Le téléphone mobile

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Le téléphone mobile
Thème 2 : Les dynamiques de la mondialisation: la mondialisation en fonctionnement. Etude de cas – un produit mondialisé : Le téléphone mobile Le téléphone mobile est le produit technologique mondialisé qui s’échange le plus actuellement. Il contribue donc aux flux matériels de marchandises. Mais en tant qu’élément des NTIC, il contribue également à l’explosion des flux immatériels d’échange d’informations. Il est donc un exemple typique de produit mondialisé qui contribue à la mise en relation des territoires à l’échelle mondiale. Plan du cours : I.
Processus mondialisés et acteurs du marché du téléphone mobile II.
Mobilités, flux et réseaux du marché du téléphone mobile III.
Un produit qui traverse les débats sur la mondialisation I.
Processus mondialisés et acteurs du marché du téléphone mobile a) Un produit de la 3e mondialisation •
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Le téléphone mobile s’inscrit dans la troisième mondialisation qui s’accélère à partir des années 1990 quand le communisme disparaît. Les flux internationaux se multiplient et se diversifient. Le téléphone mobile nait en 1979 au Japon. Il se diffuse dans les années 1980 dans les pays de la Triade. Dans les années 1990, les principales innovations sont introduites par Nokia, une FTN finlandaise. La téléphonie mobile a connu la plus forte diffusion qu’un produit n’ait jamais connu dans toute l’histoire. Entre 1988 et 2003, un quart de la population mondiale s’équipe d’un téléphone portable, puis le mouvement s’accélère. Fin 2013, le monde compte 6,8 milliards d’abonnements mobiles sur une population de 7,3 milliards d’habitants. Cela ne signifie toutefois pas que tous les habitants de la planète ont un téléphone puisqu’une même personne peut avoir plusieurs abonnements. Mais le marché des téléphones mobiles est celui qui enregistre actuellement la plus grande croissance et le nombre d’usager va donc encore augmenter. Le téléphone mobile, invention japonaise qui s’est diffusée partout dans le monde, illustre donc bien comment les territoires sont de plus en plus mis en relation à travers d’un côté la circulation des marchandises, et d’un autre la diffusion des NTIC. Il a largement supplanté le téléphone fixe et les connexions Internet classiques qui nécessitent des infrastructures plus coûteuses, plus lourdes et plus difficiles à réparer en cas de catastrophe naturelle. Les téléphones mobiles ont besoin de simples antennes et pas de câbles téléphoniques. b) Un reflet de la NDIT •
Le téléphone mobile est diffusé sur toute la planète, c’est donc bien un produit mondialisé. Pourtant, certaines parties du monde concentrent plus de téléphones mobiles que d’autres. En ce sens, le téléphone mobile montre que la mondialisation 1 •
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est hiérarchisée. Certains territoires sont bien desservis par les services de télécommunication mobile, tandis que d’autres sont marginalisés ou exclus. Ainsi, les grandes FTN qui fabriquent les téléphones sont situées dans des pays de la Triade : Etats-­‐Unis (Apple, Motorola), Europe (Sony-­‐Ericsson, Nokia), Corée du Sud (Samsung). Mais des FTN concurrentes apparaissent aussi dans les pays émergents : Chine (Huawei, China Mobile) ou Mexique (America Movil). Les PMA sont moins bien desservis et le prix d’un abonnement dans ces pays est souvent équivalent au salaire mensuel moyen, ce qui les rend inaccessibles. Pourtant, l’accès au téléphone mobile peut être vu comme un facteur de développement et d’intégration de ces territoires exclus à la mondialisation. Actuellement, le nombre d’abonnés en Afrique augmente de 50% par an. Le téléphone mobile est le principal outil de connexion à Internet, ce qui permet aux