la lettre de change

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la lettre de change
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Retour à Instruments de paiement et de crédit, Lettre de change Voir aussi la bibliographie et le glossaire En tant que titre juridique la création d’une lettre de change doit respecter un formalisme exigent. Parce qu’elle donne naissance à des engagements cambiaire, la création d’une lettre de change est également soumise au respect de conditions de fond. Sommaire [montrercacher] 1 Les conditions de forme de la lettre de change
1.1 Les formes obligatoires
1.1.1 Enumération des formes obligatoires
1.1.1.1 1.La forme écrite
1.1.1.2 2. La dénomination «
lettre de change
» 1.1.1.3 3. L’ordre pur et simple de payer une somme déterminée
1.1.1.4 4. La mention de l’échéance
1.1.1.5 5. L’indication du lieu du paiement de la lettre
1.1.1.6 6. Le nom du tiré
1.1.1.7 7. Le nom du bénéficiaire
1.1.1.8 8. La signature du tireur
1.1.1.9 9. Date et lieu de la création de la lettre de change
1.1.2 Sanction du formalisme cambiaire
1.1.2.1 La nullité de la lettre de change irrégulière
1.1.2.2 Les suppléances légales
1.1.2.3 Les suppléances jurisprudentielles de la lettre de change
1.1.2.4 La régularisation de la lettre de change
1.1.2.5 La supposition
1.2 Les formes facultatives du titre
1.2.1 La prohibition de certaines mentions facultatives
1.2.2 Exemples de mentions licites
1.2.2.1 Mention de la valeur fournie ou de la provision
1.2.2.2 La clause «
non à ordre
» 1.2.2.3 La clause suivant avis
1.2.2.4 Les clauses relatives à l’acceptation du tiré
1.2.2.5 La clause de domiciliation
1.2.2.6 La clause de retour sans frais (ou sans protêt)
2 Les conditions de fond de la lettre de change
2.1 Les conditions de fond relatives au tireur
2.1.1 Le consentement du tireur
2.1.1.1 La fausse signature
2.1.1.2 L’altération de la lettre de change
2.1.1.3 La capacité du tireur
2.2 Les conditions de fonds relatives au rapport fondamental
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Les conditions de forme de la lettre de change
Certaines formes ont un caractère obligatoire, d’autres sont seulement facultatives. [modifier]
Les formes obligatoires
Pour circuler facilement, la lettre de change doit se suffire à elle­même : elles doit contenir absolument toutes les mentions requises afin que toute personne puisse déterminer facilement l’étendu des droits du porteur du titre. Art. L. 511­1 du Code de commerce : liste limitative des mentions. [modifier]
Enumération des formes obligatoires
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1.La forme écrite
L’écrit est une exigence implicite puisque le C. com. n’impose aucun forme matérielle : écrit manuscrit ou dactylographié, écrit sous seing privé ou écrit authentique. Loi 13 mars 2000 (loi portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information) n’a aucun incidence sur la forme de la lettre de change. Article 1316­3 du C. civ. : ce texte ne concerne que la preuve des actes juridiques et non leur forme de sorte qu’un texte de loi spécifique subordonne la validité d’un acte juridique à la rédaction d’un écrit papier. Article 1316­3 du Code civil (L. no 2000­230 du 13 mars 2000) : L'écrit sur support électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier. Ce formalisme devra s’appliquer. Du point de vue de l’existence d’un écrit sur support papier, la loi du 13 mars 2000 constitue une évolution importante. Avant elle l’exigence d’un écrit était toujours assimilée à celle d’un écrit papier. Exemple : certains remettaient en cause les titres informatisés (les lettres de change relevé magnétique ­ LCRM) utilisés depuis 1973 par les établissements bancaires afin d’éviter le coût de traitement des lettres de change. Certains auteurs considéraient même qu’en l’absence de transcription papier l’enregistrement magnétique ne pouvait être qualifié de lettre de change. Définition de l’écrit dans l’article 1316 du C. civ. : aucune référence matérielle. Article 1316 du Code civil : La preuve littérale, ou preuve par écrit, résulte d'une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d'une signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission. On pourrait donc concevoir des lettres de change émises sur Internet et circulant par ce biais. Les difficultés sont grandes et nécessitent des modifications du C. de com. (cf. « signatures manuscrites »). [modifier]
2. La dénomination « lettre de change »
