 1989; 3:20-26
GREIM CA, ROEWER N, APFEL C, et al. Relation of echocardiographic preload indices to stroke volume in
critically ill patients with normal and low cardiac index. Intensive Care Med 1997; 23:411-6
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
150
93a
94
95
95a
96
97
98
99
100
101
102
103
104
105
106
107
108
108a
108b
109
110
111
112
112a
113
114
115
116
117
118
119
120
GROCOTT HP, MACKENSEN GB, GRIGORE AM, et al. Postoperative hyperthermia is associated with cognitive
dysfunction after coronary artery bypass graft surgery. Stroke 2002; 33:537-41
GUERET G, KISS G, KHALDI S, et al. Comparison of cardiac output measurements between NICO and the
pulmonary artery catheter during repeat surgery for total hip replacement. Eur J Anaesthesiol 2007; 24:1028-33
GUERET G, ROSSIGNOL B, KISS G, et al. Cardiac output measurements in off-pump coronary artery surgery:
comparison between NICO and the Swan-Ganz catheter. Eur J Anaesthesiol 2006; 23:848-54
GUERIN L, MONNET X, TEBOUL JL. Monitoring volume and fluid responsiveness: from static to dynamic
indicators. Best Practice Res Clin Anaesthesol 2013; 27:177-85
GUTIERREZ G, BISMAR H, DANTZKER DR, et al. Comparison of gastric intramucosal pH with meassures of
oxygen transport and consumption in critically ill patients. Crit Care Med 1992; 20:451-7
GUTIERREZ G, PALIZAS F, DOGLIO G, et al. Gatric intramucosal pH as a therapeutic index of tissue oxygenation
in critically ill patients. Lancet 1992; 339:195-9
GUTIERREZ G, POHIL RJ. Oxygen consumption is linearly related to oxygen supply in critically ill patients. J Crit
Care 1986; 1:45-53
GYS T, HUBENS A, NEELS H, et al. Prognostic value of gastric intramural pH in surgical intensive care patients.
Crit Care Med 1988; 16:1222-4
HADDAD F, COUTURE P, TOUSIGNANT C, DENAULT AY. The right ventricle in cardiac surgery, a
perioperative perspective: I. Anatomy, physiology and assessment. Anesth Analg 2009; 108:407-21
HADDAD F, HUNT SA, ROSENTHAL DN, et al. Right ventricular function in cardiovascular disease, Part I.
Circulation 2008; 117:1436-48
HANS S, JAREUNPOON O. Prospective evaluation of electroencephylography, carotid artery stump pressure, and
neurologic changes during 314 consecutive carotid endarterectomies performed in awake patients. J Vasc Surg 2007;
45:511-5
HANSEN R, VIQUERAT C, MATHAY M, et al. Poor correlation between pulmonary arterial pressure and left
ventricular end diastolic volume after coronary artery bypass heart surgery. Anesthesiology 1986; 64:764
HANSS R, BEIN B, WESELOH H, et al. Heart rate variability predicts severe hypotension after spinal anesthesia.
Anesthesiology 2006; 104:537-45
HARVEY S, HARRISON DA, SINGER M, et al. Assessment of the clinical effectiveness of pulmonary artery
catheters in management of patients in intensive care (PAC-Man): A randomised controlled trial. Lancet 2005;
366:472-7
HAYES MA, TIMMINS AC, YAU EHS, et al. Elevation of systemic oxygen delivery in the treatment of critically ill
patients. N Engl J Med 1994; 330:1717-22
HEENEN S, DE BAKER D, VINCENT JL. How can the response to volume expansion in patients with spontaneous
movements be predicted ? Critical Care 2006; 10:R102
HENDRICKSON K. Cost-effectiveness of non-invasive hemodynamic monitoring. AACN Clin Issues 1999; 10:41924
HERINGLAKE M, GARBERS C, KÄBLER JH, et al. Preoperative cerebral oxygen saturation and clinical outcomes
in cardiac surgery. Anesthesiology 2011; 114:58-69
HILLIS LD, SMITH PK, ANDERSON JL, et al. 2011 ACCF/AHA Guideline for coronary artery bypass graft
surgery: Executive summary. Anesth Analg 2012; 114:11-45
HIND D, CALVERT N, McWILLIAMS R, et al. Ultrasonic locating devices for central venous canulation: a metaanalysis. BMJ 2003; 327:361
HINES R, BARASH PG. Pulmonary artery catheterization. In: BLITT C.D. - Monitoring in anesthesia and critical
care medicine. Churchill-Livingstone, New-York 1990, p 221-275
HOFER CK, GANTER MT, MATTER-ENSNER S, et al. Volumetric assessment of left heart preload by
thermodilution: comparing the PiCCO-VoLEF® system with transoesophageal echocardiography. Anaesthesia 2006;
61:316-21
HOHNER P, JOHANSSON G, HÄGGMARK S, et al. Evaluation of haemodynamic indices of myocardial ischemia
in patients with coronary artery disease. Br J Anaesth 1993; 70:A23
HOLDER AL, PINSKY MR. Applied physiology at the bedside to drive resuscitation algorithms. J Cardiothorac
Vasc Anesth 2014; 28:1642-59
HOLM J, HAKANSON E, VANKY F, et al. Mixed venous oxygen saturation predicts short- and long-term outcome
after coronary artery bypass grafting surgery: a retrospective cohort analysis. Br J Anaesth 2011; 107:344-50
IBERTI TJ, DAILY EK, LEIBOWITZ AB, et al. Assessment of critical care nurses’knowledge of the pulmonary
artery catheter. Crit Care Med 1994; 22:1674-8
IBERTI TJ, FISCHER EP, LEIBOWITZ AB, et al. A multicenter study of physician's knowledge of the pulmonary
artery catheter. JAMA 1990; 264:2928-32
ISSERLES SA, BREEN PH. Can changes in end-tidal PCO2 measure changes in cardiac output? Anesth Analg 1991;
73:308-14
JACKA MJ, COHEN MM, TO T, et al. The use of and preferences for transesophageal echocardiography and
pulmonary artery catheter among cardiovascular anesthesiologists. Anesth Analg 2002; 94:1065-71
JAEGGI P, HOFER CK, KLAGHOFER R, et al. Measurement of cardiac output after cardiac surgery by a new
transesophageal Doppler device. J Cardiothorac Vasc Anesth 2003; 17:217-20
JARDIN F, VALTIER B, BEAUCHET A, et al. Invasive monitoring combined with two-dimensional
echocardiographic study in septic shock. Intensive Care Med 1994; 20:550-4
JARVIS MA, JARVIS CL, JONES RR, et al. Reliability of Allen’s test in selection of patients for radial artery
harvest. Ann Thorac Surg 2000; 70:1362-5
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
151
121
122
123
124
125
125a
126
127
127a
128
129
129a
130
130a
131
132
133
134
135
136
137
138
139
139a
140
141
142
143
144
145
146
147
JAIN U. New developments in perioperative cardiovascular monitoring. Appl Cardiopulm Pathophysiol 1994; 5:7991
JAMIESON WRE, TURNBULL KW, LARRIEU AJ, et al. Continuous monitoring of mixed venous oxygen
saturation in cardiac surgery. Can J Surg 1982; 25:538-43
JONAS MM, TANZER SJ. Lithium dilution measurement of cardiac output and arterial pulse waveform analysis: an
indicator dilution calibrated beat-by-beat system for continuous estimation of cardiac output. Curr Opin Crit Care
2002; 8:257-61
JONES CJH, RAPOSO L, GIBSON DG. Functional importance of the long axis dynamics of the human left
ventricle. Br Heart J 1990; 63:215-20
KAPOOR PM, KAKANI M, CHOWDHURY U, et al. Early goal-directed therapy in moderate to high-risk cardiac
surgery patients. Ann Card Anaesth 2008; 11:27-34
KARKOUTI K, McCLUSKEY SA, CALLUM J, et al. Evaluation of a novel transfusion algorithm employing pointof-care coagulation assays in cardiac surgery. Anesthesiology 2015; 122:560-70
KASS DA, BEYAR. Evaluation of contractile state by maximal ventricular power divided by the square of enddiastolic volume. Circulation 1991; 84:1698-708
KEARNEY TJ, SHABOT MM. Pulmonary artery rupture associated with the Swan-Ganz catheter. Chest 1995;
108:1349-52
KERTAI MD, WHITLOCK EL, AVIDAN MS. Brain monitoring with electroencephalography and the
electroencephalogram-derived Bispectral Index during cardiac surgery. Anesth Analg 2012; 114:533-46
KHAMBATTA HJ, STONE JG, WALD A, et al. Electrocardiographic artifacts during cardiopulmnonary bypass.
