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FRANCE Catholique FRANCE ISSN 0015-9506 81 ème année - Hebdomadaire n°2972 - 15 avril 2005 www.france-catholique.fr 3, 50 € L’heure du Saint-Esprit SOMMAIRE ACTUALITÉ 4 REFERENDUM Internet et opinions Josiane Lambret 5 GRANDE-BRETAGNE Mariage princier Alice Tulle 6 IRAK Un nouveau Saladin ? Yves Lamarck DOSSIER 10 Le Pape du pardon JEAN-PAUL II Bertrand Dumas-de Mascarel 12 Un père pour ceux qui souffrent 14 Plaidoyer pour un Pape Sud-Américain Robert Masson Yves Lamarck 16 Le Pape de la “génération Jean-Paul II” 19 Pourquoi sont-ils des millions à le pleurer ? Père Daniel-Ange Père Michel Gitton ESPRIT 20 EN MEMOIRE DES JOURS Le cri des pauvres Robert Masson 21 Johannes Paulus Magnus ECCLESIA Père Ludovic Lécuru “J’étais à Rome au Circus Maximus” Marie-Gabrielle Leblanc Des réactions russes Père Patrick de Laubier 24 IVe dimanche de Pâques LECTURES Père Michel Gitton MAGAZINE 25 AVORTEMENT Naissance de Pascal Dominique de Lafforest 26 Encore la complotite OPUS DEI Père Antoine de Rochebrune / Paul Chassard 28 LIVRES 30 CINEMA ”Mon petit doigt m’a dit” 31 THEATRE “Opéra en délires”, “Maupassant” Anges, démons... et stéréotypes Marie-Hélène Congourdeau Marie-Christine d’André Pierre François 32 EXPOSITIONS 34 HISTOIRE 36 TELEVISION Votre début de soirée 38 BLOC-NOTES Vie associative et d’Eglise Le nouvel âge de Matisse Ariane Grenon Rainier de Monaco Philippe Delorme / Louis Luce Marie-Christine d’André Brigitte Pondaven Couverture © Emmanuel Chaunu 2 FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 héritage L L’ 'agonie, la mort, les funérailles de Jean-Paul II sont déjà dans nos mémoires comme des événements à méditer, au-delà de l'accompagnement médiatique inévitable. Une polémique est née, à laquelle il ne convient pas de donner une importance démesurée mais qui pourrait se révéler pernicieuse si une réponse appropriée ne lui était donnée. Il faut faire soigneusement la distinction entre la réalité du chagrin de ceux qui ont vécu le départ du Saint-Père comme quelque chose de personnel avec une amplification médiatique qui donne à l'émotion une dimension trouble, pouvant brouiller les plus clairs des messages. Je suis sur ce point en désaccord total avec mon ami Régis Debray - nous aurons peut-être l'occasion de nous en expliquer publiquement. Non le phénomène qui s'est développé autour de la mort de Jean-Paul II n'a rien à voir avec un processus de repaganisation. Il n'y avait aucune idolâtrie chez les millions de pèlerins qui sont accourus vers Rome, mais l'expression sincère d'une reconnaissance à l'égard d'un père qui n'avait cessé de les instruire et de les conforter par l'intelligence de la foi. Sans doute faut-il faire sa place à la métamorphose que confère la mort aux par Gérard LECLERC personnages historiques. Malraux l'a bien montré. A l'occasion de la disparition d'un Kennedy, d'un Churchill, d'un De Gaulle, il s'est produit à chaque fois une ressaisie dans l'imaginaire de héros qui s'introduisaient dans le vaste musée de la conscience humaine. Il ne pouvait en être autrement pour JeanPaul II, a fortiori avec l'orchestration de l'appareil médiatique qui est né à peu près au moment de l'élection du pape polonais au siège de Rome. Le phénomène est extraordinairement ambigu, il joue sur des surenchères d'émotions, de courses aux rumeurs, d'anticipations irrationnelles. C'est pourquoi, il y a de la part de l'Église une nécessaire prudence pour ne pas se laisser prendre elle-même dans un entraînement aux effets pervers. Il est d'ailleurs remarquable que les responsables du Vatican aient refusé systématiquement tout ce qui, d'une façon ou d'une autre, pouvait livrer le deuil de l'Église à une autre logique étrangère à son cadre liturgique et traditionnel. Notons qu'il y a une nécessaire mise en scène de l'adieu que toutes les dispositions prévues à cet effet sont ordonnées à la maîtrise des émotions et des réactions face à ce qui surdétermine la condition humaine. A ce propos, notre ami Damien Le Guay a justement rappelé les travaux du grand historien Philippe Ariès sur les rites funéraires, consubstantiels à toute civilisation. Les effets de la mort sont si grands sur l'inconscient qu'ils doivent être maîtrisés à travers une ritualisation canalisant la violence extrême du trouble produit. De ce point de vue, la grande scène romaine cons- EDITORIAL transmettre titue un extraordinaire cadre rituel qui permet aujourd'hui au village mondial de vivre un événement qui le concerne profondément. Avec l'Église la ritualisation est évidemment liturgique, elle objectivise les sentiments personnels dans une prière qui fait accéder à l'espérance du royaume. La cérémonie des funérailles, place Saint Pierre, constituait le sommet de cette démarche dans une sorte de perfection, qui excluait toute surcharge, sans interdire la juste expression de l'attachement du peuple chrétien qui d'un sûr instinct reconnaissait dans le pape défunt une sainteté évidente. C'est, d'ailleurs cet élément qui changeait tous les signes. Cette sainteté n'était nullement la projection d'une émotion irrationnelle, encore moins d'une idolâtrie échappant à tous les contrôles de la raison et de la foi éclairée. C'est ce que ne comprennent pas toujours les meilleurs de nos médiologues. Avec Jean-Paul II, il y avait l'affirmation d'une "réelle présence" qui faisait éclater la bulle médiatique. Certes, le Pape était le personnage le plus médiatique de la terre, avec tous les risques que cela comporte. Mais pas un seul instant il ne s'est laissé absorber dans la machine à séduire. Cela s'explique par une capacité d'intériorisation qui mettait sans cesse une distance infranchissable avec ce système qui a trop souvent inversé la logique des institutions au point de dissoudre la déontologie du bien commun et du dialogue ordonné du pouvoir et du peuple. Insistons sur ce point : Régis Debray a pu parler de "l'État séducteur", en me précisant personnellement qu'une "Église séductrice" trahirait sa mission en devenant objet frivole et en adoptant un comportement en rupture totale avec sa mission. Ce ne fut jamais le cas de Jean-Paul II, qui, au contraire, imposa, à temps et à contretemps, la primauté de l'Évangile et de ses exigences à l'encontre de tous ceux qui exigeaient que le "chanteur" adopte une tout autre chanson. La réelle présence de cet homme est peut-être ce qui a fasciné les médias, à rebrousse-poil de la nature autiste du système qui phagocyte tout ce qui échappe à son emprise et à ses dans son attitude face au secret de l'éternité, dans sa relation avec ses frères, dans sa conscience d'apôtre, on se référera au testament spirituel qu'il nous a laissé et qui a été ouvert cette semaine à la connaissance de tous. L'extrême simplicité des mots employés témoigne de l'humilité foncière d'un chrétien qui n'a jamais dévié de sa rectitude native, de sa vocation de prêtre et qui a assumé la valeurs propres. Avec Jean-Paul II, il y avait toujours "un reste", c'est-àdire une impossibilité à phagocyter qui surdéterminait la machine à images. On se souviendra de son étonnante faculté à se retrancher dans la prière intérieure à toute occasion, même lorsqu'il avait des millions de personnes devant lui. D'ailleurs, aurait-il pu "tenir" sans cette puissance d'intériorisation qui faisait qu'en toutes circonstances cette réelle présence manifestait la présence d'un Autre. Il y a des documents qui ne trompent pas. Si l'on veut savoir qui était cet homme dans sa conviction intime, lourde mission du pontificat avec la même disponibilité, celle qui était la sienne quand il avait décidé d'entrer au séminaire. On sait par le témoignage de ses amis qu'il n'avait jamais envisagé l'accession aux hautes responsabilités dans l'Église. Il ne rêvait que d'être vicaire ou curé de paroisse pour exercer son ministère auprès du peuple chrétien. Pour reprendre l'expression qui fut la sienne lors de l'homélie de son intronisation, c'est un Autre qui l'a conduit là où il ne songeait pas à aller. © DENIS LENSEL à (suite de l’éditorial, en page 9) FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 3 ACTUALITE CAMPAGNE REFERENDAIRE Internet et opinions par Josiane LAMBRET La généralisation progressive de l’accès à Internet entraîne une certaine transformation de l’échange des idées politiques qui se révèle à l’occasion de la campagne référendaire. elles et ceux qui ne disposent pas d’un ordinateur savent cependant qu’on "surfe sur le Net" (en bon français : on va sur la Toile) pour se divertir, s’instruire, acheter des biens et services, bavarder avec parents amis… voire se livrer à des commerces illicites. Selon une étude publiée par l’Insee en mars, 59% des Français de moins de 60 ans possédaient un ordinateur en 2004 et 41% étaient abonnées à Internet. 50% des couples qui ont des enfants scolarisés ont accès à la Toile. La communication entre personnes s’en trouve modifiée de différentes manières – grâce au courrier électronique – mais on oublie trop souvent d’évoquer la diffusion des idées. Or nous sommes en train d’assister dans ce domaine à des changements qui bouleverseront à moyen terme la publication des journaux sur papier et qui changent déjà les formes de la propagande politique. Les deux phénomènes sont liés. Depuis deux siècles, la presse écrite est le support privilégié de la diffusion des idées et elle a, comme l’édition, bien supporté la concurrence de la radio et de la télévision. Cependant, les journaux d’opinion, qui exerçaient une influence consi- C ( dérable jusqu’au milieu du siècle dernier, ont peu à peu disparu. Or la publication d’un journal sur la Toile n’impose que des coûts de fabrication très faibles, les frais d’envoi par la poste sont réduits à néant, et la diffusion des journaux électroniques est immédiate et massive. Les lecteurs disposent de surcroît d’archives importantes auxquelles on peut accéder sans se déplacer pour une somme modique, ou gratuitement. D’où une évolution d’abord insensible, qui se manifeste de façon frappante à l’occasion de la campagne référendaire. Alors que la presse quotidienne sur papier tend à une information soigneusement lissée afin de retenir un public d’opinions diverses, la Toile est devenue le lieu de l’échange des idées, de polémiques appuyées sur des informations bien référencées. Certes, les grands quotidiens continuent à publier des tribunes libres, mais elles sont en général écrites par des personnalités en vue. Sur la Toile, des professeurs de droit non répertoriés dans l’intelligentsia publient de très longues études sur le traité constitutionnel assorties de notes copieuses, des associations qui ne disposent que d’un maigre bulletin interne sur papier diffusent largement leur point de vue, des militants de base réagissent aussi souvent et aussi longuement qu’ils le souhaitent. Ceux qui lisent cette nouvelle presse d’opinion, parfois savante, parfois virulente, peuvent diffuser ce qui leur paraît important à leurs amis et relations, qui font de même. Ainsi sont filtrées naturellement les opinions folles qu’on peut aussi trouver sur la Toile. De proche en proche, des dizaines de milliers de citoyens sont touchés par une argumentation ou une autre tout en gardant la possibilité de consulter à tout moment le projet de traité ou la déclaration de tel ministre. Les formes classiques de la propagande par collage d’affiches et par distribution de tracts, coûteuses en temps et en argent, deviennent déri- De proche en proche, des dizaines de milliers de citoyens sont touchés 4 FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 soires. Les grands partis politiques (UMP, PS) ne négligent pas cette mutation d’un point de vue technique mais commettent l’erreur d’en rester psychologiquement à des campagnes de "communication" selon les principes posés à la fin du XXe siècle (grandes affiches, petites phrases, formules-choc, prestations télévisées...) alors que les petites formations militantes font une propagande argumentée à propos d’un traité qui est disséqué et critiqué, ou approuvé, sur le fond. Les grands jouent sur l’émotion, les petits brandissent des raisons. La grande presse écrite a elle aussi mis en place des “blogs”, genre de tribunes libres-fleuves, et des forums de débat, sans pouvoir se remettre en cause pour autant. Elle a pourtant un intérêt vital à réfléchir sérieusement sur ce retour par la petite porte électronique d’une presse d’opinion que l’on croyait moribonde. ■ ACTUALITE GRANDE-BRETAGNE par Alice TULLE Une reine en son Etat Samedi 9 avril, le prince Charles et Camilla Parker Bowles se sont mariés, régularisant une longue liaison qui a provoqué d’innombrables commentaires, en Angleterre comme sur le continent. T événement mondial : la télévision, alors dans sa première jeunesse, y fut pour quelque chose, mais les images reflétaient l’union planétaire réalisée au sein du Commonwealth. Bien avant les discours sur la mondialisation et la diffusion des thèmes féministes, il paraissait normal, au tournant du XX e siècle, qu’une femme deviennent chef d’Etat, et étendent son pouvoir symbolique sur tous les continents. On ne trouva pas moins normal que cette reine d’un pays réputé traditionaliste ait pour Premier ministre une femme – Margaret Thatcher – qui a durablement marqué l’histoire de la Grande-Bretagne. A la même époque, les Français virent comment la classe politique se débarrassait brutalement d’Edith Cresson et le temps n’est pas encore venu où une femme pourra être candidate à une élection présidentielle avec de bonnes chances de l’emporter. Quoi que l’on pense sur les politiques menées par les chefs de gouvernement évoqués, il est dommage que les commentaires émoustillés sur la famille royale britannique n’aient pas cédé de temps à autre la place à une réflexion sur la "parité hommefemme" telle qu’elle est pratiquée par nos voisins. A partir de ce critère très à la mode, il aurait été possible d’apprécier plus justement la manière dont la monarchie britannique évolue dans le monde tel qu’il est. Si cette évolution paraît lente (mais par rapport à quoi ?), c’est parce que la monarchie britannique, comme les autres monarchies parlementaires européennes, doit répondre de manière toute fonctionnelle à des exigences qui ne changent pas : il s’agit de maintenir l’unité du royaume, d’incarner l’identité d’un peuple aussi compliqué que tous les autres, de préserver les liens avec cette étonnante internationale de nations que constitue le Commonwealth. La reine remplit donc une fonction symbolique. Le faste d’un ancien empire peut fasciner, mais le rôle politique du monarque britannique n’est pas fondamentalement différent de celui joué par la reine des PaysBas ou le roi des Belges. Sur ce dernier point, le fait est qu’Elisabeth accomplit sa tâche : les affaires sentimentales et les scandales n’empêchent pas le monarque d’être le point d’équilibre du système politique, de résumer en sa personne l’histoire du pays et de garantir vaille que vaille que cette nation millénaire, européenne à sa manière, continuera d’exister. Le prince Charles reprendra cette fonction, mais il présentera aux yeux de tous une faiblesse très humaine : celle de n’avoir pas voulu sacrifier sa vie personnelle aux exigences de sa charge. Il est vrai que ce sacrifice, auquel un prince héritier est voué de naissance, n’est pas choisi. La durée et la dureté de l’épreuve impressionnent et devraient inciter à modérer ses opinions sur les petites "histoires" des dynasties historiques. ■ Répondre de manière fonctionnelle à des exigences qui ne changent pas FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 ( out a été dit sur le sujet, sauf ceci : l’histoire de Charles et Camilla, comme celle de Charles et Diana, comme celle, beaucoup plus ancienne, de Margaret et de Peter Townsend, ne concernent pas essentiellement la monarchie britannique mais la touche de manière accidentelle. Quant au prince héritier, il s’agissait de régler une question d’ordre religieux, puisque le monarque britannique est le chef de l’église anglicane, et le problème de statut de Mrs Parker Bowles – qui est devenue Altesse royale, sans qu’on sache encore si elle deviendra reine lorsque son époux prendra la succession d’Elisabeth II. Il est vrai que beaucoup de journalistes, surtout à l’extérieur du royaume, assurent que la couronne a été sérieusement ébranlée par les scandales qui se succèdent dans la famille royale. Cette idée de l’ébranlement était beaucoup plus répandue lorsque Edouard VIII décida d’abdiquer en 1936 parce que le gouvernement refusait d’autoriser son mariage avec une femme divorcée. Mais Georges VI fut un roi populaire, qui affronta les épreuves de la guerre de manière exemplaire. Le couronnement d’Elisabeth II, en juin 1953, fut un 5 ACTUALITE IRAK par Yves LAMARCK Un nouveau Saladin ? Un chef d’Etat kurde à Bagdad, alternative au grand Kurdistan. Pour combien de temps ? ’élection de Jalal Talabani comme président de la République Irakienne par l’assemblée élue le 30 janvier dernier est un symbole fort dans l’histoire du Moyen-Orient. Qu’un non-arabe soit porté ainsi à la tête d’un pays membre de la Ligue Arabe est à soi seul un événement. Le seul précédent qui vient à l’esprit est celui du grand Saladin, issu d’une famille kurde au service du gouverneur de Mossoul et qui devint le Calife d’Egypte et de Syrie au temps du royaume croisé de Jerusalem au XIIe siècle. Les Kurdes qui ne sont ni des Turcs ni des Arabes mais une population indo-européenne parlant des langues relevant plutôt du groupe iranien, dispersés à travers la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran, n’ont jamais été unis. En Irak même, ils sont traditionnellement divisés entre deux clans, Barzani et Talabani, qui se sont longtemps combattus. Aujourd’hui, ils ont fait liste commune pour les élections nationales irakiennes, obtenant plus du quart des sièges, ainsi que pour les élections au parlement régional du Kurdistan autonome, regroupant trois des dix-huit provinces que compte l’Irak. La division se retrouve dans le gouvernement provincial, les L ( deux provinces du nord, à la frontière turque, étant barzanistes, celle du sud-est, à la frontière iranienne, étant talabaniste. C’est ce Talabani qui a été investi du pouvoir à Bagdad, flanqué de deux vice-présidents, un Chiite et un Sunnite (le précédent chef de l’Etat de transition), le poste de premier ministre revenant aussi à un Chiite. Ce choix indique clairement que l’option d’un Irak uni est privilégiée par une majorité de Kurdes et du reste des Irakiens. Le processus démocratique est néanmoins suffisamment complexe pour que le dernier mot n’ait pas encore été dit : nouvelle constitution, nouvelles élections à la fin de l’année. Les Kurdes envisagent leur avenir dans un Irak qu’ils voient volontiers fédéral, autour de deux nations, kurde et arabe. On peut penser ici au modèle canadien. Dès lors la question la plus controversée est celle des limites territoriales de la nation kurde et du statut des deux principales villes de Mossoul et surtout Kirkouk situées aujourd’hui à l’extérieur des trois provinces autonomes. Cette question est historique puisque ce n’est qu’en 1925 que la Société des Nations (SDN) a attribué le vilayet (province) de Mossoul à l’Irak. Après la dissolution de l’Empire Ottoman, cette région du Kurdistan était revendiquée pour partie par la France (Mossoul étant proche de la Syrie dont le mandat était revenu à la France), la GrandeBretagne (Kirkouk principale région pétrolifère) et le tout par la Turquie d’Ataturk. Plusieurs traités (San Remo, Sévres, Lausanne) n’avaient pas réussi à trancher. Il est possible que l’ONU demain soit appelée à se prononcer. Les Américains qui arbitraient pour le moment un équilibre délicat entre Kurdes, Arabes, Turcomans et Assyriens, ont dû reconnaitre la victoire électorale des Kurdes désormais majoritaires à Kirkouk