Voir la décision - Régie des marchés agricoles et alimentaires du

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RÉGIE DES MARCHÉS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES DU QUÉBEC
Dossier :
Décision :
10914
Date :
22 juillet 2016
Président :
André Rivet
Régisseurs :
France Dionne
Daniel Diorio
OBJET :
215-07-10-113
Demande d’autorisation de fusionner deux quotas laitiers
FERME LÉONARD MORIN ET FILS INC.
et
FERME CELCAR SENC
Demanderesses
Et
LES PRODUCTEURS DE LAIT DU QUÉBEC
Mis en cause
DÉCISION
LA DEMANDE
[1]
Le 3 novembre 2015, la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec
(la Régie) reçoit de Ferme Celcar senc (Celcar) et de Ferme Léonard Morin & Fils inc. (Ferme
Morin) une demande pour qu’elles soient autorisées à mettre en commun leurs ressources tant
matérielles, humaines que financières. Après consultation auprès d’un fiscaliste de l’Union des
producteurs agricoles, elles soumettent que cette mise en commun se traduirait par la vente des
parts de Céline Prévost et de Caroline Lepage dans Celcar à Ferme Morin en échange d’actions
de cette dernière. À la suite de cette transaction, Ferme Morin deviendrait le seul associé dans
Celcar, procèderait au transfert d’actifs et à la dissolution de Celcar.
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Décision 10914
[2]
La demande de Celcar et de Ferme Morin fait suite à une décision des Producteurs de lait
du Québec1 (PLQ) du 30 octobre 2015 par laquelle ceux-ci avisaient les demanderesses qu’ils
ne peuvent autoriser leur projet car celui-ci contrevient aux articles 6, 6.1, 6.3, 28 et 42 du
Règlement sur les quotas des producteurs de lait2 (le Règlement).
SÉANCE PUBLIQUE
[3]
La Régie tient une séance publique à Québec, le 11 mai 2016, pour entendre les
observations des personnes intéressées par cette demande.
[4]
Celcar est représentée par Caroline Lepage. Ferme Morin est représentée par Maxime
Morin et André Morin. Ils sont accompagnés de Me Brigitte Pelletier, notaire, de Maryse Trahan,
agronome du Groupe conseil Lévis-Bellechasse et de Claude Morissette, directeur des comptes
de Desjardins Entreprises.
[5]
Les PLQ sont représentés par Me Caroline Roberge. Elle est accompagnée de Julie Malo,
agente au Contingentement et aux Contrôles techniques et de Geneviève Rainville, directrice de
la Recherche économique qui assiste à la séance publique par visioconférence de Longueuil.
[6]
À la suite de cette séance publique, la Régie tient une conférence de gestion, le
8 juin 2016 et reçoit des documents supplémentaires des demanderesses, les 19 mai et
15 juin 2016 et des PLQ, le 3 juin 2016.
CADRE JURIDIQUE
- Cadre législatif
[7]
Les dispositions des articles 5, 26, 36 et 43 de la Loi sur la mise en marché des produits
agricoles, alimentaires et de la pêche3 (la Loi) s’appliquent à la présente demande :
5.
La Régie a pour fonctions de favoriser une mise en marché efficace et ordonnée des
produits agricoles et alimentaires, le développement de relations harmonieuses entre les différents
intervenants, la résolution des difficultés qui surviennent dans le cadre de la production et la mise
en marché de ces produits en tenant compte des intérêts des consommateurs et de la protection
de l'intérêt public.
26.
La Régie peut résoudre les différends qui surviennent dans le cadre de l'application d'un
plan conjoint ou du fonctionnement d'une chambre de coordination et de développement.
36.
1
La Régie peut, aux conditions et pour la période qu’elle détermine:
er
Les PLQ ont remplacé la Fédération des producteurs de lait du Québec, le 1 mai 2014, comme office chargé de
l’application du Plan conjoint (1980) des producteurs de lait du Québec (RLRQ, c. M-35.1, r. 205). Pour faciliter la
lecture du texte, la Régie réfèrera aux PLQ pour désigner l’office chargé de l’application du Plan conjoint même pour
des faits survenus alors que la Fédération des producteurs de lait du Québec était chargé de l’application du plan
conjoint.
2
RLRQ, c. M-35.1, r. 208.
3
RLRQ, c. M-35.1.
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1°
exempter de l’application totale ou partielle de l’acte constitutif d’une chambre, d’un plan,
d’un règlement ou d’une convention, toute personne ou catégorie de personnes, ou toute société
engagées dans la production ou la mise en marché d’un produit agricole ou la mise en marché
d’un produit de la pêche ou de toute classe ou variété de ces produits; (…)
43.
La Régie peut, de son propre chef ou à la demande d'une personne intéressée, ordonner à
un office ou à une personne engagée dans la production ou la mise en marché d'un produit visé
par un plan, d'accomplir ou de ne pas accomplir un acte déterminé si elle constate que l'omission
ou l'action risque d'entraver l'application de ce plan, d'un règlement, d'une convention homologuée
ou d'une sentence arbitrale.
La Régie peut aussi décider de l'exigibilité d'une somme d'argent en application d'un plan, d'un
règlement, d'une convention homologuée, d'une sentence arbitrale qui en tient lieu ou d'une
décision qui tient lieu de sentence arbitrale et en ordonner le paiement.
Toute décision prise par la Régie en application des premier et deuxième alinéas peut être
homologuée par la Cour supérieure sur requête de la Régie ou d'une personne intéressée et
devient, après homologation, exécutoire comme un jugement de cette cour.
- Cadre réglementaire
[8]
Les articles 6, 6.1, 6.3 et 6.4 du Règlement trouvent également application :
6.
Un producteur ne peut détenir, directement ou indirectement, plus d'un quota.
Un producteur détient indirectement un quota notamment lorsqu'il détient du capitalactions ou une part sociale d'une personne morale ou d'une société détentrice de quota ou
un droit d'acquérir un quota.
Pour l'application du premier alinéa, le producteur qui détient indirectement plus d'un quota
le 2 mai 2008 est réputé détenir un seul quota.
6.1.
Un seul quota peut être exploité sur une unité de production.
6.3.
Un producteur ne peut changer le lieu d'exploitation de son quota à moins d'y être
autorisé.
Les Producteurs autorisent le changement du lieu d'exploitation d'un quota dans les cas
suivants lorsque :
1°
le changement du lieu d’exploitation du quota remplit les conditions
suivantes :
i)
il est rendu nécessaire notamment en raison de la désuétude ou du défaut
de capacité du bâtiment d’élevage, de l’échéance du bail de location d’une
exploitation laitière, d’une expropriation ou d’une contravention à des normes
environnementales ou municipales;
ii)
il ne constitue pas un moyen de céder, d’acquérir ou de transférer
directement ou indirectement un quota ou,
2°
le producteur ne peut exploiter le quota qu'il détient en raison d'une force
majeure causant des dommages au bâtiment d'élevage ou,
3°
pour une période n'excédant pas 6 mois, en raison de travaux au bâtiment
d'élevage.
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On entend par « changement du lieu d’exploitation » tout déménagement du lieu
d’exploitation d’un quota à l’extérieur du lot sur lequel il est exploité. ».
6.4.
Un producteur doit être propriétaire des vaches laitières qui sont situées sur son
exploitation laitière.
Un producteur doit être propriétaire ou locataire de son exploitation laitière. Dans le cas
d'une location, le bail doit être d'une durée d'au moins 5 ans, ne pas être résiliable avant
l'arrivée du terme et être publié au registre foncier.
[9]
L’article 28 de ce règlement qui se trouve dans la section VII intitulée « Négociabilité et
transfert des quotas par le système centralisé de vente des quotas » et l’article 42 de ce
règlement qui se trouve dans la section IX intitulée « Négociabilité et transfert des quotas
exempts de la section VII » sont également pertinents. Il faut cependant se référer à la version
en vigueur au moment où Celcar a acquis le quota de Ferme Florissante inc. en
septembre 2010 :
28.
Sous réserve de la section IX, nul ne peut acquérir ou céder un quota, en tout ou
en partie, autrement qu'en suivant la procédure prévue à la présente section.
42.
Est exempte de l'application de la section VII, la cession de quota qui survient lors
d'un changement de régime juridique d'une unité de production ou lorsqu'un producteur
cède son quota en tout ou en partie à un producteur qui, à la suite de la cession, ne détient
que le quota qui lui est ainsi cédé.
