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PSYCHOPATHOLOGIE
Apotemnophilie : une mise en forme contemporaine
de la souffrance psychique ?
T. BAUBET (1), B. GAL (1), S. DEN DONCKER-VIRY (1), A.C. MASQUELET (2), M.-T. GATT (3), M.R. MORO (1)
Apotemnophilia as a contemporary frame for psychological suffering
Summary. The word « apotemnophilia » was created in 1977. It was first used to describe an extreme paraphilia concerning both the search for amputees as sexual partners, and the fantasies and wishes to be amputated linked to a sexual
arousal. Clinical findings – More recently, the number of self-demand amputations appears to have raised. Some amputations of healthy legs have even been performed in hospital settings, raising important ethical issues. A new category
of trouble has been described : the Body Integrity Identity Disorder (BIID). Criterias for its diagnosis have been developed
and submitted to DSM V task force. According to clinicians who support the existence of BIID, this disorder is not a paraphilia, don’t overlap with other psychiatric disorders and could be in some ways compared to transexualism. The patient’s
health would therefore require the amputation of healthy limbs in order to « achieve » themselves and to help them to
become « able-bodied » according to their « true self ». Still according to those clinicians, psychiatric symptoms would
be either a consequence of the shame resulting from this condition, or a consequence of the doctor’s refusal to perform
these amputations. An ever growing « grey » litterature on the web support this opinion, but the scientific litterature is
still very scarce. Literature findings – In this paper, we analyse available scientific datas. This review does not support
the existence of BIID as a discrete nor a specific condition. Case-report – In a second part of this paper, we describe
the case of a young woman who started asking for above-the-knee leg amputation after a minor knee trauma, while complaining for pain and leg rigidity. Her medical state worsened, probably because of repeated self-inflicted lesions and
food restriction, leading to a severe undernutrition and life-threatening hypokaliemia. After some time, her medical state
required amputation. This surgery did not resolve her psychological suffering. She never talked about amputation as a
way to achieve herself. She did not meet the criterias for BIID. We consider her trouble as an association of a factitious
disorder with a borderline personality disorder. Discussion – In the last part of this paper, we discuss the « grey » scientific
litterature about apotemnophilia and BIID. We support the idea that BIID can be considered as a culture-bound syndrome,
a contemporary frame for psychological suffering. We think that BIID does not have neither intrinsic nor unequivocal
psychopathological meaning. It is a « new way to be mad » (Elliott), a common pathway for the expression of very different
kinds of psychological suffering. Conclusion – Apotemnophilia and BIID are raising important ethical and practical issues
for psychiatrists : their opinion will probably be requested by patients and surgical teams having to deal with patient asking
for healthy limbs amputation.
Key words : Apotemnophilia ; Body integrity identity disorder ; Borderline personality ; Culture-bound-syndrome ; Ethics ; Factitious
disorder ; Identity ; Self-mutilation.
(1) Service de Psychopathologie, CHU Avicenne (AP-HP) et EA 3413, Université Paris 13, Bobigny, France.
(2) Service de Chirurgie orthopédique et traumatologique, CHU Avicenne (AP-HP) et Université Paris 13, Bobigny, France.
(3) Consultation spécialisée de la douleur, Département d’Anesthésiologie, CHU Avicenne (AP-HP) et Université Paris 13, Bobigny, France.
Travail reçu le 9 juin 2005 et accepté le 29 mars 2006.
Tirés à part : T. Baubet (à l’adresse ci-dessus).
L’Encéphale, 33 : 2007, Septembre, cahier 1
609
T. Baubet et al.
Résumé. Le terme d’apotemnophilie a connu un destin particulier. Initialement, il désignait un trouble de l’ordre d’une
paraphilie, supposant soit une excitation sexuelle liée au fait
d’être amputé avec désir de passer à l’acte, soit la recherche
de partenaires amputé(e)s. Ces dernières années est apparu
un nouveau concept, celui de Trouble identitaire de l’intégrité
corporelle (TIIC) qui fait de ce trouble un trouble de l’identité
dont le traitement doit être chirurgical. Dans cet article, nous
présentons le cas clinique d’une jeune femme demandant
l’amputation d’une jambe suite à des lésions auto-infligées.
Nous dressons ensuite un historique de l’évolution de ces
concepts, basé sur une revue de la littérature et tentons d’en
cerner la dynamique d’apparition, et de questionner la pertinence de ce qu’on peut sans doute considérer comme un syndrome lié à la culture.
