alsace 2012 - Les Musicales
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alsace 2012 - Les Musicales
L'ALSACE le 19.05.2012 Violoncelle, mon amour… Kierra Duffy, Bruno Mantovani et Marc Coppey. Kierra Duffy, Bruno Mantovani et Marc Coppey Photo Jean-Marie Schreiber Pour leur 60 e anniversaire, les Musicales de Colmar ont décentralisé leurs trois premiers concerts sous forme de prologue dans un lieu musical mythique : les Dominicains de Guebwiller. La série a commencé, samedi, par une soirée consacrée au violoncelle, clin d’œil au directeur artistique du festival, le violoncelliste strasbourgeois Marc Coppey. Un Marc Coppey qui n’a pas quitté la scène, présent dans toutes les pièces du programme, seul comme dans la suite N°3 de Jean-Sébastien Bach ou en formation avec six ou sept autres violoncelles, dans les Bachianas, de Heitor Villa-Lobos. Un phrasé remarquable, un toucher d’archet exceptionnel : Marc Coppey a fait chanter son violoncelle, choisissant un rythme alerte pour Bach, mélodieux pour Villa-Lobos. Changement de rythme et de sonorité pour les deux pièces de Bruno Mantovani : One-Way, une commande du festival, tout en contraste, avec des passages très mélodieux et doux, et d’autres rageurs (les crins de l’archet ont été soumis à rude épreuve), nécessitant une virtuosité technique exceptionnelle, avec des passages très chantants, où l’instrument retrouvait sa « voix humaine ». Le tout dans le cadre magnifique des Dominicains mis en valeur par les jeux de lumière. Après ces deux pièces pour violon seul, les deux compositeurs se sont retrouvés dans deux contrepoints de l’art de la fugue. Bruno Mantovani ne s’est pas contenté d’une simple transcription. Il les a retravaillés, avec une orchestration pour sept violoncelles. Un excellent travail, contrastant avec la « Messagesquisse » pour violon solo et six violoncelles de Pierre Boulez, œuvre virtuose écrite en hommage au chef bâlois Paul Sacher, et surtout avec Le chant de Nyandarua, de Jean-Louis Florentz, qui n’apportait pas grand-chose à cette soirée remarquable, alliant, comme le veut l’esprit des Musicales, tradition et modernité. La délicatesse du quatuor Dimanche, en fin de matinée, le festival a retrouvé la quintessence de la musique de chambre, le quatuor, son expression la plus aboutie. Et là, le quatuor Zemlinsky a été remarquable. Quelle musicalité, quelle finesse, quelle légèreté, quelle délicatesse, comme le voulait Beethoven pour son sixième quatuor La Malinconia. Le violoncelle étant le roi de ce prologue, le quintette en la majeur de Dvorak s’imposait presque, s’ouvrant sur un premier thème mélodieux au violoncelle, soutenu par des arpèges du piano qui avait rejoint le quatuor, pour se terminer de façon très énergique. Entre les deux, les six bagatelles d’Anton Webern ont eu pour principal mérite d’être très brèves et de créer une coupure radicale. Dernier concert, dimanche soir, avec une formation imposante : l’orchestre du Südwestfunk Baden-Baden – Freiburg, dirigé par le chef français François Xavier Roth. Un bel ensemble bien équilibré, mais bien trop volumineux pour les Dominicains où cette puissance provoquait des réverbérations. Haydn, Mozart, et même Beethoven ne disposaient pas de formations aussi pléthoriques. Haydn a donc été un peu lourd. Ça passait mieux avec Beethoven et son triple concerto, encore que la puissance de l’orchestre et celle du pianiste Peter Laul, très précis certes, écrasaient par moment un peu le violon très musical, très fins et virtuose juste ce qu’il fallait, de Liana Gourdjia. Et, dans le rôle du violoncelliste, Marc Coppey a une nouvelle fois gratifié le public d’une partition éblouissante. Entre les deux, ce fut le retour de John Cage, avec un effectif réduit, disséminé sur la scène et dans la salle. Dommage que l’on n’ait pas projeté la partition sur le grand écran. Il aurait été intéressant de voir comment Cage avait noté les mouvements de sémaphore lent du