Article L. 511­1 du Code de commerce : la mention doit être exprimée dans la langue employée pour la rédaction du titre. Le principe général qui sous­tend est que tout titre juridique doté d’un statut spécifique doit être expressément dénommé. La mention doit être exprimée au recto du texte. Et la mention « traite » ? La jurisprudence ne l’a pas invalidée. Sous l’empire du Code de 1807 la lettre de change devait également indiquer la valeur fournie par le bénéficiaire. Exigence supprimée en 1822. [modifier]
3. L’ordre pur et simple de payer une somme déterminée
Article L. 511­1 2° : la lettre de change doit contenir le « mandat pur et simple de payer » : ordre de payer qui peut être exprimé d’une façon quelconque si ces termes sont dépourvus d’ambiguïté. En pratique : « payez », « veuillez payer »… Le terme mandat ne doit pas être compris dans son sens contractuel (contrat par lequel une personne (le mandataire) accomplit un acte juridique au nom et pour le compte d’une autre personne (le mandant) qu’elle représente). Cet ordre de payer doit être pur et simple : il doit être inconditionnel. Une invitation à payer subordonnée par exemple à la réception des marchandises par le tiré acquéreur n’est pas acceptable parce que cette invitation rendrait aléatoire le paiement du titre à l’échéance. Toutefois l’interdiction de l’ordre de paiement conditionnel ne s’applique pas aux ordres de payer subordonnés à la remise d’un document (traites documentaires) ; peu utilisées dans le commerce interne, mais jouent un rôle important dans le commerce international. Ex : document douanier. Ce mandat de payer a nécessairement pour objet une somme d’argent déterminée. Elle interdit qu’une lettre de change ait pour objet une prestation non monétaire, même si une évaluation en monnaie figure sur le titre. La somme peut être indiquée en chiffre ou en lettre mais uniquement en euros. L’obligation de mentionner un montant déterminé interdit en principe la stipulation d’intérêts puisque rendrait indéterminé le montant de la somme. Cette interdiction figure à l’article L. 511­3 du C. de com. : « dans une lettre de change payable à vue ou à certain délai de vue, il peut être stipulé par le tireur que la somme sera productive d’intérêts. Dans toute autre lettre de change cette stipulation est réputée non­écrite ». Lorsque la clause d’intérêt est admise, le texte exige que le taux des intérêts soit précisé dans la lettre de change, faute de quoi la clause d’intérêts sera privée d’effet. [modifier]
4. La mention de l’échéance
Nécessaire pour que le porteur du titre sache précisément à quelle date il peut ou doit en demander le paiement. En vertu de l’article L. 511­22 du Code de commerce, la lettre de change peut être tirée à vue ou à un certain délai de vue, à un certain délai de date ou à date fixe. I. ­ Une lettre de change peut être tirée : 1º A vue ; 2º A un certain délai de vue ; 3º A un certain délai de date ; 4º A jour fixe. II. ­ Les lettres de change, soit à d'autres échéances, soit à échéances successives, sont nulles. Tout autre mode de fixation de l’échéance est prohibé, sauf dans les relations internationales. La date fixe est la forme la plus simple de l’échéance : la lettre de change doit être payée à un jour fixé par le tireur. Délai de date : dans ce cas, la lettre de change est payable à l’expiration d’un certain délai à compter du jour de sa création par le tireur. Ce délai, librement fixé, peut être par exemple un délai de 90 jours. Pour le calcul des délais l’article L. 511­81 applique le droit commun : on ne compte pas le jour qui sert de point de départ, ni les week­end et jours fériés. A vue : échéance choisie par le porteur du titre dans l’année de sa création : Article L. 511­23 du Code de commerce : « La lettre de change à vue est payable à sa présentation. Elle doit être présentée au paiement dans le délai d'un an à partir de sa date. Le tireur peut abréger ce délai ou en stipuler un plus long. Ces délais peuvent être abrégés par les endosseurs. Le tireur peut prescrire qu'une lettre de change payable à vue ne doit pas être présentée au paiement avant un terme indiqué. Dans ce cas, le délai de présentation part de ce terme. » Le Code de commerce prévoit que ce délai d’un an peut être abrégé ou allongé par le tireur. Les endosseurs ont seulement la faculté d’abréger le délai. A un certain délai de vue : à l’expiration d’un certain délai à compter de l’acceptation de la traite par le tiré ou à compter du protêt (acte d’huissier qui constate le refus par le tiré d’accepter ou de payer la lettre de change) faute d’acceptation. [modifier]
5. L’indication du lieu du paiement de la lettre
