Lexique et origine de la langue maorie - Frogs-in-NZ

Transcription

Lexique et origine de la langue maorie - Frogs-in-NZ
Lexique et origine de la langue maorie
Petit lexique
Aotearoa (la terre du long nuage blanc ) : la Nouvelle-Zélande
E noho ra : au revoir (à celui qui reste)Haka : rite guerrier repris par les All Blacks avant les matchs de rugby
Haere mai : bienvenue
Haere ra : au revoir (à celui qui part)
Hapu : sous-tribu
Iwi : tribu
Kai : nourriture
Ka kite ano : au revoir, à bientôt
Kapai ! : super !
Kei te pehea koe? : comment ça va ? (à 1 pers.)
Kei te pehea korua? : comment ça va ? (à 2 pers.)
Kei te pehea koutou? : comment ça va ? (à 3 pers. et plus)
Kia ora : bonjour, bonne chance
Kumara : patate douce
Mana : prestige, fierté
Maoritanga : culture maorie
Marae : espace communautaire de la tribu
Moko : tatouage sur le visage
Ngati, Ngai : tribu. Ex. Ngati Toa
Pakeha : différent, étranger. Nom donné aux Néo-Zélandais d’origine européenne
Paua (haliotis ) : ormeau, abalone
Ponga : fougère arborescente
Pounamu (greenstone ) : néphrite (jade)
Tangata Whenua : le premier peuple, les Maoris
Tapu : sacré, tabou
Tena koe : bonjour (à 1 pers.)
Te reo Maori : la langue maorie
Tiki : figurine porte-bonheur sculptée qui se porte autour du cou
Wai : eau
Whakairo : art de la sculpture
Whanau : groupe familial étendu
Répartition des locuteurs de la langue maorie
Source: Te Puni Kokiri, 'Maori Regional Diversity', 2001
Découverte
Bien que des visiteurs européens aient visité la Nouvelle Zélande plus tôt, l'équipage du capitaine Cook fut le premier à avoir de
réels contacts avec les Maoris. Déjà à Tahiti, il avait été étonné de la ressemblance entre le vocabulaire tahitien et les mots
collectés par les navigateurs dans l'Ouest du Pacifique au cours de précédents voyages. En Nouvelle Zélande, ce fut une
surprise plus grande encore de voir Tupaia, un savant tahitien qu'ils avait embarqué (et qui dessina une étonnante carte pour
Cook !) capable de comprendre et de se faire comprendre des autochtones ! Un fait très surprenant si on réalise l'immense
distance qui sépare ces deux régions et une expérience qui serait sûre de rater si vous la tentiez à 5000 km de chez vous ! Le
tahitien et le maori diffèrent de fait moins que le français et l'italien par exemple.
Classification
Les linguistes ont confirmé la parenté de la langue
tahitienne, de celle des îles Cook (d'ailleurs souvent
appelé "maori des île Cook"), des parlers des
Tuamotu et du maori de Nouvelle Zélande, qu'ils ont
rangées dans le sous-groupe "tahitic", non loin d'un
autre sous-groupe "Marquesic" qui comprend les
dialectes Marquisiens et Hawaiiens. Cette proximité
linguistique corrobore les récits des Maoris qui font
venir leurs ancêtres de la polynésie orientale (chaque
tribu peut donner le nom de la pirogue et de son chef,
quelquefois aussi de son navigateur...) de même que
d'autres indices culturels et les preuves
archéologiques (les "patu", une arme en forme de petite raquette aujourd'hui caractéristique des Maoris, étaient connus des
anciens habitants de Huahine en Polynésie française).
Ces sous-familles et d'autres groupements similaires pour d'autres archipels font partie de la grande famille des langues
polynésiennes. C'est en référence à ces régions de langues apparentées que Dumont D'Urville a imaginé la notion de
Polynésie quelquefois appellé aussi "triangle polynésien" dont les trois sommets sont Hawaii, l'île de Pâques et la Nouvelle
Zélande... (quelques îles dans lesquelles on parle une langue polynésienne et qui tombent en dehors du triangle sont appellés
"out-liers" (tombés dehors). Dumont D'Urville définit par la même occasion la Mélanésie (où les gens sont noirs) et la Micronésie
(où les îles sont petites) dans lesquelles on ne retrouve d'ailleurs pas une aussi totale unité de langue mais cette division a par la
suite été vue comme largement artificielle car, finalement, toutes ces cultures se ressemblent beaucoup, même si la plus grande
homogénéité de la polynésie est indéniable, ce qui est avant tout dû au caractère récent de sa matérialisation (c.a.d sa
colonisation par les polynésiens).