Pour bénéficier de l'exemption, le cessionnaire dépose au bureau du syndicat de sa
région, une fois la cession complétée, une demande de transfert de quota dans la forme
prescrite par la Fédération, accompagnée des documents établissant cette cession.
Il est également intéressant de rappeler l’historique de l’article 6.3 du Règlement dont la
version citée plus haut est entrée en vigueur le 13 avril 2016. La version en vigueur du
30 avril 20144 au 13 avril 2016 se lisait :
[10]
6.3.
Un producteur ne peut changer le lieu d'exploitation de son quota à moins d'y être
autorisé.
Les Producteurs autorisent le changement du lieu d'exploitation d'un quota dans le cas où
le producteur ne peut exploiter le quota qu'il détient en raison d'une force majeure causant
des dommages au bâtiment d'élevage ou, pour une période n'excédant pas 6 mois, en
raison de travaux au bâtiment d'élevage.
Décision 8984, a. 3; Décision 9555, a. 2; Décision 9936, a. 1; Décision 10147, a. 1;
Décision 10389, a. 3.
[11]
La version en vigueur du 4 décembre 20135 au 30 avril 2014 se lisait :
6.3.
Un producteur ne peut changer le lieu d'exploitation de son quota à moins d'y être
autorisé.
La Fédération autorise le changement du lieu d'exploitation d'un quota dans le cas où le
producteur ne peut exploiter le quota qu'il détient en raison d'une force majeure causant
4
5
Décision 10389, a. 3, 2014 G.O. 2, 1539, 30 avril 2014.
Décision 10147, 2013 G.O. 2, 5479, 4 décembre 2013.
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des dommages au bâtiment d'élevage ou, pour une période n'excédant pas 6 mois, en
raison de travaux au bâtiment d'élevage.
Décision 8984, a. 3; Décision 9555, a. 2; Décision 9936, a. 1; Décision 10147, a. 1.
[12]
La version applicable du 3 octobre 20126 au 4 décembre 2013 se lisait :
6.3
Un producteur ne peut changer le lieu d'exploitation de son quota à moins d'y être
autorisé.
La Fédération autorise le changement du lieu d'exploitation d'un quota dans les cas
suivants:
1°
le producteur exploite le quota qu'il détient sur le même lieu depuis au moins 5 ans
au moment du dépôt de la demande.
Lorsque le producteur est une personne morale ou une société, au moins 50 % de la
totalité des actions émises ou des parts sociales du producteur doivent être détenues par
les mêmes personnes physiques, personnellement ou par l'entremise de personnes
morales ou de sociétés dont elles détiennent seules le contrôle et la totalité des actions
émises ou des parts sociales, depuis au moins 5 ans au moment du dépôt de la demande;
2°
le producteur ne peut exploiter le quota qu'il détient en raison d'une force majeure
causant des dommages au bâtiment d'élevage ou, pour une période n'excédant pas
6 mois, en raison de travaux au bâtiment d'élevage.
Décision 8984, a. 3; Décision 9555, a. 2; Décision 9936, a. 1.
[13]
La version de l’article 6.3 entre les 5 janvier 20117 et 3 octobre 2012 se lisait :
6.3.
À moins qu'il ne bénéficie d'une autorisation selon la section III en raison de
dommages au bâtiment d'élevage, un producteur ne peut changer le lieu où il exploite son
quota.
Décision 8984, a. 3; Décision 9555, a. 2.
[14]
La version de cet article entre le 14 mai 20088 et le 5 janvier 2011 se lisait :
6.3.
Un producteur qui effectue la relocalisation d'une exploitation laitière doit
transmettre à la Fédération un avis écrit au moins 30 jours avant cette relocalisation. Cet
avis doit contenir l'adresse civique et une copie de l'acte d'acquisition ou du bail de
l'endroit où l'exploitation laitière sera relocalisée.
On entend par « relocalisation d'une exploitation laitière », un changement du lieu où est
effectuée la collecte du lait de cette exploitation.
Décision 8984, a. 3.
[15]
Les articles 31, 41.1, 49, 53.6 et 53.8 sont également pertinents :
31.
6
7
8
Un producteur ne peut faire plus d'une offre, d'achat ou de vente, par mois.
Décision 9936, 2012 G.O. 2, 4847, 3 octobre 2012.
Décision 9555, 2011 G.O. 2, 115, 5 janvier 2011.
Décision 8984, 2008 G.O. 2, 2140 du 14 mai 2008.
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Toute offre d'achat ou de vente doit porter sur au moins 0,1 kg de matière grasse par jour.
41.1. Lorsque l'application de l'article 40 fait en sorte que la quantité de quota que Les
Producteurs devraient vendre à même la réserve d'ajustement excède 4 % de la quantité
totale de quota demandée par les producteurs acheteurs, Les Producteurs peuvent
annuler la vente en cours.
Ils peuvent également procéder à la vente et combler en partie les offres des producteurs
acheteurs à même les quantités de quota offertes par les producteurs vendeurs. Ils
peuvent ensuite vendre des quantités de quota pour combler en partie les offres des
producteurs acheteurs qui n'ont pas été comblées.
Dans tous les cas, ils imputent les quantités de quota mises en vente selon l'ordre suivant:
1°
à chaque acheteur qui bénéficie du programme d'aide au démarrage, à qui Les
Producteurs ont expédié l'avis prévu à l'article 53.17.1 et qui détient, au moment de la
vente, un quota inférieur au prêt accordé en vertu du programme;
2°
(paragraphe abrogé);
3°
à chaque acheteur détenant un quota de moins de 12 kg de matière grasse par
jour dont l'offre d'achat est d'au plus 1 kg de matière grasse par jour tel que prévu au
troisième alinéa de l'article 30;
3.1°
par tranche de 0.1 kg de matière grasse par jour, à chaque acheteur qui bénéficie
d'un prêt émis en vertu du programme d'aide au démarrage d'entreprises laitières, et dont
le remboursement est en cours;
3.2°
sont éligibles à l'application du paragraphe 3.1, les producteurs ayant démarré en
er
er
production laitière, entre le 1 mai 2008 et 1 février 2012, avec une priorité de 10 ou
12 kg de matière grasse par jour sur le système centralisé de vente de quota et qui ont
obtenu un prêt d'aide à la relève en production laitière de 5 kg de matière grasse par jour
et dont le remboursement est en cours;
4°
par tranche de 0,1 kg de matière grasse par jour, à chaque acheteur qui n'est pas
visé par les paragraphes 1 et 3 et qui détient un quota au moment de la vente, jusqu'à
concurrence de la quantité de quota qu'il a offert d'acheter et jusqu'à ce que la somme des
tranches de quota ainsi imputées soit le plus près possible de 50% des quantités de quota
offertes en vente non imputées selon les paragraphes 1 et 3;
5°
à chaque acheteur qui n'est pas visé par les paragraphes 1 et 3 et qui détient un
quota au moment de la vente en proportion de la partie du quota qu'il avait offert d'acheter
et qui n'a pas été comblée par l'application du paragraphe 4;
Lorsque les quantités de quota mises en vente ne permettent pas d'imputer au moins une
tranche de 0,1 kg de matière grasse par jour à chaque acheteur selon le paragraphe 4 du
troisième alinéa, Les Producteurs comblent uniquement les offres des producteurs
acheteurs effectuées en vertu des paragraphes 1 et 3. Les troisième et quatrième alinéas
de l'article 41 s'appliquent alors aux offres des producteurs vendeurs.
49.
Les Producteurs établissent un programme d'aide à la relève en production
laitière. Le programme a pour objet de favoriser la transmission des entreprises et assurer
la pérennité de la production laitière au Québec. À cette fin, elle prête un quota maximum
de 5 kg de matière grasse par jour en 2 tranches, une première de 1 kg de matière grasse
par jour et une deuxième de 4 kg de matière grasse par jour, au producteur qui répond aux
critères énumérés à la présente section et qui n'est pas bénéficiaire d'un prêt accordé en
vertu de la section XIV.1.
53.6. Les Producteurs retirent immédiatement le quota prêté à un producteur qui a fait
une déclaration fausse et mensongère; ils retranchent également du quota de ce
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producteur une quantité équivalant au quota qu'ils lui avaient prêté, pour une période
égale à la période durant laquelle il a bénéficié du quota prêté en vertu de cette
déclaration.
