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CHAMBRE NATIONALE DE DISCIPLINE
AUPRES DU CONSEIL SUPERIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
AUDIENCE PUBLIQUE DU 19 DECEMBRE 2013
LECTURE PUBLIQUE DU 19 DECEMBRE 2013
APPEL N° 697
Directeur régional des Finances publiques du Languedoc Roussillon et de l’Hérault /
L’expert-comptable
Le 19 décembre 2013, la Chambre nationale de discipline auprès du Conseil supérieur de
l’Ordre des experts-comptables s’est réunie ainsi composée lors des débats, de l’audience
publique et du délibéré, tenus au siège du Conseil supérieur de l’Ordre des expertscomptables :
-
M. Jean BARTHOLIN, Président de Chambre à la Cour d’appel de Paris, Président de la
Chambre nationale de discipline,
-
M. Jérôme VIGNAU-BARRANX, Fonctionnaire du ministère de l’Economie et des
Finances, et M. Jacques CHABRUN, Conseiller maître honoraire à la Cour des
Comptes, membres désignés par le ministre de l’Economie et des Finances,
-
Mme Isabelle SIAUX et M. Jean-Marc JAUMOUILLE, experts-comptables, membres
désignés par le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables,
Tous désignés en application de l’article 50 de l’ordonnance n°45-2138 du 19 septembre
1945.
En présence, lors des débats publics, de M. Christophe BAULINET, commissaire du
Gouvernement près le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables, de M. Jean-Yves
MOREAU, expert-comptable, chargé de la lecture du rapport, et de Mme M, permanente du
Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables, chargée du secrétariat de la chambre.
Rappel de la procédure :
Par courrier en date du 16 janvier 2012, le Directeur régional des Finances publiques du
Languedoc Roussillon et de l’Hérault a saisi le Président de la chambre régionale de
discipline de Montpellier pour des faits de fraude fiscale contraires à l’article 144 du code de
déontologie des professionnels de l’expertise comptable à l’encontre de l’expert-comptable.
Par décision publique rendue le 28 mars 2013, la chambre régionale de discipline de
Montpellier a prononcé la sanction de radiation du tableau de l’Ordre à l’encontre de
l’expert-comptable.
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Par courrier en date du 23 avril 2013, l’expert-comptable, par l’intermédiaire de son avocat
Me Jean-Marc DARRIGADE, a interjeté appel devant la chambre nationale de discipline de la
décision rendue le 28 mars 2013 par la chambre régionale de discipline de Montpellier.
Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 3 juin 2013, le Président de la
Chambre a désigné M. Claude DERUELLE en qualité de rapporteur, lequel a déposé son
rapport le 2 septembre 2013.
Par courriers recommandés avec avis de réception en date du 6 novembre 2013, le Président
de la Chambre a cité le Directeur régional des Finances publiques de Languedoc Roussillon et
de l’Hérault, l’expert-comptable et son avocat à comparaître devant la Chambre nationale de
discipline à l’audience du 19 décembre 2013, et les a informé que le dossier de l’appel,
contenant notamment le rapport du rapporteur, pouvait être consulté au secrétariat de la
Chambre à compter du 12 novembre 2013, conformément à l’article 184 du décret du 30
mars 2012.
l’expert-comptable n’a pas exercé son droit de consultation du dossier de procédure.
Le commissaire du Gouvernement près le Conseil supérieur de l’Ordre des expertscomptables a rédigé des observations écrites qui ont été communiquées aux parties par
courrier recommandé avec avis de réception en date du 6 décembre 2013.
Déroulement des débats :
Après lecture du rapport de M. Claude DERUELLE, rapporteur, par M. Jean-Yves MOREAU;
après avoir entendu l’expert-comptable, lequel a eu la parole en dernier, et son avocat Me
Cyril MALGRAS.
Les parties ayant été averties que la décision serait lue le jour même à l'issue du délibéré, et
mise à leur disposition au secrétariat de la Chambre à compter du 19 décembre à 15 heures.
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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés
fondamentales ;
Vu l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 ;
Vu le décret n°45-2370 du 15 octobre 1945, le décret n°70-147 du 19 février 1970, le décret
n°2007-1387 du 27 septembre 2007 abrogés et remplacés par le décret n°2012-432 du 30
mars 2012, relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable ;
Vu l’arrêté du 6 juin 2008 abrogé et remplacé par l’arrêté du 3 mai 2012, portant agrément
du Règlement intérieur de l’Ordre des experts-comptables ;
Vu les pièces du dossier ;
Après en avoir délibéré en la présence de ses seuls membres, et à l'exclusion du rapporteur ;
Décision :
Le 16 janvier 2012, la Directrice régionale des Finances Publiques de LANGUEDOC
ROUSSILLON et du département de l'Hérault saisissait d’une action disciplinaire à l'encontre
de l’expert-comptable, expert-comptable à SETE.