Anesth Analg 1990; 71:88
KITAGAWA N, ODA M, TOTOKI T, et al. Proper shoulder position for subclavian venipuncture. Anesthesiology
2004; 101:1306-12
KLEIN M, MINKIVICH L, MACHINA M, et al. Non-invasive measurement of cardiac output using an iterative,
respiration-based method. Br J Anaesth 2015; 114:406-13
KNICHWITZ G, ROTKER J, BRUSSEL T, et al. A new method for continuous intramucosal PCO2 measurement in
the gastrointestinal tract. Anesth Analg 1996; 83:6-11
KOHL BA, DEUTSCHMAN CS: The inflammatory response to surgery and trauma. Curr Opin Crit Care 2006;
12:325-32
KOZEK-LANGENECKER SA. Perioperative coagulation monitoring. Best Pract Res Clin Anaesthesiol 2010 ; 24 :
27-40
KUMAR A, ANEL R, BUNNELL E, et al. Pulmonary artery occlusion pressure and central venous pressure fail to
predict ventricular filling volume, cardiac performance, or the response to volume infusion in normal subject. Crit
Care Med 2004; 32: 691-9
KUMAR A, CHUAN A. Ultrasound guided vascular access: efficacy and safety. Best Pract Res Clin Anaesthesiol
2009; 23:299-311
KURITA T, MORITA K, KATO S, et al. Comparison of the accuracy of the lithium dilution technique with the
thermodilution technique for measurement of cardiac output. Br J Anaesth 1997; 79:770-5
KUSOMOTO FM, MUHIUDEEN IA, KUECHERER HF, et al. Response of the interatrial septum to transatrial
pressure gradients and its potential for predicting pulmonary capillary wedge pressure: an intraoperative study using
transesophageal echocardiography in patients during mechanical ventilation. J Am Coll Cardiol 1993; 21:721-8
LAITIO TT, HUIKURI HV, KENTALA ES, et al. Correlation properties and complexity of perioperative RRinterval dynamics in coronary artery bypass surgery patients. Anesthesiology 2000; 28:69-80
LAITIO TT, JALONEN J, KUUSELA T, et al. The role of heart rate variability in risk stratification for adverse
postoperative cardiac events. Anesth Analg 2007; 105:1548-60
LAKE CL. Monitoring of ventricular function. in: LAKE C.L. - Clinical monitoring. Philadelphia : W.B.Saunders
Co, 1990, 237-279
LAM AM, MAYBERG TS. Jugular bulb venous oxymetry monitoring. Anesth Clin North Am 1997; 15:533-47
LAMPERTI M, BODENHAM AR, PITTIRUTI M, et al. International evidence-based recommendations on
ultrasound-guided vascular access. Intensive Care Med 2012; 38:1105-17
LANGEWOUTERS GJ, WESSELING KH, GOEDHARD WJ. The pressure dependent dynamic elasticity of 35
thoracic and 16 abdominal human aortas in vitro described by a five component model. J Biomech 1985; 18:613-20
LAOUSSE E, ASEHOUNE K, DARTAYET B, et al. The hemodynamic effects of pediatric caudal anesthesia
assessed by esophageal Doppler. Anesth Analg 2002; 94:1165-8
LATSON TW, ASHMORE TH, REINHEATZ DJ, et al. Autonomic reflex dysfunction is associated with
postinduction hypotension in both diabetic and non-diabetic neuropathy. Anesthesiology 1992 ; 77:A103
LATSON TW, WHITTEN CW, O'FLAHERTY D. Ventilation, thermal noise, and errors in cardiac output
measurements after cardiopulmonary bypass. Anesthesiology 1993; 79:1233-43
LEATHER HA, DEWOLFF MH, WOUTERS PF. Effects of propofol on the systolic and diastolic performance of the
postischaemic, reperfused myocardium in rabbits. Eur J Anaesthesiol 2003; 20:191-8
LEFRANT JY, BRUELLE P, AYA AGM, et al. Training is required to improve the reliability of esophageal Doppler
to measure cardiac output in critically ill patients. Intensive Care Med 1998; 24:347-52
LEFRANT JY, MULLER L, BRUELLE P, et al. Insertion time of the pulmonary artery catheter in critically ill
patients. Crit Care Med 2000; 28:355-9
LEIGH MD, JENKINS LC, BELTON MK, et al. Continuous alveolar carbon dioxide analysis as a monitor of
pulmonary gaz flow. Anesthesiology 1957; 18:878-82
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
152
148
149
150
151
152
153
154
155
156
157
158
158a
159
160
161
162
162a
163
163a
164
165
166
167
168
169
169a
170
171
172
173
174
174a
LEUNG JM, LEVINE EH. Left ventricular end-systolic cavity obliteration as an estimate of intraoperative
hypovolemia. Anesthesiology 1994: 81:1102-9
LEUNG JM, O'KELLY B, BROWNER WS, et al. Prognostic importance of postbypass regional wall motion
abnormalities in patients undergoing CABG surgery. Anesthesiology 1989; 71:16-23
LEUNG JM, O'KELLY BF, MANGANO DT. Relationship of regional wall motion abnormalities to hemodynamic
indices of myocardial supply and demand in patients undergoing CABG surgery. Anesthesiology 1990; 73:802
LEUNG JM, VOSKANIAN A, BELLOWS WH, et al. Automated electrocardiographic ST segment trending
monitors: Accuracy in detetcting myocardial ischemia. Anesth Analg 1998; 87:4-10
LEVICK JR. An introduction to cardiovascular physiology. Oxford: Butterworth-Heinemann, 1995, 116-7
LIEBERMAN RW, ORKIN FK, JOBES DR, et al. Hemodynamic predictors of myocardial ischemia during
halothane anesthesia for coronary artery revascularisation. Anesthesiology 1983; 59:36-41
LINTON NW, LINTON RA Estimation of changes in cardiac output from the arterial blood pressure waveform in the
upper limb. Brit J Anaesth 2001; 86:486-96
LITTLE WC. The left ventricular dP/dt max – end-diastolic volume relation in closed chest dogs. Circ Res 1985;
56:808
LONDON MJ, HOLLENBERG M, WONG MG, et al. Intraoperative myocardial ischemia: localization by
continuous 12-lead electrocardiography. Anesthesiology 1988; 69:232-241
LONDON MJ, KAPLAN JA. Advances in electrocardiographic monitoring. in: KAPLAN JA. Cardiac anesthesia.