Le producteur à qui Les Producteurs ont retiré en vertu du présent article un quota prêté,
ainsi que tout actionnaire ou sociétaire de ce producteur, et toute personne qui exerce un
droit de contrôle direct ou indirect sur ce producteur, ne peuvent, directement ou
indirectement, bénéficier à nouveau du programme d'aide à la relève en production laitière
avant un délai de 10 ans.
53.8. Le quota de 1 kg de matière grasse par jour est remboursé à compter de la
e
10 année suivant la date du prêt, à raison de 0,1 kg par mois.
Si l'entreprise bénéficie, avant l'échéance de 10 ans, d'un quota de 4 kg de matière grasse
par jour, le quota de 1 kg de matière grasse par jour doit être remboursé en même temps
que le quota de 4 kg de matière grasse par jour. Le quota de 5 kg de matière grasse par
e
jour est remboursé à compter de la 6 année suivant la date du prêt de quota de 4 kg de
matière grasse par jour, à raison de 1 kg par année remis par tranche de 0,1 kg par mois
lors des 10 premiers mois.
Toutefois, lorsque les personnes décrites aux articles 51 et 52 obtiennent, avant la
6e année suivant la date du prêt de quota de 4 kg de matière grasse par jour, au minimum
une attestation d'études collégiales en agriculture et en gestion, le quota de 5 kg de
e
matière grasse par jour est remboursé à compter de la 7 année suivant la date du prêt de
quota de 4 kg de matière grasse par jour, à raison de 1 kg par année remis par tranche de
0,1 kg par mois lors des 10 premiers mois.
Le troisième alinéa ne s'applique qu'aux demandes de prêt, dûment complétées et
signées, déposées aux bureaux du conseil régional après le 3 octobre 2012.
Les quotas remboursés sont retournés dans la réserve mentionnée au paragraphe 2 de
l'article 46.
Sous réserve du septième alinéa, lorsqu'en vertu de l'article 53.3 Les Producteurs
reprennent les quotas prêtés, le producteur, ainsi que tout actionnaire ou sociétaire de ce
producteur et toute personne qui exerce un droit de contrôle direct ou indirect sur ce
producteur, qui bénéficient à nouveau, directement ou indirectement, de quelque façon
que ce soit, du programme d'aide à la relève avant la date d'échéance du prêt ainsi repris,
ne peuvent bénéficier que d'une quantité équivalente à celle détenue au moment de la
reprise du prêt, laquelle est assujettie aux mêmes conditions et modalités de
remboursement que celles applicables à la quantité détenue au moment de la reprise du
prêt.
Lorsqu'en vertu de l'article 53.3 Les Producteurs reprennent les quotas prêtés à la suite du
défaut du producteur de respecter le paragraphe 4 ou 4.1 de l'article 51, ou l'article 53.5,
celui-ci ainsi que tout actionnaire ou sociétaire de ce producteur et toute personne qui
exerce un droit de contrôle direct ou indirect sur ce producteur, ne peuvent, directement ou
indirectement, de quelque façon que ce soit, bénéficier à nouveau du programme d'aide à
la relève avant un délai de 10 ans.
LES FAITS
[16]
Les faits du présent dossier ne sont pas contestés, seule l’est leur évaluation en regard
du droit applicable.
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[17]
Ferme Morin exploite un quota de lait depuis son incorporation en 1980, elle succédait
alors à Léonard Morin qui exploitait une ferme laitière depuis 1944.
[18]
En 2016, André Morin, le fils de Léonard Morin, le conjoint de Céline Prévost et le père de
Maxime Morin, détient 50 % du capital-actions de Ferme Morin, le solde du capital-actions étant
détenu par Maxime Morin.
[19]
Celcar acquiert, le 23 septembre 2010, le quota de lait et les vaches de
Ferme Florissante inc. et transfère l’exploitation de ce quota, dès le début de la production, dans
des bâtiments loués de Ferme Morin et situés au 612, route Bégin à Sainte-Claire. Il est prévu à
ce moment-là, que le quota de Ferme Morin sera éventuellement exploité dans de nouvelles
installations et, qu’alors, le lieu d’exploitation de celui de Celcar pourra être déménagé dans les
anciennes installations de Ferme Morin. D’ailleurs, le bail de cinq ans non résiliable et enregistré
au registre foncier précise à la deuxième page :
Pendant la période de cinq ans le bail ne sera pas résiliable par l’une ou l’autre des parties
aux présentes. Toutefois, les parties pourront convenir d’un nouveau site d’exploitation
pour la traite des vaches et leur garde.
[20]
Depuis le début, Céline Prévost et sa belle-fille, Caroline Lepage, sont sociétaires à part
égale de Celcar.
[21]
À compter du 7 août 2009, Maxime Morin permet à Ferme Morin de profiter d’un prêt
d’aide à la relève de 5 kg de m.g./jour pour une durée de cinq ans, remboursable sur une période
additionnelle de cinq ans, soit de 1 kg de m.g./jour par année, à raison de 0,1 kg par mois pour
les dix premiers mois de l’année. Caroline Lepage permet à Celcar de bénéficier d’un tel prêt
d’aide à la relève le 1er décembre 2010.
[22]
Maxime Morin et Caroline Lepage ont quatre enfants. Ils se partagent les travaux liés à
l’exploitation de chaque quota de lait avec l’aide d’André Morin et d’un employé.
[23]
Le 17 avril 2013, les PLQ autorisent le changement du lieu d’exploitation du quota de
Ferme Morin dans la nouvelle étable et, le 16 mai suivant, les PLQ débutent le ramassage du lait
à cette nouvelle adresse.
[24]
Le 2 juillet 2013, Celcar demande aux PLQ que soit autorisé le changement de lieu
d’exploitation de son quota au 597, route Bégin à Sainte-Claire. Cette demande de relocalisation
est refusée par les PLQ, conformément à la réglementation applicable à l’époque, puisque le
quota n’était pas exploité depuis au moins cinq ans au 612, route Bégin. La lettre de
transmission de cette décision porte la date de 10 juillet 2013. Il est fait mention du droit du
producteur à s’adresser à la Régie s’il estime que « la Fédération applique de façon erronée la
réglementation en vigueur ». Celcar ne conteste pas cette décision.
[25]
Le 17 mars 2014, Celcar présente une deuxième demande pour le changement du lieu
d’exploitation de son quota au motif qu’un cas de force majeure justifie la relocalisation de
l’entreprise. Le 23 avril 2014, les PLQ avisent Celcar que cette demande est refusée. Il est fait
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mention du droit du producteur à s’adresser à la Régie s’il estime que « la Fédération applique
de façon erronée la réglementation en vigueur. Celcar ne conteste pas cette décision.
[26]
Ferme Morin et Celcar obtiennent leur accréditation au Programme Lait canadien de
qualité (LCQ) au printemps 2014.
[27]
Le 20 octobre 2015, Celcar dépose une nouvelle demande aux PLQ soit celle qui est à
l’origine du présent dossier. Elle demande alors la fusion des quotas de Celcar et de Ferme
Morin et l’exploitation de ce quota fusionné sur le site de Ferme Morin. À cette demande, est joint
un avis de Promutuel assurance selon lequel Celcar doit « couper le courant afin d’éliminer
l’alimentation électrique à la grange-étable de l’emplacement du 612, route Bégin à SainteClaire ».
[28]
À l’appui de la demande de fusion, les producteurs invoquent principalement les
difficultés financières de Celcar, la diminution de l’implication de Céline Prévost, 62 ans, dans
Celcar et d’André Morin, 66 ans, dans Ferme Morin. Ils souhaitent également de meilleures
conditions quant à l’organisation du travail et la diminution de certains coûts fixes, notamment les
charges salariales, de manière à permettre à Caroline Lepage et Maxime Morin de tirer un
revenu décent de leur exploitation laitière. Les producteurs offraient de rembourser la totalité des
prêts d’aide à la relève dont ils bénéficient.
[29]
Cette demande est refusée par les PLQ, le 30 octobre 2015, au motif que le Règlement
ne permet pas la fusion de deux quotas. Il est fait mention du droit du producteur à s’adresser à
la Régie s’il estime que « la Fédération applique de façon erronée la réglementation en
vigueur ».
[30]
C’est à la suite de cette réponse que les demanderesses s’adressent à la Régie.