grâce au vote des réfugiés. Les pouvoirs successifs, et spécialement Saddam Hussein, avaient en Il est possible que l’ONU demain soit appelée à se prononcer 6 FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 effet procédé à des déplacements de population. La proportion de Kurdes était passée de 48% en 1957 à moins du tiers en 1997. Les statistiques sont néanmoins peu fiables car manipulées en tous sens. La notion de Turcomans, utilisée par Ankara, est fluctuante. Les Assyro-Chaldéens associent race et religion. Les Kurdes, majoritairement Sunnites, peuvent être aussi Chiites ou Chrétiens et se faire recenser sous d’autres appellations. La plupart des Arabes ont été déplacés depuis le Sud Chiite. De nombreux Kurdes avaient fui vers le Nord mais aussi vers Bagdad où ils seraient 750.000. L’intégration du pouvoir à Bagdad est le résultat d’un marché entre Kurdes et Chiites - le poste de president étant plus symbolique que réel. Il se double d’un partage des rôles entre Kurdes eux-mêmes – Talabani à Bagdad, Barzani à Arbil, capitale de la région autonome -, l’un pour l’intégration, l’autre pour le fédéralisme et l’annexion de Kirkouk. Le tout est éminemment délicat et précaire. Il est très oriental. ■ BREVES FRANCE SOLIDARITÉ : Le ministre des Finances, Thierry Breton, a fait appel le 5 avril à la solidarité des Français envers les personnes âgées à propos du travail du lundi de Pentecôte ; cette journée travaillée supplémentaire devrait, selon lui, rapporter 2,1 milliards d’euros. Contestant ses arguments - la CFTC s’est adressée à la justice européenne - certains syndicats appellent néanmoins à la grève ou à des débrayages ce jour-là, à moins de 15 jours du référendum sur l’Europe. Alors que la grande majorité des syndicats européens se déclarent favorables à la Constitution, les syndicats français sont en effet agités par de vifs débats internes, à l’exception de la CFDT qui a rejoint le camp du "oui". REFERENDUM : D’après une enquête BVA publiée le 8 avril, les Français estiment que la progression du "non" dans les intentions de vote pour le référendum du 29 mai s’explique principalement par les inquiétudes dues à la situation économique, avant la mauvaise compréhension du Traité ou la menace pour les acquis sociaux ; si l’INSEE prévoit une stabilisation du chômage à 9,9% de la population active en juin prochain (contre 10,1% en février), l’objectif gouvernemental de baisse de 10% du chômage ne pourra être tenu. De son côté, le président de la Banque européenne, J.C. Trichet, a exprimé le 7 avril ses préoccupations concernant le niveau élevé des prix du pétrole qui lui paraît menacer la croissance de la zone euro. Le Président de la République a dialogué le 14 avril avec 80 jeunes sur TF1 ; repoussé d’une semaine en raison des funérailles de Jean-Paul II, ce débat était la première intervention du chef de l’Etat dans la campagne référendaire. La présence des animateurs J.C. Delarue, M.O Fogiel et E. Chain sur le plateau a déclenché les critiques des journalistes spécialisés dans les questions politiques. EDUCATION : Le ministre de l’Education nationale, Fr. Fillon, a donné le 6 avril des instructions fermes aux recteurs et aux préfets pour mettre un terme aux occupations de lycées. Les forces de l’ordre sont intervenues le lendemain pour expulser quelques centaines de lycéens qui avaient occupé des locaux des rectorats de Paris et de Lille. SANTE : Le ministre de la Santé, Ph. Douste-Blazy, a annoncé le 6 avril que les comptes de la Sécurité sociale révélaient 2 milliards d’économies de plus que prévu en 2004, soit un déficit ramené de 14 à 12 milliards d’euros. D’après une enquête de l’Inserm publiée le 5 avril, le taux de décès par cancer pour les hommes est supérieur en France de 50% par rapport à la Suède, de 20% par rapport au Royaume-Uni, ce qui s’explique par des fréquences plus élevées des cancers du poumon, des voies aérodigestives et du foie. Deux nouveaux cas de la maladie de Creutzfeld-Jakob ont été identifiés en France le 4 avril ; il s’agit des dixième et onzième cas de la forme humaine de la "maladie de la vache folle". Le décret relatif à l’organisation de la permanence des soins (gardes et astreintes) a été publié le 8 avril au journal officiel ; mais la grève des urgentistes s’est poursuivie. TRANSPORTS : Le secrétaire d’Etat aux Transports et à la Mer, Fr. Goulard, a inauguré le 8 avril la première "autoroute de la mer" au départ d’un port français, entre Toulon et Rome, dans le but de lutter contre l’engorgement des routes. Une étude publiée le 6 avril par l’Agence de l’environnement confirme que les "4x4" émettent plus de CO2 que les autres véhicules ; la mairie de Paris voudrait les interdire dans la capitale. INFORMATION : Directeur de "La Croix", Bruno Frappat a été nommé le 7 avril président du directoire du groupe Bayard pour succéder à Alain Cordier ; Dominique Quino devrait le remplacer à la direction du journal. C’est le journaliste Jean-Pierre Elkabbach qui a été nommé à la tête de la radio "Europe 1" le 8 avril. PATRIMOINE : "La Joconde" a été réinstallée le 5 avril dans la salle des Etats au musée du Louvre après quatre années de travaux financés par une chaîne de télévision japonaise ; elle trône désormais au milieu des peintures vénitiennes face aux "Noces de Cana" de Véronèse. MONDE PROCHE ORIENT : Alors qu’Ariel Sharon rencontrait le président Bush au Texas, la tentative d’extrémistes juifs de pénétrer sur l’esplanade des mosquées à Jérusalem le 10 avril a fragilisé le processus de paix. ITALIE : Les élections régionales qui ont permis à l’opposition de gauche de contrôler 16 des 20 régions d’Italie compliquent la tâche de Silvio Berlusconi à un an des élections législatives de mai 2006. Le Parlement a voté le 7 avril la ratification de la constitution européenne ; l’Italie est le 5e des 25 pays membres à avoir adopté le texte après la Lituanie, la Hongrie, la Slovénie et l’Espagne. ROYAUME-UNI : Les électeurs britanniques sont appelés aux urnes le 5 mai prochain; le Parti travailliste de Tony Blair part favori. Le constructeur automobile MG Rover, dernier constructeur britannique, a été placé le 8 avril sous administration judiciaire, première étape d’une faillite qui menace plus de 18 000 emplois. Les autorités, qui viennent de débloquer une aide d’urgence de 9,5 millions d’euros, espèrent encore un repreneur pékinois. ARABIE SAOUDITE : Un des activistes les plus en vue d’Al-Qaïda a été tué à Ryad le 6 avril lors d’un affrontement avec les forces de l’ordre. COTE D’IVOIRE : Grâce à la médiation du président sud–africain, un nouvel accord a été signé entre belligérants le 6 avril, appelant au démantèlement rapide des milices. EGYPTE : Quatre personnes, dont deux Français, ont été tuées et une vingtaine d’autres, dont plusieurs touristes français, blessées lors d’une explosion criminelle survenue le 7 avril dans un bazar du Caire, non loin de la mosquée et de l’université d’Al-Azhar. CHINE : Plusieurs milliers de personnes ont manifesté le 9 avril à Pékin pour protester contre la publication au Japon de manuels scolaires minimisant les atrocités nippones en Chine au cours des années 1930. EUROPE : Face au déferlement des produits textiles importés de Chine depuis le 1er janvier, la Commission de Bruxelles a défini le 6 avril les conditions dans lesquelles elle pourrait imposer des restrictions à ces importations pour protéger les producteurs européens. Dès le 4 avril, l’administration américaine avait annoncé une enquête sur les importations de produits en coton chinois pour déterminer si des quotas devaient être rétablis. KIRGHIZSTAN : Le parlement kirghiz a accepté la démission du président déchu Askar Akaïev et fixé la date de l'élection présidentielle anticipée au 10 juillet. J.L. FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 7 EDITORIAL Il n'a répondu qu'à un appel qui le conduisait toujours plus haut. Sa détermination il ne la puisait que dans la confiance dans le Seigneur et la tendre sollicitude de la Vierge Marie. Reprenons ces quelques phrases du début de ce testament : "Totus Tuus ego sum - il s'agit évidemment de sa devise de consécration au Seigneur par Marie. Au nom de la très Sainte Trinité. Amen. "Veillez, car vous ignorez le jour où votre Seigneur viendra." (Mt. 24, 42) - Ces mots me font penser au dernier appel, qui adviendra lorsque le Seigneur le et mon indignité." Ce qui frappe également dans ce mémorial c'est la familiarité du Saint Père s'exprimant comme il l'a toujours fait dans la cordialité avec tous ceux qui l'ont côtoyé. Dans un dernier regard, il se souvient de ses premières années, de son village natal, de ses parents, de tous ses compagnons d'enfance, d'adolescence et de jeunesse. Il n'écrit pas de mémoires officielles, ne prend pas de pose devant la postérité. Il parle des hommes et des femmes qui émergent dans son souvenir et qu'il aime comme autant de frères et sœurs. Si Jean-Paul II a été tellement voudra. Je désire Le suivre, et je désire que tout ce qui fait partie de ma vie terrestre me prépare à ce moment. Je ne sais quand il viendra mais, comme toute chose, je dépose ce moment-là aussi dans les mains de la mère de mon Maître : Totus Tuus. Dans ces mêmes mains maternelles je laisse tout et tous ceux auxquels m'ont lié ma vie et ma vocation. En ces Mains, je laisse surtout l'Église, et aussi ma Nation et toute l'humanité. Je dis merci à tous. A tous je demande pardon. Je demande aussi la prière afin que la Miséricorde de Dieu se montre plus grande que ma faiblesse aimé, s'ils étaient si nombreux à accourir jusqu'à Rome pour prier devant sa dépouille mortelle, c'est à cause de cela, de cette vérité absolue d'un pape qui a eu toutes les audaces, qui a rendu possible l'impossible, mais qui a d'abord été l'ami de tous, parce qu'il les aimait tous en Dieu. C'est le point de départ absolu. C'est pourquoi toute surchauffe médiatique aurait été bien impuissante à imposer un message étranger au sien. Les catholiques savaient précisément qui il était, ce qu'il leur avait enseigné, les commandements de Dieu qu'il leur avait rappelés, les © ETIENNE VILLEMAIN Suite de la page 3 béatitudes dont il leur avait révélé comment elles ouvraient le royaume... Et même les non catholiques et les incroyants en avaient quelque idée. A partir de là se dessine l'héritage qui est vraiment impressionnant. Ce géant de l'histoire n'a cherché qu'à approfondir et révéler le mystère du Dieu trinitaire ayant fait alliance avec toute l'humanité. Les trois encycliques les plus importantes du pontificat concernent ce mystère trinitaire et toute la dynamique de la célébration de l'entrée dans le troisième millénaire était ordonnée à la même méditation du secret de l'amour entre les Trois Personnes divines ainsi qu'à celui de la condescendance inouïe qui permet à l'humanité de participer à l'intimité de la vie de Dieu. Monseigneur Karol Wojtyla avait inscrit dans la constitution Gaudium et Spes de Vatican II une phrase sans laquelle la substance de l'enseignement conciliaire ne serait pas pénétrable : "Par son incarnation, le Fils de Dieu s'est en quelque sorte uni lui-même à tout homme". Nous trouvons là l'extrême concentration théologique du message que le Pape n'a cessé de développer dans toutes ses dimensions. La modernité qui a tout suspendu à l'affirmation de l'individu a beaucoup fait pour son autonomie et son développement. Mais qu'en sera-t-il de cet individu s'il a perdu la conscience de sa dignité fondamentale qui ne s'explique que par sa relation à Dieu ? L'homme a été créé à l'image de Dieu, racheté par son Fils de telle façon qu'il accède à une dignité plus grande encore. Jean-Paul II l'a martelé sur toutes les routes du monde. C'est l'héritage qu'il nous laisse et qui ne cessera d'inspirer l'Église sur le chemin de tous les renouveaux. G.L. FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 9 DOSSIER DERNIER HOMMAGE Portrait intime du par Bertrand DUMAS DE MASCAREL Un homme de 84 ans, et surtout un Souverain pontife, peut-il encore avoir des proches pour témoigner intimement de lui ? Sans l’avoir jamais vraiment connu, les millions de personnes qui portent aujourd’hui son deuil, ne contrediraient pourtant pas les mots de la poignée de ses vrais amis. Ce que le Pape a apporté à ses proches, des peuples entiers l’ont reçu. omme, lors des obsèques du roi Baudouin, les prostituées ou les prisonniers qui sont venus aux côtés des grands hommes parler de “leur” souverain, toutes sortes d’hommes témoignent aujourd’hui de Jean-Paul II. Les plus inattendus, pourraient être le journaliste Franz-Olivier Giesbert, ces derniers jours (“puisse l’Eglise ne jamais prendre la forme du siècle… Moi aussi j’ai envie de dire N’ayez pas peur, n’ayez pas peur de crier vos vérités au monde”) ou l’écrivain Philippe Sollers, posant au libertin, familier de Rome et de Venise qui a dit : “Les positions du Pape passent pour être du refoulement, alors que ce n’est pas son rôle d’expliquer”. Même un camarade de classe, de Wadovice ! Karol Wojtyla en avait encore un, Joseph Beinstock, devenu citoyen d’Israël. “Tu étais pour moi un bon camarade, un ami” se souvient-il. Avec Jurek Kruger ou Ginka Beer, amis juifs de son quartier, Karol préparait les décorations de la fête Hanuka. L’hommage du Grand Rabbin de Pologne, Michael Schudrich : “Depuis 2000 ans, personne n’a fait autant que lui pour la réconciliation entre les juifs et les catholiques” trouve alors toute sa justification dès l’enfance. Une justification à laquelle le Pape s’est toujours humblement soustrait. Pendant des années, son secours ou non aux déportés était demeuré une interrogation pour ses biographes, jusqu’à ce qu’une certaine Edith Tzirer, rescapée du camp de Skarzyko-Kamienna, le reconnaisse et témoigne : “C’était un Tzaddik, un juste, sans lui je C 10 FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 Jean-Paul II écrit que la personne est la priorité de l’Eglise Pape serais morte. Je lui dois ma vie et donc mes cinq petits-enfants […] Il m’a portée sur son dos, m’a donné du thé, du pain, du fromage…” Cinquantecinq ans plus tard, au musée Yad Vachem, mémorial de la Shoah, c’est lui qui posera la main sur son épaule pour marcher, en pleurant. Récemment, encore, une juive américaine témoignait aussi : il n’avait pas voulu la baptiser, comme le lui demandait la femme qui l’avait recueillie, afin qu’elle retrouve les siens aux Etats-Unis et grandisse dans sa foi. Les avocats de tous les “sans voix” de ce monde se feront l’écho des cris d’un pape qui finira aphone. Mère Teresa se placera toujours humblement deux pas derrière Jean-Paul II : “Partout où le Pape est passé, la foi, l’espérance et l’amour ont pu s’épanouir” et “Le Saint-Père m’a dit que je devais encore travailler, visiter nos maisons, être le témoin de Jésus de par le monde. Alors, je fais ce qu’il m’a demandé, je fais la volonté de Dieu.” Jean Vanier, fondateur des premières communautés de vie pour personnes handicapées mentales trouvera aussi chez le Pape les mots qui expriment son intuition : la dignité de toute personne, même la plus petite, même “débile”. “Dès sa première encyclique, dirat-il, Jean-Paul II écrit que la personne est la priorité de l’Eglise”. “A son contact, toute infirmité se redresse durablement, dira Ghislaine, atteinte de nanisme et sur laquelle Jean-Paul II avait trébuché au Parc des Princes (il ne l’avait pas vue).” Elle est aujourd’hui religieuse. Même parmi ceux qu’on voudrait mettre au passif de ce pontificat, il se trouve des voix pour se réclamer du défunt pape. Telle Lucienne Salé, une Française, première femme - et laïque de surcroît - à avoir reçu une haute responsabilité au Vatican : “S’il est un pape qui a compris, aimé et exprimé la dignité de la femme, c’est bien celui-ci !” Tel encore, Franck, ancien chanteur de variété dans les années 85-87, homosexuel et mort du sida à 22 ans. Il s’éteindra en exprimant sa joie d’avoir retrouvé l’amour de lui-même en Jésus-Christ, par cette église renouvelée au Parc des Princes et à Parayle-Monial. Jean-Paul II a su garder aussi l’amitié des plus grandes intelligences de notre siècle. Dans des du pardon domaines qui furent le sien, comme la philosophie, ainsi que dans d’autres. Le professeur Lejeune, père de la génétique moderne, s’extasiera : “Le Pape est un homme entièrement bon et cela est très rare”. Les ennemis que la politique aurait dû lui garder en ce monde, Jean-Paul II ne les aura pas, non plus, à sa charge. Les mots bienveillants de Jaruselwski après le 13 mai 1981, et de Gorbatchev ou même de Fidel Castro, aujourd’hui, resteront une grande interrogation de l’Histoire. Et l’Histoire n’a pas fini de recueillir des témoignages sur la personnalité profonde du défunt parce qu’il est “sans aucun doute celui qui, dans le monde de notre temps, a rencontré personnellement le plus grand nombre d’hommes. Pour les gens simples, peu cultivés ou pauvres il n’est jamais hors d’atteinte. Le titre de père (papa, pape) est bien, ici, l’expression de cette relation vraie”, écrivait en 1998 le cardinal Ratzinger, qui connaît Jean-Paul II depuis leurs travaux communs au Concile Vatican II et devenu, depuis, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. “Cet homme est transparent, intact, quand il est devenu pape j’ai repris avec lui les mêmes relations, avec la même facilité”, dira le cardinal Garrone. Et Ratzinger d’ajouter : “A ses côtés, on comprend que l’homme lui tient à cœur parce que Dieu lui tient à cœur.” Cette dernière phrase nous rappelle que la chute du Mur de Berlin, l’événement le plus surprenant du XXe siècle, trouve sa source dans un discours de Jean-Paul II, le 2 juin 1979 à Varsovie : “Nul ne peut exclure le Christ de l’histoire de l’homme, en quelque partie du globe ! L’exclure est un acte contre l’Homme !” Michnick, un observateur polonais athée estimera plus tard : “Les conséquences de cette visite demeureront impossibles à évaluer. Tous ceux qui dans les queues quotidiennes se montraient frustrés et agressifs étaient devenus sereins et joyeux. Avec leur dignité, ils avaient retrouvé la conscience de leur force.” L’écrivain français André Frossard, à l’issue d’heures entières d’entretien, écrira de son côté : “Ce pacifique est un homme qui croit assez aux hommes – y compris à ceux qui portent la main sur La miséricorde est un nom de Dieu manifesté au monde en Jean-Paul II lui – pour leur donner envie d’y croire aussi, et assez à Dieu pour leur rendre, peut-être, le goût d’y croire avec lui.” Frossard fait allusion au geste le plus admiré et sans doute le moins compris du Pape : son pardon donné à Ali Agca. Un autre prélat romain, en a donné la clef en 2001, son compatriote et secrétaire particulier de toujours, Mgr Stanislas Dziwisz. Personne n’a jamais vraiment su ce que le pape et l’homme se sont dit , ce jour-là. Le pardon avait déjà été donné, du lit d’hôpital. Dziwisz, était présent. En révélant : “Je n’ai pas entendu un mot de demande de pardon de la part du prisonnier. Seul le mystère de Fatima l’intéressait, troublé qu’il était, lui le tireur d’élite, par la force qui l’avait dépassé”. Il nous confirme que le Saint-Père avait pardonné à un homme qui n’exprimait aucun regret. Comme si ce pardon ne lui appartenait pas, qu’il existait déjà avant même l’acte d’agression. Cette dernière confidence porte un éclairage surnaturel sur la mort de Jean-Paul II, qui s’est éteint avec les Vigiles du Dimanche de La Miséricorde. On pouvait déjà y voir une coïncidence, la fête ayant été établie par ce pape au nom d’une sainte, sœur Faustine, polonaise comme lui, et canonisée par lui. Mais la Miséricorde est un nom de Dieu, manifestée au monde en Jean-Paul II, par son pardon personnel. Comme, en Mère Teresa, le sera la Charité. Serait-il devenu Jean-Paul II, lui Karol, pour donner un écho universel à cette révélation particulière ? Alors, peut-être suffirait-il de retrouver sous quel