Les dettes étant en principe quérables, la connaissance du lieu de paiement est indispensable au porteur qui est tenu d’aller réclamer le paiement au tiré après échéance. Ce lieu doit être indiqué dans la lettre de façon précise. [modifier]
6. Le nom du tiré
C’est au tiré que le porteur devra présenter la lettre de change à échéance pour en obtenir le paiement. Il suffit que la mention permettre d’identifier le tiré avec certitude. Ceci explique le jurisprudence considère que les simples initiales du tiré de même que sa simple signature ne sont pas conformes aux exigences légales. Il n’est pas interdit au tireur de désigner plusieurs tirés ou même de se désigner lui même comme tiré. [modifier]
7. Le nom du bénéficiaire
Article L. 511­1 6° du Code de commerce : « nom de celui auquel ou à l’ordre duquel le paiement doit être fait ». Cette exigence exclue l’émission d’une lettre de change au porteur c'est­à­dire à l’ordre de toute personne qui l’aurait en sa possession. Egalement exclut les lettres de change en blanc alors que le C. com. autorise qu’un endossement soit fait au porteur ou en blanc. L’interdiction n’a qu’une portée limitée puisque l'article L. 511­2 du Code de commerce permet au tireur de se désigner comme bénéficiaire, ce qui lui permet de créer une traite, de la mettre en circulation alors qu’il n’est pas en mesure de désigner le nom du véritable bénéficiaire. Article L. 511­2 du Code de commerce : "La lettre de change peut être à l'ordre du tireur lui­
même. Elle peut être tirée sur le tireur lui­même. Elle peut être tirée pour le compte d'un tiers. Elle peut être payable au domicile d'un tiers, soit dans la localité où le tiré a son domicile, soit dans une autre localité." L’article L. 511­8 prévoit que le bénéficiaire peut être le tiré. Enfin rien ne s’oppose à ce que plusieurs bénéficiaires soient désignés sur le titre pour recevoir le paiement, soit collectivement, soit individuellement. Article L. 511­8 du Code de commerce : Toute lettre de change, même non expressément tirée à ordre, est transmissible par la voie de l'endossement. Lorsque le tireur a inséré dans la lettre de change les mots « non à ordre » ou une expression équivalente, le titre n'est transmissible que dans la forme et avec les effets d'une cession ordinaire. L'endossement peut être fait même au profit du tiré, accepteur ou non, du tireur ou de tout autre obligé. Ces personnes peuvent endosser la lettre à nouveau. L'endossement doit être pur et simple. Toute condition à laquelle il est subordonné est réputée non écrite. L'endossement partiel est nul. L'endossement « au porteur » vaut comme endossement en blanc. L'endossement doit être inscrit sur la lettre de change ou sur une feuille qui y est attachée et dénommée allonge. Il doit être signé par l'endosseur. La signature de celui­ci est apposée, soit à la main, soit par tout procédé non manuscrit. L'endossement peut ne pas désigner le bénéficiaire ou consister en un endossement en blanc constitué par la simple signature de l'endosseur. Dans ce dernier cas, l'endossement, pour être valable, doit être inscrit au dos de la lettre de change ou sur l'allonge. [modifier]
8. La signature du tireur
Elle peut être manuscrite et non manuscrite. En tout cas, elle est obligatoire pour deux raisons essentielles. Le fait d’émettre la traite constitue pour le tireur une source d’obligations cambiaires (garantie du paiement de la lettre de change à l’égard des porteurs du titre). En outre, la traite est un titre négociable dont l’authentification ne peut résulter que de la signature de celui qui crée le titre et le met en circulation. C’est la question de sa forme qui a soulevé le plus de difficultés. Avant la loi du 13 mars 2000, il n’existait pas de définition légale de la signature. Dans un premier temps, la Cour de cassation a jugé que seule la signature manuscrite était une signature régulière. Le législateur est intervenu pour insérer de la souplesse dans ce mécanisme. Une loi de 1966 autorise la signature non manuscrite (cachet, griffe, signature préenregistrée dans l’ordinateur). Ce procédé permet d’identifier l’auteur de la signature et d’exprimer son consentement. De ce fait, la jurisprudence exclut la simple indication d’un nom. Des difficultés surgissent lorsque le tireur conteste avoir signé la lettre de change qui pourtant porte la marque d’un procédé non manuscrit. S’il ne l’a pas apposée lui­même, il ne devrait pas en théorie subir la rigueur des engagements cambiaires, faute d’avoir exprimé la volonté de s’engager. Le tireur se trouve valablement engagé du fait de la présence de la griffe