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RÉGIE DES MARCHÉS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES DU QUÉBEC Dossier : Décision : 10914 Date : 22 juillet 2016 Président : André Rivet Régisseurs : France Dionne Daniel Diorio OBJET : 215-07-10-113 Demande d’autorisation de fusionner deux quotas laitiers FERME LÉONARD MORIN ET FILS INC. et FERME CELCAR SENC Demanderesses Et LES PRODUCTEURS DE LAIT DU QUÉBEC Mis en cause DÉCISION LA DEMANDE [1] Le 3 novembre 2015, la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec (la Régie) reçoit de Ferme Celcar senc (Celcar) et de Ferme Léonard Morin & Fils inc. (Ferme Morin) une demande pour qu’elles soient autorisées à mettre en commun leurs ressources tant matérielles, humaines que financières. Après consultation auprès d’un fiscaliste de l’Union des producteurs agricoles, elles soumettent que cette mise en commun se traduirait par la vente des parts de Céline Prévost et de Caroline Lepage dans Celcar à Ferme Morin en échange d’actions de cette dernière. À la suite de cette transaction, Ferme Morin deviendrait le seul associé dans Celcar, procèderait au transfert d’actifs et à la dissolution de Celcar. Page 2 de 23 RMAAQ Décision 10914 [2] La demande de Celcar et de Ferme Morin fait suite à une décision des Producteurs de lait du Québec1 (PLQ) du 30 octobre 2015 par laquelle ceux-ci avisaient les demanderesses qu’ils ne peuvent autoriser leur projet car celui-ci contrevient aux articles 6, 6.1, 6.3, 28 et 42 du Règlement sur les quotas des producteurs de lait2 (le Règlement). SÉANCE PUBLIQUE [3] La Régie tient une séance publique à Québec, le 11 mai 2016, pour entendre les observations des personnes intéressées par cette demande. [4] Celcar est représentée par Caroline Lepage. Ferme Morin est représentée par Maxime Morin et André Morin. Ils sont accompagnés de Me Brigitte Pelletier, notaire, de Maryse Trahan, agronome du Groupe conseil Lévis-Bellechasse et de Claude Morissette, directeur des comptes de Desjardins Entreprises. [5] Les PLQ sont représentés par Me Caroline Roberge. Elle est accompagnée de Julie Malo, agente au Contingentement et aux Contrôles techniques et de Geneviève Rainville, directrice de la Recherche économique qui assiste à la séance publique par visioconférence de Longueuil. [6] À la suite de cette séance publique, la Régie tient une conférence de gestion, le 8 juin 2016 et reçoit des documents supplémentaires des demanderesses, les 19 mai et 15 juin 2016 et des PLQ, le 3 juin 2016. CADRE JURIDIQUE - Cadre législatif [7] Les dispositions des articles 5, 26, 36 et 43 de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche3 (la Loi) s’appliquent à la présente demande : 5. La Régie a pour fonctions de favoriser une mise en marché efficace et ordonnée des produits agricoles et alimentaires, le développement de relations harmonieuses entre les différents intervenants, la résolution des difficultés qui surviennent dans le cadre de la production et la mise en marché de ces produits en tenant compte des intérêts des consommateurs et de la protection de l'intérêt public. 26. La Régie peut résoudre les différends qui surviennent dans le cadre de l'application d'un plan conjoint ou du fonctionnement d'une chambre de coordination et de développement. 36. 1 La Régie peut, aux conditions et pour la période qu’elle détermine: er Les PLQ ont remplacé la Fédération des producteurs de lait du Québec, le 1 mai 2014, comme office chargé de l’application du Plan conjoint (1980) des producteurs de lait du Québec (RLRQ, c. M-35.1, r. 205). Pour faciliter la lecture du texte, la Régie réfèrera aux PLQ pour désigner l’office chargé de l’application du Plan conjoint même pour des faits survenus alors que la Fédération des producteurs de lait du Québec était chargé de l’application du plan conjoint. 2 RLRQ, c. M-35.1, r. 208. 3 RLRQ, c. M-35.1. Page 3 de 23 RMAAQ Décision 10914 1° exempter de l’application totale ou partielle de l’acte constitutif d’une chambre, d’un plan, d’un règlement ou d’une convention, toute personne ou catégorie de personnes, ou toute société engagées dans la production ou la mise en marché d’un produit agricole ou la mise en marché d’un produit de la pêche ou de toute classe ou variété de ces produits; (…) 43. La Régie peut, de son propre chef ou à la demande d'une personne intéressée, ordonner à un office ou à une personne engagée dans la production ou la mise en marché d'un produit visé par un plan, d'accomplir ou de ne pas accomplir un acte déterminé si elle constate que l'omission ou l'action risque d'entraver l'application de ce plan, d'un règlement, d'une convention homologuée ou d'une sentence arbitrale. La Régie peut aussi décider de l'exigibilité d'une somme d'argent en application d'un plan, d'un règlement, d'une convention homologuée, d'une sentence arbitrale qui en tient lieu ou d'une décision qui tient lieu de sentence arbitrale et en ordonner le paiement. Toute décision prise par la Régie en application des premier et deuxième alinéas peut être homologuée par la Cour supérieure sur requête de la Régie ou d'une personne intéressée et devient, après homologation, exécutoire comme un jugement de cette cour. - Cadre réglementaire [8] Les articles 6, 6.1, 6.3 et 6.4 du Règlement trouvent également application : 6. Un producteur ne peut détenir, directement ou indirectement, plus d'un quota. Un producteur détient indirectement un quota notamment lorsqu'il détient du capitalactions ou une part sociale d'une personne morale ou d'une société détentrice de quota ou un droit d'acquérir un quota. Pour l'application du premier alinéa, le producteur qui détient indirectement plus d'un quota le 2 mai 2008 est réputé détenir un seul quota. 6.1. Un seul quota peut être exploité sur une unité de production. 6.3. Un producteur ne peut changer le lieu d'exploitation de son quota à moins d'y être autorisé. Les Producteurs autorisent le changement du lieu d'exploitation d'un quota dans les cas suivants lorsque : 1° le changement du lieu d’exploitation du quota remplit les conditions suivantes : i) il est rendu nécessaire notamment en raison de la désuétude ou du défaut de capacité du bâtiment d’élevage, de l’échéance du bail de location d’une exploitation laitière, d’une expropriation ou d’une contravention à des normes environnementales ou municipales; ii) il ne constitue pas un moyen de céder, d’acquérir ou de transférer directement ou indirectement un quota ou, 2° le producteur ne peut exploiter le quota qu'il détient en raison d'une force majeure causant des dommages au bâtiment d'élevage ou, 3° pour une période n'excédant pas 6 mois, en raison de travaux au bâtiment d'élevage. Page 4 de 23 RMAAQ Décision 10914 On entend par « changement du lieu d’exploitation » tout déménagement du lieu d’exploitation d’un quota à l’extérieur du lot sur lequel il est exploité. ». 6.4. Un producteur doit être propriétaire des vaches laitières qui sont situées sur son exploitation laitière. Un producteur doit être propriétaire ou locataire de son exploitation laitière. Dans le cas d'une location, le bail doit être d'une durée d'au moins 5 ans, ne pas être résiliable avant l'arrivée du terme et être publié au registre foncier. [9] L’article 28 de ce règlement qui se trouve dans la section VII intitulée « Négociabilité et transfert des quotas par le système centralisé de vente des quotas » et l’article 42 de ce règlement qui se trouve dans la section IX intitulée « Négociabilité et transfert des quotas exempts de la section VII » sont également pertinents. Il faut cependant se référer à la version en vigueur au moment où Celcar a acquis le quota de Ferme Florissante inc. en septembre 2010 : 28. Sous réserve de la section IX, nul ne peut acquérir ou céder un quota, en tout ou en partie, autrement qu'en suivant la procédure prévue à la présente section. 