Mots clés : Apotemnophilie ; Automutilation ; État-limite ; Éthique ;
Identité ; Pathomimie ; Syndrome lié à la culture ; Trouble identitaire
de l’intégrité corporelle.
INTRODUCTION
La demande d’amputation d’un membre sain ou objet
d’automutilations est une éventualité assez rare, décrite
dans la littérature médicale pour la première fois dans un
article de 1977 (23) : deux cas dans lesquels des patients
non délirants demandaient l’amputation d’un membre
sain, alléguant un profond désir d’être amputé, étaient présentés. Les auteurs proposèrent de dénommer ce trouble
« apotemnophilie » en le distinguant de « l’acrotomophilie », désir sexuel pour les personnes amputées. Auparavant, il avait parfois été fait allusion à des comportements
fétichistes vis-à-vis de l’amputation, Krafft-Ebing (19)
ayant par exemple décrit le cas d’un homme recherchant
électivement des partenaires féminines amputées. En
1950, on trouve la première description d’un homme simulant le fait d’être amputé, conduite qu’il associait au travestissement avec des vêtements de sa mère, et à
laquelle il s’adonnait lorsqu’il était seul (22). Woody (28)
rapporte le cas d’un homme qui se livrait à des activités
auto-érotiques travesti, en se regardant dans un miroir
avec une jambe repliée et attachée, mimant l’amputation.
Après avoir présenté les rares données de la littérature
sur la question, nous rapportons et discutons ici le cas clinique d’une jeune femme de 30 ans ayant demandé une
amputation de jambe pour des motifs médicaux correspondant à de probables lésions auto-infligées. Nous nous
interrogerons pour finir sur la signification de l’émergence
et de la popularisation grandissante du concept d’apotemnophilie et questionnerons sa signification.
REVUE DE LA LITTÉRATURE
La littérature scientifique sur le sujet est rare. Nous
avons effectué une recherche sur Medline (1977-2005)
portant sur les différents termes utilisés pour décrire ce
trouble (apotemnophilia, self-demand amputation, amputee identity disorder, body integrity identity disorder), et
610
L’Encéphale, 2007 ; 33 : 609-15, cahier 11
nous avons considéré également les références citées
dans les publications retrouvées. Au total, seulement
8 publications portant sur 12 cas ont été identifiées, elles
sont brièvement résumées dans le tableau I. Cinq publications émanent d’une même équipe (15) fortement engagée en faveur de la reconnaissance de ce trouble comme
autonome et de la nécessité d’un traitement chirurgical.
L’analyse est rendue difficile par l’hétérogénéité des publications. Les cas 1 à 5 sont des rapports détaillés de prises
en charge psychothérapiques avec examen psychiatrique. Les autres cas font l’objet d’un rapport beaucoup plus
succinct et discutable.
Dans les 12 cas, il s’agit d’hommes âgés de 24 à
65 ans. Dans 7 cas, il y a eu des automutilations, garrottages, auto-amputations de doigts ou d’orteils, tentatives
d’amputation de jambe. Dans 1 cas, le patient s’est livré
à une automutilation génitale. Dans 5 cas, une amputation
chirurgicale a eu lieu, dans 3 cas, elle était rendue nécessaire par la gravité somatique des automutilations. Les
deux autres cas correspondent à un patient qui a décidé
d’aller se faire opérer dans un pays « du Tiers-monde »
contre une somme d’argent, et qui est finalement décédé
de complications somatiques (15), et à un cas d’amputation de jambe saine (15). L’évolution de l’état psychiatrique
après amputation est décrite comme favorable dans 3 cas
émanant de la même équipe (15), il n’y a pas d’élément
sur l’évolution pour les autres situations. Dans plusieurs
cas, le désir d’amputation a précédé des actes automutilatoires réalisés, selon les patients, pour obtenir l’intervention en cachant aux équipes médicales leur aspect volontaire. Concernant les symptômes associés, ils ne sont pas
toujours rapportés : une acrotomophilie est signalée dans
la moitié des cas, un trouble de l’identité de genre dans
un cas, une personnalité schizoïde dans un cas également. Aucune autre pathologie psychotique n’est mentionnée. La sexualité peut être hétéro, homo, ou
bisexuelle, parfois absente ou centrée sur des activités
auto-érotiques. Elle s’accompagne souvent de scenarii
faisant intervenir une jambe amputée chez soi, ou chez
le partenaire. La fétichisation peut être déplacée sur le
matériel orthétique. Des comportements exhibitionnistes
sont parfois décrits : le sujet peut par exemple se déplacer
en public avec des béquilles, une jambe repliée et attachée feignant l’amputation. Il faut noter que l’amputation
de jambe est demandée presque exclusivement au-dessus du genou, ce qui est important à signaler dans la
mesure où l’appareillage est pourtant rendu plus difficile
et le handicap plus lourd. L’âge de début de l’apotemnophilie, lorsqu’il est rapporté, se situe dans l’enfance ou
l’adolescence. Dans certains cas, des souvenirs particuliers sont évoqués par les patients et concernent alors des
accidents médico-chirurgicaux survenus chez eux ou
dans leur entourage, pendant la petite enfance.