ou du cachet, dès lors qu’il n’est pas en mesure de prouver l’existence d’une fraude. Après la loi du 13 mars 2000 a été introduit l’article 1316­4 du Code civil. Ce texte donne pour la première fois une définition de la signature, fonctionnelle, selon laquelle la signature répond à deux fonctions. La première permet l’identification de son auteur et la seconde permet d’exprimer son consentement à l’acte juridique. L’alinéa 2 de ce texte pose une présomption de validité des signatures. Cette présomption ne concerne les signatures électroniques que dès lors qu’elles sont sécurisées. Trois conditions sont exigées pour que la signature électronique soit présumée valable (cumulatives). (1) Elle doit être propre à son signataire, (2) elle doit être créée par des moyens techniques que le signataire conserve sous son contrôle exclusif. (3) Enfin, la signature doit garantir avec l’acte auquel elle s’attache un lien tel que toute modification ultérieure puisse être détectée, du moins soit détectable. Ces trois critères de fiabilité ont vocation à dépasser le seul cadre de la signature électronique. Ils pourraient être utilisés par un juge saisi d’un litige par le tireur d’une lettre de change afin d’apprécier si la signature du tireur apparent est valable et donc source d’obligations cambiaires. [modifier]
9. Date et lieu de la création de la lettre de change
Ces indications présentent plusieurs utilités. L’indication de la date de création de la lettre de change va permettre de déterminer la date d’exigibilité du paiement pour deux types de lettres de change : les lettres tirées à vue (payables dans l’année de leur création) et les lettres de changes tirées à un certain délai de vue (à compter de la date de création). La date de création de la lettre de change fait foi non seulement entre les parties mais également à l’égard des tiers (l’article 1328 du Code civil n’est pas applicable aux actes de commerce). Dans les lettres de change internationales, l’indication du lieu de création va permettre de déterminer la loi applicable aux conditions de forme de la lettre de change. En effet, la convention de Genève décide que la forme des engagements cambiaires est régie par la loi du pays dans lequel cet engagement a été souscrit. [modifier]
Sanction du formalisme cambiaire
En principe, la lettre de change irrégulière est frappée de nullité. Néanmoins, le formalisme cambiaire présente une certaine souplesse puisque le législateur et le juge permettent de sauver des lettres de change qui ne répondraient pas intégralement aux prescriptions légales. [modifier]
La nullité de la lettre de change irrégulière
Une lettre de change qui ne comporterait pas l’intégralité des mentions énumérées par l’article L. 511­1 est frappée de nullité de plein droit (le juge n’a pas en théorie de pouvoir d’appréciation. Il est contraint de prononcer l’annulation du titre dès lors que l’une des mentions fait défaut). Il s’agit d’une nullité automatique. Il s’agit également d’une nullité d’ordre public parce qu’elle est destinée à assurer la protection des porteurs de la traite. Elle a pour vocation de garantir le crédit aux entreprises. Toute personne justifiant d’un intérêt à agir peut soulever cette nullité devant le juge (qui peut la soulever d’office). Le texte énonce que le titre dans lequel une des mentions obligatoires fait défaut « ne vaut pas comme lettre de change ». Le législateur ne parle pas expressément de nullité. Le titre incomplet, irrégulier est nul en tant que lettre de change mais peut toutefois emporter certains effets juridiques en vertu d’une autre qualification. Selon les cas, le titre irrégulier pourra être analysé soit comme un commencement de preuve par écrit, au sens de l’article 1347 du Code civil , (celui de l’engagement de payer de la part du tireur). La lettre de change irrégulière peut aussi être requalifiée en reconnaissance de dette émanant du tireur. Le titre irrégulier peut enfin être requalifié en un billet à ordre. La lettre de change en blanc est nulle en tant que lettre de change. En dépit de l’irrégularité de la lettre de change, le législateur écarte dans certains cas la nullité et fait ainsi produire à la lettre de change irrégulière les effets d’une véritable lettre de change. Il s’agit des suppléances légales. [modifier]
Les suppléances légales