Africains d’interagir avec le reste du monde. Au Kenya, la plupart des transactions financières se font actuellement par téléphone mobile (au marché, pour payer l’école, les factures d’électricité), ce qui semble faciliter les démarches administratives. Toutefois, de nombreux pays restent hors des réseaux mobiles (7% de la population a un abonnement en Erythrée), tandis que l’absence d’électricité est problématique pour recharger les batteries et l’analphabétisme empêche d’envoyer des SMS. Les freins restent donc nombreux. Le cas d’Apple illustre bien les stratégies des FTN dans la NDIT. Les différentes phases de la fabrication des IPhones sont assurés par des acteurs différents dans des pays différents (voir carte) : o Le siège social d’Apple se trouve en Californie. L’entreprise y réalise la conception, le marketing, la publicité et la communication externe pour assurer une bonne image à la marque. On y trouve en effet une main-­‐d’œuvre très qualifiée dans le marketing et la technologie. o La fabrication des différents composants du IPhone est assurée par des sous-­‐
traitants : LG (Corée du Sud) s’occupe des écrans tactiles, Sony (Japon) fait les appareils photos, et Samsung (Corée du Sud) les batteries. o Toutes ces pièces sont ensuites acheminées vers la Chine (le fameux atelier du monde) où la FTN taïwanaise Foxconn assure le montage des IPhones dans d’immenses usines. La main-­‐d’œuvre y est bon marché. o La plupart des Apple Store où sont vendus les IPhones se trouvent dans les pays de la Triade, mais ils s’installent de plus en plus dans les pays émergents. Ainsi, Apple sait exploiter les différences entre les pays en termes de couts salariaux, de droit du travail, de qualification de la main-­‐d’œuvre etc. c) Les acteurs de la téléphonie mobile De nombreux acteurs de la mondialisation sont concernés par la téléphone mobile : • Les individus qui consomment ces produits. • Les FTN qui utilisent la mondialisation pour maximiser leurs profits. Les principales FTN (Samsung, Nokia, Apple) se livrent une concurrence énorme pour être à la pointe de la technologie et se disputer les principaux marchés. Ainsi, Apple mise énormément sur sa stratégie de marketing et chaque nouvelle innovation est impulsée presque par un spectacle destiné à attirer le plus de clients. • Les réseaux sociaux constitués avec les téléphones portables peuvent aider à la constitution de mouvements sociaux, comme le Printemps Arabe. • Les Etats soutiennent généralement le développement des réseaux mobiles car ils sont moins chers que les lignes fixes et contribuent au développement et à l’intégration de leurs territoires. C’est ce qui s’est passé au Kenya. 2 •
II.
Les ONG sont d’importants acteurs dans la mesure où ce sont elles qui dénoncent les atteintes aux droits des travailleurs et à l’environnement qui caractérisent la fabrication et la surconsommation de téléphones mobiles (voir dernière partie). Mobilités, flux et réseaux du marché du téléphone mobile a) Les flux •
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Les téléphones mobiles sont donc des exemples typiques de produits qui circulent et mettent en lien les différentes parties du monde. Leur développement découle de l’émergence des FTN et ils sont dépendants de la révolution des transports et des NTIC. La fabrication des IPhone emprunte typiquement les grandes routes maritimes qui relient les trois pôles de la Triade et les pays asiatiques jouent leur rôle d’atelier du monde puisque ce sont eux qui sont responsables de la fabrication des produits. Les téléphones mobiles permettent d’avoir accès à toute sorte de services et sont donc un moteur de flux immatériels : information, services bancaires, paiements, tickets de bus… b) Les réseaux et la mobilité •
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III.
Apple constitue un bon exemple de réseau mondialisé. o Les IPhones sont placés dans des conteneurs pour 2 euros par kg. Les cargaisons partent de Shenzhen, une ZES chinoise, puis sont expédiées à partir du port de Hong Kong. Les IPhones sont ensuite stockés dans des entrepôts puis acheminés par camion vers les grandes surfaces qui vendent la marque et aux Apple Stores. o Entre Los Angeles, Chicago et New York c’est toutefois la voie ferrée qui est utilisée. o A la sortie d’un nouveau produit, Apple fait toutefois appel à des avions cargo spéciaux pour que les nouveaux IPhones soient acheminés plus rapidement vers les magazins, ce qui leur coûte 12 euros par kg. La téléphonie mobile crée aussi des réseaux internationaux entre les pays de départ et les pays d’accueil des migrants. Comme les abonnements téléphoniques sont très chers dans les PMA, les migrants se chargent de payer les factures de leurs familles pour pouvoir rester en contact avec elles. Ainsi, certains opérateurs des PMA se sont installés à Paris pour proposer à leurs clients de payer les factures de leur famille depuis la France. Un produit qui traverse les débats sur la mondialisation a) La dérèglementation •
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La mondialisation s’accompagne d’une déréglementation. Comme les différents territoires sont en concurrence pour attirer les FTN et leurs IDE, ils n’hésitent pas à réduire les lois pour se rendre attractifs. Ainsi, Apple paie des sous-­‐traitants asiatiques pour s’assurer un coût de fabrication de ses produits le plus bas possible. Ainsi, Apple choisit de signer ses contrats avec les entreprises les meilleur marché. Cela pousse ces entreprises à payer moins leurs employés, à leur imposer des heures 3 •
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supplémentaires non rémunérées et à réduire leurs infrastructures de logement. L’entreprise d’assemblage Foxconn a été ainsi l’objet de nombreux scandales d’exploitation des travailleurs : elle est réputée pour être l’entreprise qui fait « travailler l’homme plus vite que la machine », elle emploie des mineurs (14-­‐16 ans) en Chine, et en 2010, des ouvriers chinois de Foxconn se sont jetés dans le vide pour dénoncer leurs conditions de travail. Du coup, Apple a été vivement critiquée et a changé de partenaire sous-­‐traitant. Il travaille dorénavant avec la FTN taïwanaise Pegatron qui est contrainte de baisser aussi les conditions de travail de sa main-­‐d’œuvre pour satisfaire les exigences d’Apple : ses employés travaillent 66 à 69 heures par semaine, leurs heures supplémentaires de réunion ne sont pas comptées, ils dorment dans des dortoirs de 8 à 12 personnes avec environ 1 douche pour 12. C’est l’ONG China Labor Watch qui a dénoncé ces conditions. Les sous-­‐traitances, comme la délocalisations provoquent donc des conditions de travail de la main-­‐d’œuvre déplorables. Pour attirer les IDE, les Etats et entreprises réduisent les lois de protection des travailleurs qui sont souvent surexploités. b) Les atteintes à l’environnement •
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Apple a été dénoncée par l’ONG Greenpeace comme la FTN la moins respectueuse de l’environnement car elle consomme beaucoup d’énergies polluantes pour faire ses produits, sans chercher d’alternatives. Mais en général, les téléphones portables portent atteinte à l’environnement dans la mesure où ils sont extrêmement fragiles. Les FTN utilisent la stratégie de l’obsolescence programmée : elle produisent des téléphones toujours plus fragiles pour être sûrs que les individus en rachètent régulièrement. Par ailleurs, Apple utilise un marketing qui joue sur l’envie des consommateurs d’avoir un téléphone dernier cri. Ainsi, les téléphones inutilisés s’entassent dans les tiroirs alors qu’ils pourraient être recyclés, et de nombreux téléphones sont gaspillés malgré toute l’énergie qui a été consommée pour les produire. Le recyclage est d’autant plus nécessaire que la fabrication des téléphones mobiles nécessite l’utilisation de métaux rares qui se trouvent dans des régions très instables. Ainsi, au Congo-­‐Zaïre, de nombreuses bandes criminelles cherchent à s’approprier la gestion des mines et ont recours à la violence contre les populations et les travailleurs. Recycler les téléphones permettrait ainsi d’éviter la surexploitation non seulement des matières premières, mais également des travailleurs. Ainsi, le téléphone mobile est en plein dans les débats sur la mondialisation car il illustre bien à quel point les différents acteurs privilégient la croissance économique au détriment des autres objectifs du développement durable, à savoir le bien-­‐être social et la protection de l’environnement. 4