[31]
La Régie comprend que l’étable, dans laquelle est exploité le quota de Celcar, est vétuste
et qu’elle n’est plus assurable. Celcar doit être relocalisée pour pouvoir continuer sa production
laitière de manière sécuritaire et rentable. Le projet de relocaliser Celcar dans l’étable du 612
route Bégin à Sainte-Claire est écarté par les parties parce que l’équipement de traite qui se
trouvait dans cette étable a été vendu, en novembre 2015, pour obtenir des liquidités. Par
ailleurs, l’équipement utilisé présentement par Celcar a été prêté par Marcel Morissette inc.,
l’entreprise qui a vendu les robots de traite à Ferme Morin. Ils ne peuvent donc pas vraiment être
réutilisés au 612, route Bégin.
[32]
Les deux entreprises vendent et acquièrent du quota sur le Système centralisé de vente
de quota (SCVQ) entre octobre 2010 et novembre 2014. Celcar vend 10 kg de m.g./jour en
juin 2011 et acquiert ainsi 2,70 kg de m.g./jour pendant la même période dont 2,10 kg après la
vente de juin 2011. Quant à Ferme Morin, elle en achète 14,90 entre octobre 2010 et mai 2016
et en vend 15 kg de m.g./jour, au total, en janvier et février 2012.
[33]
La Régie constate que les deux quotas sont exploités comme un seul, même si la gestion
et la comptabilité des deux entreprises sont distinctes.
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[34]
Ainsi, la vente de fourrages de Ferme Morin à Celcar se fait à la juste valeur marchande
et est comptabilisée dans chacune des entreprises.
[35]
La Régie note par ailleurs des déclarations des demanderesses dans le cadre de
l’accréditation au Programme LCQ que Celcar écrit, le ou vers le 6 février 2014, que Maxime
Morin est responsable de la traite, de l’équipement de traite et de l’alimentation alors que
Maxime Morin et Caroline Lepage sont responsables des soins aux animaux, de l’entretien de
l’étable et des cultures. À la question de savoir si des animaux sont hébergés ailleurs que chez
Celcar, les producteurs ont identifié Ferme Morin.
[36]
Quant aux déclarations de Ferme Morin, du 26 mai 2014, elles sont à l’effet que Maxime
Morin et Caroline Lepage sont responsables conjointement de la traite, de l’équipement de traite,
de l’alimentation, des soins aux animaux, de l’entretien de l’étable et des cultures. Sur le site des
PLQ toutefois, il appert que dans le cadre du Programme LCQ, Maxime Morin est responsable
de la traite, de l’équipement de traite et de l’alimentation alors que Maxime Morin et Caroline
Lepage sont responsables des soins aux animaux, de l’entretien de l’étable et que Maxime
Morin, André Morin et Caroline Lepage seraient responsables des cultures. À la question de
savoir si des animaux sont hébergés ailleurs que chez Ferme Morin, les producteurs ont identifié
Celcar.
ARGUMENTATION DES PARTIES
- Celcar et Ferme Morin
[37]
Après la séance, les demanderesses fournissent à la Régie un document résumant la
preuve et présentant l’argumentation au soutien de leur demande de réunir au sein d’une même
entreprise l’exploitation des deux quotas.
[38]
Ils demandent alors à la Régie de constater la gestion commune des deux entreprises.
[39]
Ils plaident que la Régie peut déclarer la gestion commune des deux exploitations et
l’amalgame des deux quotas. La Régie ne devrait alors pas accorder autant d’importance à la
question du précédent. À l’appui de leurs prétentions, ils citent la Décision 10752 du 6 octobre
2015 dans laquelle la Régie écrit :
[83]
Ces questions se posaient alors que la preuve entendue laissait croire que deux
producteurs de lait, Guillaume Pelletier et Ferme Pelletier, exploitaient de façon commune
leur quota. Qu’en est-il vraiment après réception des observations supplémentaires
déposées à la Régie?
[84]
Avant de faire cet examen, la Régie précise que, dans un tel cas, la question du
précédent n’a pas l’importance de celle qu’elle aurait pour une exemption. Il n’y a pas lieu
d’accorder à une personne un statut particulier qui l’exempterait de la réglementation
applicable à tous mais bien de lui appliquer un traitement approprié à la réalité
économique de sa situation particulière quelle que soit l’image qu’un examen superficiel de
sa situation pourrait donner.
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Décision 10914
[85]
Le principe selon lequel la Régie, comme régulateur économique, doit agir en
tenant compte de la réalité économique s’applique en tout temps et n’est pas soumis à une
évaluation de l’impact du précédent comme l’est une demande d’exemption qui, lorsqu’elle
est accordée, doit pouvoir l’être à toutes les personnes qui sont dans une situation
identique et qui demandent une telle exemption.
[40]
Ils écrivent également :
6.
Bien que les 2 entreprises aient 2 numéros de producteur, deux (2) adresses
différentes, deux (2) inscriptions aux LCQ, 2 comptes bancaires, des financements
distincts, des vaches et un quota appartenant à Ferme Celcar s.e.n.c et Ferme Léonard
Morin & Fils Inc séparément; il est apparu clairement lors de l’audition et en regardant les
différents documents déposés par les PLQ que les deux fermes ont la même réalité
économique; gérée conjointement et exploitée conjointement et ce nonobstant le fait
qu’elles agissent sous deux entités juridiques différentes.
7.
Contrairement à la décision dont il est fait référence ci-dessus, il s’agit plus qu’une
aide ponctuelle ou intervenant lors de circonstances particulières ou d’une aide sporadique
mais bien d’une exploitation de deux quotas qui dans la réalité est assurée par les mêmes
personnes. La réalité de la production des quotas par Ferme Celcar s.e.n.c et Ferme
Léonard Morin & Fils Inc est différente de la détention des quotas.
8.
Les PLQ ont reconnu que le fait de pouvoir partager l’équipement et les frais
encourus pour la production de lait avec les membres de la famille est un des facteurs de
réussite des personnes qui bénéficient d’un programme d’aide au démarrage en
production laitière (dans décision 10752).
9.
Les demandeurs se permettent ici d’énoncer de nouveau, la réalité de
l’exploitation :
9.1
La traite chez Ferme Celcar senc est assurée par Maxime Morin.
9.2
La gestion des troupeaux tant de Ferme Celcar senc et de Ferme Léonard Morin &
Fils inc. est assurée par Maxime Morin et Caroline Lepage.
9.3
Comptabilité et gestion administrative tant de Ferme Celcar senc et de Ferme
Léonard Morin & Fils inc. est assurée par Caroline Lepage.
9.4
Enregistrement et suivi des animaux : tant de Ferme Celcar senc et de Ferme
Léonard Morin & Fils inc. est assurée par Caroline Lepage.
9.5
Entretien des robots de traite de Ferme Léonard Morin & Fils Inc. est assurée par
Maxime Morin et Caroline Lepage.
9.6
Nettoyage des robots de traite de Ferme Léonard Morin & Fils inc. est assurée par
Caroline Lepage.
9.7
Entretien des bâtiments tant de Ferme Celcar senc et de Ferme Léonard Morin &
Fils inc. est assuré par Maxime Morin, Caroline Lepage et André Morin.
9.8
Gestion des champs et travaux aux champs de Ferme Léonard Morin & Fils inc.
est assurée par Maxime Morin, Caroline Lepage et André Morin.
9.9
Entretien de la machinerie de Ferme Léonard Morin & Fils inc. est assuré par
André Morin.
9.10
Médecine préventive des troupeaux tant de Ferme Celcar senc et de Ferme
Léonard Morin & Fils inc. est assurée par Maxime Morin et Caroline Lepage.
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Décision 10914
(…) Les deux entreprises peuvent compter également sur une équipe de gestion
financière globale composée d’André Morin, Maxime Morin, Caroline Lepage, Maryse
Trahan (Groupe Conseil) Claude Morissette (Desjardins Entreprises), André Normand
(mentor) et à laquelle se joindra incessamment Paul Lecompte du FIRA.
Nous tenons à spécifier également que toutes les décisions quelle qu’en soit la nature
touchant Ferme Celcar senc et Ferme Léonard Morin & Fils inc. sont prises en collégialité
et que tout investissement supérieur à la somme de 2 000,00 $ fait l’objet de discussion
avec l’équipe de gestion financière.
Garanties croisées : les actifs de Ferme Léonard Morin & Fils inc ont garanti les obligations
de Ferme Celcar senc (hypothèques immobilières, mobilières sur le quota et les
équipements).