Ce sont des exceptions légales à l’annulation de la lettre de change. C’est la validation a posteriori de la lettre de change irrégulière en sa forme. Sa particularité réside en ce qu’elle intervient indépendamment de l’initiative des parties. Les cas de suppléance légale sont limitativement envisagés par le législateur. Ils sont au nombre de trois. 1. La lettre de chance dont l’échéance n’est pas indiquée est considérée comme étant payable à vue, c’est­à­dire sur simple présentation par le porteur dans l’année d‘émission du titre. L’omission de la date du paiement ne prive pas de valeur la lettre de change laquelle pourra poursuivre ses effets. 2. A défaut d’indication spéciale sur le titre, le lieu qui figure à côté du nom du tiré est réputé être le lieu de paiement du titre. 3. La lettre de change qui n’indiquerait pas le lieu de sa création sera considérée comme souscrite au lieu désigné à côté du nom du tireur. Il n’existe pas d’autre cas de suppléance légale. Cependant, la jurisprudence, pour faire produire au titre les effets d’une lettre de change, s’est arrogée le pouvoir de valider a posteriori des lettres de change irrégulières. Il s’agit de suppléances jurisprudentielles (ou de formalisme par équivalent). [modifier]
Les suppléances jurisprudentielles de la lettre de change
La jurisprudence se contente parfois d’un formalisme par équivalent lorsqu’elle consent à passer outre l’omission d’une mention obligatoire grâce à la présence d’une mention facultative qui est jugée comme équivalente. Le contentieux est relativement rare. L’absence de nom du bénéficiaire peut être suppléé par la mention du nom du premier endosseur de la lettre de change. Il a été jugé que la signature d’acceptation du tiré pouvait remplacer l’indication de son nom. Ces solutions demeurent isolées et sont contestées par une partie de la doctrine commercialiste qui considère que le formalisme cambiaire résultant de l’article L. 511­1 doit rester rigoureux sous peine de porter atteinte à la sécurité du crédit. Il en va différemment de la régularisation de la lettre de change qui procède de la volonté des signataires du titre et qui soulève en théorie moins de difficultés. [modifier]
La régularisation de la lettre de change
Comme les cas de suppléance, la régularisation apparaît comme un procédé de validation a posteriori d’une lettre de change irrégulière au regard des exigences de l’article L. 511­1. Néanmoins, la régularisation contrairement à la suppléance relève de la seule initiative des parties et non du législateur ou du juge. Par exemple, une lettre de change sur laquelle ne figurerait par le nom du bénéficiaire peut être régularisée par le banquier à qui le titre est remis lequel va compléter le titre en inscrivant son nom à la place du nom du bénéficiaire qui n’y figurerait pas. Contrairement au droit commun où le respect des conditions de validité d’un acte juridique s’apprécient au jour de formation de cet acte, la jurisprudence commerciale admet que la régularité d’une lettre de change au regard de L. 511­1 ne s’apprécie pas au jour de l’émission du titre mais au jour de l’échéance, au jour où la lettre de change est présentée par le porteur au paiement. C’est donc la présentation au paiement qui marque la limite temporelle de la possibilité de régularisation. Passé ce moment, la lettre de change sera irrévocablement frappée de nullité. La principale difficulté relative à cette régularisation est la question de savoir quelles sont les mentions susceptibles d’être régularisées. Une distinction doit être faite entre les mentions qui ont un caractère substantiel et les mentions qui ne sont pas essentielles pour déterminer l’obligation cambiaire du débiteur. Seules sont régularisables les mentions qui ne sont pas essentielles à la détermination de l’engagement cambiaire du débiteur. En général, c’est la mention du nom du bénéficiaire qui est jugée comme régularisable puisqu’elle n’est pas essentielle pour la détermination de l’obligation cambiaire du débiteur. Cette solution qui admet la régularisation est opportune dans la mesure où le tireur ignore souvent l’identité du banquier escompteur de la lettre de change (devenu le porteur du titre). La régularisation interviendra à l’initiative du bénéficiaire lui­même, qui va remplir le blanc, mais aussi à l’initiative du tireur une fois l’identité du bénéficiaire connue. Il a même été admis par la jurisprudence que la régularisation du nom du bénéficiaire pouvait être le fait du tireur pour compte dès lors que celui­ci est intervenu en cette qualité dès la création du titre (l’émission de la lettre de change). Le tireur a la faculté de régulariser la mention du nom du bénéficiaire. Le tirage pour compte … d’une lettre de change … et pour le compte d’un donneur d’ordre. Le tireur pour compte émet le titre et