dossier mouette - Théâtre de la Bastille

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dossier mouette - Théâtre de la Bastille
THÉÂTRE
DE LABASTILLE
DOSSIER D'ACCOMPAGNEMENT
76 rue de la roquette 75011 Paris
014 3 574 2 14 w w w .th eatre-b astille.c om
THIBAULT PERRENOUD
LAMOUETTE
6 > 11 m ars 2 017 à 2 0 h
13 > 2 5 m ars 2 017 à 2 1 h
2 7 m ars > 1er avril 2 017 2 0h
relâch e les dim an ch es
Texte :A n ton Tchek h ov
Traduc tion / adap tation :C lém en t C am ar-M ercier
M ise en scè ne :T hib ault Perren oud
A vec : M arc A rn aud,M ath ieu B oisliveau,
C h loé C h evalier,C aroline G on in ,É ric Jak ob iak
Pierre-S tefan M on tag n ier,G uillaum e M otte,
A urore Paris
Contacts relations avec le public jeune / action culturelle
Nicolas Transy -01 43 57 57 17 -nicolas@ theatre-bastille.com / M axim e Bodin -01 43 57 57 16 -m axim e@ theatre-bastille.com
Elsa Kedadouche -01 43 57 70 73 -elsa@ theatre-bastille.com
RÉSUMÉ
Les dram aturges contem porains farcissent leurs œuvres uniquem ent d’anges, de gredins et de bouffons. J’ai voulu
être original, chez m oi il n’ya pas un seul brigand, pas un seul ange (quoique je n’aie pu m e passer de bouffons), je
n’ai accusé personne, ni acquitté personne.
Anton Tchekhov
En russe, le m ot « tchaïka » (la m ouette)contient le verbe « tchaïat’», espérer vaguem ent. La m ouette, c’est l’illusion,
la déception, l’essor, la désillusion, le fait d’être tourné vers le futur et d’attendre l’irréel, ou de regarder vers le passé
et d’attendre que ce passé découvre un espoir d’y voir une réconciliation possible.
Françoise M orvan et André M arkowicz, Notes sur La M ouette
Dans La M ouette un jeune hom m e s’affronte à sa m ère, cherche en vain à lui faire reconnaître sa valeur, puis finit par
déclarer forfait. Le jeune hom m e voudrait bien transform er le m onde -et, pour lui, cela veut dire réinventer le
théâtre ;la m ère et son am ant, eux, préfèrent prendre leur plaisir en pactisant avec l’art et le m onde tels qu’ils sont.
Narcissism e de l’adolescence contre égoïsm e de l’âge m ûr ?
Tchekhov a fait de l’art le terrain de prédilection des passions, des illusions et des conflits des personnages de La
M ouette. Ici, si l’on n’est pas artiste, on aurait voulu l’être :il n’est pas jusqu’au régisseur du dom aine ou au m édecin
du district qui ne soit obsédé par l’engagem ent artistique, com m e s’il était la seule réparation possible pour des vies
évidées de sens, le lieu rêvé de la jouissance au m ilieu de tant de frustrations.
Ce diagnostic acerbe sur la fonction com pensatoire de l’art, ce scepticism e devant l’espoir de rédem ption qui s’y
attache, sont au cœur d’une pièce dont le dispositifironique atteint de plein fouet, aujourd’hui encore, quiconque s’y
attaque.
Anne-Françoise Benham ou
INTENTIONS
« Oui, j'en arrive de plus en plus à cette conviction que le problèm e n'est pas que les form es soient anciennes ou
nouvelles, m ais qu'on écrive sans se soucier d'aucune form e, qu'on écrive parce que ça s'épanche du fond de
l'âm e »
Com m e Tréplev nous le rappelle à l'acte IV, c'est bien de ce qui nous touche personnellem ent que l'on doit partir
pour qu'un travail prenne form e, quelle que soit sa form e. On sait que ce texte de Tchekhov traite de
problém atiques profondém ent hum aines.
Plus on peut voir de versions différentes de La M ouette, plus on peut sonder non seulem ent les caractères de la
pièce m ais plus on peut surtout m ettre à nu les obsessions de ceux qui la m ontent. Com m e si pour se connaître
soi-m êm e, partager et réfléchir en tant qu'hom m e, il fallait m onter La M ouette.
Il y a des questions et des relations fondam entales qu'il faut reposer au quotidien car c'est leur essence m êm e
d'être réinterrogées constam m ent. Certes la création, le bonheur ou l'am our font parties de ces interrogations-là
et hantent la pièce, m ais je crois qu'au fond il s'agit surtout de négocier avec la question de l'être. Et personne ne
raconte m ieux que Tchekhov à quel point il est difficile de trouver une raison de se lever tous les m atins.
Thibault Perrenoud
BIOGRAPHIES
Anton Tchekhov
Il naît à Taganrog, bourgade du sud sur la m er d'Azov où la vie est m onotone et triste. La fam ille Tchekhov, le père, la
m ère et leurs six enfants, vit entassée dans quatre pièces et loue à des étrangers les cham bres disponibles. À quatorze
ans, Anton gagne quelques kopecks en servant de répétiteur à des fils de notables. M ais bientôt la situation se
dégrade. Anton seul reste à Taganrog où, à seize ans, il est chargé de liquider l'affaire et d'envoyer aux siens, à
M oscou, l'argent qu'il pourra sauver du naufrage.
