DOSSIER BIS

Transcription

DOSSIER BIS
BAROmaître
n° 11 - SEPTEMBRE 2010
Le dossier
de la rédaction
La réforme
de la procédure pénale
Interviews croisées
Maître Henri Leclerc
M. le Vice Bâtonnier
Jean-Yves Le Borgne
La campagne du Bâtonnat
Les Secrétaires
de la Conférence
Avocat et politique
1
EDITORIAL
SOMMAIRE
P
our ce second numéro, le « Baromaître » a été confronté, à
deux reprises, aux problèmes posés par la neutralité du journaliste-avocat et le respect du pluralisme.
Le dossier de la rédaction est consacré à un sujet d’actualité, bien qu’il
s’agisse d’un véritable «serpent de mer» : la réforme de la procédure
pénale qui a fait l’objet de très nombreux articles, souvent polémiques.
Si un certain consensus semble se faire dans la profession sur la nécessité de la présence de l’avocat dès la première heure de garde à vue,
I. LE dossier de la
rédaction : La réforme de la
procédure pénale
. Interviews croisées de Maître
Henri Leclerc et de M. le Vice
Bâtonnier Jean-Yves Le Borgne
. Focus sur des éléments de la
réforme
Comité de relecture
Comité de rédaction
d’autres projets, comme l’instauration d’un juge de l’enquête et des
libertés en contrepartie de la suppression du juge d’instruction ou le
statu quo concernant le statut du parquet sont loin de faire l’unanimité.
La rédaction a reçu plusieurs projets d’articles sur tous ces sujets :
elle a constamment respecté la même procédure d’examen et de
sélection des textes. Mais elle a été ici confrontée à un dilemme. La
nouvelle section syndicale du SAF lui a soumis un article en exigeant
de le signer de son nom et en ne tolérant aucune modification (y
compris la consigne du nombre de signes). Prétendant représenter
l’ensemble des élèves avocats, quelles que soient leurs orientations,
le journal a pris la décision de ne pas publier cet article faute d’une
section syndicale représentant « l’opposition », au sein de l’EFB.
Le journal est cependant conscient des limites de la fiction «apolitique» et il ne renonce pas à faire part des débats qui agitent la profession. La rédaction a donc décidé de donner la parole à deux «ténors»
du barreau qui ont des conceptions souvent différentes de la réforme
de la procédure pénale.
Dans ce numéro, la rédaction a du veiller également à respecter une
stricte neutralité en décidant de consacrer plusieurs pages aux futures
élections au Bâtonnat. En invitant les trois candidats à présenter les
grandes lignes de leur campagne et à réagir aux différents dossiers de
la rédaction, nous avons veillé à une stricte égalité des « temps de parole » (en l’occurrence du nombre de signes) de chacun des candidats.
Nous espérons n’avoir lésé personne et avoir respecté le contradictoire et une stricte égalité des armes entre les différents intervenants.
Sarah Mauger
2
II. la vie du barreau . Avocat et politique
. La campagne du Bâtonnat
Illustration de couverture :
Leopold Lemiale, retouche Marion Grateau
Comité de rédaction :
Grégoire Kopp (Rubrique « La vie du Barreau »)
Emmanuel Froge et Léopold Lemiale
(Rubrique « Dossier bis »)
Sophie Joly (Rubrique « Hors des côtes »)
Michael Fraysse (Rubrique « Le passé au présent »)
Hadrien Pellet (Rubrique « L’agenda de l’EFB »)
Fanny Léger (Rubrique « Evasions culturelles »)
Mathilde Saltiel (Rubrique « Les bonnes toques »)
Comité de relecture :
Marion Grateau
Fanny Léger
Sarah Mauger
Hadrien Pellet
Mathilde Saltiel
réformes
. Inconstitutionnalité de la garde
à vue de droit commun : une
victoire des libertés individuelles
. Le Bicentenaire du Barreau de
Paris
. Les élèves-avocats aux vingt ans
de la Juriscup
VII. évasions culturelles
Directrice de la rédaction et de la publication :
Sarah Mauger
Directrice artistique :
Marion Grateau
Photographes :
Marion Grateau, Leopold Lemiale
. Cour d’assises : le chantier des
VI. l’agenda de l’EFB
. Le numerus clausus pour les
avocats : corporatisme ou œuvre
de raison ?
III. DOSSIER BIS : Les Secrétaires
de la Conférence
. La Conférence
. Paroles d’anciens
. « Ma Berryer »: récit d’un
.
Portraits des douze Secrétaires
de la Conférence
. Interview Berryer
. Richard Malka : la robe et la
plume
. Pierre Olivier Sur : Dans les
yeux du bourreau
. Christiane Feral – Schuhl :
Cyberdroit, le droit à l’épreuve
de l’internet
VIII. les bonnes toques
. Manger bio : la panacée de
l’homme moderne ?
. Les bistrots parisiens
. Les recettes du baromaître : les
tartines
candidat
IV. hors des côtes
. Comment effectuer un stage
dans les institutions européennes
.
Le LLM : Intérêts
& Perspectives
V. le passé au présent
. L’affaire du sang contaminé
devant la Cour de justice de la
République
. Cour d’appel de Metz :
Des messins sans frontières
ERRATUM
Parmi quelques coquilles, deux grossières erreurs et un oubli se sont
glissés dans le premier numéro du « Baromaître », le Comité de rédaction vous prie de bien vouloir l’excuser et sera plus vigilant à l’avenir :
• Le texte de l’interview de M. Bernard Stirn publié n’était pas la version
finale qu’il avait pris la peine de corriger. Nous lui présentons toutes nos
excuses et signalons à nos lecteurs que M. Bernard Stirn n’a pas appartenu au cabinet du ministre de l’Education nationale. Il était le Directeur
de cabinet du secrétaire d’Etat à l’Education nationale. Ses propos ont
été recueillis par Martin Guérin et Lucie Pernet.
• L’article intitulé « la QPC à l’aune du contrôle de conventionalité » était
l’œuvre de Anne-Sophie Pallacin et non Anne-Sophie Piquei
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DOSSIER DE LA REDACTION :
« La réforme de la procédure pénale »
Interviews croisées de Maître Leclerc et de Maître Le Borgne
DOSSIER DE LA REDACTION
Interviews croisées de Maître Leclerc et de Maître Le Borgne
Les projets de réforme de la justice pénale sont
de véritables « serpents de mer » : certains sont
abandonnés, d’autres retardés, d’autres encore
à l’étude... Nous voulions recueillir vos points
de vue sur ces projets.
qui se déroule au procès, en ces temps d’exhalation des droits des
victimes, rencontrerait des oppositions qu’il faudrait savoir contourner.
CONCERNANT LE ROLE
ET LE STATUT DU PROCUREUR
Procureur et Juge d’instruction :
Considérez-vous que l’instauration d’un juge de
l’enquête et des libertés (JEL) soit une contrepartie
suffisante à la suppression du juge d’instruction ?
Maitre Leclerc : L’existence d’un juge de l’enquête et des libertés
indépendant n’ayant pas de pouvoir d’investigation propre mais ayant
un fort pouvoir de contrôle et le monopole des décisions judiciaires
pendant l’enquête préalable est une évolution nécessaire et souhaitable.
C’est une garantie des libertés et du bon fonctionnement de la justice.
Mais, plusieurs précautions sont, bien sûr, nécessaires.
« A chaque fois que
la liberté individuelle
avance, il se trouve
de bons esprits
pour préférer le bon
vieux temps »
J.Y. Leborgne
Maître Le Borgne : L’essentiel de l’intérêt de cette innovation
réside dans le fait que ce juge de l’enquête et des libertés devra être
déconnecté de toute tâche d’enquête : sa seule mission consistera à
apprécier les actes attentatoires aux libertés. Il aura ainsi un point de
vue distancié et objectif ; c’est ce qui le différencie fondamentalement
du juge d’instruction qui est intéressé à la manifestation de la vérité.
Le juge de l’enquête et des libertés doit être un « juge à statut » c’està-dire qu’il ne doit pas pouvoir être affecté à un autre poste du jour
au lendemain comme c’est le cas pour l’actuel juge des libertés et de
la détention.
Il devra être tenu informé des enquêtes en cours afin de pouvoir s’assurer
de leur bon déroulement et il devra pouvoir ordonner le passage d’une
enquête du stade secret et unilatéral au stade contradictoire ; en ce
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Jean Yves Le Borgne
Henri Leclerc
sens le juge de l’enquête et des libertés me paraît être un progrès pour
notre procédure pénale.
A terme, le juge du siège devra avoir, face à lui, un représentant du
Parquet et un représentant de la défense à égalité. Le parquet reste
encore bien trop aujourd’hui une sorte d’alter ego du juge, ne serait-ce
que par la qualité de magistrat qu’ils partagent : cela heurte le principe
de l’équilibre des armes. L’indépendance du Parquet ferait de ce dernier
une partie privilégiée au procès dont le caractère équitable serait ainsi
vicié.
Est-il selon vous nécessaire de réformer le statut du
Parquet ?
Maître Leclerc : J’ai quitté le groupe de travail mis en place par
la Chancellerie sur la réforme pénale où je représentais la profession
d’avocat lorsque la Ministre de la Justice a annoncé que la question
du statut du Parquet serait exclue de la concertation postérieure à
la publication de la première partie de l’avant-projet de réforme. À
mon sens le Parquet doit être beaucoup plus indépendant qu’il ne
l’est actuellement. S’il peut rester hiérarchisé, il ne doit pas recevoir
d’ordres du pouvoir politique concernant tel ou tel dossier particulier. Je
ne suis pas contre les instructions générales qui permettent de définir
une politique pénale. La nomination et l’avancement des magistrats du
Parquet devraient être conformes aux décisions du CSM.
Maître Le Borgne : Je ne pense pas que l’on doive opportunément
envisager l’indépendance du Parquet. Et cela pour au moins trois
raisons.
D’abord parce qu’il est normal qu’il soit hiérarchisé : cela permet, en
effet, d’appliquer sur l’ensemble du territoire français une politique
pénale unique et identique.
Ensuite, parce qu’il n’y a pas, pour le magistrat du parquet, comme
pour le juge du siège, cette même nécessité d’indépendance absolue.
Enfin, cette indépendance ne semble utile que pour empêcher les ordres
de l’exécutif « de ne pas faire », je veux dire de ne pas poursuivre. Il faut
ici rappeler que seule l’instruction de poursuivre est légale par la voie
d’instructions écrites. Pourquoi ne pas envisager de faire de l’instruction
de ne pas poursuivre un délit ?
Procureur et « plaider coupable » :
Que pensez vous du projet d’appliquer à tous les
délits la procédure de « plaider coupable », faisant
entrer dans son champ des infractions comme la
corruption et le trafic d’influence. N’est-ce pas une
façon d’accroître encore le pouvoir des procureurs
qui pourront négocier les peines dans le secret d’un
cabinet ?
Maître Leclerc : Nous n’avons pas en France une justice
pénale contractuelle : l’introduction de la procédure de « plaider
coupable » est à ce titre une révolution. Il faut reconnaître qu’en
France, dans l’hypothèse où les faits sont reconnus, nous avons un
système un peu absurde : la personne est entendue par la police,
lors de multiples interrogatoires, puis par le juge d’instruction dans
le cadre de l’interrogatoire de première comparution, puis au cours
de l’information enfin par la juridiction qui le juge pour rejouer la
scène des aveux. Sans déposséder le juge de ses prérogatives, comme
c’est le cas aux États-Unis, nous pourrions réfléchir à mettre au point
une procédure spécifique, plus rapide mais qui respecterait toutes les
garanties d’une bonne justice. En revanche il faut bien voir que, surtout
en matière criminelle (puisqu’on en parle aussi), l’aspect de scène
théâtrale avec une sorte de reconstitution verbale publique du crime
Maître Le Borgne : Je ne considère pas que la comparution sur
reconnaissance préalable de culpabilité -pour l’appeler par son nomsoit un véritable pouvoir du Parquet ; celui-ci n’ayant que la capacité de
proposer une peine, peine qui devra être acceptée par le justiciable en
présence de son avocat, puis être homologuée par un magistrat du siège.
Le procureur dispose avec la CRPC de la même faculté que dans un
procès : celle de proposer une peine. De la même façon, l’homologation
par le juge est une forme de jugement. La seule différence de la CRPC
et un procès classique tient dans le fait que l’intéressé n’a pas à donner
son avis sur la peine requise par le procureur.
Il faut à mon sens faire évoluer la CRPC dans deux directions.
La procédure de CRPC est aujourd’hui applicable aux délits punis d’une
peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale
à cinq ans : il faudrait, selon moi, étendre cette faculté procédurale à
tous les délits.
Par ailleurs, il serait nécessaire d’ouvrir dans les textes la possibilité
d’une discussion entre la défense et le Parquet sur le quantum de la
peine. Cette faculté qui existe déjà, en fait, pour les avocats qui jouissent
d’une certaine autorité personnelle, devrait être inscrite dans les textes
afin d’accroître le rôle de l’avocat dans la procédure de CRPC.
«Il faut reconnaître qu’en
France, dans l’hypothèse
où les faits sont reconnus,
nous avons un système
un peu absurde».
H. Leclerc
CONCERNANT LES GARDES A VUE
Le nombre de garde à vue a dépassé les 800 000 en
France, êtes-vous favorable et pensez vous qu’il serait
techniquement réalisable d’assurer la présence des
avocats dès la première heure de garde à vue ainsi que
l’accès au dossier de procédure pour assister leur client
durant les interrogatoires ?
Maître Leclerc : Sur la garde à vue, deux problèmes subsistent.
Le premier tient à la présence même de l’avocat : cette question est
en passe d’être résolue, peut-être à assez court terme par le Conseil
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DOSSIER DE LA REDACTION :
« La réforme de la procédure pénale »
DOSSIER DE LA REDACTION
Focus sur des éléments de la réforme
Interviews croisées de Maître Leclerc et de Maître Le Borgne
Le contrôle de l’enquête
par le juge, le tribunal
et la chambre de l’enquête
et des libertés
L
constitutionnel ou un peu plus tard par la Cour européenne des droits
de l’homme. Restera bien évidemment à assurer son financement. Le
second tient à la question de l’autorité qui contrôle et prolonge la garde
à vue. Ce doit être un juge : si la réforme s’opère, le juge de l’enquête et
des libertés.
Maître Le Borgne : Je préfère agir en amont qu’en aval : s’il n’y
a plus de garde à vue abusive, la question ne se pose plus… La garde
à vue devrait être limitée aux infractions d’une gravité particulière. Le
problème, vous me direz, serait alors de contrôler cette qualification «
d’infraction d’une gravité particulière ». On pourrait alors envisager de
créer un référé pénal auprès du juge de l’enquête et des libertés qui
serait alors chargé de trancher entre la qualification retenue par la
police ou le procureur et celle proposée par l’avocat. Cette surveillance
effective de la garde à vue par le JEL aurait le mérite de répondre aux
exigences posées par le récent arrêt Medvedyev.
CONCERNANT LA REFORME
DE LA COMPOSITION
DES COURS D’ASSISES
Dans le cadre de la réforme de la procédure pénale,
le ministère de la Justice prévoit de revoir la composition des cours d’assises de première instance, un
jury populaire (neuf jurés tirés au sort parmi la
population) qui siège depuis la Révolution aux côtés
de trois magistrats. Selon le projet de la Chancellerie,
le jury populaire ne serait plus convoqué qu’en appel
et un tribunal criminel composé de cinq magistrats
professionnels viendrait remplacer la formation mixte.
Que pensez-vous de ce projet ?
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Maître Leclerc : Je suis très attaché aux jurés en raison de leur
origine consubstantielle à la fondation de la démocratie en France.
Si le système actuel, qui date de 1942, faisant statuer les magistrats
professionnels et les jurés en même temps, peut parfois transformer les
jurés en une sorte d’ « alibi », ce n’est cependant pas la règle. Les jurés
sont des citoyens consciencieux ; ce sont les témoins indispensables
de la façon dont la justice est rendue dans notre pays. Depuis que les
magistrats professionnels siègent avec les jurés, on ne peut pas ne pas
sentir l’influence considérable qu’ont les magistrats sur les verdicts...
Une réelle réflexion s’impose, mais pas en quinze jours. Cela nécessite
du temps.
Maître Le Borgne : Le jury est une institution qui s’attache à la
République et, en un sens, à la démocratie. C’est le lien entre le peuple
et la justice et c’est un lien réel et non théorique. La justice est ainsi
rendue par le peuple français et non au nom du peuple français.
La proposition faite par le rapport Léger d’une procédure criminelle
« allégée », mais sans suppression du jury, me semblait intéressante :
lorsque les faits sont reconnus et que des éléments matériels viennent
corroborer ces aveux, une procédure simplifiée, écourtée, me semble
envisageable.
Une mixité de la cour ? Je n’y suis pas forcément opposé. On pourrait
imaginer en première instance de faire varier le nombre des jurés et
des magistrats professionnels.
Mais, en ce qui concerne une réforme de la procédure criminelle de
jugement, il me paraît plus intéressant de se pencher sur un projet
de simplification de cette procédure que sur une modification de la
composition des cours d’assises.
Propos recueillis par Sarah Mauger
- promotion Jacques Attali - série N et Arnaud Touati promotion Jacques Attali – série H
a proposition phare et sans doute la plus décriée de
l’avant-projet de réforme vise à la suppression du juge
d’instruction. L’information judiciaire supprimée, le cadre
unique des investigations préalables à la saisine d’une juridiction de
jugement serait alors l’enquête judiciaire pénale confiée au Parquet.
Les magistrats du ministère public auraient la direction exclusive
de la police judiciaire. Pour garantir le caractère contradictoire,
équitable et impartial de l’enquête judiciaire et garantir le respect
des libertés individuelles, les rédacteurs de l’avant-projet prévoient
l’établissement dans chaque tribunal de grande instance d’un
magistrat indépendant et impartial: le juge de l’enquête et des
libertés (JEL).
L’article 311-1 alinéa 1er de l’avant-projet dispose que l’objet
de l’enquête judiciaire pénale est de rechercher et de constater
les infractions à la loi pénale d’en collecter les preuves et d’en
identifier les auteurs. L’enquête est conduite par le procureur de la
République sous le contrôle du JEL, du tribunal de l’enquête et des
libertés (TEL) et, le cas échéant, de la chambre de l’enquête et des
libertés (ChEL).
La désignation du JEL par le président du tribunal intervient
suite à la demande d’une partie à l’enquête ou sur réquisition
du ministère public. Conformément aux dispositions de l’article
211-3 de l’avant-projet qui définit ses missions, le JEL statue sur
les demandes des parties qui ont été refusées par le procureur
de la République ou auxquelles ce dernier n’a pas répondu. Toute
demande d’acte doit donc d’abord être adressée au procureur
de la République. Garanti de l’impartialité et du caractère
contradictoire de l’enquête, le JEL a la possibilité d’assister
aux actes qu’il ordonne ou autorise pour en vérifier le bon
déroulement (article 311-20).
Le JEL est seul compétent pour ordonner un placement sous
contrôle judiciaire, sous surveillance électronique ou sous le régime
de la détention provisoire. Il autorise la prolongation de la garde à
vue au-delà de 48 heures. Enfin, il autorise les actes d’investigations
les plus coercitifs tels que les sonorisations et fixation d’images
dans des lieux et véhicules privés, la prolongation des interceptions
de correspondances émises par voie de télécommunication et
les perquisitions de nuit ou au domicile de personnes protégées.
Enfin, le JEL peut statuer sur l’issue de l’enquête judiciaire pénale
lorsque l’une des parties à l’enquête judiciaire conteste la décision
de règlement prise par le procureur de la République. C’est alors
son ordonnance qui saisit la juridiction de jugement.
Le TEL est une formation collégiale de premier degré. La liste des
tribunaux de grande instance disposant d’un TEL sera fixée par
décret. Le TEL a compétence exclusive pour statuer en matière de
prolongation de la détention provisoire. Il pourra également être
saisi sur renvoi d’une demande d’une partie lorsque le JEL l’estime
nécessaire en raison de la complexité ou de la gravité d’une affaire.
Le TEL dispose alors des mêmes prérogatives de contrôle de
l’enquête que le JEL.
La Chambre de l’enquête et des libertés (ChEL) est une formation
de second degré présente au sein de chaque Cour d’appel. Elle
connait des appels formés par les parties contre les ordonnances
du JEL et du TEL et des requêtes en nullités. A cet égard, le projet
de réforme prévoit pour le JEL et le TEL le droit de déposer
d’office des requêtes visant à l’annulation d’actes d’enquête. La
ChEL ne semble pas disposer en revanche du pouvoir d’évocation
par lequel la chambre de l’instruction peut aujourd’hui se saisir de
l’information judiciaire.
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DOSSIER DE LA REDACTION :
« La réforme de la procédure pénale »
Focus sur des éléments de la réforme
Le statut de partie
dans l’enquête
judiciaire pénale
L
e Livre III de l’avant projet de réforme consacré à l’enquête
judiciaire pénale contient, au Titre Ier, un Chapitre II dédié aux
parties. L’article 312-1 distingue la partie pénale (équivalent
du statut actuel de mis en examen), la partie assistée (i.e. le témoin
assisté) et la partie civile auxquelles il confère, sauf disposition légale
contraire, les mêmes droits.
L’attribution de qualité de partie pénale dans l’enquête judiciaire pénale
répond aux mêmes conditions de fond et de procédure que l’octroi du
statut de mis en examen. A quelques différences près!
Sur le fond, il doit exister contre la personne des indices graves ou
concordants rendant plausible sa participation à la commission d’une
infraction en tant qu’auteur ou complice (article 312-4). L’obtention de
cette qualité est ici facultative. Le statut de partie pénale est obligatoire
en matière criminelle, lorsque sont prises des réquisitions aux fins de
placement sous contrôle judiciaire, sous surveillance électronique ou en
détention provisoire et lorsque l’affaire présente un certain degré de
complexité. La notion de complexité, notion purement subjective, est ici
abandonnée à l’appréciation souveraine de l’autorité de poursuite.
Sur la forme, le statut de partie pénale ne peut être attribué qu’après
une première audition au cours de laquelle la personne a été informée
de l’infraction dont elle est soupçonnée qu’elle ait été ou non placée
en garde à vue. La notification de l’attribution de partie pénale est faite,
après un entretien de notification des charges, soit par un officier de
police judiciaire sur instructions écrites du procureur de la République,
soit par le procureur de la République lui même, en présence d’un
avocat choisi ou commis d’office qui aura eu préalablement accès au
dossier de la procédure. La notification du statut de partie pénale par
le procureur de la République est obligatoire pour les crimes et délits
punis de 10 ans d’emprisonnement ou lorsque celui-ci précède la saisine
du juge de l’enquête et des libertés en vue d’ordonner une mesure de
sûreté. Enfin, en matière contraventionnelle et délictuelle, l’attribution du
statut de partie pénale peut être notifiée par courrier.
A l’issue de l’entretien de notification des charges, la personne suspectée
ou son avocat peut demander une requalification de la/des infraction(s)
retenue(s) et l’attribution du statut de partie assistée. La personne mise
en cause peut également contester l’attribution du statut de partie
pénale devant le juge de l’enquête et des libertés qui statue après un
débat contradictoire qui, le cas échéant, se déroule concomitamment au
débat sur la mesure de sûreté requise par le procureur de la République.
L’attribution du statut de partie assistée peut intervenir sur décision
du procureur de la République d’office ou sur demande de l’intéressé
(possibilité d’un recours gracieux en cours d’enquête) ou sur ordonnance
du juge de l’enquête et des libertés statuant sur une contestation de
l’attribution du statut de partie pénale ou de refus d’attribution du statut
de partie assisté. Sur le fond, il doit exister des indices rendant plausibles
la participation en tant qu’auteur ou complice d’une infraction de la
partie assistée. Sur la forme, l’attribution du statut de partie assistée
répond aux mêmes exigences procédurales que celles applicables à
l’attribution du statut de partie pénale.
Par ailleurs, l’article 312-23 dispose qu’est nulle l’audition d’une personne
réalisée sans qu’elle bénéficie du statut de partie pénale ou de partie
assistée lorsque d’une part, le statut de partie assistée a été attribué
par le JEL dans les conditions mentionnées ci-dessus et, d’autre part,
lorsqu’il existe des indices graves et concordants rendant plausible la
8
DOSSIER DE LA REDACTION
Focus sur des éléments de la réforme
participation de la personne mise en cause à une infraction alors que
celle-ci avait demandé a être placée sous le statut de partie assistée.
L’exigence est donc plus stricte que celle qui impose dans le code de
procédure pénale actuel de placer la personne mise en cause sous
le statut de témoin assisté dès lors qu’il existe des indices graves et
concordants.
La prescription
de l’action pénale dans
l’avant-projet de réforme
de la procédure pénale
La constitution de partie civile peut être effectuée par toute personne
qui se prétend lésée par une infraction lors du dépôt de plainte ou
en cours d’enquête. Elle est adressée directement au procureur de la
République ou par déclaration devant le service de police judiciaire.
Le procureur de la République lorsqu’il fait droit à la constitution de
partie civile, l’informe par voie électronique, courrier recommandé ou
télécopie directement ou par le biais des services de police judiciaire.
es rédacteurs ont pris la peine de préciser à l’article 111-1 de
l’avant-projet la finalité qui devait être celle de la procédure
pénale : assurer la répression des infractions à la loi pénale.
Indiscutablement, l’économie générale de cet avant-projet favorise les
besoins de la répression. Mode d’extinction de l’action pénale selon la
nouvelle terminologie énumérée par l’article 121-5 de l’avant-projet,
la prescription et les règles qui la régissent connaissent quelques
modifications substantielles.
La constitution de partie civile peut être contestée par les autres parties
devant le JEL qui statue par ordonnance motivée après avis du procureur
de la République et observations écrites de la partie civile contestée.
Le procureur de la République doit refuser la constitution de partie
civile pour des raisons de droit (article 312-31). Il peut la refuser pour
des raisons de fait (article 312-32) ou lorsqu’il constate une carence de
la victime (312-33). Enfin il déclare la constitution de partie civile sans
objet lorsqu’il propose une alternative à la saisine de la juridiction. La
personne qui s’estime lésée peut alors contester la décision de refus du
procureur de la République devant le JEL après avoir, en principe, versé
une consignation préalable.
En premier lieu, il convient de relever que le droit commun de la
prescription en matière pénale est marqué par l’allongement des
délais la prescription de l’action pénale des crimes et des délits. Les
crimes aujourd’hui prescrits par 10 ans seraient, demain, prescrits
par 15 ans tandis que, pour les délits, une distinction en fonction du
quantum de la peine encourue devrait être opérée. Aux termes de
l’article 121-6 de l’avant-projet, le délai de prescription de trois ans
passerait ainsi du simple au double pour les délits faisant encourir
une peine supérieure à trois ans d’emprisonnement et demeurerait
inchangé pour les délits punis d’une peine de prison inférieure ou
égale à trois ans.
L
En second lieu, l’avant-projet vise à donner davantage de lisibilité aux
règles dérogatoires de prescription en regroupant sous un même
paragraphe l’ensemble des délais de prescription applicables aux
infractions terroristes, aux infractions à la législation sur les stupéfiants,
aux infractions sexuelles et aux délits et contraventions de presse.
Par ailleurs, l’avant-projet fixe le point de départ de la prescription au
jour de commission de l’infraction et non au jour où celle-ci vient à
être constatée. Ainsi la notion d’infraction clandestine ou d’infraction
occulte, consacrée à maintes reprises par la jurisprudence de la
Chambre criminelle de la Cour de cassation, disparaîtrait pour toutes
les infractions aux biens et ne serait opérante que pour les seules
atteintes volontaires à la vie (article 121-7 de l’avant-projet).
En dernier lieu, l’avant-projet de réforme précise d’une part quels sont
les cas d’interruption de l’action pénale et consacre d’autre part les
cas de suspension de l’action pénale créés par la jurisprudence. Est
interruptif de prescription tout acte ou décision de la police judiciaire
ou des autoritaires judiciaires tendant à la recherche et à la poursuite
des infractions et à la condamnation de leurs auteurs. Est également
interruptif de prescription et, c’est là que réside la nouveauté, tout
acte mettant en mouvement l’action pénale y compris s’il émane de la
partie civile. Enfin, pour ce qui est des cas de suspension, les rédacteurs
ont entendu consacrer les notions d’obstacle de droit et d’obstacle de
fait absolu et insurmontable élaborées par la jurisprudence.
Roman Pinosch
– promotion Jacques Attali – série A
9
DOSSIER DE LA REDACTION :
« La réforme de la procédure pénale »
Cour d’assises : le chantier des réformes
Plusieurs projets proposent de modifier le
fonctionnement et la composition de cette
juridiction bicentenaire.
A
lors que la garde à vue et la suppression du juge
d’instruction monopolisent l’attention des grands
médias, la réforme de la Cour d’assises fait figure
de grande oubliée. Peut-être parce qu’il n’est pas question de
changer radicalement le visage de cette juridiction, qui a peu évolué
depuis sa création en 1811 à l’exception de réformes ponctuelles.
Reste que la Cour d’assise ne devrait pas être épargnée par la
« fièvre » réformatrice insufflée - avec plus ou moins de bonheur
- par l’hyperprésidence.
DOSSIER DE LA REDACTION
Cour d’assises : le chantier des réformes
«Mais toutes ces réformes,
pour la plupart encore au
stade embryonnaire, sont
supplantées en audace par
la révolution qui se
préparerait à la Chancellerie:
la suppression des jurys
populaires en première
instance.»
Pour l’heure, nous nous contenterons d’une brève revue des
enjeux de la réforme de la juridiction criminelle, en réservant nos
critiques et réflexions pour de futurs billets.
Le débat sur la réforme des assises a été relancé par les travaux
du comité de réflexion piloté par le haut magistrat Philippe
Léger. Le rapport remis en septembre dernier au Président de la
République préconisait de « moderniser la cour d’assises et améliorer
les garanties entourant la procédure criminelle », à travers quelques
mesures phares : la motivation des arrêts de cour d’assises, un
allégement de la procédure en cas de reconnaissance préalable de
culpabilité, et l’attribution à la partie civile d’un droit de récusation
pour les jurés d’assises.
La première, si elle venait à être consacrée par le législateur,
constituerait un bouleversement considérable. Rappelons qu’aux
termes de l’article 353 du code de procédure pénale, « la loi ne
demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont
convaincus ». Le comité Léger propose l’abolition de cette règle
héritée de la Révolution, au motif que l’absence de motivation
serait source d’arbitraire, constituerait un frein à l’acceptation de la
décision de justice par les parties, et serait de surcroit susceptible
de constituer une violation du droit à un procès équitable au sens
de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme
(CEDH). Mais sur cette question, comme pour l’attribution d’un
droit de récusation à la partie civile, l’emballement n’est pas de
mise: la Chancellerie n’a pas encore fait savoir quelle suite elle
comptait donner à ces propositions.
de culpabilité » (CRPC) par la loi Perben II du 9 mars 2004, qui
l’avait cependant circonscrite au correctionnel. En transposant
cette innovation en matière criminelle, le Gouvernement espère
désengorger les tribunaux. Cette réforme a d’ores et déjà suscité
une vive inquiétude au sein de la magistrature.
L’autre chantier en cours concerne l’allégement du huis clos en
cour d’assises des mineurs. Cette réforme a été « déclenchée »
par le procès des membres du « Gang des Barbares », jugés dans
la tristement célèbre affaire Ilan Halimi. Conformément aux règles
en vigueur, ce procès s’était déroulé en huis clos en raison de
la présence d’une accusée mineure à l’époque des faits. Cette
situation avait provoqué l’indignation de l’avocat des parties civiles,
Me Szpiner, qui avait appelé à une modification législative en faveur
1. Les Echos, 4 mars 2010: le plaider-coupable étendu
Mais toutes ces réformes, pour la plupart encore au stade
embryonnaire, sont supplantées en audace par la révolution
qui se préparerait à la Chancellerie : la suppression des jurys
populaires en première instance. La presse a révélé début juin
qu’une réflexion était menée sur ce sujet. Place Vendôme, on
s’est empressé de préciser qu’il ne s’agissait que d’une « piste de
travail », pour désengorger les cours d’assises et de réduire les délais
d’audiencement. Déjà, des voix se sont élevées de part et d’autre
pour défendre cette institution bicentenaire, qui associe le peuple
français au jugement des infractions les plus graves.
Bien loin d’un simple « toilettage », c’est donc une véritable
réforme des assises qui se profile. S’agissant de la juridiction la
plus « médiatique » du paysage judiciaire, on peut s’attendre à ce
qu’elle fasse l’objet de débats passionnés.
L’introduction d’une procédure de « plaider-coupable » devant
les cours d’assises, en revanche, est d’actualité plus brûlante :
cette proposition du rapport Léger a été reprise par la garde des
Sceaux, qui a présenté en début d’année un projet de loi en ce
sens en Conseil des ministres1. On se souvient que cette pratique
anglo-saxonne avait été introduite dans notre droit sous le nom
de « procédure de comparution sur reconnaissance préalable
10
de la publicité de l’audience. Une proposition de loi a été adoptée
en ce sens à la mi-février par l’Assemblée nationale : elle fait de la
publicité la norme devant les assises de mineurs, l’accusé gardant
la possibilité de réclamer le huis clos à la Cour, qui resterait libre
de refuser.
On peut légitimement s’interroger sur le bien fondé d’une réforme
mise en oeuvre à la hâte afin de permettre la levée du huis-clos
lors du procès en appel de Youssouf Fofana et de ses comparses.
Des voix se sont également élevées pour dénoncer une atteinte à
la philosophie de la justice des mineurs2 .
A.G - promotion Jacques Attali – série E
2. Le Figaro, Allégement du huis clos en cour d’assises des mineurs, 16/02/10
11
DOSSIER DE LA REDACTION :
« La réforme de la procédure pénale »
DOSSIER DE LA REDACTION
Inconstitutionnalité de la garde à vue de droit commun :
une victoire des libertés individuelles
U
n séisme vient de frapper le monde judiciaire. Il a pour
hypocentre la rue de Montpensier. Par sa décision
N°2010-14/22 QPC en date du 30 juillet 2010, le Conseil
constitutionnel a en effet déclaré contraire à la Constitution le
régime de droit commun de la garde à vue3 .
La magnitude du séisme aurait cependant pu être bien plus
forte, le Conseil constitutionnel s’étant refusé à réexaminer la
constitutionnalité du régime dérogatoire de la garde à vue en matière
de criminalité et délinquance organisées4, déclaré conforme à la
Constitution en 20045.
Cette décision salutaire vient refréner les déformations dont souffre
depuis plusieurs années la procédure pénale française, et devrait
mettre un terme à la banalisation alarmante du placement en garde à
vue, devenu « la première forme de châtiment public6 ».
Ce sont du moins les modifications des règles de la procédure pénale
et des conditions de sa mise en oeuvre qui ont conduit le Conseil
constitutionnel à considérer qu’un changement de circonstances
justifiait qu’il soit procédé à un réexamen d’ensemble des dispositions
régissant le recours à la garde à vue de droit commun, alors qu’il
s’était déjà prononcé sur sa constitutionnalité en 19937 .
Ce changement de circonstances procède du renforcement
considérable du poids de la phase policière – régie par le secret et
mue par une « logique non judiciaire d’efficacité de l’enquête8 » – dans
la procédure pénale. A tel point que « la garde à vue est ainsi souvent
devenue la phase principale de constitution du dossier de la procédure en
vue du jugement de la personne mise en cause9 ».
Le bouleversement de la procédure résulte également de la mise
en œuvre du traitement dit « en temps réel » des affaires, pratique
généralisée en 1995 pour raccourcir les délais d’audiencement et
limiter le nombre de jugements par défaut10 .
Est également en cause l’augmentation considérable du nombre
d’officiers de police judiciaire11, engendrée par les réformes successives
de l’article 16 du Code de procédure pénale qui ont abaissé les
exigences de grade et d’ancienneté.
Son corollaire : une explosion statistique du nombre de gardes à vue12,
qui s’appliquent « à l’assassin comme au débiteur de pension alimentaire
à jour de ses obligations mais qui n’a pas déclaré son adresse à son exconjoint13 ».