nom (foi, espérance, paix…) et dans quel pays Dieu s’est à présent manifesté, pour y retrouver le cardinal appelé à succéder à Jean-Paul II. ■ FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL2005 11 DOSSIER SOUVENIRS Un Père pour ceux qui Avec Fidel Castro qui - suprême dérision ou signe de confusion providentiel pour nos laïcistes français ? - décrète un deuil national sur l’île qu’il martyrise, pour le décès de Jean-Paul II, remontent certains souvenirs de ce Pape qui sut si bien comprendre les victimes du communisme. Robert Masson se souvient du Pape accueillant Jorge Valls... i l’on veut comprendre la portée de l’événement qui vient de se produire avec la mort de Jean-Paul II, peut-être faut-il d’abord se souvenir. Car rarement à ce point l’inattendu avait pareillement surgi, sur les pas d’un homme qu’on disait venu de Pologne et qui, à vrai dire, venait de plus loin encore. De ces grands parcours d’existence selon Dieu qui ont changé le cours de l’Histoire plus profondément que tous les faiseurs d’empires. Jean-Paul II n’avait rien dans les mains, sauf cette faculté de les joindre qui tranchait tellement sur toutes les imprécations dont l’humanité avait eu à souffrir. Ce Pape qu’on n’attendait pas était un revenant de la grande épreuve. Et qui sait lire a de quoi entendre ce que l’Ecriture nous dit de ceux qui ont lavé leur âme dans la grande épreuve précisément. Quand on finit par apprendre ce à quoi Karol Wojtyla avait échappé sous la férule nazie, puis sous l’emprise d’un système qui était son proche parent, on commença à réaliser que les hommes, si implacables soient-ils, ne sont pas les seuls à décider de nos destins ultimes. Ce pape qui n’avait rien à démontrer, et encore moins à imposer, apparaissait soudain pour ce qu’il était vraiment, comme d’ailleurs toute l’Eglise dont il prenait la charge : un signe de transcendance. Ceux qui avaient eu à souffrir pour leur foi – et ils furent et demeurent innombrables – se reconnaissaient dans ce pape qui dissipait, par sa seule S 12 FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 Un de ces mouvements de tendresse dont Jean-Paul II avait le secret présence, toutes les peurs. Un homme venu de Cuba fut de ceux-là : au tournant de l’année 84, quand le maître de La Havane consentit à le libérer, sous pression internationale, et sans même lui consentir la moindre remise de peine. Il avait déjà dépassé de plusieurs semaines les quarante ans d’emprisonnement auxquels il avait été condamné de manière inique. Sans doute serait-il resté emprisonné à vie s’il n’y avait eu pour le nommer à la face du monde un de ces sursauts de conscience qu’on vit à l’œuvre en ce cas comme en beaucoup d’autres. Sa première démarche, Jorge Valls la réservait pour Rome, et il ne souhaitait pas seulement y venir en son nom mais en celui de beaucoup d’autres. Il avait en effet promis à tous ses frères de captivité de les confier, quand il le pourrait, au successeur de Pierre. Nous eûmes la grâce à quelques-uns de vivre le moment où le Pape et le captif se reconnurent, dans un de ces mouvements de tendresse dont Jean-Paul II avait le secret. L’instant d’avant, tandis que nous attendions le Pape dans un salon attenant, Jorge Valls m’avait demandé une feuille de papier. J’avais d’abord pensé qu’il souhaitait consigner par écrit ce qu’il voulait dire au Pape. C’était à un tout autre usage que le prisonnier d’hier songeait. Il avait sur lui des échantillons de cette terre des martyrs dont il souhaitait faire présent au Pape. C’était des grains de terre, directement rapportés de ce lieu de terreur où, à certaines périodes, on avait fusillé chaque nuit des condamnés qui n’étaient coupables que d’avoir cru en l’homme et en Dieu. Jorge Valls gardait intact le souvenir de ce martyrologe et ne pouvait trouver meilleur destinataire que cet homme de Dieu qui se faisait partout dans le monde le défenseur de l’homme. Jorge Valls sut trouver les mots et le Pape sut les entendre de cette manière unique qui est le propre des entendants de Dieu. Déjà vingt ans ont passé, mais rien ne s’est effacé de nos mémoires. Dans son exil américain, à quoi le condamnent les obstinations rancunières de Castro, Jorge Valls demeure en souffrance. A distance, mais avec non moins de douleur, il a sans doute vécu la mort du Pape qu’il tenait pour une s DOSSIER par Robert MASSON ouffrent * Irina Alberti fut secrétaire de Soljénitsyne au temps de son exil, puis directrice de l’hebdomadaire "La Pensée russe" à Paris. © ETIENNE VILLEMAIN figure de ce temps. L’évocation des grandes heures de ce pontificat nous renvoie à ce que nous avons nous-mêmes partagé, dans ce journal pour commencer. La vue des foules à Wadovice ou à Cracovie, nous rappelait les grands actes de la foi dont la Pologne fut capable. Le feu n’est pas retombé et c’est bien celui dont le Christ nous parle dans l’Evangile. Quelques-uns de ces grands témoins qui ont éclairé notre route dans ce quart de siècle, qui fut le temps de Jean-Paul II, nous manquent désormais. Irina Alberti par exemple, qui fut à sa façon une mère pour les dissidents de ce qu’on appelait encore l’URSS. Jean-Paul II, qui ne se trompait pas dans le choix de ses conseillers, eut souvent à lui faire appel. Que de fois, l’ai-je entendu me dire : "Nous avons avec ce Pape un saint et nous ne le savons pas." Les foules pour leur part savaient à quoi s’en tenir. L’immense ferveur de la place Saint-Pierre ces derniers jours, alors que Jean-Paul II en était à souffrir son agonie, montait vers le ciel jour et nuit dans une sorte d’action de grâce. Qui aurait pu penser, il y a vingt-cinq ans, que le Pape laisserait derrière lui autant de multitudes en pleurs ? Les plus petits une fois encore en précèdent bien d’autres dans cette cohorte de la reconnaissance. Une maman à Tours doit se souvenir de ce pape. Elle l’avait vu soudain s’arrêter à sa hauteur. L’inespéré pour cette femme qui tenait en ses bras son enfant trisomique, dans l’espoir improbable de voir le Pape poser le regard sur elle. Mais il y avait tant de monde. Pas suffisamment toutefois pour le distraire de cette maman en peine. Le Pape qui savait voir avait pris l’enfant dans ses bras, avait béni la maman et lui avait dit : "vous êtes plus grande que moi". Est-ce si étonnant que tant de gens se soient souvenus de ce pape à l’heure de sa mort ? ■ FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 13 DOSSIER PROSPECTIVE POLITIQUE Plaidoyer pour un Au moment où paraîtra ce journal, on sera à quelques jours seulement de l’élection du nouveau Pape. Celle-ci obéit à des considérations purement spirituelles. Les enjeux internes sont immenses. Il s’agit d’abord de l’Eglise, de son organisation, de sa doctrine. Cependant, il n’est pas interdit d’évaluer les conséquences politiques externes d’une telle élection... es cardinaux du précédent Conclave n’imaginaient sans doute pas que le mur de Berlin allait tomber et le communisme s’effondrer au Centre et à l’Est de l’Europe dix ans plus tard. La preuve : leur premier réflexe deux mois plus tôt avait été d’élire le patriarche de Venise. Le Conclave d’avril 2005 aurait donc tort de vouloir cette fois penser géopolitique à échéance de dix, quinze ou vingt ans. Les bonnes causes abondent : vouloir anticiper l’évolution de l’Islam ou celles de la Russie ou de la Chine serait légitime. Le choix néanmoins n’est pas géographique, mais religieux. Il est de la Personne au plus haut sens du mot. Ceci étant posé, pour ce qui est des enjeux internationaux, l’on peut penser à une continuité que l’on peut qualifier de "littérale" : l’Europe, le rapprochement judéo-chrétien, étant les deux lignes d’action principales, qu’on pourrait qualifier de stratégiques, du pontificat qui vient de s’achever. Ou bien comme on l’a répété à satiété : passer au "Sud", prendre acte du décentrement de l’Eglise. Bien entendu nul mieux que Jean-Paul II n’avait aussi incarné ce second axe tout aussi stratégique. On peut imaginer que son successeur reprendra ces deux orientations, mais la question qui mérite d’être posée est celle de savoir d’où celles-ci seront conduites ? La réponse est évidente : depuis Rome. Mais par des Italiens, L 14 FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 La Maison Blanche a d’ailleurs tout de suite compris l’importance du Conclave Pape d’autres Européens, ou le moment n’est-il pas venu, du fait même de l’universalisation de la Curie, de confier les clés à un évêque, tout aussi catholique et romain, mais d’un autre continent ? L’Eglise n’est pas une organisation internationale au sens des Nations Unies, de la Banque Mondiale ou de l’OMC. Elle n’est pas liée par les majorités. 43% des catholiques vivent en Amérique latine contre 25% en Europe. C’est un facteur mais qui ne lie en aucune manière le Conclave. Un pape d’Amérique latine réussirait-il à enrayer le déclin du rôle de l’Eglise dans le sous-hémisphère mieux que le pape polonais a pu résister à l’érosion de la pratique dans son propre pays ? Le déclin religieux en Europe sera-t-il accéléré si le Pape n’est plus un Européen ? Ces questions à la lettre n’ont pas de sens. Il est néanmoins un facteur qui, si l’on pense mondialement, doit être pris en compte : le rôle dirigeant des Etats-Unis dont le quart des habitants est catholique. Une réelle influence sur le cours de l’Histoire passe par le positionnement de l’Eglise face à Washington. La Maison Blanche a d’ailleurs tout de suite compris l’importance du Conclave. Les réactions du président Bush doivent être interprétées essentiellement à la lumière de cette prochaine échéance sur laquelle il veut naturellement peser. C’est une chance unique qui s’offre à lui et il ne faut pas compter qu’il la laisse passer sans rien tenter. Bien sûr il ne peut rien. Il a néanmoins pour effet d’empêcher tout cardinal des Etats-Unis d’être élu. On sait qu’il en est au moins un de parfaitement plausible : le cardinal George de Chicago. Mais celui-ci se retrouverait dans une situation intenable comme Wojtyla face au gouvernement communiste polonais de 1978. Il ne pourrait pas ne pas critiquer son pays – George est un des critiques les plus acérés du "modèle américain" – et serait dénoncé comme anti-patriote. Il est néanmoins essentiel de se positionner par rapport à ce modèle en voie de mondialisation. La plus proche alternative à Chicago serait soit le Mexique, mais avec le risque d’être "trop près des Etats-Unis" (s’il est moins loin de Dieu désormais), soit de préférence l’Amérique centrale, où s’im- DOSSIER Sud -Américain © ETIENNE VILLEMAIN par Yves LA MARCK pose l’archevêque de Tegucigalpa, une sorte de Cracovie ou de Wadowice des Caraïbes, la capitale du Honduras, petit pays d’environ sept millions d’habitants dont 80% vivent sous le seuil de pauvreté. Mgr Rodriguez Maradiaga est l’un des plus récents cardinaux nommés par le Saint-Père (promu en 2001), qui fut président de la Conférence des évêques de l’Amérique latine (CELAM) jusqu’en 1999 et est bien connu à Rome. Salesien, Maradiaga s’est fait connaître internationalement grâce à la campagne sur la dette des pays pauvres. Le domaine de l’économie est certainement un des nouveaux terrains prioritaires de l’évangélisation. Si le président Bush peut nommer Wolfowitz président de la Banque Mondiale, pourquoi pas Maradiaga au Siège de Pierre ? Faire un nouveau saut qualitatif ? Le Conclave est-il prêt à faire un nouveau saut qualitatif ? Les probabilités d’un pontificat de transition, certains disent de pause, autour d’un candidat de "compromis" sont plus fortes de la part d’un Sacré Collège écrasé par l’immensité du pontificat de Jean-Paul II et la responsabilité qui incombe à ceux qu’il a lui-même nommés de défendre l’héritage plutôt que d’avoir à engager l’après-Wojtyla. Or il ne s’agit pas tant de lui que de l’institution, moins du passé que de l’avenir. Et il n’est pas interdit d’avoir de l’imagination. En tout état de cause, nous ne comptons pas assez avec l’Amérique latine. Saisissons cette mise en lumière de l’Eglise sud-américaine pour redécouvrir un continent qui nous est pourtant si proche. ■ FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 15 DOSSIER ACTIONS DE GRACES Le Pape de la géné par le Père DANIEL-ANGE Nous voici orphelins ! Nous pleurons et nous débordons d’action de grâces, pour tout ce qu’il nous a donné au long de ces années fantastiques où il a été notre berger, notre prophète, notre père après nous avoir appris à vivre, il nous a appris à souffrir et mourir. I Il commence enfin son évangelisation l vient de vivre sa Pâques au-dedans de la fête tous azimuts © ETIENNE VILLEMAIN même de Pâques : dans la nuit octave de la nuit pascale. Un premier samedi du mois : Fatima : après avoir grandi toute sa vie dans le sein de Marie ; le voilà né dans ses bras, et par Elle offert au Père. Et, troisième coïncidence bouleversante : en la fête de la Miséricorde qu’il avait lui-même instituée. En le jour même de Marie, et le diocèse de Cracovie a été le premier diocèse du monde à célébrer la fête du Cœur de Jésus, il part avec sa petite Faustina. Son dernier acte : suivre la messe. Il entend saint Pierre : sans l’avoir vu, vous l’avez aimé, sans le voir encore vous tressaillez d’une joie indicible et maintenant, vous recevez la couronne, l’aboutissement de votre foi ! Son ultime évangile entendu : le Cœur ouvert et glorieux … et voici que, c’est après la Pâques de Jésus que son cœur s’ouvre : des torrents impétueux d’eaux vives déferlent sur le monde, un gigantesque tsunami d’amour et de grâces. Une lame de fond de vie divine balaye la planète. A la stupeur de tous, voilà manifestée sa paternité universelle. Jamais dans toute l’histoire, un homme n’a été autant vu et finalement aimé. La planète est en larmes. Signe qu’il commence enfin son évangélisation tous azimuts. Il rassemblait des millions, ces jours-ci , il bat tous les records : des milliards ! Tout ce qu’il a fait sur terre n’était que les prémices. Comme Thérèse, c’est maintenant qu’il commence vrai- 16 FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 DOSSIER ration Jean-Paul II ment sa mission, sans plus de contrainte de temps, d’espace, de limites physiques. Il est totalement libre en Dieu, d’être aussi partout avec chacun. Ces jours-ci, des gens par dizaines de milliers se tournent vers Dieu. Les gens se pressent jour et nuit dans les églises. C’est une immense veillée de prière non stop autour de son corps. A peine mort, le voilà plus vivant que jamais ! Pentecôte sur le monde Donne ton sang et reçois l’Esprit : il a donné tout son sang et par ce sang mélangé à celui de l’Agneau, il répand à flots l’Esprit (voir mon article dans France Catholique n° 2943 du 10 septembre dernier sur les larmes de Pierre et sur le pape silencieux). Il vient de signer toutes ses paroles, de sceller toute sa vie par ces 4 cris : son sang, ses larmes, son souffle… son silence. Tout semblait achevé, accompli, et voici l’ultime cri : son cœur ouvert qui déjà contenant le monde, et maintenant s’épanche sur ce monde qu’il a tant aimé. Vous les jeunes, c’est l’unique pape de votre vie. Il a engendré votre génération. Vous êtes le plus fabuleux cadeau qu’il a fait à l’Eglise : cette génération Jean Paul II qui va changer le monde parce que vivant de son héritage. Vous êtes les enfants de ses larmes, souffrance, prière, de sa passion apostolique. Vous en êtes fiers, et heureux : vous en serez dignes. Vous serez à la hauteur de ce qu’il laisse entre vos mains. Il a été pour vous, pour nous, l’icône vivante du Père du ciel. Bien plus : son sacrement : le signe visible et tangible de la tendresse du Père invisible. Comme l’a été Joseph pour Jésus adolescent et jeune. Qui le voyait, voyait le Père. Et dans une génération sans repère, et si peu de vrais pères, il a été le repère par excellence parce que vivant pleinement sa paternité : faisant toujours appel au meilleur de vous-mêmes, le détectant, l’éveillant et le donnant au monde. Personne n‘a eu un regard prophétique comme lui sur chacun. Vous les jeunes, c’est l’unique pape de votre vie Et voici, il vient de basculer dans votre monde. Il n’a plus 84 ans depuis samedi soir…. Il a 18…25 ans. Il est entré dans l’éternelle jeunesse de Dieu ! Il n’est plus dans votre passé chronologique (né avant vous), il vous devance dans votre avenir chronologique, nous allons vers lui. Il nous attend. Nous le retrouverons au ciel. Imaginez la fête au ciel : ces milliers de bienheureux et de saints béatifiés et canonisés, dansant avec lui : Gianna Molla, Térésa, Pierre Giorgio, les enfants de Fatima, et tous, tous…. Nous allons vivre une nouvelle relation d’intimité avec lui comme jamais avant. Comment ne pas exulter ? J’ai eu la grâce de vivre ces jours immenses avec les jeunes de Ressuscito à Versailles : 55 heures quasi non stop d’adoration. (Deux nuits et demie), de louange et d’enseignements sur lui, une ferveur paisible, douloureuse et joyeuse en même temps. Après l’annonce, silence absolu, larmes , puis une explosion d’ovation non stop devant Jésus et devant sa photo . Encore ceci, plus personnel : Jean-Paul II a marqué au fer rouge et l’Église et le monde pendant plus d’un quart de siècle. Le tiers de la phase terrestre de mon existence, je l’ai vécue au jour le jour avec lui. Je me suis essoufflé à courir derrière lui, tant son rythme a été marathonien, celui d’un entraîneur. Événement après événement, nous réservant surprise sur surprise, son "tempo" est époustouflant. (1) Personnellement, je n’ai cessé de me nourrir des innombrables textes, dont j’ai lu la majeure par- (1) Pour s’en convaincre, il suffit de dévorer comme j’ai pu le faire, les mille huit cents pages des deux sommes – bientôt des classiques – de Georges Weigel (biographie à laquelle le Pape lui-même a activement collaboré) Jean-Paul II, témoin de l’Espérance (Lattes 1999) et Bernard Lecomte, JeanPaul II (Gallimard 2003). (2) Quatorze Encycliques. Quarante et une lettres apostoliques. Treize exhortations apostoliques. Vingt-huit Motu proprio. Trois mille trois cents discours. Mille discours d’audience. Une autobiographie. Un livre-interview. Un recueil de poèmes. Le tout totalisant Quatre-vingt mille pages en cinquante-quatre tomes – dans les premières années : quatre mille par an c’est-à-dire sept fois plus que Pie XII et deux fois plus que Paul VI – cela uniquement pour son pontificat. Donc sans compter tous ses écrits de la période Cracovienne ! FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 17 DOSSIER Vous allumerez le feu dans le monde entier Comment ne pas en tressaillir de joie sous l’action du Saint-Esprit ? (Lc 10). En rendre grâce au Seigneur qui, par ce pauvre et ce petit par excellence, a révélé – non à ceux qui se croient savants et puissants – mais aux tout petits, les secrets de son Royaume, c’est-à-dire les trésors de son Cœur ? Jean-Paul II, lors de son extraordinaire homélie pour la consécration de la basilique de la Miséricorde à Krakow, le 14 août 2002, a osé citer le Seigneur confiant à sainte Faustyna Kowalska : "J’aime particulièrement la Pologne, et si elle obéit à ma volonté, je l’élèverai en puissance et en sainteté. D’elle sortira l’étincelle qui préparera le monde à mon ultime venue". (3) Pour moi, cette étincelle, c’est le petit KarolLolek, de Katowice. N’a-t-il pas réalisé ce mot de Catherine de Sienne, qu’il lançait aux deux millions de jeunes du monde entier massés à Tor Vergata, au cœur du grand Jubilé 2000 : "Si vous êtes ce que vous devez être, vous allumerez le feu dans le monde entier". Cette étincelle, il l’a été. Ce feu, il l’a allumé. Parce que d’abord, il s’en est laissé brûler. Laissons-nous brûler à notre tour… ■ (3) Petit journal – Paris 1997 – p. 568. © BERTRAND DUMAS-DE MASCAREL tie, de ce véritable Docteur de l’Église. (2) Au cours de vingt-quatre années de "virées apostoliques" dans plus de quarante pays, j’ai eu la joie de retransmettre à des foules, dans d’innombrables rencontres (de parents et d’éducateurs, de prêtres et de séminaristes, d’étudiants et de lycéens surtout) l’essentiel de sa pensée. Dans chaque pays visité, en " piqûre-rappel " je citais les discours qu’il y avait prononcés, m’ayant précédé un peu partout. Dans d’autres pays, comme au Kazakhstan, c’était au contraire la joie, de préparer sa venue auprès des jeunes. En fait, ma période de vie apostolique coïncide exactement avec celle de son pontificat. Sa pensée a donc illuminé la mienne, sa parole a fécondé la mienne. Ses actions ont stimulé les miennes. J’ai vibré intensément à tout ce qu’il disait, enseignait, clamait, avec tant de force. Bien plus profondément ma prière n’a cessé de s’unir à la sienne. Il a été et demeure mon maître. J’ose parler d’une véritable communion d’âme et de cœur. Il a été et demeure mon père dans l’Esprit. Pour terminer, j’avouerai, sans la moindre hésitation que Jean-Paul II est pour moi un des plus grands génies humains de tous les temps, et un des plus grands saints de toute l’histoire de l’Église, et parmi les papes sûrement un des plus grands et des plus saints. De plus, un des très grands Docteurs de l’Eglise. 