le signe : il est engagé cambiairement à l’égard des porteurs de la lettre de change qui n’ont pas d’action contre le donneur d’ordre. Cass. com., 11 juillet 1988 : la Cour de cassation a jugé inopérante la régularisation de la lettre de change par le tireur pour compte au motif que celui­ci était intervenu après l’émission de la lettre. A contrario la régularisation par le tireur pour compte est possible dès lors qu’intervient à la création du titre. Le nom du bénéficiaire est une mention susceptible de régularisation ; elle ne l’est pas dans tous les cas, notamment dans le cas où une même personne cumule les qualités de tireur et de bénéficiaire parce qu’il s’agit alors de l’omission de l’identité du tireur qui en tant que mention essentielle pour déterminer l’obligation cambiaire du tiré, n’est pas régularisable. En effet le nom du tireur comme le montant de la lettre de change ne sont pas des mentions régularisables. La jurisprudence fait preuve de sévérité quant aux mentions régularisables : la mention du lieu de création ainsi que la date de création sont des mentions substantielles donc non régularisables. Effets de la régularisations à l’égard des tiers : la jurisprudence présume depuis Cass. com., 10 juillet 1939, que le tiers a ignoré la régularisation du titre. « Celui qui reçoit un effet de commerce pourvu lors de l’endossement à son profit de toutes les mentions exigées, est censé ne pas connaître les lacunes que ce titre pouvait présenter lors de sa création par le tireur ou lors de son acceptation par le tiré. Conséquence : le tiers à la régularisation va disposer d’une action cambiaire fondée sur la lettre de change telle qu’elle lui a été transmise, sauf preuve que le porteur a participé à la régularisation du titre. [modifier]
La supposition
La supposition concerne une mention de la lettre de change qui se révèle inexacte ou mensongère. Par exemple : le lieu de création du titre ; l’inexactitude permettra d’écarter la loi applicable (cf. lettres de change internationales). Egalement date de création de la lettre de change (exemple : pour faire échec à un régime d’incapacité). Alors que l’omission affecte directement la forme du titre, la supposition met en cause les effets juridiques que le titre a vocation à produire. La sanction est différente. Concernant les sanctions civiles, parce que la supposition est destinée à dissimuler la violation d’une condition de fond de la lettre de change, c’est une cause de nullité facultative pour le juge. Les effets de cette nullité sont limités parce qu’elle n’est pas opposable au tiers porteur de bonne foi (art. L. 511­12 du C. com.). [modifier]
Les formes facultatives du titre
Sous réserve de ne pas déroger à l’ordre public (article 6 du C. civ.), le tireur d’une lettre de change dispose d’une certaine liberté pour adapter le titre en y intégrant des mentions supplémentaires destinées à modifier le fonctionnement normal de la lettre de change. [modifier]
La prohibition de certaines mentions facultatives
La validité des mentions facultatives est subordonnées au respect de deux conditions : (1) Elle ne doit pas porter atteinte aux principes généraux du droit cambiaire. Exemple : est nulle la clause qui déroge au principe de l’inopposabilité des exceptions. (2) La mention ne doit pas être interdite par une disposition légale explicite. Ainsi sont interdites la stipulation d’intérêts, l’exclusion par le tireur de sa garantie de paiement, le paiement conditionnel, la stipulation d’échéances multiples. [modifier]
Exemples de mentions licites
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Mention de la valeur fournie ou de la provision
L’indépendance de l’obligation cambiaire n’est pas absolue puisque peut être affectée par une mention sur la lettre de change. Ainsi celle de la valeur fournie ou de la provision tendent à établir un lien entre les obligations cambiaires et le rapport fondamental. La valeur fournie dans le rapport fondamental (ou à fournir) est la prestation du bénéficiaire en contrepartie de l’émission de la lettre de change à son profit. Dans le Code de 1807, elle était obligatoire pour contrôler le rapport fondamental. Aujourd’hui elle permet d’attester auprès des banques du sérieux de la lettre de change. Elle présente un double avantage : (1) elle renseigne le porteur sur la licéité de la valeur fournie ; si elle est illicite (exemple : dette de jeu) il en résulte un vice apparent de la lettre de change qui interdira au porteur de se prévaloir de sa bonne foi pour bénéficier de la règle de l’inopposabilité des exceptions. (2) la mention de la valeur fournie assure aux porteurs successifs la transmission à titre accessoire des sûretés garantissant le paiement de cette valeur fournie. Mention de la provision (créance du tireur sur le tiré) : elle informe le porteur sur l’existence du rapport fondamental entre tireur et tiré, permettant au porteur du titre d’apprécier si la lettre est un effet de commerce sérieux ou un effet de pure complaisance (est frappé de nullité absolue). Le fait de mentionner une valeur fournie ou une provision inexistante ou inexacte peut être constitutif de l’infraction d’escroquerie. [modifier]
