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Dialogues 0123 Dimanche 13 - Lundi 14 avril 2008 11 Foi de ministre Médiatrice Véronique Maurus R ama Yade, par deux fois, puis Nathalie Kosciusko-Morizet, sur un mode atténué, trois désaveux en moins d’une semaine, cela fait beaucoup pour un journal de référence. Assez en tout cas pour justifier la perplexité des lecteurs. Reprenons les faits : le 5 avril, Rama Yade, secrétaire d’Etat aux droits de l’homme, dément avoir employé le mot « conditions » (pour la participation de Nicolas Sarkozy aux cérémonies d’ouverture des JO de Pékin) dans l’entretien publié le même jour. Le Monde, interrogé par l’AFP, assure avoir « fidèlement rapporté les propos de Rama Yade ». Cinq jours plus tard, Rama Yade réitère néanmoins, à France Inter : « Je n’ai jamais prononcé ces mots. Je ne les ai pas eus, et en plus pas pensés. » Le 9 avril, c’est au tour de Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat à l’écolo- gie, de se rétracter : Le Monde a « déformé » ses propos, dit-elle, en présentant ses excuses à Jean-Louis Borloo, son ministre de tutelle, et à Jean-François Copé, président du groupe UMP – dont elle dénonçait dans un entretien, publié le même jour, la « lâcheté » et l’« inélégance ». Aussitôt sollicité, le quotidien indique « maintenir la teneur de son article et la retranscription qu’il a faite des propos de la ministre ». Les mises au point du Monde n’ont pas suffi aux lecteurs, tant s’en faut. « Le silence de votre journal est un manquement à la déontologie, et je vous invite à dire très clairement ce qui s’est passé. Un journal qui se trompe doit le reconnaître nettement. Un journal qui a raison doit le dire, sans ménager qui que ce soit », écrit Gabriel Sabbagh (Paris). « Rama Yade a-t-elle parlé des “trois conditions” posées à la Chine (…) ou votre journaliste a-t-il un peu interprété les propos ministériels ? », renchérit Alain Monnier (courriel). Miguel Alonet (Auray, Morbihan) est encore plus clair : « Après Rama Yade, voici que Nathalie Kosciusko-Morizet prétend que ses propos ont été déformés par le journal Le Monde. Soit les journalistes professionnels du Monde ne savent pas retranscri- re un entretien, soit l’allégation est fausse. (…) Dans la seconde hypothèse, la question se pose de savoir si les journalistes du Monde vont longtemps accepter de se faire traiter d’incompétents. » Enquête faite auprès desdits journalistes, les notes de nos confrères et les circonstances de ces entretiens témoignent éloquemment de notre bonne foi. Selon ces notes, Rama Yade a déclaré très précisément : « Si ces conditions ne sont pas réunies, le président français prendra sa décision et n’ira pas. » Et Nathalie KosciuskoMorizet a dit : « Il y a un concours de lâcheté entre Copé qui (…) et Jean-Louis [Borloo] qui… », ajoutant : « de manière totalement inélégante… ». Il ne s’agissait pas de confidences arrachées au détour d’un couloir. C’est le cabinet de Mme Yade qui a sollicité, de longue date, cet entretien, lequel était donc préparé, et construit. De même, Mme KosciuskoMorizet a rappelé le journaliste au téléphone pour réagir, une demi-heure après qu’il l’avait sollicitée, et une bonne heure après la réunion du groupe UMP qui avait provoqué l’amertume de la ministre. Hélas ! Ni Jacques Follorou (pour Rama Yade) ni Patrick Roger (pour Nathalie Kosciusko-Morizet) n’étaient munis de magnétophones. Ce n’est pas une faute ; plutôt une imprudence et, dans le second cas, le résultat d’une impossibilité matérielle – les téléphones munis d’un enregistreur sont interdits. Ils expliquent la relative réserve du journal qui, voulant éviter une polémique stérile, s’est contenté de maintenir ses pro- Aucourrierdeslecteurs Tous en bordeaux comme au Tibet Comment suggérer pendant les Jeux olympiques le respect des droits de l’homme et notamment de la culture tibétaine, sans donner prise aux mesures de rétorsion chinoises, sans enfreindre les règlements du CIO ni aucune convention internationale ? Les Chinois ont déjà marqué à Paris pendant le défilé raté de la flamme leur opposition au badge imaginé par les sportifs français. A coup sûr, ils refuseraient aussi bien tout logo, tout insigne, fichu ou bandana évoquant une contestation de leur politique. (…) Reste… la couleur. Il se trouve que la couleur « bordeaux » évoque immédiatement et irrésistiblement celle du tissu utilisé par les moines tibétains pour confectionner leur robe. Il suffirait donc à tous les spectateurs des Jeux de porter un teeshirt bordeaux, sans aucune