En 1977, dans la publication princeps (23), les auteurs
situent clairement ce trouble du côté des paraphilies. Le
désir d’être amputé (apotemnophilie) coexiste avec une
recherche de partenaires amputé(e)s (acrotomophilie),
les deux étant à considérer comme un aménagement particulier du désir sexuel entrant dans le cadre de troubles
L’Encéphale, 2007 ; 33 : 609-15, cahier 1
Apotemnophilie : une mise en forme contemporaine de la souffrance psychique ?
TABLEAU I. — Cas publiés de demande d’amputation d’un membre sain ou objet d’automutilations.
Éléments cliniques
sur l’apotemnophilie
Éléments cliniques associés
et biographiques
1 Money et al., 1977 (23) M
Demande d’amputation d’une jambe saine,
automutilations répétées
Bisexualité, trouble de l’identité de genre,
acrotomophilie, excitation sexuelle liée à son
projet d’amputation présent depuis l’âge de
13 ans. Brûlure grave du pied à deux ans
(marche impossible pendant un an)
2 Money et al., 1977 (23) M
Demande d’amputation d’une jambe saine
Acrotomophilie. Sexualité hétérosexuelle
pauvre et insatisfaisante. Pied-bot et fracture
de jambe à 15 ans
Auteur, année
Sexe Âge
3 Wakefield et al., 1977
(26)
M
28
Lésion auto-infligée d’un doigt ayant conduit
à son amputation, puis auto-amputation d’un
orteil
Acrotomophilie depuis l’adolescence. Marié
4 Beresford, 1980 (4)
M
29
Lésions auto-infligées répétées dont une
lésion par arme à feu ayant conduit à une
amputation de jambe
Dégoût pour sa jambe depuis l’âge de 5 ans.
Durant l’enfance, compagne de jeu
présentant un handicap post-poliomyélitique.
Personnalité schizoïde
5 Everaerd, 1983 (14)
M
65
Demande d’amputation d’une jambe saine
Choix d’objet homosexuel. Acrotomophilie
depuis l’âge de 10 ans. Feint l’amputation
6 Furth et al., 2000 (15)
M
63
Demande d’amputation de jambe, tentative
d’auto-amputation, amputation suite à des
lésions auto-infligées. Évolution favorable
sur le plan psychiatrique
Désir d’amputation depuis l’enfance. Divorcé,
des enfants
7 Furth et al., 2000 (15)
M
57
Demande d’amputation de jambe, tentative
d’auto-amputation, amputation finalement
réalisée par un chirurgien dans une clinique
« du Tiers-monde », décès dû à des
complications
Désir d’amputation depuis l’âge de 7 ans
8 Furth et al., 2000 (15)
M
47
Demande d’amputation d’une jambe saine
réalisée chirurgicalement, évolution
favorable sur le plan psychiatrique
Marié, deux enfants
9 Furth et al., 2000 (15)
M
35
Amputation de jambe suite à des lésions
auto-infligées. Évolution favorable sur le plan
psychiatrique
10 Furth et al., 2000 (15)
M
33
Projet d’auto-amputation. Pas d’information
sur l’évolution
11 Wise et al., 2000 (27)
M
49
Fétichisme de l’amputation de jambe et
automutilation génitale
Acrotomophilie. Marié, un enfant
12 Storm et al., 2003 (25)
Bensler et al., 2003 (3)
M
24
Longue histoire d’auto-amputation d’orteils
et de lésions auto-infligées multiples des
membres inférieurs. Arrivée aux urgences
pour des lésions de garrottage et
infectieuses auto-infligées, et demande
d’amputation des deux jambes
Marié. Acrotomophilie probable. Père atteint
de schizophrénie paranoïde mort par suicide
deux ans plus tôt
de la personnalité et de l’identité. Certains autres travaux
vont dans ce sens. Dixon, en 1983, étudiant 195 acrotomophiles, notait que 53 % avaient feint l’amputation (dont
11 % en public) et que 71 % avaient des rêveries autour
de leur propre amputation (9). Selon une étude de Nattress
(24) portant sur 50 acrotomophiles, 41 % étaient mariés
ou vivaient avec une amputée, 43 % avaient déjà feint
l’amputation, et 22 % désiraient devenir amputés. Cette