chef. Cela aurait peut-être aussi atténué les effets sonores et dissonants de l’œuvre. Présentés par Jean-Pierre Derrien, les concerts ont été enregistré par FranceMusique pour une diffusion ultérieure. le 19/05/2012 à 05:00 par Jean-Marie Schreiber L'ALSACE le 19.05.2012 Les Musicales jouent la confrontation des extrêmes La deuxième journée du Festival des Musicales a proposé deux concerts symétriques dans leur forme, opposés dans leur esthétique, mais unis dans une semblable beauté. On ne pouvait imaginer plus fort contraste que celui qui a opposé, dans les deux concerts de ce jeudi des Musicales, le « Sacre du Printemps », réduit pour deux pianos, par Stravinski lui-même, et le « Quatuor pour la fin du Temps » de Messiaen. D’un côté une partition à la rythmique puissante, mettant en jeu les puissances telluriques à l’œuvre dans un monde en germination ; de l’autre, une révélation mystique, éthérée, d’un temps humain aboli, au travers de lignes indéfiniment tendues, souvent aux confins du silence et du souffle. La version pour deux pianos du Sacre ne possède certes ni la force expressive ni les couleurs de la partition orchestrale, et l’on peut s’interroger sur la nécessité de la proposer en concert ; mais l’ouvrage continue d’impressionner, ne serait-ce que pas la prodigieuse performance qu’elle exige des interprètes. François-Frédéric Guy et Peter Laul y ont offert une démonstration époustouflante de rigueur rythmique, de puissance alliée à la sensibilité, en un mot de musicalité. Dans le quatuor de Messiaen Peter Laul, aux côtés de Paul Meyer à la clarinette, Valeriy Sokolov au violon et Marc Coppey au violoncelle ont offert des duos piano – violon ou piano – violoncelle d’une extrême intensité dans leurs étirements sonores, un mouvement pour clarinette seule suggérant des visions d’éternité ou des unissons parfaitement réglés dans un discours d’une grande cohérence. Deux « concertos de chambre » de Mozart l’un pour la flûte tendre et passionnée de Juliette Hurel, l’autre pour le cor truculent d’Hervé Joulain, admirable de virtuosité, avaient préparé l’auditeur à cette passionnante confrontation. L'ALSACE le 20.05.2012 Les perles rares des Musicales Grâce au principe de la « résidence » des artistes à Colmar, les Musicales réussissent à programmer des œuvres très rarement données en concert. Certes, il faudrait célébrer François Frédéric-Guy, qui ce vendredi a livré une 32 e Sonate de Beethoven d’exception, ainsi que le Quatuor de Tokyo, admirable de finesse et de précision dans Mozart, puis Beethoven, (nous y reviendrons). Mais aux côtés de ces grandes œuvres du répertoire, se sont glissées des partitions précieuses et bien plus rares, comme le Quintette de Prokofiev qui a allié le violon de Liana Gourdjia, l’alto de Lise Berthaud, la contrebasse de Niek de Groot au hautbois de Sebastien Giot, et à la clarinette de Romain Guyot. Cette œuvre, pleine de verve gouailleuse, de facéties burlesques et impertinentes, a séduit par son interprétation enlevée. On a retrouvé plus tard Romain Guyot, cette fois au cor de basset et accompagné par Paul Meyer et Peter Laul dans un estimable Konzertstück de Mendelssohn vif et brillant. Il est enfin revenu, entouré de Sébastien Giot, Marine Wertz, Laurent Lefèvre, et Hervé Joulain dans Mládí de Janácek. Ce sextuor coloré, animé d’une fièvre juvénile, mais parfois tenté de mélancolie, a permis d’apprécier la chaleur des instruments à vent, la plénitude de leur son, dans une harmonie toujours ciselée avec le plus grand soin. La dernière révélation de la soirée a été offerte par la soprano Kiera Duffy, qu’accompagnait Peter Laul dans quatre Lieder de jeunesse de Richard Strauss : son sens dramatique et son timbre clair, d’une grande pureté, allié à une diction parfaite, ont su servir de façon magistrale ces « filles-fleurs » aux accents caressants, parfois moqueurs, toujours passionnés. Ces délicates perles juvéniles y ont acquis un relief et un