42. Est exempte de l'application de la section VII, la cession de quota qui survient lors d'un changement de régime juridique d'une unité de production ou lorsqu'un producteur cède son quota en tout ou en partie à un producteur qui, à la suite de la cession, ne détient que le quota qui lui est ainsi cédé. Pour bénéficier de l'exemption, le cessionnaire dépose au bureau du syndicat de sa région, une fois la cession complétée, une demande de transfert de quota dans la forme prescrite par la Fédération, accompagnée des documents établissant cette cession. Il est également intéressant de rappeler l’historique de l’article 6.3 du Règlement dont la version citée plus haut est entrée en vigueur le 13 avril 2016. La version en vigueur du 30 avril 20144 au 13 avril 2016 se lisait : [10] 6.3. Un producteur ne peut changer le lieu d'exploitation de son quota à moins d'y être autorisé. Les Producteurs autorisent le changement du lieu d'exploitation d'un quota dans le cas où le producteur ne peut exploiter le quota qu'il détient en raison d'une force majeure causant des dommages au bâtiment d'élevage ou, pour une période n'excédant pas 6 mois, en raison de travaux au bâtiment d'élevage. Décision 8984, a. 3; Décision 9555, a. 2; Décision 9936, a. 1; Décision 10147, a. 1; Décision 10389, a. 3. [11] La version en vigueur du 4 décembre 20135 au 30 avril 2014 se lisait : 6.3. Un producteur ne peut changer le lieu d'exploitation de son quota à moins d'y être autorisé. La Fédération autorise le changement du lieu d'exploitation d'un quota dans le cas où le producteur ne peut exploiter le quota qu'il détient en raison d'une force majeure causant 4 5 Décision 10389, a. 3, 2014 G.O. 2, 1539, 30 avril 2014. Décision 10147, 2013 G.O. 2, 5479, 4 décembre 2013. Page 5 de 23 RMAAQ Décision 10914 des dommages au bâtiment d'élevage ou, pour une période n'excédant pas 6 mois, en raison de travaux au bâtiment d'élevage. Décision 8984, a. 3; Décision 9555, a. 2; Décision 9936, a. 1; Décision 10147, a. 1. [12] La version applicable du 3 octobre 20126 au 4 décembre 2013 se lisait : 6.3 Un producteur ne peut changer le lieu d'exploitation de son quota à moins d'y être autorisé. La Fédération autorise le changement du lieu d'exploitation d'un quota dans les cas suivants: 1° le producteur exploite le quota qu'il détient sur le même lieu depuis au moins 5 ans au moment du dépôt de la demande. Lorsque le producteur est une personne morale ou une société, au moins 50 % de la totalité des actions émises ou des parts sociales du producteur doivent être détenues par les mêmes personnes physiques, personnellement ou par l'entremise de personnes morales ou de sociétés dont elles détiennent seules le contrôle et la totalité des actions émises ou des parts sociales, depuis au moins 5 ans au moment du dépôt de la demande; 2° le producteur ne peut exploiter le quota qu'il détient en raison d'une force majeure causant des dommages au bâtiment d'élevage ou, pour une période n'excédant pas 6 mois, en raison de travaux au bâtiment d'élevage. Décision 8984, a. 3; Décision 9555, a. 2; Décision 9936, a. 1. [13] La version de l’article 6.3 entre les 5 janvier 20117 et 3 octobre 2012 se lisait : 6.3. À moins qu'il ne bénéficie d'une autorisation selon la section III en raison de dommages au bâtiment d'élevage, un producteur ne peut changer le lieu où il exploite son quota. Décision 8984, a. 3; Décision 9555, a. 2. [14] La version de cet article entre le 14 mai 20088 et le 5 janvier 2011 se lisait : 6.3. Un producteur qui effectue la relocalisation d'une exploitation laitière doit transmettre à la Fédération un avis écrit au moins 30 jours avant cette relocalisation. Cet avis doit contenir l'adresse civique et une copie de l'acte d'acquisition ou du bail de l'endroit où l'exploitation laitière sera relocalisée. On entend par « relocalisation d'une exploitation laitière », un changement du lieu où est effectuée la collecte du lait de cette exploitation. Décision 8984, a. 3. [15] Les articles 31, 41.1, 49, 53.6 et 53.8 sont également pertinents : 31. 6 7 8 Un producteur ne peut faire plus d'une offre, d'achat ou de vente, par mois. Décision 9936, 2012 G.O. 2, 4847, 3 octobre 2012. Décision 9555, 2011 G.O. 2, 115, 5 janvier 2011. Décision 8984, 2008 G.O. 2, 2140 du 14 mai 2008. Page 6 de 23 RMAAQ Décision 10914 Toute offre d'achat ou de vente doit porter sur au moins 0,1 kg de matière grasse par jour. 41.1. Lorsque l'application de l'article 40 fait en sorte que la quantité de quota que Les Producteurs devraient vendre à même la réserve d'ajustement excède 4 % de la quantité totale de quota demandée par les producteurs acheteurs, Les Producteurs peuvent annuler la vente en cours. Ils peuvent également procéder à la vente et combler en partie les offres des producteurs acheteurs à même les quantités de quota offertes par les producteurs vendeurs. Ils peuvent ensuite vendre des quantités de quota pour combler en partie les offres des producteurs acheteurs qui n'ont pas été comblées. Dans tous les cas, ils imputent les quantités de quota mises en vente selon l'ordre suivant: 1° à chaque acheteur qui bénéficie du programme d'aide au démarrage, à qui Les Producteurs ont expédié l'avis prévu à l'article 53.17.1 et qui détient, au moment de la vente, un quota inférieur au prêt accordé en vertu du programme; 2° (paragraphe abrogé); 3° à chaque acheteur détenant un quota de moins de 12 kg de matière grasse par jour dont l'offre d'achat est d'au plus 1 kg de matière grasse par jour tel que prévu au troisième alinéa de l'article 30; 3.1° par tranche de 0.1 kg de matière grasse par jour, à chaque acheteur qui bénéficie d'un prêt émis en vertu du programme d'aide au démarrage d'entreprises laitières, et dont le remboursement est en cours; 3.2° sont éligibles à l'application du paragraphe 3.1, les producteurs ayant démarré en er er production laitière, entre le 1 mai 2008 et 1 février 2012, avec une priorité de 10 ou 12 kg de matière grasse par jour sur le système centralisé de vente de quota et qui ont obtenu un prêt d'aide à la relève en production laitière de 5 kg de matière grasse par jour et dont le remboursement est en cours; 4° par tranche de 0,1 kg de matière grasse par jour, à chaque acheteur qui n'est pas visé par les paragraphes 1 et 3 et qui détient un quota au moment de la vente, jusqu'à concurrence de la quantité de quota qu'il a offert d'acheter et jusqu'à ce que la somme des tranches de quota ainsi imputées soit le plus près possible de 50% des quantités de quota offertes en vente non imputées selon les paragraphes 1 et 3; 5° à chaque acheteur qui n'est pas visé par les paragraphes 1 et 3 et qui détient un quota au moment de la vente en proportion de la partie du quota qu'il avait offert d'acheter et qui n'a pas été comblée par l'application du paragraphe 4; Lorsque les quantités de quota mises en vente ne permettent pas d'imputer au moins une tranche de 0,1 kg de matière grasse par jour à chaque acheteur selon le paragraphe 4 du troisième alinéa, Les Producteurs comblent uniquement les offres des producteurs acheteurs effectuées en vertu des paragraphes 1 et 3. Les troisième et quatrième alinéas de l'article 41 s'appliquent alors aux offres des producteurs vendeurs. 49. Les Producteurs établissent un programme d'aide à la relève en production laitière. Le programme a pour objet de favoriser la transmission des entreprises et assurer la pérennité de la production laitière au Québec. À cette fin, elle prête un quota maximum de 5 kg de matière grasse par jour en 2 tranches, une première de 1 kg de matière grasse par jour et une deuxième de 4 kg de matière grasse par jour, au producteur qui répond aux critères énumérés à la présente section et qui n'est pas bénéficiaire d'un prêt accordé en vertu de la section XIV.1. 