inscription, pour que le symbole soit clair sur tous les écrans de la planète. Michel Treguer Plouguerneau (Finistère) Avoir du cran Manifester pour le Tibet sans s’en prendre lamentablement aux sportifs, facile, il suffit de recevoir dignement le dalaï-lama à l’Assemblée nationale. Mais pour ça il faut du cran… Charles Kruczyk Caen Ne pas se tromper de cible Je pense que les manifestants ne prennent pas assez soin de distinguer le peuple chinois (…) de sa clique dirigeante. En condamnant, par exemple, « l’action de la Chine au Tibet », on pousse à la roue de l’idéologie nationaliste que le gouvernement chinois privilégie en ces temps de crise et de remise en cause. Et ça marche puisque des Chinois de Paris et de Londres sont venus, en arborant des drapeaux chinois, porter la contradiction aux manifestants. Il faudrait rapidement que dans les mots d’ordre le terme Chine soit remplacé par clique dirigeante chinoise ou gouvernement chinois ou pouvoir chinois. Cela aiderait les victimes du nationalisme ambiant à prendre du recul et à apprécier la différence de valeur entre Jeux olympiques, un divertissement sportif dévoyé par l’affrontement des nations inscrit dans son règlement, et libertés bafouées, peuple réprimé, culture saccagée, etc. Bref, il faut enfoncer un coin entre le peuple chinois et la clique qui étouffe le pays et ses confins. (…) Yves Lenoir Fontainebleau (Seine-et-Marne) Jeux olympiques Le CIO comprend 115 membres. Quelle est l’origine sportive, sociale, politique, financière de ces membres ? Quelle est la proportion de chaque catégorie évoquée ? Pourquoi avoir choisi Pékin pour les JO de 2008, sans avoir, auparavant, l’assurance que les droits de l’homme étaient respectés en Chine ? Si la réponse était négative, il fallait différer les Jeux de Pékin. Il me semble que la contestation vient maintenant trop tard. Chantal Prudhomme Dinan (Côtes-d’Armor) Pour la suppression du CIO En juillet 2001, à Moscou, l’assemblée générale du CIO a confié à la République populaire de Chine l’organisation des XXIXe Jeux olympiques d’été. Ceux qui ont voté sont les représentants du CIO dans leurs pays respectifs et non les délégués de leur pays au sein du CIO, comme le stipule la Charte olympique. En conséquence, le CIO, organisation internationale non démocratique et non représentative, oblige les Etats à prendre position a posteriori. Ils ne décident rien, ils sont mis devant le fait accompli et voilà qu’ils doivent se justifier, choisir, décider. Etrange. (…) Le marquis de Samaranch a simplement tué le baron de Coubertin, et avec lui ses rêves olympiques. Il a transformé le CIO en une société multinationale monopolistique aux airs d’organisation internationale hégémonique. Ses décisions pèsent désormais plus que les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Le « deal » entre le CIO et la République populaire de Chine sert leurs intérêts bien compris, loin des idéaux originels (…). Face aux dérives du CIO (…), pourquoi ne pas envisager de le transformer ? Le CIO pourrait devenir une organisation spécialisée onusienne. L’Unesco s’occupe de la culture, la FAO de la pos, sans autre commentaire. Notons aussi que, dans les deux cas, le texte de ces entretiens n’a pas été relu par les intéressés ni par leurs cabinets. Ce n’est pas un hasard. Gageons que Mme Yade, corrigée par le Quai d’Orsay, aurait parlé de « critères » et non de « conditions » – ce qui revient au même, mais traduit en langage diplomatique. Quant à Mme Kosciusko-Morizet, elle aurait sans doute retiré ou beaucoup édulcoré ses propos après avis de son ministère. N ’y aurait-il de parole vraie que spontanée ? La presse écrite, handicapée sur ce point par rapport à l’audiovisuel, doit-elle se résigner aux interviews « langue de bois » pour éviter les rétractations systématiques ? « Une interview a plusieurs fonctions, note Alain Frachon, directeur de la rédaction. Elle doit relayer la parole d’un décideur, mais aussi la soumettre à la critique, la questionner. Il est naturel que le genre génère des conflits. La vraie question est : faut-il se soumettre à la règle de la relecture ? » En avril 2002, par souci d’honnêteté, Le Monde avait décidé de préciser, en tête de chaque entretien, s’il avait été ou non « relu et amendé ». « Cette bonne intention s’est retournée contre nous, explique Alain Frachon, les lecteurs l’ont interprétée comme une soumission des médias aux personnes interrogées. » L’expérience a donc pris fin en décembre 2004. Depuis, la règle varie d’un service, voi- re d’une