18 FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 DOSSIER PATERNITÉ Pourquoi, sont-ils par le Père Michel GITTON des millions ? Les images, chaque jour plus frappantes, plus émouvantes, qui nous parviennent de Rome et du monde entier attestent l’étonnant impact de ce pape polonais, qu’on avait cru au départ si décalé par rapport aux attentes du monde d’aujourd’hui. eaucoup de choses ont été dites déjà sur les raisons de cet extraordinaire respect qui enveloppe à présent le souvenir du Pape Jean-Paul II. Son rôle providentiel au moment où le monde sortait de la guerre froide, son engagement courageux pour les droits des minorités et des cultures, son ouverture à Israël, ses rappels de la dignité de l’amour humain, et tant d’autres choses suffiraient sans doute à faire de lui une des figures marquantes du XXe siècle. Mais je ne suis pas sûr que ce soit là la raison profonde de l’attachement que lui vouent tant d’hommes et de femmes si différents par la culture, la nationalité ou l’âge. Ce qu’en lui beaucoup ont trouvé, pour la première fois peut-être, c’est un père. Quelqu’un qui n’avait pas à se justifier d’intervenir dans la vie des individus et des peuples, quelqu’un qui n’avait pas à se demander si son message passait, tout simplement parce que Dieu l’avait envoyé pour cela : aider cette pauvre humanité à échapper à ses démons et à développer les possibilités qui sommeillent en elle, et qu’il le faisait de tout son cœur, jusqu’à la limite de ses forces. Il suffit de relire n’importe lequel de ses textes - et Dieu sait qu’il en a écrit et prononcé ! -, pour voir cette manière de parler franche, directe, qui suppose un interlocuteur que l’on respecte, mais à qui on veut apporter une lumière, un encouragement, un avertissement. Nulle crainte apparente, nul complexe, pas de retour sur soi, même s’il y a beaucoup d’humilité finalement dans cette manière d’aborder les autres. B Jean-Paul II a su vieillir à la barre de l’Eglise La paternité de Jean-Paul II a été tout de suite ressentie par les jeunes, ceux qui ont le plus souffert de l’effacement de toute vraie paternité dans le contexte du monde occidental des années d’après 68. L’ami exigeant qu’il prétendait être a tout de suite trouvé le chemin de leur cœur. Pourtant nul moins que lui n’a pratiqué la démagogie, les appels étaient directs, mais, en osant proposer un christianisme sans concession et quelquefois héroïque, il savait rejoindre l’élan profond de l’être humain que n’ont pas encore étouffé les scepticismes et les cynismes de la vie. La confiance qu’il faisait à ces milliers de jeunes venus l’entendre était à la mesure de son exigence et les fruits ne sont pas près de disparaître. Jean-Paul II a su vieillir à la barre de l’Eglise et cela aussi était une leçon : on n’est pas père pour une décennie, on l’est jusqu’au bout ou on ne l’est pas. Malgré l’épreuve qu’ont représentée pour lui le déclin de ses forces physiques et la dégradation de son image extérieure, il a persévéré dans son rôle de père et de grand-père. Il n’a pas cédé à la revendication de beaucoup qui, voyant dans l’Eglise une administration à peine différente des autres, auraient voulu qu’il se retire plus tôt pour laisser la place à un titulaire plus performant. Le risque était grand sans doute, mais la leçon est à la mesure du pari : l’Eglise est apparue, grâce à son courage, comme ce qu’elle est en vérité : un ensemble de rapports humains, où la gestion des choses n’est qu’une conséquence, nécessaire mais secondaire, alors que compte avant tout ce lien d’homme à homme qui unit tous les membres de la famille de Dieu depuis le Pape jusqu’au plus récent des fidèles. Nous avons perdu un père, mais le propre d’un vrai père, c’est qu’il est source de maturité pour ceux qu’il a élevés ; loin de les étouffer, il leur a fait don de cette force qui l’habite, pour qu’ils soient pères à leur tour. Il est encore trop tôt pour voir comment l’influence de Jean-Paul II a renouvelé les plus hautes instances de l’Eglise. Mais dans l’expérience du vide immense qu’il laisse, soyons sûrs que l’Esprit Saint veille et, si nous pouvons être certains qu’il n’y aura pas un autre Jean-Paul II, il y aura ceux qu’il a entraînés, éveillés, et conquis pour le Christ, et qui seront les pères de demain. ■ FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 19 ESPRIT En mémoire des jours Le cri des pauvres Par Robert Masson ’est peut-être l’un des plus beaux textes qu’on ait pu lire sur l’Eucharistie, en cette année qui lui est consacrée. Il a paru dans La Croix ce dernier Jeudi Saint (1) , où l’on revivait les ultimes instants de Jésus parmi les siens. Ce moment où “ayant aimé les siens, il les aima jusqu’au bout”, nous précise l’Evangile. Alors même que le Père a remis toute chose entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu, et qu’il va vers lui, Jésus le Maître et Seigneur se lève de table, et ceint du tablier de serviteur, se met à laver les pieds de ses disciples. A la stupeur de Pierre : “Toi Seigneur, me laver les pieds !” Comment ne pas comprendre l’étonnement de Pierre, qui demeure probablement le nôtre ? Jusqu’alors, et encore maintenant, c’étaient les esclaves, qui lavaient les pieds de leurs maîtres. L’auteur du texte dont je parle sait de quoi il s’agit. Il est lui-même l’évêque d’un vaste diocèse qui a l’étendue du Portugal, aux limites de la Bolivie et du Brésil. Autant de lieux de notre univers, qui ne sont pas en conformité avec le dessein divin sur sa création. Sinon, y aurait-il autant de misères auxquelles on ne saurait s’ha- C bituer ? Certes, et c’est parole d’Evangile, il y aura toujours des pauvres parmi nous. Mais le Christ n’a pas parlé de misère, qui est circonstance aggravante, pour notre condition humaine. L’Eglise, en cette contrée du monde, ne s’y trompe pas. Elle se veut à l’image de cet évêque d’Amazonie. Servante et pauvre, elle l’est au niveau le plus essentiel, qui est précisément celui de l’Eucharistie. Don Géraldo Verdier, tel est son nom, a la charge de 400 communautés chrétiennes, qui se réunissent sans prêtre, tous les dimanches. Dénuement s’il en est, et dont l’évêque prend encore plus conscience, alors qu’il visite l’une de ces communautés, tout près de la frontière avec la Bolivie. Trois fois par an seulement, les chrétiens de l’endroit peuvent espérer la visite d’un prêtre, astreint lui-même à une vie d’itinérance, qui en fait une sorte d’intermittent, pour répondre aux attentes de ces chrétiens esseulés, et qui le sont encore plus quand le bateau s’éloigne des rives où ils vivent. Une interrogation déchirante s’élève chaque fois où, la mort dans l’âme, Mgr Verdier doit laisser repartir des prêtres qui ne peuvent être que de passage. Le cri des pauvres monte alors jusqu’aux cieux, pour dire l’état d’abandon de ce peuple, qui ne se fait pas prier pour aller à la messe quand par bonheur un prêtre passe, trois fois par an... De quoi nous donner à réfléchir, nous qui ne semblons guère éprouver l’absence de l’Eucharistie pour ce qu’elle est : “un drame, une misère, au sens plein du mot”. Parce que nécessité fait loi, ce petit 20 FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 peuple d’Amazonie fait face de son mieux. L’actuel évêque du lieu souligne le rôle de ceux qu’on appelle là-bas des ministres de l’Eucharistie. C’est toute la grâce de ces communautés dites de base, qui ont su se montrer inventives, pour ce qui est précisément de l’Eucharistie. Chaque mois, des hommes qui ont une haute conscience de leur mission, se rendent avec les moyens du bord, en autobus, en moto, à bicyclette, à pieds parfois, pour chercher avec beaucoup de respect, des hosties consacrées. De retour à la communauté, ils réunissent les familles, habituellement le vendredi soir, pour une veillée d’adoration devant le Saint Sacrement, en préparation à la communion du lendemain. Cette heure d’adoration, ce sont les chrétiens de là-bas qui en ont eu l’idée, souligne Don Géraldo Verdier. Heureuse surprise, écrit l’évêque, qui voit dans cette initiative et dans cette ferveur eucharistique, la preuve que ce sont les pauvres qui nous évangélisent. Quand il fut nommé évêque, Mgr Verdier reçut confidence d’une remarque de frère Roger, son ami, le prieur de Taizé : “Faites attention, de ne pas blesser les pauvres dans l’expression de leur foi.” Leur nouvel évêque ne risque pas de blesser la foi de ces pauvres qui ont tellement à nous apprendre. Le problème c’est de pouvoir répondre à la demande. C’est particulièrement criant dans le cas du sacrement de la réconciliation, où il n’y a pas toujours des prêtres pour entendre ceux qui désirent se confesser. Là encore, avec une ferveur dont nous n’avons plus forcément idée. Ce n’est pas là-bas qu’on rêve d’une Eglise sans prêtres. Un homme qui était sur le point de mourir suppliait un chrétien de son entourage : “Permets que je te dise mes péchés, tu les prendras dans ta main, tu les confieras à un prêtre, qui pourra alors me donner l’absolution, même à retardement.” A l’écoute de cet évêque des lointains, on a le sentiment de se retrouver aux premiers temps de la foi. Quand tout commençait dans un élan de Pentecôte. Ici, en Amazonie, relève Don Géraldo Verdier, après soixante ans d’efforts, des vocations sacerdotales apparaissent. Des prêtres autochtones forment le clergé local. La prière de ces chrétiens, leur faim eucharistique, ne resteront pas vaines. Sans parler du sang des martyrs qui féconde ces terres. C’est en ces contrées amazoniennes que Sœur Dorothy a payé de sa vie sa fidélité à l’Evangile, et spécialement au sermon sur la montagne : “Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, ils verront Dieu.” Pour construire le Royaume, écrit cet évêque, le Seigneur souhaite des êtres libres, des chrétiens capables d’aimer, et de soutenir les causes les plus nobles, les plus justes, celle des Indiens et des enfants de la rue, des migrants, des laissés pour compte. Tous ceux auprès desquels on retrouve Jésus en tenue de service. Ils l’ont compris, ceux qui le reconnaissent dans les plus petits d’entre les siens. C’est encore une parole d’Evangile, elle nous jugera tous, à l’ultime de nos jours. ■ (1) La Croix, jeudi 24 mars 2005 Johannes Paulus Magnus L es images des obsèques de Jean-Paul II nous ont tous remués. D’abord en raison de la grandeur du personnage. Cet homme aux stigmates invisibles a attiré une assistance qui ne s’était pas seulement rassemblée place Saint-Pierre, mais partout dans Rome et dans le monde. Même les chaînes des pays arabes ont retransmis la cérémonie. Ensuite, les ornements rouges des prélats, le vent qui soufflait, donnaient à cette cérémonie hors du commun un air de Pentecôte, comme si l’Esprit Saint confirmait l’œuvre de Dieu accomplie à travers ce pape du IIIe millénaire, tout en laissant entendre que le monde devra puiser longtemps encore dans la parole prophétique de ce pasteur hors normes. En de pareilles obsèques, on s’attendait bien évidemment à voir des mantilles et des cravates noires portées par les grands de la scène internationale, qu’ils soient élus ou couronnés. Mais des kéfis ? C’est dire qu’il faudra des années pour évaluer l’impact du charisme diplomatique de Jean-Paul II. Des gouvernants opposés entre eux, parfois jusqu’au conflit armé, se sont recueillis quasiment côte à côte devant la dépouille d’un homme qui n’eut de cesse d’annoncer que seule la paix est le chemin qui conduit l’humanité à la liberté. Tout aussi inédit le fait que tant de chefs d’État, habitués à se rencontrer selon un ordre ultra protocolaire, soient placés par ordre alphabétique. À quoi pensaient-ils, devant la dépouille du Saint-Père ? Aux limites de leurs ambitions humaines ? À leur propre finitude, tout-puissants soient-ils aujourd’hui ? Peut-être tout cela à la fois. Dans son homélie, le cardinal Ratzinger a insisté sur l’itinéraire de foi et d’abnégation du Saint-Père qui, à l’exemple de l’apôtre Pierre, a suivi le Christ jusqu’au bout. Avant que la dépouille mortelle du Saint-Père ne franchisse une dernière fois le seuil de la basilique pour reposer dans la crypte, c’est par une ovation d’action de grâces que la foule a salué la fidélité de son pasteur et père. Certains médias s’interrogent pour savoir comment le futur pape gérera l’héritage de Jean-Paul II sans courir le risque de voir son action sans cesse comparée à celle de son prédécesseur. La "vox populi" a déjà donné la réponse : "Santo ! Santo ! Santo subito ! Saint tout de suite !" ont déjà scandé à plusieurs reprises les fidèles. L’humanisme de Jean-Paul II, sa pensée, sa foi, son abnégation, sa charité pastorale, se récapituleraient donc dans la sainteté. La "vox Ecclesiae" confirmera-t-elle ce que la "vox populi" exprime depuis le 2 avril ? On peut en tout cas commencer d’appeler Jean-Paul II Johannes Paulus Magnus. Dom Ludovic LECURU LA CEREMONIE J'étais à Rome au Circus Maximus (par Marie-Gabrielle Leblanc) L'aube blanchit sur le Circus Maximus. Les formes humaines anonymes, roulées dans leurs couvertures, commencent à bouger. Sortent des sacs une sœur des Béatitudes, un scout, un soldat polonais (touchant, ce groupe de militaires polonais en treillis), un frère de Saint Jean, un franciscain, une dame chic en jean froissé, le directeur de Radio NotreDame, une missionnaire de la Charité, une dame tchèque, etc. Nous ne saurons jamais combien nous étions vraiment à Rome aux obsèques de Jean Paul II : la presse italienne dit 5 millions, les médias français un million (ce dernier chiffre paraît très insuffisant étant donné qu'il y avait déjà 700 000 Polonais rien qu'à Tor Vergata). Nous étions plusieurs dizaines de milliers au Circus Maximus. Partout claquent les drapeaux polonais avec le ruban noir. On a vraiment de la peine pour eux, doublement orphelins. Mais aussi des drapeaux croates, slovaques, belges. Les portables ont du bon : après 2 SMS, je retrouve Mateusz, mon ami polonais de Varsovie - un jeune peintre d'art sacré. Il est intéressant de voir qui s'est secoué en France pour aller à Rome : pas les diocèses (on répondait au téléphone "Comment voulez-vous qu'on organise quelque chose en si peu de temps?"), mais les communautés nouvelles (les deux trains spéciaux de l'Emmanuel) et une jeune agence, Ictus-voyages, qui se considère impliquée dans la nouvelle évangélisation (deux avions spéciaux organisés en trois jours pour 310 personnes). Mais en revanche, tous les âges, pas seulement des jeunes (dur, quand on n'a plus 20 ans, le réveil dans la rosée glaciale, après une non-nuit roulé dans une méchante couverture ou un sac de couchage), mais aussi des mères de grands enfants, des cheveux blancs. Notre doyen, un monsieur de 82 ans, professeur d'université honoraire, est enthousiaste : "On ne se pose pas la question de savoir s'il faut aller à la messe le dimanche, ou si ça ne suffirait pas de la regarder à la télévision. Ici c'est pareil ! Mes enfants m'ont dit qu'ils étaient fiers de moi." Parmi les prêtres et religieux, à part le Père Jacques Marin, toujours intrépide et infatigable, surtout des communautés nouvelles et des jeunes prêtres en col romain de la "génération Jean-Paul II". Ce qui domine, c'est que chacun de nous a une histoire personnelle à raconter sur le Pape, une relation particulière avec Jean Paul II. Un tel lui doit sa vocation, un autre son mariage, un FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 21 autre sa conversion. Christine Boutin, qui est avec nous, témoigne qu'elle n'aurait jamais eu le courage d'entrer dans l'arène politique si elle n'avait pas entendu le "N'ayez pas peur!". En partant pour Rome sans bagage, chacun d'entre nous avait une sensation de liberté : faire quelque chose de déraisonnable uniquement par amour, pour ce Père si aimé qui a tant fait pour nous. L'apogée fut, juste après la splendide homélie du cardinal Ratzinger, scandant les phrases italiennes de son accent bavarois, le coup de théâtre (auquel je m'attendais avec certitude) : partout se déploient des banderoles en polonais et italien "Santo subito" (saint tout de suite). Il paraît qu'au Vatican, la foule scandait au même moment "Woytila santo". C'est vraiment l'état d'esprit unanime ; on avait l'impression de retrouver la canonisation, par acclamation populaire spontanée, de saint François d'Assise. Pour terminer, voici mon souvenir préféré de Jean-Paul II (même si ensuite je l'ai rencontré plusieurs fois de près à Castelgandolfo avec de petits groupes) : je ne le partage qu'avec les quelques milliers de personnes qui étaient dans la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre avec Mgr Charles, en 1980 quand le Saint Père y est venu prier après la veillée avec les jeunes à Longchamp. Il arrive à près d'une heure d'une matin dans une basilique bondée où on l'attendait depuis des heures. Il remonte rapidement l'allée centrale de son pas gymnastique, comme aimanté par le Saint Sacrement exposé, les yeux fixés sur le Christ eucharistique, dégrafe son manteau rouge et le passe sans se retourner au Père Dziwisz qui le suit. Arrivé en bas des marches du chœur, il s'allonge de tout son long par terre sur le dallage en marbre, et reste en adoration, sans un mouvement, un bon quart d'heure. Jamais il ne paraissait si grand qu'ainsi prosterné devant son Dieu. Puis à deux heures du matin, il rentre enfin dormir, et sa voiture redescend de Montmartre par l'avenue Junot. Une jeune mère me racontera le lendemain qu'elle l'attendait en pleine nuit dans la rue déserte avec ses deux bébés, et lui fit signe au passage. L'apercevant, il a fait arrêter la voiture et a pris le temps de bénir les enfants. Une Foi immense, un "bloc de prière" et une grande tendresse : tel était notre Saint Père (ce mot si souvent prononcé prend maintenant tout son sens) Jean-Paul II le Grand. M.