l`Est républicain

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l`Est républicain
SPECIALE
Vendredi 19 octobre 2007
EXCLUSIF
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAA
« Je vais vivre dans l’ombre, comme j’aime »
Le jour de l’annonce officielle du divorce des Sarkozy, Cécilia accorde à L’Est Républicain une longue interview.
Elle aborde - avec beaucoup de pudeur - tous les sujets : son histoire amoureuse en 2005,
ses difficultés à concilier vie publique et vie privée, d’une famille recomposée dont tous les Français ont parlé.
- Je suis très contente de pouvoir
en parler. Nicolas n’a absolument pas besoin de ce genre de
conseils. J’ai toujours essayé
d’être un garde-fou pour lui
parce que j’ai un regard très
extérieur et que j’ai toujours
gardé une vie un petit peu en dehors et parallèle à celle de la politique. J’ai un regard plus frais
et plus extérieur aux choses. En
revanche, tout ce qui est nominations, décisions, je ferme la porte
du bureau. Je n’ai jamais voulu
faire d’ingérence en quoi que ce
soit. En revanche, je pense qu’un
avis extérieur absolument pas
intéressé, puisque je n’attendais
rien en retour, est par définition
un bon avis.
Propos recueillis
par Yves DERAI
- Pourquoi dire votre part de vérité aujourd’hui ?
- Je pense que je me dois d’expliquer pourquoi je ne veux
plus jouer le rôle - si rôle il y a
- de première dame de France ;
les raisons pour lesquelles j’ai
demandé de divorcer ; les raisons pour lesquelles je veux me
retirer de la vie publique. Je
pense que je me dois d’expliquer les raisons de mon choix
aux Français qui se posent des
questions.
- Vous venez d’avancer deux éléments essentiels : votre retrait de
la vie publique et votre divorce.
Qu’est-ce qui est primordial
pour vous ? Est-ce que l’un explique l’autre ?
❝
Il y a
des moments
où le destin
s’acharne
contre vous ❞
- On ne peut pas dissocier les
deux choses. Il m’est arrivé un
événement il y a deux ans dont la
France est malheureusement au
courant. Parce qu’étant une
femme médiatisée de par la fonction de mon mari, tout ce qui
m’arrive dans l’existence doit
être expliqué. En 2005, j’ai rencontré quelqu’un, je suis tombée
amoureuse, je suis partie. Peutêtre un peu précipitamment vu le
contexte encore médiatique dans
lequel je vivais à l’époque. J’ai
voulu essayer de me comporter
correctement et de revenir pour
essayer de reconstruire quelque
chose, pour essayer de revenir à
des principes auxquels je suis
habituée, avec lesquels j’ai été
élevée. C’est la raison pour laquelle tout cela s’est passé rapidement sans que je puisse tout à
fait gérer les circonstances.
❝ Les Français
ont élu un homme
pas un couple ❞
- Depuis deux ans, je n’ai pas
parlé. Sachez que cette vie publique ne me correspond pas, elle
ne correspond pas à ce que je
suis au plus profond de moimême ; je suis quelqu’un qui
aime l’ombre, la sérénité, la tranquillité. J’avais un mari qui était
un homme public, je l’ai toujours
su, je l’ai accompagné pendant
vingt ans. Ce combat a abouti à
un endroit, quelque part où je
trouve qu’il est formidable,
parce que c’est un homme d’Etat,
c’est un homme qui est capable
de faire beaucoup pour la France
et pour les Français. Mais moi, je
pense que ce n’est pas ma place.
Ce n’est plus ma place. Et comme
l’ont dit fort souvent les journalistes et les chroniqueurs, on a
élu un homme et non pas un
couple.
- Pour vous, l’accession de Nicolas Sarkozy à l’Elysée a été un
peu comme la fin d’un cycle ?
Avez-vous, en quelque sorte, accompli une mission ?
- Non. Là, vous mélangez vie
privée et vie publique. Mais il est
vrai que lorsqu’on épouse un
homme politique, la vie privée et
la vie publique ne font plus
qu’un. C’est le début des problèmes. Je n’ai pas accompli une
mission, c’était un combat commun. Je suis une femme qui s’engage, j’en ai besoin. J’ai besoin
de prouver, surtout à moi-même
plus qu’aux autres, que je suis
capable de faire des choses.
❝ C’est comme
un violoniste
à qui vous donnez
un Stradivarius ❞
- Donc, pendant vingt ans, ça a
été un combat, une lutte, mais
aussi des moments intéressants,
- Pourquoi ces fantasmes alors ?
- Peut-être parce que je n’ai pas
assez parlé, expliqué... Je ne sais
pas.
- Vous avez perdu récemment
votre premier mari, Jacques
Martin. Doit-on faire un lien
entre sa disparition et votre séparation actuelle ?
Cécilia Sarkozy : « La crise n’arrive pas du jour au lendemain. Je suis rentrée à la maison il y a un an. Pendant un an, j’ai essayé de m’engager professionnellement, personnellement,
mais ça n’allait pas tous les jours ».