Saunders Co, Philadelphia 1993, pp 299-341
LORSOMRADEE S, LORSOMRADEE S, CROMHEECKE S, DE HERT SG. Uncalibrated arterial pulse contour
analysis versus continuous thermodilution technique: effects of alterations in arterial wave. J Cardiothorac Vasc
Anesth 2007; 21: 636-43
LOWELL JA, SCHIFFERDECKER C, DRISCOLL DF, et al. Postoperative fluid overload: Not a benign problem.
Crit Care Med 1990; 18:728-33
MADSEN PL, NIELSEN HB, CHRISTIANSEN P. Well-being and cerebral oxygen saturation during acute heart
failure in humans. Clin Physiol 2000; 20:158-64
MAHUTTE CK, JAFFE MB, SASSE SA, et al. Relationship of thermodilution cardiac output to metabolic
measurements and mixed venous oxygen saturation. Chest 1993; 104:1236-42
MANECKE GR. Cardiac output from the arterial catheter: deceptively simple. J Cardiothorac Vasc Anesth 2007;
21:629-31
MANECKE GR, AUGER WR. Cardiac output determination from the arterial pressure wave: Clinical testing of a
novel algorithm that does not require calibration. J Cardiothorac Vasc Anesth 2007; 21:3-7
MARIK PE. Noninvasive cardiac output monitors: a state-of-the-art review. J Cardiothorac Vasc Anesth 2013;
27:121-34
MARIK PE, BARAM M, VAHID B, et al. Does central venous pressure predict fluid responsiveness ? A systematic
review of the literature and the tale of the seven mares. Chest 2008; 134:172-8
MARIK PE, CAVALLAZZI R, VASU T, et al. Dynamic changes in arterial waveform derived variables and fluid
responsiveness in mechanically ventilated patients: A systematic review of the literature. Crit Care Med 2009;
37:2642-7
MAUS TM, LEE DE. Arterial pressure-based cardiac output measurement. J Cardiothorac Vasc Anesth 2008;
22:468-73
MAYER J, BOLDT J, WOLF MW, et al. Cardiac output derived from arterial pressure waveform analysis in patients
undergoing cardiac surgery: validity of a second generation device. Anesth Analg 2008; 106:867-72
MAYER J, BOLDT J, BESCHMANN R, et al. Uncalibrated arterial pressure waveform analysis for less-invasive
cardiac output determination in obese patients undergoing cardiac surgery. Brit J Anesth 2009; 103:185-90
MAYER J, BOLDT J, POLAND R, et al. Continuous arterial pressure waveform-based cardiac output using the
FloTrac/Vigileo: A review and meta-analysis. J Cardiothorac Vasc Anesth 2009; 23:401-8
MAYNARD N, BIHARI D, BEALE R, et al. Assessment of splanchnic oxygenation by gastric tonometry in patients
with acute circulatory failure. JAMA 1993; 270:1203-10
McCULLOUGH JN, ZHANG N, REICH DL, et al. Cerebral metabolic suppression during hypothermic circulatory
arrest in humans. Ann Thorac Surg 1999: 67:1895-9
McGEE DC, GOULD MK. Preventing complications of central venous catheterization. N Engl J Med 2003;
348:1123-33
McKENDRY M, McGLOIN H, SABERI D, et al. Randomised controlled trial assessing the impact of a nurse
delivered, flow monitored protocol for optimisation of circulatory status after cardiac surgery. Br Med J 2004 ;
329 :258
MEKIS D, KAMENIK M, STARC V, JERETIN S. Cardiac output measurements with electrical velocimetry in
patients undergoing CABG surgery: A comparison with intermittent thermodilution. Eur J Anaesth 2008; 25:237-42
MERILAINEN PT. Gas and ventilatoty moniotoring: measurement and application. J Cardiothorac Vasc Anesth
2000; 14:718-25
MERMEL LA, MAKI DG. Infectious complications of Swan-Ganz pulmonary artery catheter. Am J Respir Crit Care
Med 1994; 149:1020-36
MERMEL LA, McCORMICK RD, SPRINGMAN SR, et al. The pathogenesis and epidemiology of catheter-related
infection with pulmonary artery Swan-Ganz catheters: A prospective study utilizing molecular subtyping. Am J Med
1991; 91(3B):197S-205S
METZELDER S, COBURN M, FRIES M, et al. Performance of cardiac output measurement derived from arterial
pressure waveform analysis in patients requiring high-dose vasopressor therapy. Br J Anaesth 2011; 106:776-84
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
153
175
176
177
178
179
180
181
182
183
183a
184
185
186
187
188
188a
189
190
191
192
193
194
195
196
196a
197
198
199
200
201
202
203
204
MICHARD F. Changes in arterial pressure during mechanical ventilation. Anesthesiology 2005; 103:419-28
MICHARD F, ALAYA S, ZARKA V, et al. Global end-diastolic volume as an indicator of cardiac preload in patients
with septic shock. Chest 2003; 124:1900-8
MICHARD F, BOUSSAT S, CHEMLA D, et al. Relation between respiratory changes in arterial pulse pressure and
fluid responsiveness in septic patients with acute circulatory failure. Am J Respir Crit Care Med 2000; 162:134-8
MICHARD F, TEBOUL JL. Predicting fluid responsiveness in ICU patients. A critical analysis of evidence. Chest
2002; 121:2000-8
MIELCK F, BUHRE W, HANEKOP G, et al. Comparison of continuous cardiac output measurements in patients
after cardiac surgery. J Cardiothorac Vasc Anesth 2003; 17:211-6
MILLE T, TACHIMIRI ME, KLERSY C, et al. Near infrared spectroscopy monitoring during carotid
endarterectomy: which threshold value is critical ? Eur J Vasc Endovasc Surg 2004; 27:646-50
MIMOZ O, RAUSS A, REKKIK N, et al. Pulmonary artery catheterization in critically ill patients: A prospective
analysis of outcome changes associated with catheter-prompted chages in therapy. Crit Care Med 1994; 22:573-9
MISHRA M, CHAUHAN R, SHARMA KK, et al. Real-time intraoperative transesophageal echocardiography – How
useful ? Experience of 5’016 cases. J Cardiothorac Vasc Anesth 1998; 12:625-32
MOISES VA, MESQUITA CB, CAMPOS O, et al. Importance of intraoperative transesophageal echocardiography
during coronary artery surgery without cardiopulmonary bypass. J Am Soc Echocardiogr 1998; 11:1139-44
MONNET X, DRES M, FERRE A, et al. Prediction of fluid responsiveness by a continuous non-invasive assessment
of arterial pressure in critically ill patients: comparison with four other dynamic indices. Br J Anaesth 2012; 109:3308