Or, comme l’a rappelé Me Denis Garreau, avocat aux Conseils, lors de
l’audience publique du 20 juillet dernier, la garde à vue est « un temps
et un lieu d’insuffisance, de déséquilibre de droits au profit des nécessités de
l’enquête et au détriment des libertés individuelles ».
Le Conseil constitutionnel a donc considéré que cette évolution,
accompagnée de « la quasi-disparition de la phase d’instruction14 », appelait
une évolution corrélative des garanties encadrant le recours à la garde
à vue, son déroulement et la protection des droits de la défense.
La censure est fondée exclusivement sur le principe de « rigueur
nécessaire ».
Le Conseil constitutionnel s’est en effet abstenu de contrôler à l’aune
du principe de dignité de la personne les conditions matérielles dans
lesquelles les gardes à vue sont mises en œuvre, seules les dispositions
législatives qui par elles-mêmes violeraient ce principe pouvant faire
l’objet d’une censure.
Est en outre réfuté l’argument tiré de l’arrêt Medvedyev de la Cour
européenne des droits de l’homme15 , selon lequel le contrôle du
Parquet ne satisferait pas à l’exigence constitutionnelle de protection
de la liberté individuelle par l’autorité judiciaire16 , car pour le Conseil,
celle-ci comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet17 .
Le salut est donc venu de l’article 9 de la Déclaration des Droits de
l’Homme et du citoyen de 1789, qui dispose que « tout homme étant
12
3. Articles 62, 63, 63-1, 63-4, alinéas 1er à 6, et 77 du Code de procédure pénale.
4. Articles 63-4, alinéa 7, et 706-73 du Code de procédure pénale.
5. Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004.
6. Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, dans l’ouvrage de M. Aron précité.
7. Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993, qui avait conduit à valider des dispositions touchant aux conditions de placement d’une personne en garde à vue, au contrôle
du Parquet sur la mesure de garde à vue et au report de l’entretien avec un avocat à la vingtième heure de garde à vue.
8. Commentaire de la décision n°2010-14/22 QPC, Cahiers du Conseil constitutionnel.
9. Décision n°2010-14/22 QPC, §16.
présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé
indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour
s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». Sur
ce fondement, le Conseil constitutionnel, a exercé un contrôle de
proportionnalité entre la gravité des mesures portant atteinte à la
liberté individuelle et les objectifs qui motivent ces atteintes.
Ayant relevé que le placement en garde à vue et la prolongation de
la mesure ne sont soumis à aucun seuil de gravité des infractions en
cause et que le régime de droit commun de la garde à vue ne permet
pas à la personne interrogée, pourtant retenue contre sa volonté,
« de bénéficier de l’assistance effective d’un avocat, […] qu’au demeurant,
la personne gardée à vue ne reçoit pas la notification de son droit de garder
le silence », le Conseil constitutionnel juge que les dispositions du
Code de procédure pénale relatives à la garde à vue de droit commun
« n’instituent pas les garanties appropriées à l’utilisation qui est faite de la
garde à vue compte tenu des évolutions » qu’il a rappelées, et doivent être
déclarées contraires à la Constitution.
10. Le traitement « en temps réel » consiste en l’obligation pour l’OPJ de solliciter la décision du procureur de la République sur l’action publique alors que la personne
en cause est encore présente dans les locaux du service de police ou de gendarmerie.11. Sur la période 1993-2009, leur nombre a plus que doublé, passant de 25 000
à 53 000. Le commentaire de la décision paru aux Cahiers souligne que cette augmentation résulte de « réformes successives dont le nombre et la fréquence
impressionnants ne sont malheureusement pas inhabituels s’agissant de la procédure pénale ».
12. Que le Conseil constitutionnel ne manque pas de souligner dans sa décision, rappelant que plus de 790 000 mesures de garde à vue ont été décidées en 2009. Dans
son ouvrage « Gardés à vue », Mathieu Aron estime pour sa part leur nombre entre 850 000 et 900 000 pour cette même année.
13. Commentaire de la décision précitée.
14. Ibid.
15. CEDH, grande chambre, 29 mars 2010 Medvedyev et autres contre France, n° 3394/03.
16. Article 66 de la Constitution.
17. Si une telle interprétation est admissible au regard de la Constitution, elle est néanmoins en contrariété directe avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits
de l’homme, qui affirme sans ambigüité que « le magistrat [garant de la légalité de la privation de liberté] doit présenter les garanties requises d’indépendance
à l’égard de l’exécutif et des parties, ce qui exclut notamment qu’il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale, à l’instar du ministère
public » : arrêt Medvedyev précité.
13
DOSSIER DE LA REDACTION :
« La réforme de la procédure pénale »
DOSSIER DE LA REDACTION :
« La réforme de la procédure pénale »
Inconstitutionnalité de la garde à vue de droit commun :
une victoire des libertés individuelles
En jugeant inconstitutionnelle la disproportion tenant tant au champ
d’application de la garde à vue qu’à l’insuffisance des droits de la
défense, le Conseil constitutionnel rétablit un équilibre en faveur
des libertés individuelles.
Cette décision fait écho au combat mené depuis plusieurs années
par les avocats18 pour que la garde à vue cesse d’être le symptôme
d’une procédure pénale archaïque dans laquelle le respect des droits
de la défense croule sous le poids des nécessités de l’enquête.
Elle laisse cependant en suspens la portée de l’exigence d’une
présence effective de l’avocat en garde à vue – le rôle de l’avocat
en garde à vue se résumant jusqu’à présent à une « visite de
courtoisie », pour reprendre les termes du Bâtonnier Christian
Charrière-Bournazel. Certes, le Conseil constitutionnel condamne
l’interdiction générale du concours effectif de l’avocat durant les
interrogatoires. Mais le droit général à l’assistance d’un avocat en
garde à vue n’est pas expressément reconnu.
Souhaitons donc que la Chancellerie, qui a jusqu’alors fait
preuve d’une obstination déconcertante à nier l’évidence –
l’inconventionnalité de la garde à vue19 française – ne se contentera
pas de tirer a minima les conséquences de l’inconstitutionnalité de
la garde à vue, et n’attendra pas une condamnation de la France par
la Cour européenne des droits de l’homme pour remédier à son
inconventionnalité.
L’absence de contrôle de la garde à vue par une autorité judiciaire
au sens que la jurisprudence de la Cour donne à cette notion20
demeure, et une défense effective ne peut être assurée sans qu’un
accès au dossier soit garanti à l’avocat.
Si le Conseil constitutionnel vient donc d’offrir une victoire aux
droits de la défense, le combat pour les préserver est loin d’être
achevé. Il n’appelle aucune trêve.
Florent Bouderbala – promotion Jacques Attali – série E
Coordinateur du Pôle pénal et libertés publiques de l’AEA
[email protected]
Le regard des candidats sur la procédure pénale
Est-il selon vous
nécessaire de réformer
le statut du Parquet ?
Maître Christiane
Feral-Schuhl:
La réforme qui est
projetée
sans
étude
d’impact budgétaire et
sans création d’un statut pour le Parquet,
ne permet pas d’envisager, quelles que
soient les modalités techniques, une
contrepartie suffisante à la suppression
du juge d’instruction. La réforme doit
nécessairement passer par la mise en
adéquation de notre législation avec la
jurisprudence de la Cour Européenne des
Droits de l’Homme qui a dit et jugé pour
droit, à plusieurs reprises, que le Parquet
ne pouvait pas être considéré comme une
autorité judiciaire au sens de l’article 6
de la Convention européenne des droits
de l’homme. Il convient donc de modifier
le statut du parquet pour lui donner une
totale indépendance afin que la réforme
de la procédure pénale puisse être
véritablement enclenchée.
A cet égard, le fait que le projet de réforme
ait rappelé que les magistrats du Parquet
avaient la faculté de désobéissance,
est un pis-aller : je rappelle que depuis
la déclaration universelle des droits de
l’homme de 1789, les fonctionnaires
ont un devoir de désobéissance face
aux instructions illégitimes !!! Ce point
constitue donc un recul dans la proposition
de réforme et non une avancée.
14
Maître PierreOlivier Sur:
Il
est
selon
moi
parfaitement
normal
que le Parquet soit
hiérarchisé et que le
Ministre de la Justice puisse lui donner des
instructions relevant de l’intérêt général,
afin d’appliquer une politique pénale
uniforme sur l’ensemble du territoire. Le
ministre tient sa légitimité des instances
représentatives dans le cadre d’un
processus démocratique. Et le procureur
tire sa légitimité du concours de l’ENM. Il
est dépositaire d’un mandat public.
L’avocat est soumis lui à un mandat
civil, qu’il tient de son client. Il ne peut le
trahir. En ce sens, il existe un équilibre,
ou un parallélisme entre procureur et
avocat de la défense, que l’on devrait
impérativement retrouver dans les textes.
Ainsi le procureur ne doit-il pas disposer de
plus de pouvoirs que l’avocat de la défense
: s’il peut demander un élargissement de
la saisine in rem, l’avocat doit pouvoir le
faire également ; s’il peut demander une
enquête ou une expertise complémentaire,
l’avocat aussi ; s’il peut demander un
maintien en détention provisoire, l’avocat
peut demander une remise en liberté.
La procédure serait ainsi parfaitement
équilibrée.
Car ni le Procureur, ni l’avocat de la
défense n’a l’imperium - seuls les juges
du siège indépendants et inamovibles en
disposent.
Maître Brigitte
Longuet:
Je
considère
que
l’instauration d’un juge de
l’enquête et des libertés est
une contrepartie suffisante
à la suppression du juge d’instruction, si
l’avocat a un véritable pouvoir de contre
enquête et qu’il existe une égalité des
armes avec le Parquet.
Par ailleurs, je crois à la séparation des
pouvoirs, mail il existe aussi la nécessité
absolue d’avoir une politique pénale
cohérente. Le statut du Parquet s’inscrit
dans cette double contrainte contradictoire
qui régira toute réforme du Parquet.
Est-il selon vous
nécessaire de réformer
le statut du Parquet ?
Maître Christiane Feral-Schuhl:
La réforme qui est projetée sans étude
d’impact budgétaire et sans création d’un
statut pour le Parquet, ne permet pas
d’envisager, quelles que soient les modalités
techniques, une contrepartie suffisante
à la suppression du juge d’instruction. La
réforme doit nécessairement passer par la
mise en adéquation de notre législation avec
la jurisprudence de la Cour Européenne des
Droits de l’Homme qui a dit et jugé pour
droit, à plusieurs reprises, que le Parquet
ne pouvait pas être considéré comme
une autorité judiciaire au sens de l’article
6 de la Convention européenne des droits
de l’homme. Il convient donc de modifier
le statut du parquet pour lui donner une
totale indépendance afin que la réforme
de la procédure pénale puisse être
véritablement enclenchée.
A cet égard, le fait que le projet de réforme
ait rappelé que les magistrats du Parquet
avaient la faculté de désobéissance,
est un pis-aller : je rappelle que depuis
la déclaration universelle des droits de
l’homme de 1789, les fonctionnaires ont
un devoir de désobéissance face aux
instructions illégitimes !!! Ce point constitue
donc un recul dans la proposition de
réforme et non une avancée.
Maître Pierre-Olivier Sur:
Il est selon moi parfaitement normal
que le Parquet soit hiérarchisé et que le
Ministre de la Justice puisse lui donner des
instructions relevant de l’intérêt général, afin
d’appliquer une politique pénale uniforme
sur l’ensemble du territoire. Le ministre tient
sa légitimité des instances représentatives
dans le cadre d’un processus démocratique.
Et le procureur tire sa légitimité du
concours de l’ENM. Il est dépositaire d’un
mandat public.
L’avocat est soumis lui à un mandat civil,
qu’il tient de son client. Il ne peut le trahir.
En ce sens, il existe un équilibre, ou un
parallélisme entre procureur et avocat de
la défense, que l’on devrait impérativement
retrouver dans les textes. Ainsi le procureur
ne doit-il pas disposer de plus de pouvoirs
que l’avocat de la défense : s’il peut
demander un élargissement de la saisine in
rem, l’avocat doit pouvoir le faire également
; s’il peut demander une enquête ou
une expertise complémentaire, l’avocat
aussi ; s’il peut demander un maintien
en détention provisoire, l’avocat peut
18. Combat dont il a notamment été question lors du débat du 14 juin 2010 sur la garde à vue organisé par l’AEA, et sur lequel revient E. Enyegue dans son article.
demander une remise en liberté.
La procédure serait ainsi parfaitement
équilibrée. Car ni le Procureur, ni l’avocat de
la défense n’a l’imperium - seuls les juges
du siège indépendants et inamovibles en
disposent.
Maître Brigitte Longuet:
Je considère que l’instauration d’un juge
de l’enquête et des libertés est une
contrepartie suffisante à la suppression du
juge d’instruction, si l’avocat a un véritable
pouvoir de contre enquête et qu’il existe
une égalité des armes avec le Parquet.
Par ailleurs, je crois à la séparation des
pouvoirs, mail il existe aussi la nécessité
absolue d’avoir une politique pénale
cohérente. Le statut du Parquet s’inscrit
dans cette double contrainte contradictoire
qui régira toute réforme du Parquet.
Concernant
les gardes à vue
Maître Christiane Feral-Schuhl:
La présence des avocats dès la première
heure de garde à vue, mais également
de toute procédure dans laquelle il y a
une privation des libertés individuelles,
est une nécessité reconnue par la Cour
Européenne des Droits de l’Homme.
Le rôle de l’avocat d’assistance aux
personnes privées de libertés, que ce
soit en garde à vue ou dans d’autres
circonstances, a bien été rappelé par
la jurisprudence de la Cour : l’accès au
dossier est ainsi l’une des prérogatives
de l’avocat.
Sur le nombre de gardes à vue, la très
grande majorité est mise en œuvre
pour de petits délits. Je suis favorable à
la suppression de la garde à vue pour
ces petits délits. Cantonner la garde
à vue aux délits graves et aux crimes
permet d’assurer la présence de l’avocat
dès la première heure de garde à vue
sans aucun problème d’organisation
pour l’Ordre.
Le droit à réparation ouvert contre
l’Etat pour faute ou carence fautive
des fonctionnaires de police, est ouvert
théoriquement. Il n’est pas mis en œuvre
car il n’est pas suffisamment connu de
nos concitoyens et un fonds spécifique
d’aide devrait être créé pour ce type
d’abus de garde à vue. La création d’un
fonds en faveur des victimes de gardes
à vue abusives pourrait constituer un
signal fort complémentaire à l’attention
des fonctionnaires de police pour
éviter les dérives que nous connaissons
aujourd’hui, dérives qui viennent
malheureusement de l’utilisation de
la sécurité à des fins médiatiques et
électorales.
possibles. C’est le sens de l’association
que j’ai créée avec Francis Teitgen et
Fabrice Orlandi « Je ne parlerai qu’en
présence de mon avocat ». C’est aussi
une des raisons pour lesquelles j’ai
présenté ma candidature au Bâtonnat :
défendre cette cause au nom de toute
une profession.
Maître Pierre-Olivier Sur:
J’ai été moi-même poursuivi en
diffamation pour avoir expliqué
publiquement en 2003 que les
conditions de garde à vue en France
étaient moyenâgeuses. Défendu par
Henri Leclerc et Basile Ader, j’ai gagné
en première instance mais perdu en
appel. Alors je me suis juré que je
soulèverais tous azimuts la nullité des
procédures de garde à vue devant toutes
les juridictions et toutes les tribunes
Concernant la réforme de
la composition des cours
d’assise
Maître Brigitte Longuet:
800.000, c’est trop ! La garde à vue
doit répondre à une évidente nécessité.
L’avocat doit être présent pendant les
auditions de son client et doit avoir
accès au dossier. Toutefois, une telle
réforme doit être financée pour que les
jeunes avocats commis d’office n’aient
pas une surcharge insupportable de
travail avec une disponibilité 24 heures
sur 24.
La garde à vue doit répondre à une
évidente nécessité. L’urgence n’est
pas l’indemnisation mais de fixer
strictement les critères permettant la
garde à vue car son usage a sombré
dans l’excès.
Maître Christiane FeralSchuhl:
Le projet de réforme du jury d’assise n’est
pas justifié. En un temps où l’on reproche à
la justice d’être extrêmement distante des
citoyens et où la confiance dans l’institution
judiciaire n’a jamais été aussi faible,
supprimer la présence des citoyens en
19. Le législateur a 11 mois pour remédier à l’inconstitutionnalité du régime de droit commun de la garde à vue,
les effets de l’abrogation des dispositions déclarées contraires à la Constitution étant reportés au 1er juillet 2011.
20. V. arrêt Medvedyev précité.
première instance des affaires criminelles
constituerait une erreur supplémentaire.
Chaque citoyen français, qui a pu participer
un jour dans sa vie à un jury d’assise, en est
généralement profondément changé car il
peut toucher du doigt l’extrême humanité et
fragilité des situations et de notre condition
humaine. Cette fragilité est celle de toutes
nos institutions, qui repose sur la confiance.
Eloigner davantage l’institution judiciaire du
citoyen, c’est prendre un risque de défiance
définitive de ceux-ci vis-à-vis de la justice.
Le parallèle entre l’Ordre des Avocats et
son Barreau peut être fait : tout ce qui
sera mis en place pour rapprocher l’Ordre
des Avocats de Paris de son Barreau est
fondamental. C’est mon projet pour le
Bâtonnat à venir.
Maître Pierre-Olivier Sur:
Je suis très attaché à notre système
actuel et à la force transcendantale de
l’intime conviction qui est accessible
tant aux professionnels qu’aux non
professionnels. Nous sommes tous
appelés à chaque instant de notre vie à
être le juge de l’autre
Maître Brigitte Longuet:
Le peuple est souverain. Pourquoi
supprimer le cas emblématique où des
citoyens sont associés à la décision de
Justice alors que la Justice est déjà mal
perçue dans la population ? La Nation
et la Justice doivent être réconciliées et
non pas séparées.
15
LA VIE DU BARREAU
LA VIE DU BARREAU
Avocat et politique
Le rôle majeur des avocats dans la vie politique
française n’est pas chose nouvelle. Comme le
rappelle l’historien Gilles Le Béguec dans son livre
« La République des avocats », une large partie de
la classe politique des IIIe et IVe Républiques était
membre du Barreau. Qu’il s’agisse de Raymond
Poincaré, de Robert Schuman, d’Edgar Faure, de
Pierre Mendès-France, de Vincent Auriol ou encore
de René Coty, la supériorité de leur formation
Avocat et politique
et de leurs réseaux, ainsi que leur éloquence, les
prédestinaient à dominer la vie politique.
Ces hommes politiques avaient souvent derrière eux
une longue carrière d’avocat, tandis que désormais,
ces deux types de carrière sont devenus moins
aisément conciliables. En effet, à partir des années
1960, la concurrence grandissante entre les cabinets
a eu pour conséquence d’obliger les avocats à
consacrer toujours plus de temps à leur clientèle.
Si certains avocats tels Robert Badinter, Jean-Louis
Borloo, Patrick Devedjian, Jean-Marie Bockel ou
encore Arnaud Montebourg ont perpétué cette
tradition en embrassant une carrière politique une
fois leur carrière de plaideur entamée, depuis une
dizaine d’années, un nombre croissant d’hommes
politiques opte pour le chemin inverse en enfilant la
robe après des années de vie publique. Phénomène
de mode ou vraie tendance de fond, comment cette
passerelle est-elle possible ? Que signifie ce regain
d’intérêt ? Et quels risques comporte-t-il ?
Les modalités de reconversion
des politiques en avocats
A
fin de devenir avocat, une demande dérogatoire
d’inscription au Barreau de Paris peut être déposée au
Conseil de l’Ordre. L’octroi de cette dérogation repose
principalement sur des conditions de diplômes et de qualifications
professionnelles21 .
Quasi-automatique pour les conseillers d’Etat, magistrats et
docteurs en droit, elle dépend de l’expérience professionnelle
pour d’autres professions : 5 ans pour les notaires, huissiers,
greffiers de tribunal de commerce, administrateurs et mandataires
judiciaires, syndics, maître de conférence en droit ou en scienceséconomiques ; 8 ans pour les juristes d’entreprise, de syndicats ou
de cabinets d’avocat, ainsi que pour les fonctionnaires de catégorie
A ou assimilés.
S’agissant des parlementaires, l’interprétation de ces critères est
laissée à l’appréciation du Conseil de l’Ordre qui décide au cas par
cas, puisqu’ils sont assimilés à des fonctionnaires de catégorie A.
16
21. Voir notamment l’article 11-2 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques qui indique que la profession
d’avocat est accessible aux « personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités en France, [titulaires] d’au moins une maîtrise de droit ou de titres ou diplômes reconnus
comme équivalents pour l’exercice de la profession » ; le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat qui prévoit ces équivalences ; l’arrêté
du 25 novembre 1998 qui fixe la liste des titres ou diplômes reconnus comme équivalents à la maîtrise en droit pour l’exercice de la profession d’avocat.
L’intérêt de prêter serment
pour les politiques
L
’avocature peut répondre à diverses préoccupations, plus
ou moins nobles et avouables, pour les politiques. Si cette
nouvelle orientation professionnelle peut être dictée par
des préoccupations d’intérêt général, comme la poursuite de
combats politiques à travers les arcanes judiciaires une fois un
mandat terminé, il peut également s’agir d’intérêts strictement
financiers liés au complément de revenus tiré de cette nouvelle
activité.
Plus pragmatiquement, prêter serment peut également représenter
une porte de sortie honorable après un passage en ministère ou
une défaite électorale, afin de conserver un certain statut social
avant de se remettre en selle politiquement.
De la défense de l’intérêt général à celle
d’intérêts privés, une confusion des genres ?
C
ette reconversion des politiques en avocats n’est pas sans
risque, ainsi qu’a pu le rappeler le député du Nord, M.
Christian Vaneste, lors d’une question au gouvernement
le 16 février dernier22. Celui-ci stigmatisait une confusion des
genres et une faille déontologique permettant aux parlementaires
d’exercer une fonction de conseil déguisée, alors qu’il leur est
interdit d’en débuter une qu’ils n’exerçaient pas lors de leur
entrée en fonction.
Toutefois, la garde des Sceaux a estimé dans sa réponse qu’un
ensemble de garde-fous existe et « encadre suffisamment l’exercice
de la profession d’avocat pour prévenir les conflits d’intérêts avec un
mandat électif » :
« l’article 117 du décret du 27 novembre 1991» indique que
« l’avocat investi d’un mandat de député, de sénateur ou de
membre du Parlement européen est soumis aux incompatibilités
édictées par les articles L.O. 149 et L.O. 297 du code électoral ».
Ces dispositions lui interdisent de plaider contre l’État ainsi que dans
les affaires dans lesquelles des poursuites pénales sont engagées pour
crimes et délits commis contre la nation, l’État et la paix publique ou
en matière de presse ou d’atteinte au crédit ou à l’épargne. Il ne peut
plaider ou consulter pour le compte d’entreprises nationales ou de
sociétés bénéficiant d’avantages publics, faisant publiquement appel
à l’épargne ou intervenant pour le compte ou sous le contrôle d’une
personne publique dans certains secteurs d’activité et dont il n’était
le conseil avant son élection. Il ne peut non plus plaider ou consulter
contre l’État, les sociétés nationales, les collectivités ou établissements
publics à l’exception des actions en responsabilité des dommages
causés par tout véhicule dirigées contre une personne morale de droit
public et relevant de la compétence des juridictions judiciaires. Ces
interdictions sont étendues à la société dont l’avocat fait partie et à
ses associés ».
Ces dispositions sont-elles réellement suffisantes ? Qu’en est-il des
politiques n’exerçant pas de mandat électif ? Ne peuvent-ils pas tout
de même être placés au cœur de conflits d’intérêts ? Le fait de
mettre leurs réseaux « publics » au service d’intérêts privés ne
peut-il pas comporter un risque de trafic d’influence ?
Face à ces interrogations, trois personnalités politiques ayant
prêté serment ont accepté de nous rencontrer afin d’aborder
ce sujet et de nous expliciter leur démarche. Morceaux choisis.
Grégoire Kopp – Promotion Jacques Attali – série M
Les politiques ayant prêté serment ces dernières années
Selon le Bâtonnier de Paris, M. Jean Castelain, le Barreau de Paris compte environ 80 hommes et femmes politiques
pour 22 000 inscrits. Parmi eux, nous ont notamment rejoints ces dernières années :
. François Baroin (2001)
. Hervé de Charrette (2001)
. Noëlle Lenoir (2001)
. Christian Pierret (2002)
. Claude Goasguen (2003)
. Dominique de Combles de Nayves (2004)
. Jean-François Copé (2007)
. Frédéric Salat-Baroux (2007)
. Dominique de Villepin (2008)
. Noël Mamère (2008)
. Manuel Aeschlimann (2009)
. Christophe Caresche (2009)
. Frédéric Lefebvre (2009)
. Georges Tron (2009)
. Jean Glavany (2010)
. Rachida Dati (2010)
. Pierre Joxe (2010)
. Dominique Perben (2010)
22. Voir la question écrite au gouvernement n° 71676, publiée au JO le 16 février 2010, page 1592, ainsi que la réponse y afférant, publiée au JO le 11 mai 2010, page 5361.
17
LA VIE DU BARREAU
LA VIE DU BARREAU
Avocat et politique
Avocat et politique
Entretien avec Noëlle Lenoir
Première femme membre
du Conseil constitutionnel,
Ministre déléguée aux
Affaires européennes de
Jean-Pierre
Raffarin,
Noëlle Lenoir est avocate
depuis 2001 et désormais
associée en charge du pôle
Europe du cabinet Jeantet.
Elle a accepté de nous
recevoir pour nous parler
de son parcours aux confins
du droit et de la politique.
Afin de bien comprendre vos
propos, pourriez-vous s’il vous plaît nous présenter votre
parcours ?
Ainsi, vous savez, j’ai fait de la politique, mais je ne suis pas
une politique. Je viens d’être réélue maire d’une petite commune
proche Paris, mais j’ai toutefois renoncé à mon mandat pour être simple
conseiller municipal car être maire à temps plein était un peu incompatible
avec mes fonctions. J’ai donc décidé d’aider pour certains dossiers, mais de
ne pas prendre de responsabilités. Je ne suis ainsi pas UNE politique au sens
où ma carrière politique n’a pas été issue de mon militantisme. A l’heure
actuelle, je fais ce que j’ai toujours fait : auparavant du côté du juge, un peu
particulier, puisqu’il s’agit du juge administratif ou du juge constitutionnel, à
présent du côté de l’avocat, même si c’est différent comme exercice.
Sur le site Internet du cabinet Jeantet, vous présentez
votre métier actuel d’avocat comme un aboutissement.
Est-ce de la com’ ou le ressentez-vous vraiment comme
cela ?
Evidemment, si demain on me propose de devenir Premier Ministre, peut
être que je ne réfléchirai pas très longtemps et que j’accepterai ! Ce n’est
pas un aboutissement au sens d’une fin, mais simplement, je pense que
pour quelqu’un ayant choisi comme moi de ne pas avoir une carrière à
100% politique, mais de rester dans un domaine d’expertise, le métier
d’avocat conjugue un certain nombre d’avantages. Certes, c’est un métier
extrêmement prenant, extrêmement insécurisant, puisque vous êtes libéral
et que moi qui ai été fonctionnaire pendant plus de 30 ans, je sais que c’est
très sécurisant. Même si les revenus sont moins importants, vous ne vous
posez pas la question de savoir si vous aurez encore des revenus le mois
suivant, si vous aurez encore des clients, si cela va marcher pour vous !
Je me suis toujours passionnée pour la politique.Chez moi,on était très politisé
et tout le monde était avocat ou magistrat. J’ai donc passé le concours du
Sénat à la sortie de Sciences Po et j’ai travaillé à la Commission des lois en
tant que chargée du budget de la justice, du droit des étrangers et du droit
pénal. J’étais ainsi en contact avec des parlementaires
qui étaient un peu en dehors de l’arène des conflits
politiques majorité/opposition, puisque le Sénat a un
rôle qui n’est pas d’avoir le dernier mot sur des textes.
« Il n’y a pas un dossier
Ces sénateurs, qui avaient déjà un certain âge, étaient
dans
lequel il ne soit pas
issus d’une génération d’après-guerre, pour certains
utile d’avoir un réseau,
de la Résistance. Elus pour 9 ans, beaucoup avaient
dans le public
de très grandes chances d’être réélus, ils avaient donc
comme dans le privé ».
un peu plus de recul et ce mélange entre le droit et la
politique m’a beaucoup plu.
Noëlle Lenoir
Je suis ainsi entrée en politique un peu différemment,
car j’ai toujours travaillé dans la proximité du milieu
politique : 10 ans au Sénat ; ensuite j’ai été directeur
juridique de la CNIL, collège composé pour partie de politiques, députés ou
sénateurs. Cette institution avait le vent en poupe car c’était tout nouveau :
j’y suis entrée en 1982 alors qu’elle a été installée en 1979. On découvrait
les fichiers de la police, il y avait donc un aspect un petit peu défenseur
des libertés, avec des parlementaires assez actifs. Après, je suis entrée au
Conseil d’Etat, et là ça a été le bras de l’état : entre les membres du Conseil
d’Etat, la Haute Administration, les milieux gouvernementaux, les cabinets
ministériels, il y a une très grande proximité. Et ensuite, j’ai été appelée à
devenir le directeur du cabinet du ministre de la justice, donc là aussi, c’est
de la politique.
18
Ce métier est donc extrêmement prenant, mais je ne
dis pas asservissant, car il déborde beaucoup sur la
vie personnelle, puisqu’il faut énormément travailler
dans les cabinets d’affaires. Mais c’est un métier qui
est d’abord passionnant : j’aime passer d’un thème
à l’autre. Bien que j’aie une spécialité, je ne pourrai
pas faire tout le temps la même chose ! Et puis il y a
un rapport avec les clients qui est différent, il y a un
aspect créatif, il y a du relationnel, de la recherche, de
l’imagination, de la stratégie, de l’expertise juridique,
c’est très complet, mais surtout, cela correspond à
mon tempérament assez indépendant.
J’imagine que votre expérience politique, où l’on se meut
tous les jours dans des rouages de différentes institutions,
vous sert à présent dans votre métier d’avocat ?
C’est sûr qu’il n’y a pas un dossier dans lequel il ne soit pas
utile d’avoir un réseau, dans le public comme dans le
privé. Notamment dans le public, c’est vrai que si je veux appeler le
directeur de cabinet de n’importe quel ministère, je peux l’avoir tout de
suite. Si je veux contacter la Commission européenne, à quel niveau que
ce soit (évidement on ne parle pas aux Commissaires européens), j’ai des
moyens d’accès qui tiennent compte non seulement du fait que j’ai fait
de la politique, mais également d’un parcours assez long, varié, diversifié.
Puisque j’ai été au Sénat, je connais un peu le milieu politique, majorité/
opposition ; j’ai fait de la politique locale, donc je connais aussi tout le niveau
des élus locaux ; j’ai été au Conseil d’Etat, qui est aussi un vivier, donc j’ai un
relationnel étendu à presque tous les secteurs d’activité de la vie publique,
et même privée, des affaires. J’ai été à la Justice, je connais les magistrats ;
j’ai travaillé au sein de la Commission européenne et j’ai présidé un Comité
d’éthique, je connais donc les rouages de la Commission ; je fréquentais
beaucoup de parlementaires européens, puisque j’ai été ministre. Je connais
pas mal de membres de gouvernements européens, je connais un peu
l’international puisque j’ai travaillé à l’UNESCO…
« En matière politique
ou gouvernementale,
on a des difficultés
à transformer le monde,
tandis qu’un dossier,
c’est plus ponctuel,
il y a un début, un milieu
et une fin ».
Noëlle Lenoir
Donc tout ceci s’ajoute, se cumule, et si vous aimez bien les gens et si vous
savez garder des liens de fidélité, ça fait un environnement qui est très riche
et qui est très utile aussi dans les affaires.
pense que dans une société où les gens ne sont ni bons ni méchants, où
la tendance naturelle est quand même d’être égoïste, intéressé, etc., il est
intéressant de défendre un certain point de vue.
Pour une personne qui a choisi comme vous de se
consacrer à la politique, c’est sûrement en raison de
convictions, d’envie d’œuvrer pour l’intérêt général.
N’est-ce pas désormais difficilement conciliable avec la
défense d’intérêts privés ? Est-ce pour vous un autre biais
pour défendre vos idées ?
C’est sympa d’essayer de résoudre un problème. Je ne peux pas vous donner
trop d’exemples concrets mais, même si vous avez une entreprise qui est
prise dans un cartel (et ce n’est pas bien un cartel !), il y a aussi toujours
des aspects à défendre. Surtout qu’à présent le plus souvent, l’évolution des
procédures fait que les entreprises reconnaissent l’essentiel, mais défendent
tout de même un certain nombre de points de vue, d’intérêts. Vous avez
aussi des dossiers en droit communautaire où l’on met en cause l’existence
d’un monopole de l’Etat. C’est bien, ce n’est pas bien … mais ce n’est pas
forcément mal de faire évoluer les situations ! Pour l’instant, il n’y a pas de
situation que j’ai faites évoluer que je regrette. Et puis vous verrez quand
vous serez avocat, il faut à la fois se mettre complètement dans son dossier,
être au service du client, adopter son point de vue, l’aider à le faire valoir, à
défendre sa thèse, ses intérêts, mais il ne faut pas s’identifier totalement à
ses clients. Je l’ai vu quand j’ai commencé la profession, j’avais tendance à
m’identifier, à la limite j’étais parfois plus soucieuse des intérêts d’un dossier
que le client lui-même !
C’est une question qui est très française, puisqu’ici on distingue l’intérêt
général, qui est forcément l’intérêt de l’Etat et des collectivités publiques,
forcément bon, des intérêts particuliers qui sont forcément inférieurs. J’ai
eu la chance pour l’instant d’avoir des clients dans lesquels je crois et de ne
pas œuvrer dans un sens qui n’est pas conforme à mes convictions.
Mais vous avez raison, la grande différence entre le métier d’avocat et par
exemple la fonction de Ministre, c’est que quand vous êtes Ministre, vous
avez le sentiment d’un peu faire avancer les intérêts du monde ou de la
France. Mais vos convictions, vous avez beaucoup de mal à les faire passer.
Ainsi, quand vous êtes dans le public vous avez de fortes convictions, mais
on vous demande souvent de défendre celles qui sont déterminées par les
lignes de la majorité en place, du gouvernement, ou les lignes du parti si
vous êtes dans l’opposition. Il y a donc à la fois une gratification
morale tirée du fait que l’on défende des idées et pas des
intérêts, mais du point de vue de l’efficacité, c’est parfois
un peu décevant.
Ces mêmes idées ne peuvent-elles pas justement être
défendues au travers d’intérêts particuliers de certaines
entreprises ?
Je trouve que le droit est assez fascinant car c’est un levier, un moyen
d’action, pour faire fonctionner une société. S’il n’y a pas de droit, il y a rien,
c’est l’anarchie. Je ne suis pas pour la loi et l’ordre au sens strict, mais je
Justement, qu’en est-il de l’adaptation au métier d’avocat ?
Je pense que l’adaptation au métier d’avocat, c’est qu’il faut toujours
avoir la maîtrise, qu’il ne faut pas que l’émotionnel soit présent. Il faut
également allier une expertise toujours impeccable, sans faille, et un
sens stratégique, ne serait-ce que pour présenter des arguments, et
puis peut-être faire plus. Ce qui m’intéresse aussi, c’est l’alliance entre
le droit et la stratégie. C’est un peu ce que je vous ai dit en matière
politique ou gouvernementale, on a des difficultés à
transformer le monde, tandis qu’un dossier c’est plus
ponctuel et donc il y a un début, un milieu et une fin.
Tandis qu’en général, quand vous êtes Ministre, vous poussez des
dossiers mais c’est votre successeur ou encore celui d’après qui en
récolte les fruits. .
19
LA VIE DU BARREAU
LA VIE DU BARREAU
Avocat et politique
Avocat et politique
s’adapter à cette valorisation du temps de travail…
« Il faut faire attention
aux conflits d’intérêts.
Cela devrait être
réglementé ».