[41]
Celcar reconnaît que « la détention de deux quotas prêtés dans le cadre du Programme
d’aide à la relève en production laitière puisse maintenant apparaître comme détenus hors
normes ». La Régie comprend que Celcar ne s’oppose pas à ce que, s’il y avait « amalgame »,
certaines quantités de quota soient soustraites du quota total.
[42]
Dans leurs observations supplémentaires de juin 2016, les PLQ demandent à la Régie de
soustraire les quotas acquis de « façon illégale ou inéquitable ». Celcar et Ferme Morin
« rejettent avec véhémence » ces accusations. La Régie comprend que la demande des PLQ
vise le quota acquis de Ferme Florissante inc. et ceux acquis par Celcar sur le SCVQ alors que,
pour les mêmes ventes, Ferme Morin acquérait du quota.
- Les PLQ
[43]
Les PLQ demandent à la Régie, le 3 juin 2016, en même temps qu’ils produisent leurs
observations supplémentaires de prononcer des ordonnances à l’encontre de Celcar et de
Ferme Morin. Plus précisément, ils demandent à la Régie de :
REJETER la demande d'exemption des demanderesses visant la fusion de leurs quotas;
ACCUEILLIR la demande d'enquête et d'ordonnances;
FAIRE ENQUÊTE sur les activités de production de Ferme Léonard Morin& Fils inc. et de
Ferme Celcar senc depuis septembre 2010;
CONSTATER que Ferme Léonard Morin & Fils inc. et Ferme Celcar senc exploitent en
commun leurs quotas en contravention du Règlement sur les quotas des producteurs de
lait;
ORDONNER aux Producteurs de lait du Québec de retirer le quota de la relève de
Ferme Celcar senc et de le porter à la réserve;
ORDONNER aux Producteurs de lait du Québec de retirer le quota de la relève de
Ferme Léonard Morin & Fils inc. et de le porter à la réserve;
ORDONNER aux Producteurs de lait du Québec de retrancher dans un premier temps,
5 kg/MG/jour du quota de Ferme Léonard Morin & Fils inc. pendant les 43 premiers mois
suivant la décision à venir, et dans un deuxième temps, étant donné que depuis le
er
1 août 2014, ce prêt est en remboursement, retrancher 5 kg/MG/jour sur une base
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régressive de 0,1 kg/MG/mois à raison de 1 kg de matière grasse par année, et ce, jusqu'à
ce que soit atteint le solde du prêt au jour de son retrait en vertu de la décision à intervenir;
DÉCLARER que ni Ferme Léonard Morin & fils inc., ni toute personne qui exerce un
droit de contrôle direct ou indirect sur cette productrice, ne pourront bénéficier à
nouveau du programme d'aide à la relève en production laitière avant un délai de 10 ans
tel que le prescrit l'article 53.6 du Règlement sur les quotas des producteurs de lait;
DÉCLARER que ni Ferme Celcar senc., ni toute personne qui exerce un droit de contrôle
direct ou indirect sur cette productrice, ne pourront bénéficier à nouveau du programme
d'aide à la relève en production laitière avant un délai de 10 ans tel que le prescrit
l'article 53.6 du Règlement sur les quotas des producteurs de lait;
ORDONNER aux Producteurs de lait du Québec d'annuler les ajustements de quota
versés à Ferme Celcar senc en 2015 et 2016;
RETIRER à Ferme Celcar senc et Ferme Léonard Morin & fils inc., les quantités de
quota obtenues de manière inéquitable par rapport aux autres producteurs qui ne
peuvent effectuer qu'une seule mise mensuelle au SCVQ;
ORDONNER à Ferme Léonard Morin & Fils inc. et Ferme Celcar senc de se
conformer au Règlement sur les quotas des producteurs de lait, de cesser de détenir
et de produire deux quotas et de mettre en vente le reliquat de quota de Ferme
Celcar senc lors de la vente de quota sur le SCVQ qui suivra immédiatement la
décision de la Régie dans la présente affaire;
À DÉFAUT pour Ferme Léonard Morin & Fils inc. et Ferme Celcar senc de mettre
en vente le reliquat de quota de Ferme Celcar senc lors de la vente de quota sur
le SCVQ qui suivra immédiatement la décision de la Régie dans la présente affaire,
ANNULER le quota de Ferme Celcar s e n c et le porter à la réserve;
RÉSERVER aux Producteurs de lait du Québec tous leurs droits et recours, notamment
celui d'amender la présente demande afin d'en compléter les allégués et conclusions;
RENDRE toute autre ordonnance que votre Régie pourra juger utile ou nécessaire.
[44]
Les PLQ estiment que les demanderesses n’ont pas fait la preuve qu’elles étaient dans
une situation exceptionnelle.
[45]
En effet, quant aux modifications fréquentes du Règlement, celui-ci s’applique à tous les
producteurs de manière générale et impersonnelle. Un producteur ne peut prétendre avoir un
droit à en être exempté pour le seul motif qu’il y a eu plusieurs changements dans la
réglementation. Selon le Règlement, un quota est acquis, sauf exception, par le SCVQ. Le projet
des demanderesses d’acquérir un quota et d’en changer deux fois le lieu d’exploitation leur
permettait d’acquérir du quota en priorité sur les autres producteurs. Elles devaient s’attendre à
ce que, compte tenu de l’objectif de maintenir l’équité entre les producteurs, les règles qui
s’appliquaient à leur projet puissent changer.
[46]
De plus, comme les travaux de construction de la nouvelle étable de Ferme Morin ont
commencé en octobre 2012 et que les scénarios d’investissements ont dû s’élaborer au courant
de 2011-2012, il est surprenant que les demanderesses n’aient pas su que, pendant cette
période, les changements de lieux d’exploitation de quota étaient totalement interdits. Elles
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savaient ou auraient dû le savoir et avaient tout le temps pour anticiper les impacts possibles des
règles quant à la relocalisation d’un quota. Elles ne peuvent s’en plaindre maintenant alors
qu’elles ont décidé d’aller de l’avant dans leur projet sans en tenir compte.
[47]
Les PLQ notent qu’après avoir présenté leur demande d’exemption pour être autorisé à
fusionner les deux quotas, les demanderesses vendaient le système de traite de l’endroit où
elles voulaient relocaliser le quota de Celcar. Elles savaient nécessairement qu’elles pouvaient
demander une exemption et ont préféré faire une demande d’exemption pour la fusion des
quotas plutôt que pour la relocalisation du quota de Celcar.
[48]
Les PLQ soulignent également que les modifications du Règlement quant aux
relocalisations de quota ne sont pas pertinentes pour l’étude d’une demande de fusion de quota,
interdite depuis 2006.
[49]
Les PLQ concluent que les problèmes financiers de Celcar et de Ferme Morin sont le
véritable motif au soutien de la demande de fusion. Sur ces difficultés financières, les PLQ
estiment que la preuve est faible, autant celle faite lors de la séance publique du 11 mai 2016
que dans les documents financiers produits après la séance publique qui sont davantage des
projections financières, advenant l’acquisition d’un deuxième robot, qu’une planification
financière du plan initial de construction de la nouvelle étable de Ferme Morin.
[50]
Les PLQ ne peuvent déterminer, avec la preuve soumise, si le projet de Ferme Morin
était rentable et si les problèmes financiers allégués relèvent d’une situation hors du contrôle des
demanderesses.
[51]
Pour les PLQ, le choix de produire le quota de Celcar pour trois ans dans une étable qui
avait besoin de travaux estimés à 125 020 $ et de ne pas faire ces travaux relève davantage
d’une mauvaise décision d’affaire que d’une situation exceptionnelle, hors du contrôle des
demanderesses. Le fait d’investir 1,4 millions de dollars dans la construction d’une nouvelle
étable après avoir vendu 25 kg de m.g./jour en 2011-2012 et celui de racheter un deuxième robot
au printemps 2016 alors qu’on se trouve dans une période de rareté de quota sont aussi, selon
les PLQ, des décisions d’affaire et d’investissement risquées qui expliquent la mauvaise situation
financière dans laquelle les producteurs se trouvent.
[52]
Les PLQ concluent en soumettant que l’augmentation significative de l’endettement des
demanderesses ne peut être corrigé par la Régie sans envoyer le signal aux autres producteurs
qu’ils peuvent faire des investissements risqués et que, le cas échéant, la Régie interviendra
pour corriger la situation.