53.6. Les Producteurs retirent immédiatement le quota prêté à un producteur qui a fait une déclaration fausse et mensongère; ils retranchent également du quota de ce Page 7 de 23 RMAAQ Décision 10914 producteur une quantité équivalant au quota qu'ils lui avaient prêté, pour une période égale à la période durant laquelle il a bénéficié du quota prêté en vertu de cette déclaration. Le producteur à qui Les Producteurs ont retiré en vertu du présent article un quota prêté, ainsi que tout actionnaire ou sociétaire de ce producteur, et toute personne qui exerce un droit de contrôle direct ou indirect sur ce producteur, ne peuvent, directement ou indirectement, bénéficier à nouveau du programme d'aide à la relève en production laitière avant un délai de 10 ans. 53.8. Le quota de 1 kg de matière grasse par jour est remboursé à compter de la e 10 année suivant la date du prêt, à raison de 0,1 kg par mois. Si l'entreprise bénéficie, avant l'échéance de 10 ans, d'un quota de 4 kg de matière grasse par jour, le quota de 1 kg de matière grasse par jour doit être remboursé en même temps que le quota de 4 kg de matière grasse par jour. Le quota de 5 kg de matière grasse par e jour est remboursé à compter de la 6 année suivant la date du prêt de quota de 4 kg de matière grasse par jour, à raison de 1 kg par année remis par tranche de 0,1 kg par mois lors des 10 premiers mois. Toutefois, lorsque les personnes décrites aux articles 51 et 52 obtiennent, avant la 6e année suivant la date du prêt de quota de 4 kg de matière grasse par jour, au minimum une attestation d'études collégiales en agriculture et en gestion, le quota de 5 kg de e matière grasse par jour est remboursé à compter de la 7 année suivant la date du prêt de quota de 4 kg de matière grasse par jour, à raison de 1 kg par année remis par tranche de 0,1 kg par mois lors des 10 premiers mois. Le troisième alinéa ne s'applique qu'aux demandes de prêt, dûment complétées et signées, déposées aux bureaux du conseil régional après le 3 octobre 2012. Les quotas remboursés sont retournés dans la réserve mentionnée au paragraphe 2 de l'article 46. Sous réserve du septième alinéa, lorsqu'en vertu de l'article 53.3 Les Producteurs reprennent les quotas prêtés, le producteur, ainsi que tout actionnaire ou sociétaire de ce producteur et toute personne qui exerce un droit de contrôle direct ou indirect sur ce producteur, qui bénéficient à nouveau, directement ou indirectement, de quelque façon que ce soit, du programme d'aide à la relève avant la date d'échéance du prêt ainsi repris, ne peuvent bénéficier que d'une quantité équivalente à celle détenue au moment de la reprise du prêt, laquelle est assujettie aux mêmes conditions et modalités de remboursement que celles applicables à la quantité détenue au moment de la reprise du prêt. Lorsqu'en vertu de l'article 53.3 Les Producteurs reprennent les quotas prêtés à la suite du défaut du producteur de respecter le paragraphe 4 ou 4.1 de l'article 51, ou l'article 53.5, celui-ci ainsi que tout actionnaire ou sociétaire de ce producteur et toute personne qui exerce un droit de contrôle direct ou indirect sur ce producteur, ne peuvent, directement ou indirectement, de quelque façon que ce soit, bénéficier à nouveau du programme d'aide à la relève avant un délai de 10 ans. LES FAITS [16] Les faits du présent dossier ne sont pas contestés, seule l’est leur évaluation en regard du droit applicable. Page 8 de 23 RMAAQ Décision 10914 [17] Ferme Morin exploite un quota de lait depuis son incorporation en 1980, elle succédait alors à Léonard Morin qui exploitait une ferme laitière depuis 1944. [18] En 2016, André Morin, le fils de Léonard Morin, le conjoint de Céline Prévost et le père de Maxime Morin, détient 50 % du capital-actions de Ferme Morin, le solde du capital-actions étant détenu par Maxime Morin. [19] Celcar acquiert, le 23 septembre 2010, le quota de lait et les vaches de Ferme Florissante inc. et transfère l’exploitation de ce quota, dès le début de la production, dans des bâtiments loués de Ferme Morin et situés au 612, route Bégin à Sainte-Claire. Il est prévu à ce moment-là, que le quota de Ferme Morin sera éventuellement exploité dans de nouvelles installations et, qu’alors, le lieu d’exploitation de celui de Celcar pourra être déménagé dans les anciennes installations de Ferme Morin. D’ailleurs, le bail de cinq ans non résiliable et enregistré au registre foncier précise à la deuxième page : Pendant la période de cinq ans le bail ne sera pas résiliable par l’une ou l’autre des parties aux présentes. Toutefois, les parties pourront convenir d’un nouveau site d’exploitation pour la traite des vaches et leur garde. [20] Depuis le début, Céline Prévost et sa belle-fille, Caroline Lepage, sont sociétaires à part égale de Celcar. [21] À compter du 7 août 2009, Maxime Morin permet à Ferme Morin de profiter d’un prêt d’aide à la relève de 5 kg de m.g./jour pour une durée de cinq ans, remboursable sur une période additionnelle de cinq ans, soit de 1 kg de m.g./jour par année, à raison de 0,1 kg par mois pour les dix premiers mois de l’année. Caroline Lepage permet à Celcar de bénéficier d’un tel prêt d’aide à la relève le 1er décembre 2010. [22] Maxime Morin et Caroline Lepage ont quatre enfants. Ils se partagent les travaux liés à l’exploitation de chaque quota de lait avec l’aide d’André Morin et d’un employé. [23] Le 17 avril 2013, les PLQ autorisent le changement du lieu d’exploitation du quota de Ferme Morin dans la nouvelle étable et, le 16 mai suivant, les PLQ débutent le ramassage du lait à cette nouvelle adresse. [24] Le 2 juillet 2013, Celcar demande aux PLQ que soit autorisé le changement de lieu d’exploitation de son quota au 597, route Bégin à Sainte-Claire. Cette demande de relocalisation est refusée par les PLQ, conformément à la réglementation applicable à l’époque, puisque le quota n’était pas exploité depuis au moins cinq ans au 612, route Bégin. La lettre de transmission de cette décision porte la date de 10 juillet 2013. Il est fait mention du droit du producteur à s’adresser à la Régie s’il estime que « la Fédération applique de façon erronée la réglementation en vigueur ». Celcar ne conteste pas cette décision. [25] Le 17 mars 2014, Celcar présente une deuxième demande pour le changement du lieu d’exploitation de son quota au motif qu’un cas de force majeure justifie la relocalisation de l’entreprise. Le 23 avril 2014, les PLQ avisent Celcar que cette demande est refusée. Il est fait Page 9 de 23 RMAAQ Décision 10914 mention du droit du producteur à s’adresser à la Régie s’il estime que « la Fédération applique de façon erronée la réglementation en vigueur. Celcar ne conteste pas cette décision. [26] Ferme Morin et Celcar obtiennent leur accréditation au Programme Lait canadien de qualité (LCQ) au printemps 2014. [27] Le 20 octobre 2015, Celcar dépose une nouvelle demande aux PLQ soit celle qui est à l’origine du présent dossier. Elle demande alors la fusion des quotas de Celcar et de Ferme Morin et l’exploitation de ce quota fusionné sur le site de Ferme Morin. À cette demande, est joint un avis de Promutuel assurance selon lequel Celcar doit « couper le courant afin d’éliminer l’alimentation électrique à la grange-étable de l’emplacement du 612, route Bégin à SainteClaire ». [28] À l’appui de la demande de fusion, les producteurs invoquent principalement les difficultés financières de Celcar, la diminution de l’implication de Céline Prévost, 62 ans, dans Celcar et d’André Morin, 66 ans, dans Ferme Morin. Ils souhaitent également de meilleures conditions quant à l’organisation du travail et la diminution de certains coûts fixes, notamment les charges salariales, de manière à permettre à Caroline Lepage et Maxime Morin de tirer un revenu décent de leur exploitation laitière. Les producteurs offraient de rembourser la totalité des prêts d’aide à la relève dont ils bénéficient. [29] Cette demande est refusée par les PLQ, le 30 octobre 2015, au motif que le Règlement ne permet pas la fusion de deux quotas. Il est fait mention du droit du producteur à s’adresser à la Régie s’il estime que « la Fédération applique de façon erronée la réglementation en vigueur ». [30] C’est à la suite de cette réponse que les demanderesses s’adressent à la Régie. [31] La Régie comprend que l’étable, dans laquelle est exploité le quota de Celcar, est vétuste et qu’elle n’est plus assurable. Celcar doit être relocalisée pour pouvoir continuer sa production laitière de manière sécuritaire et