Noëlle Lenoir
Cela fait plus de 5 ans que je suis avocate et effectivement, cela a été
une forte adaptation. C’est un élément de stress, mais l’on s’y met. Quand
on est associé, ce n’est pas tellement la question de la facturation qui
se pose, c’est surtout de rapporter un certain chiffre d’affaires. C’est un
mal nécessaire, mais je comprends maintenant et j’admire tous ceux qui
vendent des chaussures, sont bouchers, font du démarchage à domicile,
tous ceux qui doivent convaincre les autres qu’ils ont quelque chose à
leur vendre, à leur fournir. Evidemment on peut gagner beaucoup plus
d’argent que les fonctionnaires, mais c’est vraiment un stress.
Finalement, vous vous y retrouvez et ne regrettez pas ce
choix ?
S’agissant du phénomène de régulation actuel, qui prend
de plus en plus d’ampleur notamment avec la crise,
pensez-vous que le fait pour des cabinets d’avocats de
bénéficier de l’expertise d’anciens politiques permette
de mieux maîtriser cette soft law ?
Vous savez, je pense qu’en réalité, les politiques qui s’inscrivent au Barreau
font du lobbying. C’est une forme nouvelle de lobbying.
Mais ne pensez-vous pas qu’en étant à la fois
parlementaire et avocat, il puisse y avoir des risques de
conflit d’intérêts ?
Oui, il faut faire attention aux conflits d’intérêts. Je trouve
qu’on devrait réglementer cela. Je ne suis pas contre, mais je
pense que c’est un autre métier et j’estime que je ne fais pas ce métier
là. Quand je suis devenue avocate pour la première fois, avant d’être
nommée au Gouvernement, sans l’avoir préparé ni prémédité, j’étais
présidente d’un Comité d’éthique à la Commission qui s’occupait de tous
les aspects de santé, de biotechnologie, de technologie de l’information,
etc. Et bien, j’ai considéré que je devais démissionner, que je ne pouvais
pas à la fois présider le Comité d’éthique, me prononcer sur des textes, et
puis éventuellement avoir comme client des industries pharmaceutiques,
des entreprises de télécommunications…
Vous rejoignez ainsi Arnaud Montebourg qui a choisi de
ne plus exercer comme avocat à partir du moment où il
s’est investit pleinement en politique...
Oui voilà, une carrière politique en soi, cela remplit son temps !
Dernière question s’agissant de la gestion des clients : estce que la pression du chiffre d’affaires, chose nouvelle par
rapport au travail dans l’administration, c’est quelque
chose d’aisé ? Ne serait-ce que facturer son temps,
20
Non, je ne regrette pas. Parfois je suis un peu fatiguée, mais je ne regrette
pas, et c’est là que je me dis que pour un avocat, il ne faut pas tomber
malade ! Dans les cabinets d’avocats d’affaires prévaut un business
model inventé par les anglo-américains, c’est-à-dire le paiement au
temps, un service en continu, avec de jeunes qui travaillent 25h / jour,
etc. C’est un business model qui est bien car très formateur pour les
jeunes, très responsabilisant, permettant d’avoir tout de suite de grosses
responsabilités, mais qui devrait parfois tout de même être un peu revu.
Je trouve qu’il y a un côté un peu productivisme et je pense que le devoir
d’un avocat c’est aussi de ne pas conseiller au client de faire des trucs
inutilement.
Donc pour conclure, selon vous le fait que des politiques
embrassent la profession d’avocat, de manière encadrée,
permet de redynamiser notre profession ?
Oui, je pense qu’il y a deux pratiques. La pratique de lobbying : vous êtes
politique et en fait vous donnez un coup de pouce à certains dossiers,
vous présentez les industriels aux avocats… Ca c’est autre chose que le
métier d’avocat. Pour ma part, c’est vrai que d’avoir une carrière et un
certain nombre d’années derrière moi me facilitent un peu la tâche. Cela
me donne accès à l’information et donc c’est formidable, mais en tant
qu’avocate, je travaille beaucoup sur les dossiers vous savez !
Propos recueillis pour le Baromaître par Grégoire Kopp –
Promotion Jacques Attali – série M
Entretien avec
Jean Glavany
Actuellement Député des
Hautes-Pyrénées, Président
du Grand Tarbes et du Pays
du Val d’Adour, Jean Glavany
fut notamment Ministre
de l’agriculture et de la
pêche et Secrétaire d’Etat
à l’enseignement technique
au sein du gouvernement
Jospin entre 1998 et 2002.
Il vient de prêter serment
cette année et a accepté de nous recevoir pour
évoquer son futur métier d’avocat.
Pourquoi avoir voulu devenir avocat et pourquoi
maintenant, en cette année 2010 ?
Je débute sans projet professionnel précis. Dans le cadre de mes fonctions
de député, cela m’a permis de mettre une corde de plus à mon arc car, je
reçois dans ma permanence, chaque semaine, des citoyens qui sont souvent
dans des situations juridiques, voire judiciaires, délicates sinon pénibles.
Il m’est arrivé de temps en temps d’avoir envie d’aider certaines
causes, mais je ne veux pas mélanger les genres. Je ne veux pas le faire
systématiquement et concurrencer les avocats du Barreau de Tarbes.
Par ailleurs, j’ai 61 ans et je ne sais pas si ma vie politique va durer encore
très longtemps. Je sais bien que nous allons tous être amenés à travailler de
plus en plus longtemps, mais je pense qu’il faut savoir s’arrêter aussi dans la
vie politique. J’ai l’intention de m’arrêter avant 70 ans pour laisser la place
aux jeunes. Mais, n’ayant pas du tout l’intention de ne rien faire, c’est aussi
la préparation de cet après qui est entrée en ligne de compte quand j’ai
souhaité devenir avocat.
d’autres choses que je m’interdis. Je n’ai pas envie d’être avocat d’affaires.
Je pense que, déontologiquement, quand on est parlementaire de la
République, ce n’est pas bien. je n’ai pas envie non plus de traiter des
dossiers sur lesquels j’aurai pu travailler lorsque j’étais Ministre : cela devrait
heurter la morale publique, même si parfois cela passe inaperçu. Quand
je vois un ancien Ministre du Budget être avocat fiscaliste, je trouve cela
extrêmement choquant d’un point de vue éthique23 . Je n’ai pas envie non
plus de monnayer mon carnet d’adresses... C’est pourquoi je me demande
si, pour être à l’abri, non pas de tout reproche, mais de certains soupçons,
et être en accord avec ma conscience et mon éthique, je ne vais pas plutôt
m’orienter vers le droit public.
Certains avocats, notamment les plus jeunes en ces temps
de crise, peuvent manifester un certain scepticisme,
voire un sentiment d’hostilité vis-à-vis de l’inscription
de politiques au Barreau, tandis que d’autres, M. le
Bâtonnier notamment, s’en réjouissent. Qu’en pensezvous ?
Reconnaissons que quand je parle de tout cela avec des cabinets d’avocats
qui nous sollicitent, car il faut le dire, nous sommes sollicités, j’ai bien
conscience que, si j’entre dans un cabinet d’avocats, ce ne sera pas pour
prendre la place d’un jeune, car évidemment, ce que l’on me demandera,
ce n’est pas ce que l’on va demander a un jeune entrant dans la profession.
Toutefois, je ne sais pas encore quel type de structure je souhaite intégrer,
ni quel type de droit je souhaite pra tiquer.
Pensez-vous que votre carrière politique vous permettra
d’être un bon avocat ?
Je ne sais pas si je serai un bon avocat, je n’ai pas de certitudes !
Simplement, plus qu’un théoricien du droit, je suis un praticien du droit
puisque je suis législateur depuis une vingtaine d’années... J’ai produit
C’est donc l’envie de continuer à porter vos combats
d’une façon différente ? Mais avez-vous déjà plaidé ?
Oui, c’est exactement cela. Je n’ai pas encore porté la robe et je suis, pour
ainsi dire, en « stand-by ». Je suis pour l’instant domicilié dans le cabinet
d’un ami, qui m’héberge et me parraine, mais je n’ai pas encore choisi
le domaine dans lequel je souhaiterais me spécialiser. Il y a également
des choses que je ne peux pas et ne veux pas faire et c’est une manière
complémentaire de répondre. Certaines affaires sont sous le coup de
l’incompatibilité, voire de l’illégalité. Lorsque l’on est parlementaire, on ne
peut pas plaider contre l’Etat : c’est la moindre des choses. Mais il y a
23. Contacté par le Baromaître, l’intéressé n’a pas pu répondu favorablement à nos demandes d’entretiens
« Traiter des dossiers
sur lesquels j’aurai
pu travailler lorsque
j’étais Ministre :
cela devrait
heurter la morale
publique ».
Jean Glavany
21
LA VIE DU BARREAU
LA VIE DU BARREAU
Avocat et politique
plusieurs normes juridiques : des lois, des projets de lois, des propositions de
lois, etc. Je l’ai fait en tant que Ministre, à deux reprises, je suis allé défendre
des textes devant le Conseil d’Etat, j’ai signé des décrets... J’ai également
enseigné les institutions politiques, le droit constitutionnel à Sciences-Po,
comme maître de conférences pendant quelques années. J’ai donc une
expérience de praticien et il y a peut-être une forme de cohérence dans
l’action juridique à se dire « Tiens, voilà, j’élabore du droit, de la norme
juridique, pourquoi ne pas continuer dans cette voie-là, dans ce rapport
au droit ? ». Mais, honnêtement, je ne sais pas du tout si je serai un bon
avocat !
C’est aussi la souplesse du métier qui a pu vous inciter ?
Absolument, je ferai ce métier uniquement par plaisir. Je ne rentrerai pas
aujourd’hui dans un dossier pour m’ennuyer, parce je suis libéré d’un certain
nombre de contraintes. Je ne le fais pas pour l’argent, car je gagne ma vie
et je suis très privilégié puisqu’en tant que parlementaire, je bénéficie d’une
indemnité qui me procure largement de quoi vivre. A la différence d’un
jeune avocat, je n’ai pas besoin de gagner ma vie et je ne suis donc pas
contraint de m’occuper de dossiers qui m’ennuient. Je peux ne venir que
pour le plaisir, ce qui va me permettre de continuer à mener mes combats
politiques autrement.
Propos recueillis pour le Baromaître par Grégoire Kopp –
Promotion Jacques Attali – série M
Entretien avec
Noël Mamère
Député de la Gironde et
Maire de Bègles, Noël
Mamère fut également
jour-naliste, député européen et candidat à
l’élection
présidentielle
de 2002. Avocat depuis le
7 mai 2008, il a bien voulu
nous rencontrer afin de nous expliquer ce choix et
ses aspirations.
Pourquoi avoir choisi d’exercer ce métier après une
carrière aussi diversifiée que la votre ?
J’ai commencé mes études par quatre années de droit, ainsi que Sciences
Po par équivalence : en troisième année de droit, je suis entré en deuxième
22
Avocat et politique
« Il y a conflit d’intérêts.
L’Ordre des Avocats
devrait donc fixer des règles
beaucoup plus précises
afin de définir
le périmètre dans lequel
on peut exercer la profession
d’avocat
tout en ayant des
fonctions électives. »
Noël Mamère
année de Sciences Po. J’ai suivi les cours du CAPA pendant trois mois parce
que cela me plaisait beaucoup, mais j’étais déjà journaliste. Ce double
cursus m’a appris à faire de la recherche, à organiser ma pensée selon un
plan en deux parties/deux sous-parties et m a permis d’acquérir une solide
culture générale.
Pourquoi avoir choisi de prêter serment ?
Pourquoi j’ai prêté serment ? Parce que j’ai eu une vie avant la politique
et que j’espère être assez fort pour avoir une vie après la politique. Je ne
veux pas reproduire ce que tant d’hommes politiques ont fait, contribuant à
scléroser un peu la vie politique française. Si vous voulez, avocat, c’est un peu
le prolongement naturel de l’idée que je me fais de mon métier. Défendre
des personnes pour prolonger des combats politiques que je mène depuis
longtemps, à la fois en tant que journaliste et en tant qu’homme politique.
C’est la raison pour laquelle, depuis ma prestation de serment en 2008, je
considère que la priorité doit être donnée à mes fonctions de député et de
maire. Actuellement, mon activité d’avocat se fait plutôt à titre extraordinaire.
J’ai plaidé trois fois, toujours, à la demande de confrères avocats qui sont
aussi des amis. La première fois, devant la Cour d’appel de Montpellier pour
des faucheurs volontaires qui refusaient le prélèvement ADN. Nous avons
gagné, la Cour de cassation a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel et cela
fait aujourd’hui jurisprudence. La deuxième fois, c’était pour défendre Olivier
Besancenot contre la société TASER qui l’avait attaqué en diffamation : un
sujet sur lequel je m’étais déjà impliqué en tant que député puisque je l’avais
accueilli à l’Assemblée Nationale pour le soutenir quand il avait été attaqué.
Je n’étais pas encore avocat et il se trouve que son avocat, qui était aussi le
mien, m’a dit : « Eh bien maintenant que tu as prêté serment, tu vas venir
avec moi plaider ! ». La troisième fois, c’était contre le maire de Nîmes qui
était accusé de prise illégale d’intérêts. Je reçois de nombreuses lettres,
demandes de personnes qui s’imaginent – sans doute en raison de ma
notoriété – que je vais pouvoir résoudre leur problème lorsque les avocats
qu’ils ont rencontré n’ont pas réussi à obtenir gain de cause.
Mais pourquoi avoir prêté serment à ce moment là, en
2008, au cours de vos mandats ?
Parce que les circonstances m’y ont conduit, le Bâtonnier Monsieur
Charrière-Bournazel, très ouvert, et des amis qui étaient à l’époque avocats
m’ont incité à faire cette demande. Et c’est vrai qu’avec l’affaire des
faucheurs de maïs OGM, une fenêtre s’est ouverte et je l’ai saisie, bien que
ce soit arrivé un peu tôt.
Comprenez-vous le recours que le COSAL (Contre Ordre
Syndicat des Avocats Libres) a intenté contre votre
admission au Barreau ?
« Ce que je voudrais,
c’est concevoir mon
rôle d’avocat dans un secteur
particulier (…) qui serait
en quelque sorte
le prolongement des
combats politiques
que je mène depuis
longtemps ».
Je précise d’emblée que le COSAL a perdu. Je pense que je ne connais
pas la personne qui anime le COSAL. J’ai regardé leur site parce qu’on
m’a demandé de le faire. Je trouve que j’aurais pu l’attaquer, c’est de
l’acharnement, mais bon…
Donc plutôt une réaction vis-à-vis de votre personne
que vis-à-vis des politiques entrant dans la profession en
général ?
Je pense que c’est plutôt une réaction contre moi. Je pense que ce Monsieur
que je ne connais pas semble avoir beaucoup de haine envers moi et je le
plains car je considère la haine comme une seconde souffrance, mais moi
ça va, je vis bien, parce que je ne hais personne.
S’agissant d’autres politiques qui ont choisi d’entrer dans
de grands cabinets d’affaires, ne pensez-vous qu’il y a
une contradiction entre le fait d’être député, mandat
électif dépositaire d’une part de souveraineté de l’Etat,
et le fait de défendre des intérêts privés dans le cadre de
ces nouvelles fonctions ?
Rappelons qu’un député n’a pas le droit de plaider contre l’Etat. Mais
oui, il y a une contradiction sur laquelle j’insiste. Je ne me considère pas
comme meilleur que les autres, mais je pense qu’il y a quand même une
grande différence entre quelqu’un qui prête serment et qui n’a plaidé qu’à
titre bénévole, même si je ne vais pas m’en vanter car je sais qu’il y a de
jeunes avocats qui n’ont pas de clients et qui sont sans doute bien plus
talentueux que moi et c’est de la concurrence faussée si je puis m’exprimer
ainsi, je tiens à le préciser quand même. Mais aujourd’hui, être avocat me
coûte plus cher que ce que cela ne me rapporte, ne serait-ce que par les
cotisations que je verse au Barreau. Mais ce n’est pas grave. La réalité,
c’est qu’entre un Mamère qui prête serment et un Copé qui entre dans un
grand cabinet, payé avec un forfait « solide », supérieur à son indemnité
de député, et qui, de plus, collabore avec un cabinet qui travaille beaucoup
pour le CAC 40, chargé, entre autres, de l’étude de la privatisation de GDF,
je trouve qu’il y a conflit d’intérêts. L’Ordre des Avocats devrait donc fixer
des règles beaucoup plus précises afin de définir le périmètre dans lequel
Noël Mamère
on peut exercer la profession d’avocat tout en ayant des fonctions électives.
Il y a plein de gens comme ça. Monsieur Copé c’est le plus voyant, mais il
y en a plein ! Avant qu’il soit ministre, Monsieur Tron avait même une peur
bleue que le COSAL gagne en se disant, « ça va me tomber dessus » quand
je prêterai serment !24
Plus concrètement, en quoi pensez vous que l’expérience
engrangée dans vos précédents métiers puisse vous servir
dans votre métier d’avocat ?
Cela s’appelle la VAE : « Valorisation des Acquis et de l’Expérience ». Je
suis comme de nombreuses personnes, arrivées à un certain âge, avec
une certaine expérience que je souhaite valoriser. La France est un pays
très archaïque pour cela : on a beaucoup de difficultés à accepter cette
idée. La France est un pays dans lequel il faut obtenir des diplômes.
Malheureusement, comme le savez, vous appartenez à une génération
qui est titulaire de diplômes et qui entre très tard dans la vie active. On
offre à des bac + 5 ou bac + 6 des stages : c’est ça le vrai problème de
notre pays. La valorisation des acquis de l’expérience est très compliquée à
faire entrer dans les mentalités. La preuve, on licencie quelqu’un qui a 53
ans aujourd’hui, considéré comme un moins que rien, alors qu’on a encore
beaucoup à apporter, au moment même où l’on reporte l’âge légal de la
retraite. C’est tout de même paradoxal ! L’expérience c’est quelque chose
de significatif, qui a un sens, et une utilité pour la société !
Propos recueillis pour le Baromaître par Grégoire Kopp –
Promotion Jacques Attali – série M
24. Contactés par le Baromaître, les intéressés n’ont pas souhaité répondre favorablement à nos demandes d’entretiens.
23
LA VIE DU BARREAU
La campagne du Bâtonnat
Election au bâtonnat de Paris
Election
au bâtonnat de Paris
En fin d’année se dérouleront les élections
ordinales, au cours desquelles l’ensemble
des avocats inscrits à l’ordre du Barreau de
Paris désigneront leur Bâtonnier et, depuis
le Décret du 14 octobre 2009, leur vice
Bâtonnier. Invités du Baromaître, les trois
candidats nous ont fait part de leur avis
sur nos dossiers et tiennent à présenter
aux élèves avocats les grands traits de leur
campagne.
L
Qu’est ce qu’un Bâtonnier ?
e bâtonnier est le représentant des avocats et le garant du
respect de la déontologie et de la discipline. Il est ainsi à la
fois conseil et gardien des avocats de son barreau, institué
dans le ressort de chaque Tribunal de Grande Instance.
Désigné au moment du rétablissement de l’ordre en 1810 par
le Procureur général afin de permettre à Napoléon de « couper
la langue aux avocats qui s’en servent contre le gouvernement »25 , le
Bâtonnier est depuis 1830 indépendant et élu par ses pairs, ce qui
lui vaut désormais le qualificatif de « primus inter pares ».26
Élu pour deux ans aux termes d’un scrutin secret majoritaire à
deux tours, le Bâtonnier préside aujourd’hui le Conseil de l’ordre,
qu’il gère, représente l’Ordre en justice, prévient et concilie les
différends professionnels des avocats entre eux ainsi que les litiges
entre avocats et clients/magistrats. Il reçoit les plaintes des tiers
et est également l’autorité de poursuite devant le Conseil de
discipline. Enfin, il est la voix de l’Ordre sur les sujets d’actualité.
Il est le « chef des avocats », autrefois chargé de porter la hampe
de la bannière de la confrérie de Saint Nicolas selon certains,
arborant majestueusement le bâton prieural sous l’égide de Saint
Yves selon d’autres.
Le nouveau vice du Bâtonnier
D
epuis 2009, le Bâtonnier n’est plus seul. Il est assisté d’un
vice Bâtonnier dont la candidature est présentée avec la
sienne. Leurs mandats sont liés, par la durée et par une
25. Source : site Internet du Barreau de Paris
26. Le premier parmi ses pairs
27. Article P.65 du Règlement intérieur du Barreau de Paris
certaine complémentarité de fonction.
C’est ainsi que Jean-Yves Leborgne, Vice Bâtonnier en exercice,
est en charge de l’activité pénale du barreau de Paris, et s’est vu
déléguer les fonctions qui y correspondent.
L
La personnalité émergente : le dauphin
’élection ordinale a vocation en réalité à désigner un «
dauphin ». Ce dauphin accompagne le Bâtonnier avant de
lui succéder. Il prend connaissance des affaires de l’Ordre
et peut, à l’issue du mandat de son prédécesseur, être opérationnel
rapidement. Il a ainsi le loisir de préparer réformes et adaptations
en prenant connaissance des impératifs de sa fonction.
Le Vice Bâtonnier élu est qualifié de « vice dauphin ». Certaines
inquiétudes demeurent toutefois sur les modalités de la relation
entre Vice Bâtonnier et dauphins/vice-dauphin.
L
Comment se déroulent les élections ?
es élections sont tenues « dans les trois mois qui précèdent
la fin de l’année civile, aux dates fixées par le conseil de l’ordre
».27
Aux alentours de novembre, les candidats devront procéder à
une déclaration de candidature, la liste définitive devant ensuite
être validée. La « profession de foi » de chacun des candidats sera
ensuite publiée au bulletin du barreau de Paris (édition spéciale
élections).
Vers le début du mois de décembre, les élections ordinales
proprement dites se dérouleront sur deux jours, par vote
électronique ou papier.
Le scrutin est secret, majoritaire, et comporte deux tours.
En décembre 2008, Jean Castelain avait été élu dauphin à 378
voies près. 8838 suffrages avaient été exprimés, sur près de 18.000
avocats de la place parisienne. Ce sont donc près de la moitié des
avocats qui se mobilisent pour élire à leur tête une personne qui
leur ressemble.
Nous espérons que les jeunes avocats, conscients des moyens
d’adaptation et d’accompagnement dont dispose leur Bâtonnier
et sensibles au cadre de leur profession, se précipiteront vers les
urnes.
Hadrien Pellet – Promotion Jacques Attali – série J
25
LA VIE DU BARREAU
La campagne du Bâtonnat
LA VIE DU BARREAU
La campagne du Bâtonnat
Interviews croisées des candidats
Présentation de Maître Longuet et de Maître Chemouli
Interviews croisées des candidats
de dynamiser l’ensemble des activités libérales et les rendre plus
compétitives. Les avocats y trouveront un nombre considérable
de moyens permettant le développement de leurs activités.
Tout en conciliant l’héritage éthique de la Profession et le défi
lancé par l’Union Européenne portant sur les prestations de
services au sens large, une urgente modernisation de notre
profession s’impose.
Cette modernisation implique l’accès à de nouvelles activités
(actes d’avocat, agent littéraire et artistique, agent sportif,
intermédiaire en assurance, fiduciaire, lobbyiste, mandataire en
transactions immobilières, CIL…).
Comme tout développement, notre extension ne se fera pas sans
les outils de développement propres aux PME et la modernisation
des structures existantes.
L’avocat est amené à travailler avec d’autres professionnels et
en ce sens, l’interprofessionnalité (c’est-à-dire un travail en
complémentarité avec les autres professions) doit se développer.
La candidature de Brigitte Longuet avec Hervé Chemouli répond
à tous ces objectifs.
Êtes-vous favorable
à une modification
de la scolarité à l’EFB ?
Maître Christiane
Feral- Schuhl :
Il me paraît nécessaire
d’intégrer dans le tronc
commun des matières telles
que la comptabilité, la psychologie, les
ressources humaines…. à l’image de ce
que font certaines grandes écoles. Nous
devons mieux aider les avocats à prendre
la mesure de l’exercice libérale et de
l’approche entrepreneuriale.
Maître
Pierre-Olivier Sur :
Côté élèves-avocats, il faut
limiter la scolarité à un an
dont six mois de stage à
l’étranger et six mois en
cabinet avec (le samedi et en soirées)
quelques grands cours ainsi que des
ateliers de foisonnements dans des
cabinets labellisés. Côté enseignants, il
faut relever et diversifier le niveau avec
: une notation obligatoire des professeurs,
un cobranding ouvert sur les grandes
écoles, du coaching, une ouverture aux
réseaux, etc.
Maître Brigitte
Longuet :
Totalement. Je suis pour une
formation pratique ; c’est
au sein des cabinets que la
formation est la meilleure, le retour à
l’Ecole ne doit être que ponctuel pendant
des périodes limitées. La réussite à
l’examen d’entrée doit conférer le titre
d’Avocat et non plus le titre d’élève Avocat.
Êtes-vous favorable à
une augmentation de la
rémunération minimum des
avocats stagiaires ?
Maître Christiane FeralSchuhl :
En premier lieu, il faut faire respecter la
rémunération minimum de la collaboration
conseillée par l’Ordre ou l’UJA. C’est,
dans un second temps, en fonction de
la situation économique générale, que
pourra être examinée la question de
l’augmentation des minima proposés et
26
leur adaptation aux nouvelles formes de
collaboration.
Maître
Pierre-Olivier Sur :
Non, car cela entraînerait par un jeu de
dominos la nécessaire augmentation de la
rémunération minimum des collaborateurs
et l’impossibilité micro-économique pour
les cabinets de faire face.
Maître Brigitte Longuet :
Les syndicats d’Avocats, tous unis en
janvier 2007 ont obtenu une rémunération
minimum pour l’élève avocat. Il est temps
maintenant de les interpeller pour revoir
cette rémunération ; Une augmentation
sera plus facile à obtenir dans le cadre
de la réforme de la scolarité que je
préconise avec Hervé CHEMOULI et
qui s’accompagnera de l’exonération des
charges sociales.
Avez-vous toujours voté aux
élections professionnelles ?
Maître Christiane
Feral-Schuhl :
Que ce soit Yvon Martinet ou moi-même,
nous avons toujours porté un grand
intérêt à l’Ordre et donc, aux élections
professionnelles. Nous y avons même été
très impliqués puisque j’ai dirigé, en 2004,
avec Bruno Marguet, la campagne du
Bâtonnier Yves Repiquet. Yvon Martinet a
quant à lui dirigé, en 2000, la campagne
du Bâtonnier Paul-Albert Iweins et, en
2006, avec Didier Chambeau et Patricia
Savin, celle du Bâtonnier CharrièreBournazel. Il me paraît très important que
les jeunes avocats s’intéressent à l’avenir
de leur profession et prennent la mesure
du choix du Bâtonnier qu’ils élisent.
Maître
Pierre-Olivier Sur :
Non, je me souviens d’un avion raté,
c’était avant qu’on puisse voter par
internet… une fois, juste une fois… mais
sinon, depuis ma prestation de serment
en 1985 toujours ! Ce serait amusant de
rechercher les registres d’émargements
des élections qui en attestent. (Vous me
donnez une idée, je sais où en retrouver
quelques-uns).
Et si j’ai prêté serment en novembre
1985 plutôt qu’en janvier 1986 comme
la plupart de ma promotion, c’est que
Frédéric Nouel avait réuni ses camarades
et constitué un petit groupe pour leur
permettre ainsi de voter en faveur de son
père. En effet il se présentait au Bâtonnat
en novembre 1986 et à l’époque il
fallait un an d’ancienneté pour qu’un
jeune avocat puisse voter. C’est donc
mon premier souvenir de campagne au
Bâtonnat. A l’Ecole du Barreau !
Maître Brigitte Longuet :
Je n’ai pris conscience qu’après une
dizaine d’années d’exercice, de l’utilité
des institutions ordinales. Ma démarche,
actuelle s’inscrit dans la volonté de
moderniser l’Ordre face aux exigences
européennes et de donner à l’Avocat toute
sa place dans la société de demain.
Quelle profession
auriez-vous embrassé si vous
n’aviez pas été avocate ?
Maître Christiane
Feral- Schuhl :
Avocat. Cette profession est d’une grande
richesse. Elle m’a beaucoup apporté
depuis que j’ai prête serment en 1981. Je
voudrais communiquer à chacun d’entre
vous l’enthousiasme qui est le mien et
faire que chaque avocat du Barreau de
Paris soit fier de son appartenance à ce
Barreau.
Maître
Pierre-Olivier Sur :
J’aurais été à la barre d’un bateau à voile.
Marin, c’est mon deuxième métier.
Maître Brigitte Longuet :
Avocat spécialisé dans une discipline que
je ne pratique pas ou peu dans l’un des
nouveaux champs qui s’offrent aux Avocats
(agent littéraire, agent artistique … )
Qui sont Brigitte Longuet
et Hervé Chemouli ?
Une candidate au Bâtonnat et un candidat au ViceBâtonnat qui, au-delà de leurs propres cabinets,
ont toujours travaillé pour leurs Confrères et
continuent encore à s’engager pour la Profession.
Brigitte Longuet : successivement membre du Conseil
de l’Ordre et Présidente de la Commission Formation
du Conseil National des Barreaux (2002-2008) puis
membre de la Commission Nationale de Concertation
des Professions Libérales à Bercy (2003 – 2010).
Hervé Chemouli : successivement membre du Conseil
de l’Ordre et du Conseil National des Barreaux
(2000-2005), Secrétaire de la Conférence (1982) et
actuellement directeur financier adjoint de l’Union
Internationale des Avocats.
Une candidature pour le Bâtonnat
et le Vice-Bâtonnat pourquoi ?
Leurs expériences au service de la Profession, la proximité acquise
et développée avec l’ensemble des confrères, les combats menés
et ceux qu’ils envisagent, animent leur volonté de présenter leurs
candidatures pour ces responsabilités.
Brigitte Longuet a élaboré, à la demande de M. Hervé Novelli,
Secrétaire d’Etat (chargé du Commerce, de l’Artisanat, des
Petites et Moyennes Entreprises, du Tourisme, des Services et
de la Consommation), un rapport sur les professions libérales.
La profession d’avocat y est évidemment et nécessairement
concernée. Brigitte Longuet préconise 33 mesures permettant
Et pour les jeunes ?
Ces défis sont ceux des jeunes. Notre candidature s’inscrit dans
l’exercice de la profession d’avocat au XXIème siècle. La formation
des jeunes doit tenir compte de ces nouveaux enjeux et si l’idée
d’une formation commune avec les autres professions s’inscrit dans
cette évolution, il semble que l’instauration d’un examen national
d’entrée aux Ecoles d’avocat et une formation en alternance avec
des stages pendant la durée de la formation peuvent constituer
un régime plus adapté pour les élèves-avocats que l’actuelle EFB.
La réforme envisagée du CAPA doit aller plus loin : accentuer les
épreuves sur la déontologie certes, mais assouplir beaucoup plus
le régime d’obtention du CAPA par un unique contrôle continu et
favoriser les cours pratiques, notamment en gestion, comptabilité,
langues (par exemple le chinois).
Face à la crise, les difficultés de recrutement, la mobilité
professionnelle des jeunes est d’autant plus d’actualité. Les
recruteurs requièrent une plus-value. Les futurs confrères doivent
donc savoir exploiter les stages effectués dans les entreprises, dans
les institutions et associations.
Enfin, la profession d’avocat doit rester attractive. Les jeunes
entrent dans la profession en l’idéalisant. Il ne faut pas qu’ils soient
déçus.
Or, leurs charges sont beaucoup trop lourdes dès la 3ème année
d’exercice. Il faut y remédier.
La majorité des jeunes souhaite faire leur carrière dans un même
cabinet d’avocats. Il faut valoriser et comprendre leurs souhaits
et accompagner ceux qui souhaitent, après un certain nombre
d’années d’expérience, leur installation dans leur propre structure.
27
LA VIE DU BARREAU
LA VIE DU BARREAU
La campagne du Bâtonnat
La campagne du Bâtonnat
Présentation de Maître Sur et de Maître Paley-Vincent
Présentation de Maître Feral-Schuhl et de Maître Martinet
activité, en France comme à l’étranger
• Organiser, en liaison avec les Commissions ouvertes, les alertes
sur les évolutions législatives et réglementaires, pour permettre un
lobbying efficace afin d’intervenir en amont, avec le CNB, sur les
textes concernant la Profession
• Créer la Fondation Barreau de Paris Solidarité (Journée des Droits
fondamentaux, congé de solidarité libérale, prix annuel décerné à un
avocat ou un cabinet d’avocat…) pour promouvoir nos valeurs de
dignité, d’humanité et de désintéressement.
armes entre les personnes morales et les personnes physiques, en
termes d’honoraires, de déductibilité d’impôt, et de récupération de
la TVA. Nous avons déposé une QPC sur ce sujet et nous ne lâcherons
pas. De même, nous nous préoccuperons de l’aide juridictionnelle,
des structures d’exercice et de la défense du périmètre du droit.
- Nous défendrons les valeurs portées par la profession à l’étranger
où nous ne nous déplaçons pas pour inaugurer les chrysanthèmes ou
boire du champagne : Sarajevo en 1995 pendant le siège de la ville ;
Conakry en 2000 pour Alpha Condé jeté en prison par le dictateur
Lansana Conté ; Phnom Penh en 2010 pour que les victimes des
crimes contre l’humanité puissent se constituer partie civile, ce qui
est une première en droit pénal international. Nous serons de tous
les combats pour les libertés publiques, avec les jeunes avocats.
Pour un batonnier vigie des libertes
• Défendre les libertés publiques, mais également les libertés
économiques et professionnelles
• Créer la Cour d’arbitrage de l’Ordre des avocats de Paris unifiant
l’ensemble des procédures ordinales
• Veiller à ce que les technologies ne portent pas atteinte à la vie
privée et aux libertés individuelles.
Quelle communication
pour diffuser notre programme ?
Aimer le Barreau… au point de vouloir en devenir
les Bâtonniers. C’est notre marque de fabrique. Et
c’est l’enthousiasme que nous voulons transmettre à
la profession via l’EFB.
Catherine Paley-Vincent : J’ai siégé au Conseil
d’administration de l’EFB et donné des cours de Pratique
de l’introduction d’instance, devenu Foisonnement.
Pierre-Olivier Sur : J’y enseigne depuis 15 ans et j’anime à
la Mutualité une conférence sur les « Grandes figures du
Barreau ».
Nous avons tous les deux prêté serment à 22 ans, été secrétaires
de la Conférence, élus au Conseil de l’Ordre, membres du CNB
ou de l’UJA, et pour Catherine Paley-Vincent président du Comité
d’Ethique. Pendant nos mandats nous avons défendu les valeurs
de transparence, de déontologie, de discipline et plaidé pour un
rayonnement de notre Barreau.
Quel est – concrètement – notre programme ?
- Le produit d’assurance perte de collaboration pour les avocats ayant
jusqu’à cinq ans de Barreau est prêt à fonctionner. Il est aujourd’hui
entre les mains de l’Ordre et de l’UJA. Si nous sommes Bâtonniers,
nous le mettrons en œuvre.
- Notre association « Je ne parlerai qu’en présence de mon avocat »
est en première ligne dans le combat pour la présence de l’avocat en
garde à vue. Nous sommes parmi les initiateurs de cette action qui
est aujourd’hui celle du Barreau tout entier. Nous nous réjouissons
du grand nombre de confrères qui ont téléchargé nos conclusions
de nullité de garde à vue sur le site de l’association. Si nous sommes
élus, nous poursuivrons le combat, et nous organiserons la profession
pour y faire face.
- Nous défendrons le justiciable en remettant en cause l’inégalité des
28
Avec nos directeurs de campagne Serge Perez et Kami Haeri, nous
n’avons pas eu recours à une boîte de com. Notre blog www.
poscriptum.fr a été mis en place avec les moyens du bord, de même
que notre association Je ne parlerai qu’en présence de mon avocat.
Nous sommes heureux de nos succès jusqu’à présent : notre blog
a reçu en quatre mois plus de 9 000 visiteurs différents… et nous
twittons pendant nos réunions publiques.
Très spécifiquement concernant l’EFB, nous avons débattu avec vous
le 29 juin 2010.
Quels étaient les thèmes abordés :
- Dessiner une trajectoire d’excellence à l’issue d’une scolarité
nécessairement réduite à un an.
- Evaluer les professeurs : seuls les meilleurs enseigneront à l’école. Nous
valoriserons la fonction par la création d’un titre « Enseignant EFB ».