Il ne faut pas confondre "la polynésie" tout court, division ethnologique, avec ...la "Polynésie française", une division politique au
nom discutable, notamment parce qu'il y a des polynésiens qui sont français dans d'autres endroits du Pacifique (notamment à
Wallis et Futuna).
Les langues polynésiennes s'intègrent avec les langues malaises dans l'ensemble plus grand des langues
malayo-polynésiennes, dont certaines sont parlées jusqu'à ...Madagascar (l'aire ce ces langues coïncide d'ailleurs
remarquablement bien avec celle des pirogues à balancier...).
Description
Comme toutes les langues polynésiennes le maori ne tolére pas que deux consonnes se suivent. En revanche les voyelles
peuvent se succéder en assez grand nombre mais pas deux fois la même à la suite. On parle ici des sons et non des lettres
mais l'écriture de ces langues étant pratiquement phonétique cela revient en général au même.La plupart des mots sont
invariables, souvent assez longs et très expressifs (cela restant très subjectif naturellement).
Le Maori a 10 consonnes, certaines notées par deux lettres :
P, M, W
T, N (le T est affriqué devant certaines voyelles, on entend TS)
K, NG (le ng ne doit pas être articulé avec le bout de la langue mais avec le voile du palais; attention quand il y a une voyelle
avant, de ne pas se croire en français : RANGI, le ciel, ce n'est pas : "ran-gui" mais RA (n)GI (le G ne se prononce jamais J,
merci).
WH, H (le h doit se prononcer, faites un effort, comme en anglais ; le wh se prononce en pratique f)
R (le r est roulé avec le bout de la langue)
Certains manuels lui attribuent 5 voyelles seulement mais si on considère que chacune est longue ou brève, en réalité cela en
fait 10 car cette longueur est distinctive (cela veut dire qu'il y a de nombreux mots qui ne différent que par la longueur d'une
seule voyelle). Les voyelles longues, quand elles sont notées, le sont par un macron (une barre au dessus de la lettre) ou dans
les bouquins de linguistique par deux lettres (c'est rare). Ces voyelles sont A, E (prononcé), I, O, U (prononcé ou).
Cette simplicité apparente, la prononciation étant plus dure qu'il n'y paraît, pourrait donner l'idée d'une langue facile à apprendre
mais cette tâche est compliquée par une syntaxe assez complexe, dès que l'on veut sortir du baragouin. A moins d'évoluer dans
le milieu maori, vous aurez de fait très peu d'occasion de vous y exercer (à Aucland par exemple il vous sera plus facile de tester
votre Mandarin ou votre Hindi, ou bien encore votre Coréen).
Sauvetage
Au milieu du XXème siècle la langue maorie était moribonde mais le gouvernement Néo-Zélandais s'est lancé dans un important
effort, en collaboration avec les tribus, pour organiser son sauvetage, toujours en cours et basé sur l"immersion" des enfants
dans des écoles où on ne parle jamais anglais (ils l'apprendront de toutes façons plus tard). Le maori est une langue officielle de
la Nouvelle Zélande, au même titre que l'anglais et, en théorie, toutes les démarches officielles et les diplômes peuvent être
passés dans cette langue. Une chaine de télévision, qui comprend de nombreux programmes pédagogiques, n'émet
pratiquement que dans cette langue et évidemment, le maori est aussi au programme de toutes les écoles.
Cette entreprise nationale, qui n'a probablement d'équivalent dans le monde, toutes proportions gardées, que la ressuscitation
de l'hébreu en Israël, a probablement à voir, d'une part avec une projection identitaire des Kiwi blancs pour ce qui fut la patrie
d'adoption de leur ancêtres (et qu'ils ne voudraient pas qu'on voie comme un pays anglophone comme un autre) et d'autre part à
une mauvaise conscience ambiante par rapport au sort fait à la nation maorie. Par ailleurs il est amusant de constater que
paradoxalement les sites officiels de l'immigration expliquent que tous les néo-zélandais sont finalement des immigrés sur la
dernière terre colonisée au monde, certains (les maoris) étant seulement arrivés avant les autres...
