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19-journal-08-09-2007:Mise en page 1 19/07/07 10:56 Page 244 Journal Je regardais de loin, parce que j’avais peur. sent la société israélienne. À l’écran, Tel-Aviv concentre bon nombre des maux dont souffre le pays : pauvreté, prostitution, inégalités, racisme, insécurité. Le regard des cinéastes sur la ville fait apparaître des mécanismes violents, qui régissent les rapports entre communautés, entre hommes et femmes, entre patrons et employés. En 1992, La vie selon Agfa d’Assi Dayan sonnait comme un avertissement. Les personnages déboussolés rencontrés dans un bar de Tel-Aviv suggéraient un effondrement de la société israélienne, que les cinéastes n’ont pas fini d’interroger. En retour, la ville met le cinéma israélien au défi de rendre justice à sa complexité et de construire des univers fictionnels forts. Occulter la douleur pendant quarante ans. Et puis tenter de l’apprivoiser… Claude-Marie Trémois SI TEL-AVIV NOUS ÉTAIT CONTÉE* Les méduses, de Etgar Keret et Shira Geffen Tel-Aviv est en train de (re)devenir une ville de cinéma : une ville où des films sont produits, tournés et à laquelle les films confèrent en retour une existence à l’écran. Après l’image qu’en donnèrent les cinéastes de la « Nouvelle Sensibilité » dans les années 1960-1970, on a surtout vu en France les splendeurs et les mystères de Jérusalem, sondés par Amos Gitaï (News from Home 2005, Une maison à Jérusalem 1998, Kadosh 1998, BerlinJerusalem 1989, House/La maison 1980), Elia Suleiman (Chronique d’une disparition 1996, Intervention divine 2001), Raphaël Nadjari (Tehilim, 2007). Aujourd’hui des cinéastes auscultent le poumon économique d’Israël en s’affrontant aux tensions qui traver- La survie dans la « bulle » Or (Mon trésor) avait bouleversé le public français en 2004 (après avoir été récompensé de la Caméra d’or à Cannes), avec la chronique sobre du quotidien pathétique d’une mère prostituée et de sa fille dans Tel-Aviv. Keren Yedaya, dont c’était le premier film, s’effaçait presque devant ses comédiennes, magistrales : la jeune Dana Ivgy qui imposait son énergie brute, et la célèbre Ronit Elkabetz. De longs plans-séquences fixes (non recadrés) suffisaient à cadrer leur lutte au quotidien, le courage de vivre, dans une ville enlaidie par la peur, la violence, les arnaques. Filmée à distance, Tel-Aviv apparaissait comme le lieu d’aliénations et d’agressions en tous genres. Les rares instants de paix dans la vie d’Or et de sa mère étaient conquis au prix d’un arrachement à la sphère publique, la rue, dans le repli sur un « entre nous » féminin. Repli non pas sur la famille (la femme s’y trouve soumise de toutes les manières * Les méduses [Meduzot] (Israël, 2007, 1 h 18). Réal. : Etgar Keret et Shira Geffen. Scén. : Shira Geffen. Image : Antoine Héberlé AFC. Mont. : Sasha Franklin et François Gédigier. Mus. : Christophe Bowen et Grégoire Hetzel. Son : Gil Toren, Olivier Dô Hùu et Aviv Adelma. Déc. : Avi Fahima. Cost. : Li Alembik. Prod. : Yaël Fogiel et Laetitia Gonzalez (Les Films du poisson), Amir Harel et Ayelet Kait (Lama Productions). Interprétation : Sarah Adler (Batya), Nikol Leidman (la petite fille), Gera Sandler (Michaël), Noa Knoller (Keren), Manenita De Latorre (Joy), Zaharira Harifai (Malka), Ilanit Ben Yaakov (Galia). 244