rentable. Le projet de relocaliser Celcar dans l’étable du 612 route Bégin à Sainte-Claire est écarté par les parties parce que l’équipement de traite qui se trouvait dans cette étable a été vendu, en novembre 2015, pour obtenir des liquidités. Par ailleurs, l’équipement utilisé présentement par Celcar a été prêté par Marcel Morissette inc., l’entreprise qui a vendu les robots de traite à Ferme Morin. Ils ne peuvent donc pas vraiment être réutilisés au 612, route Bégin. [32] Les deux entreprises vendent et acquièrent du quota sur le Système centralisé de vente de quota (SCVQ) entre octobre 2010 et novembre 2014. Celcar vend 10 kg de m.g./jour en juin 2011 et acquiert ainsi 2,70 kg de m.g./jour pendant la même période dont 2,10 kg après la vente de juin 2011. Quant à Ferme Morin, elle en achète 14,90 entre octobre 2010 et mai 2016 et en vend 15 kg de m.g./jour, au total, en janvier et février 2012. [33] La Régie constate que les deux quotas sont exploités comme un seul, même si la gestion et la comptabilité des deux entreprises sont distinctes. Page 10 de 23 RMAAQ Décision 10914 [34] Ainsi, la vente de fourrages de Ferme Morin à Celcar se fait à la juste valeur marchande et est comptabilisée dans chacune des entreprises. [35] La Régie note par ailleurs des déclarations des demanderesses dans le cadre de l’accréditation au Programme LCQ que Celcar écrit, le ou vers le 6 février 2014, que Maxime Morin est responsable de la traite, de l’équipement de traite et de l’alimentation alors que Maxime Morin et Caroline Lepage sont responsables des soins aux animaux, de l’entretien de l’étable et des cultures. À la question de savoir si des animaux sont hébergés ailleurs que chez Celcar, les producteurs ont identifié Ferme Morin. [36] Quant aux déclarations de Ferme Morin, du 26 mai 2014, elles sont à l’effet que Maxime Morin et Caroline Lepage sont responsables conjointement de la traite, de l’équipement de traite, de l’alimentation, des soins aux animaux, de l’entretien de l’étable et des cultures. Sur le site des PLQ toutefois, il appert que dans le cadre du Programme LCQ, Maxime Morin est responsable de la traite, de l’équipement de traite et de l’alimentation alors que Maxime Morin et Caroline Lepage sont responsables des soins aux animaux, de l’entretien de l’étable et que Maxime Morin, André Morin et Caroline Lepage seraient responsables des cultures. À la question de savoir si des animaux sont hébergés ailleurs que chez Ferme Morin, les producteurs ont identifié Celcar. ARGUMENTATION DES PARTIES - Celcar et Ferme Morin [37] Après la séance, les demanderesses fournissent à la Régie un document résumant la preuve et présentant l’argumentation au soutien de leur demande de réunir au sein d’une même entreprise l’exploitation des deux quotas. [38] Ils demandent alors à la Régie de constater la gestion commune des deux entreprises. [39] Ils plaident que la Régie peut déclarer la gestion commune des deux exploitations et l’amalgame des deux quotas. La Régie ne devrait alors pas accorder autant d’importance à la question du précédent. À l’appui de leurs prétentions, ils citent la Décision 10752 du 6 octobre 2015 dans laquelle la Régie écrit : [83] Ces questions se posaient alors que la preuve entendue laissait croire que deux producteurs de lait, Guillaume Pelletier et Ferme Pelletier, exploitaient de façon commune leur quota. Qu’en est-il vraiment après réception des observations supplémentaires déposées à la Régie? [84] Avant de faire cet examen, la Régie précise que, dans un tel cas, la question du précédent n’a pas l’importance de celle qu’elle aurait pour une exemption. Il n’y a pas lieu d’accorder à une personne un statut particulier qui l’exempterait de la réglementation applicable à tous mais bien de lui appliquer un traitement approprié à la réalité économique de sa situation particulière quelle que soit l’image qu’un examen superficiel de sa situation pourrait donner. Page 11 de 23 RMAAQ Décision 10914 [85] Le principe selon lequel la Régie, comme régulateur économique, doit agir en tenant compte de la réalité économique s’applique en tout temps et n’est pas soumis à une évaluation de l’impact du précédent comme l’est une demande d’exemption qui, lorsqu’elle est accordée, doit pouvoir l’être à toutes les personnes qui sont dans une situation identique et qui demandent une telle exemption. [40] Ils écrivent également : 6. Bien que les 2 entreprises aient 2 numéros de producteur, deux (2) adresses différentes, deux (2) inscriptions aux LCQ, 2 comptes bancaires, des financements distincts, des vaches et un quota appartenant à Ferme Celcar s.e.n.c et Ferme Léonard Morin & Fils Inc séparément; il est apparu clairement lors de l’audition et en regardant les différents documents déposés par les PLQ que les deux fermes ont la même réalité économique; gérée conjointement et exploitée conjointement et ce nonobstant le fait qu’elles agissent sous deux entités juridiques différentes. 7. Contrairement à la décision dont il est fait référence ci-dessus, il s’agit plus qu’une aide ponctuelle ou intervenant lors de circonstances particulières ou d’une aide sporadique mais bien d’une exploitation de deux quotas qui dans la réalité est assurée par les mêmes personnes. La réalité de la production des quotas par Ferme Celcar s.e.n.c et Ferme Léonard Morin & Fils Inc est différente de la détention des quotas. 8. Les PLQ ont reconnu que le fait de pouvoir partager l’équipement et les frais encourus pour la production de lait avec les membres de la famille est un des facteurs de réussite des personnes qui bénéficient d’un programme d’aide au démarrage en production laitière (dans décision 10752). 9. Les demandeurs se permettent ici d’énoncer de nouveau, la réalité de l’exploitation : 9.1 La traite chez Ferme Celcar senc est assurée par Maxime Morin. 9.2 La gestion des troupeaux tant de Ferme Celcar senc et de Ferme Léonard Morin & Fils inc. est assurée par Maxime Morin et Caroline Lepage. 9.3 Comptabilité et gestion administrative tant de Ferme Celcar senc et de Ferme Léonard Morin & Fils inc. est assurée par Caroline Lepage. 9.4 Enregistrement et suivi des animaux : tant de Ferme Celcar senc et de Ferme Léonard Morin & Fils inc. est assurée par Caroline Lepage. 9.5 Entretien des robots de traite de Ferme Léonard Morin & Fils Inc. est assurée par Maxime Morin et Caroline Lepage. 9.6 Nettoyage des robots de traite de Ferme Léonard Morin & Fils inc. est assurée par Caroline Lepage. 9.7 Entretien des bâtiments tant de Ferme Celcar senc et de Ferme Léonard Morin & Fils inc. est assuré par Maxime Morin, Caroline Lepage et André Morin. 9.8 Gestion des champs et travaux aux champs de Ferme Léonard Morin & Fils inc. est assurée par Maxime Morin, Caroline Lepage et André Morin. 9.9 Entretien de la machinerie de Ferme Léonard Morin & Fils inc. est assuré par André Morin. 