La clause « non à ordre »
La mention « à ordre » signifie que cet effet de commerce est négociable (donc transmissible) au profit de toute personne et par simple endossement. Parce que l’endossement constitue la modalité la plus habituelle d’un effet de commerce, l’existence de la mention « à ordre » est présumée sur la lettre de change par l’article L. 511­8 du C. com. : « toute lettre de change même non expressément tirée à ordre est transmissible par la voie de l’endossement ». La clause « non à ordre » permettra donc d’écarter l’article L. 511­8. Elle était interdite dans le Code de 1807. L’objectif de cette clause est de ne permettre la transmission de la lettre de change qu’à une personne dénommée et selon les formes civiles (article 1690 du Code civil : la cession de créance). L’insertion de cette mention modifie la nature juridique de la lettre de change : ce n’est plus un titre négociable ; elle devient un titre nominatif. [modifier]
La clause suivant avis
Par cette clause il est défendu au tiré d’accepter la lettre de change ou de la payer avant d’avoir reçu du tireur un avis l’autorisant à le faire. Elle présente une grande utilité si la création des lettres de change électroniques se développait en raison des incertitudes pesant sur la fiabilité des signatures électroniques. [modifier]
Les clauses relatives à l’acceptation du tiré
L’article L. 511­15 du Code de commerce envisage plusieurs clauses destinées à modifier les conditions ordinaires de l’acceptation. Une clause peut interdire la présentation de la lettre de change à l’acceptation ; le titre est alors qualifié de lettre de change non­acceptable ou pro forma. Il n’y aura donc pas de signature du tiré, ni d’engagement cambiaire de celui­ci. Une clause peut aussi interdire que la lettre de change soit présentée à l’acceptation du tiré avant un terme indiqué par la clause. [modifier]
La clause de domiciliation
Cette clause consiste à rendre l’effet payable non pas au domicile du tiré mais au domicile d’une autre personne. En général chez un banquier. Cette modalité, en pratique courante, est autorisée par l’article L. 511­2. Le domiciliataire, alors pourtant qu’il est désigné par la lettre de change, n’est pas partie à l’opération cambiaire ; il agit seulement comme mandataire du tiré (au nom et pour le compte du tiré). [modifier]
La clause de retour sans frais (ou sans protêt)
En principe le refus d’acceptation de lettre de change, de même que le refus de paiement par le tiré, doit être constaté dans un acte judiciaire : le protêt (acte d’huissier). La clause de retour sans frais évite le coût d’un tel acte en autorisant le constat du refus de paiement ou acceptation par tout moyen. Elle dispense le porteur du titre du recours à un huissier. [modifier]
Les conditions de fond de la lettre de change
En tant qu’acte juridique la lettre de change doit répondre à des conditions de fond concernant le tireur (§1er) et le rapport fondamental (§2). [modifier]
Les conditions de fond relatives au tireur
Le tireur est la personne qui crée la lettre de change et la met en circulation en la remettant au bénéficiaire. Cette émission engage de façon irrévocable sa responsabilité cambiaire de sorte que l’article L. 511­6 du C. com. prive d’efficacité la clause par laquelle le tireur s’exonérerait sa garantie de paiement de la lettre de change. Le texte répute la clause non­écrite (à citer). L’engagement cambiaire du tireur est rigoureux ; des conditions de fond sont donc exigées. [modifier]
Le consentement du tireur
Les règles de fond applicables au consentement du tireur ne peuvent pas être purement et simplement sur le droit commun des obligations. En effet, contrairement au contrat, la lettre de change est un titre qui a vocation à circuler de sorte que tous ceux qui la recevront doivent pouvoir se fier à son apparente régularité. C’est pourquoi des questions de falsifications de signature ou d’altération de la lettre de change reçoivent un traitement particulier en droit cambiaire. [modifier]