-G. L. 22 FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL Les messages que l’on reçoit en direct permettent une communion inédite et instantanée : il n’y a plus de temps (Apo.10, 6).Le 1er janvier 2005, le SaintPère avait parlé d’une "citoyenneté mondiale", elle s’est manifestée sous nos yeux. Pour ne prendre qu’un exemple, citons ici des amis orthodoxes russes dont certains avaient été les convives de Jean Paul II et se sont exprimés, comblant ainsi, à mes yeux, une certaine absence de leur Eglise le 8 avril. Voici trois témoignages : Nous sommes avec tous les catholiques durant ces jours difficiles. Ces jours, l’unité mystique de l’Eglise apparaît avec évidence. Nous nous sommes rassemblés ; un prêtre, vice–recteur de l’Académie théologique Serguev-Possad, pleurait en disant que le monde avait perdu "un grand Starets (Père spirituel). Plusieurs me téléphonent pour dire leur peine à la mort du pape. On regrette qu’il n’ait pas pu venir en Russie. Certes il y a d’autres opinions, mais aujourd’hui on ne les entend pas en Russie. Nous prions pour Jean Paul II, pour que le Seigneur l’accueil dans son Royaume. J’espère que le deuil et les larmes sont plus faibles que la joie pascale dans laquelle le Pontife nous a quittés. (Alexis Kozyrev, université de Moscou, MGU, professeur de philosophie). poétesse Olga Sédakova de l’université de Moscou, était aussi présente charmée d’avoir un si éminent lecteur. Voici enfin la réaction d’Irina, fille d’un ancien haut dirigeant du Parti communiste soviétique, elle devint orthodoxe à 18 ans et voyait en Jean-Paul II le Pasteur selon le Cœur de Dieu : Je ne trouve toujours pas les mots appropriés pour exprimer ma tristesse profonde et cet immense chagrin qui envahi nos cœurs et le monde entier devant la perte d'un Père, d'un guide qui avait tant d'amour pour tous ses frères en humanité. Personnellement j'ai l'impression d'être abandonnée…Je sais que le Bon Dieu ne va pas nous abandonner et il y aura bien sûr, je l'espère de tous mes vœux, une continuité, à partir du testament spirituel de Jean-Paul II , dans les futures actions de l'Eglise. Que cette continuité concerne aussi mon très ardent désir d'un rapprochement avec l'Eglise Orthodoxe qui en a tant besoin. Il faut, nous enseigne l’Evangile, que le blé soit jeté en terre pour fructifier. On peut attendre de la plus grande Eglise orientale des fruits que Jean Paul II aura semé dans les larmes et que d’autres moissonneront dans la joie. Il est question de faire de la fête de Notre Dame de Kazan la fête nationale en Russie, or ce jour correspond au 4 novembre du calendrier grégorien, fête de saint Charles (Karol). Dieu sait ce qu’Il permet. Voici maintenant un autre professeur, Konstantin Sigov, appartenant à l’Eglise orthodoxe du Patriarcat de Moscou, il est ukrainien et enseigne la philosophie à l’université Mohyla de Kiev (les lecteurs de “France Catholique” le connaisse bien ): Nous prions à Kiev avec vous pour Jean Paul II et répétons avec les pèlerins : SANTO SUBITO. Aujourd’hui c’est le grand jour de l’humanité unie, avec le visage purifié par les larmes. Il est impossible d’exprimer toute la profondeur de cette révélation de Pâques. Reconnaissance profonde et amour fraternel. Jean Paul II désirait tant se rendre en Russie, alors il invita de jeunes universitaires à sa table et, six années (19931998) de suite les membres d’une société Vladimir Soloviev (1853-1900), auteur cher à Jean Paul II, se retrouvèrent à ses côtés. Parmi eux Serge Avérintsev (1938-2004) qui fut si populaire dans le monde universitaire russe et qui décrivait Jean Paul II comme "Celui qui a le souci de tous". La Patrick de LAUBIER + 2005 MARCEL CLEMENT Marcel Clément, écrivain, professeur de philosophie, spécialiste de la doctrine sociale de l’Eglise, est décédé vendredi 8 avril. Il fut directeur du bimensuel catholique “L’Homme Nouveau” de 1962 à 1998. Ses obsèques ont eu lieu mercredi 13 avril en l'Eglise Saint-Ferdinand des Ternes de Paris (17e). La messe a été dite par Dom Antoine Forgeot, père abbé de Notre-Dame de Fontgombault. PUBLICITE La cour d'appel de Paris a confirmé le 8 avril l'interdiction de l'affichage publicitaire des stylistes Marithé et François Girbaud, s'inspirant de La Cène de Léonard de Vinci, qu'avaient obtenue, le 10 mars, les évêques de France devant le tribunal de grande instance. L’homélie du cardinal Ratzinger De la fenêtre du Ciel, Jean-Paul II continue de bénir les foules : c’est l’image que le cardinal Joseph Ratzinger, doyen du collège des cardinaux, et en tant que tel président de la célébration, a laissée à la foule rassemblée place Saint-Pierre pour les funérailles de son ami Jean-paul II, vendredi matin. Une homélie au cours de laquelle le cardinal s’est ému à plusieurs reprises. Treize fois les applaudissements de la foule ont scandé ses propos. Il expliquait : « Il a interprété pour nous le mystère pascal comme mystère de la Divine miséricorde ». Rouge, deuil pontifical, rouge du collège des cardinaux rassemblés. Vent, brise de Pentecôte. Bois, de cyprès qui embrasse le corps du défunt, et où son blason est gravé : la croix et le " M " de Marie à l’ombre de la Croix. Autant de signes marquant la célébration de ces funérailles du siècle, sur le parvis de la basilique Saint-Pierre, sous l’effigie du Christ ressuscité. « Pour nous tous, disait le cardinal à la fin de son homélie, demeure inoubliable [applaudissements] la manière dont en ce dernier dimanche de Pâques de son existence, le Saint-Père, marqué par la souffrance, s’est montré encore une fois à la fenêtre du Palais apostolique et a donné une dernière fois la Bénédiction Urbi et Orbi. Nous pouvons être sûrs que notre Pape bien-aimé [applaudissements] est maintenant à la fenêtre de la maison du Père, qu’il nous voit et qu’il nous bénit [applaudissements]. Oui, puisses-tu nous bénir, Très Saint Père, nous confions ta chère âme à la Mère de Dieu, ta Mère, qui t’a conduit chaque jour et te conduira maintenant à la gloire éternelle de son Fils, Jésus Christ, notre Seigneur. Amen. » Le Cardinal a commenté la rencontre de Pierre et du Christ ressuscité dans l’Evangile de saint Jean et les trois appels de Karol Wojtyla, au sacerdoce, à l’épiscopat, au siège de Pierre. « "Suis-moi", dit le Seigneur ressuscité à Pierre; telle est sa dernière parole à ce disciple, choisi pour paître ses brebis. "Suismoi" – cette parole lapidaire du Christ peut être considérée comme la clé pour comprendre le message qui vient de la vie de notre regretté et bien-aimé Pape Jean-Paul II, dont nous déposons aujourd’hui le corps dans la terre comme semence d’immortalité - avec le cœur rempli de tristesse, mais aussi de joyeuse espérance et de profonde gratitude. » Il a alors salué "de façon particulière les jeunes", qui ont éclaté en applaudissements. Il a ajouté : « Les jeunes que JeanPaul II aimait définir comme l’avenir et l’espérance de l’Église ». Il a rappelé le premier appel de Karol Wojtyla : « Depuis qu’il était jeune étudiant Karol Wojtyla s’enthousiasmait pour la littérature, pour le théâtre, pour la poésie. Travaillant dans une usine chimique, entouré et menacé par la terreur nazie, il a entendu la voix du Seigneur : “Suis-moi”! Dans ce contexte très particulier, il commença à lire des livres de philosophie et de théologie, il entra ensuite au séminaire clandestin créé par le Cardinal Sapieha et, après la guerre, il put compléter ses études à la faculté de théologie de l’université Jagellon de Cracovie. Très souvent, dans ses lettres aux prêtres et dans ses livres autobiographiques, il nous a parlé de son sacerdoce, lui qui fut ordonné prêtre le 1er novembre 1946. » Puis vint le deuxième appel, que le cardinal Ratzinger résume ainsi : « Suis-moi ! En juillet 1958, commence pour le jeune prêtre Karol Wojtyla une nouvelle étape sur le chemin avec le Seigneur et à la suite du Seigneur. Karol s’était rendu comme d’habitude avec un groupe de jeunes passionnés de canoë aux lacs Masuri pour passer des vacances avec eux. Mais il portait sur lui une lettre qui l’invitait à se présenter au Primat de Pologne, le Cardinal Wyszynski et il pouvait deviner le but de la rencontre : sa nomination comme évêque auxiliaire de Cracovie. Laisser l’enseignement académique, laisser cette communion stimulante avec les jeunes, laisser le grand combat intellectuel pour connaître et interpréter le mystère de la créature humaine, pour rendre présent dans le monde d’aujourd’hui l’interprétation chrétienne de notre être – tout cela devait lui apparaître comme se perdre soi-même, perdre précisément ce qui était devenu l’identité humaine de ce jeune prêtre. » Le cardinal Ratzinger évoque cette vie toute donnée: « "Suismoi" – Karol Wojtyla accepta, entendant la voix du Christ dans l’appel de l’Église. Et il a compris ensuite jusqu’à quel point était vraie la parole du Seigneur : "Qui cherchera à conserver sa vie la perdra. Et qui la perdra la sauvegardera" . Notre Pape – nous le savons tous – n’a jamais voulu sauvegarder sa propre vie, la garder pour lui; il a voulu se donner lui-même sans réserve, jusqu’au dernier instant, pour le Christ et de ce fait pour nous aussi".» Le cardinal raconte ainsi l’élection au siège de Pierre : «"Suismoi !" En octobre 1978, le Cardinal Wojtyla entendit de nouveau la voix du Seigneur. Se renouvelle alors le dialogue avec Pierre, repris dans l’Évangile de cette célébration : "Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? Sois le pasteur de mes brebis !" À la question du Seigneur, Karol, "m’aimes-tu ?" l’Archevêque de Cracovie répond du plus profond de son cœur : "Seigneur, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime". L’amour du Christ fut la force dominante de notre bien-aimé Saint-Père; ceux qui l’ont vu prier, ceux qui l’ont entendu prêcher, le savent bien. Ainsi, grâce à son profond enracinement dans le Christ, il a pu porter une charge qui est audelà des forces purement humaines : être le pasteur du troupeau du Christ, de son Église universelle. » «"Suis-moi !" En même temps qu’il lui confiait de paître son troupeau, le Christ annonça à Pierre son martyre », ajoute le cardinal doyen. Et d’expliquer : « Dans la première période de son pontificat, le Saint-Père, encore jeune et plein de force, allait, sous la conduite du Christ, jusqu’aux confins du monde. Mais ensuite il est entré de plus en plus dans la communion aux souffrances du Christ, il a compris toujours mieux la vérité de ces paroles : "C’est un autre qui te mettra ta ceinture ...". Et vraiment, dans cette communion avec le Seigneur souffrant, il a annoncé infatigablement et avec une intensité renouvelée l’Évangile, le mystère de l’amour qui va jusqu’au bout.» Le Pape s’en est allé aux premières vêpres du dimanche de la Miséricorde. Le cardinal Ratzinger explique cette orientation de tout le pontificat, cette alchimie de l’amour : « Il a interprété pour nous le mystère pascal comme mystère de la Divine miséricorde. Il écrit dans son dernier livre la limite imposée au mal "est en définitive la Divine miséricorde ». Et en réfléchissant sur l’attentat, il affirme : « En souffrant pour nous tous, le Christ a conféré un sens nouveau à la souffrance, il l’a introduite dans une nouvelle dimension, dans un nouvel ordre: celui de l’amour [...]. C’est la souffrance qui brûle et consume le mal par la flamme de l’amour et qui tire aussi du péché une floraison multiforme de bien. » « Animé par cette perspective, le Pape a souffert et aimé en communion avec le Christ et c’est pourquoi le message de sa souffrance et de son silence a été si éloquent et si fécond », ajoute le cardinal. Il ne pouvait pas ne pas évoquer la Mère de Dieu : « Divine miséricorde : le Saint-Père a trouvé le reflet le plus pur de la miséricorde de Dieu dans la Mère de Dieu. Lui, qui tout jeune avait perdu sa mère, en a d’autant plus aimé la Mère de Dieu. Il a entendu les paroles du Seigneur crucifié comme si elles lui étaient personnellement adressées : "Voici ta Mère". Et il a fait comme le disciple bien-aimé : il l’a accueillie au plus profond de son être – Totus tuus. Et de cette Mère il a appris à se conformer au Christ. » L’homélie a été saluée par un long applaudissement : autant de gratitude pour cette évocation pleine de profondeur, de beauté, d’affection, en syntonie avec les sentiments de la foule, que de gratitude pour celui auquel il rendait ainsi hommage. ZF05040801 FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 23 ESPRIT Lectures de la messe du 17 avril 2005 IVème dimanche de Pâques : La Miséricorde ● C’est le "Dimanche du Bon Pasteur", mais chaque année la lecture de l’Evangile varie, car dans le chapitre 10 de Saint Jean, le thème est abordé de plusieurs manières. Nous avons cette année le début qui insiste sur la différence entre le bon pasteur et les voleurs qui cherchent à s’emparer du troupeau sans y avoir aucun droit. La différence se marque à deux traits : les intrus n’ont pas la clef de l’enclos, ils ne peuvent donc pas passer par la porte et ils entrent en escaladant la palissade, alors que le vrai berger, lui, entre par la porte ; les intrus se font remarquer à leur voix, ils n’ont pas la voix du pasteur, les brebis ne les reconnaissent pas. Dans les deux cas, Jésus se présente comme le bon pasteur parce qu’il intervient légitimement, il n’a pas à entrer par effraction, le cœur de l’homme a été fait par lui et pour lui. Il est chez lui dans l’héritage de son Père. Les brebis le connaissent parce qu’au fond de leur cœur sommeille l’image du Fils. Alors il peut les entraîner vers les verts pâturages. ● C’est encore l’image de la porte : non seulement Jésus passe par la bonne porte pour accéder à son troupeau, mais il est cette porte même, le point d’accès à notre humanité. Tous les leaders politiques ou religieux ont essayé de trouver le ressort qui fait fonctionner l’être humain. Seul Jésus tient en main la clef de notre vie, seul il est le point de passage qui donne accès à notre vie 24 FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 par Michel GITTON profonde. Seul aussi il ne l’exploite pas. Et en retour cette porte permet au troupeau de sortir, d’accéder au monde extérieur et d’y trouver sa nourriture. ● Saint Pierre, dans sa lettre, nous retrace l’"exemple" du Christ, qui nous est proposé "afin que nous allions sur ses traces ". Le berger fut d’abord (et en même temps) brebis muette, aux mains des tondeurs. S’il peut nous conduire, c’est parce qu’il a commencé par prendre le chemin du Golgotha, saisir tout le plus dur de notre condition humaine pour nous en délivrer. L’Agneau immolé est notre pasteur ! ● A la foule réunie le jour de la Pentecôte, le même Pierre retrace la destinée fulgurante du Serviteur devenu "Seigneur et Christ". L’effet ne tarde pas à se manifester : "que devons-nous faire ?". A travers la voix de son Apôtre, l’appel du Christ, du bon berger a touché le cœur de ces hommes dont beaucoup avaient souhaité sa mort. Sans rien forcer en eux, son appel retentit et se fraye un chemin jusqu’à leur cœur. Ils reconnaissent sa voix et lui ouvrent la citadelle. ● Jésus notre bon berger, notre beau pasteur, dit le texte, entraîne-nous à ta suite ! ■ NOUVELLE A LA MANIERE DE par Dominique de LAFFOREST Mémoires anciennes E “ pour l’édification des générations futures” lle avait eu si grande frayeur, la pauvre Antoinette, que l’on craignit qu’elle ne garderait point l’enfant. Trois jours durant, elle fut vomissant, pâle et sans voix. Le bon Etienne, son mary, ne lui ménageait pas sa peine, se tenant jour et nuit en la chambre, autant que lui permettait son ouvrage. Il avait heureusement dans ce temps là un commis des plus sages qu’il avoit passé des mois à bien former dans le droit et qui pouvait le remplacer en la plupart des affaires. Après quatre jours dans les alarmes les plus vives, Maître Pascal fit appeler la sage femme de Montpeyroux, laquelle étoit connue comme l’une des commères les plus avisées à l’entour. Elle étoit déjà fort avancée en âge mais elle se laissa convaincre ; au vu de l’insistance de Maître Pascal, elle consentit à monter en la voiture envoyée de Clermont, qui la conduisit auprès de notre pauvre nièce. Antoinette pensait mourir et déjà les suées couvraient son front, d’une pâleur de cire vierge. On laissa la commère. Elle fut un très long temps sans mot dire. On ne sçavait si le fruit des entrailles d’Antoinette étoit encore en vie, ou si le choc, la terreur ou le mal lui avaient été fatals. Auquel cas, il eût fallu l’extirper avant qu’il ne gâtât les organes de la mère. Or, Antoinette, pardessus tout, voulait que l’enfant vive. Et comment le pourrait-il, si elle se laissait choir dans la mort ? Elle tint bon, arc-boutée dans son vouloir, contre les forces qui cherchaient à l’agripper et saisir dans les crocs de la mort. Ah, l’admirable message qu’ils nous donnèrent à voir, ces deux époux luttant ensemble comme sur le rebord de la fosse où d’autres mères, moins fortunées qu’Antoinette durent descendre !... Le printemps vint, et puis l’été. Antoinette sentait venir le terme. Elle était fière, d’un côté, d’avoir triomphé de l’épreuve en hyver, mais d’autre côté, elle se sentait toute détachée, toute pauvre et libre devant la Providence qui l’avoit aidée à garder le fruit fragile qu’elle portait. Que serait l’enfant ? Porterait-il quelque marque du choc subi par sa mère ? Serait-il fait comme il faut, ou verrait-on au jour un petit être difforme ou affligé d’une infirmité sans remède ?... Toutes ces questions, Antoinette les retournait en sa Ah, l’admirable message qu’ils nous donnèrent à voir ! tête, dans ces jours où son terme approchait. Elle n’était point seule à y songer constamment : sa bonne mère, Messire Bégon son père, ses sœurs, y pensaient pareillement, et même la vieille Bathilde avait entendu Dame Bégon soupirer, un jour de mars, près de la fenêtre en regardant la neige tomber sur la rue Pré au Duc : "Ah ! Si ce petit là pouvait ne pas venir au bout, ce serait mieux pour Antoinette comme pour lui !..." Maître Etienne aussi portait de semaine en semaine le poids de ses questions. Si cet enfantserait ce un fils, serait ce une fille ?