Variété
Le maori qui est vulgarisé à la télévision et dans les écoles est un maori reconstitué par des élites universitaires tant dans son
vocabulaire, sa syntaxe que sa prononciation, à partir des dialectes des différentes tribus. Cela n'a rien de déshonorant car en
fait c'est le même processus qui s'est produit, plus ou moins artificiellement, dans nombre de langues nationales. Le maori parlé
réellement dans une tribu donnée, surtout par les vieilles personnes, pourra en différer sensiblement.
Mots d'emprunts
De nombreux mots d'origine indoeuropéenne ont été introduits en maori par l'intermédiaire de l'anglais : papier=pepa (paper),
table=tepu (table), lettre=reta (letter), couteau=naihi (knife), cuillère=pune (spoon), assiette=pereti (plate), bateau=poti (boat),
sucre=huka (sugar), porc=poaka (pork), semaine=wiki (week) etc... Inversement, le français a emprunté au maori des mots
comme kiwi !
Toponymie (les noms de lieux)
A côté d'une toponymie anglo-saxonne assez riche mais moins variée qu'aux états-unis peut-être (il n'y a pas de Paris...), la
nouvelle Zélande a conservé une très riche toponymie polynésienne. Les toponymes peuvent être classés en deux types
principaux :
Plutôt descriptifs : leur interprétation est alors assez simple car ce sont souvent des noms communs, souvent bien connus
dans le reste de la polynésie (leur écriture peut y être différente), auquels sont quelquefois attaché un qualificatif. L'ensemble
donnant un nom propre comprenant ou non un article (o, te ou nga)
Ce sont des...
Whanga = havre/abri plutôt que baie car quelquefois à l'intérieur des terres, a pris finalement le sens de 'village'.
Maunga = mont
Puke = cratère
Roto = lagon, lac
Motu = île ou presqu'île
Wai = eau douce donc : rivière
Miti = eau salée
Tai = mer
Whare = maison
Awa = passage, col, passe
Ara = chemin, voie
Ana = grotte
Whenua = terre
Kainga = peuplement, village
Kai- = mangerManga = rivière (branche)
Mata = repère (cap, promotoire, sommet)
Upoko = tête (sommet)
Marae = temple
Ngutu = embouchure
Pari = falaise
Rakau = arbre, forêt
Rua = trou, fosse, tombe, abysse
etc.
qualifiés par exemple de...
nui = grand (s'oppose à iti)
roa = long (s'oppose à poto)
tahi = premier
rua (homonyme du précédent rua)= deux, double, deuxième
ma = propre, pur
po = la nuit
rahi = très grand
mangu = noir
etc.
Evocatifs : le toponyme évoque un évènement (ou un personnage voire un animal), réel ou mythique, étant survenu ou ayant
sévi à cet endroit ou une tentative d'explication d'un phénomène naturel. L'emploi de noms ésotériques et de nombreux mots à
double sens (comme rua ou ika) ne facilite pas la traduction ou l'interprétation d'un ensemble qui peut faire référence à
nimporte quoi et éventuellement avoir été réinterprété plusieurs fois, d'autant que la longueur des voyelles est rarement notée.
En tout état de cause il vaut toujours mieux s'en tenir à l'explication traditionnelle, qui peut bien sûr relever de “l'étymologie
populaire” que de se lancer dans des hypothèses fumeuses.
on trouvera des...
tapuae, tapuwae = empreinte
toki = hache
kokopu = goujon
wahine = femme
heke = pente, descente
tane = homme
tangata = personnes
waka = pirogue
hoe = pagaie
toto = sang
moko = lézard, personne, tatouage...
moa = les fameux oiseaux géants disparus !
kiwi = les fameux kiwis !
kuri = chien
manu = oiseau
ika = poisson, mais aussi un guerrier blessé...
rimu = mousse, toute plante dont le feuillage évoque une mousse
koura = écrevisse, langouste
toko = poteau
entourés de qualificatifs assez variés comme...
kino = mauvais
tapu = sacré, interdit
moe = ensommeillé
tangi = crie/pleure
rangi = ciel (mais revient trop souvent pour ne pas avoir une multitude de connotations; en plus de son sens de ciel, il signifie
aussi comme en français, le “ciel” où vont les âmes et mais aussi l'esprit, l'humeur d'une personne...)