[53]
Quant à la demande d’amalgame de quota, les PLQ font valoir que la Régie ne pourrait
ordonner l’amalgame des deux quotas sans le réduire des quantités obtenues illégalement. Agir
autrement reviendrait pour la Régie à « endosser une contravention flagrante et grave du
Règlement ».
[54]
Les PLQ soulignent que, lorsque la Régie a utilisé dans le passé son pouvoir de
régulation économique, elle l’a fait pour s’assurer que les conventions de mise en marché et les
règlements soient respectés et non pour permettre qu’ils soient contournés.
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[55]
Dans cette perspective, si la Régie amalgamait les deux quotas, elle devrait soustraire le
quota de Ferme Florissante inc. acheté alors que le Groupe Morin-Lepage possédait déjà un
quota puisque, déjà en 2010, l’article 42 du Règlement interdisait à un producteur d’acquérir le
quota d’un autre producteur et que l’article 6 prévoyait qu’un producteur ne peut détenir même
indirectement deux quotas. Elle devrait couper tous les achats sur le SCVQ qui ont été faits sans
que l’article 31 du Règlement n’ait été respecté. Elle devrait également soustraire le deuxième
prêt d’aide à la relève puisqu’en vertu de l’article 49, ce prêt est au maximum de 5 kg de
m.g./jour pour un producteur.
[56]
Ce prêt devrait être remis sans contrepartie et la partie produite sans droit remise par
Ferme Morin pour une période équivalente à celle pendant laquelle Celcar en a profité. Les PLQ
demandent également que la Régie déclare le Groupe Morin-Lepage inadmissible à un prêt
d’aide à la relève pour une période de dix ans.
[57]
Finalement quant au quota de production non négociable ajouté sur le quota négociable
des producteurs, il doit également être soustrait, mis en vente sur le SCVQ, sans contrepartie
pour Celcar.
[58]
Quant au 21 kg de m.g./jour restant de Celcar, les PLQ demandent à la Régie de les
retirer sans contrepartie en raison « du fait des contraventions graves commises par le groupe
Morin-Lepage à l’encontre du Règlement ».
ANALYSE ET DÉCISION
[59]
La Régie ne doute pas de la bonne foi du Groupe Morin-Lepage. Caroline Lepage n’a pas
acheté, en 2010, un quota de 28,30 kg de m.g./jour pour obtenir du quota indirectement alors
que l’entreprise familiale ne pouvait en obtenir directement en période de rareté de quota.
[60]
Rien ne permet à la Régie de conclure que Caroline Lepage et Maxime Morin avaient
planifié la fusion éventuelle des deux quotas lors de l’achat par Celcar du quota de Ferme
Florissante inc. en 2010.
[61]
La Régie constate que, si la volonté de Caroline Lepage lors de l’achat du quota en 2010
était d’avoir sa propre entreprise, ce désir ne se concrétisait en 2016 que sur papier.
[62]
La Régie comprend que la décision de demander la fusion des quotas a été difficile à
prendre pour Caroline Lepage. Elle renonce ainsi au rêve d’avoir une entreprise à elle, et ce,
même si sa belle-mère est également associée dans Celcar.
[63]
À partir d’un moment, que la preuve ne permet pas d’identifier, Celcar et Ferme Morin ont
été exploitées, dans les faits, comme une seule entreprise agricole même si les deux entreprises
possèdent des personnalités juridiques distinctes et une comptabilité séparée. Les
demanderesses plaident que « la symbiose entre les deux entités a toujours été active, présente
et complète ». Pour les demanderesses cet état de fait remonte donc au début de l’exploitation
du quota acquis par Celcar.
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[64]
La Régie comprend, des deux demandes faites aux PLQ en juillet 2013 et en mars 2014,
que la volonté du couple visait à ramener la deuxième exploitation plus près de Ferme Morin
pour continuer et faciliter l’exploitation des deux quotas sur des fermes plus ou moins voisines,
sans les fusionner.
[65]
La Régie constate également que plusieurs circonstances ont joué contre le couple. Si
Celcar avait été relocalisée dans l’ancienne étable de Ferme Morin, y aurait-il eu une demande
de fusion? Si les lettres des PLQ avaient mentionné la possibilité pour la Régie d’exempter
Celcar de l’application des dispositions qui empêchaient la relocalisation, y aurait-il eu une telle
demande d’exemption? Dans cette période, la Régie a accordé plusieurs dizaines de demandes
d’exemption pour des relocalisations, sans que les PLQ ne s’y opposent.
[66]
La relocalisation demandée n’avait pas pour but de modifier le mode d’exploitation des
deux quotas. Elle aurait rendu l’exploitation commune de ceux-ci plus facile, sans pour autant
qu’elle soit conforme aux dispositions de l’article 6 du Règlement qui interdit la détention directe
ou indirecte de deux quotas.
[67]
La Régie s’étonne qu’en 2014, au moment du traitement des déclarations faites dans le
cadre du Programme LCQ, personne ne se soit interrogé sur la façon qu’avait le Groupe MorinLepage d’exploiter leur quota.
[68]
L’accréditation au Programme LCQ est faite selon les termes du Règlement des
producteurs de lait sur le programme Lait canadien de qualité9. Avant d’être accrédité, le
producteur doit permettre l’accès de son unité de production à une personne chargée de
l’évaluation de la demande d’accréditation. Le formulaire de demande d’accréditation joint en
annexe de ce règlement informe le producteur de l’objet de la visite :
C. Moment de la visite de validation
La visite de validation peut prendre de 2 à 4 heures, selon la complexité de l'unité de
production, des dossiers et le nombre d'employés. Notez que la personne en charge de la
validation devra être accompagnée durant la visite et peut demander à parler à certains ou
à tous les membres du personnel. Elle communiquera avec vous afin de vous confirmer la
date et l'heure de sa visite.
[69]
C’est sur ce formulaire que le producteur déclare qui est responsable des activités liées à
la traite, aux équipements de traite, aux soins des animaux, à leur alimentation, à l’entretien de
l'étable et aux cultures: Ce sont sur ces formulaires que Caroline Lepage et Maxime Morin ont
indiqué, en février et en mai 2014, qu’ils faisaient la même chose pour les deux entreprises10.
[70]
La Régie trouve également curieux qu’au moment de la première relocalisation du quota
de Celcar, dans des installations louées de Ferme Morin et lors des demandes de juillet 2013 et
de mars 2014, pour de nouvelles relocalisations dans des installations qui appartenaient
également à Ferme Morin alors que les adresses visées sont toutes sur la rue Bégin à SainteClaire et qu’en avril 2013, les PLQ avaient accordé une demande de relocalisation de Ferme
Morin, personne ne se soit interrogé sur la façon dont étaient exploités les deux quotas.
9
10
RLRQ, c. M-35.1, r. 207.
Voir paragraphes 34 et 35.
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[71]
Les PLQ plaident que le fait que Groupe Morin-Lepage ait produit et détenu un deuxième
quota à l’encontre du Règlement constitue des « agissements (…) vertement décriés par les
PLQ qui mettent tous les efforts pour les repérer et les sanctionner ». Cette affirmation n’apparaît
pas supportée par la preuve puisque, malgré l’information transmise en toute transparence par
Celcar et Ferme Morin, malgré deux visites effectuées dans le cadre du Programme LCQ et les
demandes répétées de relocalisation, les PLQ n’ont pas réagi.
[72]
À la suite de la séance publique, les demanderesses et les PLQ ont déposé des
observations supplémentaires. Les PLQ ont également demandé à la Régie de prononcer de
nombreuses ordonnances à l’encontre des demanderesses.
[73]
Les motifs allégués au soutien de la demande de Celcar et de Ferme Morin pour
l’obtention d’une exemption et l’autorisation de la Régie de fusionner les deux quotas ne justifient
pas que la Régie autorise la fusion.
[74]
La Régie a reconnu, à plusieurs reprises, que le pouvoir d’exempter un producteur d’une
disposition réglementaire devait s’exercer qu’exceptionnellement, de manière à éviter que
l’exemption devienne la règle puisque, une fois donnée, cette exemption doit pouvoir être
accordée à tous les producteurs qui sont dans la même situation et qui en font la demande. La
Régie doit agir avec circonspection, particulièrement lorsque cette action risquerait d’aller à
l’encontre des objectifs poursuivis par la réglementation et l’intérêt général des producteurs.
