charger le texte - Temple et Parvis

Transcription

charger le texte - Temple et Parvis
De la Vengeance à la Justice
Vous tous mes frères en vos grades et qualités, je dois traiter devant vous
de la question « de la vengeance à la justice. »
Ce sujet a ceci d’intéressant qu’il contient ces mots : vengeance et justice.
J’ai toujours entendu les maçons être en difficultés face à ces deux termes.
En effet, comment nous, qui devons nous exercer à la vertu, pouvons-nous
accepter dans le cours de notre démarche un mot comme celui de
vengeance ?
En effet il y a des mises à mort, et ce sont des idées que nous avons du mal
à accepter.
Revenons sur le meurtre de l’architecte du temple de Salomon, Hiram.
Je vous rappelle donc rapidement que, les trois meurtriers d’Hiram sont
retrouvés et qu’ils sont exécutés. Le premier l’est dans des conditions
illégales, puisque celui qui prend l’initiative de le faire n’en avait pas
l’autorisation.
Ces deux mots et ces mises à mort posent chaque fois question aux
maçons, qui les trouvent inadmissibles.
Je vais donc m’efforcer de sortir ces deux mots et ces actes du contexte
moral pour essayer de les placer dans un contexte symbolique, ce qui
change à mes yeux totalement la perspective.
On apprend à la cour de Salomon qu’un des meurtriers d’Hiram a été
localisé. Il s’agit maintenant d’aller le chercher. Des maîtres sont choisis.
Premier point important : comment sont-ils choisis ? Ils ne le sont pas en
fonction de leurs qualités. Ils sont tirés au sort. Nous avons ici quelque
chose de capital de matière d’initiation, à savoir la question des
qualifications. Ces hommes ne sont pas choisis par quelqu’un. Ils ne le sont
même pas par le Roi. Ils sont élus par le sort ! Il ne dépend donc pas de
nous, pas d’une décision humaine, la nôtre ou celle d’un tiers, que nous
ayons accès aux mystères de l’initiation. Cela dépend d’une élection non
humaine, pour dire les choses le plus rapidement possible.
Voilà ces hommes en marche. L’un d’eux s’appelle Johaben. Pour aller vite,
Johaben va arriver en présence du meurtrier avant les autres et va prendre
l’initiative de le tuer. Il n’en avait pas le droit. Quand les autres vont revenir
devant Salomon, celui-ci sera sur le point de faire mettre Johaben à mort,
mais ils vont faire corps autour de lui et lui sauver la vie.
Reprenons un peu plus haut. Voici Johaben en présence de l’assassin
d’Hiram. Il convient de regarder en détail comment se passe l’affaire .Qui
est ce meurtrier ? Il s’appelle Abiram.
Que savons-nous de lui ? A la cour de Salomon, l’homme qui a révélé où il
se tient nous dit « qu’il gémit sur son crime » et qu’il « attend le supplice ».
Si les mots ont un sens, nous avons quelqu’un qui regrette et qui attend.
1
Où Johaben le retrouve-t-il ? Dans une caverne, où il y a une lampe, une
fontaine, et à l’entrée de laquelle se trouve un buisson. Dans cette caverne,
il y a également un poignard. Arrêtons-nous sur chacun de ces termes. La
caverne. Symboliquement, la caverne représente l’équivalent du sommet.
Que ce soit sommet ou caverne, on est chaque fois dans un lieu d’une
grande importance, un lieu qui n’est pas profane. En outre, il y a une
lampe. Lumière. Pour nous, symboliquement, facteur qui délivre
l’illumination. Il y a une fontaine. L’eau. Elément qui abreuve en
connaissance, en potentialité de libération de l’individu. Il y a un buisson.
Végétal dirigé vers le haut, et ce buisson est ardent. Je reviendrai plus tard
sur le poignard.
Caverne, lampe, fontaine, buisson. Symboliquement, nous sommes là dans
un endroit sacré. Tous nos temples sont à l’image de cela. Ce sont des
cavernes, il y a la lumière, la présence symbolique de l’eau, et il y a des
colonnes, symboles d’élévation. Non seulement nos temples à nous,
maçons, mais les temples partout autour du monde. Et si on n’est pas dans
les cavernes, nous pouvons être au sommet d’une montagne, d’une colline,