En 1879, Anton rejoint sa fam ille à M oscou. Il s'inscrit à la faculté de m édecine où il term inera ses études en 1884. Les
Tchekhov vivent pauvrem ent et logent dans un sous-sol hum ide. Anton a la charge des siens et am éliore l'ordinaire en
publiant quelques brefs récits dans un petit journal hum oristique. En 1880, à vingt ans, il a publié neufrécits, cinq
ans plus tard il atteindra le chiffre de 129 articles et nouvelles !
M ais cette littérature "alim entaire "payée 68 kopecks la ligne com pte m oins dans sa vie que la m édecine. Il écrit ses
contes trois heures par jour, sur le coin de la grande table où est servi le sam ovar, au m ilieu des éclats de rire de ses
frères et de leurs cam arades. Ses sujets appartiennent à la vie de tous les jours, qu'il observe de son regard m oqueur.
Sa facilité tient du prodige."La m édecine est m a fem m e légitim e, écrit-il, la littérature, m a m aîtresse. Quand l'une
m 'ennuie, je vais passer m a nuit avec l'autre ".
A partir de 1884, Tchekhov devient m édecin pratiquant à Zvenigorod. Son seul souci, grave, est sa santé. Depuis
quelque tem ps il s'est m is à cracher du sang. L'écrivain célèbre Grigorivitch lui écrit une lettre dans laquelle il exprim e
son adm iration pour son talent. Il lui écrit "Vous vous rendez coupable d'un grand péché m oral si vous ne répondez
pas à ces espérances ». Jusqu'ici Tchekhov a traité son travail littéraire avec légèreté, com m e un passe-tem ps sans
im portance, cette lettre l'oblige à prendre du recul sur lui-m êm e. Bientôt Tchekhov devient une gloire de la Russie. Il
reçoit le Prix Pouchkine ;on le courtise, on l'adule, et le public l'aim e.
Son prochain lui inspire une grande pitié. Il soigne les victim es d'une épidém ie de choléra, lutte contre la fam ine, se
dépense sans com pter, sans jam ais faire ni politique ni m orale. Contrairem ent aux écrivains engagés, Tchekhov
revendiquait le droit de n'appartenir à aucun parti et de frapper aussi bien à droite qu'à gauche selon les ordres de sa
conscience. Ces activités ne l'em pêchent pas d'écrire. Les critiques littéraires sont souvent acerbes à son égard.
Lorsque La M ouette est présentée pour la prem ière fois à Saint-Petersbourg, le spectacle est un désastre.
Une nuit du début de juillet 1904, à Badenweiler, Tchekhov s'éteint tout doucem ent à 44 ans, en m urm urant en
allem and :"Ich sterbe"(je m eurs).
La Com pagnie Kobalt
Elle a été créée par trois artistes. La visée de leur travail est de faire œuvre en servant des œuvres :un Théâtre d'Art, où
texte-acteurs-spectateurs sont incontournables. M ettre en valeur les auteurs – classiques ou contem porains – en
défendant toujours « une parole scandaleuse, insensée, dissensuelle, une poétique de l'être avec le m onde ».
L'hum anité est au centre du plateau, entourée d'un public convoqué, partenaire, inclus dans la représentation :partie
prenante. L'expérience est de goûter, partager la pensée d'un dram aturge.
Kobalt s'en tient aux faits, au « corps du délit ». Pas de réponses, pas de résolutions, pas de m orale, pas de m essage
m ais peut-être seulem ent un écho aux questions posées.
PISTES DETRAVAIL
1)Travaillez sur la spécificité du travail de traduction, la difficulté de trouver des équivalents français aux m ots
russes. Se référer à la note des traducteurs André M arkowicz et Françoise M orvan dans l'édition Babel de La
M ouette.
2)Suite à cette approche, abordez la question plus particulière du titre lui-m êm e et tout ce qui sépare « tchaïka » de
La M ouette. Consultez :http://www.dlptheatre.net/info/la_mouette/la_mouette.htm3
3)Faites une recherche sur la Russie de Tchekhov. Anton est le petit-fils d'un serfaffranchi. Quelle nouvelle classe
ém erge dans cette Russie pré-révolutionnaire ? Quelle est la connaissance de Tchekhov des différents m ilieux
com posant cette société en plein bouleversem ent ?
4)Tchekhov décrit une société riche en inégalités, plutôt bon enfant, m ais aussi lasse d'elle-m êm e. Quelles
aspirations (artistiques et politiques)ém ergent, et quelle sera la réponse de l'H istoire ?
5)Sur la pièce elle-m êm e, abordez le confit des générations, l'im portance du rapport extérieur / intérieur dans le
déroulé de l'intrigue, ainsi que le rôle central du lac sur lequel s'ouvre l'Acte I, scène 1.
