Société civile agricole et activité commerciale (type ETA) : prudence

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Société civile agricole et activité commerciale (type ETA) : prudence
Chronique Juridique
27/03/2012
Pour parution Vienne Rurale 29/03/2012
Société civile agricole et activité commerciale (type ETA) :
prudence !
Nos sociétés civiles agricoles (GAEC, EARL, SCEA), ayant pour objet l’exploitation agricole, sont
souvent tentées de compléter leurs revenus par des prestations « accessoires » de nature
commerciales (travaux agricoles, achats pour revente, production et revente d’électricité
photovoltaïque….). Et l’on entend souvent dire que ces activités sont « tolérées » dans la limite de
« 30% » des recettes agricoles.
Mais est-ce vraiment le cas ?
L’origine de la confusion : le principe fiscal de rattachement des BIC aux BA
La confusion vient du droit fiscal, et plus précisément du principe de rattachement des produits des
activités accessoires
commerciales (qui relèvent de la catégorie d’imposition des bénéfices
industriels et commerciaux, les « BIC ») aux bénéfices agricoles (les « BA »), pour les exploitants
soumis à un régime réel d’imposition.
Ce principe trouve deux applications dans nos activités agricoles :
il est possible de rattacher aux BA les recettes accessoires commerciales, lorsque la
moyenne annuelle des recettes accessoires commerciales des trois années civiles précédant
la date d’ouverture de l’exercice ne dépasse ni 30% des recettes tirées de l’activité agricole
ni 50 000 euros (Article 75 du Code Général des Impôts).
il est possible de rattacher aux BA les recettes provenant des activités photovoltaïques et
éoliennes, si au titre de l’année civile précédant la date d’ouverture de l’exercice, les
recettes provenant de ces activités, majorées des recettes des activités accessoires prises
en compte pour la détermination des bénéfices agricoles en application de l’Article 75 ciavant, n’excèdent ni 50% des recettes tirées de l’activité agricole, ni 100 000 euros (Article
75 A du Code Général des Impôts).
Mais alors, quel est le problème ? Le problème est que ces dispositions ne sont que des tolérances
fiscales…mais il ne faut pas oublier pour autant les textes juridiques : les sociétés agricoles ne
peuvent avoir qu’un objet agricole ! Et cet objet ne tolère pas les activités commerciales, même
accessoires…
L’objet agricole : définition
Les sociétés civiles d’exploitation agricole, comme leur nom l’indique, ont pour objet l’exercice
d’activités agricoles. Cette notion est définie par le code rural, dans son article L.311-1. Les
activités réputées agricoles sont donc les activités de production (végétales ou animales), les
activités qui sont le prolongement de la production (comme la transformation et la vente des
produits) ou les activités qui « ont pour support l’exploitation » (par exemple les activités de
tourisme et d’hébergement à la ferme). Il est à noter, bien que notre département soit peu
concerné, que les activités de culture marine sont des activités agricoles.
On assimile également à l’activité agricole la préparation et l’entraînement des chevaux (pour les
centres équestres, à l’exception des activités de spectacle), la production et la commercialisation
de biogaz, d’électricité et de chaleur par méthanisation, si au moins la moitié des matières utilisées
proviennent de l’exploitation.
Pour être tout à fait complet, il faut mentionner également la production d’énergie photovoltaïque,
qui depuis la loi Grenelle II du 12 Juillet 20101 est autorisée dans les sociétés civiles agricoles
….mais attention, en restant ce coup-ci dans les limites de la tolérance fiscale…
Par conséquent, en dehors des possibilités offertes par l’article L.311-1 et de la loi Grenelle II, il
n’est pas possible d’exercer une activité commerciale au sein d’une société civile agricole !
Que risque-t-on si l’on n’est pas « dans les clous » ?
Les sanctions sont particulièrement désagréables : un juge pourrait considérer que l’objet de la
société est illicite et dans ce cas la sanction encourue serait la nullité de la forme sociale (article
1844-10 alinéa 1 du Code civil). On pourrait également considérer que l’exercice d’une activité
commerciale fait apparaître une société de fait commerciale, avec pour conséquence une
responsabilité solidaire et indéfinie de chaque associé vis-à-vis des tiers, pour les dettes de la
société.
Et ce n’est pas tout ! Une société civile pourrait également être condamnée à des dommages et
intérêts pour concurrence déloyale. Ce fut le cas pour un GAEC, condamné par la Cour d’Appel de
Versailles le 10 février 1994, pour avoir exercé une activité de travaux agricoles au nez et à la
barbe d’une société commerciale spécialisée dans ce type d’activités….
Cas particulier : le groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC)
Les GAEC encourent une sanction supplémentaire : la suppression de l’agrément ! Cette sanction a
notamment été rappelée dans la circulaire du 27 avril 2011, les Comités Départementaux
d’Agrément des GAEC devraient donc être tout particulièrement vigilants sur ce point…
Que faire si on veut tout de même exercer ce type d’activités ?
Un conseil : ne prenez pas de risque. Préférez la création d’une nouvelle structure, qui sécurisera
vos opérations.
Nathalie MICHEL,
Chambre d’Agriculture de la Vienne
Tel : 05.49.44.74.74
Permanence téléphonique : tous les jours de 9 H 00 à 12 H 00
Permanences juridiques sur rendez-vous
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Loi n°2010-788 du 12 juillet 2010

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