MONNET X, VAQUER S, ANGUEL N, et al. Comparison of pulse contour analysis by Pulsioflex and Vigileo to
measure and track changes of cardiac output in critically ill patients. Br J Anaesth 2015; 114:235-43
MORITZ S, KASPRZAK P, ARIT M, et al. Accuracy of cerebral monitoring in detecting cerebral ischemia during
carotid endarterectomy. Anesthesiology 2007; 107:563-9
MOZERSKY DJ, BUCKLEY CJ, HAGOOD C, et al. Ultrasonic evaluation of the palmar circulation. Am J Surg
1973; 126:810-2
MURDOCH SD, COHEN AT, BELLAMY MC. Pulmonary artery catheterization and mortality in critically ill
patients. Br J Anaesth 2000; 85: 611-5
MURGO JP, WESTERHOF N. Arterial reflections and pressure waveforms in humans. In: YIN FCP, ed.
Ventricular/vascular coupling. Clinical, physiological and engineering aspects. New York: Springer Verlag, 1987,
140-58
MURKIN JM, ADAMS SJ, NOVICK RJ, et al. Monitoring brain oxygen saturation during coronary artery bypass
surgery: a randomized, prospective study. Anesth Analg 2007; 104:51-8
MUZI M, EBERT TJ. Quantification of heart rate variability with power spectral analysis. Curr Opinion Anesthesiol
1993; 6:3-17
MYTHEN MG, WEBB AR. Intraoperative gut mucosal hypoperfusion is associated with increased postoperative
complications and cost. Intensive Care Med 1994; 20:99-104
MYTHEN MG, WEBB AR. Perioperative plasma volume expansion reduces the incidence of gut mucosal
hypoperfusion during cardiac surgery. Arch Surg 1995; 130:423-9
NAKAJIMA Y, MIZOBE T, MATSUKAWA T, et al. Thermoregulatory response to intraoperative head-down tilt.
Anesth Analg 2002; 94: 221-6
NELSON LD. The new pulmonary artery catheters; Right ventricular ejection fraction and continuous cardiac output.
Crit Care Clinics 1996; 12:795-818
NEWMAN MF, MATHEW JP, GROCOTT HP, et al. Central nervous system injury associated with cardiac surgery.
Lancet 2006; 368:694-703
NOLLERT G, SHINOKA T, JONAS RA. Near-infrared spectrophotometry of the brain in cardiovascular surgery. J
Thorac Cardiovasc Surg 1998; 46:167-75
ODENSTEDT H, STENQVIST O, LUNDIN S. Clinical evaluation of a partial CO2 rebreathing technique for cardiac
output monitoring in critically ill patients. Acta Anaesthesiol Scand 2002; 46:152-9
O’HORO JC, MAKI DG, KRUPP AE, SAFDAR N. Arterial catheters as a source of bloodstream infection: A
systematic review and meta-analysis. Crit Care Med 2014; 42:1334-9
OPDAM HI, WAN L, BELLOMO R. A pilot assessment of the FloTrac™ cardiac output monitoring system.
Intensive Care Med 2007; 33:344-9
O’ROURKE MF, YAGINUMA T. Wave reflections and the arterial pulse. Arch Int Med 1984; 144:366-71
OSMAN D, RIDEL C, RAY P, et al. Cardiac filling pressures are not appropriate to predict hemodynamic response
to volume challenge. Crit Care Med 2007; 35:64-8
PAC – Pulmonary artery catheter consensus conference: Consensus statement. Crit Care Med 1997; 25:910-25
PAQUET C, DESCHAMPS A, DENAULT AY, et al. Baseline regional cerebral oxygen saturation correlates with
left ventricular systolic and diastolic function. J Cardiothorac Vasc Anesth 2008; 22:840-6
PARKER MM, OGNIBENE FP, PARILLO JE. Peak systolic pressure/end-systolic volume ratio, a load-independent
measure of ventricular function, is reversibly decreased in human septic shock. Crit Care Med 1994; 22:1955-9
PAULUS WJ, TSCHÖPE C, SANDERSON JE, et al. How to diagnose diastolic heart failure: a consensus statement
on the diagnosis of heart failure with normal left ventricular ejection fraction by the Heart Failure and
Echocardiography Associations of the European Society of Cardiology. Eur Heart J 2007; 28:2539-50
PEARSON KS, GOMEZ MN, MOYERS JR, et al. A cost/benefit analysis of randomized invasive monitoring for
patients undergoing cardiac surgery. Anesth Analg 1989; 69:336-41
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
154
205
206
207
208
209
210
211
212
213
213a
214
215
216
216a
217
218
219
219a
220
221
222
223
224
224a
226
227
228
229
230
231
232
233
PEREL A, MINKOVICH L, PREISMAN S, et al. Assessing fluid responsiveness by a standardized ventilatory
maneuver: the respiratory systolic variation test. Anesth Analg 2005; 100:942-5
PICHARD AD, DIAZ R, MARCHANT E, et al. Large V waves in the pulmonary capillary wedge pressure tracing
without mitral regurgitation: The influence of the pressur/volume relationship on the V wave size. Clin Cardiol 1983;
6:534-41
PIGULA FA, NEMOTO EM, GRIFFITH BP, et al. Regional low-flow perfusion provides cerebral circulatory
support during neonatal aortic arch reconstruction. J Thorac Cardiovasc Surg 2000; 199:331-9
PITTMAN J, BAR-YOSEF S, SUMPING J, et al. Continuous cardiac output monitoring with pulse contour analysis:
A comparison with lithium indicator dilution cardiac output measurement. Crit Care Med 2005; 33:2015-21
POLANCZYK CA, RHODE LE, GOLDMAN L, et al. Right heart catheterization and cardiac complications in
patients undergoing noncardiac surgery: an observational study. JAMA 2001; 286:309-14
PÖLÖNEN P, RUOKONEN E, HIPPELÄINNEN M, et al. A prospective randomized study of goal-oriented
hemodynamic therapy in cardiac surgical patients. Anesth Analg 2000; 90:1052-9
QUINONES MA. Non-invasive quantification of left ventricular wall stress. Validation of the method and application
to assessment of chronic pressure overload. Am J Cardiol 1980; 45:782-9
RAMSEY SD, SAINT S, SULLIVAN SD, et al. Clinical and economic effects of pulmonary artery catheterization in
nonemergent coronary artery bypass graft surgery. J Cardiothorac Vasc Anesth 2000; 14:113-8
RAMPIL IJ. A primer for EEG signal processing in anesthesia. Anesthesiology 1998: 89:980-1002
RANUCCI M, BARYSHNIKIVA E, SORO G, et al. Multiple electrode whole-blood aggregometry and bleeding in
cardiac surgery patients receiving thienopyridines. Ann Thorac Surg 2011; 91:123-30
RAO TK, JACOBS KH, EL-ETR AA. Reinfarction following anesthseia in patients with myocardial infarction.