[75]
La Régie comprend que la demande du Groupe Morin-Lepage est motivée, d’abord et
avant tout, par les problèmes financiers de Ferme Morin. En raison des problèmes de sousproduction parce qu’elle ne possédait qu’un seul robot de traite, Ferme Morin peine à rentabiliser
ses investissements et à répondre à ses engagements financiers. C’est dans ce contexte qu’elle
a obtenu un congé de remboursement de capital sur son prêt avec Desjardins Entreprises.
[76]
Pour rentabiliser ses opérations, Ferme Morin a besoin de produire davantage ce que
devrait permettre le deuxième robot. Elle a aussi besoin d’obtenir plus de quota. Or, en période
de rareté, elle ne peut acquérir, sur le SCVQ, tout le quota dont elle a besoin.
[77]
La Régie a écrit, dans plusieurs décisions, que le fardeau pour obtenir des exemptions
était plus lourd dans certains types de demandes.
[78]
Ainsi elle a écrit dans sa Décision 9839 du 27 février 2012 que :
[50]
Beaucoup de producteurs demandent une exemption pour pouvoir acquérir du
quota en priorité sur le SCVQ. En 2011, 306 producteurs ont misé pendant 11 mois sur 11
pour obtenir du quota sur le SCVQ.
[51]
Le nombre de producteurs qui, chaque mois, misent sur le SCVQ pour acquérir du
quota donne un aperçu du nombre de demandes d’exemption qui pourraient être
déposées à la Régie.
[52]
Or la Régie doit s’assurer, lorsqu’elle accorde une exemption, que les autres
producteurs qui sont dans la même situation puissent aussi obtenir le même avantage. Le
fardeau d’un producteur qui cherche à convaincre la Régie de l’opportunité de lui accorder
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une exemption quant à l’application de dispositions réglementaires qui s’appliquent à tous
les producteurs sera d’autant plus lourd que la demande d’exemption vise à faire passer
l’intérêt de ce producteur avant celui des autres.
[53]
La Régie ne peut pas accorder des exemptions à tous les producteurs qui sont
victimes de la rareté de quota sur le marché.
[54]
Ferme Forvino n’a pas réussi à démontrer qu’elle était dans une situation unique
par rapport aux autres producteurs qui, comme elle, cherchent à acquérir du quota alors
qu’il n’y en a pas suffisamment à vendre. En effet, il est difficile de démarquer sa situation
de celle des autres producteurs qui, tout comme elle, ont des investissements à supporter
et font des offres d’achat à chaque mois.
[55]
La Régie est d’avis qu’accorder un accès prioritaire à Ferme Forvino pour
l’obtention de quota sur le SCVQ irait à l’encontre de l’objectif même du Règlement qui est
d’offrir un accès équitable de quota à tous les producteurs de lait.
(Nos soulignements)
[79]
Ce qui est vrai pour les exemptions à l’ordre de priorité de répartition des quotas lors
d’une vente sur le SCVQ l’est aussi pour une fusion.
[80]
La Régie estime que la situation de Ferme Morin et de Celcar se distingue de celle de
Ferme Denis Scott et fils SENC et David Bélanger. Dans la Décision 10388 du 14 avril 2014, la
Régie écrit :
[24]
En effet, la demande de fusion de quota semble indépendante de la question de la
rareté de quota. Il s’agit ici d’assurer l’implantation d’une relève et la pérennité d’une
exploitation laitière en permettant à deux producteurs de lait d’unir leurs efforts.
[25]
Dans les faits, deux producteurs de lait détiennent actuellement séparément plus
de quota qu’ils n’en détiendraient ensemble si le projet était accepté.
[26]
La Régie constate que le projet élaboré permet l’implantation d’une relève. Si cette
implantation ne se fait pas de la manière habituelle, la Régie n’a aucun doute sur les
intentions des parties et sur leur bonne foi. De plus, ce projet tient compte de la rareté de
quota sur le SCVQ et aucune demande d’exemption n’est présentée pour augmenter le
quota détenu en priorité sur les autres acheteurs qui misent sur le SCVQ, au contraire, la
Régie comprend que près de 2 kg de MG/jour seront vendus sur le SCVQ et que les 5 kg
d’aide à la relève seront retournés à la Fédération.
[27]
Permettre l’implantation d’une relève et donner à un jeune producteur de lait les
moyens de vivre des revenus de son exploitation laitière tout en permettant à un autre
producteur d’avoir l’aide dont il a besoin pour exploiter sa ferme et d’assurer la survie de
cette exploitation laitière apparaissent comme des objectifs raisonnables qui justifient
pleinement l’exemption demandée, surtout que cette exemption n’a pas pour effet de
donner une priorité d’achat sur le SCVQ.
[81]
En période de rareté de quota, la Régie ne peut accorder une exemption qui aurait pour
effet de permettre à Ferme Morin d’acquérir du quota en priorité sur les autres producteurs.
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[82]
Par ailleurs, la séance du 11 mai 2016 et les observations supplémentaires déposées à la
Régie ont permis de mettre à jour une situation très particulière.
[83]
La Régie ne peut ignorer certains faits admis par Celcar et Ferme Morin. D’une part, elles
admettent exploiter les quotas de façon conjointe depuis le début des opérations de Celcar.
D’autre part, les états financiers de Celcar montrent que les actionnaires de Ferme Morin
soutiennent financièrement Celcar, notamment en offrant leurs actifs en garantie pour les
obligations de Celcar. Il n’y a aucun doute sur le fait que, même si elles étaient distinctes au
niveau juridique, les deux entreprises étaient et sont toujours, dans les faits, un seul producteur.
[84]
Dans Québec (Régie des marchés agricoles) c. Québec (Fédération des producteurs de
porcs), 1997 CanLII 10706 (QC CA), la Cour d’appel écrit :
La Régie a pour mission notamment de favoriser le développement de relations
harmonieuses entre les différents intervenants dans la mise en marché d'un produit visé
par un plan conjoint (article 5). Si la Régie veut s'acquitter des devoirs que la Loi lui confie,
elle doit nécessairement s'interroger sur l'identité des différents intervenants visés par cet
article. Pour ce faire, elle ne peut pas limiter son analyse aux diverses personnes morales
qui se présentent devant elle; elle doit pouvoir aller au-delà de la façade que présentent
ces personnes morales. Les intervenants dans la mise en marché d'un produit agricole ou
alimentaire ont certes le droit de structurer leurs activités comme bon leur semble sur le
plan du droit des sociétés commerciales mais ils ne peuvent toutefois pas s'attendre à ce
que la Régie s'arrête à l'image que cette structure projette, au risque de ne pas connaître
la réalité économique que cette image peut cacher. Or, la mission de la Régie exige qu'elle
connaisse cette réalité économique.
Le fait pour la Régie de s'interroger sur l'identité des actionnaires, et même des bailleurs
de fonds, des intervenants qui comparaissent devant elle, ne met pas en péril le principe
établi dans l'arrêt Salomon et maintenant codifié à l'article 309 C.c.Q., avec les exceptions
développées au fil du temps par la jurisprudence (l'article 317, notamment). Dans sa
décision 6116 du 4 juillet 1994, la Régie ne conteste pas le principe de l'immunité que la loi
reconnaît aux actionnaires de 2903113. De fait, contrairement aux tribunaux de droit
commun, elle n'est pas chargée d'appliquer le droit civil ou le droit des sociétés
commerciales concernant cette question mais de jouer un rôle de régulateur économique
(voir Wight c. L'office canadien de la commercialisation des œufs, [1978] 2 C.F. 260 (C.A.);
Villetard's Eggs Ltd. c. Canada (Office de commercialisation des œufs), 1995 CanLII 3590
(CAF), [1995] 2 C.F. 581 (1re inst.). La Régie avait donc compétence, à mon avis, pour
s'interroger sur l'identité réelle de l'acheteur qui se présentait devant elle.
Au surplus, en l'espèce, la Loi autorise expressément la Régie à analyser l'identité des
entreprises engagées dans la mise en marché d'un produit visé par un plan conjoint. En
effet, en vertu de l'article 59, la Régie détermine les droits et les obligations d'une
personne engagée dans la mise en marché du porc en tenant compte du fait que cette
personne « agit par l'entremise [...] [d'une] société dont elle est actionnaire » ou d'une
société qui « procède pour elle à l'opération concernée ».