9.10 Médecine préventive des troupeaux tant de Ferme Celcar senc et de Ferme Léonard Morin & Fils inc. est assurée par Maxime Morin et Caroline Lepage. Page 12 de 23 RMAAQ Décision 10914 (…) Les deux entreprises peuvent compter également sur une équipe de gestion financière globale composée d’André Morin, Maxime Morin, Caroline Lepage, Maryse Trahan (Groupe Conseil) Claude Morissette (Desjardins Entreprises), André Normand (mentor) et à laquelle se joindra incessamment Paul Lecompte du FIRA. Nous tenons à spécifier également que toutes les décisions quelle qu’en soit la nature touchant Ferme Celcar senc et Ferme Léonard Morin & Fils inc. sont prises en collégialité et que tout investissement supérieur à la somme de 2 000,00 $ fait l’objet de discussion avec l’équipe de gestion financière. Garanties croisées : les actifs de Ferme Léonard Morin & Fils inc ont garanti les obligations de Ferme Celcar senc (hypothèques immobilières, mobilières sur le quota et les équipements). [41] Celcar reconnaît que « la détention de deux quotas prêtés dans le cadre du Programme d’aide à la relève en production laitière puisse maintenant apparaître comme détenus hors normes ». La Régie comprend que Celcar ne s’oppose pas à ce que, s’il y avait « amalgame », certaines quantités de quota soient soustraites du quota total. [42] Dans leurs observations supplémentaires de juin 2016, les PLQ demandent à la Régie de soustraire les quotas acquis de « façon illégale ou inéquitable ». Celcar et Ferme Morin « rejettent avec véhémence » ces accusations. La Régie comprend que la demande des PLQ vise le quota acquis de Ferme Florissante inc. et ceux acquis par Celcar sur le SCVQ alors que, pour les mêmes ventes, Ferme Morin acquérait du quota. - Les PLQ [43] Les PLQ demandent à la Régie, le 3 juin 2016, en même temps qu’ils produisent leurs observations supplémentaires de prononcer des ordonnances à l’encontre de Celcar et de Ferme Morin. Plus précisément, ils demandent à la Régie de : REJETER la demande d'exemption des demanderesses visant la fusion de leurs quotas; ACCUEILLIR la demande d'enquête et d'ordonnances; FAIRE ENQUÊTE sur les activités de production de Ferme Léonard Morin& Fils inc. et de Ferme Celcar senc depuis septembre 2010; CONSTATER que Ferme Léonard Morin & Fils inc. et Ferme Celcar senc exploitent en commun leurs quotas en contravention du Règlement sur les quotas des producteurs de lait; ORDONNER aux Producteurs de lait du Québec de retirer le quota de la relève de Ferme Celcar senc et de le porter à la réserve; ORDONNER aux Producteurs de lait du Québec de retirer le quota de la relève de Ferme Léonard Morin & Fils inc. et de le porter à la réserve; ORDONNER aux Producteurs de lait du Québec de retrancher dans un premier temps, 5 kg/MG/jour du quota de Ferme Léonard Morin & Fils inc. pendant les 43 premiers mois suivant la décision à venir, et dans un deuxième temps, étant donné que depuis le er 1 août 2014, ce prêt est en remboursement, retrancher 5 kg/MG/jour sur une base Page 13 de 23 RMAAQ Décision 10914 régressive de 0,1 kg/MG/mois à raison de 1 kg de matière grasse par année, et ce, jusqu'à ce que soit atteint le solde du prêt au jour de son retrait en vertu de la décision à intervenir; DÉCLARER que ni Ferme Léonard Morin & fils inc., ni toute personne qui exerce un droit de contrôle direct ou indirect sur cette productrice, ne pourront bénéficier à nouveau du programme d'aide à la relève en production laitière avant un délai de 10 ans tel que le prescrit l'article 53.6 du Règlement sur les quotas des producteurs de lait; DÉCLARER que ni Ferme Celcar senc., ni toute personne qui exerce un droit de contrôle direct ou indirect sur cette productrice, ne pourront bénéficier à nouveau du programme d'aide à la relève en production laitière avant un délai de 10 ans tel que le prescrit l'article 53.6 du Règlement sur les quotas des producteurs de lait; ORDONNER aux Producteurs de lait du Québec d'annuler les ajustements de quota versés à Ferme Celcar senc en 2015 et 2016; RETIRER à Ferme Celcar senc et Ferme Léonard Morin & fils inc., les quantités de quota obtenues de manière inéquitable par rapport aux autres producteurs qui ne peuvent effectuer qu'une seule mise mensuelle au SCVQ; ORDONNER à Ferme Léonard Morin & Fils inc. et Ferme Celcar senc de se conformer au Règlement sur les quotas des producteurs de lait, de cesser de détenir et de produire deux quotas et de mettre en vente le reliquat de quota de Ferme Celcar senc lors de la vente de quota sur le SCVQ qui suivra immédiatement la décision de la Régie dans la présente affaire; À DÉFAUT pour Ferme Léonard Morin & Fils inc. et Ferme Celcar senc de mettre en vente le reliquat de quota de Ferme Celcar senc lors de la vente de quota sur le SCVQ qui suivra immédiatement la décision de la Régie dans la présente affaire, ANNULER le quota de Ferme Celcar s e n c et le porter à la réserve; RÉSERVER aux Producteurs de lait du Québec tous leurs droits et recours, notamment celui d'amender la présente demande afin d'en compléter les allégués et conclusions; RENDRE toute autre ordonnance que votre Régie pourra juger utile ou nécessaire. [44] Les PLQ estiment que les demanderesses n’ont pas fait la preuve qu’elles étaient dans une situation exceptionnelle. [45] En effet, quant aux modifications fréquentes du Règlement, celui-ci s’applique à tous les producteurs de manière générale et impersonnelle. Un producteur ne peut prétendre avoir un droit à en être exempté pour le seul motif qu’il y a eu plusieurs changements dans la réglementation. Selon le Règlement, un quota est acquis, sauf exception, par le SCVQ. Le projet des demanderesses d’acquérir un quota et d’en changer deux fois le lieu d’exploitation leur permettait d’acquérir du quota en priorité sur les autres producteurs. Elles devaient s’attendre à ce que, compte tenu de l’objectif de maintenir l’équité entre les producteurs, les règles qui s’appliquaient à leur projet puissent changer. [46] De plus, comme les travaux de construction de la nouvelle étable de Ferme Morin ont commencé en octobre 2012 et que les scénarios d’investissements ont dû s’élaborer au courant de 2011-2012, il est surprenant que les demanderesses n’aient pas su que, pendant cette période, les changements de lieux d’exploitation de quota étaient totalement interdits. Elles Page 14 de 23 RMAAQ Décision 10914 savaient ou auraient dû le savoir et avaient tout le temps pour anticiper les impacts possibles des règles quant à la relocalisation d’un quota. Elles ne peuvent s’en plaindre maintenant alors qu’elles ont décidé d’aller de l’avant dans leur projet sans en tenir compte. [47] Les PLQ notent qu’après avoir présenté leur demande d’exemption pour être autorisé à fusionner les deux quotas, les demanderesses vendaient le système de traite de l’endroit où elles voulaient relocaliser le quota de Celcar. Elles savaient nécessairement qu’elles pouvaient demander une exemption et ont préféré faire une demande d’exemption pour la fusion des quotas plutôt que pour la relocalisation du quota de Celcar. [48] Les PLQ soulignent également que les modifications du Règlement quant aux relocalisations de quota ne sont pas pertinentes pour l’étude d’une demande de fusion de quota, interdite depuis 2006. [49] Les PLQ concluent que les problèmes financiers de Celcar et de Ferme Morin sont le véritable motif au soutien de la demande de fusion. Sur ces difficultés financières, les PLQ estiment que la preuve est faible, autant celle faite lors de la séance publique du 11 mai 2016 que dans les documents financiers produits après la séance publique qui sont davantage des projections financières, advenant l’acquisition d’un deuxième robot, qu’une planification financière du plan initial de construction de la nouvelle étable de Ferme Morin. [50] Les PLQ ne peuvent déterminer, avec la preuve soumise, si le projet de Ferme Morin était rentable et si les problèmes financiers allégués relèvent d’une situation hors du contrôle des demanderesses. [51] Pour les PLQ, le choix de produire le quota de Celcar pour trois ans dans une étable qui avait besoin de travaux estimés à 125 020 $ et de ne pas faire ces travaux relève davantage d’une mauvaise décision d’affaire que d’une situation exceptionnelle, hors du contrôle des demanderesses. Le fait d’investir 1,4 millions de dollars dans la construction d’une nouvelle étable après avoir vendu 25 kg de m.g./jour en 2011-2012 et celui de racheter un deuxième robot au printemps 2016 alors qu’on se trouve dans une période de rareté de quota sont aussi, selon les PLQ, des décisions d’affaire et d’investissement risquées qui expliquent la mauvaise situation financière dans laquelle les producteurs se trouvent. [52] Les PLQ concluent en soumettant que l’augmentation significative de l’endettement des demanderesses ne peut être corrigé par la Régie sans envoyer le signal aux autres producteurs qu’ils peuvent faire des investissements risqués et que, le cas échéant, la Régie interviendra pour corriger la situation. [53] Quant à la demande d’amalgame de quota, les PLQ font valoir que la Régie ne pourrait ordonner l’amalgame des deux quotas sans le réduire des quantités obtenues illégalement. Agir autrement reviendrait pour la Régie à « endosser