Anesthesiology 1983; 59:499-506
REKIK N, BROCHARD L, RAUSS A, et al. Prospective assessment of the benefit and risk of Swan-Ganz catheter
in critically ill patients. Am Rev Respir Dis 1989; 139:A17
RENNER J, SCHOLZ J, BEIN B. Monitoring fluid therapy. Best Pract Res Clin Anaesthesiol 2009; 23:159-71
RENNER J, SCHOLZ J, BEIN B. Monitoring cardiac function: echocardiography, pulse contour analysis and
beyond. Best Practice Res Clin Anaesthesiol 2013; 27:187-200
RESANO FG, KAPETANAKIS EI, HILL PC, et al. Clinical outcomes of low-risk patients undergoing beating-heart
surgery with or without pulmonary artery catheterization. J Cardiothorac Vasc Anesth 2006; 20:300-6
REUTER DA, FELBINGER TW, KILGER E, et al. Optimizing fluid therapy in mechanically ventilated patients after
cardiac surgery by on-line monitoring of left ventricular stroke volume variations. Brit J Anaesth 2002; 88:124-6
REUTER DA, GORESH T, GOEPFERT MSG, et al. Effects of mid-line thoracotomy on the interaction between
mechanical ventilation and cardiac filling during cardiac surgery. Br J Anaesth 2004; 92:808-13
REUTER DA, HUANG C, EDRICH T, et al. Cardiac output monitoring using indicator-dilution techniques: basics,
limits, and perspectives. Anesth Analg 2010; 110:700-811
REX S, BROSE S, METZELDER S, et al. Prediction of fluid responsiveness in patients during cardiac surgery. Br J
Anaesth 2004; 93:782-8
RICHARD C, WARZAWSKI J, ANGUEL N, et al. Early use of the pulmonary artery catheter and outcomes in
patient with shock and acute respiratory distress syndrome. JAMA 2003; 290:2713-20
RINGELSTEIN EB, DROSTE DW, BABIKIAN VL, et al. Consensus on microembolus detection by TCD. Stroke
1998; 29:725-9
RISK SC, BRANDON D, D’AMBRA MN, et al. Indications for the use of pacing pulmonary artery catheters in
cardiac surgery. J Cardiothorac Vasc Anesth 1992; 6:275-9
RIVERS E, NGUYEN B, HAVSTAD S, et al. Early goal-directed therapy in the treatment of severe sepsis and septic
shock. N Engl J Med 2001; 345:1368-76
ROBERSON RS. Respiratory variation and cardiopulmonary interactions. Best Practice Res Clin Anaesthesiol 2014;
28:407-18225
ROBOTHAM JL, TAKATA M, BERMAN M, et al.
Ejection fraction revisited.
Anesthesiology 1991; 74:172-83
RÖDIG G, PRASSER C, KEYL C, et al. Continuous cardiac output measurement: pulse contour analysis vs
thermodilution technique in cardiac surgical patients. Br J Anaesth 1999; 82:525-30
RODRIGUEZ RA, EDMONDS HL, AUDEN SM, et al. Auditory brainstem-evoked responses and temperature
monitoring during pediatric cardiopulmonary bypass. Can J Anaesth 1999; 46:832-9
ROIZEN MF, et al. Practice guidelines for pulmonary artery catheterization. A report by the ASA Task Force on
pulmonary artery catheterization. Anesthesiology 1993; 78:380-94
ROIZEN MF, BERGER DL, GABEL RA, et al. Practice Guidelines for pulmonary artery catheterization. An updated
report by the American Society of Anesthesiologists Task Force on pulmonary artery catheterization. Anesthesiology
2003; 99:988-1014
ROIZEN MF, TOLEDANO A. Technology assessment and the « learning contamination » bias. Anesth Analg 1994;
79:410-2
RONCO JJ, PHANG PT, CUNNINGHAM KF, et al. No difference in calculated oxygen kinetics after nonvasodilating interventions between nonsurvivors and survivors of ARDS. Am Rev Respir Dis 1991; 143:A83
ROOKE GA, SCHWID HA, SHAPIRA Y. The effect of graded hemorrage and intravascular volume replacement on
systolic pressure variation in humans during mechanical and spontaneous ventilation. Anesthesiology 1995; 80:92532
ROUBY JJ, POETE P, BODIN L, et al. Facteurs influençant la SvO2 en réanimation. Ann. Fr. Anesth. Réanim. 1989;
8:703-7
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
155
234
235
235a
236
237
238
238a
239
240
241
241a
241b
242
243
244
245
246
247
248
248a
249
250
251
252
253
254
255
256
257
258
259
260
261
ROYSE CF, ROYSE AG, SOEDING PF, BLAKE DW. Shape and movement of the interatrial septum predicts
change in pulmonary capillary wedge pressure. Ann Thorac Cardiovasc Surg 2001; 7:79-83
RUNCIMAN WB, ILSLEY AH, ROBERTS JG. Thermodilution cardiac output – A systematic error.