conception de l’aptemnophilie comme paraphilie va
cependant se modifier rapidement. Le patient d’Everaerd
(14) parle de l’amputation comme du seul moyen possible
pour lui de se sentir « complet ». En 2000, Furth et Smith
(15) publient un ouvrage sur l’apotemnophilie, et en 2002,
lors de sa réédition, ils en changent le titre pour préférer
Amputee identity disorder, terme qui évoluera ensuite en
Body integrity identity disorder (Trouble identitaire de
l’intégrité corporelle, TIIC). Le parallèle n’est plus fait avec
les paraphilies dont le TIIC est clairement distingué, les
symptômes associés sont soit gommés, soit attribués à
un sentiment de honte vis-à-vis de ce désir tenu secret,
ou bien encore au refus du corps médical d’accéder à la
demande d’amputation. En fait, c’est sur le modèle du trou611
T. Baubet et al.
ble de l’identité de genre que se construit cette nouvelle
théorisation du trouble. Les patients atteints seraient dans
un corps normal qui leur est insupportable. Pour atteindre
leur « vrai soi » (15), ils doivent être amputés. Il est frappant de constater que cette notion de « vrai soi » n’est
jamais interrogée. Parlant d’un patient amputé d’une
jambe saine, Furth et Smith disent « il a été libéré de la
charge d’une extension étrangère (alien extension) de son
corps, ce qui lui permet de vivre heureux et libre » (15).
Pour ces auteurs, il existerait de « vrais » apotemnophiles : « pour le vrai apotemnophile, il ne s’agit pas de
devenir handicapé, mais au contraire de parvenir à un
corps valide (to become able-bodied) ». Une chirurgie de
réassignation serait la solution pour ces individus qui se
sentent handicapés par un corps normal ; on voit là le
parallèle fait avec la chirurgie de réassignation pour les
transsexuels.
Les auteurs proposent des critères diagnostiques pour
le TIIC, qui ont été soumis à la task force de révision du
DSM IV : A. Il doit être prouvé que le patient désire avec
force et constance un handicap identifié précisément ; B. Il
doit être prouvé un inconfort persistant ou un sentiment
d’inadéquation du fait de l’absence de handicap ; C. Le
diagnostic n’est pas mieux expliqué par un trouble de
l’Axe I ou de l’Axe II ; D. Le trouble entraîne une souffrance
significative, ou une altération importante du fonctionnement social, occupationnel, ou autre domaine important
(15).
Ces dernières années, on est frappé par l’absence
d’analyse psychiatrique et psychopathologique des situations rapportées. Les tableaux cliniques sont rapportés de
manière très descriptive, très proches du discours du
patient, à l’exception notable de l’article de Bruno (6) qui
rattache ce trouble aux troubles factices survenant au
cours de troubles de la personnalité. Au total, très peu de
cas ont été publiés dans la littérature scientifique de
manière détaillée depuis 1977. Ces cas sont hétérogènes
dans leurs manifestations cliniques. Il ne nous semble pas
licite de considérer ces manifestations comme un syndrome spécifique en l’état actuel des connaissances.
HISTOIRE CLINIQUE DE LIGÉE
Présentation
Ligée a 30 ans. Elle est célibataire et vit avec sa mère
et un frère aîné handicapé mental. Le père a quitté le foyer
depuis quelques années, disant qu’il n’avait « jamais cru »
à ses problèmes médicaux et disant également ne plus
supporter « la place » que ceux-ci avaient pris à la maison.
Les autres frères et sœurs ont eux aussi quitté le foyer.
Ligée, sage-femme de formation, ne travaille plus depuis
sept ans. Elle exige l’amputation de sa jambe droite alors
que l’indication d’un geste aussi radical est discutable.