Bien entendu on rencontre aussi un mélange des deux genres...Dans de nombreux cas, il faudra résister à l'envie de
décomposer à tout prix les toponymes en éléments plus simples : Rangitoto n'est pas un “ciel de sang” mais désigne un lieu où
le sol est fait de lave. Titirangi est le nom d'un arbuste, etc.
La notion de “gros mot” n'existe pas dans les langues polynésiennes, souvent assez crues et certains toponymes n'échappent
pas à ce style d'humour. Au milieu de l'entrée du golfe de Manukau vers Whatipu se trouve un énorme rocher que les maoris ont
baptisé Paratutae ce qui veut dire, en tahitien également, une crotte coincée entre les fesses...
Evolution des langues
Les différentes langues polynésiennes, que le voyageur peut découvrir en sillonnant le Pacifique... ou seulement par la
toponymie en rêvassant sur Google Earth... offrent un exemple extraordinaire d'une diversité tout en conservant un fort
parallélisme. Elle permettent au linguiste débutant d'observer des évolutions phonétiques simples et assez régulières sur des
mots qui ont en général conservé un sens très similaire d'une langue à l'autre.
Cette évolution se caractérise ici par une grande stabilité des voyelles, qui changent très peu (sans rentrer dans le détail des
courtes et des longues) l'évolution étant pratiquement limitée aux consonnes ( certaines restant également très stables comme le
P, le M, le T, le R)
En pratique si on compare des mots en maori, en Rarotongien (Rarotonga est la principale île des Cook) et en Tahitien , on
s'aperçoit très vite qu'ils sont apparemment identiques sauf que le tahitien n'a ni K ni NG, consonnes qui sont toutes les deux
“remplacées” dans cette langue par des occlusives glottales (malheureusement presque jamais notées)
NZ
motu
reo
maori
kainga
kura
CK
motu
reo
maori
kainga
kura
TH
motu
reo
maori
'ai'a
'ura
...
séparation
langage
vrai, normal, indigène
village/patrie
rouge
On peut en déduire qu'à l'époque où les maoris se sont éloignés de la polynésie orientale, les ancêtres des tahitiens
prononçaient toujours leurs K et leur NG, qui se sont confondus en glottales par la suite...
Si on étudie maintenant des mots contenant des H ou des WH en maori de NZ :
NZ
whenua
wahine
CK
'enua
va'ine
TH
fenua
vahine
...
terre émergée
femme
on a la surprise de se rendre compte que cette fois ci, alors que le maori et le tahitien ont pratiquement la même prononciation,
c'est le langage des Cook qui se singularise par des occlusives glottales à la place des aspirées !
Si on étudie un mot contenant les deux sortes de sons, on aura de façon logique :
NZ
kahu
CK
ka'u
TH
'ahu
...
vêtement
Chaque fois que l'on ajoutera une nouvelle langue à ces tableaux, on pourra observer de nouvelles permutations. La maitrise de
ce système permet de reconnaître pour pairs des mots en apparence aussi éloignés que l'Hawaiien KONA, le Tahitien TO'A (et
en maori TONGA, bien sûr) qui tous désignent le sud !
Dans ce jeu, il faudra toujours garder à l'esprit que ces mots sont plus différents à notre oeil qu'à l'oreille des locuteurs de ces
langues, comme le capitaine Cook s'en est aperçu autrefois. Par ailleurs, la divergence entre deux langues n'est pas faite que
par l'évolution phonétique des mots, mais aussi par le glissement ou l'innovation au niveau du sens, ainsi que par des
motifications syntaxiques qui finissent par changer complètement les tournures.
Enfin une véritable compréhension de l'origine de cette diversité ne pourra être atteinte en sautant ainsi d'un dialecte à l'autre
mais plutôt en abordant les ouvrages qui expliquent la reconstruction de la langue primitive disparue qui les a toutes
engendrées: le proto-polynésien, qui devait être parlé il y a plusieurs milliers d'années quelque-part du côté des Samoa-Tonga.
Stéphane JOURDAN
Auckland, novembre 2007
Le site de te reo maori www.korero.maori.nz
Commentaires