Chapitre 6 - Précis d`anesthésie cardiaque
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Chapitre 6 - Précis d`anesthésie cardiaque
PAC • Précis d’Anesthésie Cardiaque CHAPITRE 06 LE MONITORAGE EN ANESTHESIE CARDIAQUE Mise à jour: Mars 2015 Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 1 Table des matières Introduction Electrocardiographie Les dérivations standards Surveillance du segment ST Variabilité de la fréquence cardiaque Pression artérielle Généralités techniques sur le monitorage intravasculaire Possibilités d’accès artériels Analyse de la courbe artérielle Voie veineuse centrale Sites de ponction Techniques de ponction Guidage par ultrasons Complications Mesure de la pression veineuse centrale Cathéter artériel pulmonaire de Swan-Ganz Justification et impact Indications au CAP Mise en place du cathéter pulmonaire Complications du cathéter pulmonaire Indications et contre-indications Pressions enregistrées Mesure du débit cardiaque Transport d’oxygène et rapport DO2/VO2 2 4 4 6 8 10 10 11 16 21 21 24 28 32 33 38 38 42 44 47 48 50 58 61 Techniques particulières Mesure du débit card : autres technologies Contour de la courbe artérielle Réinspiration partielle de CO2 Doppler oesoophagien Bioimpédance électrique du thorax Mesures de l’oxygénation tissulaire Avantages et limites des technologies Surveillance hémodynamique Monitorage de la volémie Fonction systolique du VG Fonction diastolique Fonction ventriculaire droite Monitorage de l’ischémie Surveillance respiratoire Relation PaCO2 – PetCO2 Hypocapnie et hypercapnie Relation débit cardiaque / échanges gazeux Monitorage neurologique Oxymétrie cérébrale Index bispectral Monitorage de la coagulation Conclusions Bibliographie Auteur 64 67 67 75 77 80 80 83 85 85 103 114 118 120 126 126 126 127 130 134 136 139 145 147 159 Introduction Le terme moniteur vient d’un mot latin signifiant avertir. Un moniteur est donc une alarme, dont l’impact sur le devenir des patients tient exclusivement aux conséquences thérapeutiques que l'on en tire. Sans insuline, doser des glycémies n’aurait aucun sens ! En effet, on évalue le rapport coût / bénéfice d’une technique de monitorage en se référant aux décisions thérapeutiques que cette technique a permis de prendre, et aux conséquences de ces dernières sur le devenir du patient. Les mesures de cet impact sont des différences de mortalité, de morbidité ou de durée de séjour en soins intensifs. Ainsi, on dispose de données cohérentes sur la portée du cathéter de Swan-Ganz, qui est un système invasif, ou de l’échocardiographie transoesophagienne, qui est un monitorage onéreux. Mais il faut bien reconnaître qu’on n’a aucune preuve de l’impact du cathéter artériel ou du pulsoxymètre sur le devenir des malades ou sur le coût de la prise en charge. Ces systèmes répondent si bien aux besoins de la surveillance peropératoire qu’on ne pourrait plus monter une étude randomisée comparant leur présence et leur absence sans enfreindre les règles éthiques de la recherche clinique. D’une manière générale, maximaliser le monitorage n’est pas synonyme d’améliorer la surveillance. L’utilité d’une technique de monitorage tient aux décisions thérapeutiques qu’elle a permis de prendre, et aux conséquences de ces dernières sur le devenir du patient. Un monitorage sans impact est un monitorage inutile. D’autre part, les connaissances de l’anesthésiste et du réanimateur sont essentielles pour tirer des conclusions thérapeutiques adéquates. Ainsi, un système dont on n’est pas coutumier n’est habituellement d’aucune portée. L’informatique offre d’innombrables possibilités d’analyse ; l’industrie multiplie les systèmes de surveillance et les données chiffrées. Mais il reste préférable de se fier à des techniques que l’on maîtrise bien plutôt que de compliquer la prise en charge avec des données dont on ignore l’interprétation. Il est également bon de se souvenir que la couleur du patient Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 2 ou celle du champ opératoire, la température ou la moiteur des extrémités, les mouvements ventilatoires ou l’état des pupilles, sont les éléments premiers de la surveillance, parce que ce sont des données directes dont l’accès ne réclame aucun intermédiaire technique ni calcul sophistiqué. Le problème majeur de l’indication aux différents systèmes de monitorage tient au fait qu’ils doivent être mis en place avant l’évènement qu’ils sont supposés surveiller. Or ils ne sont utiles que si cet évènement se réalise. Leur indication repose donc sur la probabilité qu’a cet évènement de se produire. Si la probabilité est haute ou basse, le choix est simple, mais lorsque la probabilité est moyenne, la décision repose sur le jugement clinique de l’anesthésiste. En cas d’hésitation sur la nécessité d’un système de monitorage dans un cas particulier, il est plus prudent de l’installer que d’y renoncer. "Trop fort n'a jamais manqué" dit un vieux proverbe de marine ! En chirurgie cardiaque, les périodes per- et post-opératoire sont en général plus mouvementées que l’induction elle-même. Or il est plus aisé d'équiper un patient à l'induction, dans le calme d'un état hémodynamique proche de la norme, que de suppléer à ce qui manque lorsque la situation s'aggrave et que le malade devient instable. Les conditions de stérilité de la salle d'opération offrent la sécurité maximale pour le placement de voies prévues pour le long terme. De plus, ce qui paraît superflu pour l'anesthésie peut être vital pour la situation postopératoire. Il ne s’agit pas non plus de suréquiper aveuglement les patients ; les contraintes budgétaires et la rationalisation des attitudes incitent au contraire à bien peser les indications aux techniques invasives et dispendieuses en recherchant le monitorage optimal pour chaque situation. Les variables que l’on surveille sont référencées à une valeur de base correspondant au zéro. Au cours d’une anesthésie, l’évolution d’une mesure a souvent davantage d’importance que sa valeur absolue. Même entachée par un coefficient d’erreur important, une mesure garde sa valeur pour le suivi du patient, parce que la même erreur est répétée sur chaque mesure, ce qui permet d’observer efficacement l’évolution temporelle de la donnée. L’attention humaine se relâche rapidement lorsqu’elle surveille des données continues et monotones ; l’avantage d’un appareil automatique est de garder le même niveau de vigilance quelles que soient la durée et la régularité des éléments observés. Le monitorage sert donc à détecter en permanence les signes avant-coureurs des incidents et des accidents potentiels, de manière à prendre des mesures correctives le plus précocement possible. Pour ce faire, l’anesthésiste doit satisfaire à trois exigences. Comprendre le fonctionnement des diverses technologies de surveillance pour connaître leurs capacités, leurs limites et leurs artéfacts ; Maintenir un niveau d’alerte suffisant pour réagir aux variations et aux alarmes ; ces dernières doivent être réglées en fonction de chaque cas pour éviter de sonner lors de variations mineures ; seules les données prioritaires sont connectées à une alarme sonore. Replacer les données fournies par les moniteurs dans le contexte clinique du patient. Les moniteurs ont un avantage par rapport à la surveillance humaine : ils gardent constamment le même degré d’attention et s’acquittent beaucoup mieux que nous de tâches répétitives comme la lecture de l’ECG ou de la saturation artérielle. Par contre, même avec des algorithmes sophistiqués, ils ont de piètres capacités à évaluer un risque dans un certain contexte ou à anticiper un problème potentiel. Le monitorage habituel surveille en permanence les fonctions hémodynamiques essentielles : rythme cardiaque, fonction ventriculaire, perfusion myocardique, perfusion systémique, perfusion pulmonaire, volémie. A ces notions s'ajoutent la surveillance de la ventilation et des échanges gazeux, de l’activité cérébrale, de la température, de l’équilibre acido-basique et du transport d’oxygène. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 3 Electrocardiographie Les dérivations standards Les conditions d’examen du bloc opératoire ne permettent pas de réaliser des tracés électrocardiographiques (ECG) exactement superposables à ceux d’un enregistrement standard. Cependant, le positionnement judicieux des électrodes offre suffisamment de possibilités pour explorer tout le territoire ventriculaire gauche et une bonne partie du droit. Lors de lésions coronariennes gauches (interventriculaire antérieure et/ou circonflexe), les dérivations V5 et DII détectent ensemble 80% des accidents ischémiques, mais la présence de lésions droites baisse la sensibilité à 65% ; il faut donc ajouter une dérivation V4 droite (V4R) pour observer le territoire du VD. La combinaison DII-V5-V4R permet de surveiller la quasi-totalité des territoires coronariens. La combinaison DII-V4-V5 a une sensibilité de 96% pour l’ischémie gauche [156]. Pour que la surveillance soit efficace, on affiche sur l’écran les dérivations correspondant aux zones à risque d’ischémie active. Les trois territoires coronariens ont schématiquement la répartition suivante : Artère interventriculaire antérieure (IVA) Artère circonflexe (CX) Artère coronaire droite (CD) DI, aVL, V3 - V4 DI, aVL, V4 - V6 DII, DIII, aVF La localisation de l’ischémie ou de l’infarctus est repérable en fonction des dérivations où elle apparaît : Territoire antérieur Territoire inférieur Territoire latéral Territoire postérieur Territoire antéro-latéral Territoire antéro-septal Territoire inféro-latéral Ventricule droit DI, aVL, V3 - V4 DII, DIII, aVF DI, aVL, V5 - V6 altération réciproque V1 - V2 V1 - V6 V1 - V4 inférieur + V5 - V6 V4R - V6R Un positionnement rigoureux des électrodes sur le patient est la condition de base pour obtenir un tracé adéquat (Figure 6.1). Les tests d’effort préopératoires ou la coronarographie permettent de connaître les territoires où sont survenu les anomalies correspondant à une ischémie active. On les affiche de préférence sur l’écran du moniteur. La surveillance d’un territoire déjà infarci est inutile. Il faut éviter les interférences des mouvements musculaires en plaçant les électrodes en regard de zones osseuses, et veiller à ce que les câbles des dérivations ne croisent pas d'autres circuits électriques. Les fasciculations musculaires et les frissons donnent des oscillations aléatoires de haute fréquence. Un défaut d’isolation ou un mauvais contact cutané des électrodes induisent des artéfacts de lecture, des dérives de la ligne de base et la captation de courants parasites (60 Hz, par exemple). La coagulation est la principale source d’altérations électriques. On peut en minimiser la portée en plaçant l’électrode de référence de la jambe droite le plus près possible de la plaque de mise à terre et en connectant le moniteur à un autre réseau d’alimentation électrique que le thermocautère. Le potentiel électrique cutané et le potentiel de base de l’électrode génèrent des oscillations lentes de la ligne de base. L’électricité statique de la machine de CEC peut induire des irrégularités semblables à une fibrillation ventriculaire, particulièrement si l’atmosphère de la salle d’opération est froide et sèche [128]. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 4 BD BG BG BD + BG JG + JD JG B JG BD BD + BG BG + V5 A C Figure 6.1: Positionnement des électrodes d’ECG. A : Positionnement des électrodes d’ECG dans des systèmes à trois électrodes. En CB5, l'électrode négative est sur l'omoplate. B : Positionnement des électrodes d’ECG dans un système à cinq électrodes. C : positionnement des électrodes précordiales ; V5 : ligne axillaire antérieure, 5ème espace intercostal. BD: bras droit. BG: bras gauche. JG: jambe gauche. JD: jambe droite. La variation du potentiel électrique de l’ECG est rapide au cours d’un QRS, mais plus lente au cours de l’onde T. Dans une analyse spectrale, la fréquence de chaque composante peut être assimilée à la pente du tracé électrique. L’évènement le plus rapide est représenté par les pointes-ondes (spikes) d’un pace-maker (> 100 Hz) ou les artéfacts du réseau (60 Hz) [157]. L’analyse des ondes P ou T demande une fréquence de lecture de 3 - 10 Hz ; celle du QRS réclame une lecture à 5 - 30 Hz, et l’analyse du segment ST une lecture jusqu’à 60 Hz [310]. Malheureusement, plus l’étendue du spectre de lecture est vaste, plus le tracé est perturbé par des artéfacts. D’où la nécessité d’introduire un filtrage : les signaux de hautes et basses fréquences sont filtrés dans le mode monitoring (réponse de 0.2 à 40 Hz) et éliminés dans le mode filtre (réponse de 0.5 à 30 Hz). Le mode diagnostic ne filtre aucun signal (réponse de 0.05 à 130 Hz). Le filtrage des hautes fréquences élimine l’effet des mouvements musculaires, du 60 Hz et des instruments électriques (800 – 2’000 Hz pour la coagulation) ; celui des basses fréquences stabilise la ligne de base. Comme l’amplification des signaux de basse intensité, la filtration impose un léger délai qui peut altérer la relation temporelle de certains éléments : un filtre à 0.5 Hz peut modifier la pente du segment ST et induire artificiellement un sous-décalage ; l’amplitude des ondes R et S diminue avec un filtre à 40 Hz [157]. Ces considérations ont des implications cliniques pratiques. L’analyse du segment ST n’est fiable qu’en mode diagnostic (importance des basses fréquences < 0.5 Hz) ; il en est de même pour le test d’un pace-maker (hautes fréquences des pointes-ondes > 40 Hz). Lors de fibrillation ventriculaire induite par un fibrillateur, le mode diagnostic permet seul de s’assurer que le courant de 60 Hz est établi. Si le moniteur le permet, il est pratique d’afficher une dérivation dans le mode diagnostic (DII) et une autre dans le mode filtre (V5). Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 5 Surveillance du segment ST Normalement isolélectrique, le segment ST s'abaisse en cas d'ischémie sous-endocardique et s'élève lors de lésion transmurale due à un spasme ou un infarcissement. Le seuil de signification est fixé habituellement aux valeurs suivantes (Figure 6.2) [157] : Sous-décalage horizontal ou descendant de plus de 1.0 mm (> 0.1 mV) survenant 60 à 80 msec après le point J (jonction entre l'onde S et le segment ST) ; Sous-décalage ascendant lent de plus de 2 mm (> 0.2 mV) survenant 60 à 80 msec après le point J ; Sus-décalage de plus de 1 mm (> 0.1 mV) par rapport à la ligne isoélectrique dans une dérivation non-Q ; Durée du sous-décalage supérieure à 20 secondes (20-30 cycles cardiaques). Le mesure est plus pertinente à 80 msec du point J, mais est avancée à 60 msec en cas de tachycardie (fréquence > 100 batt/min) pour échapper à l’onde T. L'amplitude et l'étendue du décalage ST sont directement proportionnelles à la masse myocardique ischémiée. De ce fait, une ischémie du ventricule droit ne peut occasionner que de faibles modifications du segment ST, même si la lésion est étendue et que ses conséquences hémodynamiques sont importantes. La persistance du décalage ST est un indice de risque de nécrose. Un aspect descendant implique une pathologie sévère, alors qu'un aspect oblique ascendant rapide peut être normal en cas de tachycardie ou d’effort [242]. L'abaissement du segment ST, qui signe une ischémie sous-endocardique, a peu de valeur localisatrice, alors que sa surélévation, qui représente une ischémie transmurale, correspond à une lésion coronarienne tronculaire définie ; cette dernière est plus fréquente chez les patients de chirurgie coronarienne. Point isoélectrique J Figure 6.2: Variations du segment ST. A: Le sous-décalage est mesuré 80 msec après le point J par rapport à la ligne isoélectrique repérée dans l'espace PQ. Formes variables du segment ST. B: sous-décalage horizontal. C: segment oblique ascendant. D: segment oblique descendant. E: sus-décalage. + 80 msec P A Q S © Chassot 2012 La spécificité du sous-décalage ST pour l’ischémie myocardique est très haute, mais varie selon la forme du segment : de 95% pour un sous-décalage descendant, elle passe à 85% pour un sousdécalage horizontal et à 75% pour un sous-décalage oblique ascendant [157]. Plus les lésions coronariennes sont diffuses, plus la sensibilité des altérations du segment ST augmente; elle est en Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 6 moyenne de 75% pour une maladie bitronculaire et de 85% pour une maladie tritronculaire. Certaines conditions altèrent le segment ST sans pour autant être des signes d'ischémie [121] : Hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) ; Retard de conduction (BBG) ; Imprégnation de digoxine ou de quinidine (aspect cupulliforme) ; Hypoglycémie, hypothermie ; Wolff-Parkinson-White, maladie de Barlow, dysautonomie ; En anesthésie : hyperventilation, modifications de la position du patient, ouverture de la cage thoracique. Dans ce cas, il faut corriger les altérations du segment ST par rapport à l'amplitude de l'onde R. En cas de bloc de branche, la repolarisation n'est pas interprétable dans la zone qui affiche un RR'. Les moniteurs disposent de programmes d’analyse automatique du segment ST qui permettent l’affichage à intervalles réguliers de la valeur du décalage éventuel. Ces systèmes réclament un réglage préalable, qu’il est judicieux de contrôler régulièrement en cours d’intervention. Le point isoélectrique est placé 40-80 msec avant le début du QRS. Le point de mesure du niveau électrique est estimé par l’appareil à partir du point J ou à partir de l’onde R (Figure 6.3). Comparé à un enregistrement Holter simultané, mais décodé en temps différé, l’analyse automatique du segment ST présente en moyenne une sensibilité et une spécificité de l’ordre de 75% dans la détection des épisodes d’ischémie peropératoire en chirurgie de revascularisation coronarienne [151] ; ces valeurs varient respectivement de 60% à 78% et de 69% à 89% selon les types de moniteurs utilisés. Figure 6.3 : Exemple de réglage manuel de l’analyse du segment ST sur un moniteur. On règle la barre du point isoélectrique au niveau de l’espace PQ 40-80 msec avant le QRS et celle du point J de manière à ce qu’elle coupe le tracé à l’intersection entre l’onde S et le segment ST. La barre traitillée du point ST est réglée à + 60 ou + 80 msec selon la fréquence cardiaque; elle se positionne à l’endroit où se fait le calcul du décalage électrique entre le segment ST et la ligne isoélectrique (ligne de base de l’ECG). Sur les moniteurs les plus récents, ces ajustements sont automatisés. Les risques de dérive électrique obligent à procéder régulièrement au contrôle de ces réglages en cours d’intervention. Immédiatement après des pontages aorto-coronariens (PAC), une surélévation ST peut être due à des embolies gazeuses peropératoires, à des embolies de débris athéromateux (thrombendarterectomie coronarienne) ou à un vasospasme. Dans le premier cas, elle disparaît spontanément en quelques minutes; dans le dernier, elle est une indication à un vasodilatateur approprié (diltiazem ou nifédipine selon la fréquence cardiaque). Comme il est placé antérieurement dans la racine de l’aorte, l’orifice de la coronaire droite draine naturellement l’air qui pourrait provenir d’une ouverture chirurgicale des Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 7 cavités gauches chez un patient en décubitus dorsal. Cela se traduit par des signes d’ischémie tronculaire dans ce territoire: surélévation du segment ST et onde de Pardee en DII. Le segment ST n’est pas le seul marqueur électrique des évènements ischémiques; la souffrance hypoxique du myocarde se traduit également par: Des modifications de l'onde T, qui devient pointue et symétrique (lésion sous-endocardique) ou s'inverse (lésion transmurale); Des diminutions d'amplitude de l'onde R; Des blocs de branche intermittents; Des arythmies ventriculaires. L’ECG Dans un système à 5 dérivations, DII et V5 détectent ensemble 80% des accidents ischémiques. La combinaison DII-V4-V5 a une sensibilité de 96% pour l’ischémie du VG. Les signaux de hautes et basses fréquences sont filtrés dans le mode monitoring (réponse de 0.2 à 40 Hz) et éliminés dans le mode filtre (réponse de 0.5 à 30 Hz). Le mode diagnostic ne filtre aucun signal (réponse de 0.05 à 130 Hz) ; il est mieux adapté à la surveillance du segment ST. La valeur du segment ST se mesure 60-80 msec après le point J (jonction entre l'onde S et le segment ST). Critères d’ischémie : - Sous-décalage horizontal ou descendant de plus de 1.0 mm (> 0.1 mV) ; - Sous-décalage ascendant lent de plus de 2 mm (> 0.2 mV) ; - Sus-décalage de plus de 1 mm (> 0.1 mV) . Plusieurs éléments interfèrent avec la lecture du segment ST : HVG, BBG, digitale, hypoglycémie, hypothermie, modifications de la position du cœur, ouverture de la cage thoracique. Analyse de variabilité de la fréquence cardiaque La variabilité physiologique de la fréquence cardiaque résulte des commandes autonomes de l'organisme sur le noeud du sinus ; elle est liée à la respiration, à l'équilibre entre le système sympathique et le système parasympathique, aux régulations hémodynamiques des barorécepteurs, à la thermorégulation et aux rythmes physiologiques lents. Elle présente une certaine structure répétitive que l’analyse fractale peut interpréter [137]. Il est possible qu'elle soit un marqueur de la stabilité et de la réserve hémodynamique du patient dans une situation de stress [142]. Elle disparaît dans un certains nombre de situations pathologiques : insuffisance cardiaque, ischémie, hypertension, arythmies chroniques, dysautonomie, prématurité, âge avancé, diabète, traitements pharmacologiques, mort cérébrale [189]. Une absence de variabilité dans la fréquence cardiaque est significativement associée au risque d'arythmies malignes et au syndrome de mort subite [309]. Les patients qui affichent une fixité du rythme cardiaque ont une incidence d'hypotension peropératoire plus élevée que la norme [68]. Dans un système fractal, les sous-unités ressemblent structurellement aux unités plus grandes (voir Figure 1.3) : la rythmicité d’un petit ensemble d’intervalles R-R ressemble à celle d’un ensemble de plus longue durée. La dégradation de cette complexité non-linéaire en un système où les intervalles sont liés au seul hasard est typique de la maladie cardio-vasculaire et de la vieillesse [137]. L’échelle de Poincarré, dans laquelle chaque intervalle est représenté en fonction de la valeur de celui qui le précède, ou l’entropie approximative, qui mesure la probabilité de ressemblance de deux ensembles de Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 8 mesures pris à des échelles de temps différentes, sont deux exemples d’évaluation fractale de la variabilité du rythme cardiaque. La prépondérance de variabilité rythmique liée au hasard par rapport à la variabilité de type fractal identifie les patients qui ont une moins bonne survie après pontage aorto-coronarien [136] ; elle est un prédicteur de complications cardiaques postopératoires [137] et de mortalité à 2 ans [74]. En quantifiant le degré de dysautonomie des patients, l'analyse de variabilité faite en préopératoire offre une possibilité de prédire le comportement hémodynamique comme une hypotension sévère à l’induction d’une anesthésie générale ou à l’installation d’une rachianesthésie [104]. Sous isoflurane, tout le spectre de variabilité disparaît et la fréquence cardiaque est uniforme. Toutefois, l'analyse de la variabilité de la fréquence cardiaque s'est révélée peu prédictive pour la prévision des arythmies graves et des morts subites sur fibrillation ventriculaire. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 9 Pression artérielle Un monitorage invasif de la pression artérielle est requis en chirurgie cardiaque pour trois raisons : Suivi en continu de l’éjection du VG et de l’hémodynamique systémique ; Dépulsation de la pression en CEC ; Echantillonnage sanguin : gazométries, glycémies, etc. Généralités techniques sur le monitorage intravasculaire Un système de monitorage de pression comprend un cathéter intravasculaire, une tubulure et un capteur (transducteur) qui convertit les variations d’énergie de pression en modifications de champ électrique par l’intermédiaire d’un diaphragme semi-conducteur (pont de Wheatstone). Le transducteur repose sur le principe de la variation de la résistance électrique d’un fil selon sa longueur : lorsqu’il s’allonge, sa résistance s’accroît. Dans les transducteurs modernes, le fil est remplacé par des cristaux de silicone dont la résistance électrique varie de 5 µV pour 1 mmHg de pression. Une lecture précise par le moniteur dépend de plusieurs facteurs techniques [250]. Une onde de pression est constituée d'une série complexe d'ondes oscillatoires qui sont des multiples (harmoniques) d'une fréquence de base (fréquence cardiaque, 1-2 Hz). On admet généralement que l'information essentielle concernant une courbe de pression est contenue dans les dix premières harmoniques qui entrent dans la configuration de cette courbe (2 à 20 Hz); elles représentent la fréquence d'entrée du système. La fréquence de réponse du transducteur : le transducteur transforme les oscillations de pression en oscillations électriques ; le rapport entre l’amplitude de sortie et l’amplitude d’entrée de ces oscillations est la fréquence de réponse. La fréquence à laquelle celle-ci est la plus élevée est la fréquence naturelle du transducteur. Les variations cycliques de la pression ont des composantes rapides (dicrotisme aortique, par exemple) ou lente (pression veineuse). Le système doit répondre adéquatement à ces variations ; ceci implique une plage de réponse allant de 0.5 à 20 Hz. La fréquence de résonance : toute substance résonne à un signal pulsé, et de ce fait l'amplifie ; cette fréquence est directement proportionnelle au diamètre du tube, et inversement proportionnelle à sa longueur, à sa compliance, et à la densité du fluide. Pour reproduire adéquatement une onde de pression sans distorsion, la fréquence de résonance et la fréquence naturelle du système doivent être sensiblement différentes de la fréquence d'entrée. Si elles sont trop voisines, la réponse est amplifiée ; dans ce cas, son amplitude excessive doit être amortie. Tout système est amorti par des frictions internes. La présence d’air ou de sang dans la tubulure amortit la transmission, de même qu’une trop grande souplesse ou une trop grande longueur de la tuyauterie. Le coefficient d’amortissement (ζ) représente la dissipation d'énergie du système : lorsqu’il est trop élevé (> 0.6), la courbe est amortie, la pression systolique lue est trop basse, la diastolique trop haute et seule la pression moyenne est fiable. Si le coefficient est trop bas (< 0.4), la courbe présente des oscillations excessives, la pression systolique est artificiellement surélevée et la diastolique abaissée ; ceci est d'autant plus marqué que la fréquence de base (fréquence cardiaque) est élevée. Le coefficient optimal se situe entre 0.4 et 0.6. L'adéquation du système peut s'évaluer par le test de l’onde carrée : un coup de rinçage (pression environ 300 mmHg) donne sur l’écran une image rectangulaire qui atteint le bord supérieur de l’écran. Lorsqu’on la relâche, la pression retourne à la ligne de base avec quelques oscillations ; celles-ci sont séparées entre elles par une distance qui reflète la fréquence de réponse ; leur amplitude est inversement proportionnelle au degré Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 10 d’amortissement (Figure 6.4). Un système trop amorti retourne directement à la ligne de base sans oscillations, alors qu'un système trop peu amorti a de nombreuses et amples oscillations secondaires. Cette dernière situation se rencontre fréquemment sur les lignes de voie centrale ou de pression pulmonaire et donne un aspect crénelé à la courbe ; on peut lisser celle-ci en injectant un minime volume d’air (0.1-0.3 mL) dans la tubulure. Le système ne mesure que des différences de pression entre l’extrémité du cathéter et le milieu ambiant, à savoir la pression atmosphérique que l’on considère comme référence zéro. Avant toute mesure, il faut donc que le moniteur soit équilibré à cette pression en ouvrant un robinet du système à l’air et en indiquant au moniteur qu’il s’agit de la valeur zéro. Alors qu’il est important que ce robinet soit bien au niveau du capteur, la hauteur du système lui-même est sans importance, vu le peu de différence dans la pression atmosphérique entre le plancher et le plafond d’une pièce. Le zéro peut dériver par modifications des propriétés électriques du transducteur, par exemple lorsque la température ambiante change ; il doit être régulièrement contrôlé au cours d'une intervention. Le niveau de référence du capteur est choisi en général sur la ligne médioaxillaire au quatrième espace intercostal sur un malade couché à plat. En position de Trendelenburg, le capteur fixé vers la tête du patient est plus bas que le niveau du coeur; la pression lue est alors artificiellement augmentée (une distance verticale de 10 cm correspond à 7.35 mmHg). Le perméabilité du cathéter est maintenue par un rinçage cristalloïde continu de 2-4 mL/heure sous pression (≥ 200 mmHg) et sans héparine. Tout tracé aberrant ou amorti et toute valeur inexplicable doivent faire rechercher une cause technique: tubulure ou cathéter coudé, air dans la tubulure, système partiellement dévissé à une connexion, robinet fermé, pression de rinçage effondrée, zéro inadéquat, niveau du capteur incorrect. Lors de vasoconstriction périphérique intense, la courbe transmise par un cathéter placé dans l’artère radiale, qui est une artère musculaire, est très amortie. Monitorage invasif de la pression L’amortissement du capteur et de la tubulure artériels diminue le tracé de la courbe sur le moniteur, alors que la résonance l’amplifie. La qualité du tracé dépend de : - Type d’artère canulée (radiale ou fémorale) ; - Amortissement (bulle d’air dans la tubulure, pression de rinçage insuffisante, coudure) ; - Résonance (tubulure rigide, échelle inadéquate) ; - Echelle de lecture ; - Taille de la courbe à l’écran. Le capteur mesure une différence entre la pression du vaisseau et la pression ambiante, considérée comme valeur zéro. Avant toute mesure, il faut donc que le moniteur soit équilibré à cette pression en ouvrant un robinet du système à l’air et en indiquant au moniteur qu’il s’agit de la valeur zéro. Le capteur est placé au niveau de la ligne médio-axillaire chez un malade à plat en décubitus dorsal. Si le capteur est abaissé, la pression lue augmente ; elle diminue s’il est surélevé. Une distance verticale de 10 cm correspond à une différence de pression de 7.35 mmHg. Possibilités d'accès artériels L’affichage en continu de la courbe de pression artérielle est capital en anesthésie cardiaque, et ce dès avant l’induction. Deux sites de ponction se partagent la préférence : l’artère radiale et l’artère fémorale. En cas de contrepulsion intra-aortique, une canule radiale renseigne sur le régime de pression dans le territoire contrepulsé en amont du ballon, dont dépendent les coronaires et le cerveau, Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 11 alors qu’une canule fémorale transmet la pression de perfusion des viscères abdominaux. Lors de chirurgie de l’aorte thoracique, le site de ponction artérielle dépend du lieu de canulation artérielle de CEC et du niveau de clampage de l’aorte (voir Chapitre 18 Anesthésie pour la crosse aortique, Monitorage, et Figure 18.27). Figure 6.4 : Evaluation de la résonnance et de l'amortissement d'une courbe de pression. A. Après un rinçage (courbe carrée), la pression retourne à la ligne de base avec des oscillations. Si D2/D1 = 0.5, le coefficient d'amortissement ζ est de 0.2, donc insuffisant (résonnance excessive). Si D2/D1 = 0.1, le coefficient d'amortissement ζ est > 0.6, donc excessif; il y a trop d'amortissement. Le coefficient optimal se situe entre 0.4 et 0.6. B: Sousamortissement. C: Suramortissement (damping). Rinçage B D1 D2 fn A C Artère radiale L’artère radiale est le site de ponction le plus utilisé parce qu’il est facile d’accès et parce que l’artère radiale n’est pas une artère terminale. De plus, il est aisé de maintenir le cathéter en place de manière stérile pendant une longue période en postopératoire sans gêner la mobilisation du patient. Par contre, la mesure peropératoire est tributaire du jeu de la vasoconstriction et de la vasodilatation liée à la CEC puisque la radiale est une artère musculaire : les valeurs mesurées sont en général plus élevées que celles de l’aorte avant la CEC et plus basses après celle-ci, particulièrement en cas d’hypothermie profonde (variations de 20-50%) (Figure 6.5) [92]. Artère fémorale Artère radiale 120 80 40 © Chassot 2012 Figure 6.5 : Après une CEC hypothermique, l'intense vasoconstriction périphérique peut induire une différence de valeur considérable entre les pressions lues dans l'artère fémorale ou dans l’artère radiale (chiffres en mmHg). Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 12 A leur origine, l’artère radiale est moins développée que l’artère cubitale, mais au niveau du poignet les deux vaisseaux sont équivalents. Ils alimentent les arcades palmaires superficielle et profonde, au niveau desquelles existent de nombreuses variations anatomiques ; dans 5-15% des cas, une des arcades est incomplète [31]. Bien que sa fiabilité soit douteuse pour prédire une ischémie distale, il est prudent de pratiquer un test d'Allen avant une ponction radiale [120]. Après compression de l’artère radiale et de l’artère cubitale, le malade fait le poing plusieurs fois jusqu’à ce que la peau se décolore ; on relâche alors la compression cubitale et le territoire radial doit se recolorer en 5-15 secondes. Si le patient est endormi ou non coopérant, on peut le réaliser au moyen d'un pulsoxymètre : au relâchement de la compression cubitale, la courbe de pléthysmographie doit se rétablir en moins de 10 secondes alors que la radiale est encore occluse (le gain de l'appareil doit être sur manuel). Si le test d’Allen est positif, il est préférable de choisir un autre site de canulation artérielle. Vu le peu de fiabilité de ce test, la visualisation de la radiale et de la cubitale par ultrasons 2D et par flux au Doppler couleur (voir Guidage par ultrasons) est une meilleure garantie de la fonctionnalité des deux vaisseaux. La perméabilité de l’arcade palmaire peut être affirmée par le maintien du flux dans l’artère dorsale du pouce lors de l’occlusion de la radiale [31]. D’une manière générale, il est judicieux de ponctionner le côté non-dominant. Le syndrome de Raynaud et la maladie de Buerger sont des contre-indications à la canulation radiale [266]. Chez les malades en hémodialyse, il est important d’épargner autant que possible les accès artériels des membres supérieurs pour les réserver aux fistules artério-veineuses. Le taux de complication global de la canulation radiale est de l’ordre de 5% des cas [243]. Spasme momentané autour du cathéter : il conduit à l’occlusion temporaire dans 20% des cas ; Embolisation périphérique due à des lésions intimales, thrombus, ou débris athéromateux ; l’incidence d’ischémie digitale permanente est de 0.09%, mais la nécrose tissulaire est exceptionnelle ; Infection locale (0.7%) ; Facteurs favorisants : état de choc, hypotension prolongée, vasoconstricteurs à haute dose. Outre l’ablation du cathéter, le traitement de la complication ischémique distale consiste en : Perfusion intra-artérielle de vasodilatateurs (phentolamine, xylocaïne, verapamil, molsidomine) ou de thrombolytique (urokinase) ; Perfusion d’héparine et de dextran de bas poids moléculaire ; Bloc sympathique (bloc stellaire ispilatéral) ; Exploration chirurgicale. Artère fémorale De ponction aisée même chez le patient choqué, l’artère fémorale est le site périphérique le plus proche de l'aorte, car l’extrémité du cathéter se trouve dans l’artère iliaque externe, qui est une artère élastique. La pression fémorale est voisine de celle de l’aorte thoracique, qui est la pression de perfusion du cerveau et des coronaires ; ceci n’est plus le cas lors d’athéromatose aortique sévère, de clampage de l’aorte, et de contre-pulsion intra-aortique (CPIA). Il existe normalement un léger gradient de pression (3-5 mmHg) entre la fémorale et la radiale en faveur de la première ; ce gradient tend à s’accentuer dans les états hémodynamiques perturbés, où il peut s’élever jusqu’à 50% (Figure 6.5). N’étant pas affectée en cas de vasoconstriction artérielle importante, la courbe de pression fémorale reste donc fiable avant, pendant et après la CEC, même en cas d’hypothermie profonde [216a]. La lecture du dP/dt de cette artère est une approximation fiable de celui du VG, pour autant qu’il n’y ait pas de pathologie sur la valve et l’axe aortiques [51]. De ce fait, c’est le site de préférence chez les patients hémodynamiquement instables, et le seul envisageable en cas d’état de choc (réanimation, déchocage, etc). Les risques de thrombose et d'infection sont négligeables si le cathéter reste en place moins de 3 jours, mais l'immobilisation et la propreté du site sont difficiles à assurer dans le postopératoire ; au-delà de 4 jours, le taux d’infection cutanée voisine 10% [10], alors que le taux d’infection de cathéter est le même qu’en position radiale [243]. Le taux de complication Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 13 thrombotique est si bas qu’il est inconnu. Lors de pontages veineux aorto-coronariens (PAC), il est préférable de ponctionner du côté opposé à la prise de saphène. En cas de canulation fémorale pour la CEC ou la CPIA, il est prudent de ponctionner du côté où l’artère est la moins bien palpable, de manière à laisser le meilleur vaisseau pour la canulation chirurgicale. Autres sites En cas d’impossibilité de ponction radiale ou fémorale, on peut avoir recours à d’autres solutions moins habituelles. Artère cubitale: moins aisée d'accès parce que plus profonde, elle est située entre les tendons du petit palmaire et des fléchisseurs profonds, à côté du nerf cubital, juste médiane par rapport à l'os pisiforme. Elle est le vaisseau nourricier principal de l'arcade palmaire dans 90% des cas, d'où son utilisation plus rare [186]. Avant sa ponction, il est prudent de procéder à un test d'Allen "inversé". Le taux de complications de cette ponction est identique à celui de l’artère radiale, à l’exception du risque de lésion du nerf cubital [31]. La ponction cubitale est formellement contre-indiquée en cas de syndrome de Raynaud ou de maladie de Buerger. Artère humérale : c’est le dernier recours si les axes fémoraux, radiaux et cubitaux sont inutilisables. Elle se ponctionne au niveau du sillon bicipito-tricipital à la face interne du coude, au-dessus de l'épicondyle ; les ultrasons sont une aide précieuse pour sa localisation. Il est préférable de canuler l'artère humérale gauche, car les risques d'embolisation carotidienne lors des rinçages sont moins importants qu'à droite. L'artère humérale ou l’artère axillaire ne sont utilisées qu'en dernier ressort, car elles sont considérées comme des artères terminales ; avec un entretien soigneux, elle sont cependant une technique sûre, qui permet une lecture reflétant adéquatement la pression aortique [92]. Aorte ascendante : il peut arriver que l’on perde la mesure artérielle en cours d’opération suite à un problème technique sur le cathéter, ou qu’une vasoconstriction intense atténue excessivement la mesure de pression radiale. Dans ces conditions, il est possible de ponctionner l’aorte ascendante dans le champ opératoire, ou de brancher le capteur de pression sur la canule de cardioplégie au moyen d’une rallonge stérile. Le choix entre les différents sites de ponction est motivé par plusieurs considérations : Possibilités techniques (athéromatose, accès, particularités anatomiques) ; Site de canulation artérielle de la CEC ; Status hémodynamique et degré d’urgence (déchocage, réanimation, choc cardiogène) ; Particularités de l’intervention (hypothermie profonde, chirurgie de l’aorte, CPIA, etc) ; Durée présumée du cathéter en postopératoire ; Préférence de l’anesthésiste. Technique de ponction La mise en place de la canule artérielle est effectuée avant l'induction de l'anesthésie, sauf chez les enfants. Quel que soit le type de cathéter utilisé, la ponction artérielle est réalisée dans les mêmes conditions de stérilité qu’une voie veineuse centrale : l’opérateur est masqué et ganté stérilement, le site de ponction est désinfecté (chlorhexidine alcoolique 2%) et champé, le matériel est à disposition sur un tissu stérile. Le confort du patient est assuré par l'infiltration locale de lidocaïne 1 % (sans adrénaline) et l'éventuel appoint d'une légère sédation (midazolam, 1-3 mg i.v.). L’artère radiale se ponctionne avec le poignet en extension, en repérant le vaisseau à la palpation avec la main libre. La progression du mandrin et/ou du cathéter est facilitée si l’axe de ponction est voisin de celui de l’artère ; une résistance à l’avancement ne doit jamais être forcée, sous peine de faire une Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 14 fausse route et une dissection pariétale. Chez les personne âgées, l’artère devient tortueuse et rigide ; la canulation peut devenir problématique. La ponction de l’artère fémorale est facilitée si la main qui palpe le vaisseau l’enserre entre l’index et le médius, comme si on voulait l’immobiliser ; on pique entre les deux doigts. Chez les personnes âgées et chez les polyvasculaires, l’artère fémorale est fréquemment athéromateuse et calcifiée. Il est relativement facile de la ponctionner à l’aiguille, même si la paroi est très dure, mais l’introduction du mandrin peut se révéler ardue car ce dernier doit se frayer un chemin au milieu des plaques. Il faut chercher l’orientation de l’aiguille qui permette au mandrin d’amorcer son trajet en modifiant l’angle d’entrée dans l’artère dans les trois directions de l’espace (l’axe de l’artère fémorale commune est dirigé vers le nombril) et en poussant doucement sans jamais forcer. Le mandrin doit monter sans résistance. Il est important d’être à l’aise avec la ponction fémorale, car c’est la seule utilisable en cas de réanimation : sa position anatomique étant très stable, on peut la ponctionner sans même palper de pulsations. Le repérage artériel par ultrasons est précieux en cas d’anomalie anatomique, de suspicion de thrombose vasculaire, d’essais préalables infructueux, d’hypotension sévère ou de flux artériel dépulsé (assistance ventriculaire non-pulsatile). Le taux de succès, qui est de 35-50% par la palpation, s’élève à 60-85% avec l’aide des ultrasons [287a]. Cette technique n’est cependant pas recommandée de routine, mais plutôt comme appoint dans les cas difficiles (voir Guidage par ultrasons). Complications Le taux de complications des cathéters artériels radiaux et fémoraux est si bas que les chiffres sont rares dans la littérature médicale. L’étude la plus ancienne dans ce domaine ne mentionne aucune complication ischémique de la main après canulation radiale chez 1’699 patients [266]. Cependant, l’ischémie digitale contraignant à une amputation est estimée à 0.09% des canulations radiales dans une revue plus récente [243]. L’artère fémorale est considérée comme une voie tout aussi sûre que la radiale [28]. Le taux d’infection des sites de canulation artérielle est inférieur à 1% sur 4’932 patients de soins intensifs, mais il s’agit dans ce cas de canulations prolongées [77]. Dans une revue actuelle, l’incidence d’infection est de 0.01% par cathéters et par jours ; le risque est doublé en position fémorale (RR 1.93) [196a]. Le risque d’infection est lié aux pathologies infectieuses du malade et à la durée de la canulation, mais non à la ponction elle-même. Bien qu’aucun geste ne soit totalement dénué de risque, la canulation artérielle peut être considérée comme sûre dans la mesure où l’incidence de complication estimable au bloc opératoire est inférieure à 1 :10'000 (0.01%). Canulation artérielle En chirurgie cardiaque, le cathéter artériel est mis en place de manière stérile avant l’induction de l’anesthésie, sauf chez les enfants. Le choix du site de ponction dépend des possibilités techniques, du type de chirurgie, de la canulation pour la CEC et du statut hémodynamique. - Artère radiale : accès aisé et propre, mais courbe et valeurs de pression tributaires de la vasoconstriction (artère musculaire) ; - Artère fémorale : accès aisé mais maintien plus difficile à long terme ; la meilleure fiabilité de la courbe et des valeurs de pression (artère élastique) et la plus voisine de celles de l’aorte ; seule canulation possible en cas d’état de choc ; - Autres artères : cubitale, humérale, axillaire (choix de substitution en cas d’échecs répétés). L’incidence de complication de la ponction artérielle au bloc opératoire est voisine de 0.01%. Le taux d’infection en soins intensifs > 3 jours est de l’ordre de 1% (doublé en position fémorale). Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 15 Analyse de la courbe artérielle La courbe de pression et les valeurs mesurées ne sont pas identiques selon le site de ponction: la pression systolique peut être 20 à 30 mm Hg plus élevée dans l'artère radiale qu'à la racine de l'aorte, même en l'absence de toute artériopathie (Figure 6.6A). Cette observation tient à plusieurs phénomènes. Etant normalement très élastiques, l’aorte est ses principales branches se dilatent en systole et restituent l’énergie emmagasinée pendant diastole. Cela a pour effet de diminuer la pression systolique (PAs) et d’augmenter la pression diastolique (PAd). Ce phénomène de tamponnement disparaît lorsque les vaisseaux se sclérosent et se calcifient : la pression systolique de la personne âgée s’élève parce que ses vaisseaux sont rigides, mais sa diastolique baisse parce qu’il n’y a plus de restitution de pression en diastole. La mise sous tension du volume sanguin pendant la contraction ventriculaire provoque une onde de pression qui va cheminer dans l’arbre vasculaire et y progresser plus rapidement que le volume éjecté (voir Figure 5.58). Cette onde de pression avance à 4 m/s chez le jeune, mais jusqu’à 10 m/s chez le vieillard dont l’arbre vasculaire calcifié transmet mieux les pressions [152]. Le volume sanguin est éjecté par le VG avec une vélocité de 1-1.5 m/s seulement. L’onde de pression se réfléchit en périphérie lorsque les artères se divisent en artérioles et que les résistances augmentent soudainement. Cette réflexion va renvoyer l’onde de pression en direction du cœur, où elle parvient normalement en protodiastole. Ce retour peut être plus rapide en cas de vasoconstriction et de rigidité de l’arbre vasculaire : l’onde de pression réfléchie vient alors se superposer à la pression systolique engendrée par le volume sanguin éjecté du ventricule ; la PAs mesurée est artificiellement augmentée. Sur le moniteur, la PAs apparaît bifide (Figure 6.6B). La courbe de pression artérielle est différente selon l’endroit de l’arbre vasculaire où elle analysée. Cela tient à la complexité des embranchements vasculaires, au rétrécissement progressif des vaisseaux, au remplacement du tissu élastique par des fibres musculaires circulaires (baisse de compliance), et à la superposition de l'onde de pression avec celle du flux sanguin. Au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la racine de l’aorte, la pulsation due au flux est retardée, mais l’onde de réflexion est rapprochée; leur modalité de superposition modifie le pic de pression enregistré par un capteur positionné à différents endroits de l’arbre vasculaire (voir Figure 5.60) [188]. La PAs est donc plus basse dans la racine aortique que dans l’artère fémorale, et plus basse dans cette dernière (artère élastique) que dans la radiale (artère musculaire). C’est l’inverse pour la pression diastolique : PAd aorte > fémorale > radiale (Figure 6.6A). Ce phénomène est accentué lorsque les RAS augmentent. Alors que la PAs et la PAd se modifient le long de l’arbre vasculaire, la pression artérielle moyenne (PAM = (PAs – PAd)/3 + PAd ) reste pratiquement identique de la racine de l’aorte jusqu’aux artérioles périphériques. Elle est la meilleure approximation de la pression de perfusion coronarienne. Courbe artérielle (I) L’élasticité des grandes artères tamponne les variations de pression dues à l’éjection ventriculaire. Lorsque les artères deviennent rigides, ce tamponnement disparaît : la PAsyst augmente et la PAdiast diminue (augmentation de la PA différentielle). Normalement, l’onde réfléchie revient à la racine de l’aorte en protodiastole ; dans les artères rigides, sa progression est plus rapide et elle se superpose au pic de PAsyst (aspect bifide de la courbe). Plus on s’éloigne de l’aorte, plus la PAsyst mesurée augmente (aorte < fémorale < radiale) et plus la PAdiast diminue (aorte > fémorale > radiale). Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 16 Figure 6.6 : A. Image d’une courbe artérielle dans l’aorte ascendante et dans l’artère fémorale ou radiale. La pression systolique enregistrée dans la radiale est plus élevée, mais la diastolique est plus basse ; la pression différentielle est agrandie. La pression moyenne est pratiquement identique dans les trois vaisseaux B. Comparaison d’une artère normale et d’une artère rigidifiée par une athéromatose diffuse. Le retour de l’onde de pression (onde réfléchie, flèche violette) survient plus tôt dans le deuxième cas et donne un crochetage sur le pic systolique. Bien qu’enregistré comme la pression systolique par le moniteur, cet effet ne correspond pas à une pression de perfusion réelle mais à un simple pic de pression. C: Comparaison de la pression dans l’aorte et dans l’artère fémorale en cas de choc hypovolémique. L’onde réfléchie est importante à cause de la vasoconstriction périphérique, mais elle progresse plus lentement à cause de l’hypotension (parois vasculaires molles) ; elle est donc très marquée mais décalée dans le temps (courbe bifide). A Aorte ascendante Artère radiale Artère fémorale C B Choc: aorte Artère normale © Chassot 2012 Artère rigide Choc: artère fémorale Image analogique La forme de la courbe artérielle est très instructive, pour autant que certaines conditions soient remplies : Amplification adéquate de la courbe sur l’écran du moniteur ; Coefficient d’atténuation du système de mesure adapté à la valeur de la pression ; Absence d’artéfact du au mauvais rinçage de l’artère, à une coudure du cathéter ou à une étanchéité défectueuse du système ; tout amortissement ou image anormale de la courbe doivent commander immédiatement un rinçage manuel à la seringue ; Absence d’obstacle entre le ventricule gauche et le point de mesure (sténose valvulaire aortique, rétrécissement athéromateux de l’aorte thoraco-abdominale). Un arbre artériel rigide se caractérise par un double pic systolique, typique du patient âgé dont les vaisseaux sont calcifiés ; dans ce cas, le moniteur affiche comme valeur systolique la pression maximale, mais cette dernière correspond à l’onde de pression, non au flux sanguin (Figure 6.6B). Elle ne traduit donc pas une pression de perfusion réelle pour les organes. Dans un état de choc, la vasoconstriction augmente la réflexion de l’onde de pression, mais l’hypotension en diminue la vélocité [198] ; la courbe artérielle apparaît alors bifide, avec un pic systolique et un pic diastolique bien différenciés et de valeurs proches (Figure 6.6C). C’est une image que l’on constate fréquemment chez les patients en choc hypovolémique. La forme de la courbe artérielle offre une série de renseignements hémodynamiques qui ont autant d’importance que les valeurs numériques (Figure 6.7 et Figure 6.8). Fonction systolique du VG : en l'absence de pathologie valvulaire ou sous-valvulaire aortique, la dérivée première de la courbe pression-temps (dP/dt), ou pente d'ascension de la pression systolique, donne une appréciation de la fonction systolique du VG. Cette pente est d’autant plus faible que la fonction ventriculaire est déficiente. L’évolution du dP/dt de l’artère fémorale chez un même patient présente une excellente corrélation avec celle du dP/dt de son Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 17 VG (r = 0.93) si les RAS restent stables dans des limites normales [51]. La contraction isovolumétrique impose un délai de 120-200 msec entre l’onde R de l’ECG et le début de l’ascension de pression dans une artère périphérique. A B 1 Amplitude Pression pulsée (~ rigidité) dP/dt 2 3 PAM Artère normale Surface sous la courbe (~ Vol systol ) Artère rigide Pente téléyst & dicrotisme (~ RAS) © Chassot 2012 Figure 6.7 : Aspect analogique de la courbe artérielle. A : Courbe normale. La pente ascensionnelle est fonction du dP/dt intraventriculaire (pour autant qu’il n’y ait pas de pathologie valvulaire aortique et que les RAS soient normales). La surgace sous la courbe systolique est proportionnelle au volume systolique, la pente télésystolique et le niveau du dicrotisme sont fonction des résistances artérielles périphériques (RAS), l’amplitude est fonction de la rigidité des parois mais aussi de la volémie, de la compliance aortique et des RAS. La pression artérielle moyenne (PAM) est calculée selon la formule : PAM = (PAsyst + 2 PAdiast) / 3. B : Comparaison d’une courbe artérielle normale (en rouge) et de la courbe d’un patient souffrant d’athéromatose (en bleu), dont l’aorte est devenue rigide. 1 : augmentation de la pression systolique due à la superposition de l’onde réfléchie. 2 : augmentation de la postcharge du VG. 3 : diminution de la pression de perfusion coronarienne en diastole. A B © Chassot 2012 Figure 6.8 : Courbes de pression artérielle avant (A) et après (B) l’induction chez un patient de 80 ans dont les vaisseaux artériels sont athéromateux et rigides. L’induction de l’anesthésie a provoqué une baisse des résistances artérielles périphériques ; cette vasodilatation a diminué considérablement l’intensité de l’onde réfléchie (flèche violette), mais non sa synchronisation parce que la pression artérielle différentielle (flèches blanches) liée au flux sanguin (premier pic systolique) n’a pas changé. Le moniteur de pression affiche la valeur maximale de la pression comme valeur systolique ; on note donc une chute importante de la PAsyst, alors que la pression due à l’éjection du volume systolique dans les artères ne s’est presque pas modifiée. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 18 Résistances : la position de l'onde dicrote de fermeture valvulaire aortique et la pente de la pression diastolique permettent d'apprécier visuellement la compliance du système vasculaire; des résistance élevées (compliance faible) se traduisent par une élévation du dicrotisme, alors qu’une vasoplégie est caractérisée par une abaissement du dicrotisme et une descente abrupte de la pression diastolique. A noter que le dicrotisme n’est réellement synchrone de la fermeture de la valve aortique que lorsque la pression est mesurée dans l’aorte (voir Analyse du contour de la courbe artérielle). Volume systolique : la surface située sous la courbe d'éjection systolique est proportionnelle au volume d'éjection ventriculaire gauche, en l’absence de variation importante dans les résistances périphériques. En hypovolémie, l’onde est rétrécie et pointue, sa surface est diminuée. Variations respiratoires : en ventilation mécanique (volume courant 8-12 mL/kg), les variations du remplissage gauche liées aux modifications cycliques de la pression intrathoracique font osciller la PAs proportionnellement au degré d’hypovolémie (voir cidessous Monitorage de la volémie). Les variations de la pression systolique avec le cycle ventilatoire du respirateur sont d’autant plus importantes que la volémie du patient est basse. Le moniteur de pression affiche la valeur maximale de la pression comme valeur systolique ; chez les personnes dont les vaisseaux sont calcifiés et rigides, le pic de pression est représenté par la pression de l’onde réfléchie superposée à celle du flux systolique. La vasodilatation due à l’anesthésie diminue considérablement l’intensité de l’onde réfléchie alors que la pression artérielle différentielle liée au flux sanguin (pic systolique inférieur) ne se modifie pas. Dans ce cas, la chute de la PAsyst à l’induction ne représente pas une baisse de pression de perfusion, car la pression due à l’éjection du volume systolique dans les artères ne se modifie presque pas (Figure 6.8). Ces éléments ne peuvent apparaître que si le tracé est correctement amplifié à l’écran (courbe de dimension suffisante) et ne subit aucun amortissement lié à un rinçage défectueux ou à un reflux de sang dans le système (prélèvements, défaut d’étanchéité des connexions, etc). Mesures non-invasives en continu (Finapres™, CNAP™, T-Line Tensymeter ™) Plusieurs appareils de photo-pléthysmographie actuellement sur le marché permettent une mesure continue de la pression artérielle de manière non-invasive, tels le Finapres™ ou le CNAP™. Une mini-manchette pléthysmographique adaptée au doigt, munie d’un émetteur infrarouge pour mesurer en continu le diamètre de l’artère digitale, varie sa pression pour maintenir la dimension de l’artère constante à sa valeur télédiastolique (volume minimal) (voir Figure 6.33A). La pression enregistrée est alors équivalente à la pression artérielle systémique. Une manchette à pression brachiale permet d’étalonner les valeurs lues au doigt. Le système n’est pas fonctionnel chez 5-15% des patients [241b]. Le Infinity CNAP™ SmartPod est similaire au Finapres™, mais il possède de nombreuses boucles de rétrocontrôle. Ces systèmes fournissent en temps réel une valeur de PAM corrélée à celle mesurée par un cathéter artériel avec une marge d’erreur de 30-40% [241a]. Ces systèmes perdent toute précision lorsque la circulation périphérique est compromise (bas débit cardiaque), lors d’œdème, lors d’hypothermie ou lors d’utilisation de vasoconstricteurs artériels. En comprimant l’artère radiale contre l’os sous-jacent (applanométrie tonométrique), il est facile de mesurer en continu la pression qui règne dans ce vaisseau. Le système T-Line Tensymeter™ consiste en un bracelet avec des senseurs pour enregistrer les dimensions de l’artère et positionner optimalement le capteur à l’endroit de pulsatilité maximale ; une calibration externe n’est pas nécessaire. L’appareil mesure la PAM de manière fiable (marge d’erreur 23%) et dérive les pressions systolique et diastolique à partir d’algorithmes incluant les données physiques du patient [241b]. Même s’ils sont peu performants lorsque les conditions hémodynamiques sont sévèrement perturbées, ces systèmes permettent de suivre en continu les variations de la PAsyst et de la PAdiff (pression pulsée), notamment leurs oscillations respiratoires sous IPPV lors d’hypovolémie. Ils sont Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 19 particulièrement bienvenus pour la gestion dirigée de l’administration liquidienne (voir Monitorage de la volémie). Courbe artérielle (II) La forme analogique de la courbe artérielle apporte autant de renseignements cliniques que les valeurs numériques de la pression. Pour l’interpréter correctement, la courbe de pression doit être de taille suffisante sur l’écran du moniteur (régler l’échelle et l’amplification). - Pente ascentionnelle : proportionnelle au dP/dt du VG (si RAS et valve aortique normales) ; - Pente de décroissance faible et position haute du dicrotisme : RAS élevées ; en cas de vasoplégie : pente abrupte et dicrotisme bas positionné ; - Surface sous la courbe systolique : proportionnelle au volume systolique ; - Double pic systolique : onde réfléchie ; - Variations respiratoires : inversément proportionnelles au remplissage. En ventilation mécanique, les variations du remplissage gauche liées aux modifications cycliques de la pression intrathoracique font osciller la PAsyst proportionnellement au degré d’hypovolémie. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 20 Voie veineuse centrale Sites de ponction En chirurgie cardiaque, le choix du site de ponction est lié à six contingences particulières: Site de canulation chirurgicale (CEC, endoprothèses) ; Possibilité de pouvoir flotter un cathéter pulmonaire de Swan-Ganz ; Risques techniques : hémorragie, ponction artérielle, pneumothorax, anticoagulation ; Accès peropératoire aisé ; Technique de préférence de l’anesthésiste ; Possibilité de maintien à long terme. De nombreux sites d'accès sont possibles, chacun ayant ses avantages et ses défauts. Une bonne connaissance de l’anatomie est évidemment essentielle à la réussite de la ponction veineuse centrale (Figure 6.9). D'une manière générale, les chances de placement en veine cave supérieure (VCS) sont par ordre décroissant : jugulaire interne droite, sous-clavière gauche, sous-clavière droite, jugulaire interne gauche, basilique, jugulaire externe [235a,287a]. Jugulaire interne droite A Pomme d’Adam (cartilage thyroïde) Gande thyroïde Carotide commune droite B Jugulaire interne G Jugulaire externe D Jugulaire externe G Veine innominée Tronc brachiocépalique Veine s-clavière D Art s-clavière G Veine azygos Artère carotide G Veine cave supérieure Aorte ascendante © Chassot 2012 Figure 6.9 : Illustration anatomique des vaisseaux du cou démontrant les relations entre la veine jugulaire interne et la carotide commune. A : point de ponction de la technique de Boulanger. B : point de ponction de la technique du sommet du triangle inter-sterno-cléïdo-mastoïdien ; à cet endroit, la jugulaire et la carotide s’éloignent l’une de l’autre. On voit aussi que le trajet jusqu’à la VCS est assez rectiligne depuis les jugulaires internes et depuis la sous-clavière gauche ; depuis la sous-clavière droite, par contre, il faut franchir un angle presque droit. Une rotation excessive de la tête du patient vers la gauche augmente le recouvrement de la carotide par la jugulaire interne au niveau du point de ponction A ; le risque de ponction artérielle accidentelle augmente. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 21 Jugulaire interne droite : solution largement préférable à toutes les autres, elle offre le meilleur taux de placement car elle est quasiment alignée avec la VCS; elle est accessible en peropératoire et permet le passage d'un cathéter pulmonaire Swan-Ganz. Parmi les 17 techniques de ponction relevées dans la littérature, les voies habituellement recommandées en chirurgie cardiaque sont celle de Boulanger (Figure 6.10A) et celle du sommet du triangle inter-sterno-cléido-mastoïdien (Figure 6.10B) [26]. Cette préférence pour des voies antérieures et basses qui s'éloignent de la carotide mais se rapprochent du dôme pleural se justifie parce que le risque de ponctionner une carotide avant l'anticoagulation de la CEC est plus grave que celui d’occasionner un pneumothorax avant d'ouvrir le sternum. La voie postérieure, qui diminue le risque de pneumothorax mais augmente celui de ponction carotidienne, n'est pas le choix recommandé en chirurgie cardio-thoracique. La sténose carotidienne symptomatique instable du même côté est une contre-indication à la voie jugulaire. Le repérage par ultrasons améliore le taux de succès et diminue celui des complications. Si l’on n’en dispose pas, il est prudent de repérer le vaisseau avec une aiguille fine (22G) avant la canulation. Figure 6.10A : Ponction de la veine jugulaire interne: voie antérieure haute dite de Boulanger [26]. Technique: - Cou en légère extension, tête un peu tournée en direction du côté opposé (< 45°), bras ipsilatéral le long du corps; - Palpation de la carotide au niveau du cartilage thyroïde (pomme d’Adam = C4); - La main gauche palpe la carotide sans appuyer; - Ponction à l'extérieur de la carotide, parallèle à cette dernière, avec 30° d'angle par rapport au plan frontal, en direction du mamelon; la direction de ponction éloigne l'aiguille de la carotide. La ponction est située sur le bord interne du sterno-cléidomastoïdien, jamais à travers le muscle. © Chassot 2012 Jugulaire interne gauche : le trajet étant moins direct, le taux de placement en veine cave supérieure est moins bon. La proximité du canal thoracique présente un risque supplémentaire ; il faut impérativement éviter la voie postérieure pour éviter de léser ce dernier. Pour les droitiers, la ponction veineuse et la palpation simultanée de la carotide sont malaisées ; il est préférable de palper les repères de la main droite et ponctionner avec la gauche. La voie par le sommet du triangle (voie antérieure basse) est plus facile parce qu’elle ne nécessite pas la palpation simultanée de la carotide. Ici aussi, le repérage préalable à l’aiguille fine ou la ponction sous contrôle ultrasonographique sont vivement conseillés. Sous-clavière gauche (Figure 6.11) : excellente solution pour la stabilité et le confort à long terme. Le pneumothorax ou l'hémothorax ne sont pas particulièrement dangereux en anesthésie cardiaque, car ils peuvent être drainés lors de la sternotomie. Par contre, l'ouverture et l'écartement du sternum occasionnent souvent une coudure du cathéter dans cette position ; il devient alors impossible de mobiliser ou d'introduire un cathéter de Swan-Ganz, voire même d'y effectuer des mesures hémodynamiques tant que l'écarteur est en place. Une ponction malencontreuse de l’artère sous-clavière gauche peut compromettre l’utilisation de la mammaire interne pour un pontage coronarien. Sous-clavière droite : mêmes remarques que ci-dessus, mais avec un taux de placement en OD moins bon vu l'angle plus aigu entre ce vaisseau et la VCS. L’artère mammaire droite étant Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 22 peu utilisée pour les pontages coronariens, le risque d’une ponction artérielle est moindre. Cette voie est impossible en cas de canulation sous-clavière pour la CEC. © Chassot 2012 Figure 6.10B : Ponction de la veine jugulaire interne: voie antérieure basse dite du sommet du triangle. Technique: - Cou en légère extension, tête un peu tournée du côté opposé (< 45°), bras ipsilatéral le long du corps; - Palpation du sommet du triangle formé par les deux chefs du sterno-cléïdo-mastoïdien et la clavicule; on repère d'abord le creux sus-sternal, puis le chef sternal du sterno-cléïdo-mastoïdien; le triangle se trouve immédiatement à l'extérieur de ce dernier; il est facile de confondre ce triangle avec l'espace qui se trouve entre le chef claviculaire du sterno-cléïdo-mastoïdien et le scalène antérieur; - La carotide, qu'il n'est pas besoin de palper, suit le bord interne de ce triangle, alors que la jugulaire en suit le bord externe; - Ponction en direction du mamelon ispsilatéral, avec 45° d'angle par rapport au plan frontal; - La jugulaire interne est plus profonde qu'en position de Boulanger; - Une ponction trop profonde peut atteindre l'artère sous-clavière et/ou le dôme pleural. Veines basiliques : le taux de placement est plus faible qu'avec les choix précédents, et les possibilités de passer un cathéter pulmonaire sont mauvaises. Le seul avantage tient à l'innocuité de la ponction et à l'absence de risque hémorragique chez les patients dont la coagulation est anormale. Le site de ponction est inaccessible en peropératoire lorsque le patient a les bras le long du corps. Cette voie ne peut guère être laissée en place plus de trois jours. Elle n'est pas adéquate pour la chirurgie cardiaque. Jugulaires externes : vu la difficulté importante à descendre en VCS, notamment à cause d’une valvule à la jonction avec la veine sous-clavière, et l’impossibilité d’y coulisser un cathéter pulmonaire, elles ne sont pas recommandées comme site de ponction pour voie centrale. En revanche, elles sont une voie pratique pour placer un cathéter court de gros calibre et de bon accès (14G), avec l'avantage d'une absence de risque hémorragique en cas d'anticoagulation. Veine fémorale : solution de secours en cas de réanimation ou de rechange éventuel en cas de difficulté. La veine fémorale se trouve du côté interne de l’artère ; en palpant cette dernière, on pique 1 cm en dessous du ligament inguinal et 1 cm côté médian avec un angle de 45° en visant le nombril ; la veine est à 2-4 cm de profondeur. Son accès peropératoire est impossible, sauf en neurochirurgie. Les risques thrombogènes et infectieux (environ 20%) de cette voie sont excessifs pour justifier son utilisation courante. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 23 © Chassot 2012 Figure 6.11 : Ponction de la veine sous-clavière. Technique: - Une alèze est placée sous la colonne au niveau scapulaire de manière à faire tomber le moignon de l'épaule; la tête est tournée du côté opposé; le bras ipsilatéral est tiré le long du corps [129] ; - Le pouce de la main gauche déprime le moignon de l'épaule et la peau au point de ponction, l’index tient lieu de repère dans le creux sus-sternal (notch). - Ponction à la jonction du tiers moyen et du tiers distal de la clavicule, au niveau de la tubérosité du deltoïde, à son bord inférieur ; introduction de l'aiguille sous la clavicule; - Direction de ponction horizontale vers le creux sus-sternal, dans le plan frontal ; plus la direction est céphalique et postérieure, plus le risque est grand de ponctionner l’artère sous-clavière. La direction de l’aiguille indiquée sur l’image est celle nécessaire à passer sous la clavicule ; l’aiguille prend une direction horizontale dès qu’elle s’est introduite entre la clavicule et la première côte. Voie veineuse centrale : sites de ponction En chirurgie cardiaque, le site de ponction de la voie centrale doit rendre cette dernière accessible en peropératoire, permettre l’installation d’un cathéter pulmonaire de Swan-Ganz et ne pas interférer avec la canulation de CEC. Les sites sont par ordre de préférence : - Veine jugulaire interne droite ; - Veine sous-clavière ; - Veine jugulaire interne gauche ; - Les veines jugulaires externes et basiliques ne sont que des solutions de dépannage. Techniques de ponction A l’exception des réanimations, la pose de voie centrale doit avoir lieu dans un endroit permettant une technique aseptique, avec l’assistance d’une deuxième personne, et en respectant le protocole de l’institution [235a]. Le site de ponction est choisi en fonction de sa propreté (cou, thorax) et de son éloignement de zones potentiellement infectées (trachéotomie, plaie opératoire, région pubienne). Une prophylaxie antibiotique n’est justifiée qu’au cas par cas chez les malades immunodéficients. Les cathéters imprégnés d’antibiotique sont réservés à des patients sélectionnés sur la base du status infectieux, des risques et du coût [235a]. Le succès d’une ponction centrale est assuré pour moitié par l’installation (Figure 6.12). Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 24 La position de Trendelenburg favorise le remplissage des vaisseaux veineux du cou, mais modifie moins celui des sous-clavières qui sont partiellement fixées aux tissus voisins ; par contre, elle y diminue le risque d’embolie gazeuse chez les patients en respiration spontanée. Le bras ipsilatéral placé le long du corps rend plus aisée la ponction des jugulaires et des sousclavières ; un coussin traversier sous les épaules dégage le cou. La ponction sous-clavière est facilitée par une chute du moignon de l’épaule, que l’on obtient en disposant un coussin entre les omoplates et en tirant l’épaule vers le bas [129]. Comme la jugulaire interne est placée sur la face antéro-latérale de la carotide, il faut éviter une rotation excessive de la tête par rapport au plan frontal, qui accentuerait le degré de croisement des deux vaisseaux [274] ; la rotation de la tête vers l’autre côté ne sert qu’à effacer l’angle mandibulaire qui gène la visée dans l’axe de la jugulaire. Le degré de superposition des deux vaisseaux augmente également avec la surface corporelle et l’obésité. Chez les femmes obèses, la graisse du sein bombe dans la partie supérieure du tronc en Trendelenburg ; une traction du sein vers le bas au moyen d'un sparadrap dégage la région sous-clavière et la base du cou. Figure 6.12 : Installation pour la ponction veineuse centrale. La table d’opération est en position de Trendelenburg, un coussin est placé sous les épaules de manière à mettre le cou en légère extension, la tête est un peu tournée vers la gauche, les yeux sont protégés des éclaboussures de désinfection par le bonnet, le bras droit est placé le long du corps ; un sparadrap tire le sein droit vers le bas de manière à effacer le bourrelet graisseux sous-clavier et à dégager la base du cou. Cette façon de procéder dégage au mieux l’accès à la jugulaire interne et à la sous-clavière. Toute canulation centrale s'effectue avec une stérilité chirurgicale en respectant les directives de l’institution (Tableau 6.1) [235a]. Le site est préparé, rasé et largement désinfecté (chlorhexidine alcoolique 2% ; en cas de contre-indication : préparation iodée de type Destrobac™) ; les yeux sont protégés contre d'éventuelles gouttelettes de désinfection. Il est prudent de désinfecter d’emblée deux sites de ponction possibles (en général jugulaire et sous-clavière). L’anesthésiste n’enfile une blouse stérile qu’après la désinfection, pour procéder au champage ; les champs sont disposés en commençant par celui situé contre soi (champ d’approche). Si le patient n'est pas endormi, l'anesthésie locale est réalisée en premier lieu avec 2 - 3 ml de lidocaïne 1% sans adrénaline ; le cathéter et le matériel de suture sont préparés pendant le temps d'attente requis par l'installation de l'anesthésie topique. Alors que le cathéter lui-même doit être tenu à l'écart des manipulations, le mandrin doit être à portée de main sur les champs au moment de la ponction ; il y est placé de manière à ce que son extrémité en "J" soit orientée dans la direction de la courbe qu'il doit suivre dans le vaisseau [287]. Aiguille de ponction et aiguille de repérage (22G) sont posées à portée de main et déjà munies de seringues. Lorsqu’on n’utilise pas d’ultrasons, un repérage à l’aiguille 22G permet d’explorer la région pour localiser la veine jugulaire interne ; cette aiguille est assez fine pour ne présenter aucun risque en cas de ponction artérielle. Il est important de ne pas mettre de liquide dans la seringue montée sur l’aiguille de repérage ; en effet, la résistance au flux d’une aiguille fine amortit les pulsations artérielles et peut laisser croire à une pression veineuse ; seule la couleur du sang renseigne sur la nature du vaisseau ponctionné. Or la saturation veineuse d’un patient endormi, curarisé et ventilé à 50- Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 25 80% d’oxygène est élevée ; sa couleur est d’un rouge assez vif pour être confondue avec celle du sang artériel lorsqu’il se dilue dans un liquide cristalloïde. Tableau 6.1 Exemple de recommandation pour la pose de voie veineuse centrale (CHUV, Lausanne) Premier temps Lavage des mains, port de masque et bonnet ; enlever montre, bagues et bracelets. Préparation du plateau contenant : champ stérile percé, set de désinfection, porte-aiguille, pincettes, ciseaux, fil Mersilène™ 3-0 serti, bistouri lame 11, 2 seringues 5 ml, 1 aiguille 22G, aiguille de ponction, dilatateur, mandrin, cathéter et système de fixation. Installation : position de Trendelenburg, bras ipsilatéral le long du corps, tête légèrement en extension et tournée du côté opposé, épaule tombante pour la sous-clavière (rouleau médian entre les omoplates). Dégagement large de la zone de ponction ; rasage si nécessaire ; prévoir deux sites de ponction (jugulaire et sous-clavière). Deuxième temps Lavage des mains au Sterilium®, port de gants stériles. Désinfectant : Chlorhexidine alcoolique colorée 2%, solution acqueuse chez les prématurés et nouveau-nés. Alternative : produit iodé. Si le site de ponction et le site opéraoire se chevauchent, utiliser le même désinfectant. Prise de NaCl 0.9% dans un godet et de xylocaïne si anesthésie locale. Désinfection large de la peau en cercles s’éloignant des sites de ponction ; trois passages sont nécessaires. Temps de séchage pour permettre l’action du désinfectant : minimum 2 minutes. Désinfection systématique de deux sites de ponction différents. Sites de préférence : jugulaire interne droite en peropératoire (ponctions hautes recommandées), sous-clavière si cathéter en place à long terme ; probabilité de bon positionnement par ordre décroissant : jugulaire interne droite, sous-clavière gauche, sousclavière droite, jugulaire interne gauche, jugulaires externes. Troisième temps Changement de gants stériles. Port d’une blouse stérile. Champage chirurgical, en commençant par le champ placé contre soi. Placer le champ de manière à recouvrir la zone désinfectée et ne dégager que la zone de ponction ; combler le « trou » qui se forme à l’angle entre le cou et l’épaule. Procéder à l’anesthésie locale s’il y lieu. Préparer sur le champ thoracique le mandrin et l’aiguille de ponction déjà montée sur une seringue (5 mL) ; si elle est utilisée, l’aiguille de repérage est aussi montée sur une seringue (2 mL). S’il y a lieu, préparer la sonde d’ultrason dans sa housse stérile, avec gel stérile à l’intérieur et à l’extérieur. Quatrième temps Ponction et descente du mandrin ; critères de ponction veineuse : couleur du sang, pression (mesure sur le capteur au moyen d’une rallonge stérile), ultrasons transcutanés, échocardiographie (apparition du mandrin dans l’OD à l’ETO) ; les arythmies n’indiquent pas dans quelle cavité se trouve le mandrin. Pour la sous-clavière : ponction en apnée ou en expirium. Pose du cathéter après agrandissement de l’orifice de ponction au moyen de la lame de bistouri pointu et passage du dilatateur. Rinçage des lumières au NaCl 0.9% et occlusion (bouchons, robinets trois-voies). Enlever les caillots et toute trace de sang coagulé, y compris entre les ailettes de fixation. Fixation du cathéter à la peau au moyen des ailettes prévues, ou par ligature directe sur le cathéter ; assurer l’hémostase autour du site de ponction, qui doit être sec ; tamponner la zone de ponction et les points de suture avec du désinfectant ; laisser sécher. Pansement transparent permettant la vérification permanente du point d’insertion du cathéter. Si pose de cathéter pulmonaire : recouvrir d’un nouveau champ stérile et changer de gants. Réinstallation du patient et mise en ordre du matériel. Réfection du pansement, nettoyage et désinfection à la fin de l’intervention chirurgicale, avant le transfert aux soins intensifs ou en salle de réveil. Cinquième temps Contrôle : après une ponction sous-clavière ou une ponction jugulaire difficile, ou en cas de transfert direct en division, un contrôle de radiothorax est effectué ; délai idéal entre ponction et radio du thorax : 1-2 heures. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 26 Lorsqu’on obtient du sang veineux par aspiration, l’aiguille de ponction est avancée de 1-2 mm pour que son biseau soit entièrement dans la lumière du vaisseau. Elle est fermement immobilisée d’une main pendant que l’on descend le mandrin de l’autre. Celui-ci ne doit rencontrer aucune résistance. L’orientation du biseau de l’aiguille détermine l’angle de sortie du mandrin ; il doit donc être dirigé vers la VCS. Il arrive toutefois que le « J » se présente dans le mauvais sens pour négocier une courbe en direction de l’OD ; il est alors judicieux de le faire pivoter entre les doigts pour trouver l’orientation qui permette une progression aisée [287]. La couleur et la pression du sang recueilli dans la seringue de ponction sont des critères très relatifs. Cela est d’autant plus vrai que le patient est hémodynamiquement compromis. Un bas débit cardiaque, une désaturation artérielle, une stase sur insuffisance droite ou une insuffisance tricuspidienne peuvent induire une dangereuse ressemblance entre une ponction veineuse et une ponction artérielle. La survenue d’extrasystoles lorsqu’on descend le mandrin est bien une preuve de localisation intracardiaque, mais ne renseigne nullement sur l’identité de la chambre cardiaque stimulée. Une ponction carotidienne conduit le mandrin à travers la valve aortique jusqu’à l’intérieur du VG sans aucune difficulté ! En cas de doute, la plus grande prudence est de règle. On dispose de plusieurs moyens de contrôle [235a,187a]. Connexion de l'aiguille ou du cathéter à une tête de pression par le biais d’une rallonge stérile pour afficher sur l'écran la courbe et la pression enregistrées. Connexion du cathéter à l'ECG par un connecteur relié à l'électrode lectrice (+) qui permet d'afficher l'ECG endocavitaire de l’OD : l'onde P y est plus grande que le QRS ; le cathéter doit être rempli de NaCl 0.9% ; technique peu pratiquée et peu fiable. Gazométrie sur le sang retiré par l’aiguille ; vu le délai pour attendre la réponse, le risque est grand de perdre la localisation ; d’autre part, la PvO2 et la PvCO2 jugulaire d’un malade endormi, curarisé et sans stimulation sympathique peuvent être intermédiaires entre les valeurs veineuses et artérielles habituelles. Contrôle par ultrasons transcutanés : le mandrin apparaît dans la lumière du vaisseau en vues court-axe et long-axe (voir Guidage par ultrasons) ; toutefois, ceci ne garantit pas qu’il soit arrivé dans l’OD. Contrôle de la localisation du mandrin dans l’OD ou la VCS à l’échocardiographie transoesophagienne (ETO). Le mandrin apparaît comme un point très échogène dans un plan de coupe qui lui est perpendiculaire (4-cavités 0°); un plan parallèle (vue bicave 100°) est moins efficace parce qu’il peut passer à côté du mandrin, puisque l’image échocardiographique est l’équivalent d’une tomographie (Figure 6.13). Injection de NaCl 0.9% sous pression dans la lumière distale du cathéter et contrôle échocardiographique de son passage dans l’OD. La couleur et la non-pulsatilité du sang dans l’aiguille sont des critères de trop faible prédictivité pour confirmer que la ponction est effectivement veineuse : le taux d’erreur est de 20-25% [28a]. OG Ao OD A B Figure 6.13 : Contrôle de la présence du mandrin dans l'OD à l'ETO. A: Le mandrin, très échogène, est visible dans l'oreillette droite (OD) (flèche). B: Ce qu'il ne faut pas faire ! Le mandrin est logé dans l’aorte ascendante, après une ponction carotidienne passée inaperçue. Si le mandrin n’est visible ni dans la VCS, ni dans l’OD ni dans l’aorte ascendante, il faut encore le rechercher dans la partie proximale de l’aorte descendante. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 27 Lorsqu’on dispose de l'ETO, il est judicieux de placer la sonde avant la ponction veineuse centrale, dès que le patient est intubé, de manière à contrôler la position du mandrin sur l'écran lorsqu’on le met en place. On contrôle l’image au moment où le mandrin arrive dans la cavité, parce que sa brusque apparition permet de le différencier d’autres structures échogènes qui peuvent prêter à confusion (crista terminalis, réverbérations de dépôts calciques, sonde de pace-maker). Il faut retirer le mandrin lorsqu’on détermine la position du cathéter, car la forte échogénicité du premier empêche de distinguer le second. Si le mandrin n’est visible ni dans la VCS ni dans l’OD, il faut le rechercher dans l’aorte ascendante et dans l’aorte descendante, ainsi que dans le médiastin. On ne peut en aucun cas se contenter d’une image négative. Lorsque le mandrin est en place, l’orifice de ponction doit être agrandi au moyen d’une lame de bistouri pointue. Le dilatateur est passé jusque dans la veine en restant strictement dans l’axe de ponction à cause du risque d’angulation du mandrin, et en maintenant la peau tendue en amont. Si la situation clinique demande deux voies centrales, on place les deux mandrins l’un après l’autre dans le vaisseau et l’on coulisse les cathéters ensuite, car il existe toujours un risque de perforation du cathéter déjà en place si l'on introduit une deuxième voie dans la même veine. Le cathéter central et l’introducteur de Swan-Ganz n’ayant pas la même longueur, ils possèdent des mandrins de dimensions différentes ; il faut prendre soin de les repérer soigneusement pour éviter de se retrouver dans la situation où le mandrin est trop court pour guider le cathéter. Il est préférable de réserver la jugulaire interne pour l’introducteur de Swan-Ganz ; le cathéter supplémentaire peut être introduit dans la même veine ou dans une veine sous-clavière. La deuxième solution présente l’avantage d’un meilleur confort et de plus de propreté à long terme. Lorsqu’un remplace un cathéter suspect d’être contaminé, il est préférable de changer de site de ponction plutôt que de coulisser un nouveau cathéter sur un mandrin enfilé dans l’ancien [235a] ; cette technique n’est justifiable que si le premier cathéter est propre ou si le malade est sous anticoagulation complète . Après la pose d'une voie centrale, il est de routine de pratiquer une radiographie du thorax. Un pneumothorax accidentel mettant du temps à se constituer en respiration spontanée, il faut attendre environ 2 heures pour pratiquer l'examen si l'on veut exclure une lésion. Une radiographie trop précoce rassure par l'innocuité de la lame d'air à peine visible, mais celle-ci peut s'agrandir rapidement. Voie veineuse centrale : techniques de ponction Une bonne installation est la première clef du succès. Toute voie centrale est posée de manière stérile, avec blouse, masque et gants après une large désinfection chirurgicale de deux sites de ponction (en général jugulaire interne et sous-clavière). Un repérage à l’aiguille fine ou aux ultrasons permet de localiser la jugulaire (la ponction artérielle avec une aiguille 22G est sans risque). La survenue d’extrasystoles lors de l’introduction du mandrin est la garantie d’être dans une cavité cardiaque mais n’indique pas laquelle ; ce peut être aussi bien l’OD ou le VD (ponction veineuse) que le VG (ponction artérielle). L’échographie est le moyen le plus sûr de localiser le mandrin (mise en place de la sonde ETO avant la ponction centrale dès que le malade est intubé, ou sonde à ultrasons transcutanés). Si l’on place deux cathéters dans la même veine, on descend les deux mandrins et on coulisse ensuite les cathéters, pour éviter de perforer le premier cathéter lors de la ponction du second. Guidage par ultrasons La canulation des veines centrales selon les repères anatomiques (landmark technique) a un taux de succès de 60% à 95% selon les sites et l’expérience de l’opérateur. La visualisation directe des Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 28 structures au moyen d’ultrasons (US) facilite grandement le repérage des vaisseaux et leur ponction. Pour la jugulaire interne, le taux de passage au premier essai augmente ainsi de 54% à 73% et le risque de ponction artérielle diminue de 8.4% à 4.2% chez les novices et à < 2% chez les opérateurs entraînés [287a]. Une sonde US munie d’un transducteur de haute fréquence (> 10 MHz) posée sur la peau assure une vision précise jusqu’à 4-5 cm de profondeur, ce qui est suffisant pour la plupart des vaisseaux. Pour des structures plus éloignées, on utilise une sonde de plus basse fréquence (5-7 MHz). Pour éviter toute interposition d’air, on utilise un gel de contact stérile sur la peau, et la surface de la sonde est collée sur la housse stérile dans laquelle elle est emballée. L’échographe doit être correctement réglé : gain, taille de l’image, distance focale, etc. Il va sans dire que l’opérateur doit avoir une bonne connaissance de l’anatomie vasculaire et de la technologie pour pouvoir utiliser correctement l’imagerie US et en déjouer les pièges (voir Chapitre 25 Principes physiques) [287a]. La sonde est munie d’un petit ergot qui correspond à la partie droite de l’écran et qui doit être orienté vers la droite du patient ou en direction céphalique. Lors de repérage de la jugulaire interne, la droite de l’écran doit correspondre au côté droit du patient de manière à reproduire la vue depuis la tête en direction des pieds, qui est celle de l’opérateur. On le teste par une légère pression latérale sur le cou en observant de quel côté de l’écran celle-ci apparaît. Pour les autres sites de ponction, l’orientation est identique à celle de l’échocardiographie ou de la radiologie, où la gauche de l’écran correspond à la droite du patient, comme si ce dernier était vu de face. Le repérage aux ultrasons est surtout utile pour la canulation de la veine jugulaire interne (JI). Il est plus facile de la localiser en commençant par une vue court-axe (perpendiculaire à l’axe anatomique de la veine). La JI apparaît comme une structure ovalaire aisément compressible, dont la cavité semble vide. La carotide est une structure ronde, plus petite et légèrement pulsatile, située plus en profondeur et du côté interne (Figure 6.14). En plaçant la coupe de la jugulaire au milieu de l’écran et en pivotant la sonde de 90°, la veine apparaît en long axe comme une structure longitudinale horizontale à l’écran, qui varie de taille avec la respiration et augmente de volume lors d’une manoeuvre de Valsalva [133]. Le Doppler couleur y démontre un flux systolo-diastolique continu de basse vélocité (échelle de couleur 20-30 cm/s). Le flux couleur dans la carotide est pulsatile, exclusivement systolique et de vélocité plus élevée (échelle de couleur ≥ 50 cm/s). Cet examen fait apparaître des anomalies inattendues de la jugulaire interne dans 8% des cas : thrombose, taille très fine, localisation anormalement médiane ou anormalement latérale [53]. La première partie de l’examen ultrasonographique consiste à repérer le vaisseau, sa taille, son flux, sa situation anatomique à l’endroit de ponction choisi (examen US statique) ; ceci est recommandé pour la jugulaire, mais peut être utile pour la sous-clavière ou la fémorale. Après désinfection, champage et emballage stérile, la sonde d’US est manipulée de manière coordonnée à la ponction du vaisseau (examen US en temps réel) [73,309a,139a,287a]. La technique procède en plusieurs temps. Pendant que la main dominante procède à la ponction, la main non-dominante maintient la sonde de manière à visualiser l’aiguille pénétrant la veine ; la pression exercée avec la sonde doit être modérée de manière à éviter de comprimer la veine. Avant de se focaliser sur l’écran, l’opérateur doit prendre soin de contrôler que le point et l’axe de ponction correspondent à l’anatomie du vaisseau (Figures 6.9 et 6.10). L’aiguille est dirigée vers le bas et vers le mamelon ipsilatéral ; l’angle avec la peau est d’environ 45°. Le point de ponction est sur le bord interne du sterno-cléido-mastoïdien et non à travers le muscle. L’attention de l’opérateur doit se porter ensuite sur l’écran et non plus sur les repères anatomiques externes habituels, ce qui demande un peu d’entraînement pour reconstruire mentalement en 3D ce que l’on regarde sur l’écran en 2D. On observe un certain collapsus puis un ressaut de la veine lorsque l’aiguille perfore la paroi antérieure. Comme il est facile de transpercer la JI de part en part, on peut aisément ponctionner la carotide après avoir traversé la jugulaire si l’aiguille est dirigée vers l’intérieur. Les ultrasons permettent d’évaluer Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 29 précisément le degré de superposition de la jugulaire interne et de la carotide, donc d’orienter la direction de l’aiguille de manière à s’éloigner de l’artère. Médian Latéral Court-axe JI C 22% 50% Long -axe JI A G C B 22% D Pieds Tête JI JI C C C D Figure 6.14 : Images ultrasonographiques lors de ponction jugulaire interne. A: Positions schématiques de la veine jugulaire interne (JI) et de la carotide (C); les pourcentages représentent la fréquence de la position des deux vaisseaux au niveau mésocervical où se fait habituellement la ponction. La position de la JI antérieure à la carotide est normale dans la partie haute du cou et la position latérale normale dans sa partie basse (base du triangle): plus on descend, plus la jugulaire s’éloigne de la carotide. Le trait jaune indique la direction de ponction pour éviter la carotide. B: Ponction sous ultrasons. En court-axe, l’aiguille n’est pas dans le plan ultrasonographique, et n’apparaît que lorsque son trajet coupe le plan, par exemple lorsqu’elle comprime la paroi antérieure du vaisseau. En vue long-axe, au contraire, le plan de coupe est parallèle au vaisseau et peut suivre l’aiguille sur tout son trajet, visualiser sa pénétration dans la jugulaire et démontrer son emplacement dans la lumière vasculaire. C: Vue échographique court-axe. D: Vue long-axe [287a]. En court-axe, le plan de coupe ultrasonographique est perpendiculaire au vaisseau, alors que celui de la ponction est oblique dans un plan orthogonal ; l’aiguille n’est visible que dans la mesure où elle traverse le plan, par exemple à l’endroit où elle pénètre dans la jugulaire. En vue long-axe, au contraire, le plan de coupe est parallèle au vaisseau et peut suivre l’aiguille sur tout son trajet, visualiser sa pénétration dans la jugulaire, et démontrer son emplacement dans la lumière vasculaire (Figure 6.14B). En vue court-axe de la jugulaire interne, le point de ponction cutané doit se situer 1.5-2 cm en amont de la sonde US et l’aiguille doit être inclinée de 45° par rapport à la peau de manière à apparaître dans le plan de coupe ultrasonographique au niveau de la veine. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 30 Dès que l’aiguille paraît être au milieu de la lumière du vaisseau, on aspire sur la seringue pour le contrôler : le sang est foncé, la pression est basse et l’aspiration ne présente aucune résistance. La position du mandrin à l’intérieur de la veine est confirmée par les ultrasons en vue long axe et court axe à la base du cou avant de descendre le cathéter. Pour la jugulaire interne, cette manière de procéder diminue le taux d’échec (relative risk RR 0.14) et de complications (RR 0.43) ; le taux de ponction carotidienne passe de 10.6% à 2% et celui de pneumothorax de 2.4% à 0% ; la ponction sous contrôle d’US accélère la procédure et augmente le taux de réussite au premier essai (RR 0.59) [109]. Ceci est très bénéfique parce que le taux de complications augmente avec le nombre d’essais par le même opérateur [169a]. Le guidage par ultrasons est donc une recommandation pour la canulation en jugulaire interne. Pour la veine sous-clavière, l’utilisation de la sonde d’ultrasons est plus malaisée, parce que la fenêtre est limitée par les côtes et parce que l’air contenu dans le poumon bloque les US. L’apport de la technique est nettement moindre que pour les vaisseaux du cou, parce que les repères anatomiques sont beaucoup plus consistants. Elle est surtout indiquée dans les extrêmes de poids, après chirurgie thoracique, et après radiothérapie ou ponction préalable [287a]. La ponction guidée par ultrason demande un peu d’expérience pour devenir aisée. Bien qu’elle puisse apparaître comme une solution de facilité, elle n’est pas en contradiction avec les techniques habituelles de repérage anatomique externe. Au contraire, elle est un extraordinaire moyen de mieux comprendre ces dernières, de voir les effets d’une mauvaise installation (cou en hyperextension, tête trop tournée sur le côté), d’une palpation trop appuyée ou d’une modification des rapports anatomiques par les doigts de l’opérateur. Elle est également une technique prioritaire dans les ponctions difficiles (cous irradiés ou opérés, ponctions itératives, hématome, malades anticoagulés ou thrombocytopéniques, etc). Le guidage par US est une manière de confirmer la localisation anatomique de la veine et d’épauler la mise en place du cathéter, mais non un téléguidage de l’aiguille pour opérateurs ignorant l’anatomie. Il est extrêmement utile pour la jugulaire interne, où il fait l’objet d’une recommandation de haut degré d’évidence [139a,235a,287a]. Son apport est moindre dans les autres localisations, où il est sert principalement à évaluer la perméabilité ou le remaniement anatomique du vaisseau en cas de pathologie locale (irradiation, trauma, canulations précédentes, etc). La technique ultrasonographique complique la manœuvre de canulation, crée un petit risque infectieux et en augmente le coût, sans pour autant la garantir contre toute complication: le taux de ponction carotidienne reste de 2-4% sous US [309a]. Elle induit même un sentiment de fausse sécurité et d’impunité face à l’ignorance de l’anatomie. Le bénéfice des ultrasons est évident surtout chez les débutants et les maladroits ; il l’est beaucoup moins chez les opérateurs habiles et expérimentés. De toute manière, la ponction sous US réclame un enseignement et un entraînement corrects pour apprendre la coordination avec l’image bidimensionnelle et pour offrir les meilleurs atouts lors de la canulation [309a]. Malgré l’insistance de l’industrie pour la rendre obligatoire, ce qui est dans son intérêt, cette technique doit rester avant tout un moyen d’enseignement privilégié et une aide précieuse pour identifier la jugulaire interne ou ponctionner les cas difficiles. Le fait qu’elle diminue les risques de la ponction jugulaire interne n’est pas une raison pour l’imposer dans toutes les ponctions veineuses centrales, ni pour sombrer dans une médecine défensive qui multiplie les précautions dans le simple but de se mettre à l’abri de poursuites judiciaires. C’est à l’anesthésiste ou au réanimateur de décider dans quels cas les ultrasons représentent un bénéfice pour le patient. Les données actuelles suggèrent de recommander formellement l’utilisation des US pour la jugulaire interne, mais sont insuffisantes pour en faire un standard dans la canulation des autres vaisseaux [309a]. Promulguer cette pratique comme « règle de l’art » (standard of care) et en faire une obligation est actuellement excessif, et déboucherait sur trois conséquences majeures. Perte d’un savoir-faire technique ; il est capital que l’anesthésiste conserve la capacité de placer une voie centrale rapidement et sans assistance dans des situations d’urgence comme la réanimation ou le déchocage. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 31 Dépendance extrême vis-à-vis d’un instrument qui peut être indisponible, absent ou en panne. Accusation potentielle de négligence pour tous ceux qui ne disposent pas de l’appareillage ou dont l’institution n’a pas les moyens de l’acquérir. Ponction veineuse centrale : guidage par ultrasons (US) Pour la ponction jugulaire interne, le guidage par US transcutanés diminue le taux d’échec, accélère la procédure et réduit le taux de ponction artérielle ou de pneumothorax. Par contre, son apport est très limité lors de ponction sous-clavière ou fémorale. Il est donc recommandé que les cliniciens maîtrisant la technique l’utilisent pour la canulation en jugulaire interne ou pour les situations à haut risque, mais cette recommandation ne peut pas être imposée dans les autres localisations. Complications Le taux de complication des ponctions centrales oscille entre 5% et 19% avec les méthodes traditionnelles. Le risque augmente de six fois après plus de trois essais [287a]. En-dehors de l’échec et de l’hématome, qui sont les ennuis les plus fréquents, le taux de complication est de l’ordre de 3-5% pour les opérateurs expérimentés [248] : ponction artérielle (6-9% en jugulaire interne, 3-5% en sousclavière), pneumothorax (5% en sous-clavière), hémothorax, lésions nerveuses [28a,287a]. Le taux de complication augmente avec le nombre d’essais de ponction [169a]. Le risque de thrombose et d’infection est le plus élevé pour la voie fémorale (environ 20% chacun), moindre pour la voie jugulaire (5-8%) et le plus faible pour la voie sous-clavière (1-4%) [287a]. En cas de ponction artérielle à l’aiguille, une compression simple suffit à faire l’hémostase. Il en est de même pour un cathéter jusqu’à une taille de 7F si la coagulation du patient est normale (anamnèse, TP, TPT, thrombocytes, thromboélastogramme), et le restera dans les 12 heures suivantes (pas d’anticoagulation). Si un cathéter de gros diamètre (introducteur de Swan-Ganz 8.0 – 9.5 F, cathéter de dialyse) a été introduit par erreur dans la carotide ou dans une autre artère, il est recommandé de le laisser en place et de contacter immédiatement un chirurgien vasculaire pour un retrait peropératoire sous contrôle de la vue et réparation éventuelle de l’artère, ou de faire appel à un cardiologue/radiologue interventionnel pour pratiquer une technique d’hémostase endovasculaire utilisée lors des cathétérismes cardiaques (AngioSeal™, par exemple) [28a,235a]. En cas lésion carotidienne, un status neurologique s’impose. La question se pose ensuite de procéder à l’intervention prévue ou de la renvoyer après contrôle définitif de l’hémostase et exclusion d’un AVC. Une hémorragie artérielle dans le cou dévie l’oesophage (visible sur la radiographie du thorax si une sonde gastrique est en place) et peut comprimer la trachée au point d’entraîner une dyspnée aiguë. Un hémothorax secondaire à une ponction artérielle sous-clavière peut entraîner une hypovolémie sévère parce qu’il n’y a aucun signe externe du saignement pour donner l’alerte assez tôt. Si le patient est éveillé et respire spontanément, les moments où l’aiguille de ponction et le cathéter sont ouverts à l’air sont une source potentielle d’embolie gazeuse au cours d’un inspirium profond. Il faut donc veiller à les occlure. La ventilation en pression positive et la position de Trendelenburg suppriment le risque d’embolie gazeuse. Le pneumothorax est plus fréquent lors de ponction sous-clavière, mais il peut survenir dans la voie jugulaire antérieure basse. En ventilation contrôlée, il est prudent d’arrêter le respirateur pendant la ponction. Le chylothorax est une complication grave de la ponction jugulaire gauche avec lésion du canal thoracique. Un épanchement péricardique peut survenir en cas de perforation de l’oreillette par le mandrin ou le cathéter. En allant trop profondément à la recherche de la veine jugulaire avec l’aiguille de ponction, on peut léser le plexus brachial, le nerf phrénique ou le ganglion stellaire. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 32 Plusieurs points sont à observer dans l’entretien des cathéters veineux centraux pour limiter le risque de contamination bactérienne et de thrombose [235a]. Pansement transparent à la chlorhexidine, désinfection et contrôle quotidien ; Ablation au moindre signe d’infection locale ; Désinfection des sites d’injection avant toute administration ; maintien des robinets et des ports d’accès fermés par un bouchon en permanence ; Lors de changement de cathéter à cause d’infection locale, préférer la ponction d’un autre site plutôt que le transcathétérisme sur un mandrin. Voie veineuse centrale : complications Les principales complications (incidence 3-9%) sont l’hématome (ponction artérielle), le pneumothorax, l’hémothorax et l’embolie gazeuse. Une ponction trop profonde peut léser le plexus brachial, le nerf phrénique, le ganglion stellaire ou le canal thoracique (en position jugulaire gauche). En position jugulaire interne, le taux de complications diminue avec l’utilisation d’ultrasons. Mesure de la pression veineuse centrale La pression mesurée à l’extrémité d’un cathéter central est celle qui règne dans la veine cave supérieure intrathoracique et dans l’oreillette droite. Cette pression veineuse centrale (PVC) est basse (6 à 12 mmHg). Cette constatation a deux corollaires. Le niveau du capteur doit être soigneusement réglé pour correspondre à la mi-hauteur de l’OD (ligne médio-axillaire chez un malade couché sur le dos) ; un écart de 2 cm crée une différence de 1.5 mmHg sur la lecture, soit 15 - 20% d’erreur sur la mesure ; la hauteur du capteur doit être ajustée à chaque changement de position. La PVC est du même ordre de grandeur que les pressions respiratoires en ventilation mécanique ; la pression moyenne intrathoracique est de 4 à 10 mmHg en IPPV (Intermittent positive pressure ventilation), et augmente linéairement avec la PEEP (Positive end-expiratory pressure). La mesure de PVC ne traduit la POD réelle qu’en apnée. Toutefois, la transmission des pressions ventilatoires à l’ensemble de la cage thoracique dépend de la compliance des poumons ; elle est diminuée en cas de pathologie pulmonaire. La mesure d'une pression intracardiaque se fait par rapport à la pression atmosphérique (Patm), qui est le zéro du capteur, alors que la pression externe des cavités cardiaques et des vaisseaux intrathoraciques est la pression intrathoracique (Pit). La différence de pression entre l’intérieur (Pintracavitaire Pic) et l’extérieur d’une chambre cardiaque est la pression transmurale (Ptm) (Figure 6.15) : Ptm = Pic – Pit d’où : Pic = Ptm + Pit La mesure d'une Pic par rapport à la Patm n'a de sens que lorsqu’elles sont identiques, c'est-à-dire en apnée ou lors de la pause expiratoire du ventilateur, sans PEEP. Le fait que seule la Ptm représente la pression de remplissage réelle a deux conséquences pratiques. En ventilation en pression positive, la PVC évolue de manière discordante par rapport au volume du VD dans 52% des cas [58]. L’instauration de l’IPPV provoque un déplacement de volume de l'intérieur vers l'extérieur de la cage thoracique de l'ordre de 300 – 600 ml (baisse de précharge), alors que la PAPO et la PVC augmentent de 15 – 25% [305]. La mesure de la Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 33 PVC n’est fiable qu’en apnée ou en soustrayant la valeur de la Pit moyenne affichée sur le respirateur. Lorsqu’on procède à une manoeuvre de Trendelenburg chez un patient curarisé, le poids des viscères abdominaux appuie contre le diaphragme relâché, et la pression intrathoracique augmente. Cette augmentation est du même ordre de grandeur que celle de la POD due au retour veineux ; de ce fait, la Ptm de l’OD ne se modifie pratiquement pas, et la précharge réelle du coeur droit est inchangée [192]. L’élévation des jambes est plus efficace, car la POD augmente sans que la Pit ne se modifie. Figure 6.15 : Interactions cardiorespiratoires. La pression habituellement mesurée dans les cavités cardiaques (Pic) est mesurée par rapport à la pression atmosphérique (ΔP = Pic - Patm) (double flèche noire). Or la pression qui règne réellement dans une chambre cardiaque est la différence entre la pression intracavitaire (Pic) et la pression intrathoracique (Pit). C'est la pression transmurale (Ptm) : Ptm = Pic – Pit (double flèche bleue). La pression transmurale et la pression mesurée par rapport à la Patm ne sont équivalentes qu’en apnée. La différence entre la pression intrathoracique (zone verte) et la pression intrapéricardique (zone jaune) n'est que de 1-2 mmHg, donc négligeable en situation clinique normale. VCS: veine cave supérieure. VCI: veine cave inférieure. VP: veines pulmonaires. AP: artère pulmonaire. En jaune: péricarde. Patm APNEE Pit VCS Poumon s AP VCI VP OD Ao OG Pic VD Cage thoracique VG ΔP ic-atm Ptm © Chassot 2012 La PVC est assimilable à la pression auriculaire droite (POD). En l'absence de lésion tricuspide, la mesure de la PVC au voisinage ou dans l'oreillette droite est un indice de la précharge du ventricule droit, dans la mesure où cette pression est représentative du volume télédiastolique. Ceci appelle quatre remarques. La corrélation entre la pression (P) et le volume (V) est déterminée par la compliance, dont la courbe est curvilinéaire dans les cavités cardiaques (Figure 6.16). A bas volume de remplissage (hypovolémie), cette courbe est très plate : de fortes variations de volume ne se traduisent que par de minimes variations de pression. Lorsque le remplissage est élevé, la courbe se redresse et les variations de volume s’accompagnent de variations de pression significatives. En conséquence, la PVC n’est d’aucun apport en hypovolémie, alors qu’elle est très pertinente en hypervolémie (haut remplissage, insuffisance ventriculaire droite, HVD). Dans le régime à basse pression et haute compliance des cavités droites, une mesure isolée de PVC est un critère non fiable du remplissage vasculaire. Par contre, le suivi de la PVC lorsqu’elle se modifie, témoigne de l’évolution de la fonction et du remplissage du VD chez un même patient dans les mêmes conditions ventilatoires. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 34 La dysfonction diastolique du VD modifie la compliance, dont la courbe se redresse et se déplace vers le haut ; ceci est fréquent avec l’âge, l’hypertrophie du VD, l’ischémie et la dysfonction ventriculaire. Dans ce cas, la mesure de pression devient un meilleur indice de remplissage, mais la valeur de la PVC est plus élevée que la normale pour le même volume de remplissage. La PVC ne renseigne que sur les conditions de charge du VD. Il n’existe de relation entre la PVC et la fonction du VG que si la stase pulmonaire engendrée par la pathologie gauche est telle qu’elle modifie les conditions de charge et la fonction du VD. Pression Compliance diminuée Compliance normale P’ ’ P ’ V’ V’’ V V’’ Volume © Chassot 2012 Figure 6.16 : Représentation schématique de la courbe de compliance normale du VG (en bleu), ou lors de dysfonction diastolique (en rouge). La courbe se redresse et se déplace vers le haut et vers la gauche. La même variation de volume se traduit par une variation de pression plus importante que lorsque la compliance est normale. A la pression P correspond un volume ventriculaire plus petit (V’) que la norme (V) ; le sujet peut être hypovolémique avec une POD (PVC) ou une POG (PAPO) normale. La normovolémie d’un sujet souffrant de dysfonction diastolique (V’’ rouge) est traduite par une pression de remplissage (P’) qui correspond à une hypervolémie (V’’ bleu) chez un sujet normal. La courbe de PVC présente deux pics ("a" et "v") et deux nadirs ("x" et "y") de pression (Figure 6.17). Le pic "a" est dû à l'onde de pression de la contraction auriculaire. L'onde "v" représente le remplissage continu de l'oreillette pendant la systole ventriculaire ; la pression s'élève parce que la valve tricuspide est fermée ; elle ne redescend que lorsque la tricuspide s’ouvre et que l’OD se vide dans le VD (descente "y"). Le pic de l’onde "v" a lieu pendant la phase de relaxation isovolumétrique (fin de l’onde T sur l’ECG). Entre les deux pics "a" et "v" survient une baisse de pression (descente "x") qui est la chute de la pression auriculaire pendant la diastole de l'oreillette et la descente de l’anneau tricuspidien secondaire à la contraction longitudinale du VD. Le crochetage "c" est occasionné par le bombement de la valve tricuspide pendant la systole ; il est peu marqué et souvent absent. L'onde "a" peut devenir très importante en cas d'extrasystolie ventriculaire (ESV), parce que l'oreillette se contracte alors que la valve tricuspide est déjà fermée par la systole prématurée de l'ESV (cannon wave) (Figure 6.18). En cas d'insuffisance tricuspidienne, l'onde "v" est prééminente, mais elle survient plus tôt que l’onde "v" normale puisque la régurgitation survient pendant toute la durée de la systole (Figure 6.19). Le chiffre de PVC qu’on lit sur l’écran du moniteur est la pression moyenne instantanée de l’OD. La valeur normale en apnée est 5-8 mmHg. La valeur la plus proche de la pression télédiastolique du VD est le creux (descente "z".) précédant l’onde "c". Comme cette mesure est difficile à effectuer, on considère en général le pic de l’onde "a" comme équivalent de la PtdVD. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 35 Figure 6.17 : Courbe de pression auriculaire normale. a: onde de pression de la contraction auriculaire. c: fermeture de la valve mitrale/tricuspide qui bombe dans l'oreillette. v: remplissage de l'oreillette pendant la systole ventriculaire (débit continu des veines caves/pulmonaires); la pression s'élève parce que la valve mitrale/tricuspide est fermée. x: chute de la pression auriculaire pendant la descente de l’anneau mitral/tricuspidien (contraction longitudinale du ventricule). y: ouverture de la valve mitrale/tricuspide et vidange de l'oreillette dans le ventricule. z : diastole de l’oreillette. a z c x v y © Chassot 2012 Figure 6.18 : Aspect de la PVC lors d'extrasystolie ventriculaire; la contraction auriculaire survenant alors que la valve tricuspide est déjà fermée, il apparaît une onde "a" très importante (cannon wave) (Extrait de : Ahrens S, Taylor LA. Hemodynamic waveform analysis. Philadelphia : WB Saunders Co, 1992. Waveform 3.4, p 57). ESV Onde cannon Onde a géante Ondes a normal es Figure 6.19 : Insuffisance tricuspidienne. L'onde "v" est protosystolique, pendant la phase d'éjection du ventricule, ce qui est plus précoce que la normale où l'onde "v" est télésystoprotodiastolique. a v a POD Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage v P artérielle 36 Mesure de la PVC La valeur normale de la PVC est basse (6-12 mmHg) ; elle est très influencée par le niveau du capteur (2 cm de hauteur = 1.5 mmHg) et par la pression intrathoracique (IPPV, PEEP). La pression de remplissage réelle de l’OD (précharge du VD) est représentée par sa pression transmurale (Ptm), qui est la différence entre la pression intracavitaire (Pic) et la pression intrathoracique (Pit) : Ptm = Pic – Pit, d’où : Pic = Ptm + Pit En ventilation en pression positive (Pit ↑), la PVC (= Pic) augmente sans que la Ptm ne se soit élevée; la mesure de PVC doit donc s’effectuer en apnée, ou en soustrayant la valeur de la Pit. Chez un malade curarisé, la position de Trendelenburg augmente la Pit (pression des viscères abdominaux contre le diaphragme) autant que la Pic (POD), ce qui ne change pas la Ptm (précharge réelle), alors que l’élévation des jambes augmente la POD sans modifier la Pit (augmentation de la précharge réelle). La PVC représente la précharge du VD (non celle du VG) dans la mesure où la compliance lie la pression au volume; or la pression évolue de manière non-linéraire avec le volume. De ce fait, la PVC n’est d’aucun apport en hypovolémie (courbe de compliance quasi-plate), alors qu’elle est très pertinente en hypervolémie parce que la courbe est redressée (haut remplissage, insuffisance ventriculaire droite, HVD). En cas de compliance anormale (âge avancé, ischémie, HVD, dysfonction ventriculaire), la PVC est plus élevée que la normale pour le même volume de remplissage. La valeur de PVC la plus voisine de la Ptd du VD est le pic de l’onde "a". Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 37 Cathéter artériel pulmonaire de Swan-Ganz Le cathéter pulmonaire flotté muni d’un ballon à son extrémité fut introduit en 1970 et a connu depuis lors une mode sans précédent dans le monitorage des patients en état critique [275]. On a estimé à 2 millions le nombre de ces sondes placées annuellement dans le monde, ce qui représente un coût global évalué de 1 à 2 milliards de dollars [298]. Bien que l'amélioration du matériel et la routine acquise par les cliniciens en aient fait chuter la morbidité, le rapport coût / bénéfice de cette technique invasive reste difficile à évaluer, et son taux de complications est estimé à 0.1 - 4 % des cas [228]. Ces dernières années, certaines analyses statistiques à large échelle ont abouti à la conclusions que la Swan-Ganz n’offrait probablement aucun bénéfice, ou était associée à une aggravation de la mortalité [44]. De ce fait, son utilisation a marqué un certain recul est ses indications se sont concentrées sur des situations précises. Même si l’on est allé jusqu’à demander l’installation d’un moratoire sur son utilisation en peropératoire comme aux soins intensifs [47], il n’en reste pas moins que le cathéter pulmonaire est toujours considéré comme la technique de référence pour la mesure du débit cardiaque en clinique [19]. Le cathéter artériel pulmonaire (CAP) offre un certain nombre de mesures : Pression artérielle pulmonaire (PAP), Pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO), Pression pulmonaire capillaire (Pcap), Volume systolique (VS), Saturation en oxygène du sang veineux mêlé (SvO2). Il permet de calculer ensuite le débit cardiaque (DC), les résistances artérielles pulmonaires (RAP), les résistances artérielles systémiques (RAS), le travail ventriculaire systolique droit et gauche (RVSW, LVSW), la fraction d’éjection du ventricule droit, le volume télédiastolique du VD. Les deux dernières mesures ne sont possibles qu’avec la variante à débit continu, mais non avec le cathéter standard. Justification et impact La majorité des études contrôlées comparant les différences de mortalité et de morbidité entre des patients suivis avec ou sans CAP ne démontrent pas d’avantages évidents à la présence d’un CAP [299]. Mais un certain nombre d'éléments méthodologiques interfère avec les résultats de ces analyses et voile l’évidence d’un bénéfice majeur [229]. L’absence de sélection des cas : les études sont réalisées sur des séries consécutives de patients de chirurgie cardiaque, de chirurgie générale majeure ou de soins intensifs médicaux (infarctus myocardique, choc septique) sans tenir compte de leur état fonctionnel, ce qui atténue l'impact que peut avoir la Swan-Ganz chez des malades sélectionnés pour leur risque élevé. L’absence de protocoles thérapeutiques standardisés : l’impact d’un mode de monitorage est celui des thérapeutiques qu’il initie ; sans protocoles identiques dans tous les groupes, il n’est pas possible de comparer les conséquences des décisions prises en fonction des mesures effectuées. Les conditions hospitalières de soins : quelle que soit l’indication, les résultats sont plus favorables dans les institutions qui sont coutumières de la technique que dans celles qui ne l’utilisent qu’occasionnellement. Les connaissances et les performances des anesthésistes ou des intensivistes : elles sont en moyenne faibles ; l'impact est plus important dans les hôpitaux d'enseignement. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 38 L’évolution des thérapeutiques : elle a diminué la mortalité et la morbidité en soins intensifs ; de ce fait, l’impact du CAP s’est progressivement amenuisé. Les croyances du personnel médical : penser qu’une technique modifie le pronostic des patients biaise l’attitude des cliniciens en sa faveur, parce qu’ils estiment contraire à leur éthique de soigner ces cas sans elle. La variabilité dans le degré d'évidence des études (étude prospective ou rétrospective, randomisation, puissance, homogénéité des séries) et la rigueur des méthodes statistiques utilisées selon les études. En 30 ans, plus de 3’000 articles ont été consacrés à l’impact de la Swan-Ganz. De cette masse, on peut extraire 29 études contrôlées qui se rapportent à l'anesthésie [229]. Elles représentent un total de 32’802 patients non-sélectionnés, et concernent essentiellement 4 domaines: soins intensifs chirurgicaux (10 études), chirurgie cardiaque (5 études sur les pontages aorto-coronariens), chirurgie non-cardiaque (9 études) et polytraumatisme (5 études). A cette somme s’ajoutent six publications plus récentes [105,221,241,248a,267a,272] et une méta-analyse de 13 études randomisées (5’051 patients) [254]. Les résultats globaux sont assez décevants, puisqu’ils montrent que le CAP ne confère pas de bénéfice, même s’il n’augmente pas la mortalité. Seuls les groupes des polytraumatismes et des défaillances ventriculaires trouvent un intérêt à la Swan-Ganz, avec une diminution des défaillances multiviscérales et de la mortalité [78a,267a]. Sans faire une revue exhaustive de la littérature, il vaut la peine de revoir quelques publications importantes à ce sujet. Il y a vingt à vingt-cinq ans, le CAP semblait avoir un impact favorable sur le devenir des patients après infarctus myocardique ou après chirurgie majeure [90,259]. Le concept d’une thérapeutique fixée sur des buts prédéfinis (goal-directed management) semblait démontrer que le maintien du débit cardiaque à des valeurs supra-normales (index cardiaque ≥ 4.5 L/min/m2) pour réduire la dette en oxygène pouvait améliorer la survie des patients chirurgicaux à haut risque [16,260], des polytraumatisés [75], ou des malades en choc septique [224]. Un CAP était alors indispensable pour guider l'administration de perfusats et de support inotrope. Cependant, d'autres études ont infirmé le bien-fondé de ce traitement [82,289,315], ou ont été interrompues parce que la mortalité des patients du protocole était plus élevée que celle du groupe contrôle [106]. Ces expériences démontrent que la normalisation des valeurs hémodynamiques n’est pas le but à rechercher en soi : les données numériques fournies par le CAP peuvent induire une attitude visant à la simple correction de valeurs chiffrées en-dehors de tout contexte clinique. Toutefois, ces travaux auront eu le mérite d’attirer l’attention sur l’importance de maintenir une SvO2 ≥ 70% pour raccourcir le séjour hospitalier et baisser le taux de dysfonction polyorganique [210]. Ainsi, le maintien d'un remplissage adéquat, d'un débit cardiaque normal et d'une SvO2 > 60% s’est avéré bénéfique chez les polytraumatisés graves (ISS 25-75): il raccourcit le séjour en soins intensifs [20,75], baisse la mortalité et diminue l’incidence de dysfonctions multiviscérales [37,78a,224,244]. Dans les années quatre-vingt-dix, on estimait que les données de la Swan-Ganz conduisaient à des modifications thérapeutiques immédiates dans un tiers des cas [215,271], et à une réduction de mortalité de 40% dans le choc septique [181]. Mais une étude sur une cohorte de 5'735 patients en état critique, collectée dans cinq unités de soins intensifs américains, avait sonné l’alerte en démontrant que les patients munis de cathéter pulmonaire avaient une morbidité, une mortalité et une durée de séjour en soins intensifs supérieures à ceux qui n’était pas monitorés de cette manière [44]. Ces résultats étaient confirmés par l’appariement des malades en paires de pathologies identiques dont un membre est pourvu de CAP et l’autre pas. Une étude observationnelle en chirurgie non-cardiaque a également montré que les complications cardiaques postopératoires étaient trois fois plus fréquentes chez les malades porteurs de Swan-Ganz [209]. Comme le bénéfice du cathétérisme tient aux décisions thérapeutiques qu’on en déduit et que les protocoles de soins varient d’un centre à l’autre, les groupes de ces études sont en réalité difficilement comparables, car ce sont les algorithmes décisionnels et les processus de soin qui créent la différence [292]. Il est possible que le cathétérisme pulmonaire soit le marqueur d’un style de soins très agressif dont les résultats ultimes sont décevants [44,248a]. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 39 Ces quinze dernières années ont vu la parution de six grandes études d’impact dont la méthodologie est très rigoureuse. La première porte sur 1'994 patients âgés subissant des interventions de chirurgie générale à haut risque, randomisés en deux groupes avec PVC ou avec CAP [241]. Elle n'a démontré aucun bénéfice d'un groupe par rapport à l'autre en terme de mortalité à 12 mois, de complications postopératoires et de durée de séjour hospitalier; la seule différence porte sur un taux d'embolie pulmonaire plus élevé dans le groupe avec Swan-Ganz (p = 0.004). La deuxième étude n’observe aucun intérêt à l’utilisation précoce du CAP dans le choc et le SDRA : 335 patients avec CAP ne présentent pas de différence de mortalité ni de morbidité à 28 jours comparés à 341 patients traités sans CAP [221]. La troisième étude (PAC-Man) concerne 1'041 patients de soins intensifs ; leur prise en charge avec ou sans CAP n’est à l’origine d’aucune différence de mortalité à 3 mois [105]. Dans la quatrième (ESCAPE trial), la présence d’un CAP pour guider la thérapie n’a pas amélioré la survie à 6 mois de 433 patients en insuffisance cardiaque congestive [272]. La cinquième est une étude prospective de 3’321 pontages aorto-coronariens regroupés en 1'273 paires appariées ; la présence de CAP augmente le risque de mortalité (OR 2.08) et de complications cardiaques (OR 1.58), cérébrales (OR 2.02) ou rénales (OR 2.47) ; cette aggravation semble liée à une utilisation excessive d’agents inotropes et à la perfusion de davantage de volume chez les malades monitorés avec un CAP [248a]. La dernière démontre un impact positif du CAP chez des malades souffrant de défaillance ventriculaire aiguë, hypotendus et placés sous inotropes : l’utilisation de la Swan-Ganz diminue la mortalité de 4.4% à 1.4% (HR 0.3) [267a]. Ces données montrent que le monitorage hémodynamique systématique d'une large population de patients n'améliore pas leur évolution, alors qu'il est susceptible d'influencer le devenir immédiat de malades présentant des problèmes aigus particuliers. Quelques analyses prospectives ou rétrospectives sur l'impact de la Swan-Ganz ont été conduites dans le cadre de la chirurgie de revascularisation coronarienne élective [42]. Certaines n'ont trouvé aucune différence dans la mortalité, les complications cardiaques et les durées de séjour en soins intensifs entre les patients monitorés par Swan-Ganz et ceux monitorés par PVC seule [8,204,291]. D’autres, au contraire, ont démontré une aggravation des risques [248a]. Dans les hôpitaux peu coutumiers de la technique, la Swan-Ganz a même tendance à péjorer les résultats [212,273]. La gravité du risque opératoire n’a pas influencé ces résultats; l’utilisation d’un cathéter oxymétrique n’a pas été discriminative, mais a renchérit le coût de la technique [204]. Il est certain que le cathéter pulmonaire n'est d'aucune utilité chez le patient coronarien sans comorbidité dont la fonction ventriculaire est conservée, que ce soit en chirurgie cardiaque à cœur battant [217] ou en chirurgie de revascularisation coronarienne en CEC [60]. D'autre part, l'utilisation de plus en plus systématique de l'ETO peropératoire a certainement diminué les indications de l'anesthésiste au CAP; moins de cathéters sont insérés lorsque l'ETO est à disposition [117]. Si, à catégories égales, les patients porteurs de Swan-Ganz ont un plus mauvais pronostic que ceux qui n’en ont pas, on est en droit de se poser une autre question: l’interprétation des résultats, ou les conclusions thérapeutiques qu’on en tire, sont-ils erronés ? En effet, il faut que les données du CAP soient correctement interprétées pour que l'incidence thérapeutique soit bénéfique. Or, dans une étude multicentrique en soins intensifs, 47% des médecins interrogés étaient incapables de lire adéquatement une courbe de pression capillaire bloquée et 44% ne connaissaient pas les déterminants du transport d’oxygène, quand bien même ils travaillent quotidiennement avec ces notions [115]. Dans une étude européenne analogue basée sur un collectif de 535 intensivistes, les résultats ne sont guère meilleurs: le score moyen aux mêmes questions est de 72% [85]; seuls 46% des médecins interrogés ont interprété correctement les courbes de pression capillaire et 30% ont identifié les déterminants du transport d’oxygène. Dans une nouvelle enquête réalisée dix ans plus tard, seuls 38% des praticiens interrogés interprétaient les données de la même manière que les experts, et 35% proposaient un traitement potentiellement désastreux [270]. Les infirmières de soins intensifs n’ont pas des prestations supérieures, puisque leur score est de 49% [114]. D’aussi piètres prestations influencent lourdement les résultats des études qui cherchent à définir l’impact de la Swan-Ganz. De ce point de vue, l’amélioration des qualités professionnelles est probablement plus urgente que les études de coût. Les restrictions budgétaires et la pression économique de ces dernières années ont réactivé le débat sur le rapport coût / bénéfice du CAP. Dans la notion de coût, il faut inclure le prix du matériel, mais aussi Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 40 le temps du personnel et les dépenses annexes induites (examens de laboratoire, radiographies, etc). A cela s’ajoute l’impact financier des décisions thérapeutiques et celui des éventuelles complications. On a estimé que la Swan-Ganz revient ainsi à environ € 550.00 sans tenir compte des effets secondaires [108]. L’aspect financier de ces derniers est sans commune mesure avec le prix de l’instrumentation, puisqu’il porte le coût global à environ € 1'000.- [268]. Pour que son insertion soit bénéfique dans le cadre des pontages aorto-coronariens, par exemple, elle devrait permettre une réduction de la mortalité annuelle postopératoire de 0.2%. Pour le prouver à un niveau de puissance de 80% et à un niveau de sensibilité de p < 0.05, il faudrait étudier une cohorte de 223’000 patients [268] ! Il sera donc difficile de réunir un tel collectif pour définir son utilité en termes uniquement économiques. Cependant, l’acquisition des connaissances se fait en pratiquant la technique, et les complications diminuent proportionnellement à l’expérience des praticiens. Si le CAP devenait une rareté, les performances et les connaissances diminueraient; cette baisse de qualité conduirait à des traitements moins adéquats, donc à une augmentation du coût thérapeutique [283]. Les enquêtes d’Iberti [115], de Gnägi [85] et de Squara [270] ont clairement démontré que les connaissances sont directement proportionnelles à la fréquence d’utilisation. Le cathétérisme pulmonaire est certainement un outil irremplaçable pour la recherche clinique et pour l'enseignement, ce qui conduit à un paradoxe: s'il faut en placer beaucoup, c'est pour apprendre à s'en passer ! Pour preuve, une enquête finlandaise portant sur 14'951 patients de soins intensifs n’a trouvé de corrélation entre l’invasivité du monitorage et l’efficacité des thérapeutiques que dans les hôpitaux d’enseignement [237]. En effet, l'expérience clinique des médecins module l’impact du CAP sur les projets thérapeutiques : le plan de traitement est influencé dans 38% des cas lorsque le médecin en charge est un aîné, mais dans 66% des cas lorsque le responsable est un assistant [181]. De plus, la pratique clinique des médecins qui ne disposent pas d’une technologie donnée est grandement influencée par ce qu’ils ont appris en utilisant ladite technologie sur d’autres patients auparavant [230]. En rejetant globalement la Swan-Ganz, on perd le bénéfice de ce transfert de connaissances. Les thérapeutiques se modifient constamment et l’ingénierie biomédicale progresse très rapidement. L’utilisation de la Swan-Ganz pouvait créer une différence dans le devenir des patients de chirurgie lorsqu’ils faisaient partie d’un contexte où la mortalité est élevée, mais comment induire une réduction significative lorsque la mortalité du pontage aorto-coronarien devient inférieure à 1% ? Les données des années quatre-vingt [214] ne sont certainement plus valables actuellement parce que les résultats chirurgicaux, la technique de CEC, l’évaluation préopératoire et la cardioprotection prériopératoire se sont améliorés à pas de géant. D'autre part, la préparation préopératoire des patients avec des bétabloqueurs, des statines et des antiplaquettaires s'est révélée bien plus efficace pour diminuer la mortalité et la morbidité des malades ischémiques que la sophistication des moyens de monitorage. Malgré la publication de consensus pratiques par l’American Society of Anesthesiology (ASA), par l’American College of Cardiology, par la Society for Critical Medicine, et par la FDA, « to swan or not to swan » reste une question en suspens [17,108b,200,228,229]. Dans ses dernières directives, l'ASA considère le cathéter pulmonaire comme nécessaire seulement chez les patients à haut risque prévus pour de la chirurgie majeure dans une institution coutumière de ce monitorage [229]. Par contre, si la technique n'est utilisée qu'exceptionnellement dans l'institution, son utilisation n'est pas recommandée. Pour en acquérir le savoir-faire, il faut procéder à 20 – 50 cathétérismes sous supervision, et en exécuter 25 par année pour le conserver [288]. L’utilisation routinière de cette surveillance pour toutes les interventions de chirurgie cardiaque est certainement une application inappropriée d’une technologie coûteuse, qui ne se justifie pas dans les cas dont le risque périopératoire est bas [257,292,303]. Le cathéter pulmonaire n’a un impact thérapeutique significatif que dans les circonstances où il est clairement indiqué (voir Indications au CAP) [267a]. En-dehors de ces dernières, il n’apporte rien et peut même aggraver le pronostic, comme le démontrent toutes les grandes séries dans lesquelles les patients sont équipés de CAP sans discrimination. L’attitude qui consiste à maximaliser le monitorage chez tous les malades par souci de sécurité et de simplification ("One size fits all") est contreproductive : il est délétère d’extrapoler aux cas simples une surveillance utile aux cas lourds parce que Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 41 l’impact thérapeutique est inexistant mais les complications bien présentes. Une prise en charge proactive et agressive est bénéfique dans les situations où la marge de sécurité est très réduite, mais elle augmente la morbidité, voire même la mortalité, lorsqu’elle s’adresse à des cas où la marge de manœuvre est grande : excès d’agents inotrope ou de volume perfusé, complications liées aux cathéters, recherche mono-idéique de la normalisation d’un chiffre au détriment de la situation clinique d’ensemble. Si sa pertinence porte sur la rapidité avec laquelle on peut corriger les altérations hémodynamiques, le CAP doit être déjà fonctionnel lorsque surviennent les complications, puisque le délai entre la décision de le poser et l’obtention des résultats est en moyenne de 120 minutes [146]. La décision de poser une Swan-Ganz doit donc se prendre en préopératoire. Or, la sélection des patients susceptibles d’en bénéficier reste intuitive. Elle se fonde sur le risque cardio-pulmonaire et sur l’importance des perturbations générées par l’intervention chirurgicale elle-même. Mais on est dans une situation d’indécidabilité logique puisqu’il est impossible de prouver l’efficacité d’un monitorage de précaution : en effet, celui-ci repose sur un enchaînement de cause à effet qui est inversé. Normalement, l’effet suit la cause ; dans le cas d’une mesure préventive, l’effet (la précaution) précède la cause (la catastrophe potentielle). Seule la survenue de la catastrophe peut prouver que la mesure de précaution aurait été utile. Il n’y en a aucune évidence avant son échec. Il n’y a donc pas moyen de justifier un équipement sophistiqué sur une réelle evidence-based attitude. Impact du cathéter artériel pulmonaire (CAP) L’impact d’un système de surveillance tient à l’interprétation des données fournies et aux décisions thérapeutiques que l’on en tire. Quarante-cinq années d’utilisation du cathéter pulmonaire de SwanGanz démontrent qu’il n’est clairement utile que dans des indications précises (altérations importantes de la circulation pulmonaire, chirurgie à fort retentissement hémodynamique chez des patients à haut risque). Par contre, son utilisation systématique n’améliore pas le pronostic des patients. Plusieurs considérations entrent en ligne de compte dans son efficacité : - Respect des indications particulières ; - Connaissances du personnel et interprétation des données hémodynamiques ; - Algorithmes thérapeutiques liés aux résultats du monitorage ; - Utilisation bien entraînée dans l’institution ; - Nécessités de l’enseignement clinique ; - Possibilités financières de l’institution. En cas de doute sur l’indication, il est préférable de pécher par excès et de mettre en place le CAP. Le CAP n’est pleinement utile que s’il est présent au moment de la complication hémodynamique. De ce fait, son indication contient toujours une part d’aléatoire puisqu’il n’est pas possible de savoir à l’avance si la complication se produira à coup sûr. Indications au CAP Malgré le manque de précision de la littérature récente, il se dégage de l’expérience clinique un certain consensus sur les situations où le cathétérisme pulmonaire modifie certainement le pronostic. Pathologies de la circulation pulmonaire : • Insuffisance ventriculaire droite • Hypertension pulmonaire (PAPs > 50 mmHg) • Maladie pulmonaire majeure : BPCO, asthme, etc • Perméabilité capillaire pulmonaire altérée : SDRA, choc toxique Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 42 Surcharge de la circulation pulmonaire : • Stase gauche : insuffisance et/ou dilatation ventriculaire gauche (FE < 0.35), pathologie mitrale • Hypervolémie : insuffisance rénale terminale, surcharge liquidienne Nécessité de mesurer le débit cardiaque et la SvO2 : • Situations susceptibles de devenir hémodynamiquement très instables (chirurgie de l'aorte thoracique, cœur battant) ou engendrant de grandes modifications hémodynamiques chez des malades à risque élevé • Choc septique, vasoplégie, grand brûlé, polytraumatisé, assistance ventriculaire • Mesure du débit cardiaque en cas de RAS très anormales (vasoplégie ou vasoconstriction intense) Cibler les indications, former les utilisateurs et améliorer l'interprétation des données sont certainement plus profitables qu'accumuler de grandes séries de patients dans le but de quantifier l'impact, car un système de surveillance ne vaut que ce que valent les conclusions thérapeutiques qu’on en tire. L’indication optimale pour un patient donné tient aux interactions entre quatre facteurs [303] : La sélection de patients présentant une dysfonction organique sévère ; La gravité de l’opération et les perturbations hémodynamiques qu’elle occasionne ; Les conditions hospitalières de soins, les connaissances et les performances du personnel ; Les algorithmes de prise en charge thérapeutique. C’est dans ce contexte que doit se résoudre la question du rapport coût / bénéfice du cathétérisme pulmonaire. Il repose sur une utilisation ciblée en fonction des pathologies et des interventions, sur une instrumentation prudente et soigneuse, sur une utilisation de toutes les ressources de la méthode (débit cardiaque, SvO2) et sur la recherche de réponse à des questions précises. Enfin, les indications de la Swan-Ganz varient en fonction des alternatives à disposition : le simple cathéter auriculaire droit avec mesure de la PVC et de la SmvO2, la tonomètrie gastrique (pHi), l’échocardiographie transoesophagienne (ETO), le Doppler oesophagien (DOe), l'analyse de la courbe artérielle périphérique (PiCCO) ou les systèmes non-invasifs (FlowTrack/Vigileo). Actuellement, les indications ont baissé de 50% par rapport à celles des années quatre-vingt-dix [311a]. Indications au cathéter artériel pulmonaire Pathologies de la circulation pulmonaire - Hypertension pulmonaire (PAPs > 50 mmHg) - Insuffisance ventriculaire droite - Maladie pulmonaire majeure - Altération de la perméabilité capillaire pulmonaire (SDRA, SIRS) Surcharge de la circulation pulmonaire - Insuffisance ventriculaire gauche (stase gauche) - Valvulopathie mitrale - Hypervolémie (insuffisance rénale, etc) Nécessité de mesurer le volume systolique et la SvO2 - Opérations entraînant de fortes variations hémodynamiques chez des malades à haut risque - Situations susceptibles de devenir hémodynamiquement très instables - Choc septique, vasoplégie, assistance ventriculaire - Mesure du débit cardiaque en cas de RAS anormales (vasoplégie, vasoconstriction intense) Etendre à tous les cas un monitorage qui n’est pertinent que pour des indications précises est contreproductif. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 43 Mise en place du cathéter artériel pulmonaire Installation, désinfection, champage et pose de l’introducteur se font selon la technique déjà décrite pour la voie veineuse centrale (voir Techniques de ponction). Après s’être assuré de la calibration du transducteur et du bon fonctionnement du ballonnet, la voie distale de la Swan-Ganz est reliée au moniteur (échelle 30 à 60 mmHg) ; la voie proximale est rincée puis fermée (Tableau 6.2). Les graduations du cathéter donnent la distance par rapport à l’extrémité et permettent de se repérer dans la progression. Depuis la jugulaire interne droite, on doit atteindre les cavités aux distances suivantes chez un adulte de taille normale (pressions normales) : Oreillette droite: Ventricule droit: Artère pulmonaire: Pression bloquée: 15 - 20 cm 30 - 40 cm 40 - 50 cm 50 - 60 cm (5-8 mmHg) (15-30 mmHg) (15-30/5-12 mmHg) (5-12 mmHg) Tableau 6.2 Technique de pose du cathéter pulmonaire de Swan-Ganz D’une manière générale, le cathéter de Swan-Ganz est indiqué en cas de chirurgie majeure chez les patients présentant une instabilité hémodynamique grave, une surcharge hémodynamique pulmonaire (stase gauche, maladie mitrale), une pathologie pulmonaire entraînant une altération hémodynamique (dysfonction droite, hypertension pulmonaire), ou un état d’hypervolémie ou d’altération de la membrane alvéolo-capillaire. Son apport pour l’évaluation de l’hypovolémie est très restreint. • • • • • • • • • • • • • • Après la mise en place de l’introducteur selon la technique décrite dans le Tableau 6.1, l’opérateur change de gants et dispose le cathéter sur un nouveau champ stérile, de manière à ce qu’il ne soit jamais en contact avec la peau. Passage de la housse de protection, puis contrôle du ballonnet par injection de 1.5 mL d’air ; celui-ci doit se dégonfler spontanément lorsque la pression est relâchée. Rinçage des voies proximales avec du NaCl 0.9% ; les voies sont fermées par des seringues ou des bouchons ; connexion de la voie distale au capteur de pression, contrôle du zéro. Le cathéter, positionné de manière à ce que sa courbure le dirige dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, est introduit jusqu’à 20 cm ; la courbe affichée sur le moniteur est une courbe auriculaire (OD). Le ballonnet est gonflé (volume maximal 1.5 mL) en contrôlant la persistance de la courbe auriculaire à l’écran ; le cathéter est avancé jusque dans le VD qui doit être atteint à moins de 35 cm ; l’avancement est continué jusqu’au franchissement de la valve pulmonaire (< 45 cm) ; la distance à laquelle est passée la valve pulmonaire est notée. Le franchissement des cavités cardiaques est en général facilité par une propulsion rapide du cathéter et des mouvements de rotation alternée (twisting) entre le pouce et l’index de manière à modifier légèrement mais continuellement l’orientation de la courbure. Dès qu’il est en artère pulmonaire, le cathéter est avancé lentement (maximum 5 – 7 cm) pour l’obtention d’une courbe de type auriculaire (pression artérielle pulmonaire d’occlusion : PAPO) ; la valeur est notée et le ballonnet dégonflé. Avant toute manipulation chirurgicale intra-thoracique (CEC, chirurgie cardiaque à cœur battant, exérèse pulmonaire, etc), le cathéter est retiré à 5 cm au-dessus de la valve pulmonaire (distance notée lors de l’introduction), de manière à ce qu’il reste dans un tronc artériel pulmonaire lors des gestes chirurgicaux. Après positionnement, le ballonnet n’est jamais gonflé sans qu’une courbe artérielle pulmonaire soit obtenue au préalable ; chaque mesure se fait en gonflant très progressivement le ballonnet de la quantité d’air juste nécessaire à obtenir une courbe de PAPO sur le moniteur ; retirer le cathéter de quelques centimètres si la courbe indique une occlusion prématurée (over-wedge). Lors des retraits du cathéter pour repositionnement, le ballonnet doit impérativement être dégonflé. En-dehors des mesures de PAPO, le ballonnet doit toujours rester dégonflé. Les substances vasoactives (en pompes-seringue) sont perfusées par la voie proximale blanche de la Swan-Ganz (VIP 5lumières), avec un entraînement de 20-60 ml/h (Ringer-lactate), et non par l’introducteur dont le gros diamètre du bras latéral (side-arm) permet des perfusions de volume à haut débit. Dans les situations d’urgence, l’anesthésiste ne dispose pas forcément du temps nécessaire au positionnement du cathéter pulmonaire ; dès la mise en place de l’introducteur, il peut introduire rapidement la Swan-Ganz en OD après en avoir rincé les lumières, et tirer la housse de protection en la fixant à 80 cm ; le positionnement et les mesures se feront ultérieurement lorsque la situation le permettra. Dans ce cas, ne jamais connecter de perfusion à la voie auriculaire (proximale), cqr elle coulerait dans la housse à l’extérieur du malade. Lorsqu’un patient est équipé d’un cathéter artériel pulmonaire, la mesure du débit cardiaque et les calculs hémodynamiques sont impératifs ; ces mesures, consignées dans des documents imprimés, sont répétées à intervalles réguliers, ou lors de changement de régime dans les substances vasoactives. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 44 Les autres points d’introduction étant plus éloignés du coeur, il faut jouter une certaine distance: + 10 cm pour la sous-clavière gauche et la jugulaire interne gauche, + 20 cm les veines antécubitales et + 30-50 cm pour la veine fémorale. Après l’introduction du cathéter, le ballonnet est gonflé lorsque le capteur affiche une pression de type auriculaire droite, à environ 20 cm (Figure 6.20). Le cathéter est avancé dans le ventricule droit, repéré par l’apparition de pics de pression systolique (noter la valeur numérique) mais de pression diastolique quasi nulle ; les pentes ascendante et descendante de l’onde de pression sont très raides et ont des angles identiques (courbe carrée). Les ESV sont fréquentes lors du passage intraventriculaire, surtout si le ballonnet est dégonflé ; il est prudent de ne pas s’attarder dans cette position. En continuant la progression, le cathéter pénètre dans l’artère pulmonaire (AP) : il apparaît une pression diastolique, à une valeur voisine de la moitié de la systolique; on voit un dicrotisme artériel, une pente ascendante moins raide que dans le VD, et une pente descendante plus arrondie (courbe triangulaire). On repère la distance à laquelle la valve pulmonaire a été franchie. Comme il traverse le VD, le cathéter pulmonaire reçoit une secousse à chaque systole ; ce mouvement se traduit par un aspect bifide du pic de pression systolique pulmonaire. Il peut arriver que survienne un tracé de pression auriculaire immédiatement après le passage en VD: il s’agit le plus souvent d’un retournement du cathéter qui fait une boucle dans le VD et revient sur lui-même en OD. Il peut aussi arriver que la pression ventriculaire n'apparaisse jamais, bien que la courbe de pression soit largement oscillante; il s'agit le plus souvent d'un passage dans le sinus coronaire ou dans une veine sus-hépatique. En continuant la progression depuis l’AP, on doit trouver une courbe de pression auriculaire après 5 à 10 cm: c’est la pression artérielle pulmonaire d'occlusion ou PAPO, qui représente le régime de pression de l’OG. On retrouve le tracé original de l’AP en dégonflant le ballonnet. La PAPO normale se définit comme une pression inférieure à la pression artérielle diastolique en phase télé-expiratoire, avec des ondes "a" et "v" typiques d’une oreillette. Si l’on observe leur synchronisation avec la pression systémique et l’ECG, l’onde "a" survient avant le pic de la pression artérielle, entre le P et le S de l’ECG, et l’onde "v" au dicrotisme artériel, à la fin de l’onde T (Figure 6.21). Cette synchronisation est le meilleur repère pour distinguer la PAPO de la pression artérielle pulmonaire en cas d’hypertension postcapillaire [290]. La meilleure estimation de la pression télédiastolique du VG est le pic de pression de l’onde "a" de PAPO. Figure 6.20 : Aspect de la courbe de pression lors de la progression d'un cathéter de Swan-Ganz. OD: courbe auriculaire droite. VD: courbe d'allure "carrée": la phase d'augmentation et la phase de diminution de la pression sont quasi-verticales, la phase diastolique est voisine de zéro mais débute par une cupule de pression négative. AP: apparition d'une pression diastolique voisine de la moitié de la valeur systolique; la forme de la courbe est "triangulaire": après une phase ascensionnelle moins verticale que celle du VD, la diminution de la pression est oblique. PAPO: la pression de type auriculaire (onde a et v), de valeur supérieure à la pression de l'OD. Pression (mmHg) 30 25 20 15 10 5 OD VD AP PAPO © Chassot 2012 Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 45 Par rapport à l’ECG, on remarque un délai de 150-200 msec entre les évènements électriques et les enregistrements de la PAPO à cause du temps nécessaire à la transmission rétrograde de l’onde de pression à travers les veines pulmonaires [311a]. Sur la radio du thorax, l’extrémité du cathéter ne doit pas se situer à plus de 3-5 cm de la ligne médiane. Le ballonnet ne doit en aucun cas rester gonflé. On doit toujours observer une courbe d’AP franche avant d’y injecter de l’air, car le cathéter peut migrer distalement, notamment lorsque le cœur est manipulé par le chirurgien et que les poumons ne sont plus ventilés pendant la CEC. La quantité d’air injecté (max 1.5 mL) doit être juste suffisante pour obtenir une courbe de PAPO. Toute surinflation est dangereuse. Avant la CEC, il est prudent de retirer le cathéter de quelques centimètres pour que son extrémité soit dans une branche de l’AP. A B © Chassot 2012 Figure 6.21 : La différentiation entre la courbe d'artère pulmonaire (AP) et celle de la pression bloquée (PAPO) peut parfois être difficile, notamment lorsque l'onde "v" est très importante (insuffisance mitrale massive, par exemple). En superposant la courbe de la Swan-Ganz (jaune) à celle du cathéter artériel (rouge), la différence devient plus évidente: alors que le pic de pression d'AP est synchrone avec celui de l'artrère systémique, l'onde "a" survient avant celle de la pression artérielle, et l'onde "v" a lieu au moment du dicrotisme artériel. A: superposition de la courbe artérielle systémique et de celle de l'AP. B: superposition de la courbe artérielle systémique et de celle de la PAPO. Les échelles de pression vont de 0 à 120 mmHg pour l'artère systémique et de 0 à 30 mmHg pour la Swan-Ganz. Mise en place du cathéter artériel pulmonaire La progression du CAP est contrôlée par la surveillance de la pression distale. - OD (15-20 cm) : PVC, ondes a et v (env 10 mmHg) ; - VD (30-35 cm) : courbe rectangulaire, pente verticale, Psyst = 25-50 mmHg, Pdiast = 0 ; - AP (40-45 cm) : courbe triangulaire, pente plus faible, PAPsyst = 25-50 mmHg, PAPdiast = 10-30 mmHg ; - PAPO (45-60 cm) : ondes a et v (10-15 mmHg). En superposition avec la courbe artérielle systémique : - PAPsyst synchrone avec le pic de PAsyst ; - Onde a : précède la courbe de pression artérielle systémique ; - Onde v : synchrone avec le dicrotisme de la courbe de pression artérielle systémique. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 46 Si l’AP n’a pas été atteinte après 60 cm, le cathéter s’est très probablement enroulé dans une cavité cardiaque. Cette situation est source d’arythmies et peut conduire à la formation de noeuds : au cours des battements ventriculaires, la Swan-Ganz s’enroule à l’intérieur d’une boucle. Lorsqu’on veut retirer le cathéter, celui-ci souque. On est en général contraint à des manoeuvres invasives pour l’extraire. L’incidence d’enroulement diminue si l’on avance à ballonnet gonflé, mais il ne faut jamais retirer le cathéter sans le dégonfler. Très souvent, le passage du cathéter de l’OD jusqu’en AP est facilité par une propulsion manuelle rapide accompagnée de petits mouvements de rotation du cathéter sur lui-même. Lorsque le cathéter s’enroule sans franchir la valve, l’ETO peut être une aide précieuse pour diriger la manoeuvre, particulièrement dans la vue admission-chasse du VD (60°). Complications du cathéter pulmonaire Les complications du cathéter pulmonaire sont liées à la ponction veineuse de l’introducteur, à son passage à travers le coeur droit, et à la présence de la sonde dans un vaisseau pulmonaire. Pose de l'introducteur : pneumothorax, ponction artérielle, hématome compressif, embolie gazeuse, lésion nerveuse; ces complications sont inhérentes à la technique de ponction veineuse centrale et à une éventuelle coagulopathie. Arythmies : les extrasystoles multifocales sont très fréquentes lors du passage dans les cavités cardiaques, et sont en général bénignes ; elles cessent par retrait ou avance rapides du cathéter. Leur probabilité diminue si le ballonnet est gonflé et si le passage intraventriculaire est accéléré. Les arythmies malignes sont rares: 3% des cas. Le déclenchement d'un bloc de branche droit (incidence: 0.1 - 4.3 %) peut conduire à un bloc AV complet en cas de BBG préalable, mais cette complication est très rare [269] ; traitement: perfusion d’isoprénaline, pace-maker externe, ou Swan-pace. Lésion anatomique valvulaire ou cardiaque (perforation et tamponnade) : jamais décrite avec le ballonnet gonflé. Une lésion valvulaire est possible lors du retrait de la sonde si le ballonnet reste gonflé par inadvertance. Complications mécaniques : rupture du ballon, noeud au cathéter (en cas de boucles par excès de longueur); les longueurs maximales auxquelles on doit atteindre les cavités cardiaques (par ponction jugulaire interne) sont : OD 20 cm, VD 35 cm, PAPO 50 cm. Infarcissement pulmonaire : occlusion prolongée, thrombose, cathéter laissé en place à long terme (incidence: jusqu'à 7%). Les cathéters enduits (heparin-coated), le maintien du ballonnet dégonflé entre les mesures et l'affichage constant de la courbe de pression en réduisent considérablement l'incidence. Hémorragie bronchique par rupture de l'artère pulmonaire : inflation trop brusque, trop importante, ou trop prolongée du ballon (temps d'inflation recommandé: 15 sec), cathéter trop distal dans l'AP (fréquent en sortant de CEC). Cette lésion est extrêmement dangereuse (mortalité 53%), particulièrement chez les patients anticoagulés ; son incidence est inférieure à 1:2’000 cas [127]. Elle se manifeste par une hémorragie bronchique cataclysmique (hémoptysie subite massive) qui commande un traitement d’urgence: • Ventilation sous PEEP 15 - 20 cm H2O ; • Réinflation du ballonnet 1-2 cm en amont de la lésion ; • Fibroscopie ou bronchoscopie rigide pour visualiser le siège de l’hémorragie ; • Transtubation avec un tube 2-lumières ; • Lobectomie ou pneumonectomie d’urgence. Il est capital de ne jamais gonfler le ballonnet sans avoir visualisé au préalable une courbe artérielle pulmonaire franche, pour s’assurer d’être dans un vaisseau de bon diamètre. Infections : les cultures de l'extrémité du cathéter sont souvent positives (jusqu'à 35% des cas), mais la portée de cette infection est variable: elle peut être locale au point de ponction (17% des cas) ou systémique (1-6% des cas) ; elle peut donner lieu à une endocardite lors de persistance à long terme [173]. L'incidence moyenne des infections est de 2%; elle croit exponentiellement avec la durée du cathéter au-delà de 72 heures [174]. Les risques septiques sont diminués de moitié lorsque le placement a lieu de manière élective dans le milieu stérile Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 47 d'une salle d'opération. Les données du CHUV montrent que les infections liées au cathéter pulmonaire sont rares (< 5 %) pour autant que le protocole d'utilisation soit correctement suivi et que le cathéter soit enlevé dès qu’il n’est plus nécessaire. En chirurgie cardiaque, la présence de la Swan-Ganz peut compromettre l'étanchéité de la canule veineuse cave supérieure pendant la CEC. Elle peut provoquer un désamorçage dangereux de la pompe par aspiration d'air via l'orifice proximal si celui-ci est malencontreusement ouvert à l'extérieur vers le capteur de pression. On peut éviter ces risques en retirant le cathéter pulmonaire en VCS avant la CEC lors de cardiotomie droite. On peut encore citer comme complication la distraction potentielle induite par l’analyse de la courbe de PAP, qui détourne l’attention de l’observation clinique, et l’excès de confiance dans les résultats des mesures. En résumé, les complications graves spécifiquement liées au cathéter de Swan-Ganz surviennent chez 0.1 - 0.5 % des patients chirurgicaux [228,229]. La mortalité qui leur est associée est de 0.02 – 0.1% [187]. Il est évident que l'expérience et la méticulosité du clinicien sont de première importance pour maintenir le taux de complications le plus bas possible. Complications du cathéter artériel pulmonaire Complications liées à la pose de l’introducteur : ponction artérielle, hématome, pneumothorax. Complications liées au passage à travers le cœur droit : - Extrasystoles multifocales ; - Bloc de branche droit (risque de bloc complet en cas de BBG préalable) ; - Lésion valvulaire (ballonnet dégonflé), enroulement du cathéter. Complications liées au cathéter en artère pulmonaire distale : - Infarcissement pulmonaire : ballonnet maintenu accidentellement gonflé en position distale ; - Rupture artérielle pulmonaire : gonflement du ballonnet alors que le CAP est en position bloquée. La rupture artérielle est la complication la plus grave (mortalité voisine de 50%) et se manifeste par une hémorragie bronchique cataclysmique. La cause est un défaut de contrôle au moment de gonfler le ballonnet : il faut toujours s’assurer d’avoir une courbe d’AP avant le gonflement. Complications infectieuses : incidence 2-5% ; infection cutanée, thrombus septique, endocardite. Taux de comlications graves : < 1%. Indications et contre-indications Vu son coût global (environ € 700-1’000.-), son invasivité et son taux de complications (0.1 - 4%), la sonde de Swan-Ganz ne doit être posée que sur une indication formelle. Elle n'est bénéfique que dans des populations particulières de patients chirurgicaux à haut risque. On peut adopter les règles suivantes comme principe de base pour décider des situations dans lesquelles l'indication au cathétérisme pulmonaire est péremptoire [42,302]: Aucune autre technique moins invasive ne peut apporter la même information ; Les données spécifiques recueillies ont une incidence significative sur la thérapeutique ; Le risque encouru est moindre que le bénéfice potentiel. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 48 Les indications au cathéter artériel pulmonaire sont résumées dans le Tableau 6.3. Il est certain que la seule mesure d'une pression pulmonaire bloquée n'est pas une justification suffisante à l'installation d'une sonde de Swan-Ganz. Elle ne prend son sens que si l’on en utilise toutes les prestations : mesure du volume systolique, du débit cardiaque, des résistances vasculaires, du travail ventriculaire, du transport d’O2 et de la SvO2. En chirurgie cardiaque, les variations de température corporelle modifient l'interprétation des données de la SvO2. Dans les valvulopathies, la Swan-Ganz est recommandée lors de dilatation ventriculaire, d'asymétrie ventriculaire fonctionnelle droite et gauche, et d'hypertension pulmonaire. La sténose mitrale, l'insuffisance mitrale et l'insuffisance aortique sévère remplissent ces conditions. Si la fonction et les dimensions du VG sont conservées, la sténose aortique et l'insuffisance mitrale sur prolapsus chez le jeune patient ne sont pas considérées comme des indications formelles au cathéter pulmonaire. L’intérêt majeur d’un cathéter pulmonaire tient dans la possibilité d’intervenir plus tôt lorsque se manifestent des dérives hémodynamiques, et d’apporter des corrections rapides avant la dégradation clinique globale. Cela veut dire qu’il n’est pleinement utile que s’il est mis en place avant que ne surviennent les perturbations. En dernier ressort, le jugement clinique de l'anesthésiste reste l'élément clef pour décider de son indication. Tableau 6.3 Indications générales au cathéter artériel pulmonaire de Swan-Ganz Pathologies de la circulation pulmonaire Insuffisance ventriculaire droite Hypertension artérielle pulmonaire (PAPmoy > 35 mmHg) Maladie pulmonaire majeure (BPCO, asthme) Altération de la perméabilité capilaire pulmonaire (SDRA, SIRS) Surcharge de la circulation pulmonaire Stase gauche : valvulopathie mitrale, insuffisance et/ou dilatation du VG Hypervolémie : insuffisance rénale terminale, anasarque Nécessité de mesurer le débit cardiaque et la SvO2 Opérations engendrant de grandes modifications hémodynamiques chez des malades à haut risque Situations susceptibles de devenir hémodynamiquement très instables (chirurgie de l'aorte thoracique) Choc cardiogène ou septique, vasoplégie, assistance ventriculaire Mesure de DC en cas de RAS anormales (vasoplégie, vasoconstriction intense) Etendre à tous les cas un monitorage qui n’est pertinent que pour des indications précises est contre-productif. Contre-indications La première contre-indication est l’absence d’indication ! Pour le reste, il existe certaines situations dans lesquelles sa mise en place est grevée d’incidents : Arythmies ventriculaires sévères : risque d'induire une crise maligne ; BBG : risque d'induire un BBD, donc un bloc complet ; Anticoagulation ou coagulopathie : risque hémorragique au site de ponction ; Communication droite-gauche (CIA) : risque de passage dans le cœur gauche ; Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 49 Sonde de pace-maker mise en place moins de 6 semaines auparavant : risque de déplacement de la sonde. Pressions enregistrées Pression artérielle pulmonaire (PAP) et pression capillaire (Pcap) La pression artérielle pulmonaire systolique (PAPs) reflète la fonction du VD et les résistances artérielles pulmonaires. La pression pulmonaire diastolique (PAPd) est modifiée par la pression de remplissage du lit pulmonaire (volume circulant), par les résistance pulmonaires artérielles et veineuses, et par la pression moyenne qui règne dans l'oreillette gauche. En l'absence de pathologie post-capillaire, la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) reflète la pression de l'oreillette gauche (POG). Celle-ci est superposable à la pression diastolique du ventricule gauche si la valve mitrale et la compliance du VG sont normales ; de nombreuses situations perturbent ces relations. En situation normale, la pression télédiastolique du VG (PtdVG) est probablement le mieux représentée par le pic de l'onde "a" de la contraction auriculaire [11]. Une différence de pression de plus de 12-15 mmHg entre la PAP diastolique et la PAPO sont le signe d'une hypertension pulmonaire précapillaire. Les pressions pulmonaires et la PVC sont influencées par les pressions régnant dans le thorax (Pit). Les répercussions de la ventilation mécanique en pression positive sont complexes, car elles sont dépendantes de la compliance thoracique et pulmonaire. Pour éviter les interférences avec la ventilation, les mesures doivent s'effectuer pendant la pause téléexpiratoire. Le terme pression capillaire pulmonaire ou Pcap est abusivement utilisé en lieu et place de PAPO ; or, il ne s’agit pas des mêmes mesures. Comme le sang continue à progresser des capillaires par les veines pulmonaires vers l’OG, la Pcap est de 3 à 10 mmHg plus élevée que la PAPO. La pression hydrostatique qui règne dans les capillaires pulmonaires est le principal élément qui conduit à l’extravasation liquidienne dans l’interstitium. En cas d’altérations de la perméabilité ou de la compliance du réseau capillaire (SDRA, SIRS, sepsis, insuffisance congestive gauche, etc), cette mesure est un indice de première importance pour régler l’administration liquidienne. Malheureusement, la mesure de la Pcap est difficile à réaliser pratiquement. Elle s’estime au point d’inflexion de la courbe de pression lorsqu’on gonfle le ballonnet pour passer de la PAP à la PAPO (Figure 6.22) [281]. L’implication clinique de cette donnée est une sous-estimation possible de la Pcap réelle du patient par la PAPO. Cela fait courir le risque d’une administration liquidienne excessive lorsque cette dernière est le repère choisi pour guider la thérapeutique, particulièrement chez les malades qui présentent une large différence entre la pression artérielle pulmonaire diastolique (PAPd) et la PAPO [262]. Le gradient entre la Pcap et la PAPO est un indice des résistances postcapillaires ; il augmente lors d'administration de vasoconstricteurs pulmonaires (catécholamines, protamine) ou lors de transsudation (pré-OAP, SDRA). Pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) Quatre critères de validité doivent être remplis pour garantir une valeur fiable dans la lecture de la pression distale une fois le ballonnet gonflé. La PAPO est inférieure à la pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) et inférieure ou égale à la pression artérielle pulmonaire diastolique (PAPd) sauf en cas de grande onde "v". La courbe affichée de la PAPO est une courbe auriculaire : ondes "a" et "v", descentes "x" et "y" ; par rapport à la courbe de pression artérielle systémique, l’onde "a" précède la partie ascendante de la courbe et l’onde "v" est synchrone avec le dicrotisme artériel. Dégonfler le ballonnet doit faire réapparaître une courbe d'artère pulmonaire et le regonfler doit reproduire une image de PAPO. En chirurgie cardiaque, les manipulations du coeur et les Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 50 variations de température lors de la CEC provoquent une migration distale du cathéter qu'il convient en général de repositionner lors de la mise en charge. Il est impératif de toujours obtenir une courbe d’AP avant de gonfler le ballonnet, sous peine de rupture artérielle pulmonaire. L'aspiration de sang doit être aisée. Lorsque le ballonnet est dégonflé, l'échantillon est du sang veineux central (aspiration très lente pour éviter une contamination par du sang postcapillaire) ; en position bloquée, on obtient du sang artérialisé. Figure 6.22 : Tracé représentant la décroissance de la courbe de pression obtenue à partir de la PAP après gonflement du ballon. Le point d'inflexion de la courbe estime la valeur de la pression capillaire effective "Pce" (flèche rouge). Pcap: pression capillaire. PAP: pression artérielle pulmonaire. PAPO: pression artérielle pulmonaire d'occlusion [281]. Pcap En cas de dysfonction diastolique du VG, la distensibilité du myocarde est très altérée. Lorsque l’OG se contracte, une partie du sang qu’elle contient reflue dans les veines pulmonaires parce que le VG offre trop de résistance au flux à travers la valve mitrale et parce qu’il n’existe pas de valves sur les veines pulmonaires. De ce fait, l’onde de pression "a" enregistrée dans les capillaires pulmonaires est très proéminente (Figure 6.23A). De grandes ondes "a" trouvent également leur origine dans la sténose mitrale (en l’absence de FA), les rythmes jonctionnels ou le bloc AV complet (contraction auriculaire simultanée à la fermeture de la valve mitrale), et la présence d’un volumineux myxome. Dans de telles situations, la pression télédiastolique du VG est le mieux représentée par la ligne de base de la pression bloquée, au pied de l’onde "a", et non à son pic. De grandes ondes "v" se rencontrent en cas d’insuffisance congestive du VG, de CIV, de sténose mitrale et, le plus typiquement, d’insuffisance mitrale. Lors de régurgitation mitrale aiguë, l’onde "v" peut devenir gigantesque et peut être confondue avec la pression systolique pulmonaire (PAPs). Manoeuvrer le ballonnet ou le cathéter ne permet pas de s'assurer de la position en capillaire bloquée. Seul le décalage dans le temps permet de différencier la PAPO de la PAPs par superposition avec la courbe artérielle systémique : la PAPs est synchronisée avec le pic de pression systolique systémique (pendant l'onde T), alors que l'onde "v" survient au dicrotisme systémique, légèrement plus tard que l'onde "v" de l'insuffisance mitrale sur le tracé de la PAPO (Figure 6.21). L’importance de l’onde "v" n’est pas directement liée au volume de sang régurgité par la valve mitrale, car la valeur du pic de pression auriculaire gauche est principalement fonction de la compliance de l’OG et de la force d’éjection du VG [206]. Une insuffisance mitrale peut être présente sans onde "v" sur la PAPO si l’OG est très dilatée et très compliante ou si le VG est en insuffisance congestive sévère. Par contre, la variation de cette onde en cours de surveillance est pathognomonique de changements dans l'état fonctionnel du ventricule ou de la valve mitrale. En présence de ce type de pathologie, la PAPO moyenne ne représente plus la PtdVG; on estime cette dernière par l’onde "a", en général normale, ou par la valeur de la ligne de base. Le diagramme de Wiggers résume la relation entre les différentes pressions du coeur gauche (Figure 6.24 ; voir aussi Figure 5.81). Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 51 Il est courant d'assimiler la phase diastolique de la PAPO à la précharge du VG, parce que, en diastole, la colonne de sang est ininterrompue entre le capillaire pulmonaire, la veine pulmonaire, l'OG et le VG. Cette supposition implique l'absence d'obstacle (valvulopathie mitrale, par exemple) ou d'interférence (élévation de pression postcapillaire ou intrathoracique) sur la colonne de sang. Elle implique aussi une relation linéaire entre la pression et le volume intraventriculaires (voir ci dessous Relation pression/volume). A B a v v a v PAPs a Figure 6.23 : Ondes "a" et "v" sur la courbe de PAPO. La PAP systolique est synchrone avec le pic de pression artérielle systémique (courbe rouge) ; l’onde "a" survient avant l’éjection systémique, alors que l’onde "v" survient pendant le dicrotisme aortique. A : courbe de PAPO (jaune) superposée à une courbe artérielle systémique (rouge). L'onde "a" est très importante, alors que l'onde "v" est normale. Ce tracé signe une insuffisance diastolique du VG: lorsque l'OG se contracte normalement en fin de diastole, le sang est propulsé à travers la valve mitrale; cependant, si le VG est peu distensible (baisse de compliance), une partie du sang reflue dans les veines pulmonaires, dépourvues de valves. Il apparaît alors une onde "a" prééminente. B : Courbe de PAPO avec onde "v" (marquée par la flèche) très importante, alors que l'onde "a" est normale. L'onde "v" de l'IM survient un peu plus tôt que l’onde "v" physiologique car elle est un événement mésosystolique (onde "cv"), mais un peu plus tard que celle que sur celle de l'insuffisance tricuspidienne sur le tracé de la PVC. Relation entre la PAPO et la PtdVG La pression télédiastolique du VG (PtdVG) est le mieux représentée par le creux (descente "z".) précédant l’onde "c" de la PAPO, puisque c’est le dernier point où la pression des deux cavités sont en équilibre. La pression effective à l'intérieur d'un vaisseau thoracique est sa pression transmurale (Ptm). Une augmentation de la pression intrathoracique (Pit) par la ventilation en pression positive diminue la Ptm si la pression intracavitaire (Pic) n'a pas augmenté d'une valeur équivalente (par une hypervolémie, par exemple). Dans ce cas, la pression lue à la l'extrémité du cathéter en référence à la Patm ne représente plus la pression de remplissage réelle. De nombreuses circonstances modifient la relation entre la Pic et la Pit, et commandent de lire la PAPO ou la Pcap avec beaucoup de circonspection. Ce sont par exemple la ventilation en pression positive (IPPV), la PEEP, l’hypovolémie, les pathologies pulmonaires et médiastinales. Les pathologies valvulaires affectent la corrélation entre la PAPO et la PtdVG de manière importante (Tableau 6.4). Les maladies mitrales élèvent la POG au-dessus de la PtdVG: la sténose crée un barrage au flux diastolique, l'insuffisance induit une régurgitation auriculaire (onde "v"). L'ampleur de cette onde "v" n'est pas proportionnelle au degré de régurgitation, mais dépend de la Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 52 compliance de l’OG et de la force motrice du VG. Une OG très dilatée amortit l’à-coup de volume provoqué par l’IM, et l’onde "v" est minime. L'insuffisance aortique sévère et/ou aiguë provoque une fermeture prématurée de la valve mitrale par remplissage rapide du VG en diastole: la POG est plus basse que la PtdVG réelle. Figure 6.24 : Représentation des pressions gauches au cours d'un cycle cardiaque (diagramme de Wiggers). Art : courbe artérielle. VG : pression intraventriculaire gauche. PAPO : pression artérielle pulmonaire d’occlusion (OG). 1: phase de contraction isovolumétrique. 2: phase d'éjection rapide. 3: phase d'éjection tardive. 4: phase de relaxation isovolumétrique. 5: remplissage ventriculaire rapide protodiastolique. 6: diastasis du remplissage ventriculaire. 7: systole auriculaire. OA: ouverture de la valve aortique. FA: fermeture de la valve aortique. OM: ouverture de la valve mitrale. FM: fermeture de la valve mitrale. Art VG a a c v z 1 FM OA 2 PAPO y x 3 FA OM 4 5 6 FM © Chassot 2012 La valeur des pics de pression sur les ondes "a" ou "v" modifient évidemment la PAPO moyenne, dont le chiffre surestime la PtdVG dans trois circonstances. Grande onde "a". Lorsque la compliance ventriculaire gauche est très faible (insuffisance diastolique), la contraction auriculaire provoque un reflux dans les veines pulmonaires et y élève brusquement la pression, car le VG ne se laisse pas distendre normalement. Lors d’extrasystolie ventriculaire, de bloc de branche complet et de BAV III, la contractions auriculaire désynchronisée survient alors que la valve mitrale est fermée (cannon waves), ce qui augmente la POG (Figure 6.23A). Grande onde "v". L’onde "v" devient très importante en cas d’insuffisance mitrale ou de précharge gauche excessive (hypervolémie, insuffisance congestive du VG) ; elle est d’autant plus marquée que l’OG est moins compliante (Figure 6.23B). L'onde "v" de l'IM survient plus tôt que l’onde "v" physiologique car elle est un événement mésosystolique (onde "c-v"). Sommation "a" + "v". La tachycardie qui accompagne l’hypovolémie provoque un télescopage de l’onde "a" et de l’onde "v" ; la POG lue en PAPO en est artificiellement augmentée (Figure 6.25). Dans ces circonstances, la pression diastolique pulmonaire (PAPd) est une mesure plus fiable que la PAPO. Il arrive aussi qu’on soit contraint de mesurer la PAPd parce que la PAPO n’est pas utilisable pour des raisons techniques [290]. Normalement, la différence entre ces deux valeurs est inférieure à 5 mmHg. Cependant, ce gradient peut s’élargir en cas d’hypertension pulmonaire, qu’elle soit fixée (BPCO, embolie) ou transitoire (hypoxie, hypercarbie, acidose, injection de protamine, etc). Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 53 Tableau 6.4 Conditions qui modifient la relation PAPO – PtdVG PAPO > POG > PtdVG • • • • • • • • • • Cathéter en zone non-III de West Ventilation en pression positive Pression intrathoracique élevée, PEEP Tachycardie Compression veineuse Obstruction mitrale Régurgitation mitrale Résistances artérielles pulmonaires élevées BPCO sévère Shunt droit – gauche PAPO < POG < PtdVG • • • • VG non compliant Lit vasculaire pulmonaire rétréci Régurgitation aortique PtdVG > 25 mmHg A B © Chassot 2012 Figure 6.25 : Effet de la tachycardie sur la lecture de pression de la PAPO. A: normocardie (fréquence 60 batt/min). B: tachycardie (fréquence 120 batt/min); la descente "x" a presque disparu, les ondes "a" et "v" se téléscopent; dans ces conditions, la pression moyenne calculée par le moniteur est plus élevée que la réalité. Effets de la ventilation La relation entre la PAPO et la POG est influencée par trois phénomènes: la pression alvéolaire (Palv), la pression veineuse pulmonaire (PVP) et la position distale du cathéter. Du fait de la gravité, le flux sanguin pulmonaire se répartit en trois zones verticales, dites zones de West (Figure 6.26): Zone I (zone supérieure). Les pressions de perfusion sont inférieures au zéro de référence et la pression alvéolaire (Palv) est plus élevée : Palv > PAP > PVP. Zone II (zone moyenne). La pression artérielle est positive, mais la pression veineuse reste inférieure au zéro de référence : PAP > Palv > PVP. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 54 Zone III (zone inférieure). Les pressions intravasculaires sont supérieures à la pression alvéolaire; les capillaires sont ouverts en permanence; la PAP reflète la pression de l’OG dans cette situation seulement : PAP > PVP > Palv. L'extrémité distale du cathéter doit donc se trouver dans une région pulmonaire correspondant à une zone III, ce qui est heureusement le cas la plupart du temps, car le cathéter flotté suit le flux maximal. En décubitus dorsal, il se positionne donc postérieurement, très souvent à droite à cause de la courbure du cathéter qui l’oriente vers l’artère pulmonaire droite. Radiologiquement, la pointe du cathéter doit être au niveau ou au-dessous de l'OG sur un cliché latéral. Gonfler le ballonnet en zone II ou I reviendrait à mesurer la Palv en inspirium (zone II) ou en permanence (zone I). Zone I Zone II OG VG Zone III PAP Palv PVP Figure 6.26 : Zones pulmonaires de West. PAP: pression artérielle pulmonaire. Palv: pression alvéolaire. PVP: pression veineuse pulmonaire. Dans la zone I: Palv > PAP > PVP Dans la zone II: PAP > Palv > PVP Dans la zone III: PAP > PVP > Palv La pression alvéolaire représente un obstacle (zone I) ou non (zone III) à la transmission des pressions selon le degré de remplissage vasculaire. La ventilation, spontanée ou contrôlée, ne permet un équilibre des pressions intra- et extra-thoraciques qu'en fin d'expirium: les mesures doivent être effectuées à cette période. L’inspirium de la ventilation mécanique fait passer le cathéter de zone III en zone II. En instaurant une PEEP, on augmente la pression alvéolaire, et la majeure partie des poumons passe en zone II, rendant la relation PAPO-POG aléatoire. Ce phénomène est préoccupant pour des valeurs de PEEP > 10 cm H2 O. Comme elle baisse la PVP, l’hypovolémie conduit également à un passage du poumon en zone II. Si la compliance pulmonaire est normale, un positionnement en zone non-III se reconnaît lorsque l'on instaure une PEEP: la PAPO augmente de plus de 50 % de la valeur de la PEEP et ne représente plus la PtdVG (Figure 6.27). On peut évaluer cette différence en observant le degré d’augmentation inspiratoire (Δinsp) de la PAPO par rapport à celui de la PAP : si le rapport Δinsp PAPO / Δinsp PAP reste voisin de 1, le cathéter pulmonaire reste en zone III et la mesure de la PtdVG reste fiable. Un rapport inspiratoire très supérieur à 1 signifie que la PAPO augmente parallèlement à la Palv et ne représente plus la Ptd du VG [281]. Cependant, la mauvaise compliance des poumons de SDRA ou de BPCO transmet mal la pression, et le modèle des zones de West n'y est pas strictement applicable. Procéder à des mesures en supprimant brusquement la PEEP conduit à une hypervolémie pulmonaire momentanée par augmentation du retour veineux au coeur droit, et ne donne pas non plus des valeurs Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 55 correspondant à l'hémodynamique réelle du patient. L'hypoxémie résultante est dangereuse et peut provoquer une augmentation des résistances artérielles pulmonaires. Les mêmes remarques s'appliquent aux malades souffrant de BPCO avec air-trapping qui font de l'auto-PEEP. La pression des veines pulmonaires (PVP) peut être élevée pathologiquement: fibrose, compression médiastinale, thrombose. La Pcap et la PAPO sont alors plus hautes que la pression de l’OG. La diminution du lit vasculaire pulmonaire (pneumonectomie, embolie) fait que l'occlusion créée par le ballonnet interrompt une plus grande proportion du flux pulmonaire que normalement et limite significativement le remplissage de l'OG : la PAPO sous-estime la POG. Figure 6.27 : Passage de zone III en zone II sous l'effet du PEEP [281]. A: Le rapport entre les variations respiratoires de la PAP, de la PAPO ou de la Pcap sont identiques; le cathéter est en zone III. B: La mise sous PEEP (18 cm H2O) entraîne une diminution du rapport ΔPAP / ΔPAPO; les variations respiratoires de la PAPO beaucoup plus importantes que celles de la PAP traduisent un passage du cathéter en zone II. Zone III ΔPAP A ΔPAPO ΔPAP B Zone II ΔPAPO Relation pression / volume La précharge ventriculaire est définie comme la force qui distend le VG en fin de diastole. Elle est représentée par le volume télédiastolique. En fonction de la relaxation et de la distensibilité ventriculaires, celui-ci exerce une certaine pression. La compliance du VG, ou relation pression volume de celui-ci en télédiastole (dV/dP), est une fonction curvilinéaire (Figure 6.16) : elle est plus grande à bas qu'à haut volume de remplissage. A précharge basse, la courbe de compliance est très plate ; une grande variation de volume s'accompagne d'une faible différence de pression. En hypovolémie, la corrélation entre les pressions et les volumes de remplissage est aléatoire (r = 0.3 0.5), et la pression n’est pas un indice de précharge [93,148,285,286]. A précharge haute, au contraire, une variation de volume se traduit par une variation de pression proportionnelle (mais non linéaire) ; en hypervolémie, la PAPO devient un indice fiable de remplissage. Si une épreuve de charge volémique (250 ml NaCl 0.9 % en 10 minutes) n'augmente pas la PAPO d'au moins 3 mmHg, le patient est encore sur la partie plate de la courbe de compliance. Le genou de la courbe est atteint lorsque la POG augmente d'au-moins 7 mmHg [297]. La lecture d’une pression de remplissage n’est donc pas un indice pertinent du volume intracavitaire lorsque ce dernier est bas, mais fiable lorsqu’il est élevé [163,199]. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 56 La courbe de compliance ventriculaire est modifiée en cas de dysfonction diastolique ; elle se redresse et se déplace vers le haut et vers la gauche (voir chapitre 12 Insuffisance diastolique). Ces altérations diastoliques tendent à modifier la corrélation existant entre la pression et le volume, et à augmenter les pressions de remplissage nécessaires pour obtenir la même précharge. Il n'est pas rare de rencontrer des malades hypovolémiques avec une PAPO de 15 à 18 mm Hg dans cette situation [285]. Pressions enregistrées par le cathéter artériel pulmonaire PAPsyst > PAPdiast > Pcap > PAPO Le pic de l’onde "a" de la PAPO (pression artérielle pulmonaire d’occlusion) est la valeur la plus voisine de la Ptd du VG. La Pcap se mesure au point d’inflexion de la courbe lorsqu’on gonfle le ballonnet. HTAP précapillaire : PAPdiast > PAPO de > 12 mmHg. HTAP postcapillaire : PAPdiast ≤ PAPO. IM sévère : l’onde "v" peut ressembler à la PAPsyst. On les différencie par la synchronisation de la PAPO et de la courbe artérielle systémique : - Onde a : précède la courbe de pression artérielle systémique ; - Onde v : synchrone avec le dichrotisme de la courbe de pression artérielle systémique ; - PAPsyst synchrone avec le pic de PAsyst. La PAPO surestime la PtdVG si : - Grande onde a (insuffisance diastolique et reflux veineux pulmonaire lors de la contraction auriculaire ; - Grande onde v (insuffisance mitrale et OG peu compliante) ; - Sommation a + v (tachycardie et hypovolémie). La PAPO ne correspond pas à la PtdVG en cas de sténose mitrale ou d’insuffisance aortique (fermeture prématurée de la valve mitrale par le remplissage de l’IA). Cas particulier : l’hypovolémie Bien qu'on l'utilise trop souvent dans ce but, la PAPO est un mauvais critère d'hypovolémie. Sa faible corrélation au volume télédiastolique du VG la rend impropre à cet effet [285]. Il existe plusieurs raisons pour lesquelles la PAPO surestime la pression réelle de l’OG et n’est pas un indice efficace du volume télédiastolique ventriculaire en hypovolémie. La courbe de compliance des chambres cardiaques est très plate à bas volume ; les variations de pression sont quasi-inexistantes par rapport aux variations de volume. Ni la mesure isolée ni la variation de plusieurs mesures de pression ne sont des critères fiables de remplissage en hypovolémie. L’hypovolémie diminue principalement le volume contenu dans les grandes veines, dont les parois souples collabent aisément. Cette baisse de la pression veineuse pulmonaire (PVP) équivaut à un passage du cathéter de la zone III à la zone II de West dès que la Pit s’élève. La pression mesurée est la Palv et non la pression de l’OG. Ce phénomène est particulièrement évident pendant l’inspirium de la ventilation en pression positive et sous PEEP [281]. La pression critique de fermeture des veines pulmonaires peut être atteinte lorsque leur remplissage s’effondre. La colonne de sang reliant les veines pulmonaires à l’OG est interrompue ; la PAPO ne peut plus refléter la POG. Une tachycardie supérieure à 110 battements/min conduit à un téléscopage des ondes auriculaires "a" et "v" et ne laisse plus un temps suffisant pour les descentes "x" et "y" ; d’autre part, l'OG se contracte contre une mitrale en voie de fermeture. La PAPO surestime donc la PtdVG (voir Figure 6.25). Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 57 Ces différents points maintiennent une PAPO plus élevée que la précharge réelle du VG et induisent une sous-estimation parfois grossière du degré d'hypovolémie. PAPO et volémie La PAPO est un très faible critère d’hypovolémie pour quatre raisons : - La courbe de compliance est quasi-horizontale à bas volume de remplissage (ΔV = 0 ΔP) ; - Le poumon passe en zone II de West (PAPO = Palv) ; - La Pcrit de fermeture des veines pulmonaires est atteinte en inspirium d’IPPV (zone I) ; - Sommation de l’onde a et de l’onde v par la tachycardie. La PAPO est au contraire fondamentale pour gérer l’administration liquidienne en cas d’hypervolémie, de stase gauche et de perméabilité capillaire exaggérée. Mesure du débit cardiaque Le débit cardiaque (DC) évalue la performance globale de l’ensemble cœur – vaisseaux – volume circulant, et mesure son adéquation par rapport aux besoins de l’organisme. Il n’est nullement une estimation de la fonction systolique des ventricules. Sa valeur prédictive pour la dysfonction ventriculaire est très faible, puisque le coefficient de corrélation entre le DC et la FE est inférieur à 0.3 [12,76]. Principe de Fick et dilution d’un indicateur Le principe de Fick détermine le DC par le rapport entre la consommation d’O2 (VO2) et la différence artério-veineuse dans le contenu du sang en O2 : VO2 / (CaO2 – CvO2). La VO2 est le produit du volume d’air expiré et de la différence de contenu en O2 de l’air inspiré et de l’air expiré. Le CvO2 se mesure dans le sang veineux mêlé de l’artère pulmonaire. Le même calcul peut se faire avec le CO2 (voir NiCCO). Le calcul du DC par la courbe de dilution d’un indicateur repose sur le fait que la quantité de substance injectée dans la circulation en un point est la même que celle mesurée en un autre point en aval. La quantité de produit détecté en aval est égale au produit du DC et de la différence de concentration dans le temps ; c’est le principe de Stewart-Hamilton. La courbe de dilution du produit a une forme en cloche (voir Figure 6.32) ; le débit cardiaque est le rapport entre la quantité d’indicateur injecté (I) et la surface sous la courbe : DC = I / ∫ Cdt (où C est la concentration mesurée de l’indicateur). Thermodilution Le cathéter de Swan-Ganz calcule le débit dans l’artère pulmonaire, donc le débit du cœur droit, par l'analyse instantanée de la baisse de la température sanguine (thermistor distal) lors de l'injection proximale (OD) de soluté froid (10 mL NaCl 0.9% ou Glucose 5% à 6°C ou à température ambiante). Le calcul se fait selon une modification de la formule de Stewart-Hamilton puisque l’indicateur est une température et non une concentration [110]: DC = [ Vinj (T°s – T°inj) • K1 • K2 ] / ∫ ΔT°s (t) • dt Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 58 où: Vinj: T°s: T°inj: K1: K2: volume de l'injectat température du sang température de l'injectat rapport de la densité et de la chaleur spécifiques de l'injectat et du sang constante de calcul tenant compte de l'espace mort du cathéter, du réchauffement de l'injectat dans cet espace, et de la vitesse d'injection T°s(t): changement (Δ) de température du sang en fonction du temps Le débit cardiaque est inversement proportionnel à la chute de température du sang et au temps de transit du bolus froid (surface sous la courbe) [219a]. Le bien-fondé de cette mesure repose sur un certain nombre de suppositions : le flux pulmonaire et la volémie sont constants pendant les mesures, l’indicateur ne subit ni perte ni recirculation, il n’y a ni insuffisance tricuspidienne ni shunt intracardiaque. Les erreurs habituelles sur le calcul sont de 2-5% pour trois mesures successives et de 10% pour des mesures isolées [138,235]. Les valeurs obtenues sont d'autant plus précises que la différence de température entre l'injectat et le sang est grande et que le volume injecté est important. Une augmentation de 1°C de la solution se traduit par une surestimation de 3% sur le calcul du débit cardiaque avec injectat froid (4-6°C) et de 8% avec un injectat à température ambiante (20-22°C). La chaleur et la densité spécifiques du glucose 5% et du NaCl 0.9% sont suffisamment voisines pour que leur utilisation soit équivalente. Le temps d'injection de 10 mL doit être inférieur à 4 secondes, et le délai entre les injections supérieur à 90 secondes pour permettre la rééquilibration de la température du sang. Les mesures doivent se faire en phase télé-expiratoire, car le DC varie de 10% au cours d’un cycle ventilatoire [267]. En présence d'une insuffisance tricuspidienne (IT) significative, il est habituellement admis que la thermodilution pulmonaire sous-estime le débit cardiaque réel [21], mais ceci ne semble vrai que dans les situations de haut débit car l’IT conduit à une surestimation du DC en cas de bas débit [219a]. Le DC est également surestimé par la thermodilution en cas de shunt gauche – droite [21]. Comme l'hypertension pulmonaire s'accompagne en général d'une IT, la Swan-Ganz sousestime le DC lorsque la PAP est élevée. En cas d'arythmies, il est capital de procéder à un échantillonnage élevé pour compenser les variations de volume systolique. En conditions cliniques, il est recommandé d'écarter la première mesure et d'effectuer la moyenne de 3 mesures consécutives. Les valeurs normales des différents enregistrements effectués par le cathéter artériel pulmonaire sont résumées dans le Tableau 6.5. Il est habituel de rapporter le débit cardiaque et le volume systolique à la taille du patient, puisqu'ils varient de manière parallèle (valeurs indexées). Ce n'est pas le cas pour la pression artérielle, qui est indépendante de la taille. De ce fait, les résistances calculées sont plus élevées pour un individu petit que pour un grand; il est donc logique d'indexer les résistances périphériques. De plus, en se divisant en périphérie, les artères forment des embranchements "en parallèle" dont l'arborescence est proportionnelle à la taille de l'individu ; les grands individus ont des résistances inférieures aux petits parce qu'ils possèdent plus de vaisseaux en parallèle. Calcul de postcharge La postcharge du ventricule est la somme de cinq éléments : la résistance artérielle périphérique (RAS et RAP), l’impédance aortique (ZAo), la compliance artérielle (Ca = VS / PAdiff), l’onde de pression réfléchie et la viscosité sanguine (Ht). En clinique, seule la résistance artérielle est mesurée ; elle est calculée par application de la loi d'Ohm : RAS = (PAM - POD) / DC où : PAM : pression artérielle moyenne DC : débit cardiaque Les unités utilisées sont les dynes • sec • cm-5, mais on peut simplifier le calcul en utilisant les unités Wood: mmHg • L • min ; la conversion des unités Wood en unités standard se fait en multipliant par Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 59 80. La pression d'aval utilisée dans le calcul des résistances systémiques (POD) peut être très inférieure à la pression veineuse réelle lorsque la pression critique de fermeture des veines centrales est atteinte et qu'elle provoque un barrage sur le retour veineux au coeur droit (hypovolémie, surpression inspiratoire abdominale). La loi d'Ohm est en elle-même une simplifiction car elle s'applique à des systèmes continus non-pulsatiles. C’est l'impédance (ZAo) qui est la mesure de postcharge dans les système pulsatiles. Elle est le rapport entre la pression instantanée et le flux : ZAo = P(t) / F = ( ρ • √ Vmax • ΔP ) ( π • r2 ) (dt) Tableau 6.5 Valeurs hémodynamiques du cathétérisme droit Définition Valeur normale Pression artérielle moyenne (PAM) : 1/3 (PAsyst - PAdiast) + PAdiast 75 – 90 mmHg Pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) : 12 – 20 mmHg Index cardiaque (IC) : débit cardiaque / surface corporelle 3 – 4.5 L/min/m2 Index systolique (IS) : volume systolique / surface corporelle 40-80 mL/ m2 Résistances vasculaires systémiques (RVS) : [ (PAM - PVC) / DC ] • 80 1500-2200 dynes sec cm-5 Résistances vasculaires pulmonaires (RVP) : [ (PAPm - PAPO) / DC ] • 80 80-300 dynes sec cm-5 Travail systolique indexé du VG: 0.0136 (PAM – PAPO) • IS 40-60 g L/m2 Travail systolique indexé du VD: 0.0136 (PAPm – PVC) • IS 5-9 g m/m2 Contenu artériel en O2 (CaO 2): (Hb • SaO 2 • 1.39) + (0.0031 • PaO2) 18-20 vol% Contenu veineux en O2 (CvO2): (Hb • SvO2 • 1.39) + (0.0031 • PvO 2) 13-16 vol% Transport d'O2 (DO 2): DC • CaO2 900 – 1200 mL/min Consommation d'O 2 (VO2): DC • (CaO2 – CvO2) 250 mL/min Extraction d'O 2: C(a – v)O 2 / CaO2 0.25 Shunt pulmonaire (Qs/Qt): (CcO2 – CaO2) / (CcO2 – CvO2) 2 – 8% En pratique, le contenu capillaire en O 2 est assimilé au contenu artériel en O2 : CaO2 / (CcO2 – CvO 2) Elle est identique à la résistance lorsque la fréquence est nulle. Son calcul nécessite la mesure simultanée du flux et de la pression aortiques ; il n’est pas réalisable en clinique. En CEC, on considère que la pression de l’OD est nulle ; le débit cardiaque est celui de la pompe (Dp). Les RAS sont alors faciles à calculer : RAS = PAM / Dp (en unités Wood). La mesure des RAS ne prend pas en compte le stress (σ) de paroi ventriculaire, qui est la vraie postcharge du ventricule. Selon la loi de Laplace, le stress de paroi est fonction directe du diamètre et fonction inverse de l'épaisseur du ventricule : σ = (P • r) / 2h Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage où : σ : tension de paroi (dynes/cm) P: pression intraventriculaire (mmHg) r: rayon interne du VG (cm) h: épaisseur de paroi (cm) 60 La tension de paroi est une force exercée par unité de longueur d'une circonférence, exprimée en gm/cm ou en dynes/cm (1 gm = 981 dynes); le stress de paroi est une force exercée sur une surface, exprimée en dynes/cm2. Le stress de paroi est calculé facilement en combinant la mesure de pression artérielle avec celles du diamètre et de l’épaisseur du VG à l’échocardiographie. Ce concept souligne l’importance de la taille du ventricule dans le travail qu’il doit produire. Plus le VG est dilaté (r élevé) et plus sa paroi est étirée et amincie (h diminuée), plus il consomme d’énergie pour le même résultat hémodynamique. Mesure du débit cardiaque Le débit cardiaque est mesuré par thermodilution au moyen de l’équation de Stewart-Hamilton. La mesure est fiable si le flux pulmonaire et la volémie sont constants pendant les mesures (minimum 3), si l’indicateur (NaCl 0.9% ou glucose 5% à 4-6°C) ne subit ni perte ni recirculation, et s’il n’y a ni insuffisance tricuspidienne (sous-estimation du DC) ni shunt intracardiaque (surestimation du DC). Les résistances artérielles systémiques sont calculées par analogie à la loi d’Ohm : RAS = 80 • (PAM - POD) / DC (dynes sec cm-5) Transport d'oxygène et rapport DO2 / VO2 Pour assurer l’oxygénation cellulaire, le transport (DO2 ) et la consommation d’oxygène (VO2) doivent être en harmonie. La demande métabolique est le principal déterminant du débit cardiaque, qui est distribué aux organes de manière inhomogène selon leurs fonctions et leurs besoins particuliers. Les mesures que l’on pratique en clinique n’apprécient en général que la consommation globale d’oxygène. Le DO2 est réglé par la ventilation, le débit cardiaque, le contenu en Hb et sa distribution périphérique; il se calcule de la manière suivante: DO2 = CaO2 • DC où DC: débit cardiaque CaO2: contenu artériel en oxygène CaO2 = [(1.34 • Hb) • SaO2] + (0.0031• PaO2) Le terme [ (1.34 • Hb) • SaO2 ] représente la quantité d’O2 transportée par l’hémoglobine en mL/min; l’Hb fixe 1.34 à 1.39 mL O2 par gm selon le type d’Hb. Le facteur (0.0031 • PaO2) est la fraction d’oxygène dissoute dans le sang; elle reste une valeur négligeable dans les conditions normales et n’est pas prise en compte dans le transport global, sauf lorsque la FiO2 est élevée : DO2 = [ (1.34 • Hb) • SaO2 ] • DC valeur normale: 10 mL/kg/min ou 500 mL/min/m2 La consommation d’O2 est la différence entre le débit artériel et le débit veineux en oxygène: VO2 = (CaO2 - CvO2) • DC Donc: où CvO2 : contenu en O2 du sang veineux mêlé VO2 = (1.34 • Hb) • (SaO2 - SvO2) • DC valeur normale: 3.5 mL/kg/min ou 250 mL/min valeur normale SvO2: 70% On peut tirer de cette équation l’extraction périphérique d’oxygène (EO2): Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 61 EO2 = VO2 / DO2 EO2 = (CaO2 - CvO2) / CaO2 = (SaO2 - SvO2) / SaO2 valeur normale: 25 - 30 % La VO2 mesurée par la méthode de Fick est moins précise que sa mesure par calorimétrie indirecte (méthode des échanges gazeux). De plus, elle ignore la consommation d'oxygène pulmonaire ; celle-ci ne représente que 1-2% de la VO2 totale de l'organisme chez le sujet sain avec des poumons normaux, mais elle s'élève jusqu'à 10% en cas de pneumonie ou de SDRA. Normalement, la VO2 est indépendante du transport pour deux raisons : Le DO2 est en excès par rapport à la VO2 ; L'extraction d'oxygène augmente parallèlement à la demande comme le démontre la baisse progressive de la saturation veineuse centrale (SvO2). Il arrive que cette situation soit dépassée: si le transport d'O2 chute en-dessous d'un certain seuil (DO2 critique), l'extraction ne peut plus augmenter proportionnellement à la demande, et la consommation d'O2 devient dépendante de son transport (Figure 6.28). Chez le sujet normal, la valeur de ce seuil se situe entre 9 et 10 mL/min/kg ; il est abaissé à 8.2 mL/min/kg en anesthésie générale[257]. L'extraction d'O2 (EO2) maximale est de 60%, ce qui se traduit par des valeurs de SvO2 très basses (< 50%). Au-delà de cette capacité d'extraction, la VO2 diminue, le métabolisme devient partiellement anaérobe et le taux de lactate dépasse 1.5 mmol/L [49]. Dans de nombreuses situations pathologiques, la VO2 reste dépendante du transport d'O2 sur une vaste échelle de valeurs, parce que l'extraction d'oxygène reste basse (EO2 < 35%) et que la DO2 critique est plus élevée que la norme (15-20 ml/min/kg). C'est le cas notamment dans le SDRA, le choc septique et le choc hypovolémique. Les patients qui se trouvent sur cette partie de la courbe ont un pronostic vital réservé [98]. C’est sur cette notion que se fonde le concept de thérapie « supramaximale » dans la prise en charge des malades de soins intensifs, visant à maintenir un débit cardiaque supérieur à 4 l/min/m2 afin d’éviter la survenue de défaillances multi-organiques [260]. Cependant, le seuil critique du DO2 est difficile à déterminer chez l’homme, d’autant plus que la consommation d’oxygène ne reste pas constante, même chez un individu sédaté ou endormi [160]. La pertinence pronostique de la dépendance DO2/VO2 reste débattue [231]. En anesthésie cardiaque, le strict maintien d'une SvO2 > 70% permet de diminuer la morbidité et de raccourcir le séjour en soins intensifs [210]. La SvO2 est la seule mesure clinique représentative de l’oxygénation tissulaire. Elle évalue l’adéquation du transport d’oxygène par rapport aux besoins de l’organisme. Sa valeur normale est ≥ 70%, ce qui correspond à une PvO2 de 40 mmHg environ. Les facteurs qui interfèrent avec l’affinité de l’hémoglobine pour l’oxygène (pH, température, 2,3-DPG, etc) agissent également au niveau veineux et modifient la PvO2 sans affecter la SvO2 de manière identique. D’après les équations cidessus, on peut déduire que: SvO2 = SaO2 - VO2 / (DC • 1.34 • Hb) valeur normale: ≥ 65 % Cette formule démontre que la SvO2 n’est pas une mesure univoque; sa baisse peut résulter de quatre facteurs différents: L’hypoxémie, L’élévation de la VO2, La baisse du débit cardiaque, L’anémie. Plusieurs conditions élèvent la SvO2 : la baisse de la VO2, la sepsis (défaut d’extraction périphérique), les fistules artério-veineuses, les shunts gauche-droit (cirrhose hépatique, CIV), l’hypothermie et les intoxications (cyanure, CO). En l’absence d’anémie, d’hypoxémie et de modification de la VO2, la Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 62 SvO2 évolue en symétrie avec le débit cardiaque. Après chirurgie cardiaque, les patients qui arrivent aux soins intensifs avec une SvO2 < 60% ont davantage de complications cardiovasculaires et une mortalité 5 fois plus élevée à 30 jours que ceux qui présentent une SvO2 > 60% [113]. VO2 ml/min/kg VO2 indépendant du transport VO2 dépendant du transport DO2 critique ICC, SDRA, choc septique DO2 ml/min/kg Rapport DO2/VO2 normal Figure 6.28 : Rapport entre la consommation et le transport d'O2 chez le sujet normal. La courbe bleue représente le sujet normal. La courbe en pointillé rouge illustre la modification induite par une sepsis: le couplage du transport et de la consommation d’oxygène s’étend sur une plus grande plage de valeurs. DO2 = CaO2 • DC où : CaO2 contenu artériel en oxygène, DC débit cardiaque CaO2 = (1.39 • Hb • sat O2) + (0.0031 • PaO2) VO2 = DC • (CaO2 - CvO2) SvO2 = 1 - VO2 / DO2 Valeurs normales: VO2: 6-7 mL/min/kg ou 200-250 mL/min. DO2: > 10 mL/min/kg ou 800-1000 mL/min. CaO2: 20 vol%. CvO2: 15 vol%. SvO2: > 65 %. ERO2: extraction périphérique d'oxygène: 25-35%. Pour simplifier l’équipement, on peut remplacer la mesure la SvO2 dans l’artère pulmonaire par la mesure de la saturation veineuse centrale (mixed venous SO2, ou SvcO2) en échantillonnant le sang dans l’OD par un simple cathéter de PVC. Bien que moins fiable, cette mesure reste bien corrélée avec l’adéquation du DC [90,284]. Le sang de l’OD n’est pas entièrement mélangé, et la mesure peut être influencée par son voisinage avec la veine cave inférieure (SO2 élevée) ou le sinus coronaire (SO2 basse). La SvcO2 est en moyenne 5% plus élevée que la SvO2. Transport (DO2) et consommation (VO2) d’oxygène DO2 = CaO2 • DC où : CaO2 (contenu artériel en O2) = [(1.34 • Hb) • SaO2] + (0.0031• PaO2) (norme : 1'000 mL/min) VO2 = (CaO2 - CvO2) • DC = (1.34 • Hb) • (SaO2 - SvO2) • DC (norme : 250 mL/min) Extraction d’O2 = VO2 / DO2 = (CaO2 - CvO2) / CaO2 = (SaO2 - SvO2) / SaO2 (norme : 25-30%) SvO2 = SaO2 - VO2 / (DC • 1.34 • Hb) (norme : ≥ 65 %) Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 63 Techniques particulières Plusieurs améliorations techniques se sont greffées sur le cathéter artériel pulmonaire pour en augmenter les performances. Ces innovations occasionnent une ascension des coûts souvent importante. La portée thérapeutique de certaines de ces mesures reste difficile à estimer. Cathéter oxymétrique La mesure de la saturation veineuse centrale (SvO2) se fait dans l’artère pulmonaire, à l’extrémité du cathéter, là où le sang des différentes parties de l’organisme est mêlé. Normalement, le contenu en oxygène de la veine cave inférieure est plus élevé que celui de la veine cave supérieure, parce que les reins ont un débit sanguin très important mais une faible activité métabolique. Par spectrophotométrie de réflexion, il est possible d’analyser la SvO2 en continu. Une lumière rouge et infrarouge, caractérisée par deux ou trois longueurs d’onde, est émises par des lampes diodes et transférée à l’extrémité de la sonde au moyen de fibres optiques. L’intensité de la réflexion lumineuse est proportionnelle au taux d’hémoglobine réduite du sang. Comparés à la co-oxymétrie, les valeurs obtenues sont fiables (r = 0.96) sauf lorsque la SvO2 est très basse ou le patient très anémique [59]. Si l'on ne tient pas compte de l'O2 dissout, la SvO2 se définit selon la formule: SvO2 = ( SaO2 - VO2 ) / DC • 1.36 • Hb La SvO2 est indépendante de la PaO2, sauf lorsque celle-ci est très basse (< 60 mmHg) ou que la FiO2 est de 1.0 [233]. A la différence de celle du DC, la mesure de la SvO n’est pas influencée par la présence d’une insuffisance tricuspidienne. Bien qu’elle ne donne pas d'indications sur l'extraction régionale de territoires ischémiques ou défaillants, la SvO2 reflète l'extraction d'O2 de l'organisme entier et représente un monitorage intégratif de quatre ensembles, comme le démontre la formule cidessus : le débit cardiaque (DC), les échanges gazeux (SaO2), la consommation d’oxygène (VO2) et le taux d’hémoglobine (Hb). Elle surveille l’adéquation de l’hémodynamique par rapport aux besoins de l’organisme, ce qui est une donnée capitale pour le monitorage des cas difficiles. La SvO2 est bien corrélée au débit cardiaque (DC) si la VO2 est maintenue constante et qu’il n’y a ni anémie, ni hypotension, ni modification des échanges gazeux [59]. La relation qui les unit varie en fonction de la VO2. Le lien entre la SvO2 et la PvO2 est fonction de l’affinité de l’Hb pour l’oxygène ; ainsi, en cas d’hypothermie, la SvO2 sera plus élevée pour la même PvO2. Chez l’insuffisant cardiaque, chez qui la courbe de dissociation de l’Hb est déplacée vers la droite, la SvO2 sera plus basse pour la même PvO2 [9]. Une valeur inférieure à 70% signale une augmentation de l'extraction d'O2 (baisse du débit cardiaque ou augmentation de la VO2), une diminution de son apport (baisse du débit pulmonaire ou de la ventilation) ou de son transport (Hb). En-dessous d’un seuil critique, DO2 et VO2 deviennent couplés; la SvO2 ne peut guère descendre au-dessous de cette valeur critique (située vers 30-40%), même si l’oxygénation tissulaire continue à se détériorer [69]. La baisse de la consommation d’oxygène due à l’anesthésie élève cette valeur-seuil à environ 60% [122]. Les malades en insuffisance cardiaque augmentent leur extraction d’oxygène au repos, mais le seuil critique de leur SvO2 reste aux environ de 60%; celle-ci est un indice très fiable des modifications hémodynamiques, car elle est bien corrélée au débit cardiaque [90]. C’est un monitorage très précoce des altérations circulatoires qui en fait un système de surveillance précieux en anesthésie cardiaque, mais essentiellement chez les patients qui présentent une dysfonction sévère: ses variations surviennent avant les modifications de la pression systémique ou de la PAPO. La SvO2 n’est pas utilisable pendant la CEC, mais peut servir de critère pour l’extubation en phase postopératoire: le patient est sevrable si sa SvO2 reste supérieure à 60% [3]. Même si le taux de modifications thérapeutiques basées sur la SvO2 s'élève jusqu’à 57%, le devenir des patients n'en n'est pas modifié pour autant [296]. Vu son coût, son utilisation n’est pas une routine dans les cas standards, mais ces cas tendent de toute manière à ne plus être équipés de cathéter pulmonaire. Dans les cas à haut risque, par contre, l’impact de la SvO2 est considérable, ce qui fait que la proportion de Swan-SvO2 Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 64 (Vigilance™, OptiQ™) tend à augmenter [29]. Lorsqu’on juge nécessaire de mettre en place un cathéter pulmonaire en soins intensifs, il devient une routine d’utiliser une mesure continue de la SvO2 . Lors de spoliation sanguine, le coefficient d’extraction d’oxygène dans les tissus augmente; une perte rapide de 15% du volume circulant induit une baisse de la SvO2 de 10%, tous les autres paramètres étant maintenus constants [39]. Lors d’hémorragies massives, la capacité d’extraction d’oxygène est diminuée vu le raccourcissement du temps d’équilibration dans les capillaires à cause de l’accélération du flux. Certaines situations critiques sont caractérisées par une SvO2 élevée: sepsis, shunt porto-cave, cirrhose hépatique, shunt G→D, empoisonnement au cyanide (nitroprussiate de Na) ou au CO [297]. La sepsis augmente la VO2 et élève le seuil critique de DO2; le premier devient plus rapidement dépendant du second; les mécanismes d’utilisation périphérique de l’oxygène sont secondairement altérés. Les perturbation introduites par la sepsis tout au long de la chaîne de transport et d’utilisation de l’oxygène rendent la mesure de la SvO2 peu fiable pour juger de l’adéquation métabolique et circulatoire; seules ses variations peuvent avoir une signification clinique. On peut résumer les indications à l’oxymétrie veineuse centrale continue de la manière suivante: La surveillance précoce des altérations du rapport DO2/VO2 et de l’hémodynamique chez les patients en choc cardiogène ou septique, chez les polytraumatisés sévères, et chez les brûlés graves [90,313] ; L’évaluation du débit cardiaque dans les cas d’arythmies ou de régurgitation tricuspidienne, situations qui altèrent la mesure par thermodilution ; La définition de la limite inférieure du bas débit tolérable lors de situations critiques (pontage à coeur battant, assistance ventriculaire) [38] et lors de sevrage difficile du ventilateur ou de l’assistance ventriculaire ; Autres indications : transplantation pulmonaire, diagnostic de shunt par une CIV [90], recherche de la meilleure PEEP chez les patients hypoxémiques en insuffisance respiratoire [59]. L’oxymétrie veineuse centrale, indicateur non-spécifique de l’oxygénation tissulaire, est un signe d’alarme précoce chez les insuffisants cardiaques et dans les situations où le débit cardiaque est limite (coeur battant, assistance ventriculaire). Oxymétrie du sang veineux mêlé (SvO2) SvO2 = SaO2 - VO2 / (DC • 1.34 • Hb) (norme : ≥ 65 %). La SvO reflète l’adéquation de l’hémodynamique aux besoins de l’organisme SvO2 < 65% : augmentation de l'extraction d'O2 (↓ DC ou ↑ VO2), une diminution de son apport (↓ débit pulmonaire ou ↓ ventilation) ou de son transport (↓ Hb). Non fiable en CEC (variations T°C). SvO2 > 75% : hypothermie, sepsis, shunt G→D, intoxication CN- ou CO. Débit cardiaque continu L'injection intermittente de liquide froid peut être remplacée par une pulsation thermique induite par un fil chauffant (T° < 44° C) situé dans l'OD et le VD. Elle provoque de petites modifications thermiques qui sont repérées par le thermistor distal. En corrélant la quantité d’énergie libérée par le fil chauffant (environ 7.5 W) et les variations de température repérées dans l’artère pulmonaire, l’ordinateur peut calculer le débit cardiaque moyen de la période analysée. L'instrument réactualise toutes les 30 secondes l’affichage du débit cardiaque moyen des dernières minutes [314]. Le délai Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 65 pour afficher une modification du DC varie de 4 à 11 minutes [219a]. La corrélation avec le calcul habituel par thermodilution est excellente (r = 0.94), mais elle dépend de la stabilité thermique du flux dans l’artère pulmonaire; des perfusions froides accélérées (cristalloïdes, sang, PFC) affectent considérablement la fiabilité de la lecture, alors qu’une fièvre stable (T° > 39°C) ne l’influence pas [22]. Fraction d'éjection du VD La forme complexe du ventricule droit enroulé en croissant autour du VG rend sa mesure de surface et de volume difficile à l’échocardiographie (voir Figures 5.13 et 5.101) ; le calcul de sa fraction d’éjection est trop complexe pour une utilisation de monitorage. Par contre, l'analyse en fréquence rapide de la courbe de température enregistrée lors du passage de l'injectat froid pendant un cycle cardiaque permet d'en dériver la fraction de volume restant dans le VD après l'éjection ; en l'absence d'arythmie ou de régurgitation tricuspidienne, l’ordinateur peut déduire la température résiduelle et, par ce biais, la fraction d’éjection du VD [193]. Il calcule également le volume télédiastolique en divisant le volume d’éjection par la fraction d’éjection. Les modifications par rapport à un système standard sont un triple orifice proximal pour l'injectat, un thermistor rapide (mesure toutes les 52 msec), un enregistrement simultané de l'ECG et le programme informatique adéquat. Etant une pompe à basse pression, le VD est extrêmement sensible à la postcharge ; sa performance systolique baisse si les RAP augmentent. Les modifications de sa fraction d'éjection ne traduisent donc pas que les modifications de sa contractilité. La valeur normale de la FEVD est de 0.4 - 0.5 [56,100]. Le volume télédiastolique d’un ventricule (Vtd) est un meilleur indicateur de sa précharge que la pression de remplissage. La corrélation du Vtd du VD avec le débit cardiaque est bien supérieure à celle de la PVC ou de la PAPO [58]. Elle reste excellente lorsque les malades sont ventilés en pression positive avec PEEP, alors que la PVC et la PAPO ne présentent plus de corrélation valable dans ces circonstances. Le Vtd normal du VD est de 60 - 100 mL/m2. Une valeur supérieure à 120 mL/m2 correspond à une dilatation [193]. Les critiques de ce type de mesure, sophistiquée et onéreuse, tiennent au fait que la fraction d’éjection du VD est très dépendante de sa postcharge et ne mesure pas réellement sa contractilité, et que le couplage entre le Vtd et le débit cardiaque tient à la formulation mathématique du calcul: le Vtd étant calculé à partir de la FE et du volume systolique, on compare deux variables dont l’une est utilisée dans le calcul de l’autre. La corrélation avec le débit cardiaque n’est valable que dans la mesure où les méthodes de calcul pour le débit et la fraction d’éjection sont différentes. D’autre part, l’échocardiographie transoesophagienne permet d’apprécier les volumes cardiaques de manière moins compliquée et plus économique ; leur corrélation avec le débit cardiaque est excellente (r = 0.9) [39]. Cathéter pulmonaire pace-maker Une lumière supplémentaire permet d'introduire une sonde de pace-maker jusque dans le VD. Bien que coûteux, ce système n'est pas plus cher qu'un pace-maker endoveineux traditionnel. Son taux de succès dans l'entraînement ventriculaire est de 96%. Des sondes munies d’un canal pour une électrode supplémentaire permettent le pacing séquentiel auriculo-ventriculaire. Vu le risque thrombotique, ce type de sonde ne doit pas être laissé en place plus de trois jours. Les indications à la Swan-pace sont ceux du pacing temporaire: bradyarythmies sysmptomatiques, anamnèse ou présence d’un BAV complet, nouveau bloc bifasciculaire ou Mobitz II en présence d’un infarctus aigu. En chirurgie cardiaque, il s’agit essentiellement d’indications concernant les arythmies survenant avant la CEC ; après celle-ci, les malades sont munis d’électrodes épicardiques, dont seul le dysfonctionnement justifie d’autres techniques d’entraînement [223]. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 66 Mesure du débit cardiaque : autres technologies Ces dernières années ont vu la mise au point de nouveaux appareils pour mesurer le débit cardiaque de manière moins invasive que le cathéter pulmonaire. Ces technologies sont basées sur une interprétation sophistiquée de certaines données physiologiques comme l’analyse de la surface sous la courbe de pression artérielle (PiCCO™, VolumeView™, LiDCO™, FloTrac™, ProAQT™) ou sous la courbe de pulsométrie digitale (Nexfin™), du flux aortique (Doppler oseophagien CardioQ™), du principe de Fick (NiCCO™), et de la bioimpédance thoracique (NICOM™). Bien que d’utilisation plus simple, ces appareils ne sont pas forcément plus économiques ni moins invasifs que la SwanGanz, mais ils ont l’avantage d’afficher le volume systolique et le débit cardiaque en continu. Alors que le cathéter pulmonaire mesure le débit du cœur droit, ces instruments mesurent celui du cœur gauche. Comme l’ETO est peu performant pour le calcul du DC [19], nous ne le mentionnerons pas ici. En clinique, le cathéter pulmonaire de Swan-Ganz reste le seul standard de comparaison lorsqu’on veut tester la pertinence des mesures de ces nouvelles technologies. C’est un étalon de performance moyenne, qui a ses propres limitations. La référence idéale serait soit un débitmètre électronique autour de l’aorte ascendante, soit la méthode de Fick par dilution d’un traceur, mais toutes deux sont impraticables en clinique. Dans les comparaisons de résultats, les critères signant une corrélation satisfaisante entre deux techniques de mesure sont un coefficient de corrélation supérieur à 0.75 (r > 0.75), des biais faibles, et une limite d’agrément inférieure à 30%. Analyse du contour de la courbe artérielle La surface sous la partie systolique de la courbe de pression artérielle est proportionnelle au volume systolique (VS) du VG (Figure 6.29A). L'analyse du contour de la courbe de pression est basée sur un algorithme de calcul du débit cardiaque en continu (DCC): DCC(P) = cal • FC • ∫ ( Pt / RAS + Ca • dP/dt ) dt Surface sous la courbe Pente de la courbe Les RAS sont calculées par la loi d’Ohm : RAS = (PAM – PVC) / DC. Le facteur de calibration "cal" est calculé lors de la calibration par thermodilution ou par un algorithme. Il intègre l’impédance à l’éjection dans l’aorte (Zao), la résistance statique (RAS) et la compliance artérielle globale (Ca) (voir ci dessous : Surface sous la courbe artérielle) [154]. La surface sous la courbe artérielle représente le volume systolique pour autant que Zao, Ca et RAS restent stables. Pour que l’appareil puisse suivre l’évolution du DC, il doit connaître à quel débit correspond quelle surface. A cet effet, il existe trois méthodes d’étalonnage : Courbe de thermodilution transpulmonaire (PiCCO™), Courbe de dilution d’un traceur (lithium dans le cas du LiDCO™), Nomogramme et algorithme (FloTrac Vigileo™). Si l’impédance et les résistances artérielles se modifient de manière significative, l’appareil doit être ré-étalonné, sans quoi il interprétera incorrectement le rapport entre la surface sous la courbe et le volume systolique. Toute variation importante des RAS diminue la précision de la mesure du DC. Par exemple, le biais (± SD) entre la mesure par analyse du contour de la courbe artérielle et la mesure par thermodilution (Swan-Ganz), qui est de 0.16 L/min dans la situation de base, passe à 3.25 L/min après une injection de phényléphrine qui augmente les RAS de 60% (Figure 6.30) [226]. Ceci illustre bien la nécessité de recalibrer les systèmes d’analyse de la courbe artérielle chaque fois que les RAS se Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 67 modifient significativement, sous peine d’obtenir des résultats de débit cardiaque non fiables. Ces technologies ne sont pas adaptées aux opérations sur l’aorte thoraco-abdominale parce que le clampage aortique modifie brusquement la postcharge du VG. La précision des mesures peut également varier en fonction du site d’analyse, par exemple entre l’artère radiale et l’artère fémorale : la mesure en artère radiale peut sous-estimer la pression aortique réelle et donner une valeur de DC trop basse [162a,247]. Δup Δdown ⇑ V VG ⇓ V VG A Pression respiratoire (IPPV) VC: 8 - 12 ml/kg Ss © Chassot 2012 Figure 6.29 : Variations ventilatoires de la pression artérielle (en rouge) par rapport à la pression des voies aériennes (en bleu) lors de ventilation en pression positive. Lorsque la pression intrathoracique (Pit) s’élève à l’inspirium, la pression artérielle est augmentée (Δup) puisque le volume systolique du VG est plus grand (augmentation du retour à l’OG) et que la Pit s’additionne à la pression que génère ce dermier. Mais 2 à 5 cycles cardiaques plus tard, la pression artérielle baisse (Δdown) parce que la diminution du retour veineux au cœur droit, qui a baissé le volume éjecté dans l’artère pulmonaire, arrive maintenant à l’OG et diminue la précharge du VG. Cet enchaînement provoque une oscillation ventilatoire de la pression artérielle (normal < 12%). Le Δup est prédominant lors d’insuffisance ventriculaire gauche, parce que le VG congestif bénéficie grandement de l’aide que représente la compression par la Pit ; c’est l’équivalent d’une baisse de postcharge. Le Δdown est prédominant en hypovolémie, parce que le volume systolique est très dépendant de la précharge lorsque le malade se trouve sur la partie gauche très verticale de la courbe de Frank-Starling. V VG : volume télédiastolique du VG. VC : volume courant. A : Analyse de la courbe de pression artérielle ; la surface S sous la courbe artérielle (Ss) est proportionnelle au volume systolique éjecté (après calibration): S = ƒ (Pt / RAS). Les variations de la pression artérielle simultanée à la ventilation en pression positive s’accompagnent d’une variation dans le même sens de la surface sous la courbe artérielle. Les systèmes de mesure du contour de la courbe peuvent donc suivre les variations du volume systolique (ΔVS) en fonction de l’IPPV (Figure 6.29). L'importance des ΔVS est inversément proportionnelle au volume de la précharge cardiaque ; plus la surface est respiro-dépendante, plus le patient est hypovolémique. Cette technique offre une manière de le quantifier : une hypovolémie se caractérise par un ΔVS ventilatoire de plus de 12% [15,178,218]. Les ΔVS sont mesurées en pourcent sur les 30 dernières secondes par la formule: ΔVS = (VSmax - VSmin) / VSmoy • 100 (où VSmoy = (VS min + VS max) / 2). Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 68 Outre la possibilité d'afficher le débit cardiaque systole par systole, l’analyse du contour de la courbe artérielle permet encore de construire un index de contractilité basé sur le dP/dt de la courbe. L'analyse de la montée maximale de la pression périphérique évalue la force de contraction du VG; la valeur normale est 1’200-2’000 mmHg/sec (voir Figure 6.7). Figure 6.30 : Variation des biais sur la mesure de débit cardiaque par la technique de la surface sous la courbe artérielle en fonction des résistances artérielles systémiques (RAS) (d’après réf 226). Le biais (± SD) entre la mesure par analyse du contour de la courbe artérielle et la mesure par thermodilution (Swan-Ganz), qui est de 0.16 L/min dans la mesure de base, passe à 3.25 L/min après injection de phényléphrine (augmentation des RAS de 60%) (10 patients). Ce graphique illustre bien la nécessité de recalibrer les systèmes d’analyse de la courbe artérielle chaque fois que les RAS se modifient significativement, sous peine d’obtenir des résultats de débit cardiaque non fiables. Biais (L/min) Injection de phényléphrine 5 4 p < 0.05 3 2 1 0 ⇑ RAS 60% -1 Avant Après Le PiCCO™ La technologie du PiCCO™ et du VolumeView™ est basée sur deux principes qui évaluent respectivement les volumes de la précharge et l'éjection systémique : la thermodilution transpulmonaire et le suivi en continu de la surface sous la courbe artérielle [164]. Thermodilution transpulmonaire La thermodilution transpulmonaire (Figure 6.31) consiste en une injection en voie veineuse centrale de 15 ml à < 8°C et en une mesure de la température au niveau de l'artère fémorale par un thermistor. Elle permet de mesurer le débit du cœur gauche et le volume sanguin de distribution, inclus le volume intrathoracique et l'eau pulmonaire extravasculaire. Le temps de circulation étant plus long que dans un échantillonage en artère pulmonaire, la mesure a l’avantage d’être indépendante du cycle ventilatoire. Le volume de distribution de l'injectat (VDI) est le volume contenu entre le site d'injection et le site de mesure: VDI = OD + VD + VSIT + OG + VG + Ao VSIT est le volume sanguin intrathoracique. Le volume de l'aorte est considéré comme représentant 50 mL/m2 chez un adulte; il est automatiquement soustrait par l'appareil. Le volume de distribution de l'indicateur est égal au produit du débit cardiaque et du temps de transit moyen (Figure 6.32) : (MTt): VDI = DC • MTt Le volume de la plus grande chambre de distribution, qui est le volume sanguin pulmonaire (VSP), est calculé par la formule: VSP = DC • DSt (DSt: temps de décroissance exponentielle). De là, on peut tirer une série de renseignements que calcule le moniteur [219a,238a]. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 69 Volume télédiastolique global du coeur (VtdG), qui est le volume des oreillettes et des ventricules : VtdG = VDI - VS. C'est un bon indice de précharge global, dont la valeur normale est 600-800 mL/m2 chez l'adulte. Volume sanguin intrathoracique (VSIT) : VSIT = 1.25 • VtdG ; le VSIT est un indicateur de précharge cardiaque sensible (valeur normale : 850-1'000 mL/m2). Eau pulmonaire extravasculaire (EPEV) : EPEV = VTIT – VSIT. Le VTIT est le volume thermique intrathoracique total, somme du volume intra- et extra-vasculaire. L'EPEV augmente en cas d'insuffisance gauche ou de trouble de la perméabilité capillaire ; dans les conditions normales, sa valeur est < 7 mL/kg. Indice de fonction cardiaque (IFC) : IFC = DC / VTdG (valeur normale : 4.5-6.5); lorsqu'il est inférieur à 0.4, la fraction d'éjection est inférieure à 0.5. Figure 6.31 : Moniteur PiCCO. Un injectat froid (15 mL à < 8°C) est administré rapidement par une voie centrale (en bleu); les variations thermiques sont mesurées dans un cathéter artériel fémoral (en rouge). Le temps de circulation étant plus long que dans un échatillonage en artère pulmonaire, la mesure est indépendante de la ventilation. Le volume de distribution de l'injectat (VDI) est celui contenu entre le site d'injection et le site de mesure: VDI = OD + VD + VSIT + OG + VG + Ao. VSIT: volume sanguin intrathoracique. VSP: volume sanguin pulmonaire. VDI = OD + VD + VSIT + OG + VG + Ao VSIT OD VD VSP OG VG Ao L’EPEV est un excellent prédicteur de mortalité chez les malades souffrant de lésions pulmonaires ou de surcharge liquidienne : la mortalité double entre < 10 mL/kg et > 15 mL/kg [238a]. La présence d’un shunt modifie la forme de la courbe de thermodilution, qui devient bifide en présence de shunt droite-gauche. Un shunt gauche-droite, par contre, surestime l’EPEV comme en présence d’œdème pulmonaire, alors que les échange gazeux sont normaux [238a]. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 70 Surface sous la courbe artérielle La surface sous la courbe artérielle systolique (Sc) est directement proportionnelle au volume éjecté (VS) et inversément reliée à la compliance vasculaire (Ca). On obtient : VS = Sc / Ca. Cette proportionalité est étalonnée par la thermodilution transpulmonaire ; l’étalonnage doit être répété à chaque modification importante des RAS, ou toutes les 4-6 heures. L'intégration de la courbe de dilution permet le calcul du débit cardiaque selon le principe de Stewart-Hamilton (Figure 6.32) : DC = Kcal • F • ∫ [ P(t) / RAS + Ca • dP/dt ] dt Kcal est le facteur de calibration spécifique du patient obtenu par thermodilution, F la fréquence cardiaque, P(t)/RAS est la surface sous la courbe, Ca la compliance artérielle (VS/PAdiff) et dP/dt représente la forme de la courbe de pression [164]. Courbes de thermodilution : -ΔT (°C) Artère pulmonaire Art fémorale Injection par voie centrale MTt DSt © Chassot 2015 Figure 6.32 : Courbe de thermodilution obtenue en artère fémorale, comparée à la courbe en artère pulmonaire (pointillé), après une injection de liquide froid en PVC (OD). MTt: temps de transit moyen; la moitié de l'indicateur a passé le point de détection. DSt: temps de décroissance exponentielle de la courbe de thermodilution. L’intégration de la courbe rouge, ou courbe de Stewart-Hamilton, permet de calculer le débit cardiaque (DC) : DC = Kcal • F • ∫ [P(t) / RAS + Ca • dP/dt] dt. Où Kcal est le facteur de calibration spécifique du patient obtenu par thermodilution, F la fréquence cardiaque, P(t)/RAS est la surface sous la courbe, Ca la compliance artérielle (VS/PAdiff) et dP/dt représente la forme de la courbe de pression. Le DC est inversément proportionnel à la chute de température du sang et au temps de transit du bolus froid (surface sous la courbe). Les algorithmes des nouveaux modèles analysent plus finement la forme de la courbe de pression et repèrent le dicrotisme et la pente qui lui succède, ce qui permet de mieux tenir compte de la compliance artérielle et des résistances périphériques. Ces algorithmes tentent d’intégrer les quatre composantes de la résistance à l’éjection (voir Chapitre 5, Détermninants de la fonction systolique, La postcharge). Impédance aortique liée à la pulsatilité : Zao = Pression instantanée / flux instantané ; vu les difficultés de ce calcul, peut être remplacée par : Zao = Pression pulsée / volume systolique. La pression pulsée (PP) ou pression différentielle est la différence PAsyst – PAdiast Résistances périphériques fixes : RAS = (PAM – PVC) / DC. Onde réfléchie : 10% de la postcharge du VG ; non quantifiable en clinique. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 71 Compliance artérielle globale : Ca = VS / PP ; c’est l’inverse de l’impédance simplifiée. Physiologiquement, il existe une cinquième composante, la viscosité sanguine, mais celle-ci n’entre pas dans le calcul de ces moniteurs, car elle est supposée rester normale et stable. Le rapport entre les variations (Δ) de la pression pulsée (ΔPP) et celles du volume systolique (ΔVS) peut indiquer l’état des RAS parce que la vasoplégie augmente les ΔVS davantage que les ΔPP (rapport ΔPP/ΔVS bas), alors que la vasoconstriction augmente les ΔPP plus que les ΔVS (rapport ΔPP/ΔVS > 1) [112a]. Le calculateur du moniteur en tient compte pour évaluer les RAS. Mais si celles-ci se modifient significativement, l’appareil doit être ré-étalonné avec une thermodilution transpulmonaire. De toute manière, la précision du DC calculé diminue considérablement si les RAS sont très basses ou très élevées. La technique de PiCCO™, qui est utilisable chez les enfants, n'est guère moins invasive que le cathétérisme pulmonaire mais plus rapide. Le PiCCO™ et la VolumeView™ nécessitent une voie centrale et la pose d’un cathéter spécial dans une artère de grande taille telle la fémorale ou l'humérale ; le calibre de l’artère radiale est en général trop faible pour l'accepter. La méthode a été bien validée par rapport à la Swan-Ganz pour la mesure du débit cardiaque (r = 0.91) [226,238] et par rapport à la technique de double dilution pour la mesure de l'EPEV [239]. Le biais est de l’ordre de 0.16 L/min [226]. Le PiCCO mesure le débit cardiaque systémique et non pulmonaire ; il n’est pas fiable en cas d’anévrysme de l’aorte thoracique (surestimation du VSIT) ni en cas de clampage de l’aorte thoraco-abdominale. D’autre part, il ne permet pas de mesurer la SvO2. Pour l’évaluation de la volémie, la technique du PiCCO offre deux avantages [215]. Le VtdG est un indice de remplissage adéquat quel que soit le mode de ventilation (contrôlée, assistée, spontanée, PEEP) ; il n’est pas dépendant de la compliance des cavités cardiaques, contrairement aux mesures de PVC et de PAPO [176] ; Les variations du VS avec la ventilation mécanique est un indice dynamique de la volémie plus pertinent que les mesures statiques, mais restreint aux malades sous respirateur [15,178] ; la valeur prédictive pour l’hypovolémie et la réponse au remplissage est d’autant meilleure que les patients sont plus hypotendus [48]. Le LiDCO™ Une technologie sensiblement différente permet d'analyser la courbe artérielle à partir d'un cathéter normal (LiDCO™). L’algorithme évalue la totalité de la courbe artérielle, et non sa seule portion systolique [164]. L’étalonnage est effectué par dilution transpulmonaire au moyen d’une injection de 0.2 mmol de lithium dans une veine périphérique et par un prélèvement dans l’artère au moyen d’une petite pompe et d’une électrode Li-sensible ; vu la toxicité du lithium, l’étalonnage ne peut pas être répété plus de 10 fois en 24 heures [123]. La courbe de dilution au Li est une manière très précise de calculer le débit cardiaque (r = 0.96) [123]. La corrélation du DC continu mesuré au LiDCO avec celui du PiCCO est excellente (r = 0.94) [208]. La corrélation avec la débitmétrie électromagnétique aortique (r = 0.95) est même meilleure que celle de la Swan-Ganz (r = 0.87) [134]. Comme le lithium injectable n’est pas disponible sur le marché dans de nombreux pays occidentaux, l’application clinique de cette technologie, pourtant excellente, est limitée. Le LidCOrapid™ est une variante qui ne réclame pas de calibration externe mais s’étalonne par référence à un algorithme interne comme le FloTrac/Vigileo™. Le FloTrac/Vigileo™ Pour éviter les problèmes de calibration et pour pouvoir utiliser un cathéter artériel standard, le FloTrac/Vigileo™ s’auto-étalonne au moyen d'un algorithme d'autocorrélation basé sur la pulsatilité de la courbe artérielle. Celle-ci est calculée en utilisant la déviation standard de l’onde de pression Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 72 artérielle sur 20 secondes (échantillonnage à 100 Hz) et un coefficient (κ) représentant la compliance (Ca) et les résistances artérielles (RAS). Ce coefficient est basé sur l’âge, la taille et le poids du malade à partir de données sur la compliance et l’élasticité aortique de cadavres [140]. Il est également fondé sur une opération mathématique renouvelée toutes les minutes et tenant compte de la pression moyenne, du déplacement relatif de la courbe vers la droite ou la gauche (obliquité des pentes) et de son aplatissement (curtose) [161,162,162a]. La 3ème génération de l’appareil contient en mémoire des tracés de patients avec des RAS très basses ou très hautes et leurs DC correspondants ; elle peut ainsi partiellement tenir compte des variations de résistance et de compliance artérielles dans son calcul du débit [273a]. Le calcul lui-même est une propriété industrielle non publiée. Les premières évaluations cliniques ont révélé une corrélation satisfaisante mais variable entre la mesure du DC par FloTrac™ et celle par thermodilution : r = 0.66, [33], r = 0.74 [30], r = 0.85 [197]. Les biais sont de l’ordre de 0.26 L/min. L’appareil affiche une certaine association avec la valeur de la pression artérielle moyenne, et des résultats sensiblement différents selon que le site de mesure est l’artère radiale ou l’artère fémorale (biais 0.55 L/min) [162,247]. Il tend à surestimer les bas débits et sous-estimer les débits élevés, mais lit un DC anormalement haut lorsque les RAS augmentent rapidement [30], ou trop bas lorsqu’elles s’abaissent avec un vasodilatateur [162]. Des perfectionnements de l’algorithme et la mémorisation de tracés vasoplégiques ou vasoconstrictés (3ème génération) ont permis d’améliorer la corrélation avec les mesures de thermodilution (r = 0.92, biais 0.19 L/min) dans la plage normale du débit cardiaque [165,265a], où le pourcentage d’erreur est de 15-34% [166,247], mais l’appareil reste peu performant lors des situations hémodynamiques extrêmes (vasoplégie, hypovolémie) [162a,167,273a]. Sous hautes doses de vasopresseur, l’erreur est de 27.9%, même avec l’algorithme de 3ème génération [174a]. Le FloTrac/Vigileo™ reste très sensible à la forme de la courbe artérielle et perd sa fiabilité en cas de sténose aortique serrée, d’insuffisance aortique sévère, de shunt (cirrhose hépatique) ou de contrepulsion intra-aortique, parce que la forme de la courbe est trop anormale pour qu’il puisse l’interpréter correctement [158,167]. Il est utile et fiable pour tracer les variations du DC liées aux modifications de la volémie (taux de concordance 85-96%) pour autant que les résistances artérielles se maintiennent dans une fourchette normale, car il perd sa précision en cas de vasoplégie ou de vasoconstriction (taux de concordance 23-60%) [265a,273a]. Le ProAQT™ Pulsioflex Ce système analyse la forme de la courbe artérielle en temps réel comme le PiCCO mais à travers n’importe quel cathéter et sans calibration externe. Il fournit une évaluation du VS et du DC ; il calcule les variations de pressions pulsée et de volume systolique, et il estime un index des résistances artérielles et de la contractilité [216a]. Bien que partiellement évaluée, la précision de ses mesures est plutôt décevante : le coefficient de corrélation avec la thermodilution oscille entre 0.5 et 0.7 selon que les variations sont liées aux résistances artérielles (r = 0.53) ou à la volémie (r = 0.73). L’appareil suit correctement les variations du DC liées à la précharge, mais sa lecture en valeur absolue est peu fiable [184]. Le système ClearSight™ (anciennement Nexfin™) Par analogie avec celle de la courbe de pression artérielle, l’analyse de la courbe de photopléthysmographie d’un doigt au moyen d’une manchette à pression miniaturisée et de LED infrarouges permet d’évaluer le débit cardiaque (Figure 6.33). Les trois composantes vasculaires de la compliance, de l’impédance et de la résistance périphérique sont estimées d’après l’âge, le genre, la taille et le poids du patient ainsi que par l’analyse en continu de la pression artérielle. Le volume systolique est alors calculé en divisant la surface sous la courbe systolique du pulsemètre par la l’impédance/résistance artérielle globale calculée par l’algorithme [216a]. L’avantage principal est de disposer d’un moyen d’apprécier le débit cardiaque de manière totalement non-invasive et de pouvoir suivre les variations du volume systolique en IPPV pour la détection précoce de l’hypovolémie. Mais le système présente des faiblesses majeures : inexactitude en cas de haut ou de bas débit, sensibilité à Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 73 l’état de vasoconstriction ou de vasoplégie artérielle, meilleure capacité à estimer les variations du DC que la valeur réelle de celui-ci [241b]. Volume artériel A Volume artériel Pression manchette Pression manchette mmHg Pression de manchette constante (open-loop) Volume artériel constant (closed-loop) Manchette à pression B Phalange Artères digitales Emetteur infra-rouge Détecteur Figure 6.33 : Mesure continue non-invasive de la pression artérielle (Volume clamp method) et du débit cardiaque (système ClearSight™) par photo-pléthysmographie digitale. A : La manchette miniaturisée qui entoure le doigt est gonflée de manière à maintenir en permanence le volume de l’artère identique ; dès lors, la pression enregistrée dans la manchette est celle de l’artère en continu (d’après Peñáz J, Voigt A, Teichmann W. Contribution to the continuous indirect blood pressure measurement. Z Gesamte Inn Med 1976 ; 31 :1030-3). B : Le système ClearSight™ comprend deux capteurs digitaux, qui enregistrent chacun la pression en continu et analysent la surface sous la courbe de photopléthysmographie, analogue à une courbe de pulsoxymétrie. Ils fonctionnent en alternance de manière à éviter une ischémie du doigt. Une source de lumière infra-rouge détermine en permanence le volume de l’artère et en tire la courbe de photopléthysmographie. Le volume systolique est calculé en divisant la surface sous la courbe systolique du pléthysmographe par l’impédance/résistance artérielle globale calculée par l’algorithme de la machine sur la base de la pression artérielle. Un repère électronique connecté au doigt et placé au niveau du cœur sur la cage thoracique permet d’ajuster la mesure de pression en fonction de l’éventuel déplacement de la main et maintient les valeurs correspondant au niveau de référence malgré les mouvements. Le système esCCO™ La mesure du temps de transit entre l’ECG et l’onde de pouls pléthysmographique (ECG-SpO2) permet d’estimer le DC si l’on connaît la relation entre celui-ci et la compliance artérielle : le temps s’allonge lorsque le débit cardiaque baisse. Cette dernière est évaluée par l’analyse de la pression pulsée (sphygmomanomètre) et par les données du patient (âge, sexe, taille et poids). Le système actuellement sur le marché (esCCO™, Nihon-Kohden) est toutefois peu performant. Son degré de concordance avec la mesure de référence du DC est de 0.61-0.63, et le pourcentage d’erreur de 4954% [8]. Le biais est lié principalement aux résistances artérielles périphériques. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 74 Analyse du contour de la courbe artérielle La surface sous la courbe artérielle systolique est proportionnelle au volume systolique (VS). Après étalonnage par thermodilution transpulmonaire (PiCCO™), dilution d’un traceur (LiDCO™) ou algorithme de calcul (FloTrac Vigileo™), elle permet de calculer le VS et le débit cardiaque. L’appareil doit être recalibré en cas de variation des RAS. La thermodilution transpulmonaire et l’analyse de la courbe artérielle du PiCCO™ permet en outre de calculer le volume télédiatolique global du cœur, le volume sanguin intrathoracique et l’eau pulmonaire extravasculaire. Mais le PiCCO™ nécessite un cathéter spécial (voie fémorale) et une voie veineuse centrale. Le LiDCO™ s’étalonne par injection de lithium (voie périphérique) et s’accomode d’un cathéter artériel standard. La toxicité du lithium limite le nombre d’étalonnages par 24 heures. Le FloTrac Vigileo™ s’auto-étalonne au moyen d'un algorithme d'autocorrélation et ne réclame aucun cathétérisme particulier (cathéter standard par voie fémorale ou radiale). Toutefois, il tend à surestimer les bas débits et sousestimer les débits élevés ; il surestime de DC si les RAS augmentent et le sousestime lorsqu’elles baissent. Il est peu fiable lors de vasoconstriction prononcée ou de vasoplégie. Le système ClearSight™ utilise le principe de la surface sous la courbe pour analyser celle de la pléthysmographie digitale et en déduire le DC de manière non-invasive, mais il est très sensible aux variations de résistances artérielles et reste peu précis en-dehors d’une hémodynamique normale. Tous les systèmes déduisant le débit cardiaque de la surface sous la courbe artérielle sont sensibles aux RAS et à la compliance vasculaire. Ils doivent être ré-étalonnés lorsque celles-ci se modifient. En cas de variations extrêmes des RAS (vasoplégie, vasoconstriction intense, CPIA), seul le cathéter pulmonaire donne des valeurs fiables. Réinspiration partielle de CO2 Basé sur le principe de Fick, le NICO™ utilise la technique de la réinspiration partielle de CO2. Le débit cardiaque est proportionnel au changement du CO2 éliminé divisé par le changement simultané de la PCO2 expirée. Le principe de Fick stipule que le débit de sang à travers les poumons est égal au rapport entre la prise ou l'élimination d'un gaz (V) et la différence en concentration de ce gaz entre le sang rentrant (Cv) et le sang quittant (Ca) les poumons. Pour le CO2, l'équation est la suivante: DC = VCO2 / (CvCO2 - CaCO2) où: DC : débit cardiaque VCO2 : élimination de CO2 CvCO2 : concentration veineuse mêlée centrale CaCO2 : concentration artérielle Le débit cardiaque est supposé rester le même pendant une période de ventilation normale et pendant une courte période avec reventilation partielle (R): DC = VCO2 / (CvCO2 - CaCO2) = VCO2 R / (CvCO2 R - CaCO2 R) Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 75 Le changement en CaCO2 est mesuré par les modifications induites dans la pression télé-expiratoire de CO2 (PetCO2) ; le flux de gaz est mesuré par un capteur de débit respiratoire (tube de Pitot); la CaCO2 est égale à la CetCO2 corrigée par le facteur de dissociation du CO2; la CvCO2 est supposée stable pendant les mesures, donc peut être éliminée de l'équation. La valeur du débit cardiaque étant égal dans les deux situations avec et sans réinspiration, celui-ci est donc proportionnel à: DC = VCO2 - VCO2 R / CaCO2 - CaCO2 R DC = DVCO2 / DCetCO2 Pour calculer le contenu alvéolaire en CO2, l'appareil utilise la formule: CaCO2 = (6.957 [Hb] + 94.864) • log (1.0 + 0.1933 PaCO2) La correction pour un éventuel shunt est calculée à partir de la FiO2 et de la SpO2 par les graphiques de Nunn [24]. L'effet shunt est supposé stable pendant la durée des mesures. Le système consiste en une valve et un circuit de réinspiration ajoutés sur le circuit respiratoire du ventilateur; le système contient un capteur de CO2 et un flux-mètre respiratoire. La technique comporte trois périodes. Après 60 secondes de respiration normale où sont estimées la PetCO2 et la production de CO2 (VCO2) (phase 1), une valve de réinspiration est automatiquement ouverte pour introduire une boucle de réinspiration dans le circuit pendant 50 secondes (phase 2), et la différence de VCO2 et de PetCO2 est mesurées. La fermeture de la valve réintroduit les conditions standards (phase 3, durée 70 secondes). La valeur du débit cardiaque est affichée toutes les trois minutes. Le système est simple et non-invasif puisqu’il interpose une tubulure sur le circuit respiratoire d’un malade intubé. Il renouvelle la mesure de débit cardiaque toutes les 3 minutes. Les conditions ventilatoires doivent être stables : volume courant 10 ml/kg, fréquence respiratoire 8-12 cycles/min et PetCO2 35-40 mmHg [95]. La technique perd sa validité en cas de BPCO, de très haut ou de très bas débit cardiaque, et lors de laparoscopie [196]. Le DC est sous-estimé en cas de large différence entre la PetCO2 et la PaCO2 [95]. La comparaison avec les mesures de la Swan-Ganz est satisfaisante (biais 0.3 L/min), mais le NiCO™ a tendance a sous-estimer le débit cardiaque [94]. Bien qu’elle soit correcte (r = 0.88) [23,196], la corrélation avec les mesures classiques de débit cardiaque est insuffisante pour assurer la prise en charge des patients en chirurgie cardiaque avec ce seul monitorage [179]. NiCO Basé sur le principe de Fick, le NICO™ utilise la technique de la réinspiration partielle de CO2 montée sur le circuit respiratoire du ventilateur. Le débit cardiaque est proportionnel au changement du CO2 éliminé divisé par le changement simultané de la PCO2 expirée : DC = VCO2 / (CvCO2 - CaCO2). Le NICO est tombé en désuétude, mais le principe de Fick appliqué au CO2 continue à être investigué comme méthode de mesurer le débit cardiaque de manière automatique et semi-continue. La dernière en date utilise des séries itératives de tests pendant lesquels la ventilation alvéolaire et l’élimination de CO2 sont contrôlés par élévation et maintien de la PeCO2 à 10 mmHg au dessus de sa valeur de départ. En calculant la PiCO2 nécessaire à stabiliser la PeCO2 au moyen de l’équation de Fick, on peut calculer le débit cardiaque par approximations successives. Lorsque les valeurs obtenues par répétitions itératives du test se stabilisent, le DC calculé peut être considéré comme la valeur réelle du débit cardiaque [129a]. Ce système n’a pas encore d’application clinique. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 76 Doppler oesophagien (DOe) Il est possible d'enregistrer en continu le flux sanguin dans l'aorte descendante au moyen d'une échographie Doppler par voie transoesophagienne. Le capteur Doppler est monté à l’extrémité d’une petite sonde introduite par la bouche jusqu’au niveau D5-D6 (35-40 cm depuis l’arcade dentaire) (Figure 6.34A). Lorsqu’il est dirigé vers l’aorte descendante, le capteur y enregistre la vélocité sanguine. Pour calculer le DC, il mesure le volume systolique (VS), qui est égal au produit de la section de l’aorte et de l’intégrale des vélocité du flux (ITV) : VS (cm3) = Sao (cm2) • ITV (cm) où : Sao : surface transversale de l’aorte descendante ITV : intégrale des vélocités, ou distance parcourue pendant le temps d’éjection dans un cylindre idéal de même diamètre ; c’est la moyenne spatiale des vélocités sur toute la surface de section du vaisseau (∫Vao(t)dt), ou le produit de la vélocité (cm/s) et du temps(sec). Figure 6.34 : Doppler oesophagien. A : sonde d'échographie Doppler en place dans l'oesophage moyen, tournée en direction postérieure vers l'aorte descendante. B : Le faisceau Doppler analyse le flux aortique sous un angle (θ) de 45° à 60° dont le cosinus rentre dans le calcul de l’équation Doppler. Cette équation permet de calculer la vélocité du flux (V) par la modification de la fréquence des ultrasons enregistrés (Δf) par rapport à la fréquence émise par la sonde (f0) ; "c" est la vélocité des ultrasons dans le milieu ambiant (1'540 m/s). Sonde oesop h θ Flux Aort e Faisceau Doppler Equation Doppler : V = (c • Δf) / 2 (f0 • cos θ) A B Le diamètre de l’aorte descendante est connu par un nomogramme en mémoire dans l’appareil ; sa valeur est fonction de l’âge, du poids et de la taille du patient. Un modèle mesure le diamètre réel de l’aorte au moyen d’un capteur TM adjoint au capteur Doppler. L’équation Doppler (voir Chapitre 25, Echocardiographie Doppler) permet à l’appareil de mesurer l’ITV en corrigeant pour l’angle de lecture entre le faisceau d’ultrasons et le flux dans l’aorte (45°) (Figure 6.34B). Comme ce Doppler analyse le flux après le départ des vaisseaux de la gerbe aortique, il ne représente que les deux tiers du volume éjecté; un facteur de correction (x 1.3) est introduit dans les calculs pour obtenir le débit cardiaque global [27]. L'impossibilité de connaître l'anatomie de l'aorte limite l'application de cette technique aux patients dont le status vasculaire thoracique est normal. Il existe trois modèles sur le marché : HemoSonic100™, CardioQ™ et Waki TO™ [284a]). L'affichage spectral du flux aortique donne plusieurs renseignements (Figure 6.35) : Vélocité (Vmax) du flux systolique ; Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 77 Durée d’éjection (durée du flux) Téj ; elle est corrigée pour la fréquence cardiaque par multiplication avec la racine carrée de l’intervalle RR ; Volume systolique : VS = 1.3 • (Sao • ITV) ; Débit cardiaque (DC = VS • FC) ; il est calculé en continu ; Pente ascensionnelle du flux (dV/dt, accélération moyenne du flux, indice de performance systolique) ; L’information conjointe de la pression artérielle permet de calculer les RVS ; L'ECG simultané permet de calculer les Systolic time intervals. A B Ejt Hypovolémie C Dysfonction VG Vmax ITV dV/dt Figure 6.35 : Affichage spectral d’enregistrements du flux dans l'aorte. A : hémodynamique normale. ITV : intégrale des vélocités, équivalant de la surface sous la courbe du flux. Ejt : durée de l’éjection. Vmax : vélocité maximale du flux. dV/dt : pente ascensionnelle du flux. B : enregistrement en hypovolémie; la pente ascentionnelle est raide car l'éjection du VG est rapide, la surface de la courbe est étroite et la durée du flux raccourcie, car le volume systolique est bas. C : image du flux lors de dysfonction du VG; la pente ascentionnelle est faible, la vélocité globale diminuée, la courbe très élargie et la durée du flux allongée, traduisant l'éjection ralentie et le bas volume systolique du VG dysfonctionnant. En fonction de la forme et de l’évolution de l’image spectrale du flux aortique, il est possible d’apprécier les modifications de la volémie, de la fonction ventriculaire et des résistances artérielles [246]. Une baisse de fonction inotrope se traduit par une diminution de la Vmax, de la pente ascentionnelle du flux (dV/dt) et de la surface sous la courbe (ITV) ; la durée d’éjection (Téj) est allongée (valeur normale : 250-350 msec) ; Une hypovolémie provoque une diminution de la durée d’éjection (Téj) et un rétrécissement de la surface sous la courbe (ITV) ; la Vmax est normale ou légèrement modifiée ; Une augmentation des résistances diminue la Vmax et la durée d’éjection, mais redresse la pente ascentionnelle ; Aucune mesure n’est spécifique de la volémie, de la résistance artérielle ou de la contractilité ; le diagnostic est basé sur la combinaison des différentes variables et de leur évolution. Cette technique a été très utilisée pour guider l'administration liquidienne peropératoire (Goal-directed fluid administration) en visant un maintien du volume systolique dont elle permet un bon suivi, même si la précision en valeur absolue est discutable (voir Monitorage de la volémie) [80]. Des aliquots liquidiens (cristalloïdes ou colloïdes) sont administrés dès que le VS diminue de plus de 10% ; la restitution est répétée jusqu’à ce que l’addition liquidienne ne provoque plus d’augmentation du VS parce que le malade est sur la partie plate de sa courbe de Starling. Cette prise en charge a permis une réduction du séjour hospitalier et de la morbidité postopératoire [1], et même une diminution de mortalité chez des polytraumatisés [40]. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 78 La corrélation des mesures avec les valeurs de thermodilution est modeste : la variation est de 3.3 à 5.0 L/min (médiane 4.2 L/min) [57,145,246]. La sensibilité est meilleure pour les DC élevés (97%) que pour les DC bas (71%) [27]. Bien que facile à maîtriser, la technique demande une courbe d’apprentissage d’une douzaine de patients [145]. Sa valeur tient essentiellement à la possibilité de suivre l’évolution hémodynamique d’un patient, car les mesures fournies sont modérément fiables en valeur absolue. Elle est insuffisante comme seule technique de mesure du débit cardiaque pour assurer la prise en charge des patients en chirurgie cardiaque [118]. Le DOe souffre de quatre sources d’erreurs majeures [246] : L’image du flux dépend étroitement de la position de la sonde, qui doit viser l’aorte dans son plus grand diamètre. L’imprécision sur le diamètre aortique, qui est estimé de manière aveugle puisqu’il n’y a pas d’image échocardiographique de l’aorte descendante ; les mesures ne sont pas fiables en cas de pathologie aortique (anévrysme, sténose, athéromatose, tortuosité, etc). L’aorte est pulsatile et change de dimension entre la systole et la diastole ; une erreur sur l’évaluation du rayon est élevée au carré lors du calcul de la surface. Le DOe suppose un rapport fixe entre le flux supra-aortique (tête et membres supérieurs) et le flux infrathoracique, ce qui n’est pas le cas en cas de choc hémorragique, de vasoplégie ou de clampage de l’aorte abdominale. Il surestime le DC en cas d’anesthésie combinée à cause du flux excessif dans la partie inférieure du corps qui est vasodilatée [141]. Le DOe est donc un instrument utile pour le suivi d’un patient dont les conditions de base ne sont pas significativement modifiées. Il perd toute valeur en cas de clampage aortique ou de contre-pulsion intra-aortique. Echocardiographie L’échocardiographie transthoracique (en soins intensifs) ou transoesophagienne (en peropératoire) permet de calculer le débit cardiaque de manière peu invasive selon plusieurs méthodes. La plus utilisée est le calcul du volume systolique par le produit de l’intégrale des vélocités (ITV) du flux aortique et de la surface d’ouverture en systole ; la mesure se fait dans la chambre de chasse du VG ou à travers la valve aortique : VS (cm3) = ITV (cm) x SAo (cm2) (voir Figure 6.54 et Chapitre 25 Volume systolique et débit cardiaque). Cependant, cette mesure est lente, complexe et peu précise [19]. D’autre part, elle est ponctuelle et inadaptée à un suivi continu. Elle ne peut en aucun cas remplacer un appareil dédié à la mesure du débit cardiaque comme le cathéter pulmonaire ou le PiCCO. Par contre, l’échocardiographie est le meilleur moyen de quantifier la fonction ventriculaire droite ou gauche, et d’évaluer les pathologies valvulaires ou myocardiques ; elle est également très performante pour le diagnostic différentiel de l’hypotension réfractaire et de l’hypovolémie. Doppler oesophagien Un capteur placé dans une sonde oesophagienne mesure le flux dans l’aorte descendante. Le volume systolique est : VS (cm3) = Sao (cm2) • ITV (cm) où ITV est l’intégrale des vélocités aortiques. Le système permet de calculer le VS, le DC, la durée d’éjection, la Vmax du flux et son accélération. L’affichage de l’image spectrale du flux aortique illustre les modifications de la volémie, de la performance ventriculaire gauche et des résistances artérielles. Cet appareil est fréquemment utilisé pour gérer l’administration liquidienne en fonction des modifications du VS. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 79 La bio-impédance/bio-réactance électrique du thorax Après la commercialisation de plusieurs appareils aux prestations peu convaincantes, l’industrie a produit de nouveaux algorithmes d’analyse des ondes d’impédance et de nouvelles modélisations de la cage thoracique, aboutissant à une technologie plus performante pour la mesure non-invasive du débit cardiaque au moyen de simples électrodes fixées sur le thorax. L’impédance électrique à l’intérieur du thorax varie en fonction du volume de sang qui s’y trouve. Ses variations étant dues essentiellement au modifications systolo-diastoliques du volume de l’aorte, on peut en déduire le débit dans cette dernière, pour autant qu’on dispose d’un cathéter artériel. La concordance du système ECOM™ avec la thermodilution conventionnelle est modeste (r = 0.74) [62] et l’erreur moyenne supérieure à 40% [171,241a]. La bio-réactance représente le décalage de phase dans le voltage transthoracique, qui ne dépend que de la pulsatilité du flux aortique et permet ainsi de le mesurer (NICOM™). Sa valeur est moyennée sur une minute [162a]. Toutefois, sa marge d’erreur sur le débit cardiaque voisine 50% [241a]. L’effet de la ventilation sur la précision de cette technique est significatif. Un certain nombre de conditions altèrent les mesures par impédance électrique du thorax: coagulation, pace-maker, frissons, épanchement pleural, oedème pulmonaire, drains thoraciques, et autres situations dans lesquelles le signal électrique chemine préférentiellement à travers des solutions électrolytiques plutôt que par les structures vasculaires du thorax. D’autre part, les mesures deviennent moins fiables en cas de haut débit cardiaque et d’arythmies. Cette technique est peu populaire et n’a jamais vraiment « décollé » en anesthésie, car les résultats sont inconsistants en salle d'opération ou chez les patients instables [24,162a,241a]. Mesures de l’oxygénation tissulaire Chaque patient nous offre un accès direct à sa perfusion périphérique: il suffit d’observer les extrémités, les muqueuses ou les conjonctives. Palper les mains, sentir leur température et leur moiteur, regarder leur coloration et leur vitesse de recoloration après compression, évaluer la couleur des lèvres ou des ongles, sont autant de manières rapides et toujours disponibles d’apprécier l’oxygénation tissulaire. Après ce premier examen, on peut envisager diverses méthodes quantitatives. La tonométrie gastrique (pHi) La tonométrie gastrique a été développée pour évaluer le degré de perfusion de la muqueuse digestive, qui est particulièrement sensible à la réduction du flux sanguin; cette sensibilité en fait une excellente sentinelle de l’hypoxie tissulaire. La technique consiste à introduire une sonde gastrique munie d’un ballon en silicone perméable au CO2 et rempli de NaCl; le CO2 de la muqueuse gastrique va s’équilibrer avec le contenu du ballon en 30 à 60 minutes; la pression partielle de CO2 est ensuite mesurée dans le NaCl retiré du ballon. En cas d’hypoxie, le CO2 est produit en excès, parce qui les ions [H+] libérés par le métabolisme anaérobie sont tamponnés par le bicarbonate tissulaire [280]. Le concept de cette tonométrie repose sur trois hypothèses: Le CO2 diffuse librement entre la muqueuse et le ballon ; La PCO2 intraluminale est en équilibre avec la PCO2 intratissulaire ; La concentration en bicarbonate [HCO3-] est la même dans le sang et dans la muqueuse. Ces préalables ne sont pas remplis en cas d’ischémie digestive massive, d’acidose systémique profonde (pHa < 7.1) ou de perfusion de bicarbonate. L’administration d’antihistaminiques H2 perturbe la mesure et donne des pHi anormalement bas. Dans les situations habituelles, l’équation de Henderson-Hasselbach offre la possibilité de calculer le pH intramuqueux (pHi): Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 80 pHi = 6.1 + log (HCO3- / a • PCO2) où : a est le coefficient de solubilité du CO2 dans le plasma (a = 0.03). La mesure du pH intramuqueux (pHi) présente une valeur pronostique pour la morbidité et la mortalité des patients en état critique [168]. Après chirurgie majeure, par exemple, le taux de complications est significativement plus importants lorsque les patients ont un pHi < 7.32 que lorsque les valeurs sont supérieures à 7.32 [190]. La mortalité est de 37% dans un groupe de patients postopératoires de chirurgie générale lorsque le pHi est inférieur à 7.3, mais reste de 0% lorsqu’il est en-dessus de cette valeur [99]. Dans une étude prospective, le pHi s’est révélé être le meilleur discriminant entre les malades à bon pronostic et ceux qui sont décédés [96]. Seules quelques études ont évalué l’impact de cette mesure sur la thérapeutique; après chirurgie cardiaque, l’administration liquidienne règlée de manière à maintenir le pHi > 7.32 a diminué le taux de complications postopératoires [190]; une tendance similaire a été retrouvée dans une série de 260 malades de soins intensifs [97]. La valeur de PCO2 intramuqueux semble être une variable plus spécifique que le pHi en cas de choc septique; le pHi, qui reflète partiellement l’acidose métabolique systémique, est une mesure plus sensible mais moins spécifique [78]. Corroborées au taux de lactate circulant, ces mesures sont d’excellents marqueurs de l’état de la perfusion organique, mais ne permettent pas la rapidité d’intervention des mesures hémodynamiques directes. Bien que peu invasive, la tonométrie gastrique est une mesure lente (temps d’équilibration de 30 à 90 minutes), qui demande beaucoup de précision et de rigueur de manipulation; malgré son coût relativement bas, elle est mal adaptée à la situation très instable du bloc opératoire. Des évolutions techniques laisent entrevoir la possibilité de mesures plus rapides. Une mesure continue de la PCO2 intramuqueuse est possible en adaptant à une sonde nasogastrique le sytème de capteur à fibre optique utilisé pour la mesure continue dans le sang artériel (Paratrend™); il n’y a plus de délai de lecture [130] ; Une technique d’analyse infrarouge continue dérivée des analyseurs de gaz expirés fournit une mesure de PCO2 toutes les cinq minutes si l’on remplace la NaCl du ballon par de l’air [240]. La saturation cérébrale en O2 La spectroscopie infrarouge (NIRS, Near-InfraRed Spectroscopy) permet la mesure locale de la saturation de l'hémoglobine en oxygène (ScO2) au niveau des hémisphères cérébraux (voir Spectroscopie infrarouge et Figure 6.79). Les valeurs affichées sont très voisines de la saturation veineuse cérébrale (SjO2) parce que les 75% du sang cérébral sont dans le réseau veineux, 20% dans le réseau artériel et 5% dans les capillaires. La valeur normale à l’état éveillé oscille entre 60 et 75% [195] ; elle diminue de 78% chez l’enfant à 67% à partir de 60 ans [65]. Bien que l’évolution du chiffre soit plus significative que sa valeur absolue, une ScO2 inférieure à 50% est clairement anormale. Il existe souvent une légère asymétrie entre les deux hémisphères, mais l’apparition d’une nouvelle asymétrie de > 10 points est pathologique. La ScO2 est modifiée par les conditions circulatoires locales (ischémie, embolie, clampage), mais ces changements sont unilatéraux. Comme les altérations hémodynamiques modifient la ScO2 de manière diffuse et homogène, la diminution est bilatérale et sysmétrique ; de ce fait, la ScO2 est un excellent monitorage de l’oxygénation tissulaire puisqu’elle baisse lorsque l’extraction cérébrale d’O2 augmente [52,201]. La ScO2 s’abaisse avec le débit cardiaque et lui est directement corrélée [159] ; si les conditions locales sont inchangées, une chute de la ScO2 traduit une dysfonction systolique du VG avec une corrélation modeste (r = 0.74) [201]. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 81 La ScO2 baisse avec une augmentation de la pression veineuse (stase veineuse, PEEP, Trendelenburg), puisque la pression de perfusion cérébrale est égale à : PAM – Pjug ; la ScO2 tend à diminuer en cas d’insuffisance diastolique. La valeur de la ScO2 préopératoire traduit le degré de dysfonction cardiopulmonaire (r = 0.77) ; lorsqu’elle est < 50%, elle est un facteur de risque indépendant de la mortalité à 30 jours et à un an après pontage aorto-coronarien [108a]. La ScO2 s'élève en hyperoxie, en hypercapnie (augmentation de l’apport d’O2 et vasodilatation cérébrale) et en hypothermie (baisse du métabolisme et de la libération d'O2 par l'Hb) [277]. La ScO2 diminue avec une hémodilution comme en début de CEC, ou avec une hémorragie (baisse de l’Hb). Dans les arrêts circulatoires hypothermiques, la ScO2 permet de juger de la tolérance du cerveau à l’ischémie. A 20°C, la désaturation est d’environ 1%/min ; à 36°C, elle est de 20%/min [55]. En cours d’intervention, on cherche à maintenir la ScO2 entre 65% et 75%, et à éviter une chute de plus de 20% par rapport à la valeur de base. Lorsqu’elle baisse en dessous de ces limites, il faut prendre des mesures immédiates pour améliorer la perfusion cérébrale : augmenter la pression artérielle et/ou le débit de CEC, éviter l’hypocapnie, diminuer la température cérébrale (hypothermie < 32°C), augmenter l’hématocrite. La vitesse de modification de la ScO2 a autant de valeur que le chiffre atteint ; plus la chute est rapide, plus la situation est grave et demande une correction accélérée de la pression artérielle. Le maintien rigoureux de la perfusion cérébrale en suivant l’évolution de la ScO2 tend à diminuer l’incidence d’AVC et de troubles neuro-cognitifs mais aussi d’insuffisance multiorganique postopératoires ; de plus, la durée d’hospitalisation est liée à l’importance de la désaturation cérébrale peropératoire (OR 2.71) [52,188a]. La ScO2 fonctionne donc comme un excellent moniteur de l’oxygénation tissulaire. La SvO2 et la SvcO2 La saturation veineuse mêlée (SvO2) mesurée dans l’AP par un cathéter de Swan-Ganz et la saturation veineuse centrale (SvcO2) mesurée en PVC par un cathéter veineux situé dans l’OD ou la VCS sont des indices indirects de l’oxygénation tissulaire globale de l’organisme. La différence artério-veineuse de la SO2 correspond à l’extraction tissulaire d’O2, qui est en moyenne de 25% (de 10% dans les reins à 60% dans le myocarde). La SvcO2 est une donnée plus aisée puisqu’elle ne nécessite qu’un cathéter court. Sa valeur normale (73-82%) est en moyenne 5% supérieure à celle de la SvO2, sauf si l’extrémité du cathéter est située dans l’OD en regard du sinus coronaire, auquel cas elle est plus basse [278a]. Oxygénation tissulaire La tonométrie gatsrique montre que le taux de complications organiques augmente lorsque le pHi est < 7.32. La saturation de l'hémoglobine en oxygène au niveau du cerveau (ScO2) est modifiée de manière diffuse, homogène et sysmétrique par les altérations hémodynamiques, ce qui en fait un excellent monitorage de l’oxygénation tissulaire puisqu’elle baisse lorsque l’extraction cérébrale d’O2 augmente. Valeur normale : 65-75%. La SvO2 Swan-Ganz) et la SvcO2 (PVC) traduisent le degré d’adéquation entre le débit cardiaque et les besoins tissulaires globaux en oxygène. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 82 Bien qu’elles ne soient pas équivalentes, ces deux mesures varient parallèlement et identifient toutes deux le point où le transport d’O2 devient insuffisant par rapport aux besoins de l’organisme (voir Rapport DO2/VO2). Elles sont notamment très utiles pour les points suivants. Détermination du seuil de transfusion ; Indication de souffrance tissulaire en cas d’hypovolémie ou de bas débit cardiaque ; En cas de sepsis, indication d’hypoxie tissulaire (SvO2 < 60%) ou de mésutilisation de l’O2 (SvO2 > 90%) ; une SvO2 élevée peut être également due à un shunt artério-veineux ; Evaluation du sevrage ventilatoire. Avantages et limites des technologies Les nouvelles technologies décrites ci-dessus permettent une quantification continue du débit cardiaque (DC) et une bonne évaluation de ses variations instantanées. Les systèmes d’analyse du contour de la courbe artérielle détectent les modifications du DC plus rapidement que la Swan-Ganz à débit continu, qui opère sur plusieurs cycles cardiaques. De ce fait, la corrélation entre les deux méthodes est meilleure en situation hémodynamiquement stable qu’en période d’instabilité. Par ailleurs, l’analyse de la courbe artérielle est davantage influencée par le cycle respiratoire en hypovolémie. Toutefois, la mesure du volume systolique (VS) est plus intéressante que celle du DC, parce qu’elle n’est pas corrigée par la fréquence cardiaque. En effet, l’organisme maintient le DC stable sur une grande plage de VS différents par le truchement de modifications de la fréquence ; le DC est donc une valeur spontanément corrigée, alors que le VS est une valeur primaire directement influencée par la précharge et la performance systolique du VG. Sa variation est très utile pour suivre l’évolution de la volémie en cours d’intervention. D’autre part, le DC n’est pas une mesure de fonction ventriculaire, mais un paramètre réglé par rapport aux besoins métaboliques de l’organisme. Sa valeur résulte de la performance systolique du VG, de la capacitance du lit vasculaire et de la volémie. Son adéquation aux besoins peut être surveillée par la SvO2/SvcO2 et la qualité de la perfusion tissulaire par la ScO2. Avantages et limites Le volume systolique est une mesure primaire, alors que le DC est corrigé par la fréquence cardiaque. L’indication à la mesure du DC est restreinte aux situations où celle-ci apporte la réponse à une question spécifique et modifie de ce fait la thérapeutique en fonction d’un protocole de soin. Malgré ses imperfections, la mesure du VS et du DC par thermodilution (Swan-Ganz) reste la mesureétalon en clinique ; de plus, la Swan-Ganz permet la mesure de la PAPO (adaptation des perfusions en hypervolémie) et de la SvO2 (adéquation du DC aux besoins de l’organisme). Les systèmes moins invasifs de type PiCCO permettent le suivi des variations du VS et de ses oscillations avec les ΔPit de l’IPPV (indice dynamique de volémie). Les systèmes pléthysmographiques non-invasifs Comme la SvO2 , la SvcO2 et la ScO2 mesurent l’adéquation de l’oxygénation tissulaire, mais de manière noninvasive. Alors que le cathéter pulmonaire mesure le débit du cœur droit, les systèmes d’analyse de la courbe artérielle évaluent celui du cœur gauche. Le premier est donc indiqué en cas de pathologie du VD et de la circulation pulmonaire ; les deuxièmes sont plus pertinents dans les pathologies systémiques mais perdent de leur précision dans les situations de vasoplégie (sepsis) ou de vasoconstriction extrême (hypovolémie). Les systèmes pléthysmographiques non-invasifs sont résevés aux interventions Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 83 mineures chez les malades à risque [216a]. De toute manière, la mesure du DC et du VS n’ont de sens que dans le cadre d’une prise en charge dirigée en fonction d’un protocole de soin visant à normaliser la volémie, la postcharge et la contractilité (goal-directed fluid adminisitration) (voir Monitorage de la volémie). Il y a peu d’évidence dans la littérature pour démontrer l’impact de la mesure routinière du débit cardiaque si elle n’est pas accompagnée d’un algorithme thérapeutique. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 84 Surveillance hémodynamique Monitorage de la volémie Les variations de volume circulant sont fréquentes et rapides en salle d’opération. Leur surveillance est une fonction prioritaire du monitorage. L’anesthésiste pose habituellement le diagnostic d’hypovolémie sur la conjonction de plusieurs critères: Tachycardie (sauf en cas de chute brusque et isolée de la précharge: le réflexe de BezoldJarish induit une bradycardie); sous anesthésie générale, la tachycardie est moins prononcée qu’à l’état d’éveil ; Hypotension artérielle systémique (systolique, diastolique et moyenne) ; Diminution de la pression différentielle (PAdiff) ou pression pulsée (PP) : PAs – PAd (pulsus parvus et celer) ; Aspect étroit et pointu de la courbe de pression invasive ; Accentuation des variations respiratoires de la pression artérielle ; Hypotension artérielle pulmonaire ; Pression veineuse centrale basse (PVC, PAPO et Pcap basses) ; Oligo-anurie. Malheureusement, aucun de ces éléments n’est pathognomonique de l’hypovolémie. D'autre part, le patient sous anesthésie générale ou loco-régionale rachidienne subit une sympathicolyse importante qui diminue sa réactivité à la chute du volume circulant et qui augmente la dépendance de la pression artérielle vis-à-vis de la précharge du cœur : il se place sur la partie basse et très verticale de la courbe de Starling (Figure 6.36). Comme il n’existe pas de mesure-étalon de la volémie en clinique, on ne peut parler que d’adéquation du volume circulant aux besoins de l’organisme, mais non de valeur absolue de la volémie. La volémie adéquate est celle qui permet d'assurer un débit cardiaque et une pression artérielle adaptés aux circonstances (voir Chapitre 4 Besoins liquidiens). Figure 6.36 : Courbe de FrankStarling. Elle traduit la relation entre l’augmentation de la précharge (Ptd ou Vtd) et l’augmentation correspondante de la performance systolique (augmentation du volume systolique). Elle comprend une partie gauche ascendante où de petites variations de remplissage (ΔP) se traduisent par de fortes variations de volume systolique (ΔVS) ; c’est le cas de l’hypovolémie. La partie droite est caractérisée par un genou à partir duquel la courbe devient un plateau : le VS maximal est atteint et toute augmentation ultérieure de remplissage ne se traduit plus que par une aiugmentation de la pression veineuse centrale. Volume systolique Genou et plateau ΔVS Phase de recrutement ΔP Pression ou volume télédiastolique © Chassot 2012 Le coeur interagit avec le volume circulant par le biais de la précharge, qui est la force de distension appliquée sur le ventricule en fin de diastole et que l'on peut évaluer par la pression (Ptd) ou le volume (Vtd) télédiastoliques. La pression de remplissage d'une cavité cardiaque dépend de plusieurs facteurs. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 85 Le volume circulant lui-même : l’hypovolémie diminue le Vtd. La compliance de la cavité : la courbe pression/volume des ventricules est curvilinéaire. A bas volume, les variations de Vtd ne se traduisent que par de très faibles variations de Ptd (Figure 6.16). La dysfonction diastolique élève et redresse la courbe de compliance ; au même volume correspond un pression plus élevée ; un insuffisant diastolique peut être sévèrement hypovolémique avec une PVC et une PAPO normales [103,276]. Le status des grandes veines centrales : la veinoconstriction élève le gradient de pression commandant le retour vers l’OD alors que la veinodilatation stocke le volume en périphérie. En respiration spontanée, la pression abdominale et le diaphragme agissent comme une pompe qui augmente gradient de pression entre la veine cave inférieure (VCI) et l'OD en inspirium (Figure 6.37) [278]. La curarisation abolit cet effet. La pression intrathoracique (Pit) : son augmentation par la ventilation en pression positive provoque un déplacement de volume de l'intérieur vers l'extérieur du thorax : le volume sanguin intrathoracique diminue de 17% alors que le volume sanguin extrathoracique augmente de 28% [305]. Simultanément, la PVC et la PAPO augmentent de 15 et 25% respectivement : la pression de remplissage s’élève alors que le Vtd diminue. Les variations respiratoires du flux artériel en IPPV constituent les indices dynamiques (voir ci-dessous). La contraction auriculaire: elle permet une augmentation de la Ptd sans augmentation de la pression auriculaire moyenne. Normalement, elle n’ajoute que 20% du volume de remplissage ventriculaire, mais elle devient cruciale lors de dysfonction diastolique, où son apport peut s'élever jusqu'à 50%. La tachycardie abaisse le Vtd en diminuant le temps de remplissage; ce phénomène est surtout sensible lors de dysfonction diastolique (défaut de relaxation ou de distensiblité). Pabd Patm Pvf Pit P it Volume splanchnique Volume périphérique VCI V CI Ao POD VD VG Pcf © Chassot 2012 Diaphragme Figure 6.37 : Variations de la pression abdominale et retour veineux cave inférieur. La pression critique de fermeture (Pcf) est fonction de la pression dans la veine cave inférieure (VCI) et de la pression qui l'entoure (pression abdominale Pabd); la veine collabe lorsque la Pcf est atteinte, et le retour veineux à l'OD cesse momentanément. Le volume périphérique représente le réseau veineux en amont de l'abdomen (membres inférieurs, etc). Le volume splanchnique représente le réseau veineux intra-abdominal mésentérique, porte, cave inférieur, etc. PVF: pression en veine fémorale. Lorsqu’il se contracte, le diaphragme agit comme une pompe qui comprime l’abdomen (Pabd ↑) mais diminue la pression intrathoracique (Pit ↓) : le flux par la VCI est augmenté à chaque inspirium spontané [278]. Avec la curarisation, ce phénomène est perdu ; non seulement la pression d’amont de la VCI (Pabd) n’augmente plus, mais la pression d’aval (Pit) s’élève à l’inspirium de l’IPPV. Le flux par la VCI diminue d’autant. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 86 PVC et PAPO Bien qu'on l'utilise trop souvent dans ce but, la pression mesurée en PVC ou en PAPO a une faible corrélation avec le volume de l'OD et de l'OG, respectivement. Elle n'est pas corrélée au volume télédiastolique du ventricule (r = 0.3-0.5) [119,132,163,199,285]. Elle n'est pas corrélée non plus à l'augmentation du débit cardiaque après un test de charge [132]. En hypovolémie, les mesures de pression ne sont pas représentatives du volume de remplissage pour quatre raisons. La courbe curvilinéaire de la compliance des chambres cardiaques est très plate en hypovolémie : les variations de pression sont quasi-inexistantes par rapport aux variations de volume (Figure 6.16). L’hypovolémie diminue principalement le volume contenu dans les grandes veines centrales (vaisseaux de capacitance), dont les parois souples collabent aisément ; la pression enregistrée ne correspond plus à celle de l’oreillette mais à celle qui règne à l’intérieur du thorax. Le poumon passe en zone II de West (Figures 6.26 et 6.27) à chaque inspirium de ventilation en pression positive, et la PAPO ne représente que la pression alvéolaire [281]. Une tachycardie > 110 battements/min téléscope les ondes auriculaires a et v ; l'OG se contracte contre une mitrale en voie de fermeture. La PAPO surestime la PtdVG (Figure 6.25). La ventilation en pression positive (IPPV) augmente la pression moyenne intrathoracique (Pit) ; la curarisation abaisse la pression abdominale (perte du tonus musculaire) et supprime la pompe diaphragmatique (compression abdominale et dépression intrathoracique simultanées) [278]. Le retour veineux par la VCI est diminué, alors que la PVC mesurée est augmentée parce que la Pit s’est élevée (Figure 6.37). En hypervolémie, au contraire, la situation est toute différente. La courbe de compliance est redressée, donc chaque variation du volume de précharge se traduit par une variation correspondante (mais non linéaire) de la pression. La pression dans les veines centrales est plus élevée que la pression ambiante, le poumon reste en zone III de West ; la PAPO correspond à la POG puisque la colonne de sang est ininterrompue. La PAPO et la Pcap mesurent la pression vasculaire péri-alvéolaire et surveillent efficacement le risque d’extravasation liquidienne interstitielle. Leur mesure est essentielle pour guider le remplissage dans la population dont la Pcap est élevée (stase gauche, maladie mitrale), dont la perméabilité capillaire est altérée (sepsis, SDRA, SIRS) ou dont la circulation pulmonaire est pathologique (BPCO, HTAP). Cette mesure permet d’éviter la surcharge pulmonaire. Le cathéter pulmonaire de Swan-Ganz et la PVC sont donc de mauvais moyens diagnostiques de l’hypovolémie, mais d’excellents guides dans l’administration liquidienne parentérale en cas d’hypervolémie. Tout au plus, les modifications de la PVC lors de changements de la pression intrathoracique peuvent être un critère d’hypovolémie : une augmentation de PVC ≥ 2.5 mmHg lors de l’installation d’une PEEP de 10 cm H2 O est corrélée (r = 0.77) à une réponse positive du DC au remplissage vasculaire [82a]. La thermodilution transpulmonaire nécessaire à étalonner le PiCCO™ permet d’évaluer le volume sanguin intrathoracique (VSIT) et le volume télédiastolique global (VtdG) du coeur, qui sont des mesures pertinentes de la précharge cardiaque. Tous deux suivent adéquatement le remplissage tel qu’on peut le contrôler par la mesure de la StdVG à l’ETO [111,176]. Même si elle peut être automatisée, la mesure nécessite de réaliser une thermodilution transpulmonaire pour être fiable. Courbe de pression artérielle La surface sous la courbe de pression artérielle est proportionnelle au volume systolique. En cas d’hypovolémie, cette surface se rétrécit : la silhouette de la courbe devient étroite et pointue (Figure Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 87 6.38). Cet aspect est important, car la tachycardie est freinée par la sympathicolyse de l’anesthésie générale ou par le béta-blocage préopératoire ; dans ces conditions, le débit cardiaque chute parallèlement au volume systolique. Cette modification de la courbe de pression se retrouve sur les différents appareils qui analysent la pulsation artérielle par pléthysmographie et pulsoxymétrie. Figure 6.38 : Modifications du tracé de la courbe artérielle en fonction de la volémie. A : Volume systolique normal. B : volume systolique diminué ; la courbe est étroite et pointue. A B © Chassot 2012 Indices de perfusion tissulaire On peut juger la perfusion tissulaire par des indices tels que la couleur et la température de la peau des mains (évaluation clinique), le taux de lactate, le pH, la saturation cérébrale ou musculaire en O2 (ScO2), la saturation veineuse centrale dans l’AP (SvO2) ou en PVC (SvcO2), la différence artérioveineuse en CO2, ou encore le débit urinaire. La Pv-aCO2 exprime l’équilibre entre la perfusion tissulaire globale et l’activité métabolique de l’organisme ; elle se creuse lorsque la perfusion diminue sans modification du métabolisme. Elle se mesure entre la pCO2 en PVC ou en AP et la pCO2 artérielle [112a]. Echocardiographie transoesophagienne (ETO) La pertinence de l’ETO pour l’évaluation de la volémie est traitée en détail dans le Chapitre 25 (Evaluation de la volémie). L'examen ETO offre un certain nombre d'indices d’hypovolémie, qui peuvent se classer en quatre catégories. Indices dérivés de l’examen bidimensionnel : la diminution des dimensions (diamètres, surfaces, volumes) des cavités cardiaques est un indice indépendant de leur compliance ; s’y ajoutent l’élévation de la fraction d'éjection, la flaccidité des parois et l’accentuation des oscillations cardiogènes du septum interauriculaire due au fait que les oreillettes sont relativement vides. L’hypovolémie est probable dans les conditions suivantes (Figure 6.39) [41,234,264,286] : • Diamètre télédiastolique (Dtd) court-axe du VG < 2.5 cm/m2 ; • Oblitération télésystolique de la cavité du VG; • Surface télédiastolique (Std) du VG < 5 cm2/m2 ; • Surface en court-axe de la veine cave supérieure < 1 cm2/m2 ; • Fraction d'éjection supranormale : elle tend vers 1.0 lorsque le Vts tend vers zéro ; • Faseyement ample du septum interauriculaire (SIA) avec double bascule en systole et en diastole à chaque cycle cardiaque (Figure 6.40); • Les dimensions ventriculaires sont d’excellents indices de suivi du même patient mais n’ont que peu de valeur en temps que mesures isolées de la volémie (r = 0.60.75) à cause des grandes variations dans la taille des cavités cardiaques. Indices dérivés des flux de remplissage à l'examen Doppler (flux dans les veines pulmonaires et la valve mitrale) (Figure 6.41) : comme ils dépendent du gradient de pression, ils sont tributaires de la pression intrathoracique et de la compliance des chambres cardiaques et sont Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 88 indissociables de la fonction diastolique. Ils ne permettent d’évaluer la POG que si celle-ci est élevée au dessus de la norme ; ils n’ont pas de valeur pratique pour la mesure de l’hypovolémie. Cette remarque est la même que pour la PVC et la PAPO 25 B A StdVG 2 (cm ) Dysfonction VG 20 C 15 Fonction VG normale Déficit en vol circ (%) 0.0 2.5 5.0 7.5 10.0 12.5 15.0 Figure 6.39 : Evaluation de la volémie à l'ETO par mesure de la surface télédiastolique du VG (StdVG en cm2) en court-axe transgastrique. A : la relation entre cette surface et le déficit en volume lors d'hémodilution aiguë est linéaire. En bleu: courbe chez des individus normaux; en rouge: courbe chez des insuffisants cardiaques gauches [39]. B : dessin de la surface (traitillé bleu) n’incluant pas les muscles papillaires, diamètre de la cavité du VG. C : rétrécissement de la cavité télésystolique en hypovolémie ou lors de vasoplégie. 100° A B OG FO OD 1 C OG 1 OD 2 2 3 3 Figure 6.40 : Oscillations de la membrane souple de la fosse ovale (FO) en fonction de la volémie à l’ETO. A : positionnement du vecteur de mode TM en vue bicave rétrocardiaque mi-oesophage. B : déroulement dans le temps des oscillations du septum interauriculaire. Flèche verte : contraction de l’OD avant celle de l’OG, l’onde "a" droite précède l’onde "a" gauche. Flèche rouge : bascule du septum dans l’OG lors de la descente "x" ; quelle que soit l’amplitude des oscillations, cet évènement est le plus important. Flèche jaune : bascule du septum dans l’OG lors de la descente "y". C : les trois aspects du septum interauriculaire en fonction de la volémie. 1 : en hypervolémie (PAPO 18 mmHg), le septum est tendu pendant tout le cycle cardiaque. 2 : en normovolémie Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 89 (PAPO 13 mmHg), le septum présente un renversement mésosystolique. 3 : en hypovolémie (PAPO 9 mmHg), le septum faseye librement et amplement entre les deux oreillettes [234]. Figure 6.41 : effet de la volémie sur les flux veineux pulmonaire (FVP) et mitral. Comme la POG est basse en hypovolémie, la composante systolique du FVP est élevée, puisque la POG est sa pression d’aval (valve mitrale fermée). Par contre, le flux mitral E est faible car la POG est sa pression d’amont (pression motrice). La tachycardie fusionne les flux E et A en une seule onde mésotélédiastolique. En hypervolémie, la POG est haute ; la composante systolique du FVP est freinée ; la majeure partie du flux passe en diastole, lorsque la mitrale est ouverte et que le VG se relâche. L’élévation de la POG augmente la vélocité du flux E. La dysfonction diatolique reproduit les mêmes modifications des flux. L’image des flux ne permet pas de dissocier les effets de la volémie de ceux de la fonction diastolique des ventricules. Normal Hypovolémie Hypervolémie Flux veineux pulmonaire S D S D S D Ar Ar Ar Flux mitral A E E A A E Tachycardie E Fusion E→A A © Chassot 2010 A 120° B 0 m/s VG Ao VD 1 m/s Figure 6.42 : Flux aortique à l’ETO. A: Position du faisceau Doppler (trait rouge) à travers la valve aortique dans une vue transgastrique profonde à 120°. B : La vélocité maximale (Vmax) du flux aortique est 0.98 m/s. L’intégrale des vélocité par rapport au temps (ITV) est la distance parcourue pendant le temps d’éjection dans un cylindre idéal de même diamètre que la valve ; c’est la moyenne spatiale des vélocités sur toute la surface de section (∫t VAo(t)dt). Elle s’obtient en dessinant l’enveloppe de la courbe de flux (pointillé jaune) ; elle est l’équivalent de la surface sous la courbe de pression artérielle ; elle est proportionnelle au volume systolique. Indices liés au flux d’éjection : vélocité, durée et surface spectrale du flux aortique (Figure 6.42). Indices dynamiques liés aux interactions cardio-respiratoires en IPPV : mouvements du septum inter-auriculaire aux deux temps respiratoires, pulsatilité augmentée des veines caves, variations importantes du flux aortique. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 90 Indices dynamiques Chez les malades ventilés en pression positive (IPPV), on observe couramment que le degré de respiro-dépendance de la courbe de pression artérielle reflète le déficit présumé du volume circulant. Les variations de la pression artérielle en relation avec l’IPPV sont tributaires de deux phénomènes (voir Figure 6.29). Au moment de l'inspirium en IPPV, le sang contenu dans le lit pulmonaire est chassé vers l'OG, ce qui augmente la précharge du VG; de plus, celui-ci est comprimé de l’extérieur par l’augmentation de la pression intrathoracique (Pit), ce qui facilite son éjection. Son volume systolique s'accroît et la pression systolique mesurée en périphérie est plus élevée (Δup). Simultanément, l'élévation de la Pit freine le retour veineux vers l'OD, diminue la précharge du VD et augmente sa postcharge ; le volume systolique droit baisse. Le temps de transit pulmonaire entre le coeur droit et le coeur gauche étant de 3-5 cycles cardiaques, la précharge du VG est diminuée dès que le faible volume systolique droit atteint l’OG; la pression systolique baisse (Δdown). Les variations hémodynamiques apparaissent au niveau du remplissage (volume des veines caves et des oreillettes) et de l’éjection (volume systolique, vélocité du flux aortique, pression artérielle) (Figure 6.43). Leur origine est liée à la position du ventricule sur la courbe de Frank-Starling (Figure 6.44). En hypovolémie, sur la partie verticale de la courbe (phase de recrutement), de petites variations de remplissage se traduisent par de grandes variations de volume systolique ; les variations de Pit en IPPV donnent naissance à d’amples variations de pression artérielle. Lorsqu’il est au plateau de la courbe, au contraire, les variations ventilatoires disparaissent parce que les variations de remplissage ne modifient plus le volume systolique ; seule la pression de remplissage augmente [79]. Deux situations modifient la pente de la courbe de Starling (Figure 6.45). Figure 6.43 : Indices dynamiques. A : Variations ventilatoires de la Vmax du flux aortique en vue transgastrique profonde à 110° [86]. B : variation du diamètre de la VCI rétrohépatique (vue transgastrique 90° en mode TM) ; le diamètre maximum correspond au pic de pression intrathoracique (Pit). P tube OT : pression dans le tube oro-trachéal [71]. C: variations du diamètre de la veine cave supérieure (VCS) (vue rétrocardiaque bicave à 100° en mode TM) ; la VCS diminue de diamètre lorsque la Pit augmente (flèche verticale). Image du haut : normovolémie, image du bas : hypovolémie [301]. A C VCS P tube OT Veine cave inférieure (VCI) B P tube OT P tube OT L’insuffisance systolique est caractérisée par une courbe aplatie dont la pente est faible ; elle redescend même au-delà du genou ; les modifications de la précharge changent peu le volume systolique : les variations ventilatoires de la pression artérielle sont absentes. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 91 L’insuffisance diastolique présente une courbe très redressée : toute modification de précharge a un retentissement marqué sur le volume éjecté ; l’augmentation de Pit (IPPV, PEEP) et la perte de la pompe diaphragmatique (curarisation) effondrent le volume systolique et la pression artérielle. Figure 6.44 : Courbe de FrankStarling. En hypovolémie (A), le VG est sur la partie verticale de la courbe (phase de recrutement) : de petites variations de remplissage (ΔP) se traduisent par de grandes variations de volume systolique (ΔVS). Les variations de remplissage dues aux oscillations de la Pit en IPPV donnent naissance à d’amples variations de pression artérielle. Lorsqu’il est au plateau de la courbe (B), au contraire, les variations ventilatoires disparaissent parce que les variations de remplissage (ΔP’) ne modifient plus le volume systolique (ΔVS’) ; seule la pression de remplissage augmente. Figure 6.45 : Courbes de Frank-Starling en cas d’insuffisance diastolique (en vert) et d’insuffisance systolique (en rouge) comparées à une courbe normale (en bleu). Dans l’insuffisance diastolique (A), la pente de recrutement est très raide, le genou conduisant au plateau a disparu. Une variation de remplissage se traduit par une très grande variation de volume systolique (VS). Ceci conduit à une grande dépendance vis-à-vis de la précharge et à une accentuation des variations ventilatoires de la pression artérielle. Dans l’insuffisance systolique (B), la pente de recrutement est très plate, le genou conduit à une redescente de la courbe (baisse du VS par dilatation ventriculaire sur surcharge). Une variation de remplissage se traduit par une minime variation de VS. La dépendance à la précharge est faible ; les variations ventilatoires de la pression artérielle disparaissent. B Volume systolique ΔVS’ A ΔP’ ΔV S ΔP Volume télédiastolique © Chassot 2012 Volume systolique Courbe normale ΔVS A ΔP ΔVS B © Chassot 2012 ΔP Volume télédiastolique Il n’existe pas de mesure clinique de la volémie, et les pressions de remplissage ne représentent pas les volumes de précharge à cause de la compliance curvilinéaire des cavités. De ce fait, il est habituel de tester la validité d’une méthode destinée à évaluer l’hypovolémie par la réponse de la performance systolique au remplissage. La réponse au remplissage (fluid responsiveness) est considérée comme positive si le volume systolique, le débit cardiaque ou la pression artérielle augmentent de > 12-15% après un test de charge de 5-10 mL/kg (voir ci-dessous : Tests de réponse au volume). On distingue Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 92 alors les patients répondeurs de ceux qui ne le sont pas. Les premiers sont hypotendus à cause d’une hypovolémie, ce qui est le cas chez la moitié des patients en salle d’opération et en soins intensifs [34a] ; les autres souffrent d’une autre cause d’hypotension. Les indices dynamiques utilisés en clinique ne prédisent une réponse positive au remplissage que si certaines conditions sont remplies [216]. La fonction ventriculaire droite et gauche est normale (FE VG > 0.4). Les conditions de charge sont fondamentalement normales : absence de valvulopathie et d’arythmie. Les variations de pression intrathoracique d’origine ventilatoire sont significatives ; pour cela, les poumons doivent être normalement compliants et le volume courant élevé (8-12 mL/kg); la transmission de la Pit est altérée en cas de SDRA et de compliance pulmonaire < 30 mL/cm H2 O [50]. En ventilation protective à bas volume courant (6 mL/kg), les indices dynamiques perdent leur fiabilité ; pour tester la dépendance du volume circulant, il faut momentanément augmenter le volume courant à 8-10 mL/kg [224a]. La ventilation est réalisée en pression ou en volume contrôlé [175,312] ; les indices dynamiques habituels ne sont pas significatifs en respiration spontanée ou assistée [107]. Le volume courant (8-12 mL/kg) et la fréquence respiratoire (< 25/min) ont des valeurs spécifiques ; la PEEP est peu élevée, car une surpression intrathoracique tend à exagérer les variations de VS et de PA. Le thorax est étanche ; les variations de la pression artérielle et du VS ne sont pas corrélées à la volémie à thorax ouvert [219,220] ; par contre, la PVC et la PAPO ne sont plus influencées par la Pit et deviennent plus fiables pour l’évaluation de la volémie lors de sternotomie ou de thoracotomie. La pression abdominale doit être normale ; une surpression intra-abdominale atténue la réponse artérielle à la ventilation mécanique [63]. Les résistances artérielles (RAS) sont supposées rester normales et stables pendant la période de mesure. Des RAS élevées ou effondrées amputent les indices de leur valeur discriminative ; de plus, l’enregistrement non-invasif de la pulsatilité n’est souvent plus possible sous vasoconstricteurs. La mesure est plus fiable si sa période de mesure est synchronisée avec le cycle du ventilateur [35]. En respiration spontanée, la compliance artérielle définie comme le rapport entre les variations de la pression pulsée et celles du volume systolique (VPP/VVS) (voir Chapitre 5, Déterminants de la fonction systolique, La postcharge) est un prédicteur valable (r = 0.91) de la réponse au volume lorsqu’elle est > 1.15 [36]. Variations respiratoires de la pression artérielle et du volume systolique Les variations de la pression pulsée (PP = PAs – PAd) et du VS liées à la ventilation sont normalement inférieures à 13% et 10%, respectivement. Ces variations sont calculées selon la formule : ΔPP = 100 x ([PPmax - PPmin] / [PPmax + PPmin]/2) [224a]. La plupart des moniteurs récents de pression artérielle et de débit cardiaque continu affiche automatiquement ces variations (Intellivue™, PiCCO™, FloTrack™, etc). Les systèmes non-invasifs (ClearSight™, CNAP™, esCCO™, T-Line™) sont particulièrement attractifs pour les cas de chirurgie noncardiaque à risque faible ou intermédiaire et pour les cas d’endoscopie ou de radiologie interventionnelle où l’on hésite à poser un cathéter artériel [241a]. L’hypovolémie place le malade sur la partie ascendante de la courbe de Starling (Figure 6.44), là où le débit systolique du VG est très dépendant de son degré de remplissage. Les variations alternées de la pression intrathoracique en IPPV induisent donc une oscillation respiratoire du volume systolique et de la pression artérielle dont l’ampleur est proportionnelle au manque de volume circulant. Une variation ventilatoire du volume systolique, de la pression systolique, de la pléthysmographie ou de la Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 93 pression pulsée supérieure à 15% signe en général une hypovolémie ; le coefficient de corrélation avec une augmentation du débit cardiaque par administration liquidienne est respectivement de 0.84, 0.86, 0.89 et 0.94 [95a,163a,175,183a,312]. La mesure la plus performante est celle de la pression pulsée (PP). Le rapport entre les variations (Δ) de la pression pulsée (ΔPP) et celles du volume systolique (ΔVS) peut indiquer l’état des RAS parce que la vasoplégie augmente les ΔVS davantage que les ΔPP (rapport ΔPP/ΔVS bas), alors que la vasoconstriction augmente les ΔPP plus que les ΔVS (rapport ΔPP/ΔVS > 1) [112a]. La situation est en général claire lorsque la variation de la pression pulsée est > 15% ou < 9% ; dans la zone grise comprise entre ces deux valeurs, par contre, la situation est indécidable (25% des cas) [34a]. En-dehors de la chirurgie cardiaque, la variation respiratoire de la pulsation artérielle peut être évaluée avec autant d’efficacité (coefficient de corrélation : 0.9) par des techniques non-invasives comme la photopléthysmographie (CNAP™, Finapres™, ClearSight™, voir Figure 6.33) [183a]. Un appareillage simple (Masimo Set™) permet d’afficher sur le moniteur un index de variabilité pléthysmographique de la SpO2 ; lorsque cette dernière est > 14%, la probabilité d’hypovolémie est élevée [95a]. Ce système fonctionne correctement lorsque la pulsatilité est captée sur un doigt mais non au lobe de l’oreille. Variations ventilatoires des oscillations septales (ETO) Lors de l'inspirium en pression positive, le retour veineux à l'OG est augmenté parce que les poumons sont comprimés comme une éponge ; le volume et la pression de l'OG augmentent, alors que ceux de l'OD diminuent à cause du faible retour veineux extrathoracique ; le septum interauriculaire (SIA) va donc bomber de la gauche vers la droite. Au cours de l'expirium, la situation s'inverse, et le septum retrouve sa place. En normovolémie, l’apport de volume à l’OG est suffisant pour que ce bombement du septum efface les oscillations cardiogéniques (Figure 6.46), alors que celles-ci persistent en hypovolémie. La durée des oscillations cardiogéniques du SIA pendant le cycle respiratoire permet d'évaluer la valeur de la POG [135] : Septum tendu aux deux temps du ventilateur : POG > 16 mmHg ; Présence d’oscillations cardiogéniques à l’expirium mais disparition à l’inspirium du ventilateur : normovolémie (POG = 12 mmHg) ; Persistance des oscillations cardiogéniques aux deux temps respiratoires : hypovolémie (POG ≤ 10 mmHg). Inspirium Figure 6.46 : Modification des oscillations cardiogéniques du septum interauriculaire lors de la ventilation en pression positive. L’apport de volume à l’OG lors de l’inspirium du respirateur est suffisant pour effacer les oscillations du septum qui bombe dans l’OD en normovolémie (A), mais insuffisant en hypovolémie (B) ; dans ce cas, les oscillations cardiogéniques persistent aux deux temps de la ventilation. Expirium A B En l’absence de valvulopathie mitrale ou tricuspidienne, la valeur prédictive positive est de 97%, la sensibilité de 89% et la spécificité de 95% [135]. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 94 Variations ventilatoires de l’éjection ventriculaire gauche Les modifications respiratoires de l’éjection systolique gauche peuvent se mesurer par les variations de différents paramètres : la pression artérielle systolique (PAs), la pression différentielle (PAdiff = PAs – PAd, ou pulse pressure), le flux aortique (VmaxAo), le volume systolique (VS) et le débit cardiaque (DC). La variation ventilatoire de la PAs est la méthode la plus évidente et la plus utilisée spontanément : une courbe artérielle respiro-dépendante signe une hypovolémie (Figure 6.29). Une baisse inspiratoire de la PAs ou de la PAdiff > 15% ou > 12 mmHg par rapport à la PAs/PAdiff moyennes a une valeur prédictive positive de 95% pour une réponse positive au remplissage [45,279]. Comme elle est fonction de la Pit, la variation de la pression artérielle est proportionnelle au volume courant (Figure 6.47). La PAs et la PAdiff sont directement proportionnelles au volume systolique, mais inversément proportionnelles à la compliance artérielle [175]. Leurs variations n’ont une valeur prédictive pour l’hypovolémie que si les RAS restent dans des valeurs normales ; lorsque la compliance artérielle est très basse (artères calcifiées du vieillard, par exemple), on observe de fortes variations de pression sans modification significative du volume systolique. Une fois la normovolémie atteinte, les ΔPAs disparaissent (Figure 6.48). Les variations ventilatoires de la PAdiff ont une valeur prédictive légèrement supérieure à celles de la PAs [177]. Il existe toutefois une "zone grise" située entre 9% et 13% de variation ventilatoire de la PA qui ne permet aucune prédiction sur la réponse au remplissage [35a]. Une variation d’amplitude de l’onde pléthysmographique du pulsmètre de > 13% peut remplacer de manière moins invasive celle de la surface sous la courbe artérielle ; elle permet une bonne prédiction de la réponse au volume (sensibilité 80%, spécificité 90%) [34]. Figure 6.47 Test de réactivité potentielle au remplissage chez un patient ventilé en pression positive. On programme 4 inspirations du ventilateur à volume courant croissant et l’on observe la pente des variations engendrées sur la pression artérielle systolique [205]. Une valeur de > 0.24 mmHg/cm H2O prédit une réponse positive au remplissage (augmentation > 15% du débit cardiaque) avec une sensibilité de 87% et une spécificité de 83%. 20 Pression respiratoire (cm H2O) 10 Les systèmes de mesure du contour de la courbe artérielle (PiCCO™, LiDCO™, FloTrac™) peuvent suivre les variations du volume systolique (VS) en fonction de l’IPPV et en rapporter la variabilité selon la formule : ΔV (%) = (VSmax – VSmin) / VSmoy. L'importance des variations du VS est inversement proportionnelle au volume de la précharge cardiaque ; plus la surface est respirodépendante, plus le patient est hypovolémique. Une ΔVS ventilatoire de > 10-12% a une valeur Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 95 prédictive positive de 90-95%, une sensibilité de 85-90% et une spécificité de > 90% pour une augmentation du débit cardiaque par remplissage vasculaire (5%/100 ml) [15,177,218,279,312]. La corrélation reste bonne pour un volume courant de seulement 7.5 mL/kg, mais uniquement à thorax fermé, ce qui limite l’application en chirurgie cardiaque [220]. Le VS est plus sensible que le débit cardiaque, car il est indépendant de la fréquence ; la tachycardie a tendance à amortir l’effet de l’hypovolémie sur le DC [15,232]. Figure 6.48 : Variabilité de la pression artérielle systolique en ventilation en pression positive lors d'hypovolémie. A : avant remplissage. B : après 500 ml de colloïde. Une variabilité supérieure à 12 mmHg a une valeur prédictive de 80% pour une réponse favorable au remplissage [45]. A B La vélocité maximale du flux aortique (VmaxAo) à l’ETO varie au cours du cycle respiratoire en pression positive proportionnellement au degré de remplissage vasculaire (Figure 6.43A). Une variation respiratoire du flux de ≥ 15% indique une hypovolémie et a une valeur prédictive positive sur la réponse au remplissage, alors qu'une variation ≤ 10% prédit une non-réponse au volume (sensibilité de 100% et spécificité de 89%) [72]. Une comparaison des différentes méthodes d’évaluation de l’hypovolémie par la réponse probable au remplissage montre que leur valeur prédictive (en pourcent et en surface proportionnelle sous la courbe ROC) est par ordre croissant (Figure 6.49) [163a] : Pressions de remplissage (PVC-PAPO) : < 50%, ROC 0.55 ; Surface télédiastolique du VG : < 68%, ROC 0.64 ; Variations ventilatoires de la PAs : > 70%, ROC 0.72 ; Variations ventilatoires du VS : > 70%, ROC 0.72 ; Variations ventilatoires de la PAdiff : > 75%, ROC 0.0.78 ; Variations ventilatoires des oscillations septales auriculaires : > 90%. Variations ventilatoires du retour veineux (ETO) Le diamètre et la surface de la veine cave supérieure intrathoracique (VCS), faciles à mesurer à l’ETO, varient avec le cycle du respirateur en fonction du degré de remplissage de la veine (Figure 6.43). Lorsqu’elle est peu remplie, la VCS collabe pendant l’inspirium de l’IPPV ; c’est l’équivalent d’une zone II de West. Au contraire, elle maintient son diamètre en normovolémie parce qu’elle en zone III. Si la surface de la VCS se modifie de plus de 40% au cours du cycle respiratoire, la POD est inférieure à 10 mmHg [301]. La même observation peut être réalisée sur la veine cave inférieure (VCI) dans son trajet intrahépatique. Pendant l’inspirium du respirateur, celle-ci augmente significativement de volume en cas d'hypovolémie parce que les variations de la Pit sont plus importantes que la valeur de la POD. En hypervolémie, les pressions de remplissage sont plus élevées que la Pit moyenne et la VCI se modifie très peu avec le cycle ventilatoire [71]. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 96 Sensibilité ΔVS, FAo, SIA: > 0.90 1.0 Valeur prédict pos: > 90% 0.8 Δ PAs, ΔPAdiff: 0.78 Valeur préd pos: 80% StdVG: 0.64 Valeur préd pos: < 70% 0.6 0.4 Courbes ROC 0.2 PVC, PAPO: 0.51 Valeur préd pos: < 45% 1 - spécificité 0.0 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 Figure 6.49 : Courbes ROC (Receiving operator curve) traduisant le degré de spécificité et de sensibilité des diverses méthodes pour évaluer l’hypovolémie (d’après réf 163a,175,178). La valeur prédictive positive est indiquée en pourcent ; le degré de corrélation avec l’importance de l’hypovolémie est mesuré par la surface sous la courbe ROC en proportionnalité avec la surface du quadrilatère dans lequel elle est incluse. La technique la moins performante est la mesure des pressions de remplissage (PVC, PAPO). La mesure de la surface télédiastolique du VG (StdVG) est meilleure, mais surtout adéquate pour le suivi du même patient. Les indices dynamiques (Δ) sont certainement supérieurs, particulièrement les variations ventilatoires du volume systolique (ΔVS), du flux aortique (ΔFAo) et des oscillations du septum interauriculaire (SIA). Tests de sensibilité au remplissage (Fluid responsiveness) Outre la variabilité ventilatoire du volume systolique et de la pulsation artérielle, il est possible de procéder à quelques tests simples pour juger si un malade hypotendu est susceptible de répondre positivement au remplissage vasculaire [95a,112a]. Ces tests ont l’avantage de rester performants lorsque les indices dynamiques ventilatoires sont pénalisés par un défaut de compliance pulmonaire ou un bas volume courant. Test de charge (fluid challenge) : administration de 5 mL/kg (300-500 mL) de cristalloïde en une dizaine de minutes, ou de 1 mL/kg en 1 minute ; la réponse est positive si l’éjection du VG augmente d’au moins 12% ou si les variations respiratoires de la PA disparaissent. L’occlusion télé-expiratoire (end-expiratory occlusion) : l’interruption du ventilateur pendant 15 secondes à la fin d’un cycle augmente momentanément le retour veineux et la précharge ventriculaire ; le test est positif si la pression pulsée ou le volume systolique augmentent de plus de 5%. L’élévation des jambes (passive leg raising) provoque une autotransfusion de 300-500 mL de sang qui augmente le volume systolique de 10-12% après 30-90 secondes et fait disparaître momentanément les variations respiratoires de la PA (PiCCO, FloTrac, Doppler oesophagien, etc) ; l’avantage du test est sa réversibilité, car il n’y a pas d’apport liquidien externe. Le test n’est pas fiable en cas de surpression intra-abdominale. Il est normal que la précharge s’élève lorsqu’on fait un test de charge puisque le volume sanguin veineux central représente 60-70% du volume circulant et fonctionne comme réserve en cas d’hypovolémie. Une ascension de la PVC, de la PAPO ou du volume télédiastolique global (PiCCO) n’est aucunement une preuve que le patient manquait de volume circulant. Si l’on dépasse la normovolémie, par contre, il n’existe aucune protection contre l’hypervolémie car le compartiment Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 97 artériel n’as pas de réserve de compliance. Nous sommes relativement protégés contre l’hypovolémie, mais nullement contre la surcharge, qui conduit rapidement à une extravasation intersticielle et à un œdème. Un test de charge n’est donc indiqué que si la clinique suggère une hypovolémie. Il doit être évalué par une amélioration du volume systolique (VS) ou d’un substitut tels le débit cardiaque, le flux aortique ou la pression pulsée. Des multiples études sur la sensibilité au remplissage, il ressort que seule la moitié des patients hypotendus répond favorablement à l’administration de liquide et que le quart d’entre eux se situe dans une zone grise d’indécidabilité avec les différents critères de sensibilité au volume dont nous disposons [34a]. Evaluation de la volémie Quelques points sont essentiels pour évaluer correctement la volémie (voir Tableau 6.6) : - Les indices indépendants de la compliance (StdVG, oscillations du SIA) sont préférables pour suivre l’évolution du remplissage ; - Les pressions de remplissage (PVC, PAPO) sont inadéquates pour diagnostiquer une hypovolémie ; - L’ETO est le moyen le plus rapide et le plus efficace pour faire le diagnostic différentiel étiologique d’une hypotension ; - Les indices dynamiques en IPPV (ΔPA, ΔPP, ΔVS, oscillations ventilatoires du SIA) sont plus performants que les indices statiques (PA, VS, surfaces) ; - Les indices dynamiques en IPPV sont de bons prédicteurs de la réponse au remplissage, mais ne sont pas des mesures de la volémie ni de la précharge cardiaque ; - La PVC et la PAPO sont essentielles pour régler le remplissage des malades en hypervolémie (surcharge liquidienne, stase gauche, maladie mitrale). Lorsqu’on met en relation la courbe de Frank-Starling et la courbe de compliance sur un même graphique dont l’abscisse représente la précharge, on voit apparaître deux zones de configurations différentes selon que l’individu est en hypovolémie ou en hypervolémie (Figure 6.50). En hypovolémie, la courbe de Starling est très redressée et les variations de précharge se traduisent par de fortes variations du volume systolique (phase de recrutement). La courbe de compliance est au contraire très plate et la pression de remplissage varie peu avec le volume télédiastolique. Ce sont donc les indices éjectionnels dynamiques (variations ventilatoire de la pression artérielle et du volume systolique) ou les mesures indépendantes de la compliance (surfaces des cavités à l’ETO oscillations du septum interauriculaire) qui sont les plus pertinentes. En hypervolémie, la courbe de Starling s’est aplatie, alors que la courbe de compliance s’est redressée ; la pression de remplissage varie significativement avec le volume de la précharge mais non le volume systolique. Ce sont les pressions de remplissage (PVC, PAPO) fournies par la voie centrale ou le cathéter pulmonaire de Swan-Ganz qui deviennent les plus utiles. D’autant plus qu’elles permettent de gérer l’administration liquidienne en fonction de la pression qui règne là où le risque d’oedème tissulaire est le plus important. Les malades en dysfonction ventriculaire ou souffrant d’un syndrome de fuite capillaire se trouvent dans la situation de l’hypervolémie. La technique la plus appropriée pour évaluer la volémie varie donc en fonction de celle-ci. Pression artérielle, échocardiographie et cathéter pulmonaire sont complémentaires et offrent des performances différentes selon que l’on est en hyper- ou en hypovolémie. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 98 Tableau 6.6 Indices d’hypovolémie en pratique clinique Cathéter artériel • Courbe étroite et pointue • Réduction de la surface sous la courbe • Hypotension artérielle (± tachycardie) PiCCO (ou autre système d’analyse de la courbe artérielle) • ↓ volume systolique (VS) • ↓ volume sanguin intrathoracique et Vtd total Cathéter central / Swan-Ganz • PVC et PAPO basses (non diagnostique) • PAP basse ETO • Parois auriculaires détendues • Réduction des dimensions télédiastoliques (S < 5.0 cm2/m2) et télésystoliques (D < 2.5 cm/m2) du VG, oblitération télésystol • ↑ fraction d'éjection (> 0.7) • ↑↑ oscillations cardiogéniques du septum interauriculaire Indices dynamiques en IPPV (volume courant : 8-12 ml/kg) • ↑ > 15% des variations respiratoires de PAs, PAdiff et VS • ↑ variations respiratoires de S VCS et de D VCI • Oscillations du septum interauriculaire persistant aux deux temps respiratoires • Variations > 15% de la Vmax du flux aortique Indices d’hypoperfusion • Oligo-anurie • Acidose, lactacidémie • ↓ SvO2 • ↓ ScO2 • ↓ PetCO2 Gestion ciblée de la volémie L'intérêt majeur de ces techniques de monitorage est de déterminer des stratégies de remplissage en fonction de buts définis (Goal-directed fluid administration) et d’obtenir ainsi une optimisation du remplissage. Le but d'une administration liquidienne dirigée (ALD) est de maintenir l’hémodynamique juste en-dessous du genou de la courbe de Starling, en évaluant le moment où la pression artérielle se stabilise (cathéter artériel), où le volume systolique cesse d'augmenter (Doppler oseophagien, PiCCO), et où les signes échocardiographiques ne varient plus (faseyement du septum interauriculaire, flux aortique, dimensions des oreillettes et des ventricules) en fonction du remplissage. Une variation ventilatoire des indices dynamiques (PAs, PP, VS) supérieure à 15% traduit en général une hypovolémie et laisse augurer une réponse positive au remplissage (5-10 mL/kg) [35a,95a,112a]. La nature des liquides de remplacement est abordée dans le Chapitre 4, Besoins liquidiens. Plusieurs études ont comparé l’effet de l’ALD sur la morbidité postopératoire en chirurgie abdominale majeure [1,83], en orthopédie [263,300,307], en chirurgie cardiaque [125,170,191,210,266a] et chez le polytraumatisé [40]. L’évaluation continue du volume systolique par Doppler oesophagien ou par PiCCO sont les méthodes les plus couramment utilisées pour mesurer la réponse à l’administration liquidienne, le but étant de maintenir le volume systolique maximal par addition d’aliquots d’environ 200 mL en sus des cristalloïdes de base pour l’entretien. Dans la majeure partie des cas, les patients du groupe sous ALD ont reçu davantage de liquide que ceux du groupe contrôle, essentiellement des colloïdes. Le séjour hospitalier est raccourci par l’ALD de 2 jours en chirurgie générale [80], de 4 Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 99 jours en chirurgie cardiaque [191] et de 4-8 jours chez des personnes âges subissant des prothèses de hanche [263,300]. La reprise du transit est accélérée, les nausées et les vomissements sont diminués ; le taux de complications digestives (OR 0.29-0.42) et cardiovasculaires (OR 0.54-0.84) tend à diminuer, particulièrement chez les patients à haut risque [4a,83]. L'adéquation de la volémie va se répercuter sur celle du débit cardiaque. Ainsi, on peut maintenir la SvO2 > 70% en permanence, preuve de l’adéquation du DC aux besoins de l’organisme [210]. Toutefois, aucune de ces études n’a une puissance suffisante pour observer des différences de mortalité. Si la différence des perfusions totales est assez grande entre régime restrictif et régime libéral (2-4 L), celle que l’on retrouve entre groupe protocolé et groupe contrôle est assez faible dans les séries où l’on teste l’ALD (≤ 1 L) ; cela tient au fait que la synchronisation du remplacement liquidien avec les pertes a probablement autant d’importance que la quatité globale de liquide administré. Il existe également un piège méthodologique : l’hémodilution induite par des quantités importantes de cristalloïdes baisse la viscosité sanguine, ce qui diminue les résistances artérielles apparentes et augmente le retour veineux ; l’augmentation de précharge et la baisse de postcharge influencent significativement le volume systolique, qui a tendance à augmenter sans rapport avec la volémie réelle du patient. D’une manière générale, aucun de ces essais cliniques ne prend en compte la fonction cardiaque du patient, car la plupart du temps la dysfonction ventriculaire est un critère d’exclusion de l’étude. Figure 6.50 : Les deux phases de la courbe de Frank-Starling et de la courbe de compliance déterminent les meilleures techniques de monitorage. Ces deux phases sont séparées par un pointillé jaune vertical. A : A gauche, en hypovolémie, ce sont les indices éjectionnels dynamiques (variations ventilatoire de la pression artérielle et du volume systolique VS) ou les mesures indépendantes de la compliance (surfaces des cavités à l’ETO, oscillations du septum interauriculaire) qui sont les plus pertinentes. B : A droite, en hypervolémie, ce sont les pressions de remplissage fournies par la Swan-Ganz (PVC, PAPO) qui deviennent utiles. En effet, la relation précharge / volume systolique est bien marquée pendant la phase de recrutement de la courbe de Starling, alors que la relation pression / volume de remplissage n’est significative que pendant la phase de redressement de la courbe de compliance. Pression ou VS A B Indices éjectionnels dynamiques (PA, PiCCO) ETO Pressions de remplissage (PVC, PAPO) Swan-Ganz Courbe de Starling ΔVS’ ΔP’ ΔVS ΔP ΔP Courbe de compliance ΔV Pression ou volume télédiastolique © Chassot 2012 En chirurgie cardiaque, la crainte d'une surcharge hémodynamique pousse souvent à un régime liquidien restrictif, dont le corollaire est un bas débit systémique, première cause de l'insuffisance polyorganique postopératoire. L'ALD, basée le plus souvent sur le PiCCO, permet de déterminer et d'individualiser le volume de retour veineux dont le cœur du malade a besoin pour assurer un débit optimal. Il s'agit en fait d'une "restriction liquidienne dirigée" basée sur des indices de perfusion organique et de transport d'O2 [73a]. Elle a d'autant plus d'impact que la situation du patient est plus critique. Le but de la gestion liquidienne dirigée est de titrer la précharge pour, in fine, optimaliser le transport d'O2 en périphérie. Elle prend tout son sens si elle se base sur une combinaison de données Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 100 (débit cardiaque, volume télédiastolique, volume systolique/pression pulsée et leurs variations respiratoires, SO2 tissulaire ou veineuse), si elle porte sur une thérapeutique à la fois liquidienne et catécholaminergique, et si elle s’étend de l’induction à la sortie des soins intensifs [85a]. Les quelques études randomisées qui existent montrent une réduction significative du taux de complications postopératoires (OR 0.33) et un raccourcissement moyen de 2 jours du séjour hospitalier, mais pas d’effet sur la mortalité [6a]. La question du 3ème secteur Les pertes liquidiennes peropératoires doivent être compensées pour éviter une hypovolémie entraînant une hypotension artérielle et une chute du volume systolique. Elles sont liées à plusieurs phénomènes souvent incorrectement appréciés et en général surcompensés par les perfusions [37a]. Jeûne préopératoire ; il est en général bien toléré et n’entraîne pas d’hypovolémie ; Pertes insensibles peropératoires ; elles varient entre 0.5 et 1.0 mL/kg/h selon le type de chirurgie ; Extravasation liquidienne ; la chirurgie majeure entraîne un déficit intravasculaire de 3-6 L, proportionnel au traumatisme tissulaire (augmentation de 5-10% du contenu en eau des tissus contus) ; il s’agit d’une translocation liquidienne vers le secteur intersticiel où elle provoque un oedème ; Pertes de volume externes ; ce sont les pertes effectives : hémorragie, liquide dans le tube digestif (iléus) ou le péritoine ; Baisse du tonus sympathique et vasoplégie liés à l’anesthésie ; leur compensation par du volume est illogique, car les vasopresseurs sont plus adéquats. Le 3ème secteur est une entité non-anatomique qui représente un secteur virtuel où est supposé s’accumuler le liquide perdu depuis l’espace intravasculaire au cours des interventions chirurgicales. Son existence n’a été démontrée que dans des conditions particulières (traceur au 35SO4, délai d’échantillonnage court) ; elle a été infirmée ces dernières années avec des techniques plus sophistiquées [29a]. L’hypothèse de ce 3ème secteur a été à l’origine d’un remplissage peropératoire excessif par des cristalloïdes, qui se traduit par des oedèmes souvent massifs et par un excès pondéral dont l’importance est directement proportionnel à la mortalité [158a]. Tant que la membrane capillaire est intacte, la fuite ne concerne certes que l’eau et les électrolytes, mais lorsqu’elle est lésée par un traumatisme, la chirurgie, l’ischémie, les endotoxines ou l’inflammation (SIRS postopératoire), la fuite entraîne également les protéines plasmatiques [130a]. Le remplacement systématique de ces pertes occultes par des cristalloïdes diminue la pression oncotique, ce qui tend à augmenter les fuites intersticielles car les cristalloïdes diffusent dans tout le secteur extracellulaire, qui représente 3 L de liquide intravasculaire et 12 L de liquide intersticiel chez un adulte [37a]. Le remplacement liquidien donc doit être basé sur trois principes. Les cristalloïdes sont destinés à remplacer le débit utinaire et la perspiration ; cette dernière représente en moyenne 0.5 mL/kg/h et s’élève jusqu’à 1 mL/kg/h en chirurgie abdominale majeure. L’importance de la lésion capillaire étant proportionnelle à celle du traumatisme tissulaire, seule une perfusion de colloïdes de troisième génération permet de maintenir la pression oncotique intravasculaire et de retenir le volume dans les vaisseaux. La synchronisation du remplacement liquidien avec les périodes d’hypovolémie est capitale ; le mérite des indices dynamiques de volémie et de l’administration liquidienne dirigée est précisément d’assurer le maintien de la normovolémie de manière à peu près constante. En chirurgie majeure, il est impossible d’éviter complètement la formation d’œdème intersticiel, mais l’utilisation de colloïdes iso-oncotiques au lieu de solutions exclusivement cristalloïdes en diminue considérablement l’étendue. D’autre part, l’ALD permet de suivre les besoins en volume circulant de manière y subvenir sans retard. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 101 Gestion rationnelle de la volémie Une variation ventilatoire des indices dynamiques (PAs, PP, VS) supérieure à 15% traduit en général une hypovolémie et laisse augurer une réponse positive au remplissage (5-10 mL/kg). L’administration liquidienne dirigée consiste à suivre les variations de volémie au moyen d’indices dynamiques et à remplacer les pertes liquidiennes par des aliquots (3-5 mL/kg) de cristalloïdes ou de colloïdes de manière à maintenir le VS optimal (correspondant au genou de la courbe de Starling). Cette technique tend à diminuer les complications postopératoires et le séjour hospitalier. Le remplacement liquidien est basé sur quatre principes : - Suivi de la volémie au moyen d’indices dynamiques ; - Synchronisation des perfusions avec les périodes d’hypovolémie ; - Solutions cristalloïdes pour compenser le débit urinaire et la perspiration (0.5-1.0 mL/kg/h) ; - Solutions colloïdes iso-oncotiques (3ème génération) ou cristalloïdes pour compenser les pertes chirurgicales. La chirurgie abdominale majeure se caractérise par des pertes liquidienne de 3-6 L, indépendamment de l’hémorragie sanguine. Le 3ème secteur est une entité virtuelle qui n’a probablement pas d’existence propre. Les lésions des membranes capillaires entraînées par le traumatisme tissulaire, les endotoxines, l’ischémie et l’inflammation laissent fuir l’eau, les électrolytes et les protéines plasmatiques vers le secteur intersticiel. Leur remplacement par des solutions exclusivement cristalloïdes augmente l’importance de l’œdème tissulaire. En chirurgie cardiaque, une gestion liquidienne dirigée assure une hémodynamique adéquate avec le minimum d’apport liquidien. Elle se base sur une combinaison de données (degré de remplissage à l’ETO, débit cardiaque, volume systolique/pression pulsée et leurs variations respiratoires), elle porte sur une thérapeutique liquidienne et catécholaminergique, et elle s’étend de l’induction à la sortie des soins intensifs Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 102 Evaluation et monitorage de la fonction systolique ventriculaire gauche La performance cardiaque est déterminée par six facteurs interdépendants: la contractilité, la relaxation, la précharge, la postcharge, la fréquence et l’apport d’oxygène coronarien. Leur gestion intégrée permet à l'organisme d'assurer une perfusion tissulaire adaptée aux besoins dans un vaste ensemble de situations différentes. La contractilité, qui est la capacité inhérente du myocarde à se contracter indépendamment des conditions de charge, est définie comme la force de raccourcissement d’une fibre isolée par unité de temps. Aucune des mesures habituelles de la fonction systolique ne permet d’apprécier cette contractilité myocardique de manière indépendante, car les mesures cliniques ne sont jamais univoques, mais expriment la résultante d'interactions dynamiques gérées en interdépendance. Le propos de ce chapitre sera donc d'examiner quels sont les moyens de se rapprocher au plus près d'une quantification de la contractilité avec les techniques utilisées en clinique. En salle d'opération ou en soins intensifs, on surveille des malades placés dans des conditions particulières. L'anesthésie diminue le tonus sympathique central, la précharge, la postcharge, la fonction ventriculaire et le traffic neuro-végétatif venant des barorécepteurs ; La ventilation en pression positive, avec ou sans PEEP, change le régime des pressions intrathoraciques ; La pathologie des patients remodèle l'équilibre entre ces différents facteurs et diminue la réserve fonctionnelle hémodynamique. On peut classer les mesures de la fonction systolique en quatre catégories : Les indices éjectionnnels, qui sont dépendants des conditions de charge ; ce sont, par exemple, la fraction d’éjection (FE), la vélocité du flux systolique ou le dP/dt de la courbe artérielle ; Les indices de la phase de contraction isovolumétrique, qui sont indépendants de la postcharge, comme le dP/dt de l'insuffisance mitrale ou les intervalles de temps systoliques ; Les indices de travail, qui incorporent la postcharge, ou les indices de puissance, qui incorporent le temps d’éjection ; Les indices incorporant des mesures de précharge (dimensions ventriculaires) et de postcharge (pression artérielle), donc peu dépendants de ces deux conditions ; on peut citer le stress de paroi (σ), l’élastance maximale (Emax) ou la puissance éjectionnelle maximale (PWR). L’indice idéal pour l’usage clinique devrait être indépendant de la précharge, de la postcharge, de la fréquence et de la géométrie du ventricule ; il doit être simple et robuste, et facile à utiliser en temps réel. Le débit cardiaque n’est pas une mesure de la fonction contractile du myocarde ; il évalue la résultante de l’interaction entre les six facteurs qui déterminent la performance éjectionnelle, et vise une adéquation avec les besoins métaboliques de l’organisme. C’est la raison pour laquelle la valeur prédictive de la thermodilution (Swan-Ganz) pour la dysfonction ventriculaire gauche est inférieure à 30% [12,76]. L’adéquation du débit cardiaque peut se juger par le débit urinaire (> 0.5 mL/kg/heure), l'équilibre acido-basique (excès de base, pH, lactacidémie), les échanges gazeux (PaCO2, PetCO2), la saturation veineuse centrale en O2 (SvO2), le rapport DO2/VO2, la tonomètrie gastrique (pHi) ou la saturation cérébrale en O2 (ScO2). L’échocardiographie est certainement la technique de choix pour apprécier la contractilité parce qu’elle offre la vision directe des cavitées cardiaques (Figure 6.51) et toute une série de mesures précises de la fonction systolique. Mais c’est en combinant des données géométriques (surface, volume) avec des données hémodynamiques (pression, flux) que l’on obtient le plus de renseignements sur la fonction contractile du myocarde. En introduisant la notion de temps comme la durée d’éjection, on peut calculer la puissance du ventricule, qui est équivalent au rapport travail / temps (gm • cm / s), ou au produit "pression • débit" (gm/cm2 • cm3/s). Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 103 Figure 6.51 : Image d'insuffisance ventriculaire. A: insuffisance gauche; le VG est dilaté, arrondi, l'OG est dilatée, la valve mitrale ne coapte pas correctement car ses feuillets sont retenus en dessous du plan de coaptation (traitillé) en systole par la dilatation ventriculaire; les cavités droites sont de taille normales. B: situation similaire, avec présence d’une insuffisance mitrale restrictive. C et D : insuffisance du VD; l’OD et le VD sont dilatés, alors que l’OG et le VG sont comprimés ; les septa interauriculaire et inter-ventriculaire bombent en diastole dans les cavités gauches. OG OG Valve mitrale VD VD VG A VG B OG OG OD OD VG VG VD VD C D Indices éjectionnels Les indices éjectionnels sont les plus couramment utilisés en clinique car ils sont souvent simples, mais ils sont entièrement dépendants des conditions de charge car ils expriment le couplage ventriculo-artériel. La relation force – longueur du ventricule détermine sa position sur la courbe de FrankStarling : l’augmentation de précharge (VtdVG) améliore la performance systolique jusqu’au plateau. La pente de la courbe est fonction de la contractilité : elle est plus plate lors d’insuffisance systolique (voir Figure 6.45). La postcharge est définie comme la tension de paroi ventriculaire maximale en cours de systole (stress σ, en dynes/cm2). La fraction d’éjection du myocarde et sa vélocité de contraction sont inversément proportionnels à la postcharge ; ceci est d’autant plus marqué que sa performance systolique est abaissée. La tension de paroi est directement proportionnelle à la pression et au diamètre du VG, et inversément proportionelle à son épaisseur ; elle est exprimée par la loi de Laplace (σ = (P • r) / 2h). Pour produire le même travail, un ventricule dilaté (r élevé et h diminué) a un stress de paroi plus important, donc consomme davantage d’énergie et d’oxygène. Ces phénomènes disqualifient les indices éjectionnels comme mesure de la contractilité, mais leur conservent toute leur valeur clinique comme évaluation de la performance du ventricule intégrée au retour veineux et au couplage artériel. L’évaluation visuelle à l’échocardiographie permet une bonne appréciation de la contraction ventriculaire, mais elle dépend de l’expérience de l’opérateur. Pour quantifier la fonction du VG, l’arsenal clinique offre une série d’indices éjectionnels faciles à utiliser. On citera ici les plus courants. La fraction d’éjection est certainement l’indice éjectionnel le plus familier. Elle est définie par le rapport : FE = (Vtd – Vts) / Vtd Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 104 Sa valeur normale est 0.55 – 0.7 pour le VG et 0.4 – 0.6 pour le VD. Elle se mesure de plusieurs manières par l’ETO (voir Chapitre 25, Fonction systolique du VG) (Figure 6.52). Le FE représente le degré de vidange du VG ; elle reflète la régulation intégrée du volume systolique dans des conditions de contractilité, de précharge et de postcharge données. Elle quantifie la capacité du système ventricule – artères à maintenir un débit cardiaque adéquat en cas de variations des conditions de charge et/ou de contractilité [225]. La FE est un indice pronostique pertinent parce qu’elle exprime la réserve fonctionnelle et l'adaptabilité aux conditions hémodynamiques lorsque celles-ci se modifient, mais elle n’est pas un indice de contractilité. Sa valeur dépend de la précharge, de la postcharge et des dimensions du VG. Figure 6.52 : Calculs de la fraction d'éjection (FE) du VG. A: Approximation géométrique pour le calcul simplifié du volume ventriculaire gauche (ellipsoïde régulier) ; le long axe est le double du court axe (D), la section est circulaire. B : Calcul du volume en systole et en diastole par la règle de Simpson ; le dessin manuel de l’endocarde et le tracé du long axe permettent de définir 20 disques circulaires d’épaisseur connue (1/20ème du long axe) et de diamètre variable ; l’addition de leurs volumes donne une mesure fiable du volume ventriculaire. C : Calcul par la formule de Teichholz, qui assimile le VG à un ellipsoïde régulier (A) dont le volume peut être calculé à parti du diamètre en courtaxe; ce calcul n'est valable que si le VG est symétrique et régulier; l'ordinateur de l'ETO effectue le calcul automatiquement à partir des deux diamètres en télésystole et en télédiastole. Diastole Systole D D B A 3 V = ( 7 • D ) / (2.4 • D) FE = (Vtd - Vts) / Vtd Paroi post Foie Diaphragme Péricarde Epicarde Endocarde Cordage Cordage Endocarde Paroi ant C Epicarde Péricarde © Chassot 2012 Si le volume télésystolique (Vts) tend vers zéro, la FE tend vers 1.0 ; elle augmente en hypovolémie ; Si le volume télédiastolique (Vtd) augmente, la FE diminue, parce que le Vtd se trouve au dénominateur ; Si la postcharge se modifie, la FE change ; elle augmente en cas de vasoplégie et baisse en cas de vasoconstriction intense ; La FE n’a pas de valeur pour mesurer la fonction systolique en cas de valvulopathie ou de cardiopathie congénitale, à cause des conditions de charge pathologiques et du remodelage ventriculaire. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 105 Dans le cas particulier des valvulopathies et des cardiopathies congénitales, les dimensions du VG sont de meilleurs critères fonctionnels que la FE ; la performance systolique est abaissée de manière proportionnelle à la dilatation (diamètre télédiastolique VG > 4 cm/m2). La fraction de raccourcissement de surface est l’équivalent de la FE avec les mesures de surface du VG à l’échocardiographie : (Std – Sts) / Std (valeur normale : 0.4-0.5) (voir Figure 6.58). Elle est une mesure plus fiable que la FE car elle ne repose pas sur une approximation géométrique du volume ventriculaire, mais opère le calcul avec les données brutes de l’image bidimensionnelle. D’autres indices sont fréquemment utilisés en clinique : Le Doppler tissulaire (DT) permet une évaluation plus fine de la contraction myocardique en analysant la contraction longitudinale de la paroi ventriculaire ou la descente de l’anneau mitral en systole (Figure 6.53). L'amplitude du mouvement de l’anneau mitral est de plus de 1 cm; sa vélocité systolique maximale est normalement ≥ 10 cm/s; en cas de dysfonction, elle s'abaisse à < 6 cm/s. C'est un signe sensible de baisse de la performance systolique du VG car les fibres longitudinales se contractent avant les circulaires et sont les premières atteintes par la diminution de contractilité [124]. A B E’ A’ A’ CI E’ CI S S Figure 6.53 : Examen au Doppler tissulaire de la vélocité des mouvements systolo-diastoliques de l'anneau mitral dans sa portion latérale. A : image spectrale des mouvements de l'anneau enregistrés dans la fenêtre d'examen; CI: contraction isovolumétrique; S: descente systolique de la contraction éjectionnelle, normalement ≥ 12 cm/s; E’: mouvement protodiastolique; A’: mouvement de la contraction auriculaire en télédiastole. B : représentation schématique de la vitesse de déformation de l'anneau au cours d'un cycle cardiaque (strain rate); le trait rouge est la pente de la contraction isovolumétrique qui permet d'en calculer l'accélération [304]. Le flux à travers la valve aortique est bien mesurable avec l'ETO lorsque la sonde est en position transgastrique (voir Figure 6.54). Sa durée (220-300 msec) et sa Vmax (0.8–1.5 m/s) reflètent la force d’éjection du VG. Un brusque accroissement de postcharge par clampage de l'aorte a un retentissement immédiat sur le flux aortique : la Vmax baisse et la durée d’éjection augmente. De manière simplifiée et moins précise, le Doppler oesophagien offre un renseignement analogue (voir Doppler oesophagien). La silhouette de la courbe artérielle met en évidence la pente ascentionnelle en protosystole (Figure 6.55). Ce dP/dt est une mesure de la force éjectionnelle du VG ; sa valeur normale est > 1’200 mmHg/sec [51]. Cette observation n'est valable qu'en l'absence d'obstacle sur la valve aortique et sur l'aorte thoraco-abdominale et en l'absence de vasoconstriction artérielle importante. La technologie PiCCO™ permettant de calculer les volumes de précharge et le volume systolique, il est possible de construire un index de performance ventriculaire gauche qui se Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 106 définit comme le rapport du débit cardiaque et du volume télédiastolique global (DC / VTDG) (voir Analyse du contour de la courbe artérielle). Le fait d'intégrer la précharge dans le calcul le rend peu dépendant des conditions de remplissage, mais il reste tributaire de la postcharge. A B C © Chassot 2010 Figure 6.54 : Fonction ventriculaire et flux éjectionnels. A: Mesure du flux à travers la valve aortique en position transgastrique rétrofléchie permettent de se placer dans l'axe de la valve. B: flux à travers la valve aortique ; on peut calculer le temps d'éjection (double flèche, 240 msec), la vélocité maximale (cercle jaune, 100 cm/s), et l'accélération en début d’éjection (trait jaune, 30 m/s2). C : baisse brusque de la performance systolique du VG au moment d’un clampage de l’aorte à cause de l’élévation de sa postcharge ; la Vmax diminue à 60 cm/s et la durée d'éjection augmente à 530 msec. Figure 6.55 : Aspect de la courbe artérielle lors de dysfonction du VG. A : courbe normale ; le dP/dt est très redressé, la courbe est pointue. B : insuffisance ventriculaire gauche ; la pente du dP/dt est plus faible, la PAs est plus basse et la courbe arrondie ; la PAd est plus élevée, la pression pulsée est diminuée. A dP/dt B dP/dt © Chassot 2012 Indices isovolumétriques Théoriquement, les indices de la phase de contraction isovolumétrique sont indépendants de la postcharge puisque la valve aortique est encore fermée pendant cette phase; de plus, ils sont particulièrement sensibles à la dysfonction, puisque la consommation d'O2, l'accélération de la contraction et le stress pariétal sont au maximum. Malheureusement, ils sont sensibles à la précharge [155], et leur mesure nécessite un cathéter intraventriculaire. On peut toutefois investiguer cette phase par des moyens détournés grâce à l'échocardiographie. Les intervalles de temps systoliques (Systolic time intervals) font le rapport entre la phase prééjectionnelle (PPE) et la phase d'éjection du VG (PEVG) [25]; la PPE est le temps de Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 107 stimulation électrique ajouté à celui de la contraction isovolumétrique; elle dure 75-100 msec et s'étend de l'onde Q à l'ouverture de la valve aortique. La PEVG, va de l'ouverture à la fermeture de la valve aortique; sa durée normale est de 220-300 msec (Figure 6.56). Le rapport PPE / PEVG est normalement de 0.35; en cas de dysfonction ventriculaire, la PPE s'allonge et le rapport augmente. Figure 6.56 : Intervalles de temps systoliques. 1: période de prééjection (PPE); c'est le temps de stimulation électrique ajouté à celui de la contraction isovolumétrique; elle dure 75-100 msec et s'étend de l'onde Q à l'ouverture de la valve aortique. 2: période d'éjection du VG (PEVG), allant de l'ouverture à la fermeture de la valve aortique; sa durée normale est de 220-250 msec. L'image est obtenue en mode temps-mouvement (TM) au niveau de la base du coeur de manière à couper le plan de la valve aortique (40 – 80°). ECG Mouvements de la valve aortique en mode TM 1 2 © Chassot 2012 La régurgitation d'une insuffisance mitrale commence pendant la phase isovolumétrique puisque la POG est bien plus bassse que la pression aortique : la valve mitrale s’ouvre avant la valve aortique. Le dP/dt de l'IM reflète alors celui du ventricule; on mesure à l'ETO le temps écoulé entre le moment où la vélocité de l'IM est de 1 m/s et celui où elle est de 3 m/s. Ces vélocités correspondant respectivement à 4 et 36 mmHg de gradient de pression entre le VG et l'OG (Figure 6.57); la valeur normale du dP/dt est de 1’200 à 2’000 mmHg/s [306]. Au moyen du Doppler tissulaire à l'ETO, il est possible de repérer un premier pic de mouvement systolique avant celui de l'éjection; il représente la vélocité de la contraction isovolumétrique (Figure 6.53). La pente ascentionnelle de cette vélocité est un bon indice de contractilité parce qu’elle représente la vitesse avec laquelle le ventricule se met sous tension avant d’éjecter. C'est un évènement bref, qui dure 20-40 msec, et qui se calcule sur la courbe de vitesse de déformation des tissus (strain rate); cette technique complexe est utilisable pour le VD comme pour le VG [304]. Indices de travail et de puissance En utilisant simultanément des mesures hémodynamiques de pression et des mesures géométriques de surface ou de volume, on obtient des mesures de travail. En introduisant une mesure de temps, on obtient une puissance (travail / temps) ; en hémodynamique, la puissance est obtenue en multipliant la pression par le débit. Le travail est une grandeur physique correspondant à une masse déplacée d'une certaine distance; elle s'exprime en (kg • m), ou en (g • m). Dans le cas du travail cardiaque, il s'agit du produit du volume systolique (cm3) par la résistance à l'éjection représentée de manière simplifiée Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 108 par la pression artérielle (g/cm2), indexé à la surface corporelle. C'est une donnée dérivée des valeurs obtenues par le cathéter pulmonaire (LVSWI: left ventricle stroke work index): LVSWI = [ 1.36 • (PAM - PAPO) • VSi ] / 100 (g/m2) où: VSi = volume systolique indexé (obtenu par cathétérisme droit) n = 45-60 g/m2 Dans les situations où les résistances périphériques sont très basses ou très hautes, cette mesure du travail systolique ne donne plus une image réaliste de la fonction ventriculaire; c’est notamment le cas en sortant de CEC [119,143]. Figure 6.57 : Flux d'une insuffisance mitrale (IM) et calcul du dP/dt de la phase de contraction isovolumétrique par la pente de l'IM (trait jaune) dans le cas d’une fonction normale (A) et en cas de dysfonction ventriculaire gauche (B). On mesure le Δt entre 1 m/s et 3 m/s de vélocité; ces deux points correspondent respectivement à 4 et 36 mmHg de ΔP (équation de Bernouilli: ΔP = 4 V2) entre le VG et l’OG. La valeur normale est 1’200 – 2’000 mmHg/s. A B 3 3 1 1 cm/s Un pas supplémentaire peut être franchi en intégrant la vitesse de la contraction dans le calcul. Un manière simple de réaliser cette mesure est la vélocité circonférentielle de raccourcissament ou Vcf. Elle consiste à mesurer la fraction de raccourcissement de la circonférence (C) du VG en court-axe transgastrique à l'ETO (Figure 6.58): (Ctd - Cts) / Ctd. En divisant le résultat par la durée de l'éjection mesurée par le temps d'ouverture de la valve aortique (220-250 msec), on obtient: Vcf = ( Ctd – Cts ) / ( Ctd • téj ) La valeur normale est 1.1 s-1. Bien que peu dépendante de la précharge, la Vcf est encore dépendante de la postcharge. La valeur corrigée pour la fréquence est plus précise; elle s'obtient par la multiplication avec la racine carrée de l'intervalle R-R précédent: Vcfc = Vcf • √R-R. Comme le diamètre et la circonférence sont liés entre eux par la valeur de π, le calcul de la Vcf peut être simplifié en mesurant les diamètres seuls : (Dtd – Dts) / Dtd • téj, ou FR / téj (FR : fraction de raccourcissement) ; la valeur normale est 2.5-3-5 s-1. Une manière indirecte d’évaluer la puissance est l'indice de performance myocardique de Tei, qui englobe toutes les phases consommatrices d'oxygène du cycle cardiaque [282]. Il est défini par la somme du temps de contraction isovolumétrique (tCI), de contraction éjectionnelle (téj) et de relaxation isovolumétrique (tRI) divisée par la durée d'éjection (téj) : (tCI + téj + tRI) / téj. Il se calcule par les flux Doppler aortique et mitral; sa valeur normale est 0.5 (Figure 6.59). Il a l’avantage d’être indépendant de la géométrie du ventricule ; il est donc une mesure fonctionnelle valable dans les valvulopathies. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 109 A B C © Chassot 2008 Vcf = (Ctd – Cts) / (Cts • téj) Figure 6.58 : Vélocité de raccourcissement circonférentiel (Vcf). A: mesure de la circonférence diastolique (Ctd) du VG en court-axe (pointillé jaune). B : mesure de la circonférence systolique (Cts) du VG en court-axe. C : durée d'éjection (téj) mesurée par le temps d'ouverture de la valve aortique ; pour ce faire, on coupe la valve aortique en court-axe par le mode TM (trait rouge illustré dans la cartouche). Flux aortique Indice: 0.4 (B - A) / A A B tCI téj tRI Flux mitral Figure 6.59 : Indice de performance myocardique de Tei. Cet indice englobe toutes les phases consommatrices d'oxygène du cycle cardiaque; il est défini par la somme du temps de contraction isovolumétrique (tCI), de contraction éjectionnelle (Téj) et de relaxation isovolumétrique (tRI) divisée par la durée d'éjection: (B – A) / A. La valeur normale est 0.5 [282]. L’indice de Tei se calcule sur l’affichage spectral des flux Doppler aortique et mitral, en plaçant la fenêtre Doppler à cheval sur la chambre de chasse et le flux mitral. Indices intégrant les conditions de charge Pour qu’une mesure soit indépendante d’un élément, il faut l’incorporer dans le calcul de cette mesure. Ainsi pour mieux cerner la contractilité, on peut intégrer les mesures géométriques de l'échocardiographie et les mesures de pression artérielle. La réserve de travail systolique, ou Preload recrutable stroke work (PRSW), représente le degré d’augmentation possible du travail systolique en fonction de la précharge ; celle-ci est mesurée par le volume télédiastolique du VG (VtdVG) [84]. La formule est : PRSW = LVSW / VtdVG. Soit : PRSW = [ 0.0136 • (PAM - PAPO) • VS ] / VtdVG (g•m/ml) Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 110 Le PRSW est la relation travail systolique / VtdVG. Graphiquement, c’est une quasi-droite dont la pente est un bon indice de contractilité. Cette pente se redresse sous stimulation adrénergique ou s’abaisse en cas d’insuffisance systolique. Le stress de paroi (σ) est une force appliquée sur une surface. Il représente la force générée par le ventricule pour éjecter un volume systolique donné. Bien qu’il soit encore sensible aux conditions de remplissage, le stress de paroi est la meilleure expression du travail ventriculaire en fonction de la postcharge. Bien que le VG soit un ellipsoïde, la tension de paroi se définit habituellement par la loi de Laplace pour une sphère, qui a l’avantage d’être simple et utilisable en clinique : σ = (P • r) / 2 h (voir Mesure du débit cardiaque, calcul de postcharge). La tension de paroi maximale est générée pendant la contraction isovolumétrique, puis diminue régulièrement jusqu'à la moitié de sa valeur maximale en fin de systole, parce que la cavité ventriculaire se rétrécit (le rayon r diminue) et la paroi s'épaissit (l’épaisseur h augmente) pendant la phase d’éjection. Le stress de paroi du VG est différent selon ses différents axes. En clinique, il serait trop fastidieux de calculer le stress de paroi dans chaque plan ; on utilise donc des simplifications. La pression artérielle systémique peut être assimilée à une pression intraventriculaire (P) en l’absence de pathologie aortique; la dimension du VG au cours de la contraction isométrique est évaluée en télédiastole, avant que le ventricule ne commence à éjecter. On peut alors simplifier le calcul du stress de la manière suivante : σ = (PAsyst • Dtd) / h [211]. L'épaisseur de paroi (normal : 1.2 cm en diastole) est malaisée à mesurer en échocardiographie, car l'épicarde est très souvent mal identifiable; de plus, une seule mesure ne tient pas compte de l'ensemble du ventricule. D’autre part, la synchronisation des mesures est difficile. Pour disposer d’un indice simple, construit avec des mesures courantes mais incluant la résistance à l'éjection, on peut utiliser diverses combinaisons arithmétiques entre la fonction ventriculaire systolique et la pression artérielle, sans tenir compte du temps réel auquel correspondent ces mesures. L’évolution de ces indices au cours d'une anesthésie est plus significative que leur valeur absolue. On peut citer quelques exemples parmi les nombreuses combinaisons imaginées. Le produit de la fraction d'éjection (FE) et de la pression artérielle moyenne (PAM, en mmHg) répond à la formule : PAM • FE (normal: 40-70 mmHg). Le rapport pression / surface systolique est établi entre la pression artérielle systolique (PAs) et la surface télésystolique (Sts) : PAs / Sts [87,202]. La valeur normale est 25-40 mmHg/cm2. On peut ainsi surveiller les variations de la fonction inotrope avec une sonde ETO et un cathéter artériel. On peut encore simplifier en faisant le rapport avec le diamètre télésystolique (Dts) en mode TM au lieu de la surface : PAs / Dts. Le produit de la fraction de raccourcissement de diamètre ventriculaire (FR) et de la pression artérielle moyenne (PAM) peut être rapporté à la durée d’éjection (téj) : (PAM • FR) / téj (normal: > 60 mmHg / sec). L'enregistrement de la pression et du volume ventriculaires permet de figurer une famille de boucles pression-volume (P/V) qui représentent le status fonctionnel du ventricule sous différentes conditions de précharge (Figure 6.60) [261]. Lorsque celle-ci varie, l'ensemble des points télésystoliques se déplace sur une quasi-droite appelée élastance maximale (Emax) qui est indépendante de la postcharge et qui est un excellent reflet de la contractilité myocardique. Avec les techniques échocardiographiques de définition automatique du contour endocavitaire (ABD: Automatic Border Detection) et l'enregistrement simultané informatisé de la pression artérielle invasive, il devient possible de produire des séries de points pression-surface en temps réel et d'en déduire la courbe d'élastance maximale (Emax) du patient (Figure 6.61 et Figure 6.62) [87]. Cette technique ne nécessite qu'une sonde ETO, un cathéter artériel et un programme informatique pour synchroniser les données, mais elle implique des manipulations contrôlées de la précharge pour construire la courbe d'Emax à partir d'une famille de bloucles pression/surface: occlusion de la veine cave inférieure avec un ballon, administration de nitroglycérine et de volume. L'Emax représente la fonction myocardique de manière indépendante de la précharge et de la postcharge. La comparaison de ces résultats avec ceux du cathéter à conductance est excellente [88]. C'est une bonne technique de recherche clinique, mais non une méthode de surveillance des patients en salle d'opération. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 111 A Pression B Pression Emax 2 3 1 4 Compliance V0 Volume © Chassot 2012 Compliance Volume V0 Figure 6.60 : Boucle pression – volume. A : Boucle tournant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. 1 : point télédiastolique. 1 → 2 : contraction isovolumétrique. 2 : début de l’éjection. 2 → 3 : phase de l’éjection systolique. 3 : point télésystolique. 3 → 4 : relaxation isovolumétrique. 4 : début du remplissage. 4 → 1 : remplissage diastolique. B : Construction de la pente d’élastance maximale Emax par l’alignement des points télésystoliques d’une famille de courbes obtenues à des précharges différentes chez le même individu. Figure 6.61 : Boucles pression-surface construites à partir de l'enregistrement continu de la pression artérielle (A) et de la surface du VG (B) par la technique de la détection automatique des contours de la cavité ventriculaire. C : évolution en continu de la surface ventri-culaire. D : boucles pression / surface d'un malade ; courbes traitillées enregistrements dans le VG ; courbes pleines : artère fémorale. La pente de leurs points télésystoliques, ou élastance maximale (Emax), est identique [88]. Pression (mmHg) A Emax VG B C D Surface (cm2) La puissance éjectionnelle maximale (PWRmax) est un indice de contractilité plus utilisable dans le quotidien. La puissance d'une pompe est le produit de la pression fournie et du volume éjecté par unité de temps [126]. Dans le cas du VG, il s'agit du produit de la pression du VG et du flux aortique; on peut remplacer la pression intraventriculaire par la pression artérielle systolique; le flux aortique est le produit de la surface de la valve aortique et de la vélocité maximale du sang en systole à travers la valve : PWR= PAs • (SAo • VmaxAo) en mmHg • cm3 / s. On obtient un résultat en watt en multipliant le résultat par (1.333 • 10-4) [256]. Cette valeur, qui est indépendante de la postcharge, peut être rendue indépendante de la précharge en divisant le résultat par une mesure de remplissage télédiastolique, par exemple la surface télédiastolique du VG (cm2): PWR / Std. Le calcul pratique est démontré dans la Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 112 Figure 6.63. La PWR est un bon indice de contractilité pour l'analyse des effets hémodynamiques des agents d'anesthésie ou des manœuvres chirurgicales (clampage de l’aorte), car elle permet de mesurer la contractilité indépendamment des conditions de charge et de fréquence [144,245]. Figure 6.62 : Boucles pressionsurface construites à partir de l'enregistrement continu de la pression artérielle et de la surface du VG par la technique de la détection automatique des contours de la cavité ventriculaire (ETO) (voir figure précédente). A : boucles pression / surface d'un malade avant CEC ; la pente Emax est représentée par un pointillé jaune. B : boucles du même patient après CEC; la pente Emax s'est nettement abaissée (pointillé rouge), la contractilité a diminué [87]. Figure 6.63 : Calcul de la PWRmax par ETO. PWR = [(S • VmaxAo) • PAsyst] / Std2. PWR : puissance éjectionnelle maximale du VG. A: la surface de la valve aortique (S) est mesurée par planimétrie en court-axae basal (40°); S = 2.1 cm2. B: le flux aortique à travers la valve est mesuré par voie transgastrique (120°); la Vmax est 130 cm/s. C: mesure la pression artérielle systolique au niveau du cathéter artériel; la PAsyst est 120 mmHg. D: la surface télédiastolique du VG par la technique de Simpson est de 35.8 cm2; cette valeur est placée au dénominateur pour rendre le résultat indépendant de la précharge. Pression (mmHg) A B Surface (cm2) Après CEC Avant CEC A C Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage B © Chassot 20102 D 113 Evaluation de la fonction systolique du VG Les nombreux indices de fonction systolique peuvent être classés en 4 catégories : - indices éjectionnels (FE, raccourcissement de surface, flux aortique, dP/dt artériel) ; ils sont dépendants de la précharge et de la postcharge ; - indices isovolumétriques (dVmax/dt IM, pente isovolumétrique de la Vmax de l’anneau mitral) ; ils sont indépendants de la postcharge ; - indices de travail et de puissance (LWSW, Vcf, Tei) incluant la durée d’éjection systolique ; - indices incluant la postcharge et la précharge (Emax, PWR, produit PAM • FE) en combinant des mesures de dimensions et de pression. Indices offfrant la meilleure combinaison de simplicité, de robustesse et d’adéquation à la fonction systolique du VG : - fraction de raccourcissement de surface (normal 0.4 - 0-5) ; - durée d’éjection systolique (normal 220-300 ms), Vcf (normal 1.1 s-1) ; - évaluation globale de l’image échocardiographique par un observateur entraîné ; - dilatation du VG ; - dP/dt de la courbe artérielle ; - produit PAM • FE (normal: 40-70 mmHg) ; - FE si la géométrie du ventriculaire est normale et en l’absence de valvulopathie. Evaluation et monitorage de la fonction diastolique Il est difficile de mettre en évidence cliniquement une insuffisance diastolique. Il s'agit avant tout d'un diagnostic de présomption basé sur la présence de dyspnée. On ne peut l'objectiver que par une échocardiographie, une ventriculographie ou une IRM. Comme cette notion est importante pour la prise en charge hémodynamique périopératoire des patients chirurgicaux, il faut garder à l'esprit les situations dans lesquelles la diastole est très probablement perturbée [317]. Age : nouveau-né, vieillard ; Hypertrophie ventriculaire gauche concentrique: HTA, sténose aortique ; Ischémie, infarctus étendu, ischémie à l'effort ; Insuffisance cardiaque systolique ; Dilatation ventriculaire ; Hypertrophie ventriculaire droite: pneumopathies chroniques ; Cardiomyopathie restrictive ; Œdème myocardique : post-CEC, rejet de transplant ; Pathologie péricardique. L’insuffisance diastolique représente 40% des cas d’insuffisance cardiaque congestive ; elle est caractérisée par une stase et une dyspnée, mais une fonction systolique conservée (FE > 0.5) [295]. La dysfonction diastolique est un facteur pronostique de mortalité (HR 1.78) indépendant de la fonction systolique [1a]. Comme il n’est pas possible de construire la courbe de compliance avec les données cliniques habituelles, la surveillance de la fonction diastolique se restreint à observer trois éléments : Relation de la pression artérielle et du volume systolique avec le remplissage ; PVC et la PAPO ; Indices échocardiographiques de la performance diastolique des ventricules. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 114 Comme la courbe de Frank-Starling est très redressée en cas d’insuffisance diastolique, les patients sont très sensibles aux variations de précharge (Figure 6.45). Une hypovolémie ou une augmentation de la pression intrathoracique provoquent une baisse du volume éjecté, donc de la pression artérielle. Les variations de la PAsyst avec le cycle ventilatoire du respirateur sont plus amples que normalement. Les pressions de remplissage (PVC et PAPO) sont supérieures à la norme pour le même volume télédiastolique parce que la courbe de compliance est déplacée vers le haut. D’autre part, la courbe est redressée et présente une pente moyenne supérieure à celle de la courbe normale (Figure 6.16) [317]. De ce fait, il existe une bonne cohérence entre la pression et le volume de remplissage, même si elle n’est pas linéaire. La PVC et la PAPO sont donc très utiles pour le suivi du remplissage de ces patients. Les malades en insuffisance diastolique sévère avec fonction systolique conservée présentent une stase pulmonaire chronique ; dans ces cas, la PAPO est de première importance pour la gestion des perfusions. Indices échocardiographiques Les seuls indices de fonction diastolique qui soient pratiques en clinique sont fournis par l’échocardiographie. La diastole est divisée en 4 périodes, comme l’illustre l’image ETO du flux mitral (Figure 6.64) : Relaxation isovolumétrique ; Remplissage protodiastolique (relaxation active), flux mitral E ; Diastasis (remplissage passif) ; Contraction auriculaire, flux mitral A. Figure 6.64 : Phases de la diastole. 1: phase de relaxation isovolumétrique (tRI). 2: phase de relaxation active, flux mitral E. 3: diastasis. 4: contraction auriculaire, flux mitral A. La partie supérieure de l'image représente les gradients de pression instantanés entre le le VG (courbe rouge) et l'OG (courbe bleue). La phase de flux protodiastolique (relaxation) est représentée en jaune, le diastasis (équilibre des pressions OG – VG) en bleu et la phase de contraction auriculaire (distensibilité) en vert. 1 2 3 A 4 PVG PO POG G G Flux protodiast Diastasis E A Flux auriculaire tDE La dysfonction diastolique évolue en trois phases, qui sont définies par la silhouette du flux mitral, par celle du flux dans les veines pulmonaires et par la vélocité de déplacement de l’anneau mitral (Figure 6.65) [203]. Défaut de relaxation protodiastolique, caractéristique de l’hypertrophie ventriculaire (hypertension artérielle, sténose aortique), du vieillissement, de l’ischémie, de la dilatation, de l’obésité et du syndrome d’apnée du sommeil ; c'est un trouble fréquent et bénin. Pseudo-normalisation : l'augmentation progressive de la pression auriculaire gauche rétablit le gradient de pression OG – VG, mais la morphologie des flux est pathologique. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 115 Restriction par non-distensibilité ventriculaire, caractéristique des cardiomyopathies restrictives, des infiltrations (collagénoses, amyloïdose) et de la péricardite. Il s'agit d'une situation sévère conduisant à la stase et à l’oedème pulmonaire, même si la fonction systolique est conservée. On rencontre le même phénomène dans la dilatation ventriculaire massive, dans le rejet après transplantation ou dans l’oedème myocardique post-CEC. Défaut de relaxation Normal Pseudonormalisation Restriction Flux veineux pulmonaire S D S D S D A Ar r Ar Ar Ar D S Flux mitral RI A E E A A E A E Doppler tissulaire de l’anneau mitral E ’ © Chassot 2010 A ’ E ’ Stade 1 A ’ E ’ Stade 2 A ’ E ’ A ’ Stade 3 Figure 6.65 : Modifications du flux veineux pulmonaire, du flux mitral et de la vélocité de l’anneau mitral selon l'évolution de la dysfonction diastolique. Stade I, défaut de relaxation : allongement de la phase de relaxation isovolumétrique (tRI > 220 msec), diminution de vélocité du flux mitral passif (E), augmentation de la contribution auriculaire (flux A ↑). Peu de modification sur le flux veineux pulmonaire. Diminution de la vélocité de l’anneau mitral. Stade 2, pseudo-normalisation : l'augmentation progressive de la pression auriculaire gauche rétablit le gradient de pression OG – VG; la vélocité du flux E augmente et retrouve sa valeur normale, mais sa morphologie est pathologique: pente d'accélération et de décélération accentuée (tDE < 150 msec), raccourcissement de la relaxation isovolumétrique (tRI < 200 msec). La composante S du flux veineux pulmonaire diminue parce que la POG augmente. Diminution de la vélocité de l’anneau mitral. Stade 3, restriction : c'est la situation la plus grave; le ventricule devient tellement rigide et la pression auriculaire tellement haute que la vélocité du flux E devient très élevée et sa décélération très brutale (tDE < 100 msec); l'onde A de la contraction auriculaire est minime parce que le ventricule n'est plus distensible en fin de diastole. La composante S du flux veineux pulmonaire est minime, le remplissage auriculaire a lieu en diastole, le reflux dû à la contraction auriculaire augmente car le VG n’est pas distensible et la vidange par la mitrale est minime. La vélocité de l’anneau mitral est minime. Les indices échocardiographiques sont décrits en détail dans le Chapitre 25 (Fonction diastolique). On ne mentionnera ici que deux d’entre eux [4,265]. Dilatation de l’OG, (> 40 mL/m2), bombement du septum interauriculaire dans l’OD (Figure 6.66) ; la proportion du remplissage diastolique dû à la systole auriculaire, normalement de 20%, augmente considérablement ; sa contribution est de 50%. Rapport entre la vélocité du flux mitral E et celle de l’anneau mitral E’ (Figure 6.67) ; il permet de différencier l’effet respectif de la précharge et du défaut de relaxation. Lorsqu’il est Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 116 bas (< 8), la relaxation et le remplissage sont normaux, et la PAPO est basse ; s’il est > 15, la PAPO est > 18 mmHg (r = 0.82) [203]. Figure 6.66 : Dysfonction diastolique, images 2D. A : dilatation de l’OG (> 30 ml/m2, POG > 16 mmHg) ; le septum interauriculaire bombe dans l’OD, le VG est hypertrophié (HVG). B : Evolution de la surface du VG au cours du cycle cardiaque par la technique Automated Border Detection™. B: VG normal; l'accroissement de surface diastolique due à la contraction auriculaire (A) est de l'ordre de 20%, celui dû au remplissage passif E est de 80%. C: dysfonction diastolique; l'accroissement de surface télédiastolique est dû pour la moitié à la contraction de l'oreillette. A A B OG E HVG A E C © Chassot 2012 E’ E Flux mitral DT anneau mitral Figure 6.67 : évaluation non-invasive d’une élévation de la pression auriculaire gauche par le rapport entre la vélocité du flux mitral E et celle du déplacement de l’anneau mitral E’ au Doppler tissulaire (DT). Lorsque ce rapport E/E’ est > 15, la PAPO est > 18 mmHg [203]. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 117 Evaluation de la fonction diastolique du VG Environ 40% des insuffisances cardiaques congestives caractérisées par une stase et une dyspnée sont des insuffisances diastoliques à fonction systolique conservée (FE > 0.5). L'insuffisance diastolique est fréquente en cas de: HVG concentrique, âge avancé, ischémie, dilatation VG/VD, HVD. Elle est pathognomonique de: nouveau-né, infiltrations (fibrose, œdème), cardiomyopathie restrictive, restriction péricardique. Impact hémodynamique en clinique: - pression de remplissage élevée (PVC, PAPO ↑); - dépendance accentuée de la précharge, intolérance à l'hypovolémie; - intolérance à la bradycardie et à la tachycardie; - dépendance du rythme sinusal. Indices échocardiographiques : - dilatation de l’OG ; - rapport E/E’ > 15. Monitorage de la fonction ventriculaire droite En chirurgie cardiaque, l'examen du VD est possible dans le champ opératoire puisqu'il est antérieur par rapport au VG: on le voit à l'ouverture du péricarde par la sternotomie. Bien que non quantifiable de cette manière, l’apparition d’une dysfonction et/ou d’une dilatation est parfaitement visible. Un point de repère pratique est le niveau de la face antérieure (paroi libre) du VD par rapport à la jonction entre l’ouverture du péricarde et le diaphragme : tant que le VD est en-dessous de cette limite, il est de taille normale. Une dilatation aiguë empêche de fermer le péricarde. La surveillance électrocardigraphique du VD demande de placer l'électrode précordiale en position V4R, soit parasternale dans le 4ème espace intercostal. Le cathéter de Swan-Ganz est nécessaire pour la mesure de la pression et des résistances artérielles pulmonaires ; la PVC renseigne sur la Ptd du VD. La dysfonction du VD se caractérise par une augmentation de la PVC et une baisse de la PAP. L’ETO permet d’affiner la surveillance droite. La dysfonction du VD présente certaines caractéristiques [101]. Dilatation de l’OD et bombement du septum interauriculaire dans l’OG ; ce signe est souvent le premier à attirer l’attention; Dilatation du VD (voir Figures 6.51C et 6.51D) ; Empiètement du septum interventriculaire dans la cavité du VG en diastole (surcharge de volume) ou en systole (surcharge de pression) ; mouvement paradoxal du septum interventriculaire (Figure 6.68) ; Hypokinésie ou akinésie de la paroi libre du VD; Apparition ou augmentation de l’insuffisance tricuspidienne (IT) ; sa Vmax est > 2.5 m/s ; en cas de dysfonction massive du VD, la Vmax de l’IT est basse (Figure 6.69) ; Les indices fonctionnels sont abaissés à l’ETO (Figure 6.70) : fraction de raccourcissement de surface < 0.35, TAPSE < 0.30, Vmax de l’anneau tricuspidien < 5 cm/s. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 118 Figure 6.68 : Vues en court-axe des ventricules (échocardiographie transoesophagienne) lors de surcharge du VD (en beige). A : Surcharge de volume. Le septum interventriculaire bombe dans le VG (en rouge) en diastole (effet Bernheim), mais non en systole car la pression et la force de contraction du VG restent supérieures à celles du VD dilaté. B : Surcharge de pression. Le septum interventriculaire bombe dans le VG aux deux temps car la pression du VD hypertrophié est capable de repousser le VG. PAL : pilier antéro-latéral. PPM : pilier postéro-médian [18]. A Diastole Systole B Diastole Systole 60° A B OG OD AP VD Flux IT 360 2 ΔP = 4 (Vmax) = 4 (VIT) 2 ΔP = 4 • 3.6 m/s ΔP = 52 mmHg PAPs = 52 mmHg + POD PAPs = 62 mmHg 2 Figure 6.69 : Calcul de la pression pulmonaire par échocardiographie Doppler en présence d’une insuffisance tricuspidienne. A : Le faisceau Doppler est placé en ligne avec le jet de l'IT ; la meilleure orientation est obtenue à 60° (vue chambre d’admission-chambre de chasse du VD) ou à 0° (vue 4 cavités profonde). B : au moyen de l'affichage spectral du flux de l’IT, on repère la valeur de la vélocité maximale (Vmax) du flux régurgitant, en l'occurence 360 cm/sec, soit 3.6 m/sec. L'équation simplifiée de Bernoulli spécifie que la différence de pression entre deux cavités est égale à 4 fois le carré de la vélocité maximale du flux entre ces deux cavités: ΔP = 4 (Vmax)2. Ce calcul donne 52 mmHg de gradient entre l'OD et le VD en systole. Comme la pression de l'OD est estimée à 10 mmHg, il faut l'additionner au gradient de pression pour trouver la pression systolique du VD. Celle-ci est identique à la PAP systolique en l'absence de lésion sur la valve pulmonaire, ce qui est normalement le cas chez l'adulte. La PAPs est donc de 62 mmHg dans ce cas, soit environ 65 mmHg compte tenu de la légère sous-estimation de la Vmax à cause de l'angle entre l'axe du jet de l'IT et celui du faisceau Doppler. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 119 A Diastole B Systole Diastole Systole V (cm/s) Vtr VCI dV VD S OD A VP AP VCS C D E dt Figure 6.70 : mesures fonctionnelles du VD. A : fraction de raccourcissement du plus large diamètre en courtaxe (vue 4-cavités). B : mesure de l'excursion systolique de l'anneau tricuspidien ou TAPSE (tricuspid annular plane systolic excursion); on mesure le pourcentage de raccourcissement de la distance entre la partie antérieure de l'anneau et l'apex du VD par rapport à la longueur en diastole; la valeur normale est 35%. C : vélocité systolique de l’anneau tricuspidien au Doppler tissulaire : en vue TG profonde à 140°, il est possible d’avoir un bon alignement avec l’anneau tricuspidien pour mesurer sa vélocité de déplacement systolique [100,101]. D : accélération de la contraction isovolumétrique (trait bleu) mesurée à l’anneau tricuspidien en vue TG profonde à 140° ; dV : différence de vélocité, dt : durée de la phase d’accélération. V (cm/s) : échelle des vélocités de l’anneau tricuspidien. S : éjection systolique. E : relaxation protodiastolique. A : contraction auriculaire. Evaluation de la fonction ventriculaire droite Fonction et volume du VD visibles par la sternotomie. Signes échocardiographiques de dysfonction droite : - Dilatation OD – VD, bombement du septum interauriculaire dans l’OG et du septum interventriculaire dans le VG ; - Hypokinésie/akinésie de la paroi libre ; - Insuffisance tricuspidienne ; - Indices fonctionnels abaissés. Monitorage de l’ischémie L'ischémie peropératoire est par nature silencieuse. La plupart des épisodes surviennent en l’absence de modifications hémodynamiques, suggérant ainsi qu’ils ont pour origine une insuffisance dans l’apport d’oxygène (bas débit coronarien, spasmes, instabilité de plaques athéromateuses) plutôt qu’un excès de demande métabolique myocardique. Le risque d'une coronaropathie cliniquement instable (angor stade III-IV) est donc beaucoup plus élevé que celui d'un angor stable ou stabilisé (stade I-II). Le diagnostic repose sur des données paracliniques; trois méthodes sont couramment utilisées à cet effet (voir Chapitre 9 Monitorage): Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 120 l'ECG, avec surveillance du segment ST ; la cinétique segmentaire du VG à l'ETO ; la PAPO du cathéter pulmonaire. Aucune d'entre elles n'a une spécificité ni une sensibilité suffisante pour devenir le critère de référence, qui, par défaut, est attribué à l'ECG. Cependant, dans certaines situations comme la revascularisation coronarienne à cœur battant, l’ETO s’avère plus sensible et plus spécifique que l’ECG. Le Tableau 6.7 compare les sensibilités et spécificités moyennes de ces trois techniques. Tableau 6.7 Comparaison de l’ECG, de l’ETO et de la Swan-Ganz dans le diagnostic peropératoire de l’ischémie Sensibilité Spécificité VPP 95% ECG 5 dérivations (segment ST) 75 % 99 % ETO (altération cinétique segmentaire) ischémie sous-endocardique ischémie tronculaire 75 % 80 % PAPO (onde "a" ou "v") PAM / FC (si < 1) 33% 88% 5% 30 % 77 % 55 % 13% VPP: valeur prédictive positive. ETO : échocardiographie transoesophagienne. PAPO : pression artérielle pulmonaire d’occlusion. PAM : pression artérielle moyenne. FC : fréquence cardiaque. L’ECG En général, l'ECG est le mode surveillance le plus spécifique ; il est également très sensible. Il est bon marché et très simple d'utilisation; il fonctionne en permanence et ne nécessite par de compétence très particulière. Il est le plus efficace pour la détection des sous-décalages du segment ST spécifiques des lésions sous-endocardiques, qui caractérisent les malades subissant des interventions de chirurgie générale (voir Figures 6.1 et 6.2). En chirurgie cardiaque, l'ouverture du sternum, les manipulations chirurgicales du cœur, la survenue de troubles de la conduction ou la nécessité d'un entraînement électrosystolique limitent les renseignements fournis par l'analyse du segment ST et expliquent en partie l'incidence élevée d'akinésies segmentaires périopératoires en l'absence de tout signe électrocardiographique. D'autres signes électriques peuvent traduire des épisodes ischémiques: ESV multifocales, tachycardie ventriculaire, fibrillation ventriculaire, blocs de branche intermittents ou permanents. En chirurgie cardiaque, l’air qui peut se collecter dans les cavités gauches est éjecté dès le déclampage de l’aorte. Cet air à tendance à se drainer dans la coronaire droite (CD) ou dans les pontages aortocoronariens veineux qui sont implantés à la face antérieure de l'aorte. Il est fréquent de constater alors des sus-décalages du segment ST (en DII si l’embolie est dans la CD), ou des troubles de la conduction (BBD, BAV complet). Ces modifications sont transitoires [7]. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 121 L’ETO Les trois territoires coronariens sont bien identifiés à l’ETO (Figure 6.71). A l’échocardiographie, l’ischémie se présente sous la forme de modifications de la cinétique segmentaire : hypokinésie, akinésie ou dyskinésie d’un ou plusieurs segments du ventricule (Figure 6.72) (voir Chapitre 25, Fonction ventriculaire segmentaire). Chez les patients souffrant de lésions transmurales persistantes, ce qui est le cas des patients subissant des interventions de revascularisation coronarienne, la moitié des incidents ischémiques visibles à l'ETO ne s'accompagne pas de modifications hémodynamiques, et dans 40% des cas il n'y a pas d'altérations électriques du segment ST [150]. La valeur prédictive positive de l’ETO pour l’infarctus postopératoire s’élève jusqu’à 88% en chirurgie cardiaque, alors qu’elle n’est que de 33% pour les accidents ischémiques survenant en chirurgie non-cardiaque où les lésions prédominantes sont sous-endocardiques [43,149]. La place de l’ETO dans le monitorage de l’ischémie demande quelques remarques. Paroi postéroinférieure Paroi latérale VG VD 9 10 8 6 Paroi antérieure 7 Vue court-axe VD VG Vue court-axe VG 4 2 5 3 9 7 10 8 14 Paroi postérieure Paroi antérieure Vue long-axe 90° CX CD 11 17 Paroi latérale Vue 4-cavités 0° IVA 12 17 Vue long-axe CX 13 Vue 4-cavités IVA CD © Chassot 2012 Figure 6.71 : Représentation schématique des différents territoires coronariens vascularisés par chaque tronc artériel dans des coupes échocardiographiques transoesophagiennes. Figure 6.72 : Segments ventriculaires gauches. La numérotation commence à la base. Le VG est divisé en trois parties (basale, moyenne, distale) ; la partie apicale est le 17ème segment. Bien qu'il ait une bonne sensibilité (80%) pour le diagnostic de l’ischémie segmentaire, l'ETO n'a qu'une faible spécificité pour son monitorage, car les altérations de la cinétique segmentaire (ACS) peuvent être dues à d'autres causes (dysfonction ventriculaire, péricardotomie, blocs de branche, etc). L’ETO est sensible à l’ischémie segmentaire caractéristique de lésions tronculaires, mais non à l’ischémie sous-endocardique, raison pour laquelle il a plus d’impact en chirurgie coronarienne qu’en chirurgie non-cardiaque (Figure 6.73). Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 122 Il n’y a surveillance de l’ischémie que dans la mesure où l’anesthésiste observe l’écran de l’appareil, ce qui ne peut pas être continu. La surveillance des ACS est délicate et demande une formation adéquate en échocardiographie, ce qui limite la portée de l’ETO [13,236]. En chirurgie coronarienne, l'ETO diagnostique des ACS justifiant un traitement médical ou chirurgical dans 24% des cas ; le taux de reprise chirurgicale de pontages aorto-coronarien est de 3-5% [14,182]. Chez les patients à haut risque ischémique, l’impact de l’ETO dans la prise en charge hémodynamique s’élève jusqu’à 51% des cas [46,182,255]. La persitance d’ACS après revascularisation a une valeur pronostique pour les complications postopératoires [183]. L’ETO permet le diagnostic de décompensations liées à l’ischémie comme l’insuffisance mitrale ou la dysfonction ventriculaire ; ceci est particulièrement important dans la chirurgie de l’aorte abdominale au moment du clampage, qui correspond à une augmentation brusque de la postcharge du VG. Dans le cadre de la chirurgie coronarienne à cœur battant (OPCAB), l’ETO a une meilleure sensibilité à l’ischémie que l’ECG ; sa valeur prédictive pour l’infarctus postopératoire est supérieure [183,308]. Figure 6.73 : Ischémie myocardique et image échocardiographique. L’occlusion d’un tronc coronarien se traduit par une ischémie transmurale (surface pointillée) qui provoque une altération de la cinétique segmentaire visible à l’échocardiographie. Les lésions distales conduisent à une ischémie diffuse sousendocardique (en vert), qui ne se traduit pas par des altérations cinétiques visibles aux ultrasons. L'implication d'un pilier dans le territoire ischémie peut provoquer une insuffisance mitrale. Ischémie sous-endocardique Occlusion tronculaire Ischémie transmurale © Chassot 2012 Bien que l'échocardiographie soit un moyen très sensible et très spécifique pour le diagnostic de l'ischémie myocardique, il ne s'avère pas que ce soit un moyen de surveillance peropératoire efficace en-dehors de la chirurgie coronarienne. Le diagnostic échocardiographique d’ischémie n'est fondé qu'en l'absence de perturbations hémodynamiques telles que la tachycardie, l'hypovolémie ou l'hypertension, qui peuvent être elles-mêmes à l'origine de perturbations de la cinétique segmentaire. Le cathéter pulmonaire Le rôle de la Swan-Ganz est très limité dans la surveillance de l’ischémie. Il faut que le territoire touché soit quantitativement très important pour que les modifications de compliance et de fonction systolique secondaires à l'ischémie se traduisent par des modifications apparaissant sur la PAPO: onde "a" > 15 mm Hg, onde "v" > 20 mm Hg, augmentation de plus de 15 mm Hg de la PAP diastolique. La Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 123 sensibilité de cet élément pour l’ischémie et sa valeur prédictive d’infarctus sont décevantes, car seuls 13% de toutes les mesures de PAPO et 21% de tous les évènements ischémiques sont associés à des altérations morphologiques de la courbe de pression bloquée [153,293]. Comparées à la sécrétion de lactate dans le sinus coronaire, seule mesure objective de l’ischémie myocardique globale du VG, les modifications de la PAPO ne présentent pas de corrélation fiable avec les épisodes d’ischémie [91,112]. La Swan-Ganz peut déceler le retentissement hémodynamique secondaire à la souffrance ventriculaire, mais ne surveille pas l’apparition de l’ischémie. Le cathéter artériel On ne saurait trop insister sur l'importance du contrôle continu de la pression artérielle par monitorage invasif. En effet, derrière les sténoses et dans les collatérales le flux est pression-dépendant. Une baisse de la pression artérielle de plus de 30% a un pouvoir prédictif de 84% pour une ischémie périopératoire [153]. Comme la PAM en périphérie est la mesure la plus voisine de la pression aortique qui perfuse l'arbre coronarien, il est habituel de la maintenir au-dessus de 75 mmHg pour avoir une marge de sécurité. La fréquence étant l'élément majeur parmi ceux qui augmentent la consommation d'O2 myocardique, plusieurs index ont été imaginés pour déterminer les situations à risque pour le coronarien. Le plus simple est le rapport de Buffington [32] : c'est le rapport entre la pression artérielle moyenne et la fréquence cardiaque (PAM / FC). Ce rapport est une analogie du rapport DO2/VO2 ; chez les coronariens, il doit rester au-dessus de 1. Sa valeur d'alarme pour la survenue d’ischémie lorsqu’il devient < 1 est d’autant plus intéressante qu’il ne nécessite aucun équipement particulier. En anesthésie, il est plus pertinent que le double produit (PAsyst • FC) ou le triple produit (PAsyst • FC • PAPO). Toutefois, sa valeur prédictive positive est très limitée, alors que sa valeur prédictive négative est élevée [89] ; cela signifie que le risque d'ischémie est faible tant que la fréquence cardiaque d’un malade coronarien est inférieure à sa PAM, pour autant que toutes deux restent dans les limites physiologiques. Les biomarqueurs Le relargage de troponines est le marqueur le plus sensible d’une lésion myocardique. Après chirurgie de revascularisation coronarienne, les troponines ne permettent pas de faire la différence entre une ischémie et les dégâts de l’intervention chirurgicale elle-même. Comme leur taux est proportionnel à la gravité de la lésion, elles restent un indicateur assez spécifique d’infarctus postopératoire, que la nécrose soit liée à l’acte chirurgical ou à une thrombose coronarienne (voir Chapitre 9 Infarctus en chirurgie cardiaque). Un taux postopératoire de troponine T supérieur à 1.5 mcg/L est un prédicteur efficace de la mortalité à 6 mois [72a]. Malheureusement, son évolution dans le temps (pic à 12-24 heures) impose un certain délai diagnostique. La myoglobine est un marqueur plus précoce (1-3 heures après la lésion, pic à 6-12 heures), mais son élévation immédiate est peu spécifique après une opération; la persistence d’un taux élevé à 24 heures est un meilleur indice. D’autre part, la retransfusion de sang médiastinal complique le diagnostic biologique de l’infarctus, car cette autotransfusion augmente artificiellement le taux des marqueurs habituels. Dans les trois premiers jours postopératoires de chirurgie noncardiaque, une élévation momentanée du taux de troponine (≥ 0.02 ng/L) est associée à une augmentation de mortalité à 1 mois, bien que les trois quarts des patients soient asymptomatiques et les deux tiers sans signes ECG (voir Chapitre 9 Infarctus en chirurgie noncardiaque). Une élévation de 0.02 ng/L, 0.03-0.25 ng/L et de ≥ 0.3 ng/L est associée à une élévation du risque (hazard ratio) de mortalité postopératoire de 2.41, 5.0 et 10.5 respectivement (mortalités de 4.0%, 9.3% et 16.9%) [54a]. Définie par les troponines, une ischémie myocardique postopératoire est présente chez 8-19% des patients à risque intermédiaire et élevé, bien que 58% d’entre eux ne remplissent pas les critères d’un infarctus et que 84% soient asymptomatiques [24a,294a]. Le délai moyen minimal d’une dizaine de jours entre l’élévation du marqueur et le décès laisse suffisamment de temps pour entreprendre une prise en charge immédiate de l’ischémie myocardique. Lorsque le taux de troponine est significatif et lorsque l’ECG est modifié, le traitement Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 124 est celui d’une ischémie myocardique aiguë (voir Chapitre 9 Traitement, Ischémie aiguë). Lorsque le taux est faible et l’ECG sans altération, le traitement est celui d’une ischémie myocardique stable asymptomatique, équivalente à une prévention secondaire proactive : antiplaquettaires, statine, bétabloqueur, inhibiteur de l’enzyme de conversion et, à long terme, modifications du style de vie. Après chirurgie vasculaire majeure, cette prise en charge diminue de moitié la mortalité à 1 an [76a]. Toutefois, l’association entre troponines et pronostic postopératoire est davantage liée à la mortalité générale, toutes causes confondues, qu’à l’infarctus per se [294a]. L’élévation du taux de troponine à des valeurs inférieures à celles admises pour le diagnostic non-équivoque d’infarctus est un marqueur de risque pour les complications postopératoires, qu’elles soient cardiovasculaires ou non (embolie pulmonaire, insuffisance respiratoire, AVC, sepsis). Même si elles sont liées à une ischémie myocardique, les troponines ne signent pas forcément une lésion nécrotique dans un ventricule. Ceci pose un problème de prise en charge, car il n’est pas anodin d’imposer à un patient le traitement agressif d’une ischémie myocardique aiguë s’il n’en souffre pas. Monitorage de l’ischémie coronarienne L'ECG, particulièrement l’analyse continue du segment ST, reste la technique de choix pour la surveillance de l’ischémie coronarienne ; il fonctionne en continu de manière automatique. L'ETO est efficace en cas de lésions tronculaires engendrant des anomalies contractiles segmentaires (chirurgie coronarienne), mais elle est très peu sensible à l’ischémie sous-endocardique (plus fréquente en chirurgie non-cardiaque) ; d’autre part, elle réclame une attention exclusive et une formation spécifique. Par contre, l’ETO démontre clairement les décompensations hémodynamiques liées à l'ischémie : dysfonction ventriculaire gauche ou droite, insuffisance mitrale. La Swan-Ganz peut déceler le retentissement hémodynamique secondaire à la souffrance ventriculaire, mais n’est pas une technique de surveillance de l’ischémie coronarienne. Un cathéter artériel est fondamental pour maintenir le rapport PAM / FC > 1. Les troponines sont un marqueur très sensible de lésions myocardiques aggravant le pronostic postopératoire (mortalité augmentée d’environ trois fois). Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 125 Surveillance respiratoire Après l'hémodynamique, le système respiratoire est le principal objet de surveillance peropératoire. Comme tout patient sous anesthésie, le malade de chirurgie cardiaque doit être équipé d'un pulsoxymètre (SpO2), d'un oxymètre (FiO2) et d'un capnographe (PetCO2). Actuellement, les moniteurs échantillonnent ces deux dernières données de manière continue à l'inspirium et à l'expirium, et les complètent par la mesure des flux et des pressions dans le système respiratoire, en général au niveau de la connexion en Y côté patient. Les mesures de flux et de pression permettent d'évaluer la mécanique ventilatoire, la compliance pulmonaire, les résistances bronchiques et la PEEP intrinsèque. Relation PaCO2 - PetCO2 La différence moyenne entre la pressions artérielle (Pa) et la pression télé-expiratoire (Pe) de CO2 est habituellement de 3 à 5 mm Hg, mais elle oscille physiologiquement entre 0 et +13 mm Hg. Elle n'est pas toujours constante au cours de l'anesthésie. Trois catégories de facteurs influencent cette différence [86]. Le rapport ventilation - perfusion (V/Q) ; la diminution du rapport V/Q (effet shunt) creuse très peu la différence entre la PaCO2 et la PeCO2, alors que l'augmentation de ce rapport l'accentue considérablement (baisse du débit cardiaque, effet espace-mort alvéolaire par intubation endo-bronchique ou embolie pulmonaire). Débit expiratoire alvéolaire insuffisant au niveau du capteur ; le capteur ne peut donner des valeurs cohérentes de CO2 que s'il reçoit de l'air alvéolaire qui s'est équilibré avec le sang artériel pulmonaire. Chez les petits enfants (poids inférieur à 10 kg), cette condition n'est pas remplie et la PeCO2 est très inférieure à la PaCO2 pour plusieurs raisons : • Débit expiratoire faible ; • Haut débit de gaz frais ; • Circuits respiratoires ouverts ; • Espace-mort important (connexions, etc) ; • Fuites autour du tube endotrachéal ; • PEEP ; • Fréquence respiratoire élevée ; • Volume courant faible. Problèmes techniques ; ils relèvent de la calibration de l'appareil et de sa fréquence d'échantillonnage par rapport à la fréquence respiratoire ; la première doit être supérieure à la deuxième pour que les valeurs affichées soient fiables. Il se peut aussi, plus rarement, que la PeCO2 soit plus élevée que la PaCO2. Cette situation se rencontre surtout lorsque la capacité résiduelle fonctionnelle est diminuée (obésité, grossesse, etc) et qu'elle participe aux échanges gazeux en phase télé-expiratoire, car les zones à V/Q bas se vidangent lentement et influencent la phase terminale du capnogramme. Pour être significatives, les valeurs doivent être observées sur plusieurs cycles respiratoires. Hypocapnie et hypercapnie Les modifications ventilatoires du CO2 sont un des meilleurs moyens de varier les résistances pulmonaires sans affecter significativement les résistances systémiques. L'hypercapnie provoque une vasoconstriction pulmonaire (acidose respiratoire et augmentation de [H+]), l'hypocapnie une vasodilatation. L'hypercapnie (PetCO2 > 45 mm Hg) relève de trois causes: Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 126 Hypoventilation alvéolaire ; Ré-inspiration ; Augmentation de la production de CO2 : • Réveil, douleur, décurarisation, frissons ; • Métabolisme augmenté (sepsis, hyperthyréose, hyperthermie maligne) ; • Laparoscopie, thoracoscopie ; • Relâchement de clamp artériel ou de garrot. L'hypocapnie est liée à quatre phénomènes: Hyperventilation alvéolaire ; Augmentation de la différence Pa - PeCO2 ; Diminution de la production de CO2 (anesthésie générale profonde, curarisation, hypothermie) ; Baisse du transport de CO2 vers les poumons (bas débit cardiaque). Relation entre le débit cardiaque et les échanges gazeux En l'absence de modifications dans la ventilation ou dans la production de CO2, la chute du débit cardiaque entraîne une baisse de la PeCO2 [147]. Deux mécanismes sont impliqués. Baisse de la quantité de CO2 transporté vers les poumons par unité de temps ; Augmentation de la proportion des volumes pulmonaires à rapport ventilation-perfusion élevé (zone I de West, ventilation normale, perfusion nulle) et augmentation de l'espace-mort physiologique par diminution de la pression intravasculaire pulmonaire. Le rapport espacemort / volume-courant est augmenté (normal 0.2-0.4). Pendant l'expirium, cet espace-mort alvéolaire dilue le CO2 effectivement échangé dans les alvéoles perfusées ; la PeCO2 chute proportionnellement. Quatre mécanismes fonctionnent en sens opposé, et contribuent à rétablir la pression partielle de CO2 dans le gaz alvéolaire [116]. L'augmentation de l'espace-mort alvéolaire diminue la ventilation alvéolaire effective, d’où augmentation de la PalvCO2 et hypoventilation ; La baisse de la SvO2 augmente la capacité de transport du CO2 dans le sang veineux (effet Haldane) ; Le contenu en CO2 du parenchyme pulmonaire, quoique faible, tamponne partiellement la baisse de la PalvCO2 ; Le CO2 produit s'accumule dans les tissus périphériques à cause du bas débit sanguin local ; lorsque la situation de bas débit se prolonge, la quantité de CO2 tissulaire devient suffisante pour augmenter la PvCO2 et diffuser dans les alvéoles perfusées ; la PeCO2 ré-augmente. Expérimentalement, il existe une relation linéaire entre la baisse de la PeCO2 et la chute du débit cardiaque exprimées en pourcentage de leur valeur de base : une baisse de 20% de la PeCO2 correspond à une chute de 27% du débit cardiaque [116]. Après 20-30 minutes de bas débit cardiaque, le CO2 tissulaire accumulé repasse progressivement dans la circulation : la PaCO2 remonte, de même que la PeCO2 . La relation entre le débit expiratoire de CO2 et le débit cardiaque n'est donc valable que dans les phases aiguës de bas débit (Figure 6.74). La même relation a été trouvée en clinique. La corrélation entre la baisse de la PeCO2 et celle du débit cardiaque est très bonne. Le rapport de ces modifications est de 1:3, c'est-à-dire que la chute de la PeCO2 est le tiers de celle du débit pour des réductions modérées de ce dernier [258]. Cette chute est proportionnellement plus grande lorsque le débit cardiaque est très bas. La corrélation dans le temps est très rapide, mais non permanente ; elle dure au moins 10 minutes, mais la PeCO2 se rétablit sur une période de 50 minutes. Lors du sevrage de Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 127 la CEC, le débit pulmonaire se rétablit lentement au fur et à mesure que le débit de pompe diminue, et la PeCO2 augmente parallèlement. Malgré l’affichage d’une hypocapnie, il est important de maintenir un régime ventilatoire normal pour éviter tout risque d’atélectasie, car les contraintes techniques dans le champ opératoire limitent l’importance de la PEEP que l’on peut adjoindre. 