Les troubles ont débuté il y a dix ans. À cette époque
Ligée, qui n’a jamais présenté de trouble psychiatrique,
est extrêmement active, partageant son temps entre son
travail à l’hôpital la nuit, et un entraînement sportif de haut
612
L’Encéphale, 2007 ; 33 : 609-15, cahier 11
niveau. Un jour, elle chute accidentellement dans l’escalier de l’hôpital. Une arthroscopie du genou révèle une fissure méniscale. À partir de ce premier geste invasif, des
complications considérées comme rares se multiplient,
non sans étonner les chirurgiens. Ceux-ci sont également
surpris par l’absence de questionnement de la part de la
patiente sur les complications des interventions chirurgicales et les échecs répétés de la chirurgie. À titre
d’exemples : raideurs récidivantes après arthrolyses
répétées et désunions tardives des cicatrices après les
interventions chirurgicales ; ischémies subaiguës du
membre inférieur droit à répétition spontanément résolutives au cours des hospitalisations alors demandées en
urgence et sans obstacle retrouvé aux différents examens, et évoquant des lésions par garrottage. Elle doit
finalement subir une vingtaine d’interventions chirurgicales, le genou perdant petit à petit de sa mobilité. Les médecins internistes, après des investigations poussées, ne
retrouvent aucune anomalie biologique susceptible
d’éclairer les troubles. Devant un épisode d’ischémie
subaiguë inexpliqué mais particulièrement alarmant sur le
plan clinique, elle subit une sympathectomie lombaire chirurgicale. Elle se plaint de plus en plus de ce handicap
moteur (jambe raide et douloureuse), présentant un désinvestissement global majeur jusqu’au jour où elle demande
l’amputation de sa jambe.
Elle multiplie alors les tentatives de suicide toujours
empêchées par sa mère qui la suit partout et tout le temps,
craignant sans arrêt les passages à l’acte. Cette mère épuisée d’inquiétude nous demande elle aussi à chaque consultation d’appuyer la demande d’amputation de sa fille qui
sinon se tuera, elle en est persuadée. Ligée présente également une restriction alimentaire volontaire qui fait chuter
son poids jusqu’à un état de dénutrition grave (indice de
masse corporelle = 11,8), élément qu’elle utilise pour faire
pression sur l’équipe médicale, répétant sans cesse qu’elle
ne remangera que lorsqu’on acceptera de l’amputer. Cette
anorexie l’expose à des hypokaliémies de plus en plus
sévères (< 2 mmol/l) avec lesquelles elle nous inquiète et
qu’elle pense pouvoir contrôler. Après un suivi conjoint d’un
an par une équipe pluridisciplinaire (chirurgien orthopédiste, médecin interniste, médecin de la consultation de la
douleur, psychiatre et psychologue) la demande est toujours identique et de plus en plus pressante, avec un danger vital réel que l’on ressent de plus en plus comme
imminent : les hypokaliémies sévères sont de plus en plus
fréquentes, l’état du membre inférieur s’aggrave également, probablement du fait de garrottages répétés.
Bilan psychologique
Le bilan psychologique comprend un test intellectuel,
la WAIS-R, et des tests projectifs : dessin du bonhomme,
Rorschach et TAT. Ligée évoque d’emblée sa volonté
d’être amputée et elle étaye sa demande sur les difficultés
qu’elle rencontre au quotidien avec cette jambe « raide »,
en permanence maintenue dans une gouttière. Elle parle
longuement de ce qui faisait sa « raison de vivre » : les
activités sportives, se décrivant comme « une droguée du
L’Encéphale, 2007 ; 33 : 609-15, cahier 1
Apotemnophilie : une mise en forme contemporaine de la souffrance psychique ?
sport ». Elle se dit prête à souffrir mais « pour un but, pour
qu’il y ait quelque chose au bout », et dit penser « à se
débarrasser de sa jambe sous un train ». Le questionnement est double et permanent pour Ligée : d’une part sur
le féminin et l’identité de genre (elle-même se décrivant
comme très masculine, proche d’un frère et présentant
une aménorrhée depuis ses 15 ans), et d’autre part sur le
corps, dont l’enveloppe, et l’attaque de cette enveloppe
par les actes chirurgicaux la fascinent.