personne à l’autre. « Globalement, nous ne faisons pas relire, assure Rémy Ourdan, chef du service international, sauf, exceptionnellement, quand c’est une condition préalable. Mais, si le texte est ensuite revu et corrigé par des communicants, on ne le publie pas. » Dans le domaine politique, la relecture est pratiquement inévitable. « C’est un usage à briser », estime Arnaud Leparmentier, chef du service. Les bonnes pratiques figurent pourtant noir sur blanc dans le Livre de style du Monde : un, le journal accepte seulement la relecture des longs entretiens ; « il s’agit d’une relecture de précaution, pour éviter tout contresens », précise notre code déontologique. Deux, si la personne interviewée « corrige son texte pour l’aseptiser, la rédaction se réserve le droit de ne pas publier l’entretien ». A ces règles pourrait désormais s’en ajouter une nouvelle, dictée par les circonstances : enregistrer systématiquement – quand c’est possible – les propos de nos interlocuteurs, surtout ministres… a PS : une précision pour finir. Contrairement à ce qui a été dit trop vite, y compris dans nos colonnes, la première grève « historique » de la rédaction du Monde a eu lieu… le 21 mai 1976, à l’appel de la CFDT et du SNJ. Visant à obtenir des patrons de presse la signature d’une convention collective des journalistes, elle a empêché la parution de l’édition datée du 22 mai 1976. En Iran par Haddad nourriture, le CIO s’occuperait du sport. Reconnu par l’ensemble des Etats membres, il bénéficierait de financements publics et non plus uniquement privés. Il serait soumis à de strictes règles de transparence et au contrôle des Etats. Il ne s’occuperait plus uniquement de chercher des sponsors ; mais du développement de la pratique sportive dans le monde. Il aurait enfin une légitimité internationale. Christophe Chauffour Tours (Indre-et-Loire) Indigestion Je ne sais pas vous, mais moi j’en ai déjà une indigestion. Regarder la télévision ou écouter la radio le lundi où « la flamme » a traversé Paris est proprement confondant : des manifestants allumés, des journalistes tenus à l’écart et ne voyant rien, s’époumonant à supputer si la flamme a été éteinte et combien de fois. Pour aider à organiser ce cirque, on mobilise des milliers de policiers à qui on confie une mission impossible, et tout cela pour quoi, quel résultat, pour quel coût, pour quel enjeu ? Le résultat : un bide. Le coût : énorme. L’enjeu ? Religieux, spirituel, moral, humaniste ? Rien de tout cela, mais le fric, le bon fric ! (…) En fait, tout se met en place naturellement, inexorablement, pour le grand cirque. Les gros pardessus du CIO (comme on disait autrefois à propos des dirigeants du rugby) ont vendu aux télévisions du monde entier les droits de retransmission pour des montants astronomiques. Les télés ne rentreront dans leurs frais qu’en en vendant la minute de pub (…), pour un montant non moins astronomique. Ce montant ne se justifie auprès des annonceurs que si chaque retransmission draine un très grand nombre de téléspectateurs. Comment attirer beaucoup de téléspectateurs ? En offrant un bon spectacle (…). Tout est en place pour le gigantesque show : la Chine, qui joue une partie importante et obtiendra finalement ce qu’elle voulait, les sponsors, les annonceurs, les télés (…). Pensons-nous sérieusement une seconde que quelqu’un veut ou peut s’opposer à ce barnum ? Bien sûr que non ! The show must go on… Louis Moussard Rochefort-en-Yvelines (Yvelines) Dessin de Haddad paru dans « Al Hayat », Londres. [email protected] RECTIFICATIFS ET PRÉCISIONS Psychanalyse. Après la publication de l’article « Sarkozy couché de force sur le divan » (Le Monde du 26 mars), le psychiatre-psychanalyste Hervé Hubert tient à préciser : « L’axe de mon séminaire est double. Le premier est de saisir la logique de fonctionnement du sujet Sarkozy dans son rapport au pouvoir, à luimême et à quelques autres. Le second axe est de tirer un enseignement de ce que le sujet Sarkozy nous montre comme défaut de civilisation, références faites à son livre Témoignage. » Johan et Pirlouit. Contrairement à ce que nous avons écrit dans la nécrologie de Raymond Leblanc, fondateur de « Tintin » (Le Monde du 30 mars), les aventures de « Johan et Pirlouit » ont paru après-guerre dans le journal Spirou et non dans Tintin. LE FRANC-PARLER reçoit Patrick Devedjian secrétaire général de l’UMP lundi 14 avril à 19h30 sur i>TELE et France Inter interviewé par Jean-François Achilli (France Inter), Thomas Hugues (i>TELE) et Raphaëlle Bacqué (Le Monde)