Elle exposait que la vérification de la comptabilité ainsi que le contrôle sur pièce du
dossier de l'intéressé, gérant depuis le 8 septembre 2007 de la société d’expertise
comptable, et également professeur certifié de comptabilité, avait révélé :
« 1. la souscription par l’expert-comptable, d’une déclaration de revenus non
commerciaux minorée au titre de l’année 2007 ;
2.
la souscription par l’expert-comptable et son épouse, d'une déclaration d’ensemble
des revenus minorée au titre de l'année 2007.
Les faits étaient relatés dans les termes suivants :
.../...
A - Les faits :
Le 30 octobre 2007, l’expert-comptable a cédé son cabinet d'expertise comptable (à
l’exception des locaux) à la société d’expertise comptable créée le 6 septembre 2007, au prix
de 537 408€ (valeur d'inscription à l'actif de 176 840€). La plus-value de cession calculée sur
la déclaration des résultats n’a pas été reportée sur la déclaration d’ensemble des revenus
du foyer fiscal.
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Le 31 octobre 2007, l’expert-comptable et son épouse ont repris dans leur patrimoine privé,
les locaux du cabinet d'expertise comptable précédemment inscrits à l’actif de son activité
individuelle.
Le 28 novembre 2007, ces locaux ont été vendus à la SCI EGREGORE au prix de 150 000 €.
B - Nature et montant de la fraude fiscale constatée :
1/ Nature de la fraude
-> Minoration de la déclaration de bénéfices non commerciaux souscrite au titre de l’année
2007
Les plus-values réalisées sur les immobilisations par les titulaires de revenus non
commerciaux sont soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies du Code
général des impôts.
Ainsi, la plus-value réalisée à l'occasion de la cession d’un élément de l’actif est déterminée
par différence entre le prix de cession et la valeur d'origine de cet élément, diminuée des
amortissements pratiqués et admis en déduction pour l’établissement de l’impôt.
Lorsque des immobilisations sont transférées dans le patrimoine privé de l’exploitant, la
valeur de réalisation à retenir est constituée par la valeur réelle de l’élément aliéné à la date
de sa sortie de l'actif immobilisé. Cette valeur peut être déterminée par référence à celle
d'une transaction relevée à une date voisine (CE 20 juillet 1988 n° 52015).
Or, l’expert-comptable a irrégulièrement déterminé la plus-value résultant de la reprise, le
31 octobre 2007, des bâtiments professionnels dans son patrimoine privé, non pas à partir
de la valeur réelle de ces biens, telle qu’elle a été constatée lors de leur revente, le 28
novembre 2007 à la SCI EGREGORE (150 000 €), mais à partir de la valeur comptable
résiduelle de ces derniers (2 592 €).
Aucune plus-value n’étant dégagée à la suite de ce calcul erroné, l’expert-comptable a
souscrit une déclaration de résultats minorée de 49 241 € (montant de la plus-value à court
terme taxable selon le même régime que les revenus non commerciaux ordinaires, la plusvalue à long terme de 98 167 € étant exonérée en raison de la durée de détention des biens,
supérieure à 15 ans) au titre de l’année 2007.
->Minoration de la déclaration d’ensemble des revenus souscrite au titre de l’année 2007
l’expert-comptable et son épouse ont souscrit une déclaration d’ensemble des revenus
fortement minorée au titre de l’année 2007.
Cette minoration résulte :
- de la minoration des revenus non commerciaux déclarés (cf. § ci-dessus) ;
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- du défaut de report, sur la déclaration d’ensemble des revenus, d’une plus-value de
360 568 € correctement calculée et mentionnée sur la déclaration des revenus non
commerciaux de l’expert-comptable. Cette plus-value résulte de la cession, le 30 octobre
2007, du cabinet d’expertise comptable (clientèle et mobilier) à la société d’expertise
comptable.
Ainsi, le montant total d’impôt sur le revenu et de contributions sociales éludé et affecté des
majorations pour manquement délibéré, s'élève à 117 049 €.
Il est à préciser les éléments suivants :
- l’impôt sur le revenu afférent aux rehaussements notifiés au titre de l'année 2007 a
été mis en recouvrement le 31 décembre 2010 ;
- Si l’expert-comptable a réglé le montant des droits, il a formé, le 4 mars 2011, une
réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement, visant à solliciter la décharge de
la majoration pour manquements délibérés qui lui a été notifiée par le service vérificateur ;
- Cette demande a fait l'objet, au plan contentieux, d'une décision de rejet en date du
2 mai 2011, dont l’expert-comptable a accusé réception le 3 suivant et sur laquelle il n'a pas
fait de saisine du Tribunal administratif.