-allait venir inachevé ou porteur d’une tare affreuse ? Il faudrait l’accueillir. Et on l’accueillerait. Mais quel fardeau cela serait pour la famille ! Selon son habitude, Etienne Pascal s’en remettait à Celui qui fit le Ciel et la Terre. C’est Lui qui avait béni l’union d’Antoinette Bégon et de luimême, Etienne ; pourquoi douter que ce fût pour leur bien, et pour le bien du fruit de leur rencontre ?... Et le jour fut là. La vieille Berthe, pour la dernière fois sans doute, avait encore consenti à se faire transporter au chevet de la jeune Madame Pascal. C’était un privilège, dont Maître Etienne mesurait le prix : la bonne femme, du moins, saurait dire tout de suite si l’enfant serait viable, s’il était bien formé ou si quelque chose n’était point selon la nature. Et il fut là. C’était un garçon. On le prénomma Blaise, du nom de son parrain et aïeul. Maître Pascal, avec le soulagement que l’on pense, s’en alla le faire inscrire sur la page du registre que lui ouvrit Vénérable et discret Missire Bernard, en l’église Notre Dame de Clermont, ce jour de l’an de grâce dix neuvième de juin, mille six cent vingt trois, régnant en France le Roy Louis XIII, celui qui offrit le Royaume à la benoîte Vierge Marie. ■ Blaise Pascal aurait pu… ne jamais voir le jour. Il y a aujourd’hui 250 000 avortements annuels recensés dans ce même pays qui est le nôtre. Parmi ces 250 000 embryons condamnés tous les ans, combien de Blaise Pascal ?... Comment une nation qui tue "ses espérances" pourrait-elle prétendre à la paix ? Nous n’aurions peut-être pas eu Sœur Emmanuelle si Blaise Pascal n’avait pas existé… Cf. "Vivre, à quoi ça sert ?" de Sœur Emmanuelle avec Philippe Asso, Edition Flammarion 2004. FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 25 EGLISE OPUS DEI Encore la un habile “recylage de la mythologisation diabolisante de l’Opus Dei”. N’est-il pas consolant de se savoir un cas d’école connu au C.N.R.S. ? Il est pourtant triste de voir des gens se créer, souvent avec sincérité, une image fausse et stéréotypée de l'Opus Dei. S'il y avait dans l'Opus Dei, comme ils le croient, une recherche effrénée de pouvoir social, politique ou économique, et même religieux, je serais le premier à la dénoncer ! Mais le véritable but de l'Opus Dei est de promouvoir chez le plus grand nombre de personnes une vie authentiquement chrétienne, avec la spiritualité et le rayonnement apostolique qui en découlent. Ce message s'applique à toutes les situations de la vie : au milieu des joies et des peines, des espérances et des difficultés, seul ou en famille, que l'on ait une vie active, ou que l'on soit en recherche d'emploi ou à la retraite. Toute situation humaine est digne d'être sanctifiée, élevée vers Dieu ; et l'Opus Dei tâche d'aider ceux qui le lui demandent à vivre l'Évangile au quotidien, avec cohérence. L'abbé Antoine de Rochebrune est vicaire de la prélature de l'Opus Dei en France. Nous l’avons interrogé à l'occasion de la parution de plusieurs ouvrages dénigrant, plus ou moins violemment, la finalité et l'action de l'institution qu'il dirige. ■ L'Opus Dei a été malmené par différentes publications. Tout d'abord le “Da Vinci Code”, pour distraire en satisfaisant différents fantasmes, et maintenant un livre intitulé, “L’Opus Dei” publié chez Flammarion, à la suite d’une émission de Canal +, semble-t-il plus directement méchant. Quelle est votre réaction face à ces ouvrages ? Il n'y a pas lieu de réagir de manière disproportionnée. Que l'Opus Dei ne plaise pas à tout le monde, c'est compréhensible. Et cela ne me dérange pas car j'ai confiance dans le bon sens des lecteurs. Je note avec satisfaction que la publication d'un ouvrage ou d'un article à charge contre l'Opus Dei se traduit, à chaque fois, par une croissance des consultations du site Internet www.opusdei.fr, sans doute parce que chacun peut y trouver les réponses aux questions qu’il se pose. ■ Qu'est-ce qui vous gêne le plus dans les accusations formulées ? Ce qui me frappe le plus, c'est qu'aujourd'hui encore, certains voient dans l'Opus Dei une armée en ordre de bataille. Le très médiatique sociologue Pierre-André Taguieff, spécialiste de tous les “prêcheurs de haine” et notamment des complots antisémites, a été interrogé par l’hebdomadaire “Le Point” le 24 février dernier, à propos de la recette du succès de “Da Vinci Code”. Il y a notamment évoqué 26 FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 comp Toute situation humaine est digne d’être sanctifiée ■ D'après vous, quelles sont les raisons de ce décalage entre votre image et la réalité ? Certains peuvent avoir une vision “cléricale” de l'Opus Dei, ou imaginer que des personnes sont manipulées, orientées vers des buts opaques. Or la formation donnée dans l'Opus Dei pousse à l'initiative personnelle, en favorisant chez les fidèles la liberté et la responsabilité personnelle nécessaires pour que chacun vive l'Évangile de façon autonome. Lorsqu'un fidèle de l'Opus Dei, qui reste d’ailleurs un paroissien de sa paroisse, s'implique soit dans la vie de l'Église, soit dans la vie sociale, politique ou économique, il ne lui passe jamais par la tête qu'il le fait au nom de l'Opus Dei. ■ Des personnes ayant quitté votre prélature, ou des parents de jeunes membres s'inquiètent de possibles dérives sectaires... EGLISE propos recueillis par Paul CHASSARD lotite Sans vouloir les minimiser, ces réactions sont rares mais malheureusement inévitables dans la vie de toutes les institutions de l'Église : que ce soit par rapport aux séminaires, aux couvents, aux abbayes, aux communautés nouvelles etc. Il faut toujours y prêter attention et écoute. Il est normal que des parents s’inquiètent à une époque où les sectes sont actives. Il faut aussi que les jeunes évitent les maladresses à l’égard de leur famille, quels que soient les fossés d’incompréhension... Mais, vous savez, l'Église a deux mille ans d'existence, et l'Opus Dei existe depuis plus de 70 ans, avec des statuts connus, étudiés et approuvés par le Saint-Siège. Grâce à Dieu, dans l'Église, les choses sont bien faites pour assurer le discernement des vocations et éviter aussi tout abus d'autorité. Ainsi, le gouvernement de l'Opus Dei est collégial, et permet un contrôle sage de l'exercice de l'autorité. De plus, j'y insiste, personne dans l'Opus Dei ne vit en vase clos. Notre vie est dans la rue, au bureau, à l'université, dans la famille etc. Les fidèles qui s'engagent dans l'Opus Dei, qui sont tous majeurs, savent bien qu'ils viennent chercher un espace de formation chrétienne. Exercer quelque contrainte que ce soit pour forcer des gens à aimer Dieu n'aurait aucun sens ! Au contraire, je vois chez ceux qui ont recours à l'Opus Dei pour se ressourcer, des personnes qui y trouvent un épanouissement personnel, y compris au milieu des épreuves de la vie. C’est là le fruit de leur vie de prière, et de leur volonté de placer le Christ au centre de leur existence. ■ Pensez-vous que l'Opus Dei soit unanimement apprécié dans l'Église ? Des prêtres vous critiquent... Lorsque j’entends l'un de mes frères dans le sacerdoce émettre publiquement des critiques sur l’Opus Dei (ou aussi sur un évêque, voire sur le Pape)... je pense à la prière du Seigneur quelques heures avant de souffrir sa Passion : “Que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi, Antoine de Rochebrune Servir... sans chercher les applaudissements et moi en toi”. J'ai de la peine et je prie pour lui, afin qu'il aime davantage l'Église du Christ. Pour ce qui est du soutien que l'Opus Dei compte dans l'Église, j'aime rappeler ce qu'a été la canonisation de saint Josémaria, notre fondateur, le 6 octobre 2002 à Rome : une des cérémonies les plus spectaculaires que JeanPaul II a célébrées, en présence de 300 000 pèlerins du monde entier, et d’un nombre extraordinairement élevé d'évêques et de cardinaux. En même temps je ne suis pas étonné que quelques personnes critiques fassent plus de bruit qu'une foule immense de sympathisants : notre monde est ainsi fait. ■ Jean-Paul II a eu l'occasion de manifester durant son pontificat sa bienveillance envers l'Opus Dei. Pensezvous que ce sera le cas de son successeur ? Tout comme ses prédécesseurs Pie XII, Jean XXIII et Paul VI, le Saint-Père a manifesté son affection et son encouragement à la prélature. Avec tous les fidèles de l'Opus Dei, mon seul désir est de servir l'Église comme elle veut être servie : avec droiture, avec simplicité, sans chercher les applaudissements. Le Saint-Père a une paternité spirituelle sur tous les catholiques : c'est cela qui compte, et les gens de l'Opus Dei aimeront le Saint-Père, quel qu'il soit pour cette simple raison. ■ FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 27 LIVRES DAN BROWN Anges, démons... par Marie-Hélène CONGOURDEAU et stéréotypes Devant le succès du “Da Vinci Code”, les éditions JC Lattès publient un roman précédent de Dan Brown, “Anges et Démons”, nouveau thriller ésotéricomystificateur dont l’audience oblige à dire un mot de réponse sur le plan historique. l ne s'agit pas de partir en croisade contre des romans. Mais l'obstination de Dan Brown à truffer ses intrigues d'attaques insidieuses contre le christianisme, jointe à la gloutonnerie avec laquelle ces truffes sont avalées, étonne. Laissons de côté l'obsession antivaticanesque (trésors, secret, intolérance...) pour ne citer que quelques incongruïtés historiques : - p. 200 : (Les Archives du Vatican recèlent) "...certains livres censurés de la Bible" [...] “Le cantique des cantiques” ? Non : [la chambre forte du bureau du Pape] "renfermait entre autres les manuscrits originaux des 14 (?!) évangiles qu'on nommait apocryphes"(p. 539). Le Vatican se donne bien du tracas pour cacher des livres qui se trouvent dans les bibliothèques de toutes les Universités ! - p. 266 : "La sainte communion, la pratique qui consiste à manger Dieu, est un héritage des Aztèques". Exploit des premiers chrétiens qui avaient découvert l'Amérique 1500 ans avant Colomb ! - p. 267 : "La jeune Eglise chrétienne, pour représenter Dieu, a choisi (...) l'image d'un vieillard barbu, (c'est-à-dire de) Zeus". Sans entrer dans l'histoire de l'iconographie paléochrétienne, rappelons que les premières images du Christ le montrent sous les traits d'un jeune homme imberbe. L'Orient chrétien s’est interrogé par la suite sur la légitimité de représenter Dieu et a conclu que l'on peut représenter le Christ parce qu'il s'est incarné, mais que représenter le Père (que "nul n'a jamais vu", Jean 1, 18) est illégitime. Deux traits nous retiendront davantage parce qu’ils trahissent une vision du monde. A première vue, D.B. se démarque de la "droite chrétienne" américaine : plusieurs allusions aux anti-darwinistes ou à George Bush père en sont des indices. Mais en fait, il semble bien appartenir à la même famille, pour qui le monde se divise entre Occident et Islam (comprenez : Bien et Mal). Lorsqu’il écrit que l'Eglise avait choisi, I 28 FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 S’il y a bien un “méchant” en Occident, il s’agit de l’Eglise catholique pour stigmatiser ses adversaires, le nom de Shaitan, il ajoute que ce nom est "de l'arabe, un nom islamique, parce que c'était une langue considérée comme sale" (p. 48). Ainsi, "arabe" = "islamique" et pour l’Eglise, l’arabe est "une langue sale". Exeunt, donc, les Arabes chrétiens, la littérature chrétienne en arabe, les splendeurs de la liturgie arabe. L’Orient chrétien n’existe tout simplement pas dans ce schéma. Quant à l’islam, il existe bien, sous les traits de l’Assassin (clône du moine (!) de l’Opus Dei dans le “Da Vinci Code”) qui est de type "moyen oriental", jure en arabe et se réjouit de venger les "milliers de musulmans massacrés pendant les croisades" (p. 406). Et s’il y a bien un "méchant" en Occident, il s’agit de l’Eglise catholique, vue à travers le prisme de la vieille polémique anti-papiste. Le second trait concerne les relations entre science et religion. Autre tarte à la crème assez onctueuse pour assurer un succès mondial. D. B. est tellement persuadé que science et religion s’opposent forcément que le seul argument à la décharge de l’Eglise est que les gens ont besoin d’une consolation. Que science et révélation ne soient pas incompatibles en soi lui échappe, et le seul personnage qui soit à la fois scientifique et religieux ne cherche qu'une chose: prouver la vérité de la Bible en reproduisant la création par une expérience scientifique. Quintessence du concordisme, qui est la face inversée du scientisme. Pourtant, dès les premiers siècles, des chrétiens avaient écarté les sophismes récurrents sur la rivalité de la science et de la religion, en affirmant que la Bible et la science, n'ayant pas le même objet, sont vraies chacune en son domaine et ne peuvent se concurrencer. Pour Grégoire de Nysse, au IVe s., le début de la Génèse enseigne des doctrines sur la nature de l'homme "sous la forme d'un récit d'allure historique" ; et pour le philosophe Jean Philopon, deux siècles plus tard, le propos de la Genèse n’est pas de donner un cours de cosmologie mais d'amener les hommes à la connaissance de leur créateur . La photographie de la quatrième page de couverture des deux romans montre un homme sympathique ; de plus, il sait écrire. On lui souhaite donc de suivre une formation sur l'histoire du christianisme, de façon à ce que ses critiques, s'il en a comme c'est son droit, cessent de pourfendre des chimères. ■ Dan Brown, “Anges et Démons”, éd. J.-C. Lattès, 600 pages, 22 €. Soutenez la Fondation des Monastères Œuvre d’entraide - Œuvre de bâtisseurs Votre contribution nous est indispensable pour soutenir les communautés monastiques et les aider à assumer leurs charges et travaux. Vos legs à la Fondation sont exonérés de droits de succession. Vos dons ouvrent droit aux importants avantages fiscaux prévus par la loi, pour les particuliers comme pour les entreprises. Votre contact : Mme Beauchesne Fondation des Monastères 83/85 rue Dutot 75015 Paris Tél : 01 45 31 02 02 Fax : 01 45 31 02 10 www.fondationdesmonasteres.org Fondation reconnue d’utilité publique. - J.O. du 25/08/1974 C.C.P. “Fondation des Monastères” 30 412 12 F La Source CINEMA Winnie l’ourson et l’éfélant MON PETIT DOIGT M’A DIT Ce fut un cri terrifiant qui réveilla Winnie l’ourson et ses amis, qui dormaient paisiblement dans la Forêt des Rêves Bleus. C’était un éfélant, cela ne faisait de doute pour personne, et, aussitôt, la petite troupe décida de partir à sa recherche pour le capturer. Mais ils laissèrent derrière eux le malheureux Petit Garou, qu’ils estimaient trop petit pour les suivre. Sans se démonter, celui-ci décida de partir de son côté. C’est ainsi que Petit Garou rencontra Lumpy, un bébé éfélant et devint son ami. Depuis sa création par A. A. Milne, en 1926, le succès de son conte «Winnie the Pooth» ne se dément pas auprès des tout-petits. Car ces aventures sont aussi charmantes que pédagogiques et accessibles aux jeunes enfants. Ce nouvel épisode est marqué par l’apparition d’un nouveau personnage, Lumpy, qui permet aux auteurs de dispenser une jolie leçon de vie sur l’amitié et l’accueil de l’autre. Délicieux ! M.-L. R. Film d’animation américain (2005) de Frank Nissen, avec les voix de Brenda Blethyn (la maman éfélant), Jim Cummings (Winnie l'ourson), Ken Sansom (Coco lapin), John Fiedler (Porcinet), David Ogden Stiers (le narrateur) (1h06). Sortie le 13 avril 2005. Akoibon Nader et Daniel se retrouvent sur une petite île méditerranéenne. Le premier est à la recherche de Chris Barnes, le second d’une belle et mystérieuse jeune femme rencontrée via Internet. Il faut apprécier l’humour décalé et très second, voire troisième degré, d’Edouard Baer pour goûter cette comédie loufoque à la française. Quelques comédiens inspirés, dont Jean Rochefort et Benoît Poelvoorde, s’en donnent à cœur joie dans des numéros dont ils ont le secret. Mais l’histoire (s’il y en a une !) part dans toutes les directions et il y a des maladresses. M.-L. R. Comédie française (2004) de Edouard Baer, avec Jean Rochefort (Chris Barnes), Nader Boussandel (Nader), Marie Denarnaud (Betsy), Edouard Baer (Daniel Stain), Chiara Mastroianni, Benoît Poelvoorde, Léa Drucker (1h38). Sortie le 13 avril 2005. Une comédie Décalée par Marie-Christine D’ANDRÉ Pascal Thomas s’offre une récréation avec cette comédie policière réjouissante et champêtre, interprétée par deux merveilleux comédiens. ertains auteurs sont des mines d’or pour les adaptations cinématographiques. Agatha Christie fait partie des écrivains qui ont le plus inspiré les cinéastes, tant ses intrigues et ses personnages sont cinématographiques. Après plusieurs jolis succès («La dilettante», «Mercredi folle journée») dans la comédie de mœurs, le cinéaste s’est essayé, avec bonheur, à la comédie policière. L’approche de l’heure de la retraite semble inquiéter Prudence Beresford, qui a passé des années, avec son mari Bélisaire, à travailler pour les services secrets. Ne vont-ils pas s’ennuyer, s’ils n’ont plus rien à faire ? Mais Prudence, qui n’est pas du genre à rester inoc- C cupée, a soudain eu une intuition (sans doute son petit doigt !) et elle s’est mise en chasse sans rien dire à son cher et tendre, lequel est inquiet pour elle. Il a tort ! Qui mieux que Catherine Frot et André Dussollier pouvaient donner corps à ces délicieux personnages d’Agatha Christie ? Avec leur fantaisie débridée et leur poésie naturelle, ils sont les interprètes idéaux de ce couple de détectives professionnels, toujours prêts à se lancer dans les entreprises les plus folles. ( Derrière la comédie policière, il y a un bel et discret hommage à l’amour conjugal Devant les paysages splendides du lac du Bourget, Pascal Thomas filme leurs aventures avec un beau sens du cocasse, du pittoresque et de la plaisanterie décalée. Et son couple de héros donne un bel exemple d’amour conjugal fondé sur la complicité amoureuse. Mais le film, visible par un large public, manque un peu trop de rythme et de nerf. ■ Mon petit doigt m’a dit. Comédie policière française (2004) de Pascal Thomas, d'après Agatha Christie, avec Catherine Frot (Prudence Beresford), André Dussollier (Bélisaire Beresford), Geneviève Bujold (Rose Evangelista), Laurent Terzieff (Maître Anet), Valérie Kaprisky (Mlle Blayes), Bernard Verley (le général), Sarah Biasini, Alexandra Stewart, François Seigner (1h45). Sortie le 13 avril 2005. Brice de Nice Avec ses cheveux longs et son tee-shirt jaune, Brice, un gosse de riche assez frimeur, ne passe pas inaperçu. D’autant plus qu’il est toujours en attente de la vague du siècle, celle qui lui permettra de faire des étincelles sur sa superbe planche de surf. Mais, à Nice, il peut toujours attendre. Et malheur à celui qui osera lui faire une réflexion, car Brice est un vanneur qui n’a pas son pareil pour démolir les autres en mots assassins. James Huth, avec ce film construit autour du personnage créé par le comédien Jean Dujardin à ses débuts, administre la preuve qu’il n’est pas facile de transformer en long métrage un sketch de café-théâtre. Car, malgré deux ou trois gags amusants, on s’ennuie vite avec cette œuvrette mineure, voire niaise. Marie-Lorraine ROUSSEL Comédie française (2004) de James Huth, avec Jean Dujardin (Brice), Bruno Salomone (Igor d’Hossegor), Clovis Cornillac (Marius), Elodie Bouchez (Jeanne), Alexandra Lamy (la sirène), François Chattot (le père de Brice) (1h38). Sortie le 6 avril 2005. 30 FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 THÉÂTRE "OPÉRA EN DÉLIRES" Délire pour rire par Pierre FRANÇOIS Aussi loin de la caricature facile que de l’exercice d’érudition professorale, "Opéra en délires" (1) fleure bon la récréation de talents confirmés capables de désacraliser leur propre art. A ne pas rater. péra en délires" est une pièce proprement… délirante. Pour autant, il ne s’agit pas d’une caricature ou d’un mauvais pastiche. Non, "Opéra en délires" est d’ailleurs monté par une équipe de professionnels de l’Opéra. Le maître d’œuvre de l’équipe, qui s’est chargé des arrangements pour piano et du montage, n’est rien de moins que directeur de la musique de scène à celui de Paris. La soprano vient de la troupe des solistes du théâtre de Nancy et de l’Opéra du Rhin. Le baryton Verdi, qui fait la démonstration de son talent en incarnant Carmen l’espace de cinq minutes, a démarré sa carrière chez les Petits chanteurs à la croix de bois et a aussi fréquemment travaillé avec le théâtre de Nancy. Quant à la pianiste, elle est professeur au Conservatoire national supérieur de musique depuis 1978, enregistre et court les festivals. De fait, les transitions entre les trente airs "fragments, réminiscences ou bribes" sont faites avec beaucoup de finesse de sorte qu’une oreille non avertie ne sait pas à quel moment précis a lieu la solution de continuité. On sent la rigueur des chanteurs qui ont classé les airs par nation, avec un premier tableau consacré aux auteurs français, un second à l’opéra italien, un troisième à Wagner et un final viennois. Pas de démarche didactique pour autant, ni de style catalogue, mais un respect apparent des mélodies, avec des dérapages si bien contrôlés que seules les mélomanes les perçoivent, et leur joie est bien visible. Pour la mise en scène, les choses sont beaucoup plus évidentes et tout un chacun peut apprécier le capitaine Haddock surgissant lors de l’air de Marguerite. Il y a aussi les facéties liées au prétexte de la pièce. En effet, la pianiste nous explique, un peu laborieusement il est vrai en début de représenta- D.R. "O Les chanteurs ont classé les airs par nation tion, que le couple de chanteurs a vécu le grand amour mais que maintenant il se déchire, y compris sur scène. Le passage le plus réussi, de ce point de vue, est celui de l’assassinat de la soprano par son partenaire sur l’air de La Danza, réarrangé pour deux voix. De plus la soprano en pince - nous explique-t-elle toujours - pour le pianiste titulaire qu’elle remplace au pied levé, tandis que lui recherche les faveurs des jeunes filles du chœur… Et de jouer de plus en plus fort pour couvrir la scène de ménage qu’ils se font juste avant leur entrée en scène. Mais il y a encore cet humour par l’absurde lorsque la pianiste nous décrit la scène -noire, occupée par un paravent seulement- comme si elle correspondait précisément aux indications du livret du Trouvère avec un sentier muletier au fond, le jour qui commence à poindre et un feu de camp. Ou quand au milieu d’un air les chanteurs se mettent à se frapper la paume des mains en croisant les bras, comme les enfants, pour marquer le rythme. Le public ne cesse d’avoir le sourire à la