Anesth
Intens Care 1981; 9:135-42
RUPP SM, APFELBAUM JL, BLITT C, et al. Practice Guidelines for central venous access. A report by the
American Society of Anesthesiologists Task Force on central venous access. Anesthesiology 2012; 116:539-73
SAADA M, CAHALAN M, LEE E et al. Real-time evaluation of echocardiograms (abstract). Anesthesiology 1989;
71:A344
SAARELA E, KARI A, NIKKI P, et al. Current practice regarding invasive monitoring in intensive care units in
Finland. Intensive Care Med 1991; 17:264-71
SAKKA SG, REINHART K, MEIER-HELLMANN A. Comparison of pulmonary artery and arterial thermodilution
cardiac output in critically ill patients. Intesive Care Med 1999; 25:843-6
SAKKA SG, REUTER DA, PEREL A. The transpulmonary thermodilution technique. J Clin Monit Comput 2012;
26:347-53
SAKKA SG, RUHL CC, PFEIFFER UG, et al. Assessment of cardiac preload and extravascular lung water by single
transpulmonary thermodilution. Intensive Care Med 2000; 26:180-7
SALZMAN AL, STRONG KE, WANG H, et al. Intraluminal « balloonless » air tonometry: A new method for
determination of gastro-intestinal mucosal carbon dioxide tension. Crit Care Med 1994; 22.126-34
SANDHAM JD, HULL RD, BRANT RF, et al. A randomized, controlled trial of the use of pulmonary artery
catheters in high-risk surgical patients. N Engl J Med 2003; 348:5-14
SAUGEL B, CECCONI M, REUTER DA. Noninvasive continuous cardiac output monitoring in perioperative and
intensive care medicine. Br J Anaesth 2015; 114:562-75
SAUGEL B, DUECK R, WAGNER JY. Measurement of blood pressure. Best Practice Res Clin Anaesthesiol 2014;
28:309-22
SCHAMROTH L. The electrocardiology of coronary artery disease. Blackwell, Oxford 1984
SCHEER BV, PEREL A, PFEIFFER UJ. Clinical review: complications and risk factors of peripheral arterial
catheters used for haemodynamic monitoring in anaesthesia and intensive care medicine. Crit Care 2002; 6:198-204
SCHILLER WR, BAY RC, GARREN RL, et al. Hyperdynamic resuscitation improves survival in patients with lifethreatening burns. J Burn Care Rehabil 1997; 18:10-6
SCHMIDT C, ROOSENS C, STRUYS M, et al. Contractility in humans after coronary artery surgery.
Anesthesiology 1999; 91:58-70
SCHOBER P, LOER SA, SCHWARTE LA. Perioperative hemodynamic monitoring with transesophageal Doppler
technology. Anesth Analg 2009; 109:340-53
SCHRAMM S, ALBRECHT E, FRASCAROLO P, CHASSOT PG, SPAHN DR. Validity of an arterial pressure
waveform analysis device: Does the puncture site play a role in the agreement with intermittent pulmonary artery
catheter thermodilution measurements ? J Cardiothorac Vasc Anesth 2009; 23:250-6
SCHUMMER W, SCHUMMER C, ROSE N, et al. Mechanical complications and malpositions of central venous
canulations by experienced operators. A prospective study of 1794 catheterizations in critically ill patients. Intensive
Care Med 2007; 33:1055-9
SCHWANN NM, HILLEL Z, HOEFT A, et al. Lack of effectiveness of the pulmonary artery catheter in cardiac
surgery. Anesth Analg 2011; 113:994-1002
SCHWARTZ G, LITSCHER G. Transcranila cerebral oxymetry, transcranial Doppler sonography, and heart rate
variability: useful neuromonitoring tools in anaesthesia and intensive care ? Eur J Anaesthesiol 2002; 19:543-9
SCHWARZENBERGER J, THYS DM. Monitoring. In: THYS DM, ed. Textbook of cardiothoracic anesthesiology.
New York, McGraw Hill Co, 2001, pp 316-353
SEBEL PS, BOWDLE TA, GHONEIM MM, et al. The incidence of awareness during anesthesia: a multicenter
United States study. Anesth Analg 2004; 99:833-9
SEBEL PS, LANG E, RAMPIL IJ, et al. A multicenter study of bispectral electroencephylogram analysis for
monitoring anesthetic depth. Anesth Analg 1997; 84:891-9
SHAABAN T, HARMER M, LATTO P. Jugular bulb oximetry during cardiac surgery. Anaesthesia 2001; 56:24-37
SHAH MR, HASSELBLAD V, STEVENSON LW, et al. Impact of the pulmonary artery catheter in critically ill
patients. Meta-analysis of randomized clinical trials. JAMA 2005; 294:1664-70
SHANEWISE JS, ZAFFER R. Intraoperative echocardiography in coronary bypass graft surgery without
cardiopulmonary bypass. J Am Coll Cardiol 1999; 33:471A
SHARIR T, FELDMAN MD, HABER H, et al. Ventricular systolic assessment in patients with dilated
cardiomyopathy by preload-adjusted maximal power. Validation and non-invasive application. Circulation 1994;
89:2045-53
SHIBUTANI T, KOMATSU T, KUBAL K, et al. Critical level of oxygen delivery in anesthetized man. Crit Care
Med 1983; 11:640-3
SHIBUTANI K, MURAOKA M, SHIRASAKI S, et al. Do changes in end-tidal PCO2 quantitavely reflect changes in
cardiac output. Anesth Analg 1994; 79:829-33
SHOEMAKER WC, APPEL PL, KRAM HB, et al. Prospective trial 1186 of supranormal values of survivors as
therapeutic goals in high-risk surgical patients. Chest 1988; 94:1176-86
SHOEMAKER WC, APPEL PL, KRAM HB. Role of oxygen debt in the development of organ failure, sepsis and
death in high risk surgical patient. Chest 1992; 102:208-15
SHUGA H, SAGAWA K. Determinants of instantaneous pressure in canine left ventricle: time and volume
specification. Cric Res 1980; 46:256-9