Le bilan intellectuel, réalisé au moyen de la WAIS-R,
montre des capacités cognitives qui sont dans la moyenne
de la population générale avec une hétérogénéité importante des subtests. Pour le bilan projectif, Ligée réalise
d’abord le dessin du bonhomme en se mettant en scène.
Le dessin est immature dans la représentation du corps,
ce qui contraste avec son niveau cognitif. Ligée passe
cependant beaucoup de temps à dessiner les muscles
saillants sous l’effort. Le test de Rorschach, qui sollicite
très directement l’image du corps et sa construction est
particulièrement intéressant dans la problématique de
cette patiente. Son analyse indique le recours massif à des
mécanismes de défense de type narcissique : l’hypersensibilité aux limites, le surinvestissement des contenants
et enveloppes, la spécularité, le clivage du Moi et les
mécanismes d’idéalisation/desidéalisation, le Soi grandiose et l’utilisation récurrente de références personnelles. Le mécanisme de clivage apparaît très nettement tout
au long du TAT, venant comme défense contre un vécu
dépressif, et il est également présent dans la relation à la
mère. La double valence de la relation maternelle se pose
en termes de dépendance, de relation consolatrice et de
relation « blanche, vide », dans un environnement sans
chaleur, presque sans vie, au manque fondamental. Ligée
a montré au cours de ce bilan le recours massif à des
mécanismes de défense de type narcissique. Elle souffre,
projette et met en scène sa souffrance. La dépression anaclitique, ancienne et profonde, pose la question de la
dépendance à l’objet, plus nette au TAT à l’évocation des
relations précoces, dépendance se manifestant actuellement autour du monde médical.
Évolution
L’aggravation progressive de son état somatique, parallèlement à celle de son état psychologique, conduit finalement l’équipe à poser l’indication d’amputation. L’impotence fonctionnelle est totale, la douleur chronique
invalidante. Sur le plan psychiatrique, on ne constate pas
de syndrome délirant ni mélancolique, pas d’affaiblissement intellectuel ni de confusion mentale : aucune maladie
mentale qui pourrait abolir le discernement de la patiente.
Il n’y a donc pas de raison, sur le plan psychiatrique de
s’opposer à un geste chirurgical, dès lors que celui-ci est
considéré en réunion pluridisciplinaire comme l’attitude
thérapeutique offrant les meilleures chances à la patiente
à ce stade d’évolution, et que la patiente, dont la capacité
de discernement n’est pas abolie par une pathologie mentale, le souhaite également. L’amputation chirurgicale au
niveau de la cuisse a été réalisée dans des conditions favo-
rables. Dès le lendemain, la patiente s’en disait absolument enchantée, prenant particulièrement soin de son moignon dont elle caressait sans cesse le pansement, « je
revis ! » répétait-elle chaque jour. Elle a ensuite été prise
en charge en centre de rééducation pour adaptation d’une
prothèse et malgré nos recommandations elle a, à nouveau, adopté une attitude d’hyperactivité sportive sous le
regard admiratif de l’équipe de rééducation. Jusqu’au jour
où elle fit une chute, se rompant les ligaments croisés externes de l’autre genou… Depuis, comme les chirurgiens
hésitent à l’opérer, elle se promène en fauteuil roulant, une
jambe amputée, l’autre jambe dans une gouttière et petit
à petit, au bout de deux ans, elle se réinstalle dans une
dépression anaclitique et ré-adopte les mêmes attitudes
d’anorexie et de tentatives de suicide à répétition. Elle dit
n’avoir jamais regretté l’amputation mais pleure le fait de
n’avoir « pas pu en profiter plus longtemps »…
Débat diagnostique
Nous avons éliminé un syndrome délirant à thématique
hypocondriaque, tel qu’il peut être observé dans le syndrome de Cotard par exemple, ou dans certaines psychoses chroniques. On ne peut pas parler non plus de
dysmorphophobie : même si les préoccupations concernant sa jambe revenaient sur un mode obsédant, Ligée ne
la considérait pas comme disgracieuse ni dans le regard
des autres ni dans le sien, mais comme malade et objet
de douleur. Le diagnostic de pathomimie ou trouble factice
a été retenu, devant la recherche d’un statut de malade
somatique allant jusqu’à l’attaque du corps et dans un contexte de perturbation de l’organisation de la personnalité.