une contravention flagrante et grave du Règlement ». [54] Les PLQ soulignent que, lorsque la Régie a utilisé dans le passé son pouvoir de régulation économique, elle l’a fait pour s’assurer que les conventions de mise en marché et les règlements soient respectés et non pour permettre qu’ils soient contournés. Page 15 de 23 RMAAQ Décision 10914 [55] Dans cette perspective, si la Régie amalgamait les deux quotas, elle devrait soustraire le quota de Ferme Florissante inc. acheté alors que le Groupe Morin-Lepage possédait déjà un quota puisque, déjà en 2010, l’article 42 du Règlement interdisait à un producteur d’acquérir le quota d’un autre producteur et que l’article 6 prévoyait qu’un producteur ne peut détenir même indirectement deux quotas. Elle devrait couper tous les achats sur le SCVQ qui ont été faits sans que l’article 31 du Règlement n’ait été respecté. Elle devrait également soustraire le deuxième prêt d’aide à la relève puisqu’en vertu de l’article 49, ce prêt est au maximum de 5 kg de m.g./jour pour un producteur. [56] Ce prêt devrait être remis sans contrepartie et la partie produite sans droit remise par Ferme Morin pour une période équivalente à celle pendant laquelle Celcar en a profité. Les PLQ demandent également que la Régie déclare le Groupe Morin-Lepage inadmissible à un prêt d’aide à la relève pour une période de dix ans. [57] Finalement quant au quota de production non négociable ajouté sur le quota négociable des producteurs, il doit également être soustrait, mis en vente sur le SCVQ, sans contrepartie pour Celcar. [58] Quant au 21 kg de m.g./jour restant de Celcar, les PLQ demandent à la Régie de les retirer sans contrepartie en raison « du fait des contraventions graves commises par le groupe Morin-Lepage à l’encontre du Règlement ». ANALYSE ET DÉCISION [59] La Régie ne doute pas de la bonne foi du Groupe Morin-Lepage. Caroline Lepage n’a pas acheté, en 2010, un quota de 28,30 kg de m.g./jour pour obtenir du quota indirectement alors que l’entreprise familiale ne pouvait en obtenir directement en période de rareté de quota. [60] Rien ne permet à la Régie de conclure que Caroline Lepage et Maxime Morin avaient planifié la fusion éventuelle des deux quotas lors de l’achat par Celcar du quota de Ferme Florissante inc. en 2010. [61] La Régie constate que, si la volonté de Caroline Lepage lors de l’achat du quota en 2010 était d’avoir sa propre entreprise, ce désir ne se concrétisait en 2016 que sur papier. [62] La Régie comprend que la décision de demander la fusion des quotas a été difficile à prendre pour Caroline Lepage. Elle renonce ainsi au rêve d’avoir une entreprise à elle, et ce, même si sa belle-mère est également associée dans Celcar. [63] À partir d’un moment, que la preuve ne permet pas d’identifier, Celcar et Ferme Morin ont été exploitées, dans les faits, comme une seule entreprise agricole même si les deux entreprises possèdent des personnalités juridiques distinctes et une comptabilité séparée. Les demanderesses plaident que « la symbiose entre les deux entités a toujours été active, présente et complète ». Pour les demanderesses cet état de fait remonte donc au début de l’exploitation du quota acquis par Celcar. Page 16 de 23 RMAAQ Décision 10914 [64] La Régie comprend, des deux demandes faites aux PLQ en juillet 2013 et en mars 2014, que la volonté du couple visait à ramener la deuxième exploitation plus près de Ferme Morin pour continuer et faciliter l’exploitation des deux quotas sur des fermes plus ou moins voisines, sans les fusionner. [65] La Régie constate également que plusieurs circonstances ont joué contre le couple. Si Celcar avait été relocalisée dans l’ancienne étable de Ferme Morin, y aurait-il eu une demande de fusion? Si les lettres des PLQ avaient mentionné la possibilité pour la Régie d’exempter Celcar de l’application des dispositions qui empêchaient la relocalisation, y aurait-il eu une telle demande d’exemption? Dans cette période, la Régie a accordé plusieurs dizaines de demandes d’exemption pour des relocalisations, sans que les PLQ ne s’y opposent. [66] La relocalisation demandée n’avait pas pour but de modifier le mode d’exploitation des deux quotas. Elle aurait rendu l’exploitation commune de ceux-ci plus facile, sans pour autant qu’elle soit conforme aux dispositions de l’article 6 du Règlement qui interdit la détention directe ou indirecte de deux quotas. [67] La Régie s’étonne qu’en 2014, au moment du traitement des déclarations faites dans le cadre du Programme LCQ, personne ne se soit interrogé sur la façon qu’avait le Groupe MorinLepage d’exploiter leur quota. [68] L’accréditation au Programme LCQ est faite selon les termes du Règlement des producteurs de lait sur le programme Lait canadien de qualité9. Avant d’être accrédité, le producteur doit permettre l’accès de son unité de production à une personne chargée de l’évaluation de la demande d’accréditation. Le formulaire de demande d’accréditation joint en annexe de ce règlement informe le producteur de l’objet de la visite : C. Moment de la visite de validation La visite de validation peut prendre de 2 à 4 heures, selon la complexité de l'unité de production, des dossiers et le nombre d'employés. Notez que la personne en charge de la validation devra être accompagnée durant la visite et peut demander à parler à certains ou à tous les membres du personnel. Elle communiquera avec vous afin de vous confirmer la date et l'heure de sa visite. [69] C’est sur ce formulaire que le producteur déclare qui est responsable des activités liées à la traite, aux équipements de traite, aux soins des animaux, à leur alimentation, à l’entretien de l'étable et aux cultures: Ce sont sur ces formulaires que Caroline Lepage et Maxime Morin ont indiqué, en février et en mai 2014, qu’ils faisaient la même chose pour les deux entreprises10. [70] La Régie trouve également curieux qu’au moment de la première relocalisation du quota de Celcar, dans des installations louées de Ferme Morin et lors des demandes de juillet 2013 et de mars 2014, pour de nouvelles relocalisations dans des installations qui appartenaient également à Ferme Morin alors que les adresses visées sont toutes sur la rue Bégin à SainteClaire et qu’en avril 2013, les PLQ avaient accordé une demande de relocalisation de Ferme Morin, personne ne se soit interrogé sur la façon dont étaient exploités les deux quotas. 9 10 RLRQ, c. M-35.1, r. 207. Voir paragraphes 34 et 35. Page 17 de 23 RMAAQ Décision 10914 [71] Les PLQ plaident que le fait que Groupe Morin-Lepage ait produit et détenu un deuxième quota à l’encontre du Règlement constitue des « agissements (…) vertement décriés par les PLQ qui mettent tous les efforts pour les repérer et les sanctionner ». Cette affirmation n’apparaît pas supportée par la preuve puisque, malgré l’information transmise en toute transparence par Celcar et Ferme Morin, malgré deux visites effectuées dans le cadre du Programme LCQ et les demandes répétées de relocalisation, les PLQ n’ont pas réagi. [72] À la suite de la séance publique, les demanderesses et les PLQ ont déposé des observations supplémentaires. Les PLQ ont également demandé à la Régie de prononcer de nombreuses ordonnances à l’encontre des demanderesses. [73] Les motifs allégués au soutien de la demande de Celcar et de Ferme Morin pour l’obtention d’une exemption et l’autorisation de la Régie de fusionner les deux quotas ne justifient pas que la Régie autorise la fusion. [74] La Régie a reconnu, à plusieurs reprises, que le pouvoir d’exempter un producteur d’une disposition réglementaire devait s’exercer qu’exceptionnellement, de manière à éviter que l’exemption devienne la règle puisque, une fois donnée, cette exemption doit pouvoir être accordée à tous les producteurs qui sont dans la même situation et qui en font la demande. La Régie doit agir avec circonspection, particulièrement lorsque cette action risquerait d’aller à l’encontre des objectifs poursuivis par la réglementation et l’intérêt général des producteurs. [75] La Régie comprend que la demande du Groupe