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
156
262
263
264
265
265a
266
266a
267
267a
268
269
270
271
271a
272
273
273a
274
275
276
277
278
278a
279
280
281
282
282a
283
284
285
286
287
SIEGEL LC, PEARL RG, SHAFER SL, et al. The longitudinal distribution of pulmonary vascular resistance during
unilateral hypoxia. Anesthesiology 1989; 70:527-32
SINCLAIR S, JAMES S, SINGER M. Intraoperative intravascular volume oprimisation and length of hospital stay
after repair of proximal femoral fracture : randomised controlled trial. Br Med J 1997 ; 315 : 909-12
SKARVAN K, LAMBERT M, FILIPOVIC M, SEEBERGER M. Reference values for left ventricular function in
subjects under general anesthesia and controlled ventilation assessed by two-dimensional traoesophageal
echocardiography. Eur J Anaesthesiol 2001; 18:713-22
SKUBAS N. Intraoperative Doppler Tissue imaging is a valuable addition to cardiac anesthesiologist’s
armamentarium: A core review. Anesth Analg 2009; 108:48-66
SLAGT C, MALAGON I, GROENEVELD ABJ. Systematic review of uncalibrated arterial pressure waveform
analysis to determine cardiac output and stroke volume variation. Br J Anaesth 2014; 112: 626-37
SLOGOFF S, KEATS AS, ARLUND C. On the safety of radial artery cannulation. Anesthesiology 1983; 59:42-7
SMETKIN AA, KIROV MY, KUZKOV VV, et al. Single transpulmonary thermodilution and continuous monitoring
of central venous oxygen saturation during off-pump coronary surgery. Acta Anaesthesiol Scand 2009; 53:505-14
SNYDER JV, POWNER DJ. Effects of mechanical ventilation on the measurement of the cardiac output by
thermodilution. Crit Care Med 1982; 10:677-85
SOTOMI Y, SATO N, KAJIMOTO K, et al. Impact of pulmonary artery catheter on outcome in patients with acute
heart failure syndromes with hypotension or receiving inotropes: from the ATTEND registry. Intern J Cardiol 2014;
172:165-72
SPACKMAN TN. A theoretical evaluation of cost-effectiveness of pulmonary artery catheters in patients undergoing
coronary artery surgery. J Cardiothor Vasc Anesth 1994; 8:570-6
SPRUNG CL, ELSER B, SCHEIN MH, et al. Risk of right bundle branch block and complete heart block during
pulmonary artery catheterization. Crit Care Med 1989; 17:1-3
SQUARA P, BENNETT D, PERRET C. Pulmonary artery catheter: Does the problem lie in the users ? Chest 2002;
121:2009-15
STEINGRUB JS, CELORIA G, VICKERS-LAHTI M, et al. Therapeutic impact of pulmonary artery catheterization
in a medical / surgical ICU. Chest 1991; 99:1451-5
STEPPAN J, HOGUE CW. Cerebral and tissue oximetry. Best Practice Res Clin Anaesthesiol 2014; 28:429-39
STEVENSON LW and the ESCAPE Investigators. Evaluation study of congestive heart failure and pulmonary artery
catheterization effectiveness. JAMA 2005; 294:1625-33
STEWART RD, PSYHOJOS T, LAHEY SJ, et al. Central venous catheter use in low-risk coronary artery bypass
grafting. Ann Thorac Surg 1998; 66:1306-11
SUEHIRO K, TANAKA K, MATSUURA T, et al. The Vigileo-Flotrack™ system: arterial waveform analysis for
measuring cardiac output and predicting fluid responsiveness: a clinical review. J Cardiothorac Vasc Anesth 2014;
28: 1361-74
SULEK CA, GRAVENSTEIN N, BLACKSHEAR RH, et al. Head rotation during internal jugular vein canulation
and the risk of carotid artery puncture. Anesth Analg 1996; 82:125-8
SWAN HJC, GANZ W, FORRESTER JS, et al. Catheterization of the heart in man with the use of a flow-directed
balloon-tipped catheter. N Engl J Med 1970; 283:447
SWENSON JD, BULL D, STRINGHAM J. Subjective assessment of left ventricular preload using transesophageal
echocardiographyy: corresponding pulmonary artery occlusion pressures. J Cardiothorac Vasc Anesth 2001; 15:580-3
TAILEFER MC, DENAULT Y. Cerebral near-infrared spectroscopy in adult heart surgery: systematic review of its
clinical efficacy. Can J Anesth 2005; 52:79-87
TAKATA M, ROBOTHAM JL. Effects of inspiratory diaphragmatic descent on inferor vena caval venous return. J.
Appl. Physiol. 1992; 72:597-607
TANCZOS K, MOLNAR Z. The oxygen supply-demand balance: a monitoring challenge. Best Practice Res Clin
Anaesthesiol 2013; 27:201-7
TAVERNIER B, MAKHOTINE O, LEBUFFE G, et al. Systolic pressure variations as a guide to fluid therapy in
patients with sepsis-induced hypotension. Anesthesiology 1998; 89:1313-21
TAYLOR DE, GUTIERREZ G. Tonometry: A review of clinical studies. Criticical Care Clin 1996; 12:1007-18
TEBOUL JL, BESBES M, ANDRIVET P, et al. A bedside index assessing the reliability of pulmonary artery
occlusion pressure measurements during mechanical ventilation with positive end-expiratory pressure. J Critical Care
1992; 7:22-9
TEI C, NISHIMURA RA, SEWARD JB, et al. Non-invasive Doppler-derived myocardial performance index:
correlation with simultaneaous measurements of cardiac catheterization. J Am Soc Echocardiogr 1997; 10:169-78
THAKUR M, AHMED A. A review of thromboelastography. Int J Periop Ultrasound Appl Technol 2012 ; 1 : 25-9
THYS D. Can our patients afford the cost of cost containment?. J Cardiothor Vasc Anesth 1994; 8:487-9
THYS DM. COHEN E, EISENKRAFT JB. Mixed venous oxygen saturation during thoracic anesthesia.