Photo AFP
passionnants, parce que la politique est passionnante, auprès de
celui qui était mon mari. Pour
lui, c’est comme un violoniste à
qui vous donnez un Stradivarius,
il a tout à coup l’occasion d’exercer son art. En ce qui me
concerne, ce n’est pas du tout la
même chose : j’ai travaillé à ses
côtés, mais je n’avais pas été élue
et je n’avais pas envie d’être élue.
C’est l’une des raisons pour lesquels ce n’était pas ma place.
- Sans entrer dans votre vie
privée, pouvez-vous nous dire
quelques-unes des raisons qui
vous ont conduit à cette décision
importante ?
- Ce qui m’arrive est arrivé à des
millions de gens : un jour, vous
n’avez plus votre place dans le
couple. Le couple n’est plus la
chose essentielle de votre vie, ça
ne fonctionne plus, ça ne marche
plus. Les raisons sont inexplicables, elles arrivent à beaucoup
de gens. Ça nous est arrivé.
❝ Il y a
- La crise n’arrive pas du jour au
lendemain. Je suis rentrée à la
maison il y a un an. Pendant un
an, j’ai essayé de m’engager professionnellement, personnellement, mais ça n’allait pas tous
les jours. Pendant le G8, j’ai
préféré partir parce que ma
place n’était plus là. Si je ne suis
pas allée voter, c’est que je n’étais pas bien, que ce n’était pas le
moment pour moi de me montrer.
Je pense que les Français peuvent comprendre qu’il y a des
moments dans l’existence où on
va moins bien que d’autres, ces
crises peuvent arriver à tout le
monde. Donc j’ai préféré ne pas
me montrer, ne pas m’exposer,
me protéger. Une des perversions
de ma position, c’est cette obligation de m’expliquer sur le fait
que j’ai besoin de vivre tranquillement, cachée.
- En même temps, le fait qu’on
ne vous voie pas là où on vous attendait a alimenté ce phénomène
qu’on a appelé « l’énigme Cécilia », « le mystère Cécilia », dont
les médias raffolent.
des moments
dans l’existence
où on va
moins bien
que d’autres ❞
- Il n’y a aucune énigme, aucun
mystère, il n’y a qu’un couple qui
traverse une crise, qui a essayé
de la surmonter sans y parvenir.
Et il y a beaucoup de pudeur de
ma part de ne pas vouloir étaler,
parler dans la presse, expliquer
des choses qui ne regardent en
fait personne !
- Comme nous avons un certain
nombre de principes, nous avons
essayé de reconstruire, de rebâtir, de faire passer la famille
avant le reste, cette famille recomposée dont tous les Français
ont parlé, de la faire passer en
priorité, mais ce n’était plus possible. On a tout essayé, j’ai tout
essayé. Simplement, ce n’était
plus possible.
❝ Il n’y a pas
- C’est cette crise de votre couple
qui explique vos absences lors de
différentes cérémonies officielles, lors de voyages où l’on
vous attendait ?
de carapace
assez solide
pour se protéger
de cela ❞
- Qu’en plus, ma vie privée soit
expliquée, disséquée, avec des
choses aberrantes que j’ai lues,
bien sûr que j’en souffre, tout le
monde en souffrirait. Les gens
qui vous disent le contraire ne
disent pas la vérité : il n’y a pas
de carapace suffisamment solide
pour se protéger de cela.
- Vous espérez, par votre décision, tourner cette page ?
- Ce n’est pas que je l’espère, je
vais tourner cette page et surtout, je vais essayer maintenant
de vivre discrètement et dans
l’ombre, comme je l’aime.
« Ce qui m’arrive est arrivé à des millions de gens : un jour, vous n’avez
plus votre place dans le couple ».
Photo Alexandre MARCHI
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21:57 C M J N A*
- Il n’y a peut-être pas de
« mystère » ou d’« énigme Cécilia »mais il y a un paradoxe Cécilia : vous souhaitez visiblement être en retrait par rapport
à la médiatisation qui est celle
d’une première dame de France
et - en même temps - vous avez
accompli une mission extrêmement spectaculaire en Libye. Un
su ccès puisque vous avez réussi
là où d’autres avaient échoué
avant vous : libérer ces infirmières bulgares et le médecin
palestinien.Vous saviez que vous
alliez être très exposée à votre
retour...
- J’ai fait les choses sans penser
aux conséquences médiatiques.
A un moment donné, j’ai parlé
avec Claude Guéant, le secrétaire général de l’Elysée, il m’a
dit : « Je pars en Libye ». J’ai
senti que je pouvais aider, que
je pouvais apporter une contribution.
❝ J’ai senti
que je pouvais
apporter
une contribution ❞
- Pourquoi ?
- J’ai senti que je pouvais le faire
même si la situation était bloquée depuis très longtemps. Je
lui ai dit : « Je vous accompagne ! » Il était assez étonné, il
en a parlé au Président qui a dit :
« Allons-y, on va tenter, emmenez-la ». Je suis partie avec lui.