L’ensemble des constatations effectuées dans le cadre de la vérification de comptabilité de
l’expert-comptable et du contrôle sur pièces de son dossier fiscal personnel témoigne d’une
intention délibérée de se soustraire à l'établissement et au paiement de l’impôt sur le
revenu dont il était redevable au titre de l’année 2007.
l’expert-comptable, averti, ne saurait valablement prétendre que le défaut de déclaration de
la plus-value de cession du cabinet d’expertise comptable sur la déclaration d'ensemble des
revenus est imputable à une simple erreur de report, dès lors qu’il n'a manifesté aucun
étonnement lors de la réception de l’avis d’imposition initial relatif à l'année 2007 :
- ne mentionnant aucun revenu à taux proportionnel, alors qu'une plus-value était
calculée sur la déclaration de revenus non professionnels ;
- d'un montant fortement inférieur à celui auquel il aurait dû s’attendre, compte tenu
des rentrées financières exceptionnelles résultant, pour son foyer, de la cession de son
cabinet d'expertise comptable et des locaux qu’il occupait,
L'intéressé n'a au demeurant pas signalé spontanément cette « erreur » au service.
De surcroît, force est de constater que, loin de s'amender, l’expert-comptable n'a
manifestement tiré aucun enseignement d’une précédente vérification de comptabilité de
l’activité professionnelle qu'il exerçait à titre individuel, à l'issue de laquelle des rectifications
assorties de majorations pour manquements délibérés lui avaient été notifiées pour les
années 1999 à 2001.
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Il est donc indéniable que l’expert-comptable a sciemment voulu se soustraire à ses
obligations déclaratives et de paiement en ne déclarant pas une partie importante de ses
revenus à l'impôt. En tant qu'expert-comptable membre de l’Ordre, il ne pouvait ignorer le
caractère grave et délictueux de ses agissements ».
Le 11 mai 2012, lorsqu'il était entendu par le rapporteur, l’expert-comptable
s'expliquait dans les termes suivants :
« .../...Mis en cause : Commentaires apportés par le mis en cause sur ces faits :
Premier point sur la plus-value professionnelle sur la sortie des murs de l’actif professionnel :
ce dernier indique que les mouvements de trésorerie qui ont succédé à la cession des murs
sont venu impacter mes comptes personnels et en aucune façon la comptabilité du cabinet.
Je n’ai donc pas eu de clignotant me rappelant le calcul d’une plus-value professionnelle.
Second point sur la cession à la SCI : Bénéficiant d’une large exonération du fait d’une
détention supérieure à 15 ans, je n’avais aucun intérêt à prendre sciemment un tel risque de
non déclaration. C’est donc une négligence pure de ma part pensant être exonéré de plusvalue que de n’avoir pas déclaré ce point-là.
De plus j’étais convaincu que le calcul de l’absence de plus-value était réalisé par le notaire
du fait que nous nous trouvions sur la première année d’application du calcul et paiement de
l'impôt qui s’y rattache des plus-values par les offices notariaux.
Rapporteur: Cela fait donc deux négligences ?
Mis en cause : Non, car lorsque je rédige ma déclaration BNC 2007 courant du mois de mai
2008, je suis convaincu que la plus-value a déjà été calculée et déclarée chez le notaire.
Rapporteur: Mais vous indiquez chez le notaire que vous avez apporté votre cabinet à une
SELARL et que les biens immobiliers ont été sortis de votre actif pour 150 000 € ?
Mis en cause : contrairement à ce que dit l’inspecteur, je ne peux avoir dicté une telle clause
car contrairement à ce qu'a indiqué le notaire, il ne s’agit en rien d’un apport mais d’une
vente de clientèle réalisée le 1er novembre 2007, et que détenant le bien immobilier depuis
plus de 15 ans je pense être exonéré de plus-value. D'ailleurs je vous remets la lettre du
notaire qui prend la responsabilité de la rédaction de ses actes (cf. page 2 alinéas 8 et
suivants).
Rapporteur: Concernant la plus-value sur la cession de la clientèle et le défaut de déclaration
sur votre 2042 Irpp, comment expliquer cette omission ?
Mis en cause : C’est une erreur grossière, mais qui en aucun cas ne peut être de mauvaise
foi. En effet comment me taxer de mauvaise foi alors que la déclaration BNC et 2042
déposées ensemble au même centre des impôts, à la même date, l'une fait état de la plusvalue et de sa déclaration dans la case appropriée et pas la 2042... en tant que professionnel
je sais que les services fiscaux procèdent systématiquement à des recoupements... une telle
erreur devait inéluctablement ressortir des bordereaux de recoupement... et m’être signalée
par une demande d’information... Je mets aussi cela sur le compte de la fatigue, nos
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déclarations personnelles étant souvent les dernières à sortir au terme de périodes fiscales
éprouvantes, j’admets pouvoir faire des erreurs à ce moment-là. Je suis un sachant mais pas
une machine...
Rapporteur : Mais dans ce cas pourquoi vous êtes-vous abstenu de toute correction
volontaire à la réception de votre avis d'imposition correspondant ?
Mis en cause : Persuadé qu’il s’agissait d'une erreur en ma faveur de l’administration, (je
rappelle que le double de ma déclaration comportait le montant déclaré dans la bonne
case), je me suis comporté comme