ou d’un tertre, symboles équivalents.
Nous sommes là dans un lieu rituel.
Dans quel état se trouve le meurtrier Abiram ? On nous dit qu’il dort. Si
tout a une importance en symbolisme, et je pense que c’est le cas, qu’estce que c’est que le fait de dormir ? Dormir est une mort symbolique. Et
c’est un passage. La mort est un passage. Abiram est en train de dormir,
c’est à dire qu’il est en train de faire un passage d’un état vers un autre. Il
regrette, il attend le supplice, il s’est mis dans un endroit sacré et il est
dans un état qui est un état de passage.
Je vous ai dit que je reviendrai au poignard. Où se trouve ce poignard ? Si
on a affaire à quelqu’un qui est prêt à se défendre, il est d’abord sur le qui
vive, et s’il dort il s’est entouré de protection pour être réveillé à la moindre
alerte. S’il a un poignard, il le tient à portée de main. Or Abiram dort
entouré d’aucune protection, et on nous dit que ce poignard se trouve à ses
pieds.
La situation se présente comme si Abiram, le criminel, attendait sa mort et
se mettait à disposition de celle-ci. Il l’est déjà en partie puisqu’il est
endormi, et le poignard est à la disposition de qui viendra.
Comment Johaben tue-t-il Abiram ? Il le tue en lui portant deux coups. Un à
la tête, un au cœur. Deux endroits qui ont eux aussi une grande importance
symbolique. Le cœur plus encore que la tête, et il nous est dit que le second
coup, qui est le plus important, est en effet porté au cœur. Johaben porte
d’abord un coup à la tête. Passons sur le fait qu’on ne se représente pas
facilement ce que peut être dans la réalité physique le fait de porter un
coup de poignard à la tête. Dans la perspective symbolique, c’est tout autre
chose. Nous retrouvons dans d’autres traditions cette ouverture du crâne.
C’est le pape qui, une fois mort, se voit symboliquement ouvrir le sommet
du crâne pour que l’âme se libère du corps. C’est, lors de certaines
crémations dans le rituel hindou, l’officiant qui, aidant le plus âgé de la
famille, vient percer le crâne de celui dont le corps est en train de brûler –
2
ré-ouvrir, puisque le crâne il était ouvert quand nous sommes nés. C’est
également dans la perspective aussi bien hindou que bouddhiste l’ouverture
du troisième œil.
Nous avons là tous les éléments d’une mort donnée rituellement,
respectueusement, dans un lieu sacré. Nous sommes donc là en plein
symbolisme.
Je vais tout de suite passer au degré suivant. Les 9 sont revenus. On a
évité la punition à Johaben, et on apprend maintenant où sont les deux
autres criminels. On n’est plus 9, mais 15 (?). On se dirige vers ces
criminels et on leur met la main dessus. Dans quel endroit ? Dans une
carrière. C’est à dire qu’on est en plein jour. Et jusqu’à la fin de la mise à
mort, on va être dans un profane complet. Ou plutôt, si on doit considérer
qu’en matière initiatique rien n’est jamais profane, dans un symbolisme
infamant.
On attache les deux meurtriers. Et on attend. On attend 15 jours. L’attente
avant la mort - car on sait qu’ils sont promis à la mort - a toujours deux
significations. Ou bien, on fait attendre l’individu pour qu’il ait le temps de
se sanctifier. Ou bien on le fait pour dévaluer l’individu. Il semble que
d’entre ces deux morts là, ce soit la dévaluation de l’individu qui soit
recherchée dans le cas présent. On les fait attendre. Ils sont présentés à
Salomon, et on attend encore avant de les mettre à mort. On les attache à
un poteau, et quand on les met à mort, de nouveau la notion de l’attente,
de la durée, de l’indéfini, du flou. On nous dit en effet qu’on ouvre le buste
des condamnés, du pubis à la poitrine. Et ils ne meurent pas
instantanément, au contraire. On veut qu’ils souffrent, qu’ils se plaignent,
qu'ils passent par les derniers degrés de la condition humaine. (Cela nous
rappelle…) On est là dans un rituel qui vise à rendre encore plus infâme