Morin-Lepage est motivée, d’abord et avant tout, par les problèmes financiers de Ferme Morin. En raison des problèmes de sousproduction parce qu’elle ne possédait qu’un seul robot de traite, Ferme Morin peine à rentabiliser ses investissements et à répondre à ses engagements financiers. C’est dans ce contexte qu’elle a obtenu un congé de remboursement de capital sur son prêt avec Desjardins Entreprises. [76] Pour rentabiliser ses opérations, Ferme Morin a besoin de produire davantage ce que devrait permettre le deuxième robot. Elle a aussi besoin d’obtenir plus de quota. Or, en période de rareté, elle ne peut acquérir, sur le SCVQ, tout le quota dont elle a besoin. [77] La Régie a écrit, dans plusieurs décisions, que le fardeau pour obtenir des exemptions était plus lourd dans certains types de demandes. [78] Ainsi elle a écrit dans sa Décision 9839 du 27 février 2012 que : [50] Beaucoup de producteurs demandent une exemption pour pouvoir acquérir du quota en priorité sur le SCVQ. En 2011, 306 producteurs ont misé pendant 11 mois sur 11 pour obtenir du quota sur le SCVQ. [51] Le nombre de producteurs qui, chaque mois, misent sur le SCVQ pour acquérir du quota donne un aperçu du nombre de demandes d’exemption qui pourraient être déposées à la Régie. [52] Or la Régie doit s’assurer, lorsqu’elle accorde une exemption, que les autres producteurs qui sont dans la même situation puissent aussi obtenir le même avantage. Le fardeau d’un producteur qui cherche à convaincre la Régie de l’opportunité de lui accorder Page 18 de 23 RMAAQ Décision 10914 une exemption quant à l’application de dispositions réglementaires qui s’appliquent à tous les producteurs sera d’autant plus lourd que la demande d’exemption vise à faire passer l’intérêt de ce producteur avant celui des autres. [53] La Régie ne peut pas accorder des exemptions à tous les producteurs qui sont victimes de la rareté de quota sur le marché. [54] Ferme Forvino n’a pas réussi à démontrer qu’elle était dans une situation unique par rapport aux autres producteurs qui, comme elle, cherchent à acquérir du quota alors qu’il n’y en a pas suffisamment à vendre. En effet, il est difficile de démarquer sa situation de celle des autres producteurs qui, tout comme elle, ont des investissements à supporter et font des offres d’achat à chaque mois. [55] La Régie est d’avis qu’accorder un accès prioritaire à Ferme Forvino pour l’obtention de quota sur le SCVQ irait à l’encontre de l’objectif même du Règlement qui est d’offrir un accès équitable de quota à tous les producteurs de lait. (Nos soulignements) [79] Ce qui est vrai pour les exemptions à l’ordre de priorité de répartition des quotas lors d’une vente sur le SCVQ l’est aussi pour une fusion. [80] La Régie estime que la situation de Ferme Morin et de Celcar se distingue de celle de Ferme Denis Scott et fils SENC et David Bélanger. Dans la Décision 10388 du 14 avril 2014, la Régie écrit : [24] En effet, la demande de fusion de quota semble indépendante de la question de la rareté de quota. Il s’agit ici d’assurer l’implantation d’une relève et la pérennité d’une exploitation laitière en permettant à deux producteurs de lait d’unir leurs efforts. [25] Dans les faits, deux producteurs de lait détiennent actuellement séparément plus de quota qu’ils n’en détiendraient ensemble si le projet était accepté. [26] La Régie constate que le projet élaboré permet l’implantation d’une relève. Si cette implantation ne se fait pas de la manière habituelle, la Régie n’a aucun doute sur les intentions des parties et sur leur bonne foi. De plus, ce projet tient compte de la rareté de quota sur le SCVQ et aucune demande d’exemption n’est présentée pour augmenter le quota détenu en priorité sur les autres acheteurs qui misent sur le SCVQ, au contraire, la Régie comprend que près de 2 kg de MG/jour seront vendus sur le SCVQ et que les 5 kg d’aide à la relève seront retournés à la Fédération. [27] Permettre l’implantation d’une relève et donner à un jeune producteur de lait les moyens de vivre des revenus de son exploitation laitière tout en permettant à un autre producteur d’avoir l’aide dont il a besoin pour exploiter sa ferme et d’assurer la survie de cette exploitation laitière apparaissent comme des objectifs raisonnables qui justifient pleinement l’exemption demandée, surtout que cette exemption n’a pas pour effet de donner une priorité d’achat sur le SCVQ. [81] En période de rareté de quota, la Régie ne peut accorder une exemption qui aurait pour effet de permettre à Ferme Morin d’acquérir du quota en priorité sur les autres producteurs. Page 19 de 23 RMAAQ Décision 10914 [82] Par ailleurs, la séance du 11 mai 2016 et les observations supplémentaires déposées à la Régie ont permis de mettre à jour une situation très particulière. [83] La Régie ne peut ignorer certains faits admis par Celcar et Ferme Morin. D’une part, elles admettent exploiter les quotas de façon conjointe depuis le début des opérations de Celcar. D’autre part, les états financiers de Celcar montrent que les actionnaires de Ferme Morin soutiennent financièrement Celcar, notamment en offrant leurs actifs en garantie pour les obligations de Celcar. Il n’y a aucun doute sur le fait que, même si elles étaient distinctes au niveau juridique, les deux entreprises étaient et sont toujours, dans les faits, un seul producteur. [84] Dans Québec (Régie des marchés agricoles) c. Québec (Fédération des producteurs de porcs), 1997 CanLII 10706 (QC CA), la Cour d’appel écrit : La Régie a pour mission notamment de favoriser le développement de relations harmonieuses entre les différents intervenants dans la mise en marché d'un produit visé par un plan conjoint (article 5). Si la Régie veut s'acquitter des devoirs que la Loi lui confie, elle doit nécessairement s'interroger sur l'identité des différents intervenants visés par cet article. Pour ce faire, elle ne peut pas limiter son analyse aux diverses personnes morales qui se présentent devant elle; elle doit pouvoir aller au-delà de la façade que présentent ces personnes morales. Les intervenants dans la mise en marché d'un produit agricole ou alimentaire ont certes le droit de structurer leurs activités comme bon leur semble sur le plan du droit des sociétés commerciales mais ils ne peuvent toutefois pas s'attendre à ce que la Régie s'arrête à l'image que cette structure projette, au risque de ne pas connaître la réalité économique que cette image peut cacher. Or, la mission de la Régie exige qu'elle connaisse cette réalité économique. Le fait pour la Régie de s'interroger sur l'identité des actionnaires, et même des bailleurs de fonds, des intervenants qui comparaissent devant elle, ne met pas en péril le principe établi dans l'arrêt Salomon et maintenant codifié à l'article 309 C.c.Q., avec les exceptions développées au fil du temps par la jurisprudence (l'article 317, notamment). Dans sa décision 6116 du 4 juillet 1994, la Régie ne conteste pas le principe de l'immunité que la loi reconnaît aux actionnaires de 2903113. De fait, contrairement aux tribunaux de droit commun, elle n'est pas chargée d'appliquer le droit civil ou le droit des sociétés commerciales concernant cette question mais de jouer un rôle de régulateur économique (voir Wight c. L'office canadien de la commercialisation des œufs, [1978] 2 C.F. 260 (C.A.); Villetard's Eggs Ltd. c. Canada (Office de commercialisation des œufs), 1995 CanLII 3590 (CAF), [1995] 2 C.F. 581 (1re inst.). La Régie avait donc compétence, à mon avis, pour s'interroger sur l'identité réelle de l'acheteur qui se présentait devant elle. Au surplus, en l'espèce, la Loi autorise expressément la Régie à analyser l'identité des entreprises engagées dans la mise en marché d'un produit visé par un plan conjoint. En effet, en vertu de l'article 59, la Régie détermine les droits et les obligations d'une personne engagée dans la mise en marché du porc en tenant compte du fait que cette personne « agit par l'entremise [...] [d'une] société dont elle est actionnaire » ou d'une société qui « procède pour elle