Dans l’avion, j’ai pris connaissance de ce dossier, j’ai essayé de
comprendre et je m’en suis imbibée. En arrivant, je me suis
aperçue qu’il y avait moyen de
débloquer les choses. J’y ai mis
toute mon énergie. Premier
voyage, second voyage, j’ai passé
cinquante heures à discuter, à
parler, à négocier - avec les uns
et avec les autres ; souvent avec
les uns contre les autres - pour
essayer d’obtenir la seule chose
qui m’intéressait : sortir ces
femmes et cet homme. Je leur
avais donné ma parole, il fallait
que je tienne ma parole et je sentais que je pouvais y arriver. Il
fallait y mettre toute sa volonté,
tout son cour, toute sa rage. J’y
suis parvenue et je suis très
contente. Je n’attendais rien en
retour et je ne comprends pas
cette polémique parce que la
seule motivation qui était la
mienne, c’était de sortir ces gens
qui ont souffert atrocement, c’était juste les sortir de la prison.
Je n’ai à aucun moment pensé ni
aux conséquences médiatiques,
ni aux explications qu’on me demande de donner, ni à quoi que
ce soit. Je l’ai juste fait dans un
but humanitaire. C’est tout.
bornes : j’ai fait ce qu’il fallait
faire avec l’aide de Claude
Guéant et de Boris Boyon, le
conseiller diplomatique, qui
étaient auprès de moi et qui ont
veillé à ce que tout se passe au
mieux. Maintenant, lorsqu’on me
demande d’aller m’excuser
d’avoir sorti ces femmes et cet
homme, il y a quelque chose qui
n’est pas normal.
- Est-ce que cette mission vous
donne envie de poursuivre dans
l’humanitaire ?
- Je crois que j’ai eu beaucoup de
volonté pour le faire, de ténacité
et de chance. Je ne sais pas si
tout cela reviendra. Ce n’est pas
seulement les infirmières bulgares, je me suis toujours engagée pour essayer de tendre une
main. Je continuerai à le faire,
médiatisée ou non.
- Sous quelle forme ? Vous avez
envie de créer une fondation ?
- Non. Pour le moment, je n’ai
aucun projet. J’ai envie de faire
beaucoup de choses et je sens
que j’ai la possibilité d’aider les
autres. Cela a toujours été dans
ma nature, j’ai toujours été
tournée vers les autres.
- Une question que beaucoup de
Français se posent : qu’avez-
vous ressenti au moment où vous
avez appris que Nicolas Sarkozy
devenait président de la République, après toutes ces années
de combat ?
- J’étais fière ! J’étais fière parce
que c’est un travail qui prend
une vie entière. C’est une abnégation, beaucoup de sacrifices
pour y arriver. Cependant, je
pense qu’il fait partie de cette
race d’hommes qui met sa carrière et sa vie au service de l’Etat
sans rien attendre en retour.
❝
La France
le mérite
et il mérite
la France ❞
- C’est un homme d’Etat ?
- Je le pense. Je pense que la
France le mérite et qu’il mérite
la France. J’étais fière et heureuse pour lui.Vraiment pour lui.
- On a dit beaucoup de choses
sur votre rôle à ses côtés. Vous
étiez une conseillère, vous aviez
de l’influence, vous pesiez sur les
décisions stratégiques, sur des
nominations ? On a même dit que
certains ministres vous devaient
leur place.
- Pas du tout. Mais il y a des moments où le destin s’acharne
contre vous. Jacques était un
homme remarquable qui m’a
donné deux filles magnifiques
qui sont aujourd’hui des jeunes
femmes. Je suis heureuse de pouvoir lui rendre hommage et heureuse aussi que mes filles aient
pu constater à quel point c’était
un grand Monsieur.
En ce moment, il y a dans ma vie
des bouleversements considérables. Plutôt que de me laisser
dépasser, j’essaie de les gérer. Je
suis une inconditionnelle du
positivisme.
❝
J’ai pris
mes pinceaux
pour peindre
une nouvelle
histoire ❞
- Qu’allez-vous faire dans les
jours qui viennent ?
- Je vais me concentrer sur ma
famille. Et puis je vais me projeter dans l’avenir. Je ne veux plus
vivre par rapport à mon passé. Je
n’aime pas vivre dans les décombres. La page se tourne,
c’est très difficile et c’est normal, vu le contexte et les enjeux.
Mais je ne regrette jamais mes
décisions. Enfant déjà, quand je
finissais un dessin, je tournais
la page et j’en commençais un
autre. Eh bien là, j’ai pris mes
pinceaux pour peindre une nouvelle histoire.
❝ Il a pris
la décision
de ne pas me faire
auditionner
sans m’en parler ❞
- Nicolas Sarkozy, lors d’une récente intervention télévisée, a
laissé entendre que vous n’étiez
pas opposée à être auditionnée
par les parlementaires français.
- Il a pris la décision de ne pas
me faire auditionner sans m’en
parler parce qu’il a pensé, je suppose, que c’était bien ou mieux
pour moi. Moi, je n’ai rien à cacher dans cette histoire, je n’ai
rien fait de mal, j’ai été très
honnête, je ne suis pas sortie des
« Que ma vie privée soit expliquée, disséquée, avec des choses aberrantes que j’ai lues, bien sûr que j’en
souffre, tout le monde en souffrirait ».
Photo AFP