- Etablir un co-branding avec les grandes écoles : faire intervenir leurs
enseignants dans leurs spécialités (HEC, ESSEC, Sciences Po, Ecole
Polytechnique) et inviter des professeurs étrangers.
- Rendre les stages à l’étranger plus accessibles. D’autres écoles l’ont
fait. Nous le ferons.
- L’EFB doit savoir parler argent et carrière. L’école doit coacher le
futur avocat pour l’aider à mieux aborder la relation qu’il établira avec
son cabinet d’une part, et les clients d’autre part. Le jeune avocat doit
être préparé au cap des six premiers mois de collaboration, et à celui
des deux ans.
- Aider le futur confrère à développer et valoriser ses réseaux.
- Investir l’Université le plus tôt possible. Allons y parler, dès la
première année, de notre métier !
- Trouver un équilibre entre carrière et vie de famille, en développant
pour les jeunes pères et mères les outils d’un travail à distance
sécurisé grâce à un package technologique fourni par l’Ordre ;
- Enfin, dédramatiser la question de la spécialisation acquise en
Master 2. La seule spécialisation qui compte, c’est l’enthousiasme et
l’EFB doit être l’école de l’enthousiasme !
Vos questions, nos réponses, tout est en ligne : surpaleyvincent.com
C.Féral-Schuhl, cofondatrice de FERAL-SCHUHL /
SAINTE-MARIE (www.feral-avocats.com) , cabinet dédié
aux technologies (classé pour la 10ème année consécutive
« leader » par les guides professionnels). AMCO, ancien
administrateur de la CARPA,
Présidente de l’Association pour le développement de
l’informatique juridique, auteur de Cyberdroit, (Dalloz,
10ème édition, sept. 2010).
Y.Martinet, cofondateur de SAVIN MARTINET ASSOCIES
(www.smaparis.com), cabinet dédié au droit de
l’environnement et du développement durable, ancien
Premier Secrétaire de la Conférence, Ancien Président de
l’UJA, ancien membre du CNB et du conseil d’administration
de l’EFB ; diplômé d’HEC.
Chacun est aussi médiateur, arbitre et expert juridique
international dans sa spécialité.
Pour un ordre partenaire
• Accompagner les avocats dans la dématérialisation des procédures
applicable à compter du 1er janvier 2011 et la mise en œuvre effective
de l’acte d’avocat
• Créer une centrale d’achats pour négocier, au profit des 22
000 avocats, des accords-cadres avec des prestataires référencés
(informatique, bureautique, e-rooms mutualisées, archivage, prêts,
gestion de trésorerie, épargne salariale….) et des structures d’aide à la
personne (crèches associatives, SOS Nounou….)
• Défendre la profession face aux administrations (franchise sociale,
crédit d’impôt pour l’aide juridictionnelle, …) et juridictions
(délais, présentation des dossiers de plaidoiries, harmonisation
des pratiques …)
Pour un barreau solidaire
• Mutualiser l’information utile aux avocats pour l’exercice de leur
Etre avocat au Barreau
de Paris en 2010 : une chance
Via nos questionnaires et échanges, élèves-avocats et jeunes avocats
ont exprimé le besoin de réformer l’EFB et la collaboration. Nous
proposons trois objectifs :
Une formation d’excellence
• Ajouter des matières au tronc commun (gestion, ressources
humaines, psychologie, langues, …)
• Se professionnaliser via des instituts spécialisés (ex. l’Institut de
Droit Public des Affaires)
• Mettre en œuvre le contrat d’apprentissage
Une collaboration confiante
• Intégrer à notre Règlement intérieur les principes de la collaboration
libérale, base des contrôles déontologiques
• Négocier des accords-cadres pour permettre au collaborateur
ou au cabinet avocat de souscrire une assurance facultative Perte de
collaboration libérale traitée comme la prévoyance Madelin, garantissant
60 à 70 % de la rétrocession de base sur 1 à 2 ans (ex. assurance
protection des mandataires sociaux)
• Créer un label Chance collaboration pour les cabinets s’engageant
sur la gestion sociale et des carrières
Une installation facilitée
• Fusionner les Bureaux des carrières et des structures en un
Bureau du développement professionnel, chargé de l’observatoire
des activités et, avec l’UJA, de la bourse aux projets d’installation et
d’association
• Favoriser l’installation via la centrale d’achats qui pré-négociera
des contrats cadres pour que le jeune avocat profite des meilleures
conditions économiques et de solutions de financement adaptées
• Etendre la pépinière aux cabinets individuels voulant se regrouper et
aux jeunes installés, créant un lien inter générationnel
29
LA VIE DU BARREAU
LA VIE DU BARREAU
Le numerus clausus pour les avocats :
Corporatisme ou œuvre de raison ?
Michèle Alliot Marie a ravivé les flammes de
la polémique en évoquant l’instauration d’un
numerus Clausus pour les études d’avocats. Il
viserait à endiguer la croissance effrénée du
nombre d’avocats français : plus 44% en dix ans.
Le débat passionne, choque et fait se rencontrer
des opinions souvent antagonistes.
Q
uand certains rêvent d’une « grande profession du droit »,
d’autres œuvrent à mieux délimiter leurs domaines
d’intervention. Par opposition, les « petites professions du
droit » graissent les contours de leurs métiers. Des pourparlers se
sont engagés, élevant les frictions jusqu’au dithyrambe. Avocats et
notaires se sont ainsi rapprochés pour pallier la multiplication des
« avocats avec des revenus très faibles » et sécuriser les domaines
d’intervention des notaires. L’idée d’un numerus clausus à alors été
évoquée.
C’est dans ce contexte, visant à doser savamment les spécificités
professionnelles,que doit se mettre en place l’inter-professionnalité,
que l’on ne manque pas de présenter comme la panacée. Dans
cette optique, la commission Attali a énergiquement plaidé
pour une suppression de tous les numerus clausus affectant les
professions juridiques (mandataires des procédures collectives,
avocats au Conseil d’État, huissiers et notaires). L’idée d’un
numerus clausus ne convient donc pas à tout le monde.
Dans le même temps, nombreux sont ceux qui objectent, pour
enterrer la question, que l’on ne décompte « que » 50.000 avocats
en France, dont près de 22.000 à Paris, tandis que l’Angleterre en
compte plus de 150.000.
Les avocats français ne sont toutefois pas les équivalents des
solicitors anglais, lesquels bénéficient d’un spectre large de fonctions,
du notaire au juriste, et de l’avocat préparateur de dossier au
simple conseiller juridique.
Une dualité de situations qui n’aura pas échappé à notre Garde
des Sceaux, laquelle affirmait en juin dernier que « la profession
devait se pencher sur la question d’un numerus clausus ».
C’était ouvrir la boîte de Pandore. La question du numerus clausus
pour la profession d’avocat est en effet l’Arlésienne des apprentis
avocats : on en parle beaucoup mais personne ne sait bien de quoi
il retourne.
Types de numerus clausus
et force de propositions
L
e terme numerus clausus signifie littéralement « nombre
fermé », ce qui peut être perçu comme la fixation d’un
nombre limité d’admission à un concours selon la note
attribuée (études médicales françaises), mais peut également
justifier une politique fondée sur la discrimination d’origine
30
Le numerus clausus pour les avocats :
Corporatisme ou œuvre de raison ?
financière, comptabilisant l’expérience acquise, ou justifiée par
une démarche de sélection intellectuelle, cette dernière étant la
plus communément admise.
Concernant les avocats, la proposition revenant le plus
fréquemment sur le tapis est celle de la fixation arbitraire d’un
nombre d’avocats aux entrées de centres de formations régionaux
afin d’assurer un emploi à la sortie de l’école pour chacun. Cette
vision est très fortement contestée, dans la mesure où elle repose
sur une fixation arbitraire des besoins du marché et ne prend pas
en considération les spécialités.
D’autres propositions visent à limiter légèrement l’accès aux
CRFPA.
Ainsi, adoptant une vision de minimis, le Cercle du barreau
propose certaines modifications du concours d’entrée : il s’agirait
d’adapter l’arrêté du 11 septembre 2003 en levant les moyennes
nécessaires à l’admission (fixées à 10), pondérer la voix de l’avocat
lors de l’examen et revoir la liste des épreuves en fonction des
spécialités afin d’ouvrir la voie de la spécialisation plus tôt aux
élèves avocats, ceux-ci ayant une forte tendance à choisir leurs
options en fonction de considérations d’opportunité.
“La restriction de
l’arrivée des avocats sur
le marché n’est pas
un bon pari
sur l’avenir”
Jean-Yves Leborgne
Des difficultés de mise en œuvre
L
’examen du CRFPA deviendrait, si l’on fixait un nombre
maximum d’entrées, de facto un véritable concours. Cela ne
diminuera pas le nombre de candidats.
S’il faut dès aujourd’hui songer au devenir des nombreux candidats
qui devront se réorienter (le CAPA étant déjà pour nombre de
khâgneux, Sciences-po, médecins et politiques une voie royale de
réorientation), l’érection en concours de l’examen du CRFPA aurait
pour avantage d’unifier le concours à l’échelle nationale, et ainsi de
corriger les disparités entre Instituts d’Études Judicaires.
Par ailleurs, l’idée même d’un numerus clausus s’oppose à la mise
en œuvre de la grande profession du droit et aux termes même du
décret D’Allarde de 1791 : « Il sera libre à toute personne de faire tel
négoce ou d’exercer telle profession, art ou métier qu’elle trouvera bon ».
Une polémique à fleur de robe :
protectionnisme ou vœu pieu
L
’objectif affiché est partagé par le
plus grand nombre. Il s’agit de faire
correspondre l’offre à la demande
sur le marché du droit et ainsi de trouver
du travail pour tous.
Mais les véritables justifications du numerus
clausus sont plus profondes. Ce dernier
permettrait en effet :
1° de réagir contre l’impossibilité pour le
marché d’absorber les avocats parisiens au
sortir de l’EFB.
2° d’assurer la répartition géographique de
la profession et de désengorger la capitale.
Les bruits de couloir et les discussions avec les avocats témoignent
de ce malaise. Le responsable des ressources humaines d’Ernst &
Young confiait ainsi récemment à une élève-avocate d’Assas.net que
le marché ne pourra jamais absorber les 1.300 élèves-avocats qui
viennent de sortir de l’École.
S’agissant du second motif, le numerus clausus des médecins avait
vocation à lutter contre la désaffection des régions.
Les objectifs sont louables sur le principe. Mais, lucides, certains avocats
émettent le plus grand nombre de réserves.
Maître Leclerc se dit hostile à l’instauration d’un numerus clausus,
arguant que « cela reviendrait à faire peu à peu de la profession d’avocat
une profession calquée sur celle, archaïque, des officiers ministériels, titulaires
d’une charge ».
Le Vice Bâtonnier Jean-Yves Leborgne est quant à lui plus partagé sur
la question. Concédant que « la restriction de l’arrivée des avocats sur
le marché n’est pas un bon pari sur l’avenir », il préfère l’idée « d’une
sélection intellectuelle par voie de concours à une sélection par
privilège social ou réseau relationnel ».
La solution serait donc, pour le moins, d’adapter l’examen aux
nécessités de notre temps.
Mais là encore, si pour certains, « l’examen du CRFPA est ultra sélectif
et revêt tous les aspects d’un numerus clausus », pour d’autres, l’examen
doit être rendu plus difficile aux vues du taux de réussite qui avoisine
les 50% dans certains Instituts d’Études Judiciaires, très élevé en
comparaison des grandes écoles, conscients toutefois que certains
CRFPA n’acceptent pas plus de 10% d’élèves.
La suggestion de Madame la Garde des Sceaux est déjà un apophtegme.
Elle aura atteint, sur les bancs de l’École de Formation du Barreau, le
rang de « verbatim ».
Aujourd’hui, le débat reste entier. Les admis au CRFPA froncent les
sourcils pendant que les ajournés s’insurgent en dénonçant un «
concours dissimulé en examen ».
Le numerus clausus n’est encore aujourd’hui pas autre chose qu’une
chimère. ..
Le regard des candidats
sur le numerus clausus
Le nombre d’avocats a augmenté de 44 %
en dix ans ; l’effectif atteint désormais un
peu plus de 50300 avocats en France. Pensez
vous qu’il faille instaurer un numerus clausus
à l’instar de la proposition faite par le Garde
des Sceaux ?
Maître Christiane Feral- Schuhl : Le
numerus clausus est contraire au caractère
libéral de la profession d’avocat. Il convient
néanmoins de ne pas se voiler la face car
la situation économique pose de nombreux
problèmes aux confrères. Il convient d’en tenir
compte et de multiplier les opportunités (reconversions,
nouvelles formes de collaboration, assurance facultative
perte de collaboration, pépinière…). En toute hypothèse, ce
n’est pas en période de crise qu’il faut prendre une telle
décision. Il suffit de rappeler les effets pervers du numerus
clausus pour les médecins.
Maître Pierre-Olivier Sur : La théorie
du mur de protection est souvent illusoire.
Regardez la ligne Maginot, le mur de Berlin,
et même le monopole du droit ! Mais le fait
qu’un tiers des filles et un quart des garçons
quittent la profession au bout de 5 ans pose la question
de l’orientation de fin d’études et des débouchés. Il faut
certainement rendre l’accès plus difficile en rehaussant
les notes d’admission (ce qui ne relève pas du Bâtonnier
mais d’un double arrêté ministériel de 2003 et 2005) et
ainsi revaloriser le diplôme de l’école qui sera marqué par
l’excellence.
Maître Brigitte Longuet : Une
profession dont les effectifs diminuent est une
profession en déclin ; Nous avons heureusement
une profession jeune et c’est un facteur de
dynamisme. L’avocat doit investir de nouveaux
champs d’activité, c’était le thème de mon intervention au
campus (disponible sur mon site www.longuet-chemouli.fr)
que je déclinerai pendant toute ma campagne car il est
essentiel et conditionne l’avenir de notre profession. Je suis
favorable à l’organisation d’un examen d’entrée national
sélectif mais pas à un numerus clausus.
Hadrien Pellet – Promotion Jacques Attali – série J
31
DOSSIER BIS :
Les Secrétaires de la Conférence
DOSSIER BIS
La Conférence
La Conférence
Conférence intime
Un peu d’histoire :
les grands noms
Gardienne de l’art oratoire et de la rhétorique, de la Conférence :
la Conférence du stage est la vitrine du
Barreau de Paris depuis près de deux siècles.
Elle se compose de douze jeunes avocats,
élus pour un an par leurs pairs à l’issue d’un
concours jugeant, sur trois tours, leur capacité
à discourir, émouvoir et convaincre.
Pour se faire une idée de l’importance de cette
institution, il suffit simplement d’indiquer que
parmi les anciens secrétaires l’on ne trouve pas
moins de trois Présidents de la République,
des dizaines de ministres, des académiciens
et de nombreux parlementaires.
Pour nous, les élèves-avocats, le regard candide
et toujours curieux des édifices qui jalonnent la
profession, l’on peut se demander ce qu’il faut
penser de ce mystérieux cénacle.
S
es missions, ses illustres anciens, la promesse d’entrer à grands
coups d’éclat dans le cercle fermé des pénalistes à succès,
suscitent des réactions contrastées.
La Conférence force l’admiration et le respect des passionnés du
prétoire, elle fait fantasmer les candidats, mais elle suscite aussi la
jalousie de certains, crée des controverses, énerve parfois ou constitue
une simple curiosité pour ceux qui un soir, juriste ou non, se sont
aventurés au Palais pour assister à la conférence « Berryer ».
Quoiqu’il en soit la Conférence ne laisse pas indifférent car elle change
le destin de ceux qui la rejoignent.
Qui sont ces douze avocats et quelles sont leurs missions? Quels
sont les critères de sélection ? Comment fonctionne cette école de
l’éloquence ? Quelle est sa légitimité ? Quels ont été les faits marquants
de la Conférence ? Les dérapages ? Faut-il tenter sa chance ?
Afin de répondre à toutes ces questions avec un maximum d’objectivité,
le Baromaître a rencontré les douze secrétaires actuels et plusieurs
de leurs aînés (Henri Leclerc, Jean-Yves Leborgne, Benoit Chabert
et David Marais), il s’est plongé dans les archives de la Conférence, a
suivi les débats de la 23ème Chambre, a assisté aux premiers tours du
concours, a beaucoup ri dans la Salle des Criées lors des facétieuses
« Berryer » et aura même envoyé au casse-pipe sa rédactrice en chef,
Sarah Mauger.
Vous pourrez ainsi vous faire votre propre opinion.
(Retrouvez le texte de sa Berryer en ligne) Silence on tourne…
32
28
C
Les origines ou l’indépendance du jeune barreau :
e que l’on appelle aujourd’hui la formation continue des
avocats se nommait sous l’ancien régime « conférences
de doctrine ».
L’organisation d’une partie de ces conférences était laissée aux
jeunes avocats.
Ils avaient pour mission de mettre en place des simulations afin
de discuter de questions générales, de délivrer des consultations
gratuites, appelées « conférences de charité » et de demander
devant l’Ordre l’assistance gratuite dite « pro bono » au bénéfice
des plus démunis.
Ceux que l’on appellera plus tard « secrétaires » pouvaient alors
s’exercer à l’art de la plaidoirie.
Ainsi naquit la Conférence.
Cette niche de futurs orateurs n’a alors cessé de se développer
sous la direction du Bâtonnier.
Au cours du XIXème siècle, les organisateurs de ces conférences
prennent le nom de « secrétaires ». En 1835, ils sont au nombre
de douze, en 1844, la durée de leurs fonctions est limitée à un an
et en 1852, par décret du 22 mars, le concours de la Conférence
est officiellement institué.
Les candidats s’affrontant alors sur des énoncés purement
juridiques de type « Grand O » et qui diffèrent des sujets plutôt
fantaisistes que l’on connaît aujourd’hui.
A partir de cet instant, les secrétaires vont chercher à gagner en
autonomie en désignant eux-mêmes les lauréats du concours et
en s’affranchissant de l’influence du Conseil de l’Ordre : une lutte
pour l’indépendance, si caractéristique de la profession.
A cette période correspond aussi l’instauration de la condition
de diplôme et du stage obligatoire pour devenir avocat, c’est ainsi
que la Conférence est appelée la « Conférence du Stage ».
Aujourd’hui, le stage tel qu’il existait autrefois n’est plus, ainsi la
Conférence du stage s’appelle désormais « la Conférence », tout
court.
L
La troisième République, l’âge d’or :
e cénacle de la Conférence fournit à la France la plupart de
ses grands orateurs, étonnante pépinière d’élus nationaux
et de dirigeants de l’Etat Républicain.
Jules Ferry (7ème secrétaire), Léon Gambetta (3ème secrétaire),
Raymond Poincaré (1er secrétaire), Alexandre Millerand (7ème
secrétaire) et Paul Reynaud (1er secrétaire) seront appelés aux
plus hautes fonctions de l’Etat sous la IIIème République en
tant que Ministres, Présidents du Conseil et Présidents de la
République.
28. Remerciements à Yves OZANAM (archiviste de l’Ordre) pour son aimable accueil téléphonique et tous ses précieux renseignements
L’on parle alors de « l’Ecole de guerre du Barreau » et de ses
« polytechniciens en toge » pour désigner cette institution,
formation privilégiée des cadres de la nation et la Conférence va
parfaitement incarner le modèle méritocratique, valeur centrale
de la « République des libertés ».
Toutefois, comme nous l’indique Gilles Le Béguec29 « l’on y croise
beaucoup de fils de bonne famille parisienne ou les cadets méritants du
monde des professions judiciaires de la France provinciale ».
Les partis dits « ouvriers » sont peu concernés, même si Léo
Lagrange (6ème secrétaire) sera l’un des ministres du Front
Populaire.
Quoiqu’il en soit, la débâcle de 1940 signe la rénovation de la
Conférence et probablement la fin de ce que l’on pourrait appeler
« l’âge d’or de la Conférence »
La Conférence plus loin du pouvoir,
plus proche des prétoires :
D
epuis la libération, l’implication en politique des secrétaires
se fait moindre, chacun se recentre sur son activité initiale
: le métier d’avocat.
L’exemple sans doute le plus représentatif est celui de Jean-Denis
Bredin (1er secrétaire) qui, loin de la politique, voue sa carrière à la
profession ainsi qu’aux arts et aux lettres en tant qu’académicien.
La Conférence devient alors le fief du Bâtonnat de Paris :
On peut citer notamment, les Bâtonniers Ader (6ème secrétaire),
Stasi (1er secrétaire), Farthouat (1er secrétaire), Lafarge (2ème
secrétaire), Repiquet (7ème secrétaire) Charrière-Bournazel (1er
secrétaire) Castelain (12ème secrétaire) sans que les candidats aux
prochaines élections n’échappent à la règle, Yvon Martinet (1er
secrétaire), Hervé Chemouli, Pierre-Olivier Sur (12ème secrétaire)
et sa colistière Catherine Palay-Vincent (1ère secrétaire).
Elle fournit bien sûr pléthore de grands pénalistes:
Sans prétendre à l’exhaustivité : Jacques Verges (1er secrétaire),
Henri Leclerc (2ème secrétaire), George Kiejman (2ème secrétaire),
Thierry Levy (2ème secrétaire), Léon-Lef Forster (9ème secrétaire)
ou encore Francis Szpiner (2ème secrétaire) Olivier Schnerb (1er
secrétaire) et Jean-Yves Leborgne (4ème secrétaire).
En revanche, concernant la politique, l’on observe plutôt un schéma
inverse : Robert Badinter a toujours refusé de se livrer à cet
exercice, ainsi que Roland Dumas, François Mitterrand et Nicolas
Sarkozy, pour ne citer qu’eux.
L’on objectera bien sûr le parcours d’Arnaud Montebourg (1er
secrétaire) mais c’est bien évidement l’exception qui confirme la
règle.
En outre, la Conférence a opéré aujourd’hui une véritable mutation
en s’assurant un réel brassage socioculturel et politique.
En effet, si la Conférence a pu longtemps être affiliée à la droite
républicaine, aujourd’hui les secrétaires revendiquent « mener des
combats plus à gauche » et leurs parcours sont divers, loin de la
reproduction des élites, stigmatisée sous la IIIème République.
En somme, la Conférence s’est rapprochée de sa véritable vocation
: la défense pénale.
29. Gilles le BEGUEC, L’aristocratie du Barreau, vivier pour la République, les secrétaires de la conférence
33
DOSSIER BIS :
Les Secrétaires de la Conférence
DOSSIER BIS :
La Conférence
La Conférence
A
La Conférence à l’œuvre :
Les succès de la Conférence :
Réforme des conditions de la garde à vue :
Les mystères de la Conférence :
L
Des combats menés par la Conférence, deux très récents méritent
d’être relatés.
La controverse au sujet de la présence de l’avocat avec accès au
dossier dès la première heure de la garde à vue agite l’ensemble
de la profession depuis les fameuses décisions rendues par la Cour
Européenne de Strasbourg à l’encontre de la Turquie.
C’est toute la question de la manifestation de la vérité, de l’aveu et
des droits de la défense qui est en jeu.
A ce titre, conférences, débats et interventions publiques ont
eu lieu entre les plus hauts responsables du Barreau et de l’Etat,
mais c’est aux secrétaires de la promotion 2010 qu’il est revenu
l’honneur de porter ce combat devant les juridictions.
Le 1er mars 2010, les douze secrétaires se sont réunis devant la
23ème Chambre correctionnelle sous le regard des médias et en
présence de notre équipe.
Après quelques hésitations tenant à l’incompréhension de la
procédure par le prévenu, dont on peut se demander s’il ne fût
pas légèrement instrumentalisé, les secrétaires ont soulevé, dès le
premier jour de sa mise en application, une Question Prioritaire de
Constitutionnalité (QPC).
La question a passé tous les filtres pour arriver finalement en
discussion devant le Conseil Constitutionnel et le 20 juillet 2010,
Emmanuel Ravanas, 1er secrétaire, s’est chargé de la plaidoirie
finale.
Le vendredi 30 juillet, le Conseil Constitutionnel a déclaré, faisant
l’effet d’un coup de tonnerre, le régime de gardes à vue pour les
délits et les crimes de droit commun inconstitutionnel. Il demande
dans sa décision, l’abrogation des articles 62, 63, 63-1, 63-2 et 77
du Code de Procédure Pénale et donne au législateur jusqu’au 1er
juillet 2011 pour rénover le droit de la procédure pénale.
la manière d’autres institutions, la Conférence a ses
codes, ses signes distinctifs et ses rites que seuls les initiés
connaissent.
Elle constitue une fratrie au sein d’une famille composée des
anciens que l’on appelle « mère et père de conf ».
« On vit ensemble, mais on ne s’est pas choisis » résume l’un des
secrétaires.
Mais dans cette famille, comme dans toute autre, il y a les secrets
de famille.
Les missions de la Conférence :
es secrétaires représentent le jeune Barreau parisien en
France et à l’étranger.
Ils organisent le concours de la Conférence, la Conférence
« Berryer » ainsi que la petite Conférence, véritables écoles de
l’éloquence.
Mais la mission principale des secrétaires de la Conférence reste
la défense pénale.
L
La défense pénale
es secrétaires assument, tous les jours de la semaine
pendant un an, des permanences au cours desquelles ils
ont pour mission de :
- Plaider les dossiers de renvoi devant la 23ème Chambre du
Tribunal Correctionnel de Paris, chambre des comparutions
immédiates.
- Prendre en charge les débats contradictoires devant les juges
d’instruction et les juges des libertés et de la détention, lorsque
les faits reprochés au mis en examen qui souhaite un avocat commis
d’office, sont de nature criminelle.
Les secrétaires assurent de même, par roulement, une permanence
quotidienne au Pôle Financier de la rue des Italiens pour assurer les
débats contradictoires des personnes déférées souhaitant un avocat
commis d’office.
Enfin, depuis toujours, l’assistance d’office des accusés devant la Cour
d’Assises constitue une des missions de la Conférence.
Lors des « Assises Expresses », un secrétaire se voit confier, à
quelques jours de l’audience, la défense d’un accusé qui, n’ayant pas de
défenseur, sollicite en urgence qu’un avocat lui soit commis d’office.
34
Nullité de procédure et rénovation du dépôt :
Après avoir procédé à la visite du dépôt et de la souricière du Palais
de justice de Paris, les secrétaires de la Conférence, promotion
2009, ont rendu un rapport décrivant leur état lamentable.
Pour le dépôt, qui accueille les personnes à l’issue de leur
garde à vue, il a été notamment relevé d’importants problèmes
d’insalubrité, d’absence de support médical, de fouilles à répétition
et de nombreux cas de violences entre personnes déférées.
Pour la souricière, zone d’attente des détenus écroués avant qu’ils
ne soient entendus par un magistrat, les secrétaires ont dénoncé
les conditions de leur enfermement : à trois dans des cellules d’une
superficie de 3 m², urinoir compris, ils doivent parfois attendre sur
un banc en bois pendant 23 heures, voir plus dans certains dossiers.
En réaction, les secrétaires de la Conférence, suivis dans cette
voie par le Bâtonnier Charrière-Bournazel, ont décidé de soulever
systématiquement devant les juridictions parisiennes la nullité de
la rétention subie par leurs clients au dépôt du Palais de justice de
Paris et d’exiger leur libération immédiate sur le fondement de
l’article 803-3 du Code de procédure pénale.
Le travail des secrétaires a porté ses fruits puisque le jeudi 28
mai 2009, la 23ème chambre du Tribunal Correctionnel a annulé
5 procès-verbaux de comparution immédiate, considérant que les
conditions de rétention au dépôt n’étaient pas décentes.
Le même jour, la Chancellerie annonçait l’affectation en urgence
d’un million d’euros pour rénover le dépôt à partir de juillet 2009.
D
La sélection des candidats :
ès que l’on évoque le recrutement, les secrétaires
deviennent soudainement moins loquaces et nous
entonnent une chanson classique « il faut plaire, émouvoir
et convaincre » ou « être soi-même » avant de nous indiquer que euxmêmes ne connaissent pas les critères de sélection des candidats
entre les différents tours, « critères qui ne leurs seront communiqués
qu’en temps utile par leur 11ème secrétaire, lui-même initié par son
père de conf ». Alors bien sûr, certaines histoires circulent et l’on
peu, à titre d’illustration, lire le témoignage d’un ancien secrétaire,
sous le couvert de l’anonymat, relatant dans la presse la mise en
scène de l’annonce de sa sélection au poste de secrétaire.
Le candidat, futur lauréat ne se doutant de rien, serait véritablement
kidnappé en pleine journée et emporté dans une pièce sombre
pour s’y faire bousculer pendant un certain laps de temps avant
qu’on ne lui annonce, tel un rite expiatoire, qu’il sera l’un des
douze.
A côté de ces histoires invérifiables, circulent certaines accusations
sur l’existence d’une forme de « cooptation », une sélection plus
fondée sur le relationnel que sur l’adresse et dont bénéficieraient
35
DOSSIER BIS :
Les Secrétaires de la Conférence
DOSSIER BIS :
La Conférence
La Conférence
je dirais, avec le recul, qu’il s’est agit d’une « crise mal gérée », tant par les
secrétaires en exercice que par le conseil de l’Ordre. De toute façon, si les
secrétaires en exercice sont un peu gâtés, cela ne pose aucune difficulté,
à condition qu’ils soient irréprochables et totalement au service de leur
mission ».
L
Tenter la conférence ?
certains des secrétaires.
Le Baromaître a mené l’enquête auprès des intéressés. Ils s’en
défendent catégoriquement ; Jean-Yves Le borgne,Vice-Bâtonnier
et ancien 4ème secrétaire, ajoutant même qu’ « aucune intervention,
même involontaire, auprès des secrétaires en poste n’est possible. Si la
liste finale des secrétaires est approuvée par le Conseil de l’Ordre, ce
n’est en rien pour contrôler la qualité de cette dernière, mais simplement
pour vérifier qu’aucun nouvel élu n’est pas en délicatesse avec les règles
de notre Ordre ».
Bien que très probablement un fantasme de recalés ou de déçus
du concours, tout ce qui est secret ou impalpable excite toujours
l’imagination et pousse à croire aux mythes que l’on se forge parfois
soi-même, amenant ainsi à penser que participer à la « Berryer », au
concours Lysias ou à écrire des articles dans le Baromaître favorisera
peut être un jour les chances de se faire « kidnapper » à son tour.
A
Les « dérapages » :
limentées par plusieurs journaux, de nombreuses histoires
concernant les finances passées de la Conférence continuent
de se raconter, bien qu’aucune n’ait pu être véritablement
confirmée.
On évoque ainsi pèle mêle des escapades à Ibiza, en Patagonie ou
à Rio pour les fameuses délibérations secrètes d’entres tours ou
encore supposées les virées dans des clubs de strip-tease avec les
confrères belges au frais de l’Ordre…
Le budget aurait ainsi été « explosé » par les secrétaires : un trou de
100.000 € ayant été évoqué.
Bien que largement invérifiables, ces histoires ont écorné l’image de
la Conférence du Stage et même s’il est regrettable de « résumer la
Conférence à quelques agapes » selon Me Eolas30 , il revient aujourd’hui
au 12ème secrétaire chargé des finances, Eddy Arneton, d’apaiser les
esprits des détracteurs, de tempérer et de redonner confiance.
Comme le résume Benoît Chabert, ancien 1er secrétaire : « La
Conférence du stage c’est 12 jeunes insolents. Ils ont une famille,
dans laquelle le Bâtonnier joue le rôle du père et le Conseil de
l’ordre celui du conseil de famille. Il y a toujours eu des difficultés
entre le Bâtonnier en exercice et sa promotion, ses « enfants pas
sages ». J’ai en tête quelques conflits: le sujet « fromage ou dessert ? »,
le Bâtonnier Mario Stasi était alors allé lui-même arracher les affiches
dans le Palais. Concernant les difficultés de la « promotion Gauvain »
36
30. « Journal d’un avocat » Blog de Maître EOLAS : www.maitre-eolas.fr
a Conférence est bien évidemment un tremplin incomparable
permettant de « gagner entre 5 et 10 ans de connaissance du
palais » précise Benoît Chabert.
Dès leur élection, les secrétaires gagnent en légitimité auprès de
leurs pairs et trouvent une oreille attentive de la part des magistrats,
devant lesquels ils auront l’occasion de plaider aux assises.
Pour les femmes, c’est l’occasion de pénétrer un milieu souvent
décrit comme « macho » et qui, à tort, laisse peu de place à celles
que notre célèbre blogueur appelle les « gazelles du palais ».
La Conférence c’est en outre une véritable école de l’éloquence « tu
y plaides trente fois plus que tes collègues du même âge (…) après on n’a
plus peur de rien » nous souffle l’un des secrétaires.
Elle insuffle la confiance en soi indispensable au plaideur : « un avocat
timide trahit sa profession » rappelait il y a peu le Bâtonnier CharrièreBournazel.
Toutefois,entrer dans la Conférence comporte de larges contreparties
qu’il ne faut pas sous-estimer.
Il y a le concours où « chaque étape est difficile » et où l’angoisse et
le stress sont à leur paroxysme « on donne tout, c’est atroce », « il faut
être dingue pour s’infliger ça », nous racontent les Secrétaires.
Une fois entré, la charge de travail est énorme, la vie personnelle
sacrifiée, les secrétaires réalisent « deux années en une ». Ils doivent
alors mener de front une collaboration et leur mission de secrétaire,
allant pour certains jusqu’à se faire « remercier » par leur cabinet.
Cela peut ainsi faire réfléchir certains jeunes avocats bien installés
et en pleine ascension qui risqueraient dès lors de ne plus retrouver
leur place après cette année au sein de la Conférence.
«Il faut trouver une solution car les légitimes exigences d’un contrat de
collaboration ne doivent pas être un frein pour les candidats au concours de
la conférence » précise Jean-Yves Le Borgne, conscient des difficultés
rencontrées par les secrétaires et leurs aspirants.
Les secrétaires enchaînent alors pendant toute une année les
audiences, les dossiers, les dénouements tragiques ou heureux allant
même jusqu’à physiquement parfois payer de leur personne.
Il faut avoir un moral d’acier car il n’est jamais anodin d’être
responsable du destin de ses clients.
Enfin, il y a le devant de la scène. Les secrétaires doivent être
infaillibles en toutes circonstances car chaque année ils sont attendus
et devront affronter les critiques parfois acerbes de la profession.
Ame trop sensible s’abstenir.
A
N
Constat, critique et rénovation :
Gardien de la plaidoirie:
vec ses controverses et la modernisation de la profession, la
Conférence ne doit elle pas aussi réaliser son introspection ?
L’on peut tout d’abord débattre à volonté sur les sujets
proposés au concours, leur caractère parfois « puéril », clin d’oeil à
l’activité de l’invité31.
Il semble aussi que la Conférence « Berryer » ne fasse pas
l’unanimité, même si son « peuple » rit bien souvent à « gorges
déployées », une partie des personnes rencontrées critiquent
les méchancetés gratuites et pensent qu’elle est devenue un «
spectacle parisien à la mode ».
Benoît Chabert, nous confiant ainsi, ne pas en « comprendre l’utilité,
le secrétaire doit être brillant dans la méchanceté, je préfère l’être dans
l’éloge. Il est plus facile d’être un « bon méchant », qu’un « bon gentil ».
Qui plus est, à l’inverse du « sadisme » que l’on pourrait leur prêter,
les secrétaires nous avouent eux-mêmes qu’au contraire, c’est
l’estomac noué que chaque soir ils investissent l’estrade.
Ensuite, certains se demandent s’il est bien légitime d’accorder autant
de prérogatives à un petit collège d’élus dans un secret le plus absolu.
Ainsi, le « quasi monopole » des commissions d’office en matière
criminelle obligerait quelques brillants pénalistes, qui ne se
reconnaissent pas dans le concours de la Conférence, à migrer vers
les juridictions où les secrétaires ne trustent pas tous les dossiers.
D’autres regrettent également que les secrétaires ne soient pas tous
des pénalistes pure souche. Issus du droit des affaires, du droit social
ou immobilier pour certains, ils sont moins les habitués de la 23ème
chambre que la Conférence pouvait connaître par le passé.
Enfin, la Conférence n’est pas tout, nombreux sont les ténors du
barreau qui ne sont pas passés par le concours, Patrick Maisonneuve,
Olivier Metzner, Thierry Herzog ou encore l’« acquittator » Eric
Dupond-Moretti.