120 Figure 6.74 : Représentation graphique d'un écran de moniteur au cours d'une hypotension brusque par hémorragie. La PetCO2 suit la chute de pression artérielle (PA), mais la VO2 a une réponse plus rapide que la VCO2 à la chute du débit cardiaque. PA en mmHg. PetCO2 en mmHg. VO2 et VCO2 en mL/min. 60 PA 40 20 PeCO2 200 100 VO2 VCO2 Ces résultats supposent que la ventilation et le métabolisme restent inchangés. Or le bas débit cardiaque peut diminuer suffisamment l'apport d'oxygène aux tissus pour que le métabolisme aérobie soit freiné et que la production de CO2 diminue ; la PeCO2 baisse d'autant. En cas de ventilation spontanée, la gêne respiratoire contribue à une hypoventilation. En ventilation mécanique, une élévation de la pression alvéolaire augmente le rapport VD/VT. Ces phénomènes interfèrent dans la relation entre la PeCO2 et le débit cardiaque. En résumé, la PeCO2 varie linéairement avec le débit cardiaque lors des modifications aiguës de ce dernier, pour autant que la ventilation et le métabolisme restent inchangés. Elle a une valeur pronostique certaine en cas de réanimation cardiaque. La simplicité et la fiabilité de cette mesure chez un patient intubé en font un test utile pour juger des modifications aiguës de la perfusion pulmonaire. Une embolie pulmonaire massive ampute soudainement la perfusion pulmonaire et fait chuter brutalement la PeCO2, alors que la PaCO2 s'élève ; l'effet espace-mort est gigantesque. On a ainsi enregistré au cours d'une embolie gazeuse massive une valeur expirée de 13 mmHg alors que la valeur artérielle était de 85 mmHg. En cas d'arrêt cardiaque, la PeCO2 s'effondre immédiatement, et remonte lorsque la perfusion pulmonaire se rétablit ; elle est une fonction linéaire (r = 0.62) de l'index cardiaque [70]. Lors de réanimation cardio-pulmonaire, la présence de CO2 expiré est un bon indice de l'efficacité du massage cardiaque. La PeCO2 obtenue après 5 minutes de réanimation a une valeur pronostique. Si elle reste inférieure à 10 mmHg, la survie est peu probable ; au-dessus de 15 mmHg, le taux de réanimation efficace est élevé. Si l'on place le seuil de signification à 15 mmHg, la valeur prédictive est de 91% [70]. L'administration de bicarbonate peut fausser cette relation au augmentant passagèrement la PeCO2. Lorsqu'on reprend la ventilation en fin de CEC, le CO2 expiré est très bas parce que le circuit pulmonaire est partiellement exclu et que les échanges gazeux sont assurés par l'oxygénateur. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 128 Deux mesures supplémentaires permettent d'accroître la pertinence du monitorage : La mesure continue de la fraction inspirée et de la fraction expirée d'O2 (FiO2 et FeO2) ; Les mesures du flux et de la pression dans le système respiratoire au moyen d'un tube de Pitot. En combinant les mesures du CO2 et de l'O2 inspirés et expirés avec celles des volumes respirés, on peut calculer la consommation d'oxygène (VO2 = 250 ml/min) et la production de CO2. On peut en extraire le débit cardiaque par l'équation de Fick : DC = VO2 / (CaO2 – CvO2). La différence entre la FiO2 et la FeO2 (ΔO2) varie plus rapidement que la FiCO2 et FeCO2 au changement de ventilation et de débit cardiaque, parce que le volume de CO2 de l'organisme (20 L) est bien plus grand que la réserve en O2 des poumons (1 L) [172]. Une hypoventilation soudaine est détectée vingt fois plus vite par la ΔO2. En anesthésie, une baisse de la VO2 est liée à la baisse du tonus sympathique central, à l'hypothermie, à la curarisation, ou à une perte de volume circulant ; la valeur peut diminuer de 75% dans ces circonstances. Surveillance respiratoire La PeCO2 varie proportionnellement au débit cardiaque lors des modifications aiguës de ce dernier, pour autant que la ventilation et le métabolisme restent inchangés. L’hypocapnie dure au moins 10 minutes, mais la PeCO2 se rétablit sur une période de 50 minutes. Une embolie pulmonaire massive ampute la perfusion pulmonaire et fait chuter brutalement la PeCO2, alors que la PaCO2 s'élève. On peut calculer le débit cardiaque par l'équation de Fick : DC = VO2 / (CaO2 – CvO2). Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 129 Surveillance neurologique Les complications neurologiques après chirurgie cardiovasculaire sont de deux types [81,194,294] : Lésions focales (Type I), provoquant des accidents vasculaires cérébraux ischémiques (AVC) ; elles surviennent dans 2-6% des cas de chirurgie cardiaque ; Dysfonctions neuro-cognitives (Type II), beaucoup plus fréquentes (30-50% des cas), qui sont largement réversibles à long terme. Comparée à une mortalité de base voisine de 2% en moyenne, la mortalité associée aux lésions focales s’élève jusqu’à 21% et celle des dysfonctions jusqu’à 10%. Il existe essentiellement deux mécanismes à l’origine de ces lésions [64] : L’hypoperfusion cérébrale ; elle est due à une hypotension artérielle, un bas débit, une pression veineuse excessive (position de Trendelenburg, canulation veineuse subocclusive) ou une collatéralisation insuffisante en cas de clampage carotidien ; L’embolisation de matériel athéromateux, de particules lipidiques, de thrombi, d’agrégats fibrineux, de microparticules de plastic ou de bulles d’air ; l’embolisation est fréquente lors de clampage aortique ou carotidien, et constante au cours de la CEC (Figure 6.75). Figure 6.75 : Pourcentage d'embols enregistrés par Doppler transcrânien au cours d'une opération de pontages aorto-coronariens en CEC. 1: dissection. 2: canulation aortique. 3: CEC partielle. 4: cardioplégie et clampage aortique. 5: en CEC. 6: déclampage de l'aorte. 7: clamp tangentiel sur l'aorte. 8: CEC avec clamp tangentiel en place. 9: déclampage tangentiel. 10: début de l'éjection. 11: décanulation. 12: hors-CEC. Aspiration, filtre artériel et réservoir influencent directement le taux d'embols en CEC (5). Taux en % 12.5 10.0 7.5 5.0 2.5 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Le but du monitorage cérébral est de détecter les incidents avant que la lésion induite ne soit irréversible. On dispose à cet effet de cinq types de moniteurs : l’EEG, les potentiels évoqués, le Doppler transcrânien, l’oxymétrie cérébrale (voir Oxymétrie cérébrale) et la saturation jugulaire. On peut y ajouter la surveillance de la profondeur de l’anesthésie (BIS™), qui a un rôle accessoire dans le neuromonitorage (voir Index bispectral). L'ETO contribue indirectement à la protection cérébrale dans la mesure où elle permet de sélectionner le meilleur site de canulation dans l'aorte ascendante pour éviter les plaques athéromateuses, et où elle est une aide capitale dans le débullage des cavités cardiaques après cardiotomie gauche (Figure 6.76) ; elle contribue ainsi à prévenir les séquelles neurologiques potentielles de la CEC. Comme ces séquelles neurologiques sont liées aux épisodes d’hypoperfusion et d’hyperthermie cérébrale post-CEC, les mesures de pression de perfusion et de température font partie intégrante de la surveillance neurologique [70a]. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 130 Figure 6.76 : Elimination des bulles d'air après CEC avec ouverture des cavités gauches. Une grande quantité de bulles (taches blanches oblongues) revient par les veines pulmonaires dans l'OG et le VG, et a tendance à s'accumuler dans les endroits élevés: l'angle mitro-aortique et le septum antéro-apical (flèches). L'ETO est indispensable pour en faire le diagnostic et pour surveiller la vidange adéquate par les manoeuvres chirurgicales. Pression de perfusion cérébrale La pression de perfusion cérébrale (PPC) est habituellement définie comme la différence entre la pression artérielle moyenne (PAM) et la pression veineuse jugulaire (PVC) : PPC = PAM - PVC L’hypoperfusion peut survenir sur une hypotension artérielle systémique ou sur une élévation excessive de la PVC (position de Trendelenburg, rotation de la tête, manipulation du cœur, canulation veineuse de CEC). Dans la population normale, il est recommandé de maintenir la PAM à 70-80 mmHg. En présence d'athéromatose vasculaire, de diabète, d'hypertension artérielle, d’insuffisance rénale, de sténose carotidienne, et d'un âge avancé (> 70 ans), il est préférable de maintenir la PAM dans la zone normale-haute, car l’autorégulation cérébrale s’est déplacée vers des valeurs plus élevées. Température cérébrale Après un épisode d’hypothermie en CEC, le réchauffement entraîne un rebond hyperthermique cérébral qui dure plusieurs heures et dont l’importance est proportionnelle à la profondeur de l’hypothermie et à la rapidité du réchauffement. Cette poussée hypertherme (> 38°C) aggrave les séquelles neurologiques [93a]. Bien que les plus proches possibles du cerveau, les températures tympanique et ethmoïdale (sonde contre la paroi nasopharyngée supérieure) tendent à sous-estimer la température cérébrale et la température du sang jugulaire. L'électro-encéphalographie (EEG) L'EEG reflète l'activité globale du cortex. Des modifications éléctro-encéphalographiques apparaissent lorsque le flux sanguin cérébral (FSC) a diminué de moitié (valeur normale: 50 ml/100g/min). L'ischémie provoque une perte des signaux électriques rapides alpha (7-14 Hz) et béta (> 14 Hz), et une augmentation des signaux lents delta (0.5-3 Hz) et théta (4-7 Hz), puis une perte d'amplitude allant jusqu'au silence électrique [213]. L'EEG est isoélectrique pour un flux sanguin < 15 ml/100g/min. Une ischémie focale due à une embolie peut échapper à cette surveillance. Les modifications électriques surviennent avant les lésions cellulaires; les déficits neurologiques sont probables lorsqu'elles durent plus de 10 minutes. L'EEG est isoélectrique à 20°C. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 131 Le système à 16 ou 20 canaux, encombrant et difficile à interpréter, est en général remplacé par un moniteur de fonction cérébrale de type CSA (Compressed Spectral Array), qui affiche une analyse spectrale des ondes par une transformation de Fourrier, et ne nécessite que 4 électrodes placées sur les apophyses mastoïdes et au milieu du rebord orbitaire frontal. L’appareil affiche le spectre des fréquences qui comprennent le 95% des ondes enregistrées et en extrait la prédominance relative des ondes de type α, β, δ et θ (Figure 6.77). Une hypoperfusion cérébrale se traduit par une baisse de l’amplitude globale, une baisse des ondes rapides α et β (4-7 Hz), et une augmentation relative des ondes lentes δ et θ (0.5-3 Hz) [81]. Cette technique, plus conviviale que l’EEG, ne permet pas toujours de distinguer les ondes cérébrales des interférences comme l'activité cardiaque ou musculaire, l'effet des médicaments, de la température ou de la pCO2 . Contrairement au BIS™, elle demande une certaine formation pour être capable d’interpréter correctement les tracés [127a]. Figure 6.77 : Image d'analyse spectrale des ondes (transformation de Fourrier) fournie par un moniteur de fonction cérébral de type CSA (Compressed Spectral Array). Le nombre d'ondes d'une certaine fréquence apparaît sous forme de spectre de fréquence; dans ce cas, les ondes alpha prédominent. Quoique bien corrélée avec le FSC, ces techniques sont biaisées par des interférences comme l'activité cardiaque ou musculaire, l’anesthésie générale, l’hypothermie et la PaCO2. Son interprétation est parfois difficile. Lors de clampage carotidien, l’EEG ne détecte l’ischémie cérébrale que dans 59% des cas et présente un taux de faux négatifs de 40% [102]. Par contre, il permet de déterminer le degré d’hypothermie optimal en cas d’arrêt circulatoire par la survenue d’un tracé isoélectrique. Les potentiels évoqués Les potentiels évoqués (PE) d'un membre sont utiles dans la chirurgie de l'aorte thoracique descendante parce qu’ils surveillent l'intégrité médullaire. Les potentiels évoqués sensitifs sont très sensibles à l'ischémie, mais ils explorent la colonne postérieure de la moëlle ; une paraplégie (lésion de la colonne antérieure) peut survenir à leur insu. L'appareillage est encombrant et la valeur prédictive faible ; l'hypothermie et les halogénés en altèrent la lecture (Figure 6.78). Les potentiels évoqués moteurs surveillent la colonne antérieure de la moëlle ; la sensibilité est faible mais la spécificité est de 100% [66]. Plus intéressants sont les potentiels évoqués auditifs (PEA) (A-Line Monitor™). La réponse auditive du tronc cérébral reflète l'activité neuronale entre le noyau cochléaire et le colliculus inférieur ; elle n'est pas modifiée par les agents d'anesthésie, mais varie directement avec la température. Elle est un excellent moyen de surveiller le degré d'inhibition neuronale par l'hypothermie [227]. Le Doppler transcrânien (DTC) Le Doppler transcrânien mesure la vélocité (V) du sang dans une grande artère. Le flux est calculé selon l'équation: Q = V • S, où S (π r2) est la surface de section du vaisseau. Une fois le diamètre du Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 132 vaisseau connu, la mesure de la vélocité (V) permet de calculer le flux (Q). On choisit en général l’artère cérébrale moyenne, qui est facile d’accès et qui achemine 70% du sang à l’hémisphère ipsilatéral. On admet que le diamètre de l’artère ne se modifie pas au cours de l’examen, et que les variations de vélocité traduisent les variations du flux sanguin cérébral. L’analyse Doppler ne mesure que la vélocité des hématies, non leur nombre ; ainsi l'hémodilution, qui accélère le flux, peut faire croire à une augmentation de l'apport d'oxygène, alors que celle-ci a diminué. Son utilisation comme monitorage suppose que la vélocité du flux reflète effectivement le débit sanguin total, que le diamètre du vaisseau ne se modifie pas, et que le capteur reste absolument stable. Les variations de l'Hb, de la viscosité, de la température, de la PaCO2, et les agents d'anesthésie interfèrent considérablement avec la mesure [61]. PES Figure 6.78 : Potentiels évoquées sensitifs (PES) enregistrés pendant un clampage aortique. Les temps correspondent à la durée du clampage. Les potentiels évoqués auditifs (PEA) présentent une évolution analogue lors d'ischémie cérébrale en hypothermie. 0 min 30 min 50 min Post Si la valeur absolue du flux peut être incertaine, ses variations (ischémie ou hyperémie) et son sens (antérograde ou rétrograde) lors de clampage sont parfaitement surveillés par le DTC. Les embols sont aisément détectés par la technique, notamment lors du clampage aortique ou pendant la chirurgie carotidienne; ils apparaissent sous forme de HITS (High-intensity transient signals) dont la morphologie donne une clef sur l'origine (bulle, athérome, etc) [222]. Toutefois, la corrélation avec les symptômes cliniques n'est pas évidente [64]. Le DTC est encombrant, instable et très opérateurdépendant. Les signaux sont ininterprétables dans 21% des cas et non localisables chez 10% des patients [81,185]. Ils sont absents en cas de bas débit, de flux dépulsé (CEC) ou d’arrêt circulatoire hypothermique. La saturation veineuse jugulaire (SjO2) La saturation veineuse jugulaire (SjO2) s'obtient par canulation rétrograde de la jugulaire interne (cathéter oxymétrique 5.5 F). Elle est fonction de l'extraction cérébrale en O2 et de l'activité métabolique globale. Sa valeur normale est 60-75% [139]. La valeur critique se situe autour de 50%. Une valeur < 40% est associée à une souffrance cérébrale ischémique et à des séquelles neurologiques [253]. Elle augmente en cas d'hyperémie, d'hypercapnie ou de fistule artério-veineuse. Elle diminue pour des raisons systémiques (désaturation artérielle, hypocpanie, anémie aiguë, hypotension) ou cérébrale (hypertension intracrânienne, hyperthermie, convulsions, vasospasme). Elle peut être utile pour confirmer la baisse de la demande métabolique avant un arrêt circulatoire, mais n’a aucune valeur localisatrice [169]. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 133 Monitorage neurologique Plusieurs techniques permettent une surveillance neurologique peropératoire : - EEG et CSA, corrélés au flux sanguin cérébral et à l’activité électrique neuronale ; - Potentiels évoqués sensitifs ou moteurs (moëlle), et auditifs (tronc cérébral) ; - Doppler transcrânien (diagnostic d’embols, suivi du flux) ; - Saturation veineuse jugulaire ; - Pression de perfusion cérébrale (PPC = PAM – PVC) et température éthmoïdale. - Spectroscopie infrarouge (NIRS) : saturation cérébrale bilatérale en O2 (ScO2) ; - Index bispectral (non adapté à la surveillance d’embols ou d’ischémie) ; La combinaison de la ScO2 et de l’EEG/CSA offre l’optimum de surveillance. Oxymétrie cérébrale La spectroscopie infrarouge (NIRS, Near-infrared spectroscopy) permet la mesure locale de la saturation de l'hémoglobine cérébrale en oxygène (ScO2). Plusieurs appareils sont disponibles sur le marché : INVOS™, Fore-Sight™, Equanox™, CerOX™, NIRO™, TOS-96™. Les deux diodes de chaque capteur sont écartées de 3 cm environ; chaque capteur est placé sur l'angle fronto-temporal susorbitaire, de chaque côté du crâne. La longueur d'onde laser émise (770 – 910 nm) pénètre la boîte crânienne et se trouve dispersée par la substance cérébrale où une partie spécifique du spectre est absorbée par l'hémoglobine oxygénée (HbO2) et une autre par l'hémoglobine réduite (Figure 6.79). Le pic d'absorption de l'Hb oxygénée est à 929 nm et celui de l'Hb désoxygénée à 758 nm. La quantité de lumière réféchie et le spectre d'absorption permettent de calculer la teneur en oxygène de la zone cérébrale explorée [250]. Comme sa lecture n’est pas basée sur la pulsatilité vasculaire, la spectroscopie infrarouge peut surveiller l’oxygénation cérébrale pendant la CEC ou lors d’arrêt circulatoire. Une ischémie cérébrale survenant dans une autre région que celle examinée échappe cependant à la surveillance. Avec deux jeux de capteurs, par contre, la technique permet de différencier l'état des deux hémisphères (Figure 6.79B et C). Les valeurs affichées sont très voisines de la saturation veineuse cérébrale (SjO2) parce que les 75% du sang cérébral sont dans le réseau veineux, 20% dans le réseau artériel et 5% dans les capillaires. La valeur normale à l’état éveillé oscille entre 60 et 75% [195] ; elle diminue de 78% chez l’enfant à 67% à partir de 60 ans [65]. Bien que l’évolution du chiffre soit plus significative que sa valeur absolue, une ScO2 inférieure à 50% est considérée comme anormale. La valeur affichée peut varier de 10% d’un appareil à un autre [271a]. Il existe souvent une légère asymétrie entre les deux hémisphères, mais l’apparition d’une nouvelle asymétrie de > 10 points est pathologique. Plusieurs phénomènes modifient la ScO2 [65,159,271a,277]. La ScO2 s'élève en hyperoxie et en hypercapnie (augmentation de l’apport d’O2 et vasodilatation cérébrale) ; elle baisse en hypoxie et en hypocapnie. La ScO2 s'élève en hypothermie par baisse du métabolisme et de la libération d'O2 par l'hémoglobine ; elle baisse en hyperthermie. Les agents d’anesthésie diminuent le métabolisme davantage que la perfusion cérébrale ; la ScO2 a tendance à augmenter. Si le capteur est en regard d’une zone infarcie (absence de métabolisme), la ScO2 est anormalement élevée. La ScO2 s’abaisse avec le débit cardiaque et lui est directement corrélée ; elle baisse également avec une augmentation de la pression veineuse (PEEP, Trendelenburg, subocclusion jugulaire par appui ou rotation excessive de la tête). La ScO2 diminue avec l’hémodilution (début de CEC) et l’anémie. La ScO2 diminue par vasoconstriction artérielle (nor-adrénaline). Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 134 L’autorégulation maintien l’apport d’O2 sur une vaste plage de PAM allant de 50 à 110 mmHg ; l’anesthésie, la température et l’équilibre acido-basique modifient l’étendue de l’autorégulation. La ScO2 est un moyen efficace de mettre en évidence la PAM minimale tolérable chez un patient ; elle correspond au moment où la consommation cérébrale d’O2 devient dépendante de la pression artérielle [207]. Un enregistrement simultané de la ScO2 et de la pression artérielle permet de définir la zone d’autorégulation comme la plage de valeurs artérielles dans laquelle la PA et la ScO2 ne sont pas corrélées ; dès qu’elles varient simultanément, le malade se situe au dessus (hypertension) ou au dessous (hypotension) de cette zone [271a]. La zone d’autorégulation est rétrécie lors du réchauffement de CEC. Figure 6.79 : Spectroscopie infrarouge et mesure de la saturation de l'hémoglobine cérébrale en oxygène (ScO2). A : Les deux diodes de chaque capteur sont écartées de 3 cm environ; chaque capteur est placé sur l'angle fronto-temporal, de chaque côté du crâne. La longueur d'onde laser émise (770 – 910 nm) pénètre la boîte crânienne et se trouve dispersée par la substance cérébrale où une partie spécifique du spectre est absorbée par l'hémoglobine oxygénée (HbO2) et une autre par l'hémoglobine réduite. La quantité de lumière réféchie et le spectre d'absorption permettent de calculer la teneur en oxygène de la zone cérébrale explorée (d'après 286). B : électrodes de lecture en place au-dessus du rebord orbitaire sur la peau glabre du front ; elle doivent prendre l’angle frontotemporal pour que les rayons des deux diodes soient concentriques. C : affichage de la ScO2 bilatérale. 3-6 cm Cerveau Compte photons Voûte crânienne Spectroscope infra-rouge Affichage ScO 2 A B Diodes laser C Dans les arrêts circulatoires hypothermiques, la ScO2 permet de juger de la tolérance du cerveau à l’ischémie. A 20°C, la désaturation est d’environ 1%/min ; à 36°C, elle est de 20%/min [55]. La ScO2 permet de régler le débit continu minimal de CEC (perfusion aortique ou carotidienne sélective) qui assure les besoins cérébraux en hypothermie (environ 20 mL/kg/min) [277]. Comme l’autorégulation est abolie pour plusieurs heures par l’hypothermie, la période dangereuse est celle du réchauffement, parce que la consommation cérébrale d’O2 devient dépendante de l’apport d’O2, donc de la pression artérielle. L’hémodynamique la plus adéquate est celle qui normalise la ScO2. La question majeure est celle de la définition d'un seuil en dessous duquel une intervention thérapeutique se justifie parce que des déficits neurologiques sont probables. En chirurgie carotidienne, une baisse de 20% a une valeur prédictive positive de 37% et une valeur prédictive négative de 98% pour la présence de déficits neurologiques postopératoires [180]. Une baisse à des Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 135 valeurs de 30-40% signe une souffrance grave mais est encore compatible avec une récupération neurologique [185,249]. Dans l'état actuel de nos connaissances, on peut suggérer les repères suivants: Baisse de 5-15% : normal lors de clampage carotidien ; Baisse de < 20% : faible probabilité de souffrance neurologique ; Baisse de > 20% : seuil d’alerte ; ScO2 = 40% : limite de récupération neurologique certaine ; ScO2 ≤ 30% : seuil de probabilité de déficits neurologiques postopératoires. En cours d’intervention, on cherche donc à maintenir la ScO2 entre 65% et 75%, et à éviter une chute de plus de 20%. Lorsqu’elle baisse en dessous de ces limites, il faut prendre des mesures immédiates pour améliorer la perfusion cérébrale : augmenter la pression artérielle et/ou le débit de CEC, reprendre la perfusion en cas d’arrêt circulatoire, éviter l’hypocapnie, diminuer la température cérébrale (hypothermie < 32°C), augmenter l’hématocrite, repositionner les canules, le cœur ou la tête. La vitesse de modification de la ScO2 a autant de valeur que le chiffre atteint ; plus la chute est rapide, plus la situation est grave et demande une correction accélérée de la pression artérielle. Le maintien rigoureux de la perfusion cérébrale en suivant l’évolution de la ScO2 tend à diminuer l’incidence d’AVC, de troubles neuro-cognitifs et d’insuffisance multi-organique postopératoires dans plusieurs études ; de plus, la durée d’hospitalisation semble liée à l’importance de la désaturation cérébrale peropératoire (OR 2.71) [188a]. Toutefois, les données actuelles sont insuffisantes pour établir que le suivi de la ScO2 et sa correction immédiate par des manœuvres hémodynamiques ou ventilatoires puisse améliorer le pronostic des malades et diminuer le risque d’AVC. En chirurgie cardiaque, le niveau d’évidence est bas [316]. Vu ce manque d’évidence et vu le coût du matériel (CHF 150-200.par patient), on ne peut pas recommander formellement l’oxymétrie cérébrale comme routine standard dans tous les cas de chirurgie cardiaque [271a]. Le principe de l’oxymétrie cérébrale est applicable à d’autres régions du corps, telles les masses musculaires. Elle peut ainsi détecter plus précocement des signes d’hypoperfusion tissulaire en cas d’hypovolémie ou d’instabilité hémodynamique, car le cerveau est relativement protégé par son autorégulation et ne souffre que tardivement des modifications circulatoires. Monitorage neurologique : ScO2 Par spectroscopie infrarouge (NIRS), la ScO2 mesure la saturation cérébrale bilatérale en O2. La corrélation entre les modifications peropératoire de la ScO2 et le pronostic neurologique est faible, ce qui ne permet pas de recommander ce monitorage comme standard pour tous les cas. L’oxymétrie cérébrale est cependant indiquée dans une série de circonstances : - Chirurgie carotidienne - Chirurgie cardiaque à risque cérébral, chirurgie de l’aorte thoracique - Instabilité hémodynamique La présence d’une corrélation entre la ScO2 et la pression artérielle indique que le malade est endehors de sa zone d’autorégulation cérébrale. Index bispectral L'index bispectral (BIS™) analyse 4 variables d'un tracé EEG bipolaire (amplitude, fréquence, composition et cohérence de phase). Un algorithme (propriété du brevet et non explicité) les transforme en un nombre compris entre 0 et 100 qui décrit la puissance relative dans un espace à 4 phases des bandes de fréquences les plus élevées de l'EEG/EMG [213]; ce chiffre représente la Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 136 profondeur de l'anesthésie. Une valeur de 100 correspond à l'éveil, 0 au coma et 50 à une haute probabilité de sommeil. Le point critique entre amnésie et souvenir se trouve vers 65; l'échelle n'est toutefois par linéaire, le chiffre 40 ne signifiant pas un sommeil deux fois plus profond que 80 [250]. La zone de sommeil clinique probable correspond aux valeurs situées entre 40 et 60. Il existe d’autres appareils fondés sur un principe analogue : Entropy Module™, Narcotrend Monitor™. Le BIS™ est un moniteur global et non focal de l'activité cérébrale, qui convient mal à la situation où le risque est une embolie ou une ischémie localisée. Dans une étude portant sur 52 patients opérés de carotides en ALR, le BIS™ a affiché une valeur moyenne de 96 (± 2.9) [54]. Cinq patients ont présenté des épisodes d'ischémie cérébrale d'après leur status neurologique ; le BIS a affiché une valeur moyenne de 96.7 pendant ces épisodes. Cette absence de corrélation entre la valeur du BIS™ et l'état neurologique le rend donc inadapté à la surveillance du clampage carotidien. Il pourrait toutefois offrir un mode de surveillance des fonctions cérébrales pendant des états hémodynamiques instables, car il baisse dans les états de bas débit ou d’hypotension sévère [67]. Quelques rapports ont indiqué un effondrement du BIS™ (valeur 10-15) lors d'épisodes de souffrance cérébrale ou d'infarcissement [311]. Le BIS™ est une technique d’apparence séduisante pour se protéger des éveils sous anesthésie. Ceuxci surviennent dans 0.1-0.2% des anesthésies générales ; dans les situations à haut risque comme la chirurgie cardiaque, la curarisation ou la CEC, l’incidence augmente jusqu’à 1% [251]. La réponse dépend toutefois du type d'anesthésie. Sous anesthésie intraveineuse avec propofol (TIVA), la valeur du BIS prédit adéquatement la réponse au stimulus chirurgical, mais les opiacés ne montrent aucune relation dose-effet et les halogénés une corrélation modeste [65a,252]. Cependant, le chiffre construit par le BIS™ n’est que le marqueur d’un mode d’interprétation de l’EEG. Bien qu’il soit très répandu, l’efficacité du BIS™ et sa pertinence physiologique ont souvent été mis en doute. Les recommandations de l’ASA spécifient que l’évidence clinique est insuffisante pour recommander l’utilisation de routine de ce type de moniteur dont l’efficacité est incertaine en chirurgie cardiaque [2,108b]. Deux grandes études randomisées, portant l’une sur 2'000 cas dont 540 de chirurgie cardiaque [6] et l’autre sur 6'041 patients dont 2'041 de chirurgie cardiaque [5], démontrent que les protocoles basés sur le BIS ne sont pas supérieurs à ceux basés sur la concentration expiratoire d’halogéné pour prévenir l’éveil peropératoire. Comparant le taux d’éveil et de mémorisation sous anesthésie générale entre un groupe monitoré avec le BIS™ et l’autre avec la concentration expirée de l’halogéné, ces études ne trouvent aucune différence entre ces groupes, ni dans le nombre d’éveils (2 cas dans chaque groupe dans la première, 19 cas dans le groupe BIS et 8 dans le groupe contrôle dans la deuxième) ni dans la MAC d’halogéné (0.81 vs 0.82) nécessaire à maintenir le sommeil. D’autre part, la valeur du BIS™ était largement > 60 dans les 16 cas de mémorisation d’évènements peropératoires [5,6]. L’intérêt du BIS™ est d’éviter l’utilisation excessive d’halogénés ou de propofol pour maîtriser une poussée hypertensive qui n’est pas liée à un réveil. Si la profondeur de l’anesthésie est adéquate, il est préférable d’avoir recours à un agent hypotenseur [70a]. Cependant, aucune des grandes études n’a démontré qu’une valeur de BIS™ maintenue entre 40 et 60 conduise à des économies d’agents, ni à une amélioration du réveil, ni à une diminution des nausées et vomissements [65a]. Le maintien de la concentration d’halogéné entre 0.7 et 1.3 MAC est tout aussi performant. La valeur affichée par le BIS doit être corroborée par les autres signes cliniques de la profondeur de l’anesthésie. Régler les agents assurant le sommeil pour maintenir le seul chiffre d’un moniteur en dessous d’un certain seuil peut conduire à une profondeur excessive du point de vue ventilatoire ou hémodynamique, et devenir de ce fait contre-productif. Il n’y a aucune évidence pour l’utilisation du BIS™ comme système de neurosurveillance. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 137 Monitorage neurologique : BIS™ Le BIS™ n’offre pas de garantie sur la profondeur de l’anesthésie; son efficacité est incertaine en chirurgie cardiaque. Il n’est pas un système de neuro-surveillance. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 138 Surveillance de la coagulation Le développement de tests de coagulation faisables en salle d’opération (POC tests : point-of-care tests) permet maintenant aux anesthésistes de mieux gérer l’administration d’anticoagulants et de dérivés plasmatiques. D'un point de vue pratique, on peut grouper ces tests en 3 catégories. Test de la cascade coagulatoire in vitro (ACT); Tests de résistance viscoélastique du caillot (TEG™, ROTEM™, Sonoclot™); Tests d'agrégabilité plaquettaire (Multiplate™, VerifyNow™, PFA-100™, etc). L’implémentation de ces tests dans la routine de chirurgie cardiaque a pour objectif d'individualiser la prise en charge et de gérer l'hémostase de manière dirigée au lieu de perfuser divers composants de manière indiscriminée. On a déjà démontré qu’elle permet de diminuer le taux d’hémorragie postopératoire, la consommation de produits sanguins et la morbidité par rapport à la prise en charge conventionnelle [308a]. Mais elle implique une formation adéquate du personnel d’anesthésie et un contrôle de qualité permanent. Pour plus de détails, on se référera au Chapitre 8 Tests peropératoires. ACT Le test le plus utilisé en chirurgie cardiaque est l’ACT (Activated clotting time). L’appareil mesure le temps nécessaire à transformer le sang liquide en un gel coagulé. L’ACT est essentiellement utilisé pour quantifier l’effet de l’héparine ; bien qu’il soit très sensible, il est peu spécifique. Les résultats sont prolongés en cas de déficience en facteurs de la voie intrinsèque (facteur XII, prékallikréine) ou en fibrinogène. La valeur de l’ACT normal est situé entre 80 et 120 secondes. Une valeur minimale > 450 secondes, correspondant à une héparinémie de > 2 U/mL, est généralement acceptée comme référence pour les circuits standards, et une valeur de > 250 secondes pour les circuits pré-héparinés. Si l'ACT est < 400 secondes (ou < 250 secondes), il est recommandé de ne pas commencer la CEC sans ajouter une dose supplémentaire d'héparine (5'000 – 10'000 UI) ; on procède à un nouveau contrôle après 3 minutes. Il se peut que l’ACT ne s’allonge pas suffisamment malgré une dose adéquate d’héparine; il s’agit probablement d’une résistance à l’héparine liée à un défaut en anti-thrombine III (voir Chapitre 8 Coagulopathie peropératoire). Thromboélastographie La thromboélastographie est une manière élégante et rapide d’évaluer le développement et la résistance physique du thrombus formé au cours du processus coagulatoire, et sa dissolution au cours de la fibrinolyse. L’échantillon de sang complet est placé dans une petite cuve chauffée à 37°C ; le développement de la fibrine se traduit par un couplage progressif des mouvements rotatoires entre la cuvette et une tige qui y est plongée (voir Figure 8.15). Le signal électrique est affiché sous forme d’une trace dont la déflection est proportionnelle à la solidité du caillot (Figure 6.80). Cette trace permet de mesurer une série de paramètres correspondant aux propriétés visco-élastiques du thrombus sous une force de cisaillement correspondant à celle qui règne dans la circulation veineuse [282a]. TC (temps de coagulation) : temps écoulé entre le début de la mesure et le début de la formation du caillot. Valeur normale : 15-23 minutes (sang natif), 2-4 minutes (activation par kaolin) ; la valeur normale varie selon le type de test. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 139 TFC (temps de formation du caillot) : temps écoulé entre le début de la formation du caillot et une amplitude de courbe de 20 mm. Valeur normale : 5-10 minutes (sang natif), 1-3 minutes (activation par kaolin) ; la valeur normale varie selon le type de test. Angle alpha (pente du TFC) : vitesse de formation de la fibrine. Valeur normale : 22-38° (sang natif), 53-67° (activation par kaolin). A10: amplitude 10 minutes après le temps de coagulation (TC); valeur normale : 43-68 mm. FMC (fermeté maximale du caillot, exprimée en mm) : amplitude maximale du tracé, en général à la 15ème minute ; il définit les propriétés visco-élastiques finales du caillot. Valeur normale : 47-58 mm (sang natif), 59-68 mm (activation par kaolin). IL (index de lyse, ou lyse maximale) : pourcentage de la fermeté du caillot (FMC) à 30 ou 60 minutes. Valeur normale : < 18% à 60 minutes. A A10 α 20 mm TC FMC TFC IL 60 min Thrombose Figure 6.80 : Thromboélastogramme. A: représentation schématique d’un thromboélastogramme normal. TC: temps de coagulation. TFC: temps de formation du caillot (temps écoulé entre le début de la formation du caillot et une amplitude de courbe de 20 mm). A10: amplitude 10 minutes après le TC. FMC: fermeté maximale du caillot. IL: index de fibrinolyse. α: angle représentant la pente du TFC, mesurée entre le point de démarrage du caillot et une amplitude de 20 mm. B: Illustration de thromboélastogrammes correspondant à différentes pathologies (d’après référence 282a). Fibrinolyse B Normal Anticoagulants Antiplaquettaires Fibrinolyse Hyperrcoagulabilité Il existe deux modèles de thromboélastographie en version utilisable au lit du malade (POC-test): le thromboélastogramme (TEG™) et le thromboélastomètre rotatoire (ROTEM™). Ce dernier est le plus utilisé. L’échantillon consiste en sang citraté et recalcifié ; il est réparti en aliquots additionnés de différents activateurs (figurant entre parenthèses dans la liste ci-dessous) permettant plusieurs analyses en parallèle. Outre le temps de coagulation et la cinétique du caillot, le ROTEM™ offre ainsi plusieurs autres données (Figure 6.81). INTEM (+ acide ellagique + phospholipide + calcium): information sur la voie intrinsèque ; le TC de l’INTEM est équivalent à l’aPTT. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 140 EXTEM (+ facteur tissulaire + calcium): information sur la voie extrinsèque, équivalente au TP. HEPTEM (acide ellagique + héparinase): neutralisation de l’héparine par de l’héparinase ; permet de diagnostiquer des anomalies alors que le patient est sous héparine (CEC). APTEM (facteur tissulaire, calcium, + aprotinine): neutralisation de la fibrinolyse par de l’aprotinine ; met en évidence une hyperfibrinolyse en comparaison avec l’EXTEM. FIBTEM (élimination de la participation plaquettaire au caillot par la cytochalasine D): évaluation de la fonctionalité du fibrinogène, puisque la formation du thrombus ne dépend plus que de ce dernier. ECATEM (+ écarine): information équivalente à l’Ecarin clotting time pour l’évaluation des inhibiteurs directs de la thrombine (bivalirudine, desirudine, dabigatran). Figure 6.81 : Exemples de tracés thromboélastographiqu es ROTEM™. A: tracé normal. B: tracé de thrombocytopénie. C: tracé de fibrinolyse excessive. D: tracé sous héparinisation complète (CEC). MCF: fermeté maximale du caillot. CT : temps de coagulation. ML : lyse maximale (pourcentage de MCF à 60 minutes) (d’après Tanaka KA, Bolliger D, Vadiamudi R, et al. Rotational thromboelastometry (ROTEM)-based coagulation management in cardiac surgery and major trauma. J Cardiothorac Vasc Anesth 2012 ; 26 :1083-93). A B C D L’EXTEM, l’INTEM et l’APTEM sont directement asociés aux taux de fibrinogène et de plaquettes. L'HEPTEM associé à l'INTEM autorise un diagnostic des anomalies de facteurs de la coagulation alors que le patient est sous héparine en CEC; on peut ainsi prévoir quels seront les éléments à corriger après la sortie de pompe. Le TC de l'INTEM (> 240 sec) et de l'EXTEM (> 100 sec) sont utiles pour déterminer les besoins en PCC (Prothrombin complex concentrate), qui contient les facteurs II, VII, IX, X protéines C et S. Toutefois, un excès d'héparine ou de protamine peut également prolonger Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 141 l'INTEM-TC. Une valeur de FIBTEM A10 < 5 mm est un bon indicateur d'hypofibrinogénémie (< 1 g/L) ; si la FMC de l’EXTEM ne s’améliore pas après perfusion de fibrinogène, l’indication est posée à une transfusion de plaquettes. La comparaison entre EXTEM et FIBTEM permet le diagnostic différentiel entre thrombocytopénie et hypofibrinogénémie, ce qui offre la possibilité de n'administrer que l'élément en défaut. Toutefois, la fonction plaquettaire n'est pas correctement investiguée par la thromboélastographie, sauf dans une version spécifique de cette dernière (TEG-PlateletMapping™). Les premiers résultats de ces tests tombent en 5 à 10 minutes, mais il faut attendre jusqu’à 60 minutes pour un examen complet (selon la durée de la fibrinolyse). Comme ces tests ont une haute valeur prédictive négative, leur normalité en présence d’hémorragie est une indication formelle à une reprise chirurgicale [131]. Agrégabilité plaquettaire Le thromboélastogramme ne dit malheureusement pas grand’chose sur la fonction plaquettaire. Il est donc judicieux de lui adjoindre un test d’agrégabilité plaquettaire, mais celle-ci est un phénomène complexe et multifactoriel, dont il est malaisé de juger la fonctionalité avec un examen standard, rapide et univoque. Plusieurs examens sont disponibles mais ils évaluent des mécanismes différents du fonctionnement des plaquettes ; leur degré de cohérence est modeste. De ce fait, il n’existe pas de consensus clair sur la meilleure méthode à utiliser ni sur la valeur à considérer comme le seuil au-delà duquel le risque hémorragique devient très élevé. Deux appareils sont fréquemment utilisés en peropératoire (voir Annexe B, Tests d’activité plaquettaire). Multiplate Electrode Aggregometry (MEA™). Il est fondé sur l’augmentation de l’impédance électrique entre des électrodes plongées dans le plasma lorsque celles-ci se recouvrent d’amas plaquettaires. Il mesure l’agrégation entre thrombocytes par les récepteurs GP-IIb/IIIa, point de convergence de la stimulation de tous les autres récepteurs plaquettaires. Il évalue l’agrégation liée à différents agents selon l’agoniste utilisé: aspirine (acide arachidonique), bloqueurs du récepteur ADP (ADP). VerifyNow™. Cet examen mesure la baisse de densité optique lorsque les plaquettes forment des agrégats, facilités par la présence de microbilles recouvertes de fibrinogène. Il évalue l’agrégation entre thrombocytes par les récepteurs GP-IIb/IIIa. Selon l’agoniste utilisé, il mesure l’agrégation liée à différentes substances : acide arachidonique (aspirine) ou ADP (clopidogrel, prasugrel, ticagrelor). Il n’est fiable que dans les limites normales du taux plaquettaire et de l’hématocrite. Il est relativement peu sensible aux très hauts et très bas degrés d’inhibition plaquettaire. Ces tests d’agrégabilité plaquettaire effectués avant l’héparinisation permettent de prévoir quels sont les patients qui réclameront le plus de transfusions érythrocytaires et plaquettaires : une inhibition de > 60% identifie 72-91% des patients polytransfusés. Ils ont une meilleure valeur prédictive que le délai entre l’opération et la dernière prise de clopidogrel . Lorsque leurs plaquettes sont inhibées à > 70%, les patients ont 11 fois plus de risque d’être transfusés, quelle que soit la durée d’interruption [213a]. Prise en charge ciblée La mise au point de tests de coagulation spécifiques faciles à réaliser en salle d’opération a permis de définir des stratégies logiques dirigées sur des cibles précises (goal-directed), qui évitent de donner à l’aveugle une quantité de produits sans rapport avec les besoins réels. Un algorithme basé sur l'utilisation du thromboélastogramme et d’un test d’agrégabilité plaquettaire permet de déterminer l’origine du saignement et de stratifier l'administration des différents facteurs hémostatiques en fonction des lacunes décelées (exemple basé sur le ROTEM™ à la Figure 6.82) [308a]. Cet algorithme est variable selon les institutions, mais est en général constitué de plusieurs étapes identiques (voir Hémothérapie peropératoire). Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 142 Traiter en premier lieu les éléments suivants (objectif): 2+ Hypothermie (T ≥ 36°C), hypocalcémie (Ca > 1 mmol/L), acidose (pH > 7.3), érythrocytes (Hb ≥ 80 gm/L) HEPTEM TCIN > 240 s TCHEP normal TCHEP/TCIN < 0.66 Protamine 25-50 mg INTEM TCIN > 240 s TCHEP > 240 s EXTEM TCEX > 79 s PCC 30 U/kg PFC 15 mL/kg APTEM MLAP < 15% A tranexamique 15 mg/kg MCFFIB < 9 mm Fibrinogène 20-50 mg/kg MCFFIB > 9 mm Thrombocytes 2 – 5 unités FIBTEM Test fonct plaquettes Multiplate™, VerifyNow™, etc Desmopressine 0.3 mcg/kg © ALG - CHUV 2013 Figure 6.82 : Exemple d’algorithme pour l’administration des agents hémostatiques basé sur l’utilisation du ROTEM™ en fin de CEC, complété par un test de fonction plaquettaire (CHUV, Lausanne) [Gronchi F, Ranucci M. Perioperative coagulation in cardiovascular surgery. In : Marcucci C, Schoettker P, editors. Perioperative hemostasis. Coagulation for anesthesiologists. Heidelberg : Springer Verlag, 2014, 243-66]. Il est recommandé de procéder à un nouveau test après le renversement de l’héparine par la protamine. TC: temps de coagulation (sec). ML: lyse maximale du caillot à 60 minutes (%). MCF: fermeté maximale du caillot (mm). Correction des altérations physiologiques: maintien du pH > 7.3, de la température > 36°C, du [Ca2+]i > 1 mmol/L, et de l'Ht > 25%. Administration d'un antifibrinolytique: acide tranexamique ou acide e-amino-caproïque, (aprotinine) (voir Antifibrinolytiques). Renversement de l'héparine (pour ACT < 130 sec): protamine selon le dosage de l’héparinémie, ou à raison de 0.8 mg pour 1 mg. Maintien des facteurs de coagulation (selon thromboélastogramme): o Fibrinogène > 2.0 g/L (concentré de fibrinogène 25-50 mg/kg). o Facteurs II, VII, IX et X (concentré de complexe prothrombinique avec 3 ou 4 facteurs, 20-30 UI/kg ; FEIBA™ avec 4 facteurs partiellement activés, 50 UI/kg). o Facteur XIII (30 UI/kg) (voir Chapitre 8 Facteurs de coagulation). Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 143 Maintien des plaquettes (selon tests d’agrégométrie): concentrés plaquettaires pour taux > 70'000/mcL ; éventuellement desmopressine (DDAVP, 0.3 mcg/kg) (voir Chapitre 8 Normalisation des plaquettes). Mesure extrême (sauvetage): facteur rVIIa (90 mcg/kg), pour autant que soient normalisés l'Ht (> 25%), le fibrinogène (> 2.0 g/L), la calcémie (> 1 mmol/L) et les plaquettes (> 70'000/mcL). Justifié seulement en cas d’hémorragie persistante malgré l’utilisation de tous les moyens hémostatiques, inclus la chirurgie et la radiologie interventionnelle. Plusieurs études cliniques ont déjà démontré les bénéfices de cette attitude. L’adoption d’un algorithme précis permet d’économiser les transfusions sanguines (-25%) et surtout le plasma frais décongelé (PFC : 10-15 x moins) ; elle diminue de moitié le taux de ré-exploration chirurgicale pour hémostase et celui d’évènements thrombo-emboliques. Par contre, elle double l’utilisation de fibrinogène et de PCC (concentré de complexe prothrombinique). Une première étude contrôlée et randomisée (100 patients de chirurgie cardiaque) comparant un guidage par des tests conventionnels à un guidage par thromboélastographie (ROTEM™) et agrégométrie plaquettaire (Multiplate™) démontre clairement que le suivi ciblé diminue les transfusions (5 versus 3 poches), l’administration de PFC (5 versus 0 unités) et l’utilisation de facteur VIIa (12 versus 1 patients traités), mais aussi la morbidité (insuffisance rénale, sepsis, thrombose) et la mortalité (20% versus 4%, p = 0.013) [308a]. Une deuxième étude corrobore ces résultats : l’administration de produits sanguins selon un algorithme basé sur le ROTEM™ diminue significativement le taux de transfusions érythrocytaires (OR 0.50), de plaquettes (OR 0.22) et de PFC (OR 0.20) sans modifier les perfusions de fibrinogène [125a]. Les mesures de sauvetage comme les transfusions massives, la ré-exploration chirurgicale et le Facteur VIIa sont moins fréquentes, sans que le taux de complications soit modifié. Tests de coagulation peropératoires Tests réalisés en salle d’opération dans un délai de < 20 minutes qui permettent de stratifier l'administration des différents facteurs hémostatiques en fonction des déficits spécifiques décelés au lieu de perfuser divers agents de la coagulation de manière indiscriminée. ACT : temps de coagulation activé (normal 80 - 120 sec), utilisé pour le suivi de l’héparinisation. Valeur recherchée : - CEC conventionnelle > 450 sec - Circuit pré-hépariné 250-300 sec - Allongement insuffisant après une dose adéquate d’héparine : déficience en AT III Thromboélastographie (TEG™, ROTEM™) : mesure du développement et de la résistance physique du thrombus, puis de sa dissolution au cours de la fibrinolyse. - Temps de coagulation - Temps de formation du caillot - Vitesse de formation de la fibrine - Fermeté maximale du caillot - Lyse maximale du caillot Permet de différencier les besoins en protamine, facteurs de coagulation, fibrinogène, thrombocytes ou antifibrinolytique. Agrégabilité plaquettaire : évalue l’effet résiduel des antiplaquettaires (transfusion de plaquettes fraîches, desmopressine). L’utilisation de ces tests au sein d’un algorithme basé sur l’administration ciblée de procoagulants permet de diminuer le taux d’hémorragie postopératoire, la consommation de produits sanguins et la morbidité par rapport à la prise en charge conventionnelle. Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 144 Conclusions Les différents systèmes de surveillance hémodynamique ne sont pas en compétition entre eux mais offrent au contraire des fenêtres complémentaires pour observer les phénomènes circulatoires. Ils ont leurs indications propres car ils fournissent chacun des prestations spécifiques. On peut ainsi concevoir un monitorage intégré comprenant différents éléments choisis en fonction des risques encourus par le patient (Figure 6.83). L'ECG pour le diagnostic des arythmies et de l'ischémie myocardique (sous-endocardique et transmurale); La pression artérielle invasive pour la pression de perfusion et l'estimation de la postcharge; Le cathéter pulmonaire de Swan-Ganz pour l’hémodynamique pulmonaire (HTAP, insuffisance droite), pour la mesure de la SvO2 (adéquation du DC aux besoins métaboliques), pour le débit cardiaque en cas de RAS anormales (vasoplégie, vasoconstriction intense), et pour la précharge (PVC, PAPO) en cas d'hypervolémie ; Le PiCCO™ pour la précharge (thermodilution transpulmonaire, mesures itératives) et le VS (mesure automatique et continue); L'ETO pour la fonction ventriculaire, pour la précharge en cas d'hypovolémie, pour l'ischémie en cas de lésion segmentaire, pour le diagnostic étiologique d'une hypotension réfractaire et pour le suivi cardiologique peropératoire; En chirurgie cardiaque, l'ETO pour de multiples indications spécifiques (corrections anatomiques ou valvulaires, endochirurgie, guidage de canulations, etc); En ventilation mécanique, les indices dynamiques (variations de la PA, de PP, du VS, des oscillations septales interauriculaires) comme marqueurs d'une hypovolémie susceptible de répondre au remplissage. Des méthodes moins invasives (FlowTrak/Vigileo™) ou non-invasives (ClearSight™) pour la surveillance en chirurgie non-cardiaque ou pour le suivi postopératoire. Figure 6.83: Illustration schématique des spécificités et de la complémentarité des principaux systèmes de surveillance hémodynamique. Ces derniers ne sont nullement en concurrence les uns avec les autres mais offrent des axes de vision différents sur les principaux éléments qui gèrent l’équilibre circulatoire. ECG Cath art Arythmies Ischémie (sous-endocardique) Pression systémique Pression de perfusion Postcharge ETO Anatomie fonctionnelle Fonction ventriculaire Hypovolémie, hypoTA Ischémie (tronculaire) Chirurgie cardiaque Swan-Ganz PiCCO Précharge VS Pressions pulmonaires Volume de perfusion (VS) SvO2 Hypervolémie © Chassot 2012 Quelle que soit la technique utilisée, l'impact d'un monitorage tient à la précision des mesures, à la pertinence des questions qu'on lui pose ("Pas de question, pas de réponse") et aux conséquences Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 145 thérapeutiques qu'on en déduit. La qualité de l'interprétation des résultats est entièrement déterminée par les connaissances de l'anesthésiste et du réanimateur. Leur insuffisance est la source même du manque d'impact des différents systèmes de surveillance, car un moniteur ne vaut pas plus que les conclusions qu’on en tire. Quelques idées de base doivent présider au choix du mode de surveillance des malades en salle d’opération et aux soins intensifs [303a]. La chirurgie majeure, la chirurgie cardiaque et la phase initiale du déchocage nécessitent un monitorage agressif, qui peut être remplacé par des techniques moins invasives pendant la phase de stabilisation post-opératoire et post-réanimatoire. Il n’existe pas de chiffre magique à rechercher ; l’optimum hémodynamique dépend de chaque patient et de chaque situation (sepsis, polytraumatisme, ischémie myocardique, insuffisance ventriculaire, valvulopathie, etc). La tendance évolutive d’un paramètre est souvent plus instructive que sa valeur absolue, ce qui le rend très utile même si sa précision laisse à désirer. Les mesures continues, qui enregistrent les variations à court terme, sont préférables aux mesures ponctuelles isolées. Même si le moins invasif est préférable, un monitorage complexe est souvent celui qui a le meilleur rapport risque/bénéfice dans les situations difficiles. La connaissance des indications et des limites de chaque technique est primordiale pour opérer le bon choix. Des raffinements technologiques constants permettent d’étendre la surveillance peropératoire à des analyses de plus en plus sophistiquées, mais chaque nouveau moniteur amène son lot d’artéfacts, d’imprécisions, de faux-positifs et de faux-négatifs. Bien que cela conduise à davantage de nuance dans la gestion des patients et à plus de rigueur dans la compréhension des phénomènes, le risque de perdre de vue les priorités cliniques du moment est bien réel. Au milieu de l’enchevêtrement des câbles et de la multiplicité des chiffres, il n’est pas toujours aisé de prendre une certaine distance et de garder la capacité de synthèse pour juger de la meilleure action thérapeutique. Le rôle de l’anesthésiste est d’être plus intelligent que ses moniteurs, et de soigner un malade dans son contexte clinique plutôt que de réagir à un nombre isolé. Les chiffres et les courbes sont des dérivées par rapport aux évènements. Les données surveillées sur l’écran sont un langage, non la réalité. Le terme d’écran luimême traduit bien le fait que celui-ci s’interpose entre le réel et l’observateur. Or, on n’agit pas sur la pathologie en corrigeant ses marqueurs. Il est donc de la plus haute importance que l’anesthésiste reste constamment conscient de l’ensemble de la situation clinique. Auteur Pierre-Guy CHASSOT Ancien Privat-Docent, Faculté de Biologie et de Médecine, Université de Lausanne (UNIL), CH - 1005 Lausanne Ancien responsable de l’Anesthésie Cardiovasculaire, Service d’Anesthésiologie, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), CH - 1011 Lausanne Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 146 Bibliographie Lectures conseillées CANNESSON M. 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Circulation 2002; 105:1387-93 Auteur Pierre-Guy CHASSOT Ancien Privat-Docent, Faculté de Biologie et de Médecine, Université de Lausanne (UNIL), CH - 1005 Lausanne Ancien responsable de l’Anesthésie Cardiovasculaire, Service d’Anesthésiologie, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), CH - 1011 Lausanne Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 06 Monitorage 159