bouche en attendant la prochaine incongruité burlesque. La partie la plus insolente concerne sans conteste Wagner représenté fou… de son infirmière. Bref, on a là de la vraie musique dans un vrai contexte d’opéra, le tout détourné juste ce qu’il faut pour initier les ignorants et réjouir les experts. ■ (1) "Opéra en délires", convocation de Leoncavallo, Massenet, Gounod, De Curtis, Verdi, Rossini, Bizet, Wagner et Franz Lehar par Marie Duisit, soprano, Christian Bihel, baryton, Monique Bouvet, piano... Le dimanche à 15h et mardi à 20h30, au théâtre des Cinq diamants, 10 rue des Cinq diamants, 75013 Paris. Tél. : 01 45 80 51 31. Maupassant © LYDIE LECARPENTIER En général, la péniche Adélaïde, petite sœur de la péniche Opéra, a une programmation lyrique, voire parfois cabaretière ou de variété. On y trouve en ce moment une autre musique, celle des mots. Ceux de Maupassant dans "Une partie de campagne", "Idylle", "Miss Hariett" et "Le retour", avec cette sensualité à double détente consistant à raconter avec une élégante ambiguïté les actes les plus sensuels. Reste la personnalité de l’aristocrate qui méprise le "bas peuple" que, précisément, il décrit… Et un talent de conteur. Celui de Daniel Soulier, qui évoque ou incarne, mais toujours avec une distance suffisante pour laisser l’imagination du spectateur s’enflammer. ■ (1) "Maupassant", adaptations de "Une partie de campagne", "Idylle", "Miss Hariett" et "Le retour" par Daniel Soulier. A la péniche Adélaïde, bassin de la Villette, face au 40 quai de la Loire, 75019 Paris. Les vendredis à 20h30 et samedis à 16h et 20h30 jusqu’au 23 avril. Places à 15,5 €, 11 et 9 €. Réservation recommandée. FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 31 EXPOSITIONS MUSÉE DU LUXEMBOURG par Ariane GRENON de M L’écrivain André Rouveyre et le peintre Henri Matisse, anciens camarades de Beaux Arts, se sont écrit presque chaque jour, à partir de 1941 et jusqu’à la mort de Matisse en 1954. Cette correspondance sert de fil conducteur à l’exposition "Matisse une seconde vie" du Musée du Luxembourg à Paris. © SUCCESSION H. MATISSE / 2005 Icare (1947) de la série Jazz, (planche VIII), Pochoir Tulipes et huîtres sur fond noir (février 1943) Huile sur toile 32 FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 La Gerbe (1953) - Gouache découpée marouflée sur toile. La peinture de Matisse, si belle, si libre enveloppes semées de volutes, étoiles ou fleurs. Tout commence avec la grande série de dessins que Matisse réalise autour du thème de l’Arbre, sa forte ossature et l’étalement de ses feuillages, distincts selon les espèces. Suivis par les "Amours de Ronsard", 128 lithos couleur de sanguine où le peintre jette le graphisme sinueux de la femme, son corps allongé, son visage, la chevelure… Puis sa peinture enfin, si belle, si libre, dans l’équilibre de masses colorées, radicalement simplifiées. On voit des "Natures Mortes" où les objets sont énumérés, chacun à distance, coquillages, pommes, cafetière et un vase, aux magnolias, tulipes, tournesols... Ensuite des "Intérieurs" bai- Intérieur jaune et bleu (printemps 1946) Huile sur toile © SUCCESSION H. MATISSE / 2005 U © SUCCESSION H. MATISSE / 2005 ne seconde vie… L’expression est de Matisse lui même pour qualifier le temps qui suit une grave opération qu’il a subie en 1941. Il poursuit alors son œuvre vers un extraordinaire épanouissement. Cette correspondance où il livre ses réflexions et aspirations, relate ce processus d’un renouvellement où l’artiste redéfinit ses moyens d’expression. L’exposition offre l’éclaboussement de ses nouvelles formes, simples et de couleurs fraîches, ponctué par les lettres ou des passages de lettres. Avec cette correspondance assidue sont présentés, dans le climat vivant de réflexions alternées, les toiles, dessins, livres illustrés, études ou maquettes pour les tapisseries ou les vitraux et décors de la chapelle de Vence. C’est une folle et claire floraison qui s’éparpille le long des salles blanches où s’égrènent poèmes calligraphiés d’une souple plume noire et © SUCCESSION H. MATISSE / 2005 Le nouvel âge EXPOSITIONS © SUCCESSION H. MATISSE / 2005 L'enterrement de Pierrot (1947) de la série Jazz, (planche X), Pochoir gnés de la lumière dans l’ombre, les barres de soleil perçant au travers des persiennes et "l’air bleu circulant dans la pièce" dit le peintre… L’artiste traite son sujet avec une sorte d’abstraction dans l’expression de la lumière, si belle, celle des huîtres, des tulipes blanches dans l’obscurité d’une pièce fermée : un grand noir, quadrillé de lignes claires qu’il a grattées dans le support afin de restituer l’éclairage et la pénombre ("Tulipes et huîtres sur fond noir", 1943). Avec cette toile, qu’il donnera à Picasso, Matisse s’aperçoit : "Je me suis rapproché de la matière des choses... je suis arrivé à retrouver des qualités naturelles mais que j’avais dû brider depuis longtemps, des saveurs de la peinture savoureuse." Avec les "Poèmes de Charles d’Orléans", le "Pasiphaë" de Montherlant, Apollinaire… les illustrations entremêlent l’arabesque des lignes, avant que Matisse n’écrive (en 1947) : "Je suis engagé dans la couleur définitivement." Les couleurs s’organisent entre elles par aplats, indépendamment des objets représentés : "Intérieur jaune" (1946) par exemple où deux rectangles bleus (la fenêtre et le nappe) s’opposent au grand fond ocré. Le dessin -guéridon, feuillage- se fait en transparence sur le fond ("Nature Morte en rouge de Venise", 1946). On retrouve sur ces deux toiles, les mêmes objets, vase de faïence, napperon brodé, verre calice et trépieds portant un bouquet… Et puis la dernière séquence de ces "Intérieurs de Vence" avec la "Fougère noire", noire car elle est dans l’ombre, avec son reflet, le tableau au mur ; et "L’Ananas" quasiment abstrait, sur son modeste guéridon, posé près de la serviette en désordre. Ecoutons le peintre, qui nous les fait mieux voir : "Sur ces éléments de représentation simplifiée, mettre une couleur venue du ton local sublimé. Ou même inventée entièrement d’après mon sentiment, chauffé par la présence de la nature même". (1) C’est alors que Matisse va choisir de s’atteler à la grande décoration, la tapisserie, la peinture murale, le vitrail… Il compose deux cartons sur le thème de la Polynésie, la mer et le ciel, pour la manufacture des Gobelins. Le souvenir de son voyage à Tahiti, quinze ans auparavant, lui revient "sous forme d’images obsédantes" ditil, "madrépores, coraux, poissons, oiseaux, méduses, éponges"… C’est à l’époque qu’il entreprend d’exprimer la ligne dans sa force et sa sensibilité, au moyen de ciseaux… un procédé qu’il a imaginé depuis bien longtemps. Sa découpe est magnifiquement graphique dans du papier blanc au départ, et dès lors coloré. Il privilégie la feuille en © SUCCESSION H. MATISSE / 2005 Matisse Saint-Dominique. Ultime dessin préparatoire pour décoration murale de la Chapelle de Vence (1949) Pinceau et encre de Chine sur papier velin marouflé sur toile avec corrections de gouache blanche. La "Gerbe", composée comme un bouquet, où les vides comptent autant que les feuilles forme d’algue qui devient son module formel à l’échelle monumentale. Voici l’élément de fortes constructions, dans les jeux innombrables de la forme, positif-négatif, composition en aplats, bipartites… Les teintes sont remarquables par leur finesse, la justesse de leurs rapports et la puissance des combinaisons forme-couleur. "Jazz" est un livre que l’éditeur, Tériade, voulait consacrer à la "couleur de Matisse". On voit ici les planches originales du peintre, conservées au Danemark ; l’impact expressif tient à la somptuosité chromatique et à la force du trait : "Icare" tombant la tête haute, à la verticale, au milieu des soleils ; la boule humaine qu’il trace dans "Toboggan" et le monde surprenant des activités de notre espèce, tels ces "Lanceurs de couteaux", un "Avaleur de sabre" ou le "Cow boy". Une incroyable jeunesse s’échappe de ces papiers épinglés, dont la matière vibre dans la lumière, la densité tactile des gouaches, la pureté du coup de ciseau. La géante "Zelma" un modèle de plus de 2 m de haut !, prouve avec ampleur que le papier gouaché découpé est un moyen pictural à part entière. Ainsi la "Gerbe", composée comme un bouquet où les vides comptent autant que les feuilles, ou l’immense "La Perruche et la Sirène", composition à motifs de 3 m. sur 8 m… on reçoit la conclusion plastique imposante de l’œuvre de toute une vie. ■ (1) la ponctuation est ajoutée par la rédaction. "Matisse, une seconde vie", jusqu’au 17 juillet 2005. Catalogue. Musée du Luxembourg, 19 avenue de Vaugirard, 75006 Paris. Réservations, tél : 01.42.34.25. 95. Site : www.museeduluxembourg.fr. L’exposition se tiendra au Louisiana Museum of Modern Art, Humlebaek, Danemark, du 12 août au 4 décembre 2005. Dans l'univers de... Matisse Afin de compléter votre visite au musée du Luxembourg éventuellement avec vos enfants ou petits-enfants, voici un livre-cadeau bien documenté, pédagogique, ludique et interactif sur Matisse. Il résume sa biographie, son itinéraire artistique, présente quelques-unes de ses œuvres, offre un lexique des noms et mots employés, et propose des ateliers afin de s'exercer à reproduire des tableaux de Matisse, ou à réaliser des créations personnelles. Un test de connaissance sur l'artiste termine cet ouvrage, qui permet d'évaluer son savoir. Destiné donc aux jeunes lecteurs à partir de 9 ans. D'autres références, sur le même principe, sont également disponibles "Dans l'univers de... «Miró», «Monet», «Pharaons», «Seurat»", qui offrent la possibilité d'aborder, d’une manière concrète, des domaines très variés de l'histoire de l'art. ■ "Dans l'univers de... Matisse", Sophie Comte-Surcin et Caroline Justin. Belem éditions, collection "Carré d'art", 48 pages, 25 œuvres reproduites en couleur et photographies. 16 €. FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 33 HISTOIRE RAINIER DE MONACO Un règne de ■ On présente souvent Rainier III comme le "prince bâtisseur" ? Le Prince Rainier III de Monaco est décédé le 6 avril, à 81 ans, après 55 ans de règne. Ses obsèques religieuses ont eu lieu le 15 avril, avec un grand concours de chefs d’Etat. Nous avons demandé à notre ami, l’historien Philippe Delorme, de remettre cet événement en perspective. ■ Pourquoi un historien s'intéresse-t-il à un personnage comme Rainier de Monaco ? Tout d'abord parce qu'il est l'héritier d'une longue dynastie, l'une des plus anciennes de l'Europe. C'est en effet en 1297 que, selon la légende, le premier Grimaldi, "Francesco Malizia" s'est emparé du Rocher, déguisé en moine. Depuis lors, contre vents et marées, les Grimaldi ont su conserver leur pouvoir sur ce coin de terre de moins de 200 hectares, alors que de grands empires étaient emportés par les tempêtes de l'Histoire... Le fils de Rainier, Albert II, 47 ans, semble d’ailleurs remarquablement bien préparé à assumer son rôle. ■ Comment expliquez-vous cette réussite ? Existe-t-il un génie des Grimaldi ? Peutêtre. C'est ce que j'appelle dans mon livre "l'empirisme grimaldien" : un sens géo-politique aigu, une adaptation permanente aux conditions concrètes du temps. A chaque époque, les princes de Monaco ont su se placer dans le sillage de la puissance dominante : l'Espagne de Charles-Quint, la France de Louis XIV, les Etats-Unis au XXe siècle. Et aussi une certaine modestie : les Grimaldi se sont toujours contentés de "cultiver leur jardin", sans rêve de grandeur ou de conquête. 34 FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 Philippe Delorme Sous son règne Monte-Carlo a pris des allures de Hong Kong sur Méditerranée. Mais cette "bétonisation", dommageable pour le cadre de vie, est la rançon d'une extraordinaire réussite économique. D’une manière toute pacifique ce monarque a augmenté son territoire d’un cinquième, simplement en remblayant la mer. C'est ainsi qu'est né le quartier de Fontvieille, au pied du Rocher. D'autres projets plus ambitieux encore sont dans les cartons, comme l'installation d'une vaste île flottante au large de la principauté. ■ En quoi consiste cette réussite monégasque... Ce micro-Etat attire toutes les convoitises Peu de pays au monde égalent le niveau de vie de la principauté. Et tous ses voisins comme la France - lui envient son bugdet qui dispose de plusieurs années de réserve. Pas question de déficit à Monaco ! C'est sans doute pourquoi ce micro-Etat attire toutes les convoitises. Au cours de son long règne, Rainier III a eu à affronter à plusieurs reprises les assauts de Paris. On se souvient du conflit de 1962 avec le général de Gaulle. Celui-ci avait menacé de boucler la frontière, et Rainier avait répondu qu'il dessalerait l'eau de mer et ferait venir l'approvisionnement par voie maritime s'il le fallait ! En réalité, le conflit s'est achevé l'année suivante par un compromis. Depuis lors, les Français résidents en principauté sont tenus d'acquitter l'impôt sur les revenus. Plus récemment, en 2000, le rapport Peillon-Montebourg, diligenté par le Premier ministre Lionel Jospin, poursuivait un objectif similaire : en accusant Monaco de malversations financières et de protéger différentes mafias, la France a obtenu que ses ressortissants soient assujettis à l'ISF... HISTOIRE propos recueillis par Louis LUCE 55 ans ■ Cependant, Rainier III n'a eu de cesse de s'affranchir de la tutelle de son "protecteur". Effectivement. En 1949, lorsque Rainier III succède à son grand-père Louis II, Monaco n'est guère plus qu'une dépendance de la France, presque une colonie. Cinquante-cinq ans plus tard, la principauté a recouvré une grande partie de sa souveraineté. En 1993, elle a adhéré à l'ONU. En octobre dernier, elle est devenue membre à part entière du Conseil de l'Europe. Désormais, le ministre d'Etat - le Premier ministre - de Monaco sera désigné par le prince parmi ses 7000 concitoyens, alors que jusqu'à aujourd'hui, il s'agissait toujours d'un haut fonctionnaire français, proposé par Paris. De même, la magistrature monégasque va également être "nationalisée". Enfin, en renforçant sa collaboration avec les autres petits Etats européens - comme Saint-Marin, Andorre ou le Liechtenstein -, Rainier a renforcé sa crédibilité. "Le piccolo dans le concert des nations, disait-il en plaisantant. Mais sans fausse note !" Le prince soulignait également que de telles structures, en raison de leurs dimensions réduites, pouvaient constituer des laboratoires d'idées et d'expériences, moins bureaucratiques que les grands Etats, où les gouvernés sont plus proches des gouvernants. Et il avait raison. ■ Votre livre est sous-titré : "Un prince de légende" (1). Pourquoi ? Parce qu'en épousant Grace Kelly, en 1956, Rainier a inscrit son nom dans la légende du XXe siècle. Ce mariage a été un des premiers grands événements médiatiques de l'Histoire, retransmis dans le monde entier. Il présentait tous les éléments du conte de fées : le jeune prince triste et timide, dans son château poussiéreux, la belle "bergère", blonde et diaphane, le soleil, la mer... Au cours des années, de nouveaux chapitres se sont ajoutés à la saga : la naissance de trois enfants, la disparition tragique de Grace en 1982, les unions malheureuses de Caroline La religion catholique, apostolique et romaine est religion d’Etat (dont le dernier époux, Ernst-August de Hanovre est de plus tombé gravement malade au moment-même de la mort de Rainier...), les "frasques" de Stéphanie", l'éternel célibat d'Albert... Un vrai "soap opera" pour les Français qui, très républicains, ont trouvé avec les Grimaldi, jusqu’à un certain point, une famille royale de substitution. ■ Le catholicisme reste une composante majeure de Monaco... Il y aurait beaucoup à dire sur ce sujet. Reste que selon l'article 9 de la constitution de 1962, la religion catholique, apostolique et romaine est religion d'Etat. Monaco constitue le plus petit archevêché de la planète. "Ce Rocher si solide aux yeux du monde, sur quoi reposet-il ? s'interrogeait le cardinal Tauran en 1997. Sur des valeurs d'humanité et de dévouement aux causes les plus nobles qui sont à l'honneur des princes d'hier et d'aujourd'hui." Cette tradition de solidarité internationale n'est pas un vain mot, et nombre d'institutions - écoles, hôpitaux, etc. - dans le tiers monde, bénéficient des largesses monégasques. La devise des Grimaldi - Deo Juvante, Avec l'aide de Dieu n'est-elle pas pétrie d'esprit évangélique ? ■ (1) Rainier, un prince de légende, Philippe Delorme, éditions Michel Lafon, 220 pages, 18 €. FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 35 TELEVISION La jeune fille à la perle Grands adolescents Mardi 19, sur Canal + à 20h55 Delft, XVIIe siècle en Hollande, Griet une jeune fille au pair s’occupe du ménage et des enfants de la famille Vermeer. Le maître, Johannes Vermeer, est peintre, connu pour ses choix de couleur et ses mises en scène. Il fait vivre sa famille grâce à son art, c’est-à-dire aux commandes d’un généreux mécène. Devant le désordre bruyant de sa maisonnée, il se retire dans son atelier où l’ambiance est plus humaine et plus paisible. C’est dans ce cocon de chaleur qu’il sera séduit par la sensibilité et la douceur de DR Griet, que l’art de son maître semble fasciner. ឭឭឭ Ce célèbre tableau de Vermeer, «La jeune fille à la perle», a inspiré Tracy Chevalier, qui raconte l’histoire imaginaire d’une rencontre entre le peintre Vermeer et un jeune modèle. Peter Webber a réussi à traduire en des images superbes la réalité d’une époque et d’un pays. La reconstitution de la vie quotidienne à Delft, que ce soit en extérieur ou dans l’intérieur des maisons, est d’une grande précision, et le travail sur la lumière restitue parfois l’atmosphère des tableaux du peintre. Quant à la jeune Scarlett Johansson, déjà remarquée dans «Lost in translation», elle est non seulement excellente comédienne, mais surtout le sosie parfait du modèle du peintre. ឭឭឰ Cet hommage à la peinture est aussi une magnifique leçon d’amour et de respect. La relation qui s’instaure entre le peintre et sa jeune bonne est faite de délicatesse, de complicité et de désir (exprimé uniquement par des regards et des gestes furtifs). Une brève scène suggestive. Lundi 18 avril Alice Nevers : Le juge est une femme «La dernière étoile» GA. Téléfilm avec Marine Delterme, Arnaud Binard. ឭឭឰ Un épisode assez distrayant, mais fort peu crédible. TF1, à 20h55. Ça se discute jour après jour «Divorce, séparation : Comment éviter que l’amour fasse place à la haine ?». Magazine. France 2, à 20h55. Les survivants J. Documentaire de Patrick Rotman. Commentaire dit par Florence Pernel. (Voir notre analyse) France 3, à 20h55. La classe de neige GA. Drame (1998) de Claude Miller, avec Clément Van Den Bergh, avec Lokman Nalcakan, François Roy (1h34) (- 12 ans). ឭឭឰ Un sujet original, traité avec une grande maîtrise. Mais l’ambiance est lourde et pénible. Arte, à 20h45. Les survivants Lundi 18, sur France 3 à 20h55 Peut-on raconter l'indiscible ? Les quelques survivants des camps nazis, qu'ils soient juifs, résistants ou les deux, se confient devant la caméra de Patrick Rotman. Entre le printemps 1944 et le printemps 1945, alors que l'Allemagne nazie s'effondre, ils ont vécu les derniers mois de l'horreur, puis la libération et, enfin, longtemps après, la liberté. ឭឭឭ Ils avaient à peine 20 ans lorsqu'ils sont arrivés à Auschwitz. Aujourd'hui, ils osent, face à une caméra, raconDR ter ce que, souvent, ils n'ont pas pu raconter, lors de leur retour en France. Loin de tout embellissement, ils racontent les dures lois de la survie dans un environnement terrifiant. Les interviews de Jacques, Violette, Maurice et des autres sont illustrées d'images d'archives souvent inédites, parfois en couleurs, mais toutes plus terribles les unes que les autres. La musique de Richard Bois, sobre et poignante, souligne ces scènes affreuses. Une remarquable contribution à la face sombre de l'histoire de l'homme. LUNDI 18 AVRIL 20.50 Paroles d'une génération, présenté par Richard Boutry Du haut de leurs 25 ans, ces jeunes auteurs s’interrogent sur l’héritage reçu par leur génération. MARDI 19 AVRIL 20.50 Le Secours Populaire, présenté par Valérie Tibet Se divertir, changer d’air n’est pas un luxe, mais une expérience salutaire pour des familles qui vivent sous la pression constante de conditions difficiles. MERCREDI 20 AVRIL 20.50 Aux côtés des sans-abri, présenté par Richard Boutry Ils avaient parfois des parcours professionnels très riches, des vies de famille remplies, mais un jour, tout a basculé. JEUDI 21 AVRIL 20.50 Sans Famille (2/4), de Jacques Ertaud Un enfant surgit dans l'ombre. Après la mort de Vitalis, Remi est recueilli par un jardinier et sa famille : les Acquin. Il se lie d'amitié avec la plus jeune des filles, Lise. Mais Acquin est emprisonné pour dettes, et les enfants sont éparpillés. Avec F. Josso, J. P. Bagot... 