La fausse signature
La création d’une lettre de change ne peut être imputée au tireur s’il n’y a pas consenti. Ainsi une lettre de change non signée par le tireur n’aura que la valeur d’un simple projet de lettre de change alors même qu’elle serait intégralement écrite de la main du tireur. La lettre de change signée d’un faux nom sera frappée de nullité. La falsification de signature pose problème : en principe le tireur ne peut pas être obligé cambiairement par cette falsification parce qu’il n’a pas consenti à la création de la lettre. Cette règle connaît une exception : selon le droit commun de la responsabilité civile (articles 1382 et 1383) le tireur pourra engager sa responsabilité civile s’il a facilité la tâche du faussaire par son imprudence (exemple : en laissant le modèle de signature à la disposition de personnes en faisant un usage illicite). Une particularité du droit cambiaire est la règle de l’indépendance des signatures (article L. 511­5 du C. com. à citer). Le but est de protéger les porteurs du titre : l’inefficacité d’une signature n’a aucune incidence sur les autres signatures. [modifier]
L’altération de la lettre de change
La modification de la lettre de change est possible avec le consentement de toutes les parties. Que se passe­t­il si l’altération est effectuée sans le consentement du tireur ? On pourrait penser que le porteur d’une telle lettre de change ne pourrait invoquer l’altération qu’à la condition de prouver sa bonne foi (qu’il ignorait que la lettre de change avait été altérée). Ce n’est pas la solution de L. 511­
77 du C. com. : il énonce qu’en cas d’altération du texte de la lettre de change les signataires antérieurs sont tenus dans les termes du texte d’origine tandis que les signataires postérieurs à l’altération sont tenus dans les termes du texte altéré. [modifier]
La capacité du tireur
Parce que la lettre de change est un acte de commerce par sa forme, le tireur du titre doit avoir la capacité requise pour les actes de commerce. En droit commercial un mineur émancipé peut accomplir des actes de commerce isolé bien que ne pouvant être commerçant. Pourtant l’art. 511­5 du C. com. : les lettres de change souscrites par des mineurs sont nulles à leur égard. Il arrive en pratique des mineurs proches de la minorité se fassent passer pour des majeurs afin de pouvoir négocier les traites qu’ils souscrivent. La jurisprudence opère une distinction : d’abord elle considère que si le mineur a agi en pleine conscience de la fraude et avec l’intention de tromper les tiers, il se rend coupable de dol dont la sanction est l’engagement cambiaire en plus de la sanction civile fondée sur l’article 1382 du Code civil. Ensuite (et en revanche) le mineur a agi par légèreté ou imprudence, il sera en droit d’invoquer l’article L. 511­5 : la nullité de son engagement cambiaire. L’article L. 511­5 réserve cependant l’application au profit des parties de l’article 1312 du Code civil (restitution par l’incapable de ce dont il s’est enrichie c'est­à­dire des sommes qu’il n’a pas dilapidées). En vertu du principe de l’indépendance des signatures la nullité frappant l’engagement de l’incapable n’affecte pas la valeur des autres signatures cambiaires. L’incapacité d’un signataire constitue une exception qui sera opposable même au porteur de bonne foi (contrairement à ce que prévoit l’article L. 511­12 du C. com.). Une règle du Code de la consommation assimile à l’incapable le consommateur de crédit mobilier ou immobilier en déclarant nulles les lettres de change souscrites par l’emprunteur à l’occasion de ce crédit. [modifier]
Les conditions de fonds relatives au rapport fondamental
La création d’une lettre de change engendre des rapports cambiaires qui se juxtaposent à un réseau d’obligations préexistant entre les signataires du titre. Par la suite d’autres rapports analogues vont se retrouver à l’occasion de chaque endossement du titre, ils existent entre le cédant du titre (l’endosseur) et le cessionnaire (l’endossataire). Pour que la lettre de change puisse circuler librement et en toute sécurité il est indispensable que ces rapports fondamentaux n’aient aucune influence sur la création et la circulation du titre, ce qui implique une indépendance du rapport cambiaire au regard du rapport fondamental. Mais cette indépendance ne peut être que relative car il est inévitable que les obligations cambiaires soient liées à chacun des rapports bilatéraux entre les signataires du titre. 

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