Finalement, si cela était encore nécessaire pour confirmer la compétence de la Régie, je
rappelle que celle-ci, à l'instar de tout tribunal administratif appelé à trancher un litige ou à
régler un différend, possède non seulement les pouvoirs que la Loi lui confère
expressément mais également tous les pouvoirs qui lui sont raisonnablement nécessaires
à la réalisation de l'objectif visé par la Loi (Chrysler Canada Ltd. c. Canada (Tribunal de la
concurrence), 1992 CanLII 68 (CSC), [1992] 2 R.C.S. 394, à la page 410).
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(Nos soulignements)
[85]
La Régie reprend le principe énoncé dans sa Décision 10752 du 6 octobre 2015 :
[81]
Le principe, qui permet à la Régie d’aller voir au-delà de la façade des sociétés
pour connaître la réalité économique que cette image peut cacher, s’applique non
seulement à l’égard des sociétés et de leurs actionnaires, mais également lorsque des
personnes assument conjointement les risques et les profits d’une aventure commerciale
commune. Ce pouvoir n’est pas limité aux cas où il y aurait usage de prête-nom. Pour
paraphraser la Cour d’appel, la mission de la Régie exige qu'elle connaisse cette réalité
économique.
[86]
L’implication de Ferme Morin dans Celcar qui a permis à celle-ci d’acquérir le quota de
Ferme Florissante inc. était, en 2010, contraire aux dispositions du Règlement qui interdisait à
une entreprise de détenir directement ou indirectement plus d’un quota.
[87]
La Régie ne met pas en doute que le Groupe Morin-Lepage ait agi de bonne foi, sans
mauvaise intention et de façon transparente en répondant aux demandes d’information des PLQ
sans cacher leur façon d’opérer qu’il croyait manifestement être conforme à la réglementation.
[88]
Le principe selon lequel la Régie, comme régulateur économique, doit agir en tenant
compte de la réalité économique s’applique en tout temps même lorsque les producteurs sont
sympathiques.
[89]
La proposition d’amalgamer les quotas peut apparaître une bonne solution à première
vue. Elle permettrait de rendre conforme au droit une situation qui ne l’était pas depuis plusieurs
années.
[90]
Cette proposition se heurte pourtant à un gros obstacle. Amalgamer les quotas ne peut
se faire en additionnant les deux quotas actuellement détenus, soit celui de Celcar et de Ferme
Morin. La Régie doit en effet tenir compte de l’accès au quota qu’ont eu Celcar et Ferme Morin
comme si elles avaient été deux entreprises alors que, dans les faits, elles ne sont qu’un
producteur.
[91]
Les demanderesses plaident que la symbiose a toujours été totale entre les deux
entreprises. Suivant ce raisonnement, il faudrait considérer qu’au moment de l’achat du quota de
Ferme Florissante inc., « le » producteur détenait déjà un quota. Or, en vertu de l’article 28, une
exception au fait que les quotas doivent être acquis sur le SCVQ, il est bien prévu qu’à la suite
de cette acquisition, le producteur « ne détient que le quota qui lui est ainsi cédé ». Dans la
logique de la symbiose totale, il faut être cohérent et reconnaître que Ferme Morin détenait déjà
un quota. Le Groupe Morin-Lepage ne pouvait donc acquérir le quota de Ferme Florissante inc.
[92]
En octobre 2010, 5,6 % des demandes d’achats de quota sur le SCVQ ont été comblées.
Bien des producteurs qui auraient souhaité acquérir du quota et ne pouvaient le faire sur le
SCVQ auraient bien voulu pouvoir acquérir le quota de Ferme Florissante inc. En toute équité
pour les producteurs de lait qui doivent se résigner à acquérir du quota au compte-gouttes, il
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serait bien difficile de justifier que le Groupe Morin-Lepage puisse joindre ce quota à celui de
Ferme Morin.
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[93]
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Il en est de même pour le quota acquis sur le SCVQ et pour le prêt d’aide à la relève.
[94]
La Régie doit tenir compte de la quantité de quota obtenue de manière inéquitable par
rapport aux autres producteurs qui ne peuvent acquérir du quota que sur le SCVQ, qui ne
peuvent déposer qu’une offre d’achat et qui ne peuvent obtenir, en même temps, qu’un seul prêt
d’aide à la relève selon l’article 49 du Règlement.
[95]
Dans les faits, cela revient à dire que le quota actuellement reconnu à Celcar n’aurait pu
être constitué en respectant le Règlement.
[96]
Comme le quota de Celcar a été obtenu sans droit, la Régie estime que Celcar doit le
mettre en vente sur le SCVQ. Elle devra donc mettre en vente sur le SCVQ ce qu’elle a acquis,
soit 21 kg de m.g./jour, et ce, au plus tard dans les 30 jours de la présente.
[97]
Elle devra également cesser de produire le solde du prêt d’aide à la relève au
1er août 2016.
[98]
En raison des contraventions graves au Règlement, les PLQ demandent à la Régie de
rendre des ordonnances additionnelles contre Celcar et Ferme Morin, y compris quant aux
ajustements apportés en août et décembre 2015 et février 2016 sur le quota de Celcar et qui
totalisent 3,03 kg de m.g./jour.
[99]
La Régie ne prononcera pas les ordonnances demandées par les PLQ.
[100] Comme mentionné plus tôt, la Régie n’a reçu aucune preuve que Celcar et Ferme Morin
ont agi de mauvaise foi en poursuivant un plan élaboré des années avant que la présente
demande ne soit traitée. Tout au plus, peut-elle conclure à une mauvaise compréhension du
Règlement ou à une interprétation erronée de celui-ci. Au contraire, elles ont fait preuve de
transparence dans le cours de la présente affaire tout comme elles l’ont fait précédemment en
fournissant aux PLQ des informations sur leur gestion commune des deux quotas.
[101] L’impact des conclusions recherchées par les PLQ apparaît disproportionné par rapport à
la situation, d’autant plus que c’est lors d’une demande du Groupe Morin-Lepage que la Régie a
pu constater l’exploitation commune des quotas et que ce n’est que presqu’un mois après la
séance publique que les PLQ ont formulé leur demande de conclusion à l’encontre de Celcar et
de Ferme Morin.
[102] La Régie constate les efforts déployés par Ferme Morin, et par toute l’équipe dont elle a
su s’entourer, pour redresser sa productivité et fournir un produit de qualité. La preuve a, par
ailleurs, démontré que Ferme Morin éprouve toujours des difficultés financières.
[103] Certaines des ordonnances demandées par les PLQ auraient pour effet d’ajouter à la
précarité financière et possiblement d’acculer Ferme Morin à la faillite. La Régie voit mal en quoi
conduire à la faillite un producteur, par ailleurs consciencieux et soucieux de produire un lait de
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qualité selon les meilleures pratiques en la matière et chez qui on ne peut déceler d’intention
malhonnête, sert l’industrie laitière et l’intérêt public.
[104] La Régie considère que faire cesser les contraventions au Règlement est une priorité. Il
n’y a toutefois pas lieu de chercher à réécrire l’histoire. Dans cette perspective, Celcar peut
garder les ajustements de quota d’août et de décembre 2015 et de février 2016, mais devra les
vendre sur le SCVQ en même temps que le reste de son quota négociable. Il n’est pas opportun,
dans les circonstances, d’émettre les ordonnances demandées. Le faire constituerait une forme
d’acharnement contre un producteur de bonne foi, ce qui n’est ni dans l’intérêt des producteurs
de lait ni dans l’intérêt public.
POUR CES MOTIFS, LA RÉGIE DES MARCHÉS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES DU
QUÉBEC :
REJETTE la demande de Ferme Celcar SENC et de Ferme Morin Léonard et fils inc.;
ORDONNE à Ferme Celcar SENC de mettre en vente sur le Système centralisé de vente de
quota, au plus tard dans les 30 jours de la présente 24.03 kg de m.g./jour;
À DÉFAUT par Ferme Celcar SENC de mettre en vente sur le Système centralisé de vente de
quota, à la vente de quota sur le SCVQ dans les 30 jours, ORDONNER aux Producteurs de lait
du Québec de le mettre en vente et d’en remettre le produit de la vente à Ferme Celcar senc:
ANNULE le prêt d’aide à la relève de Ferme Celcar SENC à compter du 1er août 2016.
(s) André Rivet
(s) Daniel Diorio
(s) France Dionne

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