ENTRETIEN(EXTRAITS*)
Pourquelles raisons avoirvoulu une nouvelle traduction et adaptation ?
Clém ent-Cam ar M ercier. Je ne considère pas l’œuvre théâtrale com m e une finalité scénique en soi.
Je pense que le texte original (et donc sa traduction académ ique la plus fidèle et la plus précise)
est une œuvre littéraire qui ne m érite qu'une attention de lecteur ou de chercheur. S'il doit y avoir
théâtre, ce texte devient un m atériau libre qui sert de base, et de base seulem ent, à un travail
dram aturgique en vue d'une m ise en scène. Travail qui doit être renouvelé à chaque m ise en scène :
c'est la réflexion sur le sens et l'écriture du texte original qui rend nécessaire de s'en éloigner.
En résum é, il faut réussir à faire d'une libre adaptation, une traduction fidèle. En effet,
deux traductions très différentes, deux adaptations com plètem ent opposées, peuvent être tout autant
fidèles à l’œuvre originale. Cela doit être plus que des sim ples libertés ou variations prises sur
des traductions préexistantes pour les rendre soi-disant personnelles (m onnaie courante aujourd'hui).
Il faut donc, réellem ent, un nouveau texte pour chaque m ise en scène. C'est une conception
qui choque souvent en France m ais que les flam ands ou les allem ands font depuis des années.
L'ironie, c'est que quand O sterm eyer fait ce genre de travail en allem and avec M ayenburg sur Richard III,
le public français adore, m ais si ce m êm e travail avait été fait en français et non en allem and,
je vous parie qu'on aurait parlé de dénaturation de Shakespeare :cela aurait fait un scandale !
Souvent m onter un classique revient juste à déplacer à un autre endroit et à une autre époque le
texte. On fait H am let dans un bar, dans un stade, au sauna, au Club M ed m ais le texte ne bouge
pas... Ce n'est pas très intéressant. J'aim e l'idée que la m ise en scène d'un classique ne soit pas
seulem ent une nouvelle version scénique d'un texte im m obile m ais que le geste soit accom pagné
d'une nouvelle lecture de la pièce qui soit pertinente avec l'époque et le théâtre dans lequel elle va
être jouée, pour cela :il faut une nouvelle écriture.
Pensez-vous que La M ouette,com m e toutes les grandes pièces de Tchekhov,soit bâtie
com m e une com position m usicale où les thèm es se répondent et que le titre lui-m êm e énonce
clairem ent le thèm e m ajeur,Tchaika (La M ouette)pouvant faire échos au verbe «tchaïat »
(espérervaguem ent)?
CCM .- Je crois que dans toutes les œuvres de fiction, il y a des thèm es qui circulent et se répondent,
et pour ce qui est du jeu de m ot entre « Tchaïka » et « Tchaïat », bien-sûr !Ce que je note, par contre,
c'est votre parallèle avec la m usique thém atique qui apparaît, en dehors de la form e de la fugue,
surtout avec le rom antism e. Ce qui nous perm et de nous interroger encore sur l'appartenance
de Tchekhov au rom antism e... Tréplev, sans aucun doute, est un héros rom antique m ais les form es
et les situations des pièces de Tchekhov sont souvent plus proches d'un réalism e naturaliste
propre à son époque et au théâtre russe (et scandinave). Alors, voilà ce que doit être Tchekhov,
et surtout La M ouette, avec ses confrontations entre les form es nouvelles et les form es anciennes :
c'est le téléscopage des idéaux rom antiques dans l'austérité de la fiction naturaliste. Pas étonnant
que cela fasse pan-pan à tous les coups !
Y-a t'ilun thèm e quivous tient particulièrem ent à cœ urdans la pièce ?
Thibault Perrenoud.-Prenons la réponse la plus évidente :l'ennui par exem ple. Tchekhov
dépeint une classe bourgeoise, oisive m ais j'aim erais aussi déplacer cette constatation :ne plus
souligner la dépression, la m élancolie m aladive, ne pas laisser les personnages dans une im passe.
J'aim e im aginer que les personnages ont conscience qu'ils vont m al m ais qu'il faut se battre et
vivre avec ce fam eux m al.
Pouvez-vous déjà nous parlerd'un choix de m ise en scène ou de dram aturgie quiva orientervotre
spectacle ?
CCM .-Pour aller un petit peu contre la vision lourde et rom antique de la pièce, on a choisi
d'adapter les prénom s en prenant leurs équivalents français. Pourquoi ? Parce que, tout de suite,
inconsciem m ent, quand vous entendez Tréplev, Arkadina... Vous voyez des personnages, des
grandes figures, vous voyez l'exotism e russe, la grande H istoire. Alors que si vous avez Constant
ou Irène, vous vous rapprochez de la pièce de Tchekhov, de ce que peut vivre le public russe :du
quotidien, des gens. Avec ces prénom s com m uns :on se rapproche de nous-m êm es.
*Retrouvez l'intégralité de l'entretien surle site du théâtre :w w w.theatre-bastille.com