à l'opération concernée ». Finalement, si cela était encore nécessaire pour confirmer la compétence de la Régie, je rappelle que celle-ci, à l'instar de tout tribunal administratif appelé à trancher un litige ou à régler un différend, possède non seulement les pouvoirs que la Loi lui confère expressément mais également tous les pouvoirs qui lui sont raisonnablement nécessaires à la réalisation de l'objectif visé par la Loi (Chrysler Canada Ltd. c. Canada (Tribunal de la concurrence), 1992 CanLII 68 (CSC), [1992] 2 R.C.S. 394, à la page 410). Page 20 de 23 RMAAQ Décision 10914 (Nos soulignements) [85] La Régie reprend le principe énoncé dans sa Décision 10752 du 6 octobre 2015 : [81] Le principe, qui permet à la Régie d’aller voir au-delà de la façade des sociétés pour connaître la réalité économique que cette image peut cacher, s’applique non seulement à l’égard des sociétés et de leurs actionnaires, mais également lorsque des personnes assument conjointement les risques et les profits d’une aventure commerciale commune. Ce pouvoir n’est pas limité aux cas où il y aurait usage de prête-nom. Pour paraphraser la Cour d’appel, la mission de la Régie exige qu'elle connaisse cette réalité économique. [86] L’implication de Ferme Morin dans Celcar qui a permis à celle-ci d’acquérir le quota de Ferme Florissante inc. était, en 2010, contraire aux dispositions du Règlement qui interdisait à une entreprise de détenir directement ou indirectement plus d’un quota. [87] La Régie ne met pas en doute que le Groupe Morin-Lepage ait agi de bonne foi, sans mauvaise intention et de façon transparente en répondant aux demandes d’information des PLQ sans cacher leur façon d’opérer qu’il croyait manifestement être conforme à la réglementation. [88] Le principe selon lequel la Régie, comme régulateur économique, doit agir en tenant compte de la réalité économique s’applique en tout temps même lorsque les producteurs sont sympathiques. [89] La proposition d’amalgamer les quotas peut apparaître une bonne solution à première vue. Elle permettrait de rendre conforme au droit une situation qui ne l’était pas depuis plusieurs années. [90] Cette proposition se heurte pourtant à un gros obstacle. Amalgamer les quotas ne peut se faire en additionnant les deux quotas actuellement détenus, soit celui de Celcar et de Ferme Morin. La Régie doit en effet tenir compte de l’accès au quota qu’ont eu Celcar et Ferme Morin comme si elles avaient été deux entreprises alors que, dans les faits, elles ne sont qu’un producteur. [91] Les demanderesses plaident que la symbiose a toujours été totale entre les deux entreprises. Suivant ce raisonnement, il faudrait considérer qu’au moment de l’achat du quota de Ferme Florissante inc., « le » producteur détenait déjà un quota. Or, en vertu de l’article 28, une exception au fait que les quotas doivent être acquis sur le SCVQ, il est bien prévu qu’à la suite de cette acquisition, le producteur « ne détient que le quota qui lui est ainsi cédé ». Dans la logique de la symbiose totale, il faut être cohérent et reconnaître que Ferme Morin détenait déjà un quota. Le Groupe Morin-Lepage ne pouvait donc acquérir le quota de Ferme Florissante inc. [92] En octobre 2010, 5,6 % des demandes d’achats de quota sur le SCVQ ont été comblées. Bien des producteurs qui auraient souhaité acquérir du quota et ne pouvaient le faire sur le SCVQ auraient bien voulu pouvoir acquérir le quota de Ferme Florissante inc. En toute équité pour les producteurs de lait qui doivent se résigner à acquérir du quota au compte-gouttes, il Page 21 de 23 RMAAQ Décision 10914 serait bien difficile de justifier que le Groupe Morin-Lepage puisse joindre ce quota à celui de Ferme Morin. Page 22 de 23 RMAAQ [93] Décision 10914 Il en est de même pour le quota acquis sur le SCVQ et pour le prêt d’aide à la relève. [94] La Régie doit tenir compte de la quantité de quota obtenue de manière inéquitable par rapport aux autres producteurs qui ne peuvent acquérir du quota que sur le SCVQ, qui ne peuvent déposer qu’une offre d’achat et qui ne peuvent obtenir, en même temps, qu’un seul prêt d’aide à la relève selon l’article 49 du Règlement. [95] Dans les faits, cela revient à dire que le quota actuellement reconnu à Celcar n’aurait pu être constitué en respectant le Règlement. [96] Comme le quota de Celcar a été obtenu sans droit, la Régie estime que Celcar doit le mettre en vente sur le SCVQ. Elle devra donc mettre en vente sur le SCVQ ce qu’elle a acquis, soit 21 kg de m.g./jour, et ce, au plus tard dans les 30 jours de la présente. [97] Elle devra également cesser de produire le solde du prêt d’aide à la relève au 1er août 2016. [98] En raison des contraventions graves au Règlement, les PLQ demandent à la Régie de rendre des ordonnances additionnelles contre Celcar et Ferme Morin, y compris quant aux ajustements apportés en août et décembre 2015 et février 2016 sur le quota de Celcar et qui totalisent 3,03 kg de m.g./jour. [99] La Régie ne prononcera pas les ordonnances demandées par les PLQ. [100] Comme mentionné plus tôt, la Régie n’a reçu aucune preuve que Celcar et Ferme Morin ont agi de mauvaise foi en poursuivant un plan élaboré des années avant que la présente demande ne soit traitée. Tout au plus, peut-elle conclure à une mauvaise compréhension du Règlement ou à une interprétation erronée de celui-ci. Au contraire, elles ont fait preuve de transparence dans le cours de la présente affaire tout comme elles l’ont fait précédemment en fournissant aux PLQ des informations sur leur gestion commune des deux quotas. [101] L’impact des conclusions recherchées par les PLQ apparaît disproportionné par rapport à la situation, d’autant plus que c’est lors d’une demande du Groupe Morin-Lepage que la Régie a pu constater l’exploitation commune des quotas et que ce n’est que presqu’un mois après la séance publique que les PLQ ont formulé leur demande de conclusion à l’encontre de Celcar et de Ferme Morin. [102] La Régie constate les efforts déployés par Ferme Morin, et par toute l’équipe dont elle a su s’entourer, pour redresser sa productivité et fournir un produit de qualité. La preuve a, par ailleurs, démontré que Ferme Morin éprouve toujours des difficultés financières. [103] Certaines des ordonnances demandées par les PLQ auraient pour effet d’ajouter à la précarité financière et possiblement d’acculer Ferme Morin à la faillite. La Régie voit mal en quoi conduire à la faillite un producteur, par ailleurs consciencieux et soucieux de produire un lait de Page 23 de 23 RMAAQ Décision 10914 qualité selon les meilleures pratiques en la matière et chez qui on ne peut déceler d’intention malhonnête, sert l’industrie laitière et l’intérêt public. [104] La Régie considère que faire cesser les contraventions au Règlement est une priorité. Il n’y a toutefois pas lieu de chercher à réécrire l’histoire. Dans cette perspective, Celcar peut garder les ajustements de quota d’août et de décembre 2015 et de février 2016, mais devra les vendre sur le SCVQ en même temps que le reste de son quota négociable. Il n’est pas opportun, dans les circonstances, d’émettre les ordonnances demandées. Le faire constituerait une forme d’acharnement contre un producteur de bonne foi, ce qui n’est ni dans l’intérêt des producteurs de lait ni dans l’intérêt public. POUR CES MOTIFS, LA RÉGIE DES MARCHÉS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES DU QUÉBEC : REJETTE la demande de Ferme Celcar SENC et de Ferme Morin Léonard et fils inc.; ORDONNE à Ferme Celcar SENC de mettre en vente sur le Système centralisé de vente de quota, au plus tard dans les 30 jours de la présente 24.03 kg de m.g./jour; À DÉFAUT par Ferme Celcar SENC de mettre en vente sur le Système centralisé de vente de quota, à la vente de quota sur le SCVQ dans les 30 jours, ORDONNER aux Producteurs de lait du Québec de le mettre en vente et d’en remettre le produit de la vente à Ferme Celcar senc: ANNULE le prêt d’aide à la relève de Ferme Celcar SENC à compter du 1er août 2016. (s) André Rivet (s) Daniel Diorio (s) France Dionne