éclat aussi rares que précieux. L'ALSACE le 22.05.2012 À d’autres Pierre Maenner Demandez le programme Dans le hall du théâtre municipal, la semaine dernière, on vendait des programmes pour le concert de musique de chambre des « Musicales » qui allait débuter. Un vieux monsieur arrive, content d’être venu à bout de quelques marches. Un peu essoufflé, il décline l’offre du placeur de programmes. Il assure qu’il a déjà son programme. Le bénévole, qui est là pour faire rentrer quelques sous dans les caisses de l’association organisatrice, se permet d’insister : c’est le programme complet du concert qui va être donné, pas seulement un quelconque dépliant. Le vieux monsieur résiste. Il est formel : le programme, il l’a en main, on vient de le lui remettre devant l’entrée, et même, on le lui a offert gratuitement. Il exhibe le fascicule. L’homme des Musicales n’a pas besoin d’y regarder à deux fois : pas trace là-dedans des concerts du jour, ils sont tous datés de juillet. C’est le programme du Festival international de Colmar qu’on a remis au vieil auditeur. Le vieux concurrent des « Musicales », s’il en est. L'ALSACE le 22.05.2012 Carnaval de Rodolphe Burger pour clore les Musicales Le festival de Musique de chambre « Les Musicales » s’est terminé dimanche au théâtre, avec Rodolphe Burger en récitant. Le dernier concert de l’édition 2012 des Musicales, l’autre festival de musique classique à Colmar, s’est déroulé dimanche après midi au Théâtre municipal. Une après-midi récréative pour les artistes comme pour le public, qui s’est achevée avec un carnaval des animaux de Saint-Saëns récité par Rodolphe Burger. Si tout le monde connaît le Festival International de Colmar qui se déroule chaque année en juillet et dont l’édition 2012 sera la 24 e, un autre grand moment pour les mélomanes se déroule à Colmar depuis 60 ans s’est achevé dimanche après midi : le festival de musique de chambres « Les Musicales ». Œuvre surprenante Œuvres du répertoire côtoyant des créations contemporaines, soliste suivi d’un petit orchestre, musiciens d’exception jouant avec bonheur et en toute simplicité devant le public : les concerts proposés dimanches après midi étaient à l’image de ceux programmés durant tout le festival. Après les danses hongroises de Brahms jouées par les quatre virevoltantes et talentueuses mains de François-Frédéric Guy et Peter Laul, Romain Guyot a envahi la scène en interprétant une fantaisie pour clarinette seule du jeune compositeur Jörg Widmann. Une œuvre surprenante et prenante, à situer quelque part entre musique contemporaine, classique et free-jazz. Le directeur artistique du festival Marc Coppey a ensuite proposé, pour clore dans la bonne humeur cette 60 e édition des Musicales, un petit moment récréatif autant pour le public que pour les musiciens avec Le Carnaval des Animaux de Camille Saint-Saëns. Considéré comme quelqu’un de très sérieux, et sans doute vexé par les reproches qui lui ont été faits suite à la création de cette œuvre ludique, il en interdit l’exécution publique de son vivant. Mais Le carnaval des animaux reste sans doute son œuvre la plus connue du grand public. Succès public qui doit sans doute également beaucoup aux textes plein de jeux de mots, réveillant toute la malice de l’œuvre musicale, qui ont été écrits par l’humoriste regretté Francis Blanche. « Quel drôle d’animal ! On dirait un artiste », pouvait-on penser en apercevant Rodolphe Burger dans le rôle du récitant, dimanche. Rodolphe Burger qu’on pourra prochainement retrouver à Colmar avec son éternelle chemise blanche, dans un rôle plus familier de chanteur et guitariste d’un groupe de rock, pour une date unique en Alsace du « Velvet de Rodolphe Burger ». LIRE Également ci-dessous le compte rendu du concert de samedi. ÉCOUTER Le Velvet de Rodolphe Burger, mercredi 27 juin, Parc des expositions, 20 h. Tarif 35 euros, plus d’informations : http://www.colmar-expo.fr le 22/05/2012 à 05:00 par Fabien Roth