Des traits de caractère hystériforme ont été repérés mais
une telle mise en acte dans le corps suppose une incapacité à représenter les conflits sur la scène corporelle de
manière purement imaginaire. Donc derrière cet état
d’apparence névrotique ou caractérielle, derrière cette
apparente hyper-adaptation à la réalité et à la vie sociale,
apparaît une personnalité bien moins structurée. L’évaluation psychiatrique, le bilan psychologique et l’évolution plaident pour un trouble de la personnalité de type narcissique/
état-limite : le questionnement identitaire, l’oscillation entre
une dépendance et une agressivité massives, les recours
à l’agir, la dépression anaclitique, le sentiment de vide, les
affects de rage, le recours privilégié au clivage et au déni
et l’émergence de mécanismes projectifs vont dans ce
sens. La dégradation bien réelle de l’état du genou et de
la jambe peut être comprise comme résultant d’un trouble
factice associé à ce trouble de la personnalité, un défi lancé
au monde médical dans lequel une dimension perverse
peut être repérée. En revanche, le trouble présenté par
Ligée ne correspond pas au TIIC tel qu’il a été défini.
DISCUSSION
Alors que les publications scientifiques sur le sujet sont
particulièrement rares, toute une littérature « grise »
concernant l’apotemnophilie s’est développée sur Internet
613
T. Baubet et al.
(12) : pages web, forums, listes de diffusion, des dizaines
de sites existent et compilent des témoignages, des articles de psychiatres, psychologues, chirurgiens souvent
engagés pour la reconnaissance de ce trouble, et parfois
des photos d’amputé(e)s. Des milliers de personnes fréquentent ces sites, et se désignent par les termes de wannabes (apotemnophiles), devotees (acrotomophiles) ou
pretenders (personnes feignant l’amputation, se déplaçant avec des béquilles, des orthèses ou en fauteuil roulant en l’absence de lésion). Parallèlement, plusieurs articles sont parus dans la presse magazine anglo-saxonne
(articles de fond, témoignages de patients ou de médecins
et de thérapeutes soutenant l’existence de ce trouble et
la nécessité de la chirurgie), plusieurs films documentaires
ont été diffusés à la télévision popularisant l’apotemnophilie auprès du grand public. L’ensemble de ces données
publiées hors de la presse scientifique propose ce que le
discours scientifique n’offre pas : une description du trouble comme une entité autonome possédant des manifestations cliniques précises, des causes (l’identification à
des amputés durant l’enfance, la carence d’amour dans
l’enfance…), et une solution thérapeutique radicale qui est
chirurgicale. Le groupe de médecins et psychologues qui
soutiennent cette idée organise un colloque annuel à la
Columbia University de New York, et a mis en place un
site Internet d’information*.
Les problèmes posés par l’apotemnophilie au corps
médical furent portés à la connaissance du plus grand
nombre en 2000, au Royaume-Uni, lorsque suite à des
interventions médiatiques, il fut avéré qu’un chirurgien
écossais, Robert Smith, avait réalisé l’amputation d’une
jambe saine chez deux patients dans le but de traiter leur
apotemnophilie (11, 12, 18). Les instances hospitalières
et le National Health Service décidèrent de surseoir à la
troisième intervention, qui était déjà prévue. Ce troisième
patient était Gregg Furth, psychothérapeute new-yorkais,
co-auteur avec Robert Smith de l’ouvrage de référence sur
le trouble (15), qui s’est depuis exprimé dans plusieurs
interviews. Cette grande proximité entre patients et thérapeutes, militant pour la reconnaissance d’un trouble et
partageant un corpus de croyances relatives à celui-ci
n’est pas sans rappeler ce qui ce qui a pu être considéré
il y a quelques années comme une « épidémie » d’un trouble psychiatrique : le trouble de la personnalité multiple
(5). Rappelons ce qu’en disait Hacking en 1995 : « Que
s’est-il passé ? Est-ce une nouvelle forme de folie jusquelà inconnue qui s’abat sur le continent américain ? Ou bien
les personnalités multiples ont-elles toujours existé sans
être reconnues comme telles ? […] Ou bien, comme une
majorité de psychiatres le soutiennent encore, le trouble
de la personnalité multiple n’a-t-il aucune existence
réelle ? L’épidémie est-elle le résultat d’un petit groupe
engagé de thérapeutes, involontairement mais complaisamment secondés par des journaux à sensation et des
talk-shows qui passent l’après-midi ? » (16). Nous avions
montré que l’existence de ce trouble suscitait la méfiance
des cliniciens français et proposé de le comprendre
* http://www.biid.org
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L’Encéphale, 2007 ; 33 : 609-15, cahier 11
comme une mise en forme de la souffrance psychique
spécifique du contexte nord-américain de la fin du
XXe siècle (2).