36 FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 VENDREDI 22 AVRIL 21.10 Les Cités de Dieu. Moscou (4/4), d’Olivier Mille Comment le christianisme orthodoxe, qui compte aujourd’hui 250 millions de fidèles de par le monde, a-t-il survécu à l’anéantissement auquel le destinait le marxisme en URSS ? SAMEDI 23 AVRIL 20.50 Bach et Kuhnau : Magnificat Festival Bach de Leipzig 2003. En l’église Saint-Thomas de Leipzig où les deux compositeurs furent successivement Cantors, Ton Koopman interprète leurs Magnificat. DIMANCHE 24 AVRIL 15.00 Célébration liturgique en mémoire des martyrs arméniens victimes du génocide de 1915, en direct de la cathédrale Notre-Dame de Paris 18.00 KTO Magazine. L'accueil d'un enfant 20.50 Un Autre Monde ?, de Laurent Boileau Portant un double regard sur la vie monastique, avec ses temps forts collectifs et les points de vue individuels de quelques clarisses, ce documentaire dresse un portrait original de femmes qui ont choisi une vie de simplicité, de retrait et de prière à l’antipode de notre société de consommation. DR Adolescents Les aventuriers de l’arche perdue J. Aventures (1981) de S. Spielberg, avec Harrison Ford, Karen Allen, Paul Freeman (1h55). ឭឭឭ Un spectacle très divertissant. M6, à 20h50. Phone game J. Suspense (2003) de Joel Schumacher, avec Colin Farrell, Kiefer Sutherland, Forest Whitaker (1h18). ឭឭឰ Original et prenant, mais inégal. Canal +, à 20h55. Grand format «S21, la machine de mort khmère rouge» GA. ឭឭឰ Un documentaire intéressant, mais qui manque d’analyse de fond et de vision d’ensemble. Arte, à 22h15. Mardi 19 avril Le grand concours «Enfants contre célébrités». Divertissement. TF1, à 20h55. Chouchou A/Ø. Comédie (2003) de Merzak Allouache, avec Gad Elmaleh. ឭឰ Une TELEVISION grosse farce banalisant l’homosexualité et des scènes gênantes touchant l’Eglise. France 2, à 20h55. «Les kamikazes de Hitler». Documentaire. Arte, à 20h45. nexplicable... à la grande illusion». Divertissement. TF1, à 20h55. PJ «Ambitions» GA. Téléfilm avec Charles Schneider (0h57). ឭឭឰ Une histoire poignante, mais inégale. France 2, à 20h55. Thalassa «Couleurs de mer (2/4) : Mer Jaune». Magazine. France 3, à 20h55. Sa mère, la pute Ø. Téléfilm de et avec Brigitte Roüan (1h38). ឭឰឰ Une histoire atroce, peu palpitante, souvent invraisemblable et très complaisante. Arte, à 20h40. Stargate SG-1. Série. La musicale. Divertissement. Canal +, à 20h55. Canal +, à 20h55. Dimanche 24 avril ment. M6, à 20h50. Le convoyeur A. Policier (2004) de Nicolas Boukhrief, avec Albert Dupontel, Jean Dujardin, François Berléand (1h29). ឭឭឰ Efficace et bien mené, mais très violent. Canal +, à 20h55. Ça se discute «Comment vivre avec une maladie de peau ?». France 2, à 22h40. Culture et dépendances «Les incorrects». Magazine de FranzOlivier Giesbert, avec Jean-François Kahn, Jean Ziegler, Guillaume Chérel, Guy Carlier, François Chérèque, Airy Routier. France 3, à 23h30. de Rob Cohen, avec Sylvester Stallone, Amy Brenneman, Viggo Mortensen, Dan Hedaya (1h50). ឭឭឰ Spectaculaire, mais plutôt conventionnel. TF1, à 20h55. DR Bachelor, le gentleman célibataire «La finale» Divertisse- Daylight GA. Aventures (1996) Showtime J. Comédie (2002) de Tom Dey, avec Robert De Niro, Eddie Murphy, Renée Russo (1h35). ឭឭឰ Assez amusant, mais sans plus. France 2, à 20h55. On ne peut pas plaire à tout le monde. Magazine. Samedi 23 avril Celebrity dancing. Divertisse- France 3, à 20h55. ment. Soirée thématique «PauseTF1, à 20h55. Jeudi 21 avril café» Sylvie Vartan, au rythme du Julie Lescaut «Mission spécia- cœur. Divertissement. France 2, à 20h55. le» GA. Téléfilm avec Véronique Genest. ឭឭឰ Un épisode prenant, mais des invraisemblances plus qu’il n’est permis. TF1, à 20h55. Bien dégagé derrière les oreilles J. Téléfilm avec Clémentine Célarié, Daniel Russo. ឭ Une comédie amusante, mais lourde, sur l’usure du couple. France 3, à 20h55. L’aventure humaine «Evolution (4/5) : Le rôle du sexe» GA. ឭឰ Un épisode intéressant, mais très décousu, et avec une scène suggestive. Arte, à 20h45. La trilogie du samedi. Séries. M6, à 20h50. 100 minutes pour comprendre l’Europe. Magazine. France 2, à 20h555. Mulholland drive A/Ø. Drame (1994) de David Lynch, avec Laura Harring, Naomi Watts (2h21). ឭឰឰ Confus et très pénible. France 3, à 20h55. DR vie» GA. Téléfilm avec Virginie Lemoine, Christian Charmetant. ឭឭ Un épisode très réussi et truffé d’humour. France 3, à 20h55. Soirée thématique «De quoi j’me mêle ! Pourquoi la Chine va gagner» Le milliardaire rouge GA. ឭឭ Un voyage surprenant dans la Chine d’aujourd’hui. Good bye Mao GA. ឭឭឭ Un documentaire lucide et réaliste. Débat. Arte, à partir de 20h45. Affaires de famille «Adoption : L’aventure de ma vie». Magazine. M6, à 20h50. La jeune fille à la perle GA. Comédie dramatique (2004) de Peter Webber, avec Colin Firth, Scarlett Johansson, Tom Wilkinson, Judy Parfitt (1h36). (Voir notre analyse) Canal +, à 20h55. Vol de nuit «Savoir grandir». Magazine de Patrick Poivre d’Arvor, avec le professeur Marcel Rufo, Jacqueline Remy, Clémence Boulouque, Jacques de Guillebon, François d’Epenoux, Antoine Hardy, Guy Bedos. TF1, à 00h35. Vendredi 22 avril Les mercredis de l’histoire La soirée de l’étrange «De l’i- France 3 - Claude Medale Famille d’accueil «Instinct de cache la rumeur ?». Magazine. France 3, à 20h55. Bagdad Café GA. Comédie DR Confidence GA. Thriller (2003) Le voleur de bicyclette J. Dra- de James Foley, avec Edward me en NB et VO (1948) de Vittorio De Sica, avec Lamberto Maggiorani, Enzo Staiola (1h33). ឭឭឭឭ Un grand et poignant chef-d’œuvre du néoréalisme. Arte, à 20h40. Nouvelle star. Divertissement. M6, à 20h50. [MI-2] (Spooks). Série. Canal +, à 20h55. Burns, Rachel Weisz (1h35). ឭឭឰ Un excellent film avec des arnaqueurs. C’est astucieux et bien fait, mais les endroits et les personnages décrits sont fort peu fréquentables. Repères Père et maire «Une deuxième vie» GA. Téléfilm avec Christian Rauth, Daniel Rialet. ឭឰ Une comédie lourde et émaillée de plaisanteries de mauvais goût. TF1, à 20h35. Le tuteur «Pour le sourire de Romain» J. Téléfilm avec Roland Magdane, Jean-Marie Juan (1h31). ឭឭ Une histoire prenante, avec de l’humour et beaucoup de tendresse. France 2, à 21h00. Vie privée, vie publique «Que DR Mercredi 20 avril T : Tout public J : Adolescents GA: Grands Adolescents A : Adultes (1987) de Percy Adlon, avec Marianne Sägebrecht, CCH Pounder, Jack Palance (1h27). ឭឭឭឰ Une réjouissante comédie qui est également une très belle histoire d’amitié. Mais les images ne sont pas discrètes. Café, une sombre passion. Documentaire. La route du café. Sous pression. Documentaire. Arte, à partir de 20h45. Zone interdite «A l’école du feu». M6, à 20h50. Football «Auxerre/Lyon». Canal +, à 21h00. La prison de verre GA. Suspense (2002) de Daniel Sackheim, avec Leelee Sobieski, Diane Lane, Stellan Skarsgard (1h43) (- 12 ans). ឭឭឰ Bien fait, mais très violent. TF1, à 23h00. ø : Œuvre (ou scène) nocive ឭ : Élément positif ឰ : Élément négatif FRANCECatholique N°2972 15 AVRIL 2005 37 BLOC-NOTES DES IMMEUBLES A VIVRE EN CENTRE VILLE POUR LE COMMERCE DES HOMMES UNE FONCIERE FAMILIALE ET EUROPEENNE DYNAMIQUE Redevco France Charles-André Roche 43 boulevard Haussmann 75009 Paris Tél. : 01.42.65.72.00 - Fax : 01.42.65.72.01 E-mail : [email protected] - Web site : www.redevco.com Ain ✔ Au sanctuaire d'Ars, 01480 Ars-sur-Formans, ✆ 04.74.08.17. 17, fax 04.74.00.75.50, un weekend, pour les 18/35 ans, aura pour thème "Chrétiens et musulmans croient-ils dans le même Dieu ?", du 23 (9h30) au 24 avril (17h). Courriel : [email protected] Bouches-du-Rhône ✔ Le 5 mai (fête de l’Ascension) "Marche de la Foi", de l'abbaye de Saint-Victor à Notre-Dame de la Garde. Programme : 14h30 : Grand'Messe chantée en grégorien, 16h : Marche. Rens. (programme complet, inscription au repas de midi) auprès de : Nouvel Elan Marial [Mouvement reconnu canoniquement par l’Eglise, et qui a reçu la bénédiction apostolique de Jean-Paul II] , 90, rue de Rome, 13006 Marseille, ✆ 04.91.18. 43.22, fax. 04.91.92.85.51. Calvados ✔ L'Abbaye de Mondaye, 14250 Juaye-Mondaye propose, du 23 (9h30) au 24 avril (14h30), un week-end augustinien : "Les fondements de la vie spirituelle : offrir sa vie à la conduite de l'Esprit de Dieu". Possibilité d'arriver la veille. Rens. : Frère François-Marie ✆ 02.31.92.58. 11, fax 02.31.92.08.05. Courriel : [email protected] Eure ✔ La fondation d'Auteuil (orphelins apprentis d'Auteuil) propose un spectacle Gospel "Bâtisseurs soutenez d'espérance" par la troupe Arts et Loisirs Centre-Normandie, le 19 avril (20h30) à l'Eglise de La Madeleine, rue de la Paix, 27000 Evreux. Entrée libre. Rens. 02.37. 53.70.70. Moselle ✔ Au prieuré de Valmunster, 2, place Weyland, 57220 Valmunster, ✆ 03.87.35.77.28, une Journée de prière est proposée le 24 avril (9h30-16h30) sur le thème "Avec le Messie, ouvrons-nous à la nouveauté de Dieu", animée par sœur Marie-Adang. ✔ Le Foyer de Charité d'Alsace, 51, rue Principale, 67530 Ottrott, ✆ 03.88.48.14.00, prévoit une retraite du 18 au 24 avril sur le thème "Ils le reconnurent à la votre hebdo chèque à l’ordre de FRANCE CATHOLIQUE abonnez-vous 60 rue de Fontenay 92350 Le Plessis-Robinson offrez un abonnement ❒ Mme ❒ Mlle ❒ M. Nom/prénom : ................................................................................................................... Adresse : ......................................................................................................................................................... ......................................................................................................................................................................... Code postal : .....................Ville : ................................................................................................................... ❒ Je souscris un premier abonnement à FRANCE CATHOLIQUE : 1 an = 75 € (au lieu de 110) et je peux recevoir un cadeau au choix (*)(**) (***) ✂ ❒ le CD “Jean-Paul II”, dialogue avec la France (homélies et discours du Saint-Père) ❒ le CD “Mater Dulcissima” (grégorien) Si vous offrez cet abonnement à un parent, un ami, ce cadeau peut être envoyé chez vous (****) ❒ Je souhaite recevoir 5 numéros de FRANCE CATHOLIQUE gratuitement et sans engagement (*****) fraction du pain" (Luc 24,35), avec le père Wolfram. ✔ A la maison Saint-Conrad, 2, rue des Capucins, 57230 Bitche, ✆ 03.87.96.06.12, fax 03.87.96. 07.52, une Rencontre biblique est organisée le 25 avril sur le thème "Jésus se manifeste à Marie de Magdala" (Jn 20,1118), par l'abbé Aloyse Schaff. ✔ A l'Ermitage St-Jean, 7, rue des Moulins, 57160 Moulins-LèsMetz, ✆ 03.87.60.02.78, fax 03.87.60.06.33, un week-end est proposé du 30 avril au 1er mai sur le thème "Zen et vie chrétienne", avec le père Bernard Durelle, dominicain. Nièvre ✔ Une équipe (prêtre, religieuse, laïcs) propose "La pause du lundi : un espace pour Dieu", « une journée devant moi pour me poser sous le regard de Dieu ». La prochaine rencontre, le 25 avril (9h30-16h), aura pour thème "Devenir disciple". Un texte d'évangile nourrira notre méditation, nos échanges, notre prière. Il sera possible de rencontrer un accompagnateur spirituel. Inscriptions : Espace Bernadette, La pause du lundi, 34, rue Saint-Gildard, 58000 Nevers, ✆ 03.86.71.99.50. Une retraite est également proposée à l'Espace Bernadette : du 22 (18h) au 30 avril (9h) "Disciple de Jésus : regarde... écoute... lève-toi... Dieu te fait signe" avec la père Jean Pirot, rédemptoriste. Courriel : [email protected] Pas-de-Calais ✔ Au Foyer de Charité, 19, rue Sacriquier, BP 105, 62240 Courset, ✆ 03.21.91.62.52, fax 03.21. 83.87.13, une retraite est prévue du 2 au 8 mai "A l'école de Marie, femme eucharistique", avec le père Godefroy Delaplace. Puy-de-Dôme ✔ A l'occasion du 50e anniversaire du père Pierre Teilhard de Chardin, un colloque international se déroulera à ClermontFerrand, du 8 au 11 mai sur le thème "Avenir de l'humanité... La nouvelle actualité de Teilhard". Rens./insc. : "Association Richelieu, Ita", 13 rue de Richelieu, 63400 Chamalières, ✆ 04.73.19. 20.98, fax 04.73.19.25.80, courriel : [email protected] Var ✔ "Sainte Marie-Madeleine, pécheresse dans la ville ?", une conférence d'un père dominicain le 21 mai (10h). Entrée gratuite. A la Maison St-Dominique, place de l'Eglise, 83830 Callas. Contacter Sœur Marie-Noël (18h-20h), ✆ 04.94.39.09.30, fax 04.94.76.74.30. Possibilité de séjour avant et après le 21 mai. ✔ Au sanctuaire Notre-Dame de ❒ Je veux recevoir une centaine d’exemplaires récents du journal à distribuer dans ma paroisse = 10 € (de participation aux frais de port) (*) France métropolitaine et DOM uniquement - (**) Pour les personnes n’ayant jamais été abonnées. (***) Dans la limite des stocks disponibles. (****) Le préciser dans un courrier séparé. (*****) France métropolitaine uniquement. CNIL N° 678405 - Loi informatique & liberté du 6/01/78 : vous disposez d’un droit d’accès et de rectification aux informations vous concernant. Par notre intermédiaire, vous pouvez être amenés à recevoir des propositions d’autres entreprises. Si vous ne le souhaitez pas, il suffit de nous écrire ou de nous téléphoner et il en sera tenu compte immédiatement. BLOC-NOTES EXPLOITATIONS FORESTIERES SCIERIES - PARQUETS PALETTES DE MANUTENTION SPÉCIALITÉ DE CHÊNE, HÊTRE ET FRÊNE POUR FABRIQUES DE MEUBLES grumes et sciages toutes essences - tous sciages industriels parquets chêne mosaïques et traditionnels - sèchage artificiel livraisons rapides toutes distances Télécopie : 03.25.40.61.31 - Téléphone : 03.25.40.44.23 S.A. au capital de 1 526 776 € - RCS : Troyes 300 686 995 APE : 201A TVA : FR 88 300 685 995 Pour les autres pays, procédez par virements postaux internationaux sur notre compte chèque postal SCE 43 553 55 X La Source, ou bien par mandats internationaux à l'ordre de la SPFC ou par chèques bancaires libellés en euros et payables en France ou par chèques bancaires domiciliés à l'étranger moyennant une surtaxe de 18 €, ou par carte bancaire via le site internet www.france-catholique.fr Le journal ne rembourse pas les abonnements interrompus du fait de l'abonné / Ne paraît pas en août. PETITES ANNONCES Tarif : la ligne de 35 lettres : 6 €. Domiciliation : 9 €. Communiqué dans le bloc-notes, forfait : 20 € CHAMPAGNE Etiquettes personnalisées pour les grands moments de la vie ➥ Missionnaire en Afrique cherche chambre de bonne, pour pied-à-terre à Paris (5 e -6 e ) Max. 60 000 €. Contact : 01.45.87.15.38. Jean-Luc BONDON RÉCOLTANT-MANIPULANT 24-26, Grande Rue - 51480 Reuil/Marne Vente directe - Tarif sur demande Tél. : 03.26.58.38.87 - Fax : 03.26.51.92.49 L'abus d'alcool est dangereux pour la santé à consommer avec modération Grâces, association des pèlerins, 83570 Cotignac, ✆ 04.94.69.64. 99 / 92, fax 04.94.69.64.91, courriel : [email protected] "Vénération des reliques de Marie Madeleine", le 25 avril ; "Fête de Saint Joseph, artisan", le 1er mai ; "Solennité de l'Ascension", le 5 mai ; "Journée de Prière pour la défense de la nature et des soldats du feu", le 22 mai ; "Fête de l'Enfant Jésus", le 25 mai. Camp ✔ Camp d'été pour jeunes 18-30 ans, dans le cadre de l'Abbaye d'Ourscamp (Oise), allier des temps d'enseignement, de prière, et de service communautaires. Du 24 (10h) au 29 juillet (17h). Inscription : frère hôtelier, abbaye d'Ourscamp, 60138 Chiry Ourscamp, ✆ 03.44.75.72.14, fax 03. 44.75.72.04. Courriel : abbaye. [email protected] JMJ Cologne 2005 ✔ "Tu veux participer aux JMJ de Cologne ? Les moines et moniales de la Famille de Saint Joseph (BP 16, 69380 Chasselay. ✆ 04.78.47. 35.26) te proposent de te préparer et de t'accompagner à ce temps fort. Pour cela, ils t'invitent les 2324 avril et 28-29 mai, avec enseignements, prière, partage, détente..." Rens./insc. : frère Elie, [email protected] ou sœur Emmanuelle, [email protected] ABONNEMENTS À FRANCE CATHOLIQUE France, 6 mois : 58 € / 1 an (47 numéros) : 110 € / Etranger, 1 an : 122 €. Abonnement soutien : 250 €. Pour la Belgique, virements à l'ordre de E. Kerkhove, chaussée de Dottignies 50 7730 Estaimpuis, tél. 056.330585, compte bancaire : 275.0512. 029.11. Pèlerinages ✔ Le Mouvement Résurrection et la communauté Aïn Karem organisent un pèlerinage à Vézelay du 21 au 22 mai "Les sacrements : c'est aujourd'hui le jour du salut !". 4 routes sont proposées : route rouge : collégiens, lycéens, étudiants, jeunes professionnels, niveau de marche soutenu, couchage au sol, sous tente (Hélène Duquennoy, ✆ 01.45. 41.32.87) ; route verte : adultes, marche modérée, couchage en lit ou au sol (Murielle Machicot ✆ 01.45.54.65.91) ; route jaune : familles avec enfants, hébergement en village vacances, marche adaptée à chacun, et route bleue : aînés, marche très réduite, hébergement en gîte (Michèle Pruvot ✆ 01.48.94.53.02). ✔ Les Equipes du Rosaire d'Ilede-France vous invitent à participer le 4 juin au pèlerinage à la Basilique de Lisieux "Au cœur de l'Eglise... je serai l'Amour", avec une conférence par le père Pierre Lambert o.p. Messe de la Fête du Cœur Immaculé de Marie. Transport en car et repas assurés. Ouvert à tous. Contact : ✆ 03.44.20.37.02. [email protected] fax : 01.46.30.04.64. ➥ Jeune femme, grande expérience des enfants, cherche emploi comme surveillante dans école maternelle ou primaire, mi-temps ou plein temps sur Paris. Aude Meunier, 14, rue Beaugrenelle, 75015 Paris, tél. 01.45.77.00.45. Disponible tout de suite. ➥ Vosges : Je cherche un médecin homéo ou autre, à temps libre. Urgent. Tél. : 03.29.57. 00.84. ➥ Assistante gériatrie, très bonnes références, cherche personne agée/handicapée, Paris/proche banlieue, permis de conduire, temps complet/partiel, tél. 01.45.84.63.33 ou 06.71.10.20.12. ➥ Cherche homme de foi, célibataire, bénévole, pour petit Sanctuaire Marial XIIème, entre Vienne et Lyon, responsable maison avec 1 à 3 personnes, accueil pèlerins, loyer gratuit, participation frais fonctionnement. Tél. 04.74.85.06.83 (heures repas). FRANCE CATHOLIQUE - hebdomadaire N° Commission Paritaire de la Presse : 1006 I 85771 valable jusqu’au 31 octobre 2006 CNIL : 6778405 60, rue de Fontenay, 92350 Le Plessis-Robinson Téléphone : 01.46.30.79.06 - 01.46.30.37.38 - Fax. : 01.46.30.04.64. Courriel : [email protected] - CCP La Source 43 553 55 X édité par la Société de Presse France Catholique, s.a. au capital de 327.136 euros. - 418 382 149 R.C.S. Nanterre Président : Hervé Catta - Directeur gl., dir. de la publication : Frédéric Aimard (Itinéris 06.08.77.55.08) - Conseiller de la direction : Robert Masson - Editorialiste : Gérard Leclerc - Rédaction : Anne Montabone - Secrétaire de rédaction : Brigitte Pondaven Abonnements/Comptabilité : Marie-José Carreira. Imprimé par ROTO CHAMPAGNE, 2, rue des Frères Garnier, 52000 Chaumont Les documents envoyés spontanément ne sont pas retournés. L'essentiel des collaborateurs du journal est composé de bénévoles. 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