Les footballeurs de Nicolas de Stael.

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Les footballeurs de Nicolas de Stael.
LES FOOTBALLEURS
DE NICOLAS DE STAEL
Par Ramon Balius Juli
C’est par une série d’huiles à thème sportif, intitulée «Footballeurs»,
que Nicolas de Staël, peintre né en 1914 à St. Pétersbourg, est
revenu à l’expression figurative de ses débuts après un passage à
l’abstrait au cours d’un itinéraire artistique fulgurant.
S
taël s’exile en Pologne après le triomphe
de la révolution dans son pays puis en
Belgique en 1922, et c’est dans la capitale
belge qu’il s’initie à l’art. Voyageur infati-
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gable, il parcourt l’Espagne en bicyclette puis,
entre 1936 et 1938, le Maroc, et encore, en
compagnie cette fois de son épouse Jeannine
Guillon, l’Algérie et l’Italie. Il s’engage dans
ART ET SPORT
la Légion étrangère française en 1940 et
travaille comme cartographe à Tunis, puis une
fois démobilisé, rejoint Jeannine à Nice et
fréquente des artistes tels que Sonia Delaunay, Jean Arp et Le Corbusier. Sa peinture est
jusqu’à alors figurative et l’homme vit dans la
misère.
Installé à Paris en 1943, il se lie d’amitié
avec Braque et Leger, abandonne alors la
peinture figurative et s’oriente résolument
vers l’abstraction, recueillant des critiques
favorables à l’égard de sa nouvelle
tendance. A cette époque, son oeuvre se
base essentiellement sur les couleurs pures,
surtout des gris, ocres et noirs, disposées
verticalement sur la toile à la; spatule en
masses grossières. Peu à peu, ses tons
deviennent plus vifs et les formes cessent
d’être diffuses pour devenir géométriques,
triangulaires, rectangulaires ou carrées.
TOUTES CES COULEURS
FONDUES
Au soir du 26 mars 1952, en compagnie de
son épouse, il assiste au Parc des Princes à
un match de football opposant l’équipe de
France à l’équipe de Suède et se laisse
subjuguer par le spectacle. On peut imaginer l’impression produite sur lui par la
pelouse verte, les bleu, jaune, rouge et noir
de la tenue des joueurs et des arbitres,
toutes ces couleurs fondues dans un rutilant
bain de lumière blanche qui ajoutait encore
à la blancheur des cages de but, des lignes
du terrain et du ballon. Quelques jours
après, il écrit à son ami René Char : «c’est
absolument merveilleux . . . Entre ciel et
terre, sur l’herbe rouge ou bleue, une tonne
de muscles se meut dans l’oubli total d’ellemême mais avec toute la présence qu’exige
l’exercice, dans la plus complète invraisemblance »... De retour à son atelier, il se met
tout de suite au travail et réalise la même
nuit sur une grande toile, sur laquelle il
avait commencé une autre composition, le
tableau qu’il baptisera Parc des Princes.
sont clairement figuratives détaillant avec
plus ou moins de précision les joueurs et
les mouvements. Toutes se singularisent par
sa technique particulière des pâtes épaisses,
étalées à la spatule, dont les stries parviennent parfois à évoquer les plis du short.
Tous les tableaux dénotent une étonnante
vivacité, caractérisés par la large gamme de
tons vifs et purs, sans la moindre ligne de
délimitation.
Après ce retour à la peinture figurative,
il peint des paysages, des marines et des
fleurs. Il s’établit à Antibes vers 1954, ville
où il mit fin à ses jours au début de l’année
suivante.
La création artistique à thématique
sportive exige un minimum d’éléments
figuratifs, de dynamique dans les tons et
spécialement dans la lumière, caractéristiques parfaitement réunies dans les
«Footballeurs» de Nicolas de Staël.
R. B. J.
Des formes géométriques
aux couleurs pures.
Les jours qui suivent cette soirée, il
réalise les vingt-quatre toiles consacrées au
thème du football. Certaines de ses oeuvres
sont déjà ambiguës, associant éléments
abstraits et figuratifs, tandis que d’autres
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