Il est tout à fait vraisemblable que l’apotemnophilie corresponde ainsi à ce que Hacking a nommé des « modèles
transitoires de maladie mentale », limités dans le temps
et dans l’espace : des maladies mentales qui apparaissent
en trouvant dans un contexte social, culturel, et historique
particulier les conditions de leur développement, avant de
disparaître (17). On peut penser le développement de
l’apotemnophilie, puis du TIIC comme un syndrome lié à
la culture (7, 21) occidentale contemporaine, pour laquelle
la question du lien entre corps et identité est très prégnante
et en évolution rapide (20). Bien sûr des travaux supplémentaires psychiatriques, psychopathologiques, anthropologies, philosophiques et ethnopsychiatriques sont
nécessaires pour l’affirmer, mais notre hypothèse est que
ce trouble pourrait regrouper des configurations psychopathologiques très différentes aboutissant à une expression commune à travers un même canal sémantique, ce
que Devereux nommait un « modèle d’inconduite » (8). Il
nous semble probable, à la lecture des cas rapportés dans
la littérature que, dans un certain nombre de situations,
notamment lorsque sont associées acrotomophilie et apotemnophilie, le fantasme d’amputation pourrait être compris comme un fantasme pervers témoignant d’un déni de
la réalité de la castration soutenu par le clivage (10). Pour
autant, certains sujets exprimant une souffrance identitaire, des difficultés sur le plan narcissique, que ce soit
dans un registre névrotique, limite ou psychotique, avec
ou sans solution perverse élaborée, pourraient trouver
dans ce modèle une façon d’être souffrants qui, par le support identificatoire qu’elle propose, leur permettrait de donner à leur expérience une cohérence et un sens. Comme
le montre Elliott (12, 13), s’appuyant sur les travaux de
Hacking (16, 17) l’Internet permet de valider l’expérience
subjective tout en participant à sa mise en forme : les données ainsi acquises permettent de réinterpréter des éléments de sa propre histoire et de son expérience actuelle.
Selon le modèle du trouble identitaire de l’intégrité corporelle, l’amputation sélective d’un membre, jadis considérée comme une auto-mutilation, devient le traitement chirurgical d’un trouble mental (12). Cette idée pose la
question de la place assignée à la médecine dans nos
sociétés, qui au-delà du soin des maladies devrait également participer par des interventions, fussent-elles mutilantes pour le corps, à l’amélioration et à la transformation
de soi (13).
CONCLUSION
Dans l’observation que nous avons rapportée, la
patiente ne nous a pas fait part d’un désir pré-existant
d’amputation, ni du sentiment que cette jambe ne lui
appartenait pas, et le tableau clinique qu’elle présente ne
correspond pas au TIIC tel qu’il a été décrit. Il ne s’agit
pas pour nous de nous prononcer sur l’existence de l’apotemnophilie ni du TIIC, mais de s’interroger sur le contexte
L’Encéphale, 2007 ; 33 : 609-15, cahier 1
Apotemnophilie : une mise en forme contemporaine de la souffrance psychique ?
de la description de ce trouble, sur la signification de son
apparition dans la littérature, et sur les réponses à donner
à ce type de demande. Nous faisons l’hypothèse que le
TIIC constituerait un trouble lié à la culture occidentale
contemporaine, une sorte de matrice à travers laquelle
des sujets présentant des problématiques très différentes
sur le plan psychopathologique pourraient trouver un sens
à leur souffrance et la mettre en forme, en scène, de
manière socialement acceptable. Rappelons avec Johnston et Elliott (18) qu’il n’y a aujourd’hui aucun consensus
sur le contexte psychopathologique qui peut conduire un
patient à demander l’amputation d’un membre sain, ni sur
la manière d’évaluer cette demande, ni sur les différentes
alternatives thérapeutiques, ni sur les effets de celles-ci.
Nous soulignons ici la nécessité d’une approche complexe
qui prenne en compte les enjeux somatiques et psychiatriques, conscients et inconscients, et la signification
sociologique de ce nouveau type de demande qui ne manquera pas d’être faite aux psychiatres.
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