L’éloquence ne serait pas l’apanage des secrétaires, « La vraie éloquence
se moque de l’éloquence » avançait Blaise Pascal.
ous avons vu les douze secrétaires de la promotion 2010 en
scène pendant les « Berryer », lors des premiers tours du
concours de la Conférence, devant la 23ème Chambre et il
serait bien sûr faux de dire qu’ils sont dénués de talent. Bien que parfois
inégaux, ils atteignent souvent les sommets de l’éloquence sans oublier
de faire avancer l’état de droit devant le Conseil Constitutionnel.
Ils sont à n’en point douter la fine fleur du Barreau de Paris et dans le
futur il en sera certainement encore ainsi.
Mais au-delà des critiques et du sempiternel clivage entre réactionnaires
et progressistes, il semble que la Conférence souffre surtout de son
propre statut et des mystères qui l’entoure.
Beaucoup surfent sur les on-dit, les poncifs ou résume la Conférence à
ce qu’elle n’est pas :A la seule partie visible de l’iceberg.
Il ne faut pas notamment, pour nous élèves-avocats, faire le raccourci
entre la Conférence et la Berryer, mais plutôt s’inviter une demijournée sur les bancs de la Chambre des comparutions immédiates
pour se rendre compte du travail des secrétaires.
Enfin, essentiellement, il ne faut pas oublier que le cénacle et ses douze
gardiens jouent un rôle fondamental dans la préservation de ce qui fait
toute la spécificité de la profession d’avocat et que l’on ne retrouve
nulle par ailleurs: La plaidoirie.
Cet « acte sublime qui révèle l’avocat et lui confère toute sa noblesse » pour
Jean-Denis Bredin.
La conférence a changé de peau durant ces deux derniers siècles, de
la politique à la défense pénale pure et dure, elle continuera d’évoluer
dans des directions aussi imprévisibles que le recrutement de ses
troupes.
Cependant, « quelque forme qu’elle revête de siècle en siècle, l’éloquence ne
cessera de se faire écouter » 32.
Les élèves-avocats seront bien évidemment aux premières loges.
Léopold Lemiale – promotion Jacques Attali - série N.
31. Exemples de sujets du premier tour de la conférence 2010 : Faut-il grandir ? L’image a-t-elle un poids ? Le diable dit-il la vérité ?
La copie vaut-elle mieux que l’original ? Peut-on rallumer les étoiles ? Y a-t-il toujours un rapport ? Les nouvelles sont-elles bonnes? L’homme est-il le meilleur
ami de la femme ? Retrouvez tous les sujets et les invités sur le site de la Conférence http://laconference.typepad.fr
32 Jean-Denis Bredin Qu’est la plaidoirie devenue ? Mélanges Buffet
37
DOSSIER BIS :
TITRE
Les Secrétaires de la Conférence
DOSSIER BIS :
Portraits des secrétaires de la Conférence
Emmanuel
Ravanas
Emmanuel est collaborateur chez Linklaters, au sein
du département immobilier. Il a prêté serment en
2004. Il est un peu fantôme, car tout le monde parle de lui, le lit,
le voit dans la presse, mais quand il s’agit de le croiser, Emmanuel
est loin. Il est ministre… de la Conférence.
C’est un secrétaire bienveillant. D’aucuns soulèvent sa calvitie,
mais dans une atmosphère toujours amicale, car Emmanuel fait
preuve d’une bonhommie extraordinaire. Il écoute, et ne se
fâche jamais. Il est ce père des secrétaires à l’aura rassurante.
S’il n’y a pas vraiment de classement chez les secrétaires, lui est
véritablement le premier, ce représentant investi et organisé, ce
dernier détail pouvant toutefois tourner à l’excès.
En tant que 1er secrétaire, il représente la Conférence du stage.
Il prononce également l’éloge d’un ancien avocat décédé lors de
la rentrée solennelle du Barreau de Paris.
Emmanuel sait d’ores et déjà quel avocat il présentera. Il est un
homme de cœur, et ses convictions sont une source intarissable
d’argumentations : la QPC, les discours, la Berryer, sont autant de
tribunes qu’il prend plaisir à usiter afin de changer les choses. Les
paroles d’Emmanuel sont toujours un plaidoyer. Ses déplacements
sont les traces d’un monstre d’organisation. Emmanuel est le
médium de la Conférence, la pierre angulaire d’un groupe uni
non seulement sous la bannière de l’éloquence, mais également
par des idéaux communs, qu’Emmanuel défend avec passion.
Dans la même lignée : Paul Reynaud, Jean-Denis Bredin, le Bâtonnier
Mario Stasi, Raymond Poincaré, Pierre Masse, le Bâtonnier Christian
Charrière-Bournazel, Jacques Verges, le Bâtonnier Jean-René
Farthouat, Benoît Chabert
César
Ghrenassia
César est diplômé du Master droit de la
communication de l’université d’Assas. Il est
passionné de Cinéma et de Littérature et est spécialisé en droit
de la propriété littéraire et artistique. C’est donc un comédien
qui a choisi la robe d’avocat comme costume de scène.
Le 2ème secrétaire n’a pas forcément une fonction harassante
mais César le fait à fond. Le 2ème secrétaire est un électron
libre, un perturbateur au grand cœur, un secrétaire de l’appoint
et de l’à propos. Il retracera par ailleurs un grand procès lors de
la rentrée solennelle du barreau de Paris. Surtout, il a à cœur de
défendre les valeurs de la Conférence qu’il considère comme la
dernière école qui forme encore au métier d’avocat sans autre
critère d’admission que celui du talent. On y apprend à défendre
les libertés avec comme seule arme, son éloquence.
38
Il fait preuve de la même intransigeance en audience et lorsqu’il
se produit comme secrétaire. Il connaît par cœur le Code
pénal et sait que l’on ne saurait être puni pour avoir fait mourir
de rire. Avant chaque Berryer, la salle des criées bruisse de la
même question. «César est-il en forme ?». S’il l’est ce sera une
véritable comédie. S’il ne l’est pas ce sera un drame. Chacune
de ses prestations est un spectacle mais cet humour désopilant
cache quelqu’un de fin et de lettré. Il aime les mots ; les doux,
les derniers, les gros, mais surtout les bons. Il s’efforce de rire de
tout. C’est essentiel pour lui car il s’agit du seul moyen de frôler
l’extra lucidité sans pour autant perdre pied.
Dans la même lignée : Edgar Faure, Georges Kiejman, le Bâtonnier
Philippe Lafarge, Thierry Levy, Francis Szpiner
Guillaume
Pellegrin
Admis au barreau en 2008, il a fait ses classes à
l’université de la Sorbonne en passant par HEC. Il
est aujourd’hui collaborateur au sein du cabinet Bredin Prat
où il travaille principalement sur des questions de contentieux
commercial et de droit pénal des affaires.
En tant que 3ème secrétaire, il est chargé de la communication
des secrétaires et des relations publiques. C’est Guillaume qui
était physionomiste à la porte de la Conférence lorsque nous
lui avons fait part de notre projet d’article sur la Conférence du
stage. Nous le remercions de nous avoir fait rentrer malgré nos
baskets. Comme Tony Gomez en d’autres lieux, il n’a que des
amis.
Il travaille 168 heures par semaine. Comment fait-il ? « C’est
facile !» nous a-t-il confié. Il a récemment fait l’acquisition d’un
scooter à trois roues qui lui permet de dormir assis à chaque
feu rouge, ce qui lui suffit largement. Il officie avec brio à la
23ème chambre où il n’a encore que des amis qui s’appellent
tous Hamidovic. Lors de chaque soirée de la Conférence,
il parvient talentueusement à suspendre le temps avec des
interventions justes et précises, tissées comme de la dentelle,
qui laissent souvent l’assemblée silencieuse. Rassurez vous, ce
n’est pas que personne n’écoute mais bien que tout le monde
est d’accord. J’oubliais, si vous le croisez un jour à la barre de la
23ème chambre, ne lui dites pas que le port de la moustache lui
irait à ravir. Merci.
Dans la même lignée : Henri Leclerc, Léon Gambetta
30. « Journal d’un avocat » Blog de Maître EOLAS : www.maitre-eolas.fr
31. Exemples de sujets du premier tour de la conférence 2010 :
Faut-il grandir ? L’image a-t-elle un poids ? Le diable dit-il la vérité ? La copie vaut-elle mieux que l’original ? Peut-on rallumer les étoiles ? Y a-t-il toujours un rapport ? Les
nouvelles sont-elles bonnes? L’homme est-il le meilleur ami de la femme ? Retrouvez tous les sujets et les invités sur le site de la Conférence http://laconference.typepad.fr
Portraits des secrétaires de la Conférence
Thomas
Heintz
Thomas Heintz vient de Toulon. Mais, traitre ou âme
fantasque, il préférera le ballon rond à celui de rugby.
L’analyse de son passé laisse révéler quelques photographies
compromettantes. Thomas, lui, ne se cache pas et provoque.
Il est le charmeur de la bande. Les candidates aux Berryer n’ont
d’yeux que pour lui et certaines vont jusqu’à lui montrer plus
que la décence ne le permet. Il travaille chez Fleury Mares avec
Jean Louis Delvolvé, preuve que le glamour qu’il incarne n’a pas
sa place en cabinet. C’est que l’on peut être un secrétaire sans
perdre son sérieux.
En tant que 4ème secrétaire, il organise la Conférence Berryer,
rôle qui lui sied comme un gant. Ses diatribes enflammées et sa
voie portante traduisent les passions de ce secrétaire extraverti
et sans vergogne. La salle des criées fait résonner sa voix, à
laquelle il aime ajouter quelques effets de manche. Il lui est arrivé
de déverser le contenu d’une bouteille sur son torse de mâle.
Les femmes ont apprécié. Les hommes en ont pris de la graine.
Vous le croiserez souvent aux alentours du palais de justice,
chevauchant sa vespa dans un style bien à lui, avant de vous
recaler de la Berryer pour port de basket prohibé. Demandez-lui
sa carte de visite. Il la donne avec parcimonie, mais elle se vend
très cher.
Dans la même lignée : Jean-Yves Le Borgne,
Bertrand Perrier, César Campinchi
Solenn
Le Tutour
Solenn est l’aînée. Cela ne signifie pourtant rien,
ou justifie peut être seulement le fait qu’elle a
le plus la tête sur les épaules. Pourtant Solenn véhicule une
image faussement sérieuse. Lorsqu’on lui demande conseille,
elle vocalise. Lorsqu’on lui pose une question, elle ironise. La
journée, Solenn est collaboratrice chez Bird and Bird. La belle
affaire. Ca lui a appris à être chic, à avoir cette classe qui lui
colle à la peau. Ses domaines d’intervention démontrent son
originalité : aviation, risque industriel, contentieux divers. Elle
est une ancienne « assassienne », titulaire d’un DEA en droit
de la communication qui a émigré à Leicester pour y suivre
un cursus LLM. Solenn est une « affairiste » hors norme, ayant
acquis ses lettres de noblesse à Londres chez Chadbourne &
park.
En tant que 5ème secrétaire, elle est responsable de la défense
des minorités. Cette fonction est mouvante, et Solenn l’adapte
avec brio aux exigences de la protection des parties faibles :
la 5ème est ainsi passée de la protection des minorités à la
32 Jean-Denis Bredin Qu’est la plaidoirie devenue ? Mélanges Buffet
protection des mineurs, et œuvre désormais à la protection
contre les discriminations.
Ses camarades la décrivent fraîche et remplie de vie, caractère
que l’on ressent, que l’on respire quand elle pose sur vous ce
regard bienveillant qui vous met en confiance. En bref, Solenn est
la communicatrice de la bande, en français, en anglais, parlé ou
chanté. Ce que Solenn conçoit bien, elle l’énonce clairement. Et
les mélodies pour le dire lui viennent aisément.
Dans la même lignée : Lucine Vidal Naquet, Georges Izard
Kee-Yoon
Kim
Admise au Barreau de Paris en 2008 elle a usé les
bancs de l’université d’Assas, de Science Po Paris et
de l’ESSEC. Elle est aujourd’hui collaboratrice au sein du cabinet
Bredin Prat, spécialisée en droit social.
En tant que 6ème secrétaire, elle est chargée des relations avec
l’international.
Alors qu’elle n’était encore que stagiaire auprès d’un ancien
secrétaire de la Conférence, elle a assisté à sa première
Conférence Berryer, dont l’invité était « Gad Elmaleh » ; c’est
ce soir-là que sa vocation de secrétaire est née. Les portes de
l’avenir étant ouvertes à ceux qui savent les pousser, elle fait
aujourd’hui preuve d’enthousiasme et de facétie lors de chacun
de ses one woman show. Très mutine, elle a comme passion le
4ème degré et les contrepèteries qu’elle distille à l’envie lors
de ses discussions. Finalement Kee-Yoon ressemble un peu à
l’Eyjafjok…., enfin l’Eyjafjalla…., bref, ce volcan islandais qui a tant
fait parler de lui. Une fois qu’elle se réveille tout le monde le
sait. En vraie parisienne, elle a toujours un temps d’avance sur
les tendances même si malheureusement sa robe d’avocate ne
laisse apparaître que ses chaussures que vous découvrirez dans
les magazines de mode du mois suivant. Chers lecteurs, s’il vous
arrivait de la croiser au détour d’un couloir du palais de justice,
attachez vous à ne pas écorcher son doux prénom ou sa maman
qui n’est jamais très loin d’elle vous le fera répéter plus d’une
fois.
Dans la même lignée : Henri Ader, Jules Grévy
Franck
Fischer Bertaux
Franck est le littéraire incompris, le coquet coquin et
le « bijou » des secrétaires de la Conférence. Il manie
la langue de Molière comme nul autre.
Si le onzième se doit de veiller au respect des règles d’éloquence
39
DOSSIER BIS :
TITRE
Les Secrétaires de la Conférence
DOSSIER BIS :
Portraits des secrétaires de la Conférence
qui irriguent la Conférence depuis la République des avocats,
Franck, lui, s’évertue bec et ongles à en défendre l’élocution.
Franck articule, explique, explicite, défend, démontre, sans oublier
ni syllabe, ni pied, hémistiche, temps, contretemps, et soupir.
Lorsque Franck parle, il récite les lignes qu’il lit en vous comme
dans un livre ouvert. Et il prendra le temps de vous l’expliquer.
En tant que 7ème secrétaire, il est responsable des relations avec
les barreaux francophones. Il véhicule l’image de Paris et de la
Conférence, que l’on croirait Dandy en ne voyant que lui, mais
que l’on sait plus hétéroclite.
Franck est l’incarnation de l’humour permanent, pertinent
souvent, digne d’un chou blanc parfois, mais jamais déplacé. Il a la
culture qui conduit ses paroles, et sait faire preuve de modération.
Attention à ne pas lui chercher querelle, il vous mettrait, à la
manière de Molière, quelques vers dans le nez.
Dans la même lignée : Cardinal Pierre Gerlier, le Bâtonnier Paul Iwens,
Jules Ferry, Alexandre Millerand
Karim
Makram Ebeid
Karim est collaborateur chez Gide bien que certains
bruits de couloir révéleraient que Karim se serait fait
la malle. Un secrétaire de la Conférence, c’est de la verve, de
l’éloquence, et surtout de l’audace.
Ses amis secrétaires le décrivent comme un bon samaritain, un
avocat généreux et intègre. Il est l’homme « violent et sympa ».
C’est qu’en effet, il est « sympa sauf avec les candidats », car
Karim se révèle en Berryer !
En tant que 8ème secrétaire, il est responsable du site internet
et du blog de la Conférence. Mais Karim nous confie, au détour
d’un grand soir, que ses missions peuvent être tout autres et que
chaque secrétaire fait vivre la Conférence à sa manière.
Fan de Rock n’ roll, Karim est un peu le Jimmie Page de la
Conférence. Lorsqu’on lui confie une guitare, il en double les
cordes, dynamitant les candidats à la Berryer et semant bon an
mal an des graines de culture grunge dans les sillons traditionnels
de la Conférence.
Dans la même lignée : Christophe Jamin, Philippe Lefèvre
40
Vanessa
Boussardo
Vanessa est titulaire d’un DEA de droit privé général et
d’une maîtrise de droit des affaires. Elle fait aujourd’hui
du droit pénal chez FTMS et associés, avec Pierre Olivier Sur. Car
le pénal, c’est ce qui lui permet de révéler ce caractère mordant
qui accompagne ses palabres. Vanessa est douce, élégante, mais
également surprenante et ses piques en Berryer sont douloureuses.
Vanessa est le secrétaire qui ne saurait mentir : elle est la voix de
la vérité, la sage qui prodigue ses conseils en toute transparence.
En tant que 9ème secrétaire, elle organise la petite Conférence, la
joute des Conférences et le concours Taittinger. Elle est l’aggreg’
de la Conférence, la professeur de l’éloquence. Des personnalités,
elle serait Fénelon. Des antiques, elle revêtirait la toge de Platon.
Vous la croiserez surement au détour de la 23ème chambre, où
vous éviterez ses salves et sa terrible verve. Vanessa n’est terrible
qu’avec ceux qui le méritent. Gare à la morsure.
La 9ème est-elle travailleuse ? Elle arrive au cabinet tous les
matins à 7h30 et n’a de relâche que pour entretenir le mystère qui
l’entoure. Ceux qui la prendraient pour une Dati se fourvoieraient.
Sous ses robes stylisées se cachent une avocate retorse.
Dans la même lignée : le Bâtonnier Paul Arrighi, Leon-Lef Forster
Zoë
Royaux
Zoë Royaux ou quand Fifi Brindacier rencontre
Olympe de Gouges. Elle pratique essentiellement le
droit civil et le droit social mais la Conférence reste son terrain de
jeu préféré. Avant de prêter serment, elle voulait déjà passer le
concours de la Conférence : pour elle c’était la voie royale pour
plaider des dossiers passionnants. En tant que 10ème secrétaire,
elle est chargée d’organiser chaque mois le planning de travail
des 12 secrétaires. Elle répartit en fonction des préférences et
disponibilités de chacun, les permanences aux comparutions
immédiates, au pôle financier et aux mises en examen criminelles.
Le vendredi et le lundi sont souvent des journées très chargées
pour elle, et ça « c’est moche » mais elle s’attelle à cette tâche
avec cette infaillible motivation qui la caractérise. Il y a heureusement
une solidarité assez spontanée entre les secrétaires pour pallier les
problèmes du dernier instant. Elle avoue sans détour qu’elle a du mal
à dormir les veilles de chaque Conférence Berryer à cause du trac
qui la ronge mais, qu’une fois dans l’arène, c’est là qu’elle se révèle
entièrement. Pour la rassurer, nous devons reconnaître que le trac
va souvent de pair avec le talent. Enfin, un conseil à tous les futurs
candidats de la Conférence du stage : quand vous vous adresserez
aux secrétaires ne dites pas « Messieurs les secrétaires » mais
bien « Mesdames et Messieurs les secrétaires ». On vous aura
prévenu.
Portraits des secrétaires de la Conférence
Dans la même lignée : Michel Konitz
Yassine
Yakouti
Yassine est le cadet, le génie précoce. D’abord
Stagiaire chez Sherman et Sterling en droit des affaires puis chez
Freshfields, il a su rattraper ses aînés avec fougue et entrain.
Il est volontaire et force le destin. C’est un produit de l’université
de Sceaux et de l’EDHEC mais l’école de commerce n’a en
rien entaché sa fibre d’avocat. Sa famille originaire de Nanterre
regarde avec admiration et fierté ce secrétaire qui n’a prêté
serment qu’en 2008.Yassine avance vite. Très vite. Passionné par
le droit pénal et le monde judiciaire, il pense qu’il est fondamental
pour tout jeune avocat d’essayer de connaitre très vite la vie du
palais et l’adrénaline de l’audience, les coups de blues à la buvette,
les moments d’euphorie devant un JLD…
En tant que 11ème secrétaire, il organise le concours de la
Conférence afin de sélectionner la relève. Il est également le
garant des traditions de la Conférence qui ne se transmettent
que de père en fils.
Yassine est aussi bienveillant. Il est le secrétaire qui adresse
toujours un petit regard encourageant avant la Berryer. Il sait
ce que c’est. Il est l’enfant du mérite, la voie de la volonté, mais
tout va peut être un peu trop vite. Il part souvent se ressourcer
dans le désert où, pourtant, il est toujours possible de le joindre.
Yassine est l’homme qui vouvoie quand on le tutoie, soutient
quand tout le monde casse, reprend quand ses aînés ont la langue
qui fourche. Attention à ne pas juger sans connaître. Yassine est
un secrétaire que l’on ne voit pas de prime abord, mais que l’on
ne peut ignorer par la suite.
On peut discerner chez Eddy une certaine prétention. Elle est
indispensable à la fonction et procède de sa mission de douzième.
On ne confie pas ses deniers à n’importe quel quidam. Lorsque
l’on observe Eddy de près, on peut le surprendre à jouer avec ses
boutons de manchette. Si Eddy procède de la même manière avec
les billets, l’Ordre peut dormir sur ses deux oreilles. Ainsi, quand
on parle de budget, Eddy veille au grain. On ne dit pas n’importe
quoi. On n’accuse pas sans savoir. La dépense dispendieuse est
son pire ennemi. Quand Eddy signe, c’est pour le bien de la
Conférence.
Eddy est cet homme captivant qui jette sur vous un regard
magnétique. Lorsqu’il parle, on l’écoute. Et il vous le fait gratis.
Dans la même lignée : le Bâtonnier Jean-Castelain , Pierre-Olivier Sur,
Claude Lussan
Dans la même lignée : Jean Chamant
Eddy
Arneton
Eddy est un patron. Il a étudié à Bordeaux et à la
Martinique le droit civil et le droit des assurances,
domaines qu’il a pratiqués au sein d’un cabinet jusqu’en juin
dernier. Parallèlement à sa collaboration, il pratiquait le pénal dès
sa première année de Barreau. Désormais, seul le pénal le guide,
ce qui l’a d’ailleurs conduit à présenter la Conférence.
Aujourd’hui, il a le bâton de la justice dans une main, et le
bouclier du financier dans l’autre. Et il fait grand cas des deux…
En tant que 12ème secrétaire, il est le trésorier de la Conférence
et décide ainsi de toute sortie en numéraire. Les secrétaires le
disent « droit » et investi. Il est entier et ne passe pas par quatre
chemins, quoi qu’il les aurait comptés préalablement. Quand Eddy
s’investit, il n’y a pas deux poids deux mesures : il se consacre
intégralement.
41
DOSSIER BIS :
TITRE
Les Secrétaires de la Conférence
Paroles d’anciens secrétaires de la Conférence
Maître Benoît Chabert,
ancien 1er secrétaire
de la Conférence
Pourquoi avoir présenté le concours de la
Conférence du stage ? Que pensez-vous de
cette institution ?
J’ai présenté ce concours pour 3 raisons : le désir de plaider
devant la Cour d’assises ; le service du justiciable défavorisé ;
et enfin, le goût du défi. La Conférence est intimement liée
au droit pénal. Un secrétaire doit plaider pour convaincre.
Celui qui s’écoute plaider est perdu. L’avocat qui plaide aux
Maître Jean-Yves
Le Borgne, ancien
4ème secrétaire
de la Conférence
Avez-vous déjà été secrétaire de la
Conférence ? Que pensez-vous de cette
institution ?
J’ai été collé deux fois au concours de la Conférence ; la
troisième fois j’ai été élu au poste de quatrième secrétaire
de la Conférence. Le quatrième avait alors à organiser la
Maître Henri Leclerc,
ancien 2ème
secrétaire de la
Conférence
42
DOSSIER BIS :
Paroles d’anciens secrétaires de la Conférence
Vous avez été élu 1er Secrétaire de la Conférence.
Quel est le rôle d’un premier ?
Je rêvais d’être 7ème en passant le concours car c’était la place d’un
bon ami. Je voulais être dans sa lignée. Je n’avais pas un instant pensé à
la place de premier. Une promotion est toujours définie par son premier
: « promotion Chabert », « promotion Ravanas »…c’est pourquoi les
douzième ont toujours voulu être Bâtonnier, pour inverser l’ordre des
choses (rire) A l’époque, il existait une tradition, selon laquelle le premier
nouvellement élu appelait les anciens premiers secrétaires qui pouvaient
décider de lui déléguer des dossiers. Parmi eux, Jacques Vergès, il m’a
confié plusieurs dossiers extraordinaires ; j’ai ainsi défendu l’assassin
d’un Bâtonnier de province, des membres du GAL.
Le premier doit remplir trois missions difficiles :
- Le discours lors de la rentrée du Barreau de Bruxelles. La tradition veut
que le Premier secrétaire soit chahuté pendant son discours, l’objectif
étant de rétablir le silence. A mon époque, le Bâtonnier était outré par
cette pratique, il m’a donc été facile en « jouant le jeu » de m’attirer un
certain « capital sympathie ».
- Le toast lors du dîner de gala des Anciens Secrétaires. J’en garde un
souvenir affreux. Jean Marc Varaut, ancien premier était venu me voir
pour me féliciter : « Vous avez une très belle voix » m’avait il dit, la pire
des insultes (rire).
- Le discours de rentrée du Barreau de Paris. Le Premier doit faire l’éloge
d’un avocat qu’il aura choisi préalablement. J’en garde au contraire un
excellent souvenir. J’avais choisi - sur les conseils de Jean René Fartois de faire l’éloge de Maître Paul Baudet qui avait défendu Jacques FESCH,
accusé d’avoir tué un policier, après le braquage d’une bijouterie.
Enfin, être Premier c’est aussi être un chef de bande. Il y a deux types
de premier : les génies et les chefs scouts ; j’appartiens à la seconde
catégorie.
Conférence Berryer qui, il faut le dire, était tout de même
plus « sage » de mon temps. Par la suite, j’y ai fait la
contre critique à de nombreuses reprises. L’exercice me
plaisait beaucoup, mais « l’humour Berryer » me paraît
peu conciliable avec mes fonctions actuelles ; on verra
plus tard…
A l’époque, il existait également, parallèlement à la
Conférence Berryer, la Conférence Tronchet qui était une
conférence d’improvisation : je regrette qu’elle n’existe plus,
même si je dois reconnaître que lorsque j’étais le secrétaire
de cette conférence, très peu de candidats s’y présentaient,
à tel point que, plus d’une fois, j’ai dû improviser moi-même
le discours et jouer ainsi tous les rôles.
Le concours de la Conférence est une institution d’exception
et, à vrai dire, je serais même favorable à ce qu’il redevienne
obligatoire pour les jeunes avocats. Si l’exercice est difficile, il est
extrêmement formateur ; il y a une dimension oratoire dans toutes les
spécialités de notre profession, l’exercice est donc utile à tous.
Par ailleurs, il s’agit d’un concours au mérite et je trouve cela très
respectable. Il n’y a aucun favoritisme possible. J’ai présidé le concours
de la Conférence pendant six mois et, tout naturellement, je faisais
part, sans arrière-pensée aucune, de mon point de vue sur certains
candidats aux secrétaires : ces derniers devenaient soudain de marbre
ne laissant en rien transparaître leur avis mais gardant jalousement
leur prérogative de choix que je n’avais d’ailleurs nullement l’intention
de leur disputer. Ceci pour vous dire qu’aucune intervention, même
involontaire, n’est possible auprès des secrétaires en poste. C’est
notamment ce que je trouve appréciable dans ce concours.
Si la liste finale des secrétaires est approuvée par le Conseil de l’ordre,
ce n’est en rien pour contrôler la qualité de cette dernière, mais
simplement pour vérifier qu’aucun nouvel élu n’est en délicatesse
avec les règles de notre Ordre.
Que pensez-vous de l’institution des secrétaires
de la Conférence ? Quelle est leur légitimité ?
Je suis actuellement Président de l’Association Amicale des
Secrétaires et Anciens Secrétaires de la Conférence du
Barreau de Paris. La Conférence est souvent contestée et
mise en cause. Ce qui me semble important, c’est qu’il s’agit
de l’un des derniers lieux où on cultive l’art de la parole et de
ce discours spécifique qu’est la plaidoirie. C’est la parole qui
fait l’homme et le discours qui assure le lien social. Il ne peut
y avoir de justice pénale et même de procès sans parole.
La Conférence doit évoluer : une culture trop grande du
discours pour le discours doit changer, même s’il faut pour
cela s’écarter un peu des traditions.
La Conférence ne se justifie que dans l’optique de la
plaidoirie : son objet n’est pas la beauté du discours, mais la conviction
qui ne peut se fonder que sur la bonne connaissance du droit, du
dossier de la personne que l’on défend et alors seulement vient la
rhétorique, ou l’éloquence si vous préférez.
Une de mes toutes premières plaidoiries m’a marqué. J’étais en
comparution immédiate - l’ancien « flag » - je plaidais alors pour un
yougoslave accusé de se servir régulièrement dans des bouteilles de lait
qui attendaient dans la rue d’être rentrées dans les magasins. Commis
d’office, j’étais satisfait de ma plaidoirie, le Président du Tribunal me
félicitait alors que mon client venait d’être condamné à six mois ferme...
J’étais absolument furieux : je ne pouvais pas avoir bien plaidé alors
que mon client venait d’être condamné à cette peine ! On ne peut pas
séparer la plaidoirie de la défense !
assises est une sorte de vitrail qui donne de la lumière à des
personnalités parfois fades. Les vitraux sont parfois beaux,
mais ils ne sont que des vitraux dont l’objectif est de donner
de la couleur à une lumière blanche. La Conférence est
élitiste mais c’est une très belle institution qui met en avant
le talent oratoire et non simplement la réussite financière.
Vous êtes vous déjà présenté à la Conférence
Berryer et que pensez vous de ce concours
d’éloquence ?
Non, je n’ai pas passé la Berryer. C’est un exercice que je
n’aime pas ; critiquer des confrères m’agace. Le secrétaire
doit être brillant dans la méchanceté ; je préfère l’être dans
l’éloge. Il est plus facile d’être un « bon méchant », qu’un «
bon gentil ». C’est devenu un spectacle parisien à la mode,
mais je n’en comprends pas l’utilité.
Est-il possible de mener de front une collaboration et
une mission de secrétaire ?
Je connais les difficultés qu’ils rencontrent. Je réfléchis actuellement à
un système qui rende compatible l’exercice d’un mandat de secrétaire
avec une collaboration. Cela pourrait passer par une mutualisation de
la charge d’un secrétaire pour un cabinet. Bien sûr, cela ne résoudrait
pas tous les problèmes ; de nombreux cabinets souhaitent bénéficier
d’un collaborateur à plein temps. Mais, il faut trouver une solution car
les légitimes exigences d’un contrat de collaboration ne doivent pas être
un frein pour les candidats au concours de la Conférence.
43
DOSSIER BIS :
TITRE
Les Secrétaires de la Conférence
DOSSIER BIS :
En bref
Ma Berryer : Récit d’un candidat
Les rôles des secrétaires
La petite Conférence
Les numéros qui accompagnent chaque secrétaire ne sont
pas révélateurs d’un classement. Ils correspondent à une
fonction, qui est propre à chacun, et qui serait attribuée
en fonction des multiples personnalités qui composent la
conférence du stage.
La petite Conférence est organisée par le neuvième
secrétaire avec l’Association des Elèves Avocats de l’EFB. Il
a lieu chaque année et a pour but, entre autres, de préparer
les élèves avocats au concours de la Conférence.
- Le premier secrétaire est appelé le primus inter pares, représentant ses pairs
auprès de l’Ordre et plus généralement lors de l’ensemble des évènements
qui les concernent. Il prononce un discours à la mémoire d’un avocat à la
rentrée du Barreau de Paris.
- Le deuxième secrétaire est la face cachée du premier, le « fou du Roi »,
l’électron libre. Si le premier secrétaire est le Ying, lui serait le Yang. Il veille à
l’équilibre. Il prononce également un discours lors de la rentrée solennelle, sur
un grand procès.
- Le troisième secrétaire est responsable des relations avec la presse et avec
les magistrats. Il ouvre le concours de la conférence.
- Le quatrième secrétaire est en charge de la conférence Berryer.
- Le cinquième secrétaire est en charge des questions relative à la défense des
minorités, des discriminations, l’objet exact variant en fonction des nécessités.
- Le sixième secrétaire représente l’Ordre vis-à-vis des barreaux étrangers.
- Le septième secrétaire assure les relations avec les barreaux francophones.
- Le huitième secrétaire est responsable du site web de la conférence et des
blogs et, normalement, de l’organisation du colloque de la Conférence.
- Le neuvième secrétaire organise la Petite conférence (Cf. encadré) et le prix
Taittinger.
- Le dixième secrétaire est chargé de la défense pénale et distribue les
permanences des secrétaires en fonction des emplois du temps.
- Le onzième secrétaire est le « gardien des traditions » et, à ce titre, est
souvent directement visé lors de la contre-critique des Berryers (Cf. encadré).
Il organise le concours de la Conférence.
- Le douzième secrétaire est le trésorier de la Conférence. Il organise les
sorties officielles.
Le concours de la Conférence
Le concours de la Conférence est une tradition. Elle permet
de sélectionner chaque année la relève, de choisir les
candidats qui « plaisent, émeuvent, convainquent ».
Le premier tour se déroule sur 24 séances, de janvier à juillet, chaque
mercredi à la bibliothèque de l’Ordre. Deux sujets sont proposés aux
candidats 15 jours à l’avance, qu’ils ont le choix de traiter par l’affirmative
ou la négative. Chaque séance se déroule en présence du Bâtonnier
ou de l’un de ses représentants et d’un invité issu du monde judicaire,
universitaire ou de la presse. Le concours de la Conférence a ainsi vu
s’exprimer des grands noms du droit, comme Jean-Denis Bredin, Robert
Badinter, Guy Canivet et Jean-Louis Debré.
A l’issue de ce premier tour, où chaque année près de 120 avocats se
présentent, 36 sont sélectionnés. Ils sont, au cours du deuxième tour qui
se déroule en septembre, invités à discourir sur un sujet tiré au sort cinq
heures avant leur passage.
Les 24 candidats sélectionnés aux termes du deuxième tour déclameront
en octobre lors de l’une des trois séances du troisième tour. Ils auront
cinq jours de préparation.
Les douze candidats sélectionnés parmi les 24 candidats du troisième
tour se verront alors confiés leur fonction de secrétaire, qu’ils exerceront
à compter du mois de janvier de l’année suivante.
Responsable 2010 :Yassine Yakouti, 11ème secrétaire
44
Elle est organisée en trois tours, le jury étant pour chacun composé de
plusieurs secrétaires de la Conférence et d’un invité de renom.
La petite Conférence est ouverte aux élèves de la promotion entrante
sur simple inscription auprès du neuvième secrétaire. Le premier tour à
lieu au cours des deux premiers semestres de l’année. Le candidat choisit
son sujet, qu’il traitera par l’affirmative ou par la négative, parmi deux
sujets proposés 15 jours à l’avance et diffusés sur le site de la Conférence
et de l’AEA. A l’issue du premier tour, huit candidats sont sélectionnés
pour le deuxième tour.
Le deuxième tour est organisé sur une journée, les sujets à traiter étant
tirés au sort cinq heures avant le passage, pour une prestation d’une
dizaine de minutes. Quatre candidats accéderont ensuite au troisième
tour.
Le troisième tour a lieu sur une soirée. Les sujets sont transmis aux
quatre candidats cinq jours à l’avance et le lauréat est désigné à l’issue
des quatre prestations.
Responsable 2010 :Vanessa Bousardo, 9ème secrétaire
La Berryer
A peu près une fois par mois, le quatrième secrétaire
organise au sein de la Salle des Criées du Palais de Justice de
Paris la célèbre « Conférence Berryer », du nom de l’avocat
initiateur de la « plaidoirie engagée » sous la troisième
République, baptisée la « République des avocats ».
Maître Berryer fut le défenseur de grandes causes et des grands hommes,
des généraux Ney et Cambronne, dont le mot ne lui aura pas échappé, à
Louis-Napoléon en 1840. Il fut avocat, bâtonnier et académicien, autant
de titres à la convergence desquelles se situent la probité, l’éloquence et
la littérature.