celui qui est mis à mort. Et on apprend que les corps sont ensuite jetés par
dessus les murailles pour être donnés aux animaux. On est là face à une
mort totalement infamante.
Ce qui est important pour nous, c’est de savoir qui est mis à mort. Ou
plutôt quoi est mis à mort. Car nous devons échapper à l’interprétation
trop humaine, trop morale, de cette histoire.
Ce qui compte ce ne sont pas trois hommes, mais ce qu’ils représentent. Ce
sont les trois mauvais compagnons. C’est eux qui ont tué Hiram. Qu’est ce
que c’est que ces trois mauvais compagnons ? Ignorance. Fanatisme.
Ambition ?
Par qui ces trois compagnons sont-ils mis à mort ? Par nous, Johaben.
Mais quel est le siège de ces trois notions (ignorance, fanatisme,
ambition) ? C’est nous-mêmes ? Dans ces deux degrés, on invite le frère à
mettre à mort en lui-même les trois pesanteurs qui ont fait qu’il est
responsable de la mort d’Hiram.
C’est nous qui avons tué Hiram. Nous sommes Hiram par un certain côté, et
par un autre, il y a en nous la responsabilité de la mort de celui-ci.
D’ailleurs à un certain moment Johaben est fait Hiram. Il est refait Hiram, il
est réincarné dans celui qui est mort. (…) C’est pour cela sans doute qu’il
3
prend la responsabilité de tuer de sa propre initiative. Il tue ce qui l’a tué.
Ces trois mauvais compagnons sont également en lui. C’est nous qui
sommes invités à tuer en nous-mêmes ce qui est responsable de notre
propre mort. On peut tenter de l’exprimer différemment en disant que les
trois mauvais compagnons sont la partie de nous liée aux pesanteurs de la
psychologie et de l’ego, qui tue la partie de nous qui a à voir avec l’éternel.
D’ailleurs pour insister sur le fait que ces trois compagnons ne sont pas
extérieurs à nous mais qu’ils sont au contraire à la racine de nous-mêmes,
par qui sont-ils représentés au moment de l’initiation des maîtres ? Par
ceux-là mêmes qui dirigent la loge sont ceux qui sont responsables de la
mort d’Hiram…
C’est dire comme dans cette affaire là, la chose est nouée entre nous et
nous mêmes, ou plutôt entre les différents aspects de nous-mêmes. Voilà
me semble-t-il une des conceptions symboliques de ces deux degrés-là, et
voilà la tentative de démonstration que j’ai essayé de faire pour les faire
sortir de leur dimension morale qui ne me parait pas très riches.
Je vais ouvrir une dernière perspective avant de conclure.
Ignorance, fanatisme, ambition. Qui est le premier des trois compagnons à
être tué ? Est ce compagnon de l’ignorance, du fanatisme ou de l’ambition ?
Mon interprétation serait que le plus mauvais des compagnons, celui qui est
en quelque sorte le père des autres, celui qui les enveloppe, c’est
l’ignorance. A partir du moment où il n’y a plus ignorance, il n’y a plus de
raison qu’il y ait fanatisme et ambition. Bien sûr, fanatisme et ambition
renforcent eux-mêmes l’ignorance, mais il me semble que celle-ci est à
l’origine de tout. C’est pour cela qu’il me semble que dans la grotte, que
dans le temple, celui qui est tué de manière rituelle, c’est l’ignorance. Et
que les deux autres, fanatisme et ambition seraient tués de matière non
rituelle. Mais là-dessus, je confesse que je ne suis pas au clair.
Frère Rémi.
Année 2007
Résumé : Le 9ème et le 10ème degrés, sont les degrés de mise à mort des
compagnons que sont l’ignorance, le fanatisme et l’ambition. Ces trois
compagnons ont tués Hiram. Ce trois défauts sont à l’intérieur de tout un
chacun. Mais le maître maçon a été également Hiram, au 3ème degré. Au
9ème et le 10ème degrés, on invite le frère à mettre à mort en lui-même les
trois pesanteurs qui ont été responsable de sa propre mort.
4
5

Documents pareils

LES GRADES DE VENGEANCE ET LEUR

LES GRADES DE VENGEANCE ET LEUR L’un d’entre eux, le zélé Johaben, déjà rencontré comme secrétaire intime outrepasse sa fonction en exécutant le mauvais compagnon au lieu de le livrer à la justice et ne doit son salut qu’à ses pa...

Plus en détail