Anesthesiology 1988; 69:1005-9
THYS DM, HILLEL Z, GOLDMAN ME, et al. A comparison of hemodynamic indexes derived by invasive
monitoring and two-dimensional echocardiography. Anesthesiology 1987; 67:630-4
TOUSIGNANT CP, WALSH F, MAZER CD. The use of transesophageal echocardiography for preload assessment
in critically ill patients. Anesth Analg 2000, 90:351-5
TRIPATHI M, DUBEY PK, AMBESH SP, et al. Direction of the J-tip of the guidewire, in Seldinger technique, is a
significant factor in misplacement of subclavian vein catheter: A randomized, controlled study. Anesth Analg 2005;
100:21-4
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
157
287a
288
289
290
291
292
293
294
294a
295
296
297
298
299
300
301
302
303
303a
304
305
306
307
308
308a
309
309a
310
311
311a
312
313
TROIANOS CA, HARTMAN GS, GLAS KE, et al. Guidelines for performing ultrasound-guided vascular
cannulation: Recommendations of the American Society of Echocardiography and the Society of Cardiovascular
Anesthesiologists. Anesth Analg 2012; 114:46-79
TROTTIER SJ, TAYLOR RW. Physicians's attitudes towards and knowledge of the pulmonary artery catheter:
Society of Critical care Medecine membership survey. New Horizon 1997; 5:201-6
TUCHSCHMIDT J, FRIED J, ASTIZ M, et al. Elevation of cardiac output and oxygen delivery improves outcome in
septic shock. Chest 1992; 102:216-20
TUMAN KJ. Pitfalls in Interpretation of Pulmonary Artery Catheter Data. J Cardiothorac Vasc Anesth 1989; 3:62541
TUMAN KJ, McCARTHY RJ, SPIESS BD, et al. Effect of pulmonary artery catheterization on outcome in patients
undergoing coronary artery surgery. Anesthesiology 1989; 70:199-206
TUMAN KJ, ROIZEN MF. Outcome asesssment and pulmonary artery catheterization: Why does the debate continue
? Anesth Analg 1997; 78:380-94
VAN DAELE M, SUTHERLAND G, MITCHELL M, et al. Do changes in pulmonary capillary wedge pressure
adequately reflect myocardial ischemia during anesthesia?. Circulation 1990; 81:865-71
VAN DIJK D, SPOOR M, HIJMAN R, et al., Octopus study group. Cognitive and cardiac outcomes 5 years after offpump vs on-pump coronary artery bypass surgery. JAMA 2007; 297:701-8
VAN WAES JA, NATHOE HM, DE GRAAFF JC, et al. Myocardial injury after noncardiac surgery and its
association with short-term mortality. Circulation 2013; 127:2264-71
VASAN RS, LARSON MG, BENJAMIN EJ, et al. Congestive heart failure in subjects with normal versus reduced
left ventricular ejection fraction: prevalence and mortality in a population-based cohort. J Am Coll Cardiol 1999;
33:1948-55
VEDRINNE C, BASTIEN O, DE VARAX R, et al. Predictive factors for usefulness of fiberoptic pulmonary artery
catheter for continuous oxygen saturation in mixed venous blood monitoring in cardiac surgery. Anesth Analg 1997;
85:2-10
VENDER JS. Pulmonary artery catheter monitoring. Anesth Clin N Am 1988; 6:743-67
VENDER JS. Resolved: A pulmonary artery catheter should be used in the management of the critically ill patient.
Pro. J Cardiothorac Vasc Anesth 1998; 12(Suppl 1):9-12
VENDER JS. Pulmonary artery catheter utilization: The use, misuse or abuse. J Cardiothorac Vasc Anesth 2006;
20:295-9
VENN R, STEELE A, RICHARDSON P, et al. Randomized control trial to investigate influence of the fluid
challenge on duration of hospital stay and perioperative morbidity in patients with hip fractures. Br J Anaesth 2002;
88:65-71
VIEILLARD-BARON A, AUGARDE R, PRIN S, et al. Influence of superior vena caval zone condition on cyclic
changes in right ventricular outflow during respiratory support. Anesthesiology 2001; 95:1083-8
VINCENT JL. Le culte du cathéter de Swan-Ganz. in: DHAINAUT JF. Hémodynamique, concepts et pratique en
réanimation. Masson, 1991, pp 123-134
VINCENT JL, DHAINAUT JF, PERRET C, SUTER P. Is the pulmonary artery catheter misused ? An European
view. Crit Care Med 1998; 26:1283-7
VINCENT JL, RHODES A, PEREL A, et al. Clinical review: update on hemodynamic monitoring – a consensus of
16. Critical Care 2011; 15:220
VOGEL M, SCHMIDT R, KRISTIANSEN S, et al. Validation of myocardial acceleration during isovolumic
contraction as a novel non-invasive index of right ventricular contgractility. Circulation 2002; 105:1693—9
VON SPIEGEL T, GIANNARIS S, SCHORN B, et al. Effects of induction of anaesthesia with sufentanil and
positive-pressure ventilation on the intra- to extrathoracic voilume distribution. Eur J Anaesthesiol 2002; 19:428-35
VUILLE C, WEYMAN AE. Left ventricle I: general considerations, assessment of chamber size and function. In:
WEYMAN AE (ed). Principles and practice of echocardiography. Philadelphia: Lea & Febiger, 1994, 575-624
WAKELING HG, MCFALL MR, JENKINS CS, et al. Intraoperative oesophageal Doppler guided fluid management
shortens postoperative hospital stay after repair of proximal femoral fracture: randomised controlled trial. Br J Anaesth
2005; 95: 634-42
WANG J, FILIPOVIC M, RUDZITIS A, et al. Transesophageal echocardiography for monitoring segmental wall
motion during off-pump coronary artery bypass surgery. Anesth Analg 2004; 99:965-73
WEBER CF, GÖRLINGER K, MEININGER D. Point-of-care testing : a prospective randomized clinical trial of
efficacy in coagulopathic cardiac surgery patients. Anesthesiology 2012 ; 117 : 531-47
WEATHERRED T, PRUETT J. Significance of heart rate variability in cardiovascular disease. Curr Opinion
Anaesthesiol 1995; 8:7-14
WEINER MM, GELDARD P, MITTNACHT AJC. Ultrasound-guided vascular access: A comprehensive review. J
Cardiothorac Vasc Anesth 2013; 27:345-60
WEINFURT PT. Electrographic monitoring: An overview. J Clin Monitor 1990; 6:132-9
WELSBY IJ, RYAN JM, BOOTH JV, et al. The bispectral index in the diagnosis of perioperative stroke: A case
report and discussion. Anesth Analg 2003; 96:435-7
WHITENER S, KONOSKE R, MARK JB. Pulmonary artery catheter. Best Practice Res Clin Anaesthesiol 2014;
28:323-35
WIESENACK C, PRASSER C, RÖDIG G, KEYL C. Stroke volume variation as an indicator of fluid responsiveness
using pulse contour analysis in mechanically ventilated patients. Anesth Analg 2003; 96:1254-7
WOLF YG, COTEV S, PEREL A, et al. Dependance of oxygen consumption on cardiac output in sepsis. Crit Care
Med 1987; 15:198-203
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
158
314
315
316
317
YELDERMAN ML. Continuous measurement of cardiac output with the use of stochastic system identification
techniques. J Clin Monit 1990; 6:322-32
YU M, TAKANISHI D, MYERS S, et al. Frequency of mortality and myocardial infarction during maximizing
oxygen delivery: A prospective randomized trial. Crit Care Med 1995; 23:1025-32
ZHENG F, SHEINBERG S, YEE MS, et al. Cerebral near-infrared spectroscopy monitoring and neurologic outcomes
in adult cardiac surgery patients: a systematic review. Anesth Analg 2013; 116:663-76
ZILE MR, BRUTSAERT DL. New concept in diastolic dysfunction and diastolic heart failure: Part I. Diagnosis,
prognosis, and measurement of diastolic function. Circulation 2002; 105:1387-93
Auteur
Pierre-Guy CHASSOT
Ancien Privat-Docent, Faculté de Biologie et de Médecine,
Université de Lausanne (UNIL), CH - 1005 Lausanne
Ancien responsable de l’Anesthésie Cardiovasculaire, Service
d’Anesthésiologie, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois
(CHUV), CH - 1011 Lausanne
Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage
159