La « Berryer » est un exercice respectant des règles bien précises : les
douze secrétaires, présidés par un invité d’honneur, au rang desquels on
peut citer Salvador Dali, Bernard Pivot, Patrick Bruel, Fabrice Lucchini,
Claude Nougaro ou même Nicolas Sarkozy, ouvrent les portes de la
Salle des Criées, en retard, et s’installent devant un public agité. Puis l’un
des secrétaires, revêtant pour la cause la fonction de rapporteur, dresse
un portrait « aigre-doux » de l’invité, qu’il sera invité à corriger un fois
l’exercice terminé. Puis vient le tour des candidats, de deux à quatre selon
la Berryer, qui déclament durant une dizaine de minutes leur discours
préparé sur l’un des sujets diffusé préalablement (notamment sur le site
de la Conférence). La fin de chacun des discours marque l’ouverture des
« hostilités », chaque secrétaire, tour à tour, étant invité à critiquer le
candidat de toute leur verve. Parfois moqueur, souvent féroce, toujours
fin, les critiques fusent et rares sont les secrétaires qui ménagent les
candidats. Beaucoup ont qualifié la Berryer de « lynchage ». Ce n’est pas
toujours faux. Mais tous connaissent l’exercice et les commentaires des
secrétaires sont tous exempts de méchanceté.
Les douze secrétaires ayant émis leurs critiques, le dernier mot est confié
à l’invité.
La Berryer s’achève toujours sous les feux d’une contre-critique, ancien
secrétaire, dissimulé dans l’audience, qui condamne un à un les secrétaires,
les traitant avec d’autant plus de fougue que les secrétaires auront laissé
libre court à leur brûlante inspiration. Une « mise en abîme » à laquelle
on assiste toujours avec délectation.
Responsable 2010 :Thomas Heintz, 4ème secrétaire
Ma Berryer : Récit d’un candidat
« Sarah on ne peut écrire que sur
ce que l’on connaît », m’a dit un
des Secrétaires de la Conférence.
C’était un mercredi. La Berryer
avait lieu le vendredi soir, je me
suis laissée convaincre…
Pourtant, je savais ce qui m’attendait. J’avais
vu les affichettes clairsemées dans le Palais et
je m’étais rendue un soir à la Berryer pensant
assister à un concours solennel dans la Salle
des Criées : j’avais découvert un concours
d’éloquence parodique. En fait, le spectacle
s’apparentait à une sorte de corrida avec
mise à mort des candidats. Noyée dans la
foule des spectateurs médusés, visiblement
moqueurs mais tacitement admiratifs, je me
disais que jamais je ne pourrai participer à ce
genre d’exercice.
« Silence, on tourne ? » : tel était le sujet que je
devais préparer.
Je saute dans un taxi, au mépris de l’état
désastreux de mes finances de stagiaire et
j’en profite pour téléphoner à mes amis. La
nouvelle s’est déjà propagée : Sarah passe la
Berryer.
Minuit, je pianote fébrilement sur mon
ordinateur, je griffonne toutes les idées qui
me passent par la tête et les titres de films
qui me viennent à l’esprit.
Six heures : je suis debout, je réveille l’équipe
du Baromaître. Ils seront tous présents à
dix heures dans notre salle de réunion : la
chef de rédac va au casse pipe, il faut sauver
l’honneur du Journal.
Je récolte les blagues des uns, les références
des autres. Je me rassure, mais j’ai maintenant
beaucoup trop de notes : plus de vingt pages
!
Je m’enferme chez moi : il faut trier, rédiger...
Un plan ? La Berryer permet de s’en passer...
J’essaie d’écrire : des phrases de quinze
lignes à mourir d’ennui et parfaitement
imprononçables. Réécrire, recommencer.
20 heures : j’ai fini. Un ami m’appelle : « Tu
as lu le blog d’Eolas ? ». Le célèbre avocat
bloggeur conseillait de ne pas parler droit,
de ne pas attaquer les secrétaires et de ne
pas attaquer l’invité. J’ai tout faux. Mais il est
trop tard pour recommencer, trop tard pour
renoncer.
Demain, à la même heure, je serai dans
l’arène. Une nuit sans fermer l’œil, mais
quand je me réveille il est midi. Panique. Je
passe l’après midi chez deux amis : ils me
font répéter encore et encore...
18 heures : je rentre prendre une douche et
je rejoins l’équipe du Journal. Ils m’attendent
aux « Deux Palais ». Ils m’ont commandé à
boire. Je bois, je bois : sans le moindre effet
apparent.
C’est l’heure, j’avance mécaniquement dans
le Palais, j’y suis : je passerai la seconde.
Le quatrième secrétaire se lève, me présente
: « je suis une bonne élève, sûrement très chiante
» ; ça va, je m’attendais à pire. Je me lève
à mon tour ; je commence à parler ; mes
deux metteurs en scène sont à côté de
moi. La salle semble rire, j’entends des
applaudissements, mais je suis loin. Je déroule
mon discours, comme j’imagine qu’on monte
un col en vélo, j’ai passé les points difficiles,
les blagues qui ne font rire que moi, évité les
zozotements possibles, les mots sur lesquels
j’ai trébuché tout l’après-midi. Ça y est, j’ai
fini. Soulagement. Vient alors le moment où
le douzième se lève, réajuste ses boutons de
manchette, fredonne une mélodie qui me
rappelle vaguement quelque chose...
Mes amis sont inquiets. Ce que je redoutais
le plus s’avère un soulagement : j’ai fini.
J’essaie de rester concentrée, mais les kirs
commencent à faire leur effet et les deux
nuits blanches se font sentir. Je me souviens
de la 10ème Secrétaire qui monte sur la
table pour imiter un cours d’ « aérobite »,
du septième qui me « chie dans le cou » (c’est
une réplique de film, mais je l’ignorais), de la
cinquième qui fredonne l’air de Princesse
Sarah. Et puis c’est tout. Le reste, on me le
racontera après.Vous vous réveillez, c’est fini
: Princesse Sarah est redevenue stagiaire, le
carrosse est redevenu citrouille... Mais, vous
vous dîtes en vous-même : « c’était bien ».
Sarah Mauger
– Promotion Jacques Attali – série N
45
DOSSIER BIS :
TITRE
Les Secrétaires de la Conférence
DOSSIER BIS :
SOUS-TITRE
Interview Berryer
Emmanuel RAVANAS : Le premier sera-t-il le
dernier ?
A la Conférence, les numéros ne sont qu’indicatifs : tout le monde attaque
mais surtout tout le monde défend. Il n’y a pas de Juda !
Alors pas de question de préséance, l’aventure se vit tous ensemble et c’est
bien souvent que le premier se retrouve dernier. L’ordre des choses en somme !
César GHRENASSIA : La Conférence permet-elle de
franchir le Rubicon ?
Ne faut-il pas avoir déjà franchi le Rubicon pour se présenter au concours
et affronter les épreuves du succès ou de l’insuccès? Aller où nous mènent
les signes de ces Dieux qu’on distingue de plus en plus mal et l’injustice
d’ennemis qui n’entendent pas même se cacher. Après, les dés sont jetés
et il faut suivre son numéro. Bien sur, si j’avais eu la chance de m’appeler
Jacky j’aurais pu vous répondre en chanson ; mais le barreau de Knokke
le Zoute ne compte qu’un seul Secrétaire élu pour une heure seulement.
Guillaume PELLEGRIN : L’ambition étanche-t-elle la
modestie ?
Interview Berryer
Kee-Yoon KIM : Fait-il plus chaud chez Castel ou au
dépôt ?
Zoë ROYAUX : La femme est-elle un homme comme
les autres ?
Je ne peux pas répondre à cette question : je me suis toujours fait refouler à
l’entrée du dépôt.
Ceci dit, il paraît que le dépôt est désormais un endroit chaleureux et accueillant
depuis les travaux annoncés en 2009 à la suite de la guérilla menée par
la promo 2009 (conclusions de nullité déposées systématiquement lors de
chaque audience devant la 23e chambre des comparutions immédiates). Mais
nul n’a encore pu constater de ses propres yeux...
Il est donc manifestement encore temps d’y passer la nuit pour témoigner et
obtenir le Renaudot et/ou le Grand Prix des lectrices de Elle.
Chez Castel... mais vous nous avez pris pour des baltringues ? Quitte à choisir,
je préférerais les Planches. Malheureusement, c’est techniquement incompatible
avec les 14h de sommeil par jour nécessaires pour garder le teint soyeux et le
poil frais. On n’a rien sans rien.
La femme devrait-elle forcément être un homme comme les autres !? Mais
non!!! D’ une part elle pourrait être un homme différent et d’ autre part et
surtout être une femme! Juste une femme! Libérons les femmes de cette
oppression masculine! Arrêtons ces comparaisons handicapantes!
Et puis nous savons que la société contraint la femme à être belle, de bonne
humeur, et même d’ humeur égale sous peine d’ être démasquée comme étant
en train de vivre ses « menstruations », épilée, bonne cuisinière, drôle sans être
vulgaire bien sûr, jamais saoule, sportive mais pas trop sinon elle ne peut être
que lesbienne, pas liftée mais pas ridée, pas grosse mais pas obsédée par son
poids, ferme non pas dans son caractère mais juste au niveau des cuisses, du
ventre...? non sauf pendant les grossesses....
Par toutes ses qualités contraintes imposées.. La gemma n’est pas un homme
comme les autres… Bien au contraire!
Messieurs, vous qui rêvez d’être une femme comme les autres...à vos épilateurs
il n’est jamais trop tard pour bien faire!
Franck FISCHER BERTAUX : La nuit voit-elle le jour ?
Malheureusement, cette question ne veut rien dire en raison d’une
mauvaise utilisation du verbe « étancher » ; qui plus est elle ne s’applique
pas du tout à moi, qui souffre d’un manque total d’ambition, en grande
partie lié à une absence de charisme et à un physique quelconque. Je vous
remercie malgré tout de me l’avoir posée ; quelqu’un d’aussi modeste que
moi est toujours ravi d’entendre dire par les autres tout le mal (ou le bien)
qu’il pense de lui-même.
Chaque nuit. Chaque jour. Jamais de rendez-vous manqué. Le miracle
se renouvelle toujours. Pour mon plus grand bonheur. Ce moment où
la nuit voit le jour, d’aucuns disent qu’il survient entre chien et loup. A
cet instant, chacun gagne la liberté supplémentaire d’être éventuellement
pris pour celui qu’il n’est pas... Pour l’avocat que je suis, l’expression
prend également un autre sens. Elle porte la symbolique de cet arbitrage
perpétuel auquel nous sommes contraints entre loyauté et indépendance,
de cet effort de justesse que nous devons tous à tous les oiseaux de nuit
déférés à la pique du jour...
Thomas HEINTZ : La ponctualité étant la politesse
des rois, les Secrétaires manquent-ils d’éducation à
défaut d’éloquence ?
Karim MAKRAM-EBEID : Faut-il avoir lu la Princesse
de Clèves pour être cultivé ?
Cher Baromaître,
Comment oses-tu ?
Toi qui met en parenthèse la vie d’une cohorte, d’une myriade, que dis-je,
d’une multitude, de lecteurs dont le quotidien est suspendu à la parution
aléatoire de chacun de tes numéros.
Ton hôpital se moque bien de la charité.
Du reste, si tu nous fais ce procès-là, c’est que tu nous connais mal.
Nous sommes toujours à l’heure.
Cette heure parfaite où l’impatience d’une audience courageuse rencontre
les espoirs d’orateurs incertains, comme deux corps qui ont attendu l’étreinte,
emplis de doutes et d’espoirs, et qui observent d’un œil brillant la lézarde sur
le plafond, se disant en eux-mêmes : « c’était bien ».
Celle du chat et de la souris.
A la bonne heure.
Solenn LE TUTOUR : Faut-il aimer sa famille ?
La famille c’est comme le chou-fleur.
Certains adorent, d’autres abhorrent.
Moi j’aime le gratin de chou-fleur, autant dire que j’aime la famille, même
quand elle est gratinée.
Crue elle peut-être crue-elle, mais bien préparée, bien mijotée avec
délicatesse respect et générosité, quel met des plus exquis !
Qu’elle soit de sang ou d’amitié, la famille c’est un délice!
46
S’agissant de ta question, elle ne manque pas de m’étonner, voire de me
choquer, tant elle confine à l’insulte à un chef d’Etat en exercice.
Aussi ne m’attarderai-je pas à de longs développements et me contenteraije de rappeler les paroles de notre guide suprême que tu as, semble-t-il,
honteusement oubliées, au mépris de tous sens civique et patriotique (si ce
n’était pas le cas, tu n’aurais pas posé cette question). Ainsi, « l’autre jour,
je m’amusais, on s’amuse comme on peut, à regarder le programme du
concours d’attaché d’administration. Un sadique ou un imbécile, choisissez,
avait mis dans le programme d’interroger les concurrents sur “La Princesse
de Clèves”. Je ne sais pas si cela vous est souvent arrivé de demander à la
guichetière ce qu’elle pensait de “La Princesse de Clèves”… Imaginez un
peu le spectacle ! ».
Il n’est donc pas nécessaire d’avoir lu la Princesse de Clèves pour devenir
un puit de science. Le régime à suivre pour le devenir est bien plus simple :
un visionnage hebdomadaire du JT de 20h (je conseille les JT sur Canal
+ ou M6, ils sont plus courts) doublé d’une lecture attentive des textes
imprimés sur les paquets de biscuits et/ou de céréales suffit amplement
pour acquérir un bagage culturel des plus solides et ne pas devenir un illettré
comme bon nombre de mes confrères.
Vanessa BOUSARDO : Etre une Vanessa est-ce le
paradis ?
Malgré leurs avances insistantes, je n’ai pas eu de relation avec Gainsbourg,
Kravitz ni Johnny Depp!!!
En dépit des apparences, ce n’est pas tous les jours paradisiaque...
Plus sérieusement, la détresse de la plupart des gens que l’on défend au
quotidien donne parfois l’impression de toucher du doigt l’enfer...sur terre.
Yassine YAKOUTI : La Conférence respecte-t-elle une
politique des quotas ?
Les œillades d’un borgne, les cavalcades d’un boiteux et les discours d’un sourdmuet ont ceci en commun qu’ils n’arrivent pas vite, voire jamais, au but. Voilà,
j’espère ne pas avoir été trop long.
Eddy ARNETON : Est-il dur d’être aimé par des
comptes ?
La réunion du 28 juillet 2010 a pris fin, l’œil torve-vif, phénomène rare
rencontré uniquement chez les pratiquants de jardinage naturiste, ils entonnent
une chanson paillarde d’origine Hutue : « Jetons-les à l’eau, Jetons-les à l’eau,
Point de bobos pour les Masos ! ». Ils sont prêts à en découdre avec les souillons
de la Nation ; l’exemplarité anciennement condamnée dépose alors contre la
vermine.
L’objectif du gouvernement est clair, la mesure à venir, la voici : dans les trois
mois, tous les élèves-avocats qui ne maîtrisent pas le Terré, Simler et Lequette
seront renvoyés dans leurs facultés d’origine puis installés en République
Dominicaine pour être certain de ne plus les voir.
Les élèves-avocats honteusement frondeurs crièrent à l’amalgame : « Il convient
de distinguer les élèves-avocats qui sont de futurs avocats des étudiants en
droit qui risquent de devenir notaires, nous sommes crf-paiens et ef-biens, nous
n’avons pas de terre, traitez-nous comme tous les juristes !», s’indigna leur chef
de fil, une certaine Samau Rahger.
Mais les chiffres avaient parlé aux yeux du pouvoir. Sur le livre des comptes
des crimes et délits, un trop grand nombre d’élèves-avocats végète dans les
trois cents camps illégaux de la Deuxième année de droit, lesquels seront
démantelés sans ménagement.
Le mois d’août 2010 fut alors le plus dévastateur de tous les temps. Les élèvesavocats collèrent des chewing-gum à l’entrée des Mac Do, refusèrent les sorties
en Kayak, et, comble de l’horreur, pratiquèrent l’abstinence.Vaines tentatives, le
spectacle prime l’Histoire.
Vous le savez, être aimé par des comptes est une abjecte souffrance. Sourions,
l’arme aux lèvres !
Pierre-Emmanuel Froge – promotion Jacques Attali – série H
Sarah Mauger – promotion Jacques Attali – série N
Hadrien Pellet – Promotion Jacques Attali – série J
Photographies : Léopold Lemiale – promotion Jacques Attali – série N
Le regard des candidats
sur la Conférence du stage
Avez-vous déjà été secrétaire de la Conférence ?
Que pensez-vous de cette institution ?
Maître Christiane Feral- Schuhl :
La promotion 2010 emmenée par Emmanuel Ravanas
est emblématique de ce que la Conférence du Stage
incarne. Elle est la rencontre de la tradition et de la
modernité à laquelle je suis très sensible. C’est la
Conférence du Stage qui a déposé le QPC sur la garde à vue ;
c’est le Premier Secrétaire de la Conférence, lors de l’audience des
plaidoiries devant le Conseil Constitutionnel du 20 juillet 2010, qui
a débuté les débats. Pour ne pas avoir été Secrétaire moi-même,
j’ai choisi un colistier, candidat au Vice-bâtonnat, Yvon martinet,
ancien Premier Secrétaire de la Conférence du Stage (promotion
1991), dont le parcours et l’activité en matière de droit pénal et des
procédures pénales sont reconnus, notamment dans sa spécialité du
droit de l’hygiène, sécurité, santé et environnement.
Maître Pierre-Olivier Sur :
La Conférence m’a tout donné. Elle m’a permis de
plaider des dossiers passionnants ; « l’affaire des
frères Chaumet » par exemple (1990). Le premier
jour de l’audience il manquait un avocat, pour l’un
des prévenus qui était aussi la dernière roue du carrosse. Philippe
Lemaire et Bernard du Granrut, anciens douzièmes secrétaires, ont
donc demandé en urgence à l’actuel douzième secrétaire… c’était
moi… de venir occuper avec eux le banc de la défense pour ce
prévenu-là. Je suis donc arrivé, comme en comparution immédiate,
à l’ouverture de ce procès qui faisait la Une de tous les journaux. Il
se trouve que dans la composition du tribunal, il y avait un auditeur
de justice qui était le neveu d’un futur prévenu dans une autre
affaire médiatique. Et ledit auditeur de justice m’a ensuite envoyé
ce nouveau client. Ainsi mon aventure professionnelle a-t-elle
commencé. Le Bâtonnier Francis Mollet-Viéville disait, se retournant
sur sa propre carrière : « La Conférence du stage c’est mieux que
le Conseil de l’Ordre, mieux que le Bâtonnat, mieux que le Conseil
Constitutionnel ». Et Poincaré avait ouvert la voie en ajoutant
même : « c’est mieux que… la Présidence de la République ! ».
La Conférence m’a également transmis la culture de réseau. Le
réseau palais. Comme avec l’UJA, les anciens membres du Conseil
de l’Ordre, le cercle de pétanque du Barreau. La Conférence est
ma seconde famille.
Maître Brigitte Longuet :
Le candidat Vice-Bâtonnier à mes côtés, Hervé Chémouli,
est un ancien secrétaire de la Conférence. L’éloquence
est l’un des piliers de la profession. Mais la profession
est diverse dans ses spécialités et toutes ne mènent pas
à la barre, a fortiori pour la conquête de nouveaux marchés.
47
HORS DES CÔTES
HORS DES CÔTES
Comment effectuer un stage dans les institutions européennes ?
Petit guide pratique pour
décrocher un stage dans
une institution européenne
C
ela ne vous aura pas échappé, le droit européen (ne plus dire
« droit communautaire », il a été enterré par le Traité de
Lisbonne) est de plus en plus prégnant en droit français et les
cabinets sont friands de jeunes collaborateurs maîtrisant parfaitement
les rouages bruxellois. Mais, si tout le monde a suivi au moins un cours
de droit communautaire à la fac, peu de futurs avocats s’y retrouvent
vraiment dans le magma de règles que forme le droit européen. Alors,
quel meilleur moyen pour se familiariser avec ce droit complexe et
aujourd’hui inévitable que d’effectuer un stage dans une des institutions
de l’Union européenne ?
Ceux qui se sont renseignés sur la question ont certainement été
refroidis par la procédure officielle un peu longue et fastidieuse…
Pourtant, peu savent qu’il existe des chemins de traverse pour obtenir
un stage à Bruxelles, Luxembourg ou Strasbourg. La mission n’est
donc absolument pas impossible !
Pour quel type de stage ?
D
ans le jargon de la Commission, on distingue les stages « blue
book », obtenus par le biais du processus de recrutement
officiel, des stages « hors blue book », obtenus en candidature
libre. Chacune des institutions propose, de la sorte, deux types de
stages : des stages rémunérés accessibles par le biais d’une procédure
encadrée et des stages atypiques non rémunérés pour lesquels la
candidature est libre.
L
Dans quelle institution ?
D
ès que l’on parle de l’UE, le premier réflexe est de penser à la
Commission, organe tentaculaire qui traite de multiples sujets
dans ses différentes directions générales.
Cependant, il existe de nombreuses autres institutions européennes
qui sont toutes à la recherche de stagiaires étudiants ou jeunes
diplômés. Le secrétariat général du Conseil de l’UE, le Parlement
européen, le Médiateur européen, la Cour de justice et le Tribunal de
première instance de l’UE, la Cour des comptes européenne, le Conseil
des régions et le Comité économique et social, et enfin la Banque
centrale européenne et la Banque européenne d’investissement vous
tendent les bras.
Les stages y sont tout aussi intéressants et peuvent même mieux
correspondre à certains profils qu’un stage à la Commission. Les
publicistes qui s’intéressent aux collectivités locales, par exemple,
trouveront un intérêt particulier au Comité des Régions, les affairistes
à la Banque centrale européenne ou à la Banque européenne
d’investissement, et les mordus de procédure au Médiateur européen.
48
Les cabinets
raffolent
des étudiants
rompus
au droit européen
• Les stages rémunérés
Des quotas par nationalité sont appliqués à ce stade. Si vous passez le
filtre de la présélection, vous ferez alors partie du livre bleu (le fameux
blue book) dans lequel les directions générales viennent théoriquement
piocher les stagiaires qui les intéressent. Dans la pratique, le blue book
comprend 4 fois plus de candidats qu’il n’y a de stages rémunérés à
pourvoir, c’est donc aux candidats de contacter les DG avec lesquelles
ils souhaitent travailler afin de décrocher un stage.
Vous l’aurez compris, il faut s’y prendre longtemps à l’avance (la phase
de candidature est ouverte 9 mois avant le début du stage et dure 2
mois), mais ça en vaut la peine. Les cabinets raffolent des étudiants
rompus au droit européen, 5 mois de stage à Bruxelles, Luxembourg
ou Strasbourg font une vraie différence sur le CV.
Qui peut tenter sa chance ?
es critères communs à l’ensemble des institutions européennes
sont les suivants : il faut être majeur (certaines institutions, comme
le comité des régions, prévoient également un âge maximal de 32
ans), être ressortissant d’un Etat membre de l’UE, être diplômé ou en
cours d’obtention de diplôme et parler au moins deux langues officielles
de l’UE (ne vous inquiétez pas, le français et l’anglais suffisent).
Comment effectuer un stage dans les institutions européennes ?
Ils sont limités en nombre en comparaison de la quantité de candidats.
Le Conseil, par exemple, annonce 1500 candidatures pour 95 places…
Il faut cependant se méfier des chiffres avancés qui comprennent la
totalité des candidatures, et notamment les nombreux dossiers
incomplets ou irrecevables. Le ratio réel entre le nombre de
candidatures qui ont une chance d’aboutir et le nombre de stages
proposés est bien moindre. De plus, les élèves EFB étant diplômés
d’une maîtrise de droit au minimum et membres du CRFPA de Paris
remplissent haut la main les conditions universitaires requises.
Le niveau de rémunération tourne en règle générale autour de 1100€.
La durée de ces stages est de 5 mois. Chaque institution propose deux
sessions à date fixe. Les stages à la Commission, par exemple, débutent
en mars ou octobre, ceux du Conseil en février ou septembre. La
rigidité des dates de stage les rend peu compatibles avec la scolarité à
l’EFB, il est souvent nécessaire de faire une césure afin d’effectuer un
stage de ce type.
Le processus de candidature est assez long et comprend plusieurs
étapes. Prenons l’exemple de la Commission. Après avoir retourné
le formulaire de candidature (trouvé sur leur site Internet) et votre
dossier, un premier examen sera effectué pour s’assurer que votre
candidature remplit l’ensemble des critères requis et que votre dossier
est complet : c’est l’admissibilité. Votre dossier passera ensuite entre
les mains d’un comité de présélection qui note et classe les dossiers
en fonction du profil académique, de la motivation des candidats et de
critères complémentaires (stages, expériences à l’étranger…).
• Les stages atypiques
Pour ceux qui ne veulent pas se tracasser avec une procédure
complexe ou qui s’y prennent à la dernière minute, il est toujours
possible d’effectuer un stage dit « atypique » (ou hors blue book à
la Commission). Certaines institutions donnent même la marche à
suivre pour candidater librement.
L’avantage principal de ce type de stage est la flexibilité dans les dates.
Ces stages durent en général 3 mois, soit la moitié d’un PPI. Ils
sont en revanche non rémunérés.
Comment faire alors ? Il suffit de chercher dans l’organigramme de
l’institution de votre choix la ou les personnes auprès desquelles
vous souhaitez postuler et de recréer leurs adresses mails.
Les adresses électroniques des fonctionnaires européens sont
toutes sur le même modèle : prénom.nom@acronymedel’institution.
europa.eu. Ainsi, l’adresse de Pierre Durand, fonctionnaire à la
Commission, sera la suivante : [email protected].
Enfin, mieux vaut envoyer un CV en anglais si vous ne connaissez
pas la nationalité de la personne à qui vous écrivez.
Vous l’aurez compris, les possibilités de stage sont multiples.
Ces stages sont prisés des cabinets et vous permettront de
découvrir la chaleur bruxelloise, le charme luxembourgeois ou la
gastronomie strasbourgeoise.
Alors, à vos CV…
Sophie Joly, Promotion Jacques Attali – série F
49
TITRE DES CÔTES
HORS
HORS DES CÔTES
Le LLM : Intérêts & Perspectives
Un Master of Laws (LLM, pour les intimes)
est un diplôme de droit destiné aux étudiants
étrangers permettant de suivre une année
universitaire (à temps plein ou à temps partiel)
dans le pays d’accueil. Il s’agit la plupart du
temps d’universités anglo-saxonnes, fers de
lance dans le domaine. Toutefois, ce n’est pas
uniquement l’apanage des anglo-saxons car des
universités venant de pays émergents se sont
récemment lancées dans la bataille…
L
e LLM, qu’est-ce que c’est ? A quoi ça sert ? Est-ce que je dois
ou peux m’y intéresser ?
J’imagine que beaucoup d’entre vous ont déjà entendu
parlé des LLM, que ce soit du modus operandi parfois compliqué
pour pouvoir les intégrer, ou bien encore des débouchés que cela
peut vous offrir.
Pour faire court, et sans vouloir décourager le lectorat attentif
que vous êtes, le processus est parfois long et fastidieux. En
dehors des innombrables prés requis universitaires (lettres
de recommandation en anglais, traduction des diplômes, score
minimum de TOEFL…), l’obtention du visa (s’agissant d’un LLM
aux Etats-Unis) est un moment de plaisir non dissimulé dont
je vous laisse la primeur de la découverte. Ce serait toutefois
dommage de s’arrêter à de basses considérations administratives,
don’t you think ? Or, quoi de mieux que de parler de sa propre
expérience pour vous en donner une idée un peu plus précise ?
Choisir un LLM c’est un peu comme choisir un voyage, à
l’exception près que l’on y part pour un an et que l’objectif
est officiellement celui de travailler et accessoirement celui de
renforcer son curriculum vitae. Après s’être assuré de viser une
50
Le LLM : Intérêts & Perspectives
université que vous pensez raisonnablement pouvoir intégrer
(tout le monde n’a pas le curriculum vitae pour Stanford ou
Oxford), le cadre de vie est déterminant. La Grande-Bretagne et
les Etats-Unis faisant office de référence en la matière, je m’étais
essentiellement focalisé sur ces deux destinations.
S’agissant des LLM anglais, il faut savoir que vous serez
probablement entourés de nombreux étudiants français, ce
qui n’est pas sans difficulté lorsque l’on souhaite progresser en
anglais. L’avantage est l’indéniable proximité avec la France, un
petit Eurostar et vous voilà à Paris. L’inconvénient, sans verser
dans le cliché, réside dans les conditions climatiques tropicales
presque toute l’année. Plus sérieusement, l’argument déterminant
peut résider dans le coût des LLM anglais qui est nettement plus
abordable que leurs homologues américains, de l’ordre de 20.000
euros l’année (nourriture et logement, compris).
Personnellement, j’ai fait le choix du LLM américain et je ne le
regrette pas. Il faut simplement prendre certains éléments en
considération avant de postuler à ce type de programme. Tout
d’abord, l’argent, beaucoup d’argent, sauf à ce que vous obteniez
une bourse d’études. En effet, un LLM américain est très cher.
Comptez environ 50.000 euros l’année tout compris. Oui, on
Après s’être
assuré de viser
une université que
vous pensez
raisonnablement
pouvoir intégrer, le
cadre de vie
est déterminant.
est d’accord... D’ailleurs, qui
dit montant prohibitif dit choix
drastique en matière de faculté.
Votre année
J’entends par là que lorsque vous
mettez ce prix là (il faut savoir
de LLM
que la première fonction des
sera aussi celle
LLM est de financer les bourses
de l’enrichissement
des étudiants américains, ce
extra-universitaire
qui fait toujours plaisir, trois
petits points), mieux vaut que la
formation vous délivre un retour
sur investissement. En effet, tous les LLM ne se valent pas.Aux EtatsUnis, il y a le T14 (Top 14) et le reste. Un monde les sépare. Un petit
tour au classement US News (actualisé chaque année) et vous aurez
la fameuse liste. A mon sens, en dehors des 14 premières facultés,
mieux vaut s’abstenir.
En revanche, en dépit d’une proximité culturelle évidente, nul
doute que vous serez dépaysés.Aux Etats-Unis, il existe deux types
de facultés. Soit vous êtes dans un campus universitaire qui offre
toutes les caractéristiques d’une ville (supermarchés, commerces
en tous genres, restaurants, cinéma et incontournables complexes
sportifs), campus où vous vivez la plupart du temps excentré mais
entouré de plusieurs milliers d’étudiants. Soit vous êtes dans une
université avec un effectif relativement réduit mais située en plein
centre ville. Autant vous dire que si vous avez la chance d’être dans
une ville américaine d’une certaine envergure, l’immersion est totale.
Pour ma part, j’ai eu le privilège de faire mon LLM en plein cœur
de Chicago, à Northwestern University, dans cette fameuse ville
que l’on appelle la « windy city ». Je vous épargnerai un long
plaidoyer sur la qualité des enseignements aux Etats-Unis. Sachez
simplement que les cours étaient passionnants pour peu que vous
soyez mélangés aux étudiants américains, ce qui n’est pas toujours
le cas, que la qualité des infrastructures est tout bonnement
époustouflante en comparaison de ce que l’on peut connaître en
France mais que votre année de LLM ne sera certainement pas celle
où vous travaillerez le plus.
Votre année de LLM sera surtout celle de l’enrichissement extrauniversitaire. S’agissant de Chicago, entre les visites de musées,
théâtres, et autres bars de jazz, on ne sait pas où donner de la tête.
Sans compter l’élection présidentielle que j’ai personnellement pu
vivre en direct et qui m’a offert des souvenirs impérissables. Et puis,
et puis … il y a les fameuses « Bar review ». Il s’agit de soirées
estudiantines hebdomadaires dont le crédo est clairement axé sur
le divertissement. Bref, les sollicitations ne manqueront pas.
Moralité : foncez ! Si vous en avez les moyens financiers et êtes prêt
à faire un investissement, ne vous en privez pas. Une expérience
comme celle-là, on ne l’oublie pas. A bon entendeur, good bye.
Arnaud Touati, Promotion Jacques Attali – série H
51
le passé au présent
le passé au présent
L’affaire du sang contaminé
devant la Cour de justice de la République
L
Ce devait être son baptême du
feu. Ce fut bien plus que cela. Le
mardi 9 février 1999, la Cour de
justice de la République (CJR)
siège pour la première fois de
son histoire pour se pencher
sur le « volet ministériel » de
l’affaire dite du sang contaminé.
’enjeu : décrypter, entre avril et juin 1985, la responsabilité
des politiques intervenant dans le processus décisionnel
ayant entraîné des contaminations par transfusions de sang
issu de donneurs séropositifs.
Trois anciens membres du gouvernement sont renvoyés devant
elle pour « homicides involontaires et atteintes involontaires à l’intégrité
des personnes » : Laurent Fabius, Premier ministre de juillet 1984
à mars 1986; Georgina Dufoix, ministre des Affaires sociales de
juillet 1984 à mars 1986; Edmond Hervé, secrétaire d’Etat à la
Santé de mars 1983 à mars 1986.
Le constat au départ de l’affaire du sang contaminé est aussi
simple que sordide : notre pays, à la différence des autres pays
européens, a maintenu tardivement à la fois l’absence de sélection
des donneurs de sang, l’absence de test de dépistage, les collectes
massives de sang en prison et l’absence de recours au chauffage
des médicaments antihémophiliques.
Cette conjonction a conduit à ce que certains ont appelé par
la suite la « sinistre exception française ». Beaucoup prétendent
que l’on peut faire dire aux statistiques tout et leur contraire.
Pourtant, certains chiffres sont sans appel : 56% des contaminés
européens par transfusion sont Français et 1 personne hémophile
sur 2 soignée en France a été contaminée (contre environ 11% en
Suisse et 7% en Belgique).
Pour tenir compte des responsabilités gigognes ayant menées
à cette catastrophe, deux types de procédures différentes sont
jumelées. D’un côté, relevant de la Cour de justice, le « volet
ministériel » de l’affaire concerne uniquement les élus politiques,
en l’occurrence trois ministres. De l’autre, relevant des juridictions
ordinaires, une procédure distincte s’intéresse quant à elle à
leurs conseillers et aux responsables des différents organismes
publiques en charge des questions sanitaires.
Dans cette affaire, le procès qui s’ouvre devant la CJR n’est ni
le premier, ni le dernier : en 1994, quatre médecins avaient déjà
été jugés, et certains condamnés, devant un tribunal correctionnel
pour tromperie et non-assistance à personne en danger dans
le « volet non ministériel ». Les dernières procédures se sont
terminées en 2003, le 18 juin, avec un non-lieu général confirmé
par la Cour de Cassation pour les conseillers ministériels et les
médecins poursuivis après 1994.
52
La CJR, remplaçante
au pied levé de la Haute Cour
M
alheureusement, l’affaire du sang contaminé n’est pas
le seul exemple de dysfonctionnement de l’Etat dans la
gestion de risques sanitaires majeurs. Amiante, vache folle,
hormone de croissance ... sont autant d’exemples qui marquent la
mémoire collective au fer rouge et posent la délicate question de la
pénalisation de la vie politique.
La loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 apporte une bribe de
réponse : « les membres du gouvernement sont pénalement responsables
des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés de crimes
ou délits au moment où ils ont été commis ». Cette réforme avait été
rendue nécessaire tant le système précédent était inéquitable : devant
l’ancienne Haute Cour, la décision de mise en accusation dépendait
des parlementaires eux-mêmes. Victime de solidarités politiques, la
Haute Cour n’était jamais saisie et devait laisser place à un système
qui se voulait moins partisan.
Désormais, la CJR peut être saisie par « toute personne qui se prétend
lésée par un crime ou un délit commis par un membre du gouvernement
dans l’exercice de ses fonctions ». Seuls des magistrats professionnels
interviennent à la fois au niveau du filtrage des plaintes mais aussi
tout au long de l’instruction. Les parlementaires, au nombre de douze
(6 députés – 6 sénateurs), ne réapparaissent qu’aux audiences de
la formation de jugement, où ils siègent au même titre que trois
magistrats de carrière.
Bien que dénuée de toute coloration politique au stade de la décision
de renvoi, les hommes politiques jouissent toujours d’un privilège
leur permettant d’être en partie jugés par leurs pairs. Dès lors, le
défaut majeur - et inquiétant - de la CJR telle qu’elle a été instituée est
inscrit dans ses propres gênes : elle mêle deux pouvoirs qui devraient
pourtant rester séparés, l’Exécutif et le Judiciaire. Ces deux branches
antinomiques de son ADN ne pouvaient qu’engendrer une sorte de
procès mutant, sujet à caution, imparfait.
Les ratés du procès avant
même l’ouverture des débats
L
es imperfections ne manquent pas et les critiquent pleuvent. La
CJR siège dans le 16ième arrondissement de la capitale, au Centre
de conférences internationales spécialement aménagé à cet effet.
Neutre, voire aseptisé, l’endroit rappelle au public qui l’aurait oublié que
cette justice se veut d’exception. Drôle de lieu pour un procès, bien loin
des salles d’audience traditionnelles chargées d’histoire et de symboles.
Devant le Centre de conférences, les cars de CRS côtoient les
ambulances de certaines victimes, du moins tant que celles-ci souhaitent
encore assister à un procès où elles ne sont pas vraiment les bienvenues.
De « République », de « chose publique », la Cour de justice n’en a
assurément que le nom. La loi a en effet privé les parties civiles de
L’affaire du sang contaminé
devant la Cour de justice de la République
prétoire. Elles n’ont pas non plus eu accès, en amont, au dossier et
n’ont jamais pu demander d’actes d’instruction. Elles tenteront tout
de même d’exister en marge du procès et prendront par la force
médiatique ce que la loi organique leur avait enlevé : le droit d’exprimer
leur immense souffrance et leur frustration d’être absentes du procès.
Improbable justice que celle qui ignore les victimes et s’accommode
d’un débat non contradictoire.
En principe, il devait donc revenir au ministère public de pallier
l’absence de partie civile en pointant les erreurs et les contradictions
lors des audiences. Or, Jean-François Burgelin, procureur général de la
Cour de cassation, présente la particularité d’avoir, à deux reprises en
mars 1997 et juin 1998, requis un non-lieu dans cette affaire. Il avait
notamment estimé que le manque de « perspicacité, de vigilance et de
sens de l’opportunité » des ministres ne constituait pas des défaillances
suffisamment « grossières et manifestes » pour les renvoyer devant la CJR.
Son collègue, l’avocat général Roger Lucas, ne le dédira pas. Curieux
débats que ceux qui s’apparenteraient à une « causerie au coin du feu,
sans égalité des armes », comme l’estimait Sabine Paugam, avocate de
l’Association française des hémophiles.
Trois ministres pour trois victimes
A
vec une demi-heure de retard sur l’horaire prévu, l’audience
est ouverte à 10h30. Edmond Hervé prend la parole le
premier et lance aux magistrats : « j’assume mon action et je
démontrerai ici mon innocence, notre innocence… Je suis devant vous avec
détermination et confiance, au nom des valeurs républicaines qui sont les
miennes ». Georgina Dufoix, quant à elle, souligne que l’arrêt de renvoi
« ne correspond pas » à ce qu’elle a vécu. Elle estime toutefois qu’« il
est juste de pouvoir parler devant les personnes qui ont souffert ». Laurent
Fabius, lui aussi, évoque le sort des victimes : « depuis des années,
pas un jour ne s’est écoulé sans que je pense à elles » et poursuit « ce
procès permettra d’établir qu’il y a quatorze ans, en fonction de ce que nous
savions, nous avons agi en conscience ».
Ensuite, la parole est donnée aux victimes. Une erreur réparée ? Non.
Elles ne sont que citées à témoigner. Ce statut désole Yves Aupic,
contaminé le 25 août 1985, qui déclare : « Je refuse d’être cité comme
témoin ». Il poursuit : « La qualification retenue, qui relève des crimes contre
l’humanité, a été réduit à un simple accident de la route. Ici, certains juges
sont des amis des ministres. Le Parquet s’est fourvoyé dans des non-lieux qui
sont des insultes à la mémoire des victimes ». Et il ajoute : « Les victimes ont
été écartées par une loi scélérate. Ce procès est une mascarade ».
Anne Cochin, pharmacienne, dont le fils unique a été contaminé à
la suite d’une transfusion après une jaunisse, manifeste une même
colère. Elle interpelle Edmond Hervé: « Vous avez fait, M. Hervé, 4 500
condamnés à mort, en êtes-vous satisfait?». Puis, vers les autres: « Ignorer
l’urgence du sida en juin 85, c’est ignorer les camps de concentration en juin
45. C’est tout ce que j’ai à dire ».
Seul Gilles Péraud, dont le père a été contaminé après un triple
pontage coronarien en mai 1985, parle sans violence: « Je n’ai pas
l’esprit de vengeance.Vous aviez l’obligation de résultats, vous n’avez pas fait
votre travail correctement. Je demande que vous soyez puni, vous aviez les
moyens d’arrêter ça ». La douleur est intacte. Un silence respectueux
s’impose. Aucune question n’est posée.
Les jours passent et les débats rentrent peu à peu dans le vif du
sujet. L’une des questions clés est abordée au 3ième jour du procès :
Matignon a-t-il délibérément retardé l’enregistrement du test de la firme
américaine Abbott pour protéger les intérêts commerciaux de sa rivale
française Pasteur qui, à l’époque, connaissait de sérieux retard ? Laurent
Fabius botte en touche : « Je n’ai jamais donné d’instruction pour retarder
Abbott. J’ignorais tout du processus d’enregistrement ».
Mais le Président insiste et s’étonne que l’ancien Premier ministre ait
pu ignorer une telle situation alors que plusieurs notes qui lui ont
été adressées faisaient allusions aux intérêts supérieurs de Pasteur. La
réponse fuse, un brin agacé : « Il y a peut-être un point sur lequel je n’ai
pas été assez clair: à aucun moment je n’ai été saisi de la question PasteurAbbott. Pour moi, ça n’a aucun intérêt. Je veux dire à la Cour que la décision
que j’ai prise n’a jamais été fondée sur les intérêts de Pasteur, mais sur des
considérations de santé ».
En coulisse, un autre procès improbable s’est peu à peu installé, celui
de Christian Le Gunéhec, Président de la Cour. A la tête de cette
juridiction tant décriée, il avait le poste le plus exposé. Il en fit les frais.
On lui reproche essentiellement son inexpérience à mener les débats :
magistrat de la Cour de cassation, cet ancien collaborateur de plusieurs
ministres de la Justice au cours des années 70 n’a jamais présidé de
procès correctionnel ou criminel. Son manque de connaissance des
pièces du dossier surprend aussi : il semble ne maîtriser ni les dates
fondamentales, ni le rôle des différents acteurs, pas même les notions
de base. Un temps, le malaise gagne même les parlementaires siégeant
à ses côtés qui, avides de bonne presse, s’inquiètent que les bévues du
Président emplissent les colonnes des journaux. La prise de bec sera
violente mais de courte durée. Le Président met sa démission dans
la balance. Tout le monde se calme.
« J’ai eu l’impression que l’on voulait
gagner du temps. Quand on crie au
feu, on n’attend pas que les seaux
soient disponibles » Dr. Pinon
53
le passé au présent
L’affaire du sang contaminé
devant la Cour de justice de la République
Le défilé des témoins
réquisitions du ministère public s’en ressentent : il est de loin le
plus attaqué. Son avocat, Patrick Maisonneuve, doit répondre à la
mauvaise réputation collant à la peau de son client ; il aurait été
longueur d’audience, d’innombrables témoins défilent à trop absent, accaparé par ses fonctions de maire de Rennes : « Mais
la barre. Certains d’entre eux rappellent qu’ils ont tiré de attendez, que je sache, on peut être maire d’une grande de ville du Nord
nombreuses fois la sonnette d’alarme sans être entendus. et Premier ministre. On peut être un bon maire d’une ville du Sud-Est et
En défense, l’argument est récurrent : l’information s’est perdue Premier ministre. Et être bon Premier ministre et maire de la capitale ».
en cours de route et n’est jamais remontée jusqu’aux ministres. Il exprime ensuite tout haut ce que tout le monde pense tout bas :
L’avocat général ironise : « De dilution en dilution, il n’arrive plus guère Hervé risque d’être le bouc émissaire de ce procès : « Le piège de
d’informations utiles au secrétaire d’Etat. Les conseillers, qui sont le confort la Cour s’est refermé sur vous. Votre cour a été critiquée. Elle est sujette
des ministres, deviennent franchement la malédiction des citoyens ». à l’opinion publique ou l’opinion dominante. Vous comprendrez que l’on
Applaudissements du côté des victimes. Alors Hervé, debout, lui peut avoir une angoisse sur Edmond Hervé. Il y a une telle demande
rétorque: « Que dire de ceux qui ne sont pas sérieux ? ».
de responsabilité. Il faudra un certain courage pour ne
Pourtant, quand la parole revient au docteur François
pas rendre une décision de confort, qui consisterait à
Le défaut majeur
Pinon, à l’époque transfuseur à l’hôpital Cochin, la
de la CJR est inscrit condamner quand même, mais juste un peu, un ministre
muraille de certitudes des ministres se fissure.A l’aide
voir deux. Ce compromis intermédiaire, qui n’aurait rien
dans ses propres
d’un test élaboré par le docteur Jacques Leibowitch,
à voir avec l’application du droit, je l’ai vite écarté. Car
il a pris conscience assez tôt de la gravité de la gênes : elle mêle deux je m’adresse à une juridiction, et je suis convaincu de
situation : « J’ai été partout, explique-t-il, j’ai informé le pouvoirs qui devraient son indépendance ». Gérard Weltzer prend le relais et
pourtant rester
plus possible, j’ai été étonné de ne pas avoir beaucoup de
égrène les très nombreuses erreurs qui parsèment
séparés, l’Exécutif
réactions. Quand on parlait de notre test, on nous disait
le dossier.
qu’il fallait attendre encore un peu, que le test de Pasteur
et le Judiciaire.
La défense de Georgina Dufoix sera plus brève et
allait arriver. On ne faisait qu’attendre. J’ai eu l’impression
plaidera aussi la relaxe. Bernard Cahen dénonce
que l’on voulait gagner du temps. Quand on crie au feu,
violemment l’arrêt de renvoi: « Dans ce document,
on n’attend pas que les seaux soient disponibles ».
un argument revient souvent: les ministres ne pouvaient
Une audition est très attendue, celle de François Gros.
pas ne pas savoir. Je suis le seul, ici, à avoir plaidé dans
Conseiller scientifique de Laurent Fabius à Matignon,
l’URSS d’Andropov. Et bien, c’était l’argument que
ses titres parlent d’eux-mêmes : professeur au Collège
j’entendais alors. Il est indigne de notre République et
de France, secrétaire perpétuel de l’Académie des
de notre justice ». Il conclut : « Condamner les ministres
sciences, ancien directeur de l’Institut Pasteur, c’est
sur des charges incertaines contribuerait à perturber la
un brillant scientifique. Les avocats de Fabius jubilent :
République, et à défigurer l’image de la justice ».
Gros assume seul toutes les responsabilités sans
Enfin les trois avocats de Laurent Fabius plaident
vraiment se battre : « Il n’y avait pas d’instruction du
longuement. Le dernier d’entre eux, le bâtonnier Bernard de Bigault
Premier ministre ». Et encore: « La décision de retarder encore un peu du Granrut, martèle : « Il vous faut du courage pour aller à l’encontre
le test Abbott ne relève pas du Premier ministre ».
de l’opinion publique. Ce que l’on attend de vous, c’est que vous soyez
Toutefois, un reproche l’ulcère : des contingences financières des juges, et des justes ».
auraient guidé ces décisions : « Monsieur le président, j’ai été l’objet Le 9 mars 1999, le verdict tombe : la CJR déclare non constitués, à la
d’accusations à peine voilées. On me décrit mû par des contingences charge de Laurent Fabius et de Georgina Dufoix, les délits qui leurs
économiques, financières, industrielles … Cela me meurtrit, à mon âge, sont reprochés et dispense de peine Edmond Hervé, seul reconnu
à ma place, compte tenu de ce que j’ai essayé de faire. Cela m’indigne ». coupable.
Dans la foulée, six témoignages de moralité concernant l’ancien Lors de la cérémonie d’installation de la CJR en 1994, le conseillé à
Premier ministre sont annulés. Sans doute étaient-ils devenus la Cour de Cassation Louis Gondre avait ainsi conclu son discours
superflus.
: « puissent vos décisions être inattaquables devant le Tribunal de
l’Histoire ». Que retiendra cet autre tribunal d’exception ?
A
Grands noms du barreau pour des
plaidoiries sans surprise
L
Michaël Fraysse – promotion Jacques Attali – Série H
Fanny Léger – promotion Jacques Attali – Série I
e jour des plaidoiries, tous les regards sont tournés vers
les avocats d’Edmond Hervé. La tâche va être ardue. Les
débats, à eux seuls, n’ont pas permis de l’innocenter et les
54
55
le passé au présent
le passé au présent
Cour d’appel de METZ : Des messins sans frontières
Cour d’appel de METZ :
Des messins sans frontières
socialiste des avocats-avoués messins ». Ce sont ces messins qui
ont, de par leur position et leur sens de l’éthique, joué un rôle
dans la résistance et fait la transition entre ses parents terribles.
La Cour d’Appel de Metz a échappé au scalpel
de la réforme de la Carte judicaire, notamment
grâce à Marcel Martin, premier président,
qui a quitté ses fonctions le 30 juin 2010 au
soir. Restaurons un peu cette bâtisse qui
vient d’échapper à l’échafaud et dont l’avenir
s’annonce radieux.
L’architecture bienveillante d’un enfant
abandonné à la révolution
Une histoire d’annexions
L
L
a Cour d’appel de Metz garde
des séquelles de la révolution.
Elle est un enfant estropié,
démuni de son quatrième pan
qu’on lui avait promis. Ses trois
corps imposants en pleurent un
quatrième, tristesse amoindrie
toutefois par le temps et par le jardin
qui fleurit dans son prolongement
comme pour honorer la mémoire
d’un frère tombé au combat.
La Cour d’Appel
de Metz a des bases
solides, mais son
personnel lui fait
défaut.
e 1er juin 1392, par un soir de grand brouillard, naissait
l’ordre des avocats au barreau de Metz, l’un des plus anciens
de France. Peu, voire pas d’organisation de la profession
en ces temps encore médiévaux, et point de Palais pour rendre
la Justice, qui sera l’apanage du Roi de France à partir de 1555.
Dans la lutte pour l’expansion de l’influence de la couronne, et
l’homogénéisation de la Justice, un Parlement est créé à Metz en
En faits de mémoire, la Cour d’Appel
1633. Metz était dès lors devenue un lieu « de Justice ».
L’histoire fera par la suite germer ces graines de droit comme de Metz honore celle de toute
elle a su faire pousser l’ensemble des Cours de Justice de France sa famille, arborant des façades
et de Navarre. Metz se dote d’un Palais de Justice à l’architecture ornées et des bas reliefs sculptés
classique, en « U », qui accueillera plus tard l’ensemble des degrés comme autant de symboles du
passé. Son portail imposant jette un
de juridiction.
La construction est entreprise en 1776 par l’architecte français œil accueillant aux visiteurs. Elle est
Clérisseau, non loin de la citadelle et durera jusqu’en 1791. la Cour « veillant sur ses enfants »
Mais la révolution jettera dans le Nil cet enfant du Bas Rhin et comme en témoigne le groupe de
interrompra ainsi sa croissance. Les révoltes éclatent, les poings sculptures éponyme qui surplombe
se lèvent, et ce palais à peine construit se voit déjà souffrir des cette entrée dantesque. Hercule
destructions indues. C’est un enfant balafré qui traversera le à gauche, Minerve à droite, Metz
ne retient du passé que le bon : la
XIXème siècle dans l’ombre de sa mère, la France.
En 1871, la Cour de Metz connaît un sort singulier. L’annexion puissance et la sagesse des Dieux
des départements du Haut-Rhin, Bas-Rhin et de la Moselle à antiques.
l’empire Allemand conduit à une adoption de fait de l’ensemble Pourquoi Metz développe-t-elle
de la structure judicaire. La Cour se trouve une nouvelle mère ainsi sa propre mémoire ? Le Duc
de Guise portait
et ses enfants du Barreau de Metz sont envoyés
secours aux soldats blessés de l’armée ennemie
en pensionnat : celui de l’Ordre pour l’Alsaceabandonnée par le Roi en 1552. Ce geste méritait
Moselle, dont le siège sera basé à Colmar.
qu’on lui consacrât une aile. La Fayette, officier
La Cour est alors adolescente, vivant les affres
La Cour d’Appel
de la garnison de Metz, s’embarquera pour les
de la garde partagée. Elle sera en France entre
de Metz garde des
Amériques pour y défendre les insurgés. Il aura
1918 et 1940. Elle se retrouvera en Allemagne
séquelles de la
également son aile. Les statues que la Cour de
entre 1940 et 1945. Metz est alors la cible des
révolution
Metz dévoile sont autant de héros : Turenne, le
accusations les plus folkloriques, et les journaux
maréchal de Luxembourg, le duc de Guise, le
informent que « les avocats autochtones inscrits
duc de Montmorency, etc. Elle les a choisis pour
au Barreau de METZ se sont groupés à dater
définir son identité.
du 24 juin 1940 en un groupement national
56
Cour d’appel de METZ : Des messins sans frontières
La Cour d’appel de Metz a alors atteint l’âge adulte. Elle prononce
sa dernière condamnation à mort en 1967 et répartit ses degrés
d’instance méticuleusement, en son sein. Elle a maintenant ce
caractère fort et ses reflets fiers, qui lui permettent de contempler
de haut le palais de l’Intendant royal, actuelle préfecture, car à
Metz, à la différence des autres provinces, le pouvoir était dans la
main du gouverneur, et non de l’intendant.
Une Cour d’appel « Laboratoire »
L
a Cour d’appel de Metz est baptisée « la Cour messine ».
Forte de son identité, elle a souhaité relever le défi de
demain et est aujourd’hui l’une des rares Cour à s’essayer
au système Chorus, base informatique destinée à regrouper les
données budgétaires des 15 ministères et des établissements
publics. Ce pro logiciel labellisé SAP est injecté à dose infinitésimale
au sein des établissements de trois domaines clefs : l’Éducation
nationale, la Justice et la Défense.
Metz se positionne comme une Cour d’Appel du XXIème siècle.
Sauvée de peu du couperet de la carte judicaire, elle se porte
cobaye et doit faire face à un déficit d’effectifs. Quatre personnalités
viennent de quitter les lieux, pour une arrivée seulement, celle de
la Vice-présidente du TGI de Thionville. La Cour d’Appel de Metz a
des bases solides, une structure classique et une histoire sélective.
Mais son personnel lui fait défaut.
C’est en 2000 que la Cour a pu fêter la multiplication de ses avocats
et le succès de son activité. 231 avocats plaident devant elle et 87
cabinets se consacrent corps et âme à la défense contentieuse. La
Cour d’Appel de Metz a su développer les spécialités, les altérités,
les caractéristiques messines de ses « sujets », qu’elle accueille
désormais de ses deux ailes ouvertes.
La Cour d’Appel de Metz, Cour évanescente et fière, est à l’image
de son barreau : vivante et radieuse.
Hadrien Pellet – Promotion Jacques Attali – série J
http://www.lorraine-café.fr
Premier Président
Procureur général
Ressort
Cabinets d’avocats
Avocats au Barreau
Avocats à la Cour
Henri-Charles Egret
Jacques SEGONDAT
3 TGI : Metz, Sarreguemines, Thionville
9 TI : Boulay-Moselle, Château-Salins, Forbach, Hayange, Metz, Saint-Avold,
Sarrebourg, Sarreguemines, Thionville
149
249
29
57
l’agenda de l’efb
l’agenda de l’efb
Le bicentenaire du barreau de Paris
Le bicentenaire du barreau de Paris
L’élégance :
P
as la moindre file d’attente pour pénétrer
à l’intérieure du grand Palais, lieu plutôt
habitué des expositions de prestige.
Un concert de robes en soie, de talons hauts
et de smokings ont alors envahi la verrière du
Grand Palais vers huit heures, donnant le ton
à ces deux nuits qui se devaient d’être uniques.
Au centre, autour d’une sculpture grandeur
nature représentant l’emblème du Barreau de Paris, s’étendaient les
larges buffets et bars estampillés « Le Nôtre », traiteur choisi pour
l’occasion.
Ce dernier proposant alors le meilleur de sa cuisine, à base de jambon
de Belotta, de foie-gras et d’excellentes expérimentations, comme ce
savoureux mélange de gaspacho et de glace dont le public pouvait se
délecter dans de confortables canapés couleur noir et blanc.
Cet évènement étant ainsi l’occasion pour la profession de se
rencontrer, de tisser des liens, de construire son réseau et pour nous
élève-avocats de se mêler dans la foule.
Toute la soirée, à intervalle irrégulier, pendant que le champagne coulait
à flot et que les discussions allaient bon train, plusieurs animations
étaient prévues pour que la nuit reste toujours rythmée.
Tandis que des dizaines de danseurs griffés tantôt West Side Story
« Dieu que c’est beau ».
S
upprimé sous la révolution, rétabli sous l’Empire, le Barreau de
Paris fêtait les deux cents ans de son rétablissement les 24, 25
et 26 juin dernier.
Marqué par un cycle de conférences à l’Unesco, par la venue de
centaines de confrères étrangers et par l’intervention du Président
de la République dans la Salle des pas perdus, la commémoration du
bicentenaire s’est achevée en grande pompe sous la nef du Grand
Palais, lors de deux soirées, orchestrée de main de « Maître » par
Monsieur le Bâtonnier Jean Castelain et Monsieur Jean-Yves Leborgne,
Vice -Bâtonnier.
Comme notre cher Bâtonnier a eu la délicatesse d’inviter, outre les
22.000 avocats du Barreau de Paris, l’ensemble des élèves-avocats
de l’EFB, le « Baromaître » se devait d’en faire le compte-rendu.
tantôt Matrix exécutaient leurs chorégraphies spontanées à la manière
de « flash mob » au milieu des convives, dix minutes à peine plus tard,
c’était au tour de danseuses vêtues de robes dorées qui, suspendues
sur un fil, balayaient la salle émerveillée sur fond de musique classique.
Un concert, un vrai :
D
urant deux sessions de 30 minutes,Thomas Dutronc est venu
enflammer la scène au son de sa musique jazz-manouche et
de ses solos de guitare endiablés.
Artiste en vogue, qui de mieux que ce garçon qui plait, tant aux jeunes
générations grâce à ses tubes qu’à ceux nombreux qui, fan de son père
(Jacques Dutronc) et de sa mère (Françoise Hardy), pensent retrouver
en lui une certaine nostalgie de l’époque de leurs premières années
de barreau.
Thomas Dutronc a finalement laissé sa place au DJ, au dance-floor et
aux cotillons pour le reste d’une nuit où les plus fêtards auront usé
smokings ou talons hauts et fait la fermeture des marches du « grand
» Palais.
C’est ainsi que pendant deux nuits consécutives, le Barreau de Paris a
adressé son message « anticrise » à la profession, lui montrant qu’elle
doit avoir confiance en elle et être fière de ce qu’elle accomplit.
Léopold Lemiale – promotion Jacques Attali - série N
Mais attention, les avocats n’ont rien déboursé puisque ces deux
soirées ont été entièrement
sponsorisées, Monsieur le Bâtonnier s’engageant d’ailleurs à mettre
à disposition de tous l’ensemble des comptes de la soirée.
Dès lors, la problématique des organisateurs pour réussir leur
soirée était simple :
Comment réussir à faire plaisir aux différentes générations qui
composent le Barreau de Paris réunies, l’espace d’un instant, sous
la même nef ?
4,8 Millions d’euros !!!
V
oilà qui pourrait bien résumer en ces temps d’austérité
et d’annulation de « Garden Party » de l’Elysée, la figure
décomplexée du Barreau de Paris.
58
Thomas Dutronc
59
L’AGENDA DE L’EFB
Les Élèves avocats aux 20 ans de la Juriscup
Fort de ses victoires successives, l’EFB compte
bien mener la barre et représenter fièrement
l’ensemble des élèves avocats parisiens dans la
rade de Marseille, les 16,17,18 et 19 septembre
2010.
L
’AEA avitaillera donc le Pen Kallet IX composé de 7 élèves
avocats et 2 skippers pour défendre les couleurs de l’EFB.
L’équipage a été sélectionné selon compétences au cours
des mois de Juin et Juillet.
L’équipage sera soutenu les 18 et 19 septembre par deux bateaux
accompagnateurs, composés chacun d’une dizaine d’élèves avocats
amateurs de voile et souvent profanes.
Nul doute que, cette année encore, l’EFB s’illustrera et démontrera
que les avocats parisiens ont le vent en poupe !
L’Equipe Juriscup de l’AEA
Avis aux jeunes avocats
et élèves-avocats férusde voile :
Une place à gagner pour la Juriscup !
Chers Confrères, Chers Futurs Confrères,
Notre équipe de campagne au bâtonnat participera à l’édition
2010 de la Juriscup, qui se tiendra à Marseille, du 16 au 19
septembre 2010.
A cette occasion, nous organisons un tirage au sort afin d’offrir
à un jeune confrère une place à bord de notre bateau – un
beau bateau - qui nous est prêté par le bureau parisien d’un
grand cabinet américain !
L’heureux élu ou l’heureuse élue
sera avec nous pendant les régates,
et participera en toute convivialité à
tous les événements de la Juriscup !
Envoyez-nous votre mail de
candidatureà l’adresse
[email protected].
Les ultimes candidatures seront
acceptées jusqu’au tirage au sort,
effectué par Me Marie-Hélène
Perès-Métais, huissier de justice,
lors d’une petite fête organisée
pour l’occasion.
Avec nos sentiments nautiques,
Pierre-Olivier Sur
Catherine Paley-Vincent
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Notre bateau ! Son nom ?
SUR + PALEY-VINCENT...
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Les évènements auxquels vous
convie Christiane Feral-Schuhl :
• 14 septembre 2010 : 6ème réunion publique sur le
thème « Pour un Barreau entrepreunarial : l’avenir au présent
». Accueil : 19h30 et débats de 20h à 21h30. Fondation
d’entreprise Ricard pour l’art contemporain, 9 rue Royale
- 75008 Paris. Confirmer votre venue à l’adresse suivante :
[email protected].
• 22 septembre 2010 : Le Palais littéraire, présidé par
M. Jean Castelain, interventions de Christiane Féral-Schuhl et
d’Yvon Martinet, à la Bibliothèque de l’Ordre à 20h45, Salle
haute de la Bibliothèque de l’Ordre, Palais de justice, 4 bd
du Palais
• 30 septembre 2010 : 40ème anniversaire de l’ADIJ,
sous le haut patronage de Madame Michèle Alliot-Marie,
présidé par Christiane Féral-Schul, de 9 à 19h à la Maison
du Barreau, 2/4 rue de Harlay, Paris 1er. Renseignements et
inscriptions : [email protected]
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Les évènements auxquels vous
convie Pierre-Olivier Sur :
• 2 septembre 2010 de 9h à 10h45 : Université d’été
du MEDEF ; intervention de Pierre Olivier Sur au sein de la
conférence-débat « Les mots qui fâchent : climat, austérité,
bonus, trader, identité, solidarité… ». Cette conférence sera
diffusée en direct sur BFM
• 4 octobre 2010 : Intervention de Catherine PaleyVincent à la Maison du Barreau à 18h30 sur le thème «
Barreau de famille, et barreau de proximité »
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EVASIONS CULTURELLES
EVASIONS CULTURELLES
Richard MALKA : entre robe et plume
Il faut
imposer
ce que
l’on est.
La personnalité de Richard MALKA détonne
dans le paysage judiciaire
parisien. Un parcours fortuit, un mentor de génie,
l’amour de la presse et
une pulsion créatrice,
tels sont les ingrédients
qui tous azimuts ont
conduit Richard MALKA
à
devenir
l’avocat
brillant
des
grands
procès médiatisés et le
scénariste de BD favori
de plusieurs générations
d’avocats.
L’in-téressé
a accepté de nous faire
entrer dans son jardin
secret et de lever le voile
sur son parcours.
R
ien ne le destinait à la
profession
d’avocat. Et
pourtant, Richard MALKA
reconnaît aujourd’hui qu’aucune
profession n’aurait mieux convenu à
son caractère que celle-ci.
Après un bac scientifique, il s’inscrit en droit sur un coup de tête
pour suivre une amie très jolie qui avait choisi cette filière. Une fois à
l’EFB, le hasard l’affecte à la 17ème chambre du TGI où il effectue son
stage en juridiction et développe un goût certain pour le droit de la
presse qui deviendra sa matière fétiche. Son entrée au sein du cabinet
de Georges KIEJMAN, alors ministre de François MITTERRAND,
constitue le premier moment fort de son parcours. Il se familiarise
avec les dossiers médiatiques de celui qui devient vite son mentor et
pour qui il est « un fils spirituel ».
Il prête serment à 23 ans et intègre le cabinet de Georges KIEJMAN
qu’il ne quittera que 7 ans plus tard pour monter son propre cabinet.
Les grandes et les moins grandes affaires s’enchaînent. Un autre
temps fort de son parcours est bien évidemment la défense de
Charlie Hebdo dans l’affaire des caricatures de Mahomet. « C’était
un procès à portée internationale, forte et historique. Je me souviendrai
toujours de la salle des pas perdus remplie de plus de 500 journalistes.
J’étais soumis à une pression dingue. Dans ces moments là, on est malade,
le corps souffre. C’est parfois invivable pour les personnes avec qui l’on vit.
Clearstream d’ailleurs, c’était pareil. »
62
Richard MALKA : entre robe et plume
Du barreau à la case
Des projets en pagaille
Après 5 ans d’exercice, il réalise que la profession d’avocat, qui le
passionne pourtant, ne le satisfait pas entièrement. Il souhaite
s’épanouir autrement, ajouter une nouvelle vie à la première. Il
cherche à s’orienter vers quelque chose de moins ancré dans le réel,
il rêve d’une activité lui permettant de faire part belle à l’imagination.
Il a envie d’autre chose en somme. De nombreux avocats avaient
déjà écrit des romans, pour lui ce sera la bande dessinée. Fan de
BD depuis l’âge de 15 ans, l’écriture de bandes dessinées lui apparaît
comme une évidence. « C’est une absolue nécessité dont je ne pourrais
me passer », nous confie-t-il.
Il écrit son premier scénario, une BD de science fiction. Mais après
7 ans de galère pour se faire éditer « pendant lesquels il ne faut pas se
décourager, ne pas devenir amer » nous dit-il, un ami, auteur de bandes
dessinées, lui conseille d’écrire sur le milieu qu’il connait le mieux, le
monde judiciaire.
Fort de ce conseil, il imagine une saga mettant en scène des avocats
et trouve un éditeur, Glénat, et un dessinateur, Paul GILLON, le
dessinateur des « Naufragés du vent » : la série l’« Ordre de Cicéron » est
née ! Le succès est immédiat tant dans le monde judiciaire que dans
le milieu bédéphile. « La réception a été très bonne, car mon image était
déjà celle d’un type décalé. Par ailleurs, les avocats ont été contents qu’on
parle d’eux. Je n’ai eu que des réactions chaleureuses, bienveillantes. »
Cet accueil enthousiaste tient à la justesse du scénario qui concilie
parfaitement fiction et réalisme juridique, sans pour autant gommer
les difficultés techniques inhérentes au droit.
Une autre clé du succès de la série se trouve dans l’éclairage
Depuis, d’autres séries ont vu le jour. « Section financière » aborde
le détournement des fonds prêtés par le FMI à la Russie par des
oligarques dans les années 1990. On s’arrache « La face kärchée
de Sarkozy », la première BD-enquête qu’il a co-écrite avec
le journaliste Philippe COHEN et dont les dessins sont signés
RISS. Son dernier projet, « Pulsions », est une série plus pointue
et plus trash sur un serial killer, pour laquelle Eric CORBEYRAN
et Richard MALKA se sont passés le stylo toutes les dix pages, le
narrateur alterne ainsi entre le meurtrier et l’enquêtrice.
Travailleur insatiable, son prochain album « La pire espèce » sortira
en novembre prochain. Il s’agit d’une fable animalière, dessinée
par PTITLUC, qui portera sur les grands débats d’aujourd’hui,
les journalistes y seront représentés en oiseaux et les avocats en
taureaux…
L’actualité de Richard MALKA n’est cependant pas que du côté
des bulles. Il défendra à la rentrée, devant la 17ème chambre, son
ami et mentor Georges KIEJMAN qui a été assigné en diffamation
par Olivier METZNER à propos de l’affaire BETTENCOURT.
Chocs des titans et procès médiatique assuré.
Un travailleur acharné et un emploi du temps de
ministre
Les projets BD se multiplient et les dossiers affluent : mais
comment fait-il pour jongler entre deux activités à temps plein ?
« C’est assez difficile de concilier les deux », avoue-t-il, « mes
A propos de l’affaire
des caricatures de
Mahomet, « dans
ces moments là, on
est malade, le corps
souffre. »
de ses derniers albums. Mais il ne l’envisage pas, « j’ai la chance
de traiter de très belles affaires, j’évolue au sein d’un milieu très
privilégié » nous confie-t-il, « et puis, les deux activités se nourrissent
l’une l’autre, l’écriture influe sur la rédaction d’acte et inversement. Je
pense qu’avoir des vies professionnelles multiples ne peut que bonifier
les travaux que l’on fournit. »
D’ailleurs, il ne conçoit pas la rédaction de conclusions comme un
exercice figé et admet qu’il a la chance de pouvoir se permettre
beaucoup plus de liberté lorsqu’il plaide devant la 17ème chambre
qui a un aspect fortement littéraire. « Les conclusions sont souvent
plus longues, plus écrites. C’est une des seules chambres où l’on
écrit bien et où l’on peut plaider des heures. C’est en définitive une
chambre « de luxe ». »
Un grand bol d’optimisme
Pour finir l’interview, nous lui avons demandé un conseil pour
les futurs avocats que nous sommes et, en un mot comme en
cent, il nous a bluffé d’optimisme : « Le seul conseil que je puisse
vous donner, c’est « faites ce qui vous amuse ». C’est le conseil que
m’a donné Georges KIEJMAN. Il ne faut pas se laisser guider par la
peur ou par des considérations financières : il faut aller là où vous
porte votre cœur. Si on fait le vide, on sait toujours où le cœur nous
dit d’aller. Il faut simplement rester libre dans sa tête. Lorsqu’on se vit
en tant qu’avocat, on devient très vite chiant et on se persuade de ne
pas faire des choses qu’on ne pense pas conforme avec la profession.
Mais il faut faire ce que l’on veut au moment où on le sent. Si c’est fait
naturellement, ça passe. En somme, il faut imposer ce que l’on est. »
historique donné au récit. C’est en lisant « L’antisémitisme ordinaire »
de Robert BADINTER que Richard MALKA a eu l’idée d’écrire un
scénario autour de la radiation des avocats juifs du barreau de Paris
en 1941. « Le domaine était peu connu, c’était l’occasion ».
Pour les amateurs de Cicéron, le tome 4 est dans les tuyaux. Un
producteur américain s’intéresse de près à la série…
dossiers d’avocats sont lourds avec des enjeux importants et mes
bandes dessinées ont de plus en plus d’envergure. Toute une chaîne
de personnes participe à l’élaboration des BD : dessinateur, coloriste,
décorateur, service de presse… C’est du temps et beaucoup de
responsabilité, mais c’est enrichissant. »
Il reconnaît qu’il aurait pu, financièrement, arrêter la profession
d’avocat pour se consacrer à la bande dessinée depuis le succès
Sophie JOLY – Promotion Jacques Attali – Série F
Hadrien PELLET – Promotion Jacques Attali – Série J
63
EVASIONS CULTURELLES
EVASIONS CULTURELLES
« Dans les yeux du bourreau »
Pierre Olivier SUR
Dans ce récit judiciaire, on
découvre « dans les yeux de
l’avocat » mais aussi dans
ceux de l’une des victimes
des khmers rouges, Vong
Seri, le drame d’un peuple,
jugé trente ans après les
faits : Douch est l’ancien
responsable de S-21, un camp
situé dans Phnom Penh où 17
000 personnes ont péri.
Le livre de Pierre-Olivier Sur permet à la fois de
vivre par procuration ce procès historique, mais il
invite aussi à une réflexion « pluridisciplinaire »
sur la possibilité même de juger l’histoire, sur
la légitimité de ce droit pénal international et,
plus généralement, sur la profession d’avocat :
« Je réfléchis à mon métier. Être avocat, c’est
choisir l’universalité et l’empathie de l’extrême.
Une fraternité d’humanité troublante avec le
pire. Pour les défendre tous ».
Maître Pierre Olivier Sur,
selon vous le verdict a-til rendu aux cambodgiens
« leur fameux sourire
khmer » ?
Le verdict est
satisfaisant.
1. Douch est
reconnu coupable
de crime contre
l’Humanité – ce
qui signifie la fin
de
l’impunité
pour toute la période khmère
rouge et ses dirigeants
puisque le jugement précise
que Douch est condamné en
tant que « l’un des principaux
responsables des crimes
commis par les khmers rouges
» tandis que sa responsabilité
64
personnelle est juridiquement
qualifiée de « systémique ».
2. Les victimes sont recevables
en leur constitution de partie
civile – ce qui est une première
en droit pénal international
puisque ni à Nuremberg,
ni à Tokyo, ni à Jérusalem
et ni devant la CPI, elles ne
bénéficiaient jusqu’alors d’un
tel statut qui doit s’analyser
comme un « plus » qui est dû
à l’influence du droit français
(le tribunal qui juge Douch est
onusien et cambodgien donc
d’influence française pour
partie).
« Cyberdroit le droit à l’épreuve de l’internet »
Christiane Féral-Schuhl
Le récit d’un procès
Au fil des pages, on découvre « S-21 », l’enceinte du tribunal et
l’atmosphère qui y règne, les victimes et leurs témoignages, les
incidents d’audience, l’évolution des discours de Douch, les stratégies
de la défense et des parties civiles. Deux thèses s’affrontent :
nécessaire obéissance à la hiérarchie ou effet aveuglant d’une
volonté d’en découdre avec « l’ennemi de l’intérieur » ? Pour Douch,
être réhabilité devant les tribunaux c’est être réhabilité devant
l’histoire. Pour les familles des victimes et les survivants, il s’agit
d’obtenir la reconnaissance de leur souffrance.
L’enjeu juridique du procès était au moins quadruple.
Le premier concerne la procédure. Devant ce tribunal mixte, issu
en 2003 d’un accord entre les Nations Unies et le Cambodge, les
victimes ont, pour la première fois en droit pénal international, la
possibilité de se constituer partie civile. Paradoxalement, beaucoup
ont préféré garder le silence et refusé d’entrer dans la logique d’un
procès qu’elles ne comprennent pas.
Le deuxième enjeu met en cause la légitimité même du droit pénal
international. Le Cambodge peut-il s’en remettre à une juridiction,
en partie étrangère, pour juger son histoire nationale ? La démarche
suppose, au moins, la présence des victimes : « la justice pour la justice
ne m’intéresse guère, l’important étant de rendre l’histoire aux premiers
concernés », confie l’avocat.
3. Douch est condamné à
35 ans, moins 5 ans, moins la
détention provisoire, moins
les remises de peine – ce qui
importe peu puisque d’une
part Douch a annoncé par son
avocat qu’il ferait appel et que
d’autre part moi-même en tant
qu’avocat des parties civiles à
la française, j’avais indiqué le
premier jour de l’audience que
je ne me prononcerais pas sur
la peine. En effet, la souffrance
des victimes étant inquantifiable
on ne peut la projeter sur un
calcul mathématique. Ce qui
compte c’est que Douch soit
condamné à une peine de
prison à long terme dont il ne
sortira probablement pas vivant
puisqu’il a près de 70 ans.
4. Le tribunal a adressé un
message symbolique aux
parties civiles. Dans son
verdict le président leur a dit
que s’ils ne recevraient aucun
dommage et intérêt – Douch
ne pourrait évidemment pas
en assurer la charge – ils
devraient considérer que «
l’inscription de leur nom sur
le jugement » renfermerait
la mesure de leur douleur…
comme le marbre d’une dalle
sur un monument aux morts.
Ainsi faut-il considérer le
verdict prononcé ce matin.
Propos recueillis sur son blog :
http://www.poscriptum.fr/
Le troisième enjeu est le rayonnement du droit français dans les
procédures pénales internationales : il s’agit de faire entrer « un peu
plus de droit romano germanique dans la règle onusienne »
Le quatrième enjeu concerne la qualification juridique des faits.
En définissant et en imposant un lexique conceptuel proprement
juridique (cf. « crime contre l’humanité », « violation des Conventions
de Genève du 12 août 1949 »), en évaluant le « dommage causé »
à travers la condamnation prononcée, le droit suppose possible de
fixer un quantum d’années de prison pour l’assassinat d’au moins
17 000 victimes. Mais peut-on quantifier la souffrance des familles
des victimes ?
Sollicitée pour juger des individus précis accusés de crimes déterminés,
la Justice est aussi un tribunal symbolique de l’Histoire, un vecteur de
la mémoire nationale qui redouble ou se substitue à la recherche
historique, l’enseignement et les commémorations officielles.
Une réflexion autour
d’un procès : pardon,
oubli ou devoir de mémoire ?
Confrontant le discours judiciaire, le discours de l’historien et le
témoignage, l’ouvrage met en évidence la complexité des rapports
entre droit et histoire, renforcée ici par la cohabitation perpétuée
entre victimes et anciens tortionnaires (un ancien khmer rouge
occupe actuellement le poste de premier ministre) parfois au sein
du même foyer comme le montre l’histoire de la mère de Vong Seri,
exécutée après que ce dernier l’a dénoncée.
Au Cambodge, l’histoire reste souvent méconnue ou partiellement
connue : la période n’est toujours pas enseignée à l’école. En retraçant
l’histoire des Khmers rouges entre le 17 avril 1975 (prise de Phnom
Penh) et le 7 janvier 1979 (libération par les forces vietnamiennes),
en exhumant les méthodes de torture utilisées à S21 pour arracher
de faux aveux à de soi-disant agents de la CIA, les dénonciations,
les témoignages de tortures, le procès contribue au « devoir de
mémoire ».
Mais ne s’agit il pas là d’une projection de schèmes de pensée
occidentaux ? Le procès de Douch est-il légitime pour le peuple
cambodgien ? L’avocat est conscient du risque d’ethnocentrisme face
à l’altérité radicale de la culture bouddhiste cambodgienne.
Conscient qu’il est tributaire de son temps et de son histoire, l’avocat
réfléchit à la possibilité même d’un pardon ou d’une catharsis, pour
tenter de comprendre les motifs du silence des victimes, pour mieux
les soutenir et les défendre. L’historiographie du Cambodge aura la spécificité d’avoir été écrite à
la fois par des juges et par des historiens, ou par des avocats qui, en la
circonstance, se font historiens.
Cyberdroit
le droit à l’épreuve
de l’internet
6e édition PRAXIS DALLOZ
Christiane Féral-Schuhl
58 €
Les technologies de l’information
et de la communication (TIC)
lancent des défis à l’ensemble des disciplines
juridiques.
La collecte et le transfert de données à caractère personnel
peuvent-ils être au service de chacun, sans porter atteinte aux
libertés individuelles ou publiques ?
Quel équilibre pour la cybersurveillance entre pouvoir de
contrôle de l’employeur et protection des libertés et droits
fondamentaux de l’employé ?
La loi du 12 mai 2010 permettra-t-elle d’accorder les exigences
européennes de l’ouverture du marché des jeux en ligne avec
les règles protectrices de l’internaute ?
La loi Hadopi et le projet ACTA suffiront-ils pour lutter contre
la contrefaçon numérique ?
Pour les noms de domaine, quel bilan tirer du rôle des offices
d’enregistrement, notamment celui de l’Afnic, accréditée par
l’arrêté du 19 février 2010, pour l’extension en « .fr » ?
Les dispositifs sur la preuve et la signature électroniques,
l’archivage, le dépôt légal et la cryptologie parviennent-ils
à renforcer la confiance entre émetteurs et récepteurs de
documents électroniques ?
Comment se poursuit la construction du régime de
responsabilité des intervenants : opérateur, fournisseur d’accès,
d’hébergement, de contenus, de liens, gestionnaire de forum,
blogueur et éditeurs de réseaux ?
Comment concilier liberté et sécurité dans la lutte contre la
cybercriminalité, notamment avec la loi LOPPSI 2 ?
Toutes les questions sur les droits et obligations de l’internaute
citoyen, parent, mineur, consommateur, créateur de site,
employé, chef d’entreprise ou chargé d’une mission d’intérêt
général trouvent des réponses actualisées dans cette sixième
édition.
Entre deux éditions l’actualité de ces questions est consultable
sur www.cyberdroit.fr.
Sarah Mauger – Promotion Attali – série N
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LES BONNES TOQUES
LES BONNES TOQUES
Manger bio : la panacée de l’homme moderne ?
Le bio ne se réduit pas à de la cosmétique
alimentaire, à une tendance culinaire, à un art de
vivre et de consommer ou à une des émanations
de la vague « bobo ». Le paysage agricole
français, et donc alimentaire, a sensiblement
changé en l’espace d’une décennie, le nombre
d’exploitations agricoles certifiées bios ayant
presque quadruplé depuis 199833. Ainsi, il y a
quelques années encore, acheter des produits
bios impliquait une véritable recherche et
un coût certain. L’engouement pour le bio
qui envahit les rayons de nos supermarchés,
donne naissance à des chaînes de magasins
spécialisés (Naturalia ou Biocoop par exemple)
ou à des commerces de quartier, à des marchés
parisiens (Raspail, Batignolles, Brancusi) et à des
restaurants qui ne jurent que par le bio (Bioboa34,
Supernature35 , Rose Bakery36 ), s’impose presque
comme une nouvelle morale, respectueuse de
l’écosystème. L’agriculture biologique répond
certes à cette attente, vivement d’actualité :
se « rapprocher au maximum des conditions
naturelles de vie des animaux et des plantes37 ».
Il faut garder à l’esprit que se superpose à ces
dimensions, un véritable code normatif.
Le bio, une révolution écologique et
économique
N
ée dans les années 1920 en France, l’agriculture biologique
procède de la volonté d’agronomes, de médecins,
d’agriculteurs, de chercheurs et de consommateurs de
fonder un mode alternatif de production mettant au cœur de
ses préoccupations l’autonomie et le respect des équilibres
naturels. Cette invention d’un nouveau mode de production
et de consommation correspond à une démarche dont les
ramifications ne sont pas seulement agricoles et écologiques.
L’agriculture biologique a en effet des vertus économiques.
La limitation du nombre de produits chimiques et de synthèse
66
utilisés dans les sols accroît le besoin de main-d’œuvre et favorise
ainsi l’emploi dans le secteur agricole. Grâce à la nature directe
du lien entre le producteur et le consommateur, l’agriculture
biologique permet d’exploiter des zones rurales dans lesquelles
l’agriculture conventionnelle n’était plus suffisamment rentable,
et qui de ce fait, avaient été délaissées par les agriculteurs.
L’agriculture biologique est également un terreau d’innovation,
contrairement à ce que pourraient laisser croire les idées de
retour aux valeurs de la terre et au naturel, souvent associées au
bio. Pour preuve, la recherche permet, entre autres, d’approfondir
la connaissance des sols et de leur fertilité, d’identifier les espèces
animales et végétales les mieux adaptées au sol et d’apporter des
alternatives non chimiques aux produits de lutte antiparasites.
La progression indéniable de l’agriculture biologique par rapport
à l’agriculture conventionnelle témoigne de l’attractivité de cette
forme d’exploitation. Selon les chiffres produits par l’Agence
Bio38, groupement d’intérêt public réunissant le ministère de
l’Agriculture et de la Pêche, le ministère de l’Ecologie, l’Assemblée
Permanente des Chambres d’Agriculture ainsi que des fédérations
professionnelles agricoles et un syndicat39, les surfaces exploitées
en agriculture biologique ont crû de 16% en 2009, ce qui fixe à
24% la part des exploitations françaises produisant du bio.
Un cadre réglementaire strict
C
réé par un label en 1972, le bio est reconnu depuis 1999
et marqué du logo AB « Agriculture Biologique ». Ce logo,
propriété exclusive du ministère de l’Agriculture et de la
Pêche, est facultatif et a pour principal objet d’éclairer le consommateur
sur ses choix et de lui garantir que 95% du produit qu’il achète est
composé d’ingrédients biologiques. En pratique, les aliments bios
sont soumis à des normes strictes émises par l’IFOAM (Fédération
internationale des mouvements agricoles biologiques), complétées par
des dispositions européennes40 et françaises41. L’institution du logo
« AB » semble avoir atteint ses objectifs de reconnaissance et d’image
de qualité puisqu’en 2008, 85% des Français interrogés affirmaient
connaître la marque AB et 84% l’utilisaient comme repère lors de
l’achat de produits biologiques42.
Les normes permettent de tracer les aliments : depuis leur production,
transport, entreposage, manutention jusqu’à leur transformation, grâce
au suivi d’un cahier des charges public.
Pour être bios, les produits doivent obligatoirement être certifiés par
33. L’agriculture biologique, chiffres clés - Edition 2009, Agence Bio / OC
34. Bioboa, 3 rue Danielle Casanova 75001
35. Supernature, 12 rue de Trévise 75009
36. Rose Bakery, 46 rue des martyrs 75009 et Rose Bakery II, 30 Rue Debelleyme 75003
37. Selon la définition fournie par la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique des Régions de France, organisme professionnel à vocation syndicale créé en 1978.
38. Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique, dossier de presse publié le 19 mai 2010
39. Fédération des coopératives agricoles, Fédération Nationale d’Agriculture Biologique des Régions de France, Syndicat national des transformateurs de produits naturels
et de culture biologique
40. Règlement CEE 2092/91, comportant des règles européennes pour les productions végétales et animales biologiques
41. Cahier des charges français complémentaire (CC REPAB F) aux règles européennes pour les productions animales. Les textes européens et français sont complétés et
explicités par des guides de lectures officiels français.
42. Baromètre CSA/ Agence Bio réalisé en 2008 sur la consommation et la perception des produits biologiques en France
Manger bio : la panacée de l’homme moderne ?
des organismes agréés, le contrôle du respect des règles étant annuel.
La certification bio concerne aujourd’hui une vaste gamme d’aliments
bruts – fruits, légumes, grains, œuf, lait, produits laitiers, etc – mais aussi
des produits transformés comme les pâtes, les biscuits, les boissons, etc.
La protection de l’environnement
L
’agriculture bio se caractérise par le rejet des mécaniques
modernes, des engrais et pesticides de synthèse et des
OGM. La logique de la protection de l’environnement n’est
pourtant pas toujours respectée jusqu’au bout, ne serait-ce parce
que parmi ceux qui commercialisent des produits bios, certains
ont pris le parti de transiger avec les saisons et de ne pas renier la
diversité et l’exotisme auxquels les consommateurs sont habitués.
Ainsi, la protection de l’environnement ne semble pas être une
priorité lorsque l’on consent à importer des produits bios de tous
les continents. Le credo de la protection de l’environnement est
également décrédibilisé par la volonté de démocratiser le bio, aussi
bien au sens du nombre de consommateurs qu’au sens du prix des
produits. En effet, en se transformant en phénomène de masse,
porté par des marques grand public et par les grandes enseignes
de la distribution, le bio est soumis à une commercialisation
rationalisée, où les économies d’échelle et la sécurité alimentaire
ont le maître mot. Le choix du conditionnement devient alors décisif
puisqu’il ne s’agit plus d’un simple commerce de proximité ; les
emballages plastiques, pour leurs vertus conservatrices, ont dès
lors droit de cité dans le royaume du bio.
d’origine biologique correspondant aux pollutions extérieures
ou résiduelles des sols. En l’absence de certitudes quant aux
conséquences réelles des produits de synthèse, des arômes,
colorants et additifs sur l’organisme, les consommateurs de bio
privilégieraient ces aliments dont la production fait application du
principe de précaution. Manger cinq fruits et légumes par jour, oui,
manger cinq fruits et légumes bios par jour, c’est encore mieux.
Associer les produits bios à une meilleure santé est-il un coup
marketing réussi ou une réalité ? 84% des Français considèrent
que les produits biologiques sont meilleurs pour la santé
que ceux issus de l’agriculture conventionnelle43. Pourtant, il
n’existe aucun consensus parmi les chercheurs à ce propos.
Aucune preuve solide n’est apportée jusqu’à présent, sur la
plus value de la qualité bio de ces aliments. S’ils sont plus riches
en vitamine C, en fer, en magnésium et phosphore, l’incidence
sur la santé n’est pas clairement rapportée.
Certains, tels le Professeur David Servan-Schreiber, célèbre
pour sa lutte contre le cancer, conseillent de consommer des
fruits et légumes bios pour leurs vertus anti-oxydantes, aussi
bien à titre préventif des cancers que pour leur traitement44.
Néanmoins, il n’y a aucun dogmatisme à ce sujet, mieux vaut
selon le Professeur consommer des fruits et légumes non bios
que de ne pas en consommer du tout. Les bienfaits seront
simplement accrus en présence d’aliments bios.
Si le bienfait sur la santé peut également revêtir un impact
psychologique, les consommateurs et scientifiques s’entendent
néanmoins sur un point, les aliments bios sont plus frais et ont
plus de goût que ceux issus de l’agriculture conventionnelle.
L
Les vertus du bio sur la santé : entre Un avenir lumineux ?
mythe et réalité
es initiatives afin de développer l’agriculture biologique
L
es produits bios, composés à 95% d’éléments biologiques,
garantissent l’absence d’organismes génétiquement
modifiés (OGM), les 5% restant qui ne peuvent être garantis
et la commercialisation de ses produits ne se tarissent
pas. Ces démarches portent leurs fruits puisque les
consommateurs se disent plus informés que par le passé sur
les spécificités des produits bios et reconnaissent que l’accès
43. Baromètre CSA/ Agence Bio réalisé en 2008 sur la consommation et la perception des produits biologiques en France
44. Anti-Cancer, Editions Robert Laffont
67
LES BONNES TOQUES
LES BONNES TOQUES
Manger bio : la panacée de l’homme moderne ?
à ces produits a été facilité45. A tel point que 44% des Français
témoignent consommer tous les jours ou au moins une fois par
semaine des produits biologiques46. Néanmoins, si les produits
sont désormais plus accessibles, quelques obstacles à une
véritable démocratisation de l’alimentation biologique persistent.
Selon le baromètre 2008 lancé par l’Agence Bio, destiné à évaluer
Chiche & Pois :
un accès direct
au bio en
Ile-de-France
producteur au consommateur,
chacun doit pouvoir s’y retrouver.
La traçabilité doit être claire »
affirme Ibtissem Akremi, la
gérante à l’origine de cette
aventure.
Chiche & Pois est une
jeune société, certifiée AB, qui
livre des fruits et légumes bios
aux franciliens à leur domicile
ou sur leur lieu de travail. Les
fondatrices Ibtissem Akremi
et Louise-Anne Maillerie
mettent au cœur de leurs
préoccupations les valeurs
actuelles des consommateurs.
Des paniers aux contenus présélectionnés selon la saison,
choisis avec soin et goûtés
avant toute mise en vente,
sont disponibles du mardi au
samedi. Sur simple demande,
il est également possible
de composer soi-même
son cabas.Voici les gammes
proposées :
• Chiche - Légumes : cabas de
légumes bios - 2 kg (9 €),
3,5 kg (14€) et 5 kg (18 €)
• Chiche - Mix :
cabas de fruits et de légumes
Chiche & Pois offre à
toutes les bourses un accès
à des produits issus de
l’agriculture biologique. « Du
68
Bistrots parisiens
la perception des produits biologiques par les Français, 75% des
sondés affirment que le prix trop élevé de ceux-ci représente
un obstacle à leur consommation. L’étude met également en
avant une certaine fracture au sein de la population française :
les consommateurs de bio les plus représentés sont en majorité
des femmes, de plus de 24 ans, appartenant aux catégories socioprofessionnelles supérieures, résidant en région parisienne. Dès
lors, quand pourra-t-on légitimement intégrer des produits bios
dans le panier de la ménagère ? Question de sexe, de génération,
de ressources financières ? Oui, mais pas seulement. La difficile
perméabilité de l’alimentation bio à toute la société démontre
que celle-ci demeure un parti pris personnel, animé par des
sensibilités et préférences individuelles. Ainsi, ce sont des efforts
de fond, sur la durée, et surtout des initiations de proximité et
des contacts directs avec les consommateurs qui permettront
de rendre la consommation de produits bios aussi naturelle que
leur mode de production.
Celine Dadouat – promotion Jacques Attali – série M
Mathilde Saltiel – promotion Jacques Attali – série G
bios - 4,5 Kg (21€)
• Chiche - Fruit : cabas
de fruits bios - 3 kg (18€)
• Chiche - Baby : cabas de
fruits et légumes bios adaptés
à la réalisation de 4 repas bébé
(9 €)
Un blog permet de consulter
outre la liste des produits
disponibles, des fiches
recettes et pratiques sur la
conservation et la préparation
de tous les fruits et légumes
proposés.
Chiche & Pois offre
également des livraisons
d’autres produits bios : œufs,
vins, cidres fermier, confitures
et laitages, à prix défiant la
grande distribution
Chiche & Pois propose des
fruits et légumes venant de
toute l’Europe et du continent
45. Baromètre CSA/ Agence Bio réalisé en 2008 sur la consommation et la perception des produits biologiques en France
46. Baromètre CSA/ Agence Bio réalisé en 2008 sur la consommation et la perception des produits biologiques en France
américain. « Nous attachons
une importance capitale à la
qualité des produits mais nous
sommes aussi attentives à
l’impact carbone de ceux-ci. Les
denrées européennes viennent
par le train et pour le reste nous
ne distribuons que ceux qui
arrivent par la voie des mers »
nous explique Louise-Anne
Maillerie, cofondatrice.
Pour les deux fondatrices,
l’objectif est clair : « Nous
souhaitons diffuser nos valeurs,
prouver que l’on peut être une
alternative économique durant
cette période de crise et ainsi
commencer à créer les premiers
emplois dans une logique
d’insertion professionnelle et
sociale ».
Contact : 06 50 79 30 01 ou par mail à
[email protected]
Blog : www.chicheetpois.wordpress.com
Bistrots parisiens
Rentrer c’est aussi se retrouver.
Quoi de mieux pour cela qu’un bon
et chaleureux bistrot parisien où l’on
pourra se raconter son été et dévoiler ses
projets ? Voici une sélection de tables
où il fait bon vivre.
Glou
Dans le haut marais, à quelques enjambées du musée
Picasso, vous trouverez Glou dans une portion, une fois
n’est pas coutume, calme de la rue Vieille du Temple. Salle
en longueur, poutres et briques apparentes, suspensions à
l’allure industrielle, tables d’hôtes et tables intimes créent une
atmosphère enveloppante. Les amateurs de calme se verront
mieux agrémentés dans la salle à l’étage. Le patron veille à
la qualité irréprochable des produits dont la provenance est
triée sur le volet. La carte, fournie et originale, va au-delà de
la déclinaison classique d’entrées, de plats et de desserts en
proposant des « perles rares » (comme le thon blanc fumé de
l’Ile d’Yeu et crème généreuse, 12€), des « assiettes canailles »
(jambon Ibaïona, 11€ ou Lomo Ibérico Bellota, 12€), et des
« curiosités du moment à ne pas manquer ». Des sous-titres
précisent avec humour la teneur de chaque assiette. Si vous
estimez que votre sens du goût est affûté, choisissez en
dessert le Yaourt Glou et tentez de percer le mystère des
saveurs du coulis qui l’accompagne. Ce curieux nom, Glou,
fait penser à une gouleyante gorgée de vin qui réchaufferait
doucement le gosier. Vous trouverez aisément celle qui plaira
à votre palais parmi la belle carte des vins à prix doux, tout
aussi commentée que le menu, qui permet de choisir un petit
ou grand verre (8 ou 16 cl) de vin d’exception. Pour vous
en convaincre, deux exemples : Meursault 2004 Premier Cru
«Les Bouchères», domaine Deux Montille (12€ ou 23€) en
blanc et Châteauneuf-du-Pape 2005, domaine Banneret (9€
ou 17€) en rouge.
Cinq-mars
Niché dans la calme
rue de Verneuil, aux
abords de la Seine,
le restaurant CinqMars affiche un style
brut, s’ouvrant sur
un bar en bois et
sur une salle, plutôt
petite, subtilement
éclairée et avec une
belle hauteur sous
plafond, où chaque
table bénéficie d’un
véritable
espace.
En guise d’entrée
en matière, la carte
allie avec brio de
grands
classiques
(foie gras mi-cuit),
terrine maison (dont on peut se servir à discrétion) avec des
originalités de saison (carpaccio de Saint-Jacques ou toasts aux
pleurotes à la crème). Les plats font la part belle aux traditions
de l’hexagone : saucisse de chez Conquet (charcuterie de
renom distinguée par le Gault et Millau) et purée maison (20€),
rognons de veau, pot au feu ou côte de veau. Les amateurs de
poisson ne seront pas en reste puisqu’ils pourront choisir un
thon mi-cuit (19€) ou un bar grillé (29€). En dessert, ne passez
pas à côté de la spécialité de la maison : la mousse au chocolat
(9,5€), numéro 2 au palmarès du Figaroscope des meilleures
mousses au chocolat de Paris. Présentée dans une grande jatte,
on peut plonger sa cuillère dans cette succulente mousse au
chocolat autant qu’on le souhaite. Vous serez servi dans une
ambiance conviviale par un personnel jeune et dynamique.
51 rue de Verneuil, 75007
01 45 44 69 13
Métro Solférino (12) ou Rue du Bac (12),
RER C Musée d’Orsay
Fermé dimanche et lundi
101 Rue Vieille du Temple, 75003
01 42 74 44 32
Métro Filles du Calvaire / Saint-Sébastien-Froissart (8)
ou Rambuteau (11)
Ouvert tous les jours
69
LES BONNES TOQUES
LES BONNES TOQUES
Bistrots parisiens
Les recettes du Baromaître
L’Ebauchoir
Le Basilic
A peine à une encablure du marché d’Aligre, l’Ebauchoir ne
peut rougir de la qualité de ses produits et de la réalisation
soignée de ses assiettes. La salle aux beaux volumes, récemment
rénovée, dépeint un style rétro avec ses grands miroirs, ses
tables et chaises en bois vieilli. Un charmant accueil vous
mettra à l’aise avant de profiter, grâce au service professionnel
et détendu, de l’ambiance chaleureuse du restaurant. A la
carte, des classiques forts réussis comme le filet de bœuf,
pommes de terre, confiture d’oignons et pleurotes (pour
deux, 48€) et le foie de veau et purée (20€) ou revisités : lotte
rôtie, beurre blanc, jus au cidre et pommes fruits (22€). En
dessert, voguez entre les traditions françaises – Paris-Brest
(6,5€) ou dacquoise noisette et glace noisette (6,5€) et anglosaxonnes – crumble pomme-chocolat et glace vanille (6,5€)
ou Cheesecake au citron vert et mandarines poêlées (6,5€).
L’Ebauchoir dispose également d’une terrasse d’une vingtaine
de couverts pour profiter des derniers beaux jours. A noter,
une intéressante carte des vins et la possibilité de consommer
les bouteilles de vin à la ficelle. Ne manquez pas de réserver
les soirs de fin de semaine.
Le Basilic est un grand bistro qui anime les soirées assoupies
du quartier des ministères. On se sustente dans une belle salle
au décor traditionnel, miroirs et banquettes en cuir rouge. En
entrée, optez pour les ravioles. Ensuite, si quelques poissons
sont sur la carte, il s’agit surtout d’une adresse qui ravira
les carnivores. Ceux-ci trouveront parmi les spécialités : du
gigot d’agneau tranché devant vous, une belle côte de bœuf
pour deux ou le canard. En matière de garnitures, ce sont
les frites qui tiennent le haut du pavé. Pour des plaisirs plus
sucrés, on pensera à la crème brûlée ou au mille-feuilles. Le
personnel est jeune et sympathique et les patrons qui ont
repris il y a quelques années le restaurant veillent à ce que
l’accueil soit chaleureux. Le restaurant reçoit aussi bien des
habitués du quartier, de tous les âges, que des clients friands
d’une bonne cuisine de bistrot, le tout contribuant à une
excellente ambiance. Le Basilic se situant au coin de deux rues
peu empruntées par les automobilistes, la terrasse (chauffée
et efficacement isolée l’hiver) offre un moment très agréable,
plus calme que dans la salle et une vue des plus charmantes
sur le jardin de la Basilique Sainte-Clotilde.
43 Rue Citeaux, 75012 - 01 43 42 49 31
Métro Faidherbe-Chaligny (8) - Fermé dimanche
2 Rue Casimir Périer, 75007 Paris - 01 44 18 94 64
Métro Varenne (13) ou Solférino (12)
Ouvert tous les soirs, fermé samedi et dimanche midi
Les Puces des Batignolles
70
Tartine saumon et avocat
Ingrédients pour 6 personnes :
- 6 tranches de pain (de préférence Poilâne
ou de campagne)
- 6 tranches de saumon fumé
- 3 avocats (un demi par tartine)
- 3 cuillères à café de crème fraîche entière
- 2 citrons
- 1 pincée de paprika pour les amateurs
Garniture :
Salade selon votre goût : roquette, mâche, bouquet varié…
Assaisonnement : huile d’olive et vinaigre balsamique (plus
sel et poivre).
1. Pressez les deux citrons et faites mariner les six tranches
de saumon fumé dans le jus obtenu.
2. Ecrasez à la fourchette les avocats, salez. Vous pouvez
ajouter une pointe de paprika si le cœur vous en dit.
3. Faites grillez les tranches de pain dans un grille-pain
classique.
4. Pendant que les tartines grillent, égouttez les tranches
de saumon fumé et réservez les.
5. Etalez l’avocat sur les tartines grillées. Placez une tranche
de saumon fumé sur chaque tartine.
6. Ajoutez une pointe de crème fraîche épaisse (une demicuillère à café environ) et un tour de moulin à poivre.
Dans le quartier animé des Batignolles, se trouve ce chaleureux restaurant
qui dégage sa bonté dans son cadre gentiment rétro, agrémenté de quelques
objets de bric et de broc. Lors du déjeuner, le menu composé uniquement de
plats du jour alléchants dispose d’un excellent rapport qualité prix (entrée/
plat ou plat/dessert 13€, entrée/plat/dessert 16€). A la carte, pour les grandes
comme les petites faims : grandes salades (environ 15 €), carpaccio de bœuf
au parmesan (15,50) planche de charcuterie, poissons et mention spéciale
pour les viandes (tartare de bœuf à l’italienne, entrecôte, magret de canard).
N’hésitez pas à faire remplacer la salade par des frites, coupées grossièrement
au couteau, très bien cuites et goûteuses. Si vous aviez encore faim après les
généreux plats et si vous n’aviez pas encore lorgné avec insistance du côté des
desserts, n’oubliez pas d’y jeter un œil et laissez vous tenter par le tiramisu au
Nutella. Si vous passez par là un dimanche, même tardivement, et que votre
appétit est sérieusement creusé, attablez vous pour le brunch (20€) : tout
y est (viennoiseries, œufs…) avec des touches originales en plus. Le service
est dynamique et enjoué. Une petite terrasse épousant l’angle formé par le
restaurant, parfait ce très agréable bistro. Pensez à réserver le soir.
110 Rue Legendre, 75017 01 42 26 62 26 Métro La Fourche (13)
Ouvert tous les jours
Quoi de plus simple et rapide
à préparer que des tartines ?
Préparez en un rien de temps
quelques tartines gourmandes
que vous pourrez servir seules
et tranchées, en guise de copieux apéritif,
ou garnies de salade verte si vous voulez
en faire une entrée ou un plat.
Dégustez !
Mathilde Saltiel
– promotion Jacques Attali – série G
Tartine italienne
Ingrédients pour 6 personnes :
- 6 grandes tranches de pain ou 12 petites
(Poilâne ou pain de campagne)
- grosses tomates
- mozzarella de buffle fraîche (en boule plutôt qu’en bûche)
- bouquet de basilic, ail
- huile d’olive
Garniture :
Salade selon votre goût : roquette, mâche, bouquet varié…
Assaisonnement : huile d’olive et vinaigre balsamique (plus sel et poivre).
Conseils :
Les tomates et la mozzarella fraîche vont dégorgez lors de la cuisson.
Pour préserver les saveurs de chaque ingrédient, pensez à découper
l’ensemble des ingrédients au préalable et à les disposer dans un
récipient un quart d’heure avant ou plus si vous en avez le temps. Une
fois ce temps écoulé, vous pourrez retirer du récipient l’excédent d’eau
qui se sera déposé au fond.
Si vous souhaitez plutôt déguster ces tartines à la main, en guise d’apéritif
ou façon « bruschetta », pensez que les tomates et la mozzarella
« transpireront » lors de la cuisson, peu importe que vous ayez eu ou non
le temps de les dégorger au préalable. C’est pourquoi il ne faut pas mettre
de l’huile d’olive avec excès, sinon la tartine sera si humide et glissante qu’il
sera difficile de la manger avec plaisir et facilité avec les doigts.
1. Préchauffez le four à 180 degrés.
2. Retirez la plaque du four et disposez au fond une feuille de papier
sulfurisé (pour éviter une adhérence de la tartine à la plaque).
3. Retirez la chemise de l’ail. Prélevez une gousse et retirez les chemises
restantes.
4. Coupez chaque grande tranche de pain en deux. Frottez-y de l’huile
d’olive (avec un pinceau de cuisine si vous en possédez un, sinon à
la main). Frottez-y ensuite l’ail, à votre convenance jusqu’à atteindre
l’arôme souhaité (un petit conseil, quelques passages de l’ail suffisent
car l’arôme de l’ail s’imprègne vite).
5. Tranchez les grandes tomates en rondelles. Disposez une ou deux
rondelles sur chaque tranche de pain.
6. Découpez la mozzarella en tranches relativement épaisses (1 cm
environ) et disposez une ou deux tranches sur les tomates.
7. Ajoutez une goutte d’huile d’olive. Ciselez quelques feuilles de basilic
au-dessus de la tartine. Ajoutez du sel (de préférence gros sel) et un
tour de moulin à poivre.
8. Mettez votre four sur la fonction grill.
9. Enfournez les tartines en les disposant sur le papier sulfurisé pendant
5 à 7 minutes en surveillant régulièrement.
Dégustez !
71
LES BONNES TOQUES
Les recettes du Baromaître
LES BONNES TOQUES
Les recettes du Baromaître
Tartine de chèvre chaud sucrée
Ingrédients pour 6 personnes :
- 6 grandes tranches de pain ou 12 petites (Poilâne de
préférence, ou de campagne, aux céréales, aux noix ou complet)
- 12 rocamadours (si vous les achetez chez le fromager,
ne les demandez pas trop coulants) ou une bûche de chèvre
- 6 cuillères à café de miel liquide
- 1 pomme (verte de préférence, type Granny Smith,
pour son acidité !)
- une pincée d’herbes de Provence pour chaque tartine.
Garniture :
Salade selon votre goût : mâche, pousses d’épinards, bouquet
varié…
Assaisonnement : huile d’olive et vinaigre balsamique (plus sel et
poivre) ou huile de tournesol et moutarde à l’ancienne (plus sel
et poivre) ; quelques noix en plus ou pignons de pin si vous cela
vous chante.
1. Préchauffez votre four à 180 degrés.
2. Retirez la plaque du four et disposez au fond une feuille de
papier sulfurisé (pour éviter une adhérence de la tartine à la
plaque).
3. Découpez la pomme en fines rondelles. Disposez une à deux
rondelles de pomme sur le pain.
4. Découpez la bûche de chèvre en morceaux. Disposez un ou
deux morceaux de bûche de chèvre ou un ou deux rocamadours
sur le pain, selon la taille des tranches choisies.
5. Nappez le chèvre d’une cuillère à café de miel liquide.
6. Ajoutez une pincée d’herbes de Provence sur chaque tartine.
7. Mettez votre four sur la fonction grill.
8. Disposez les tartines sur le papier sulfurisé et enfournez les
pendant 6 à 7 minutes en les surveillant régulièrement.
Dégustez !
Marion Grateau – promotion Jacques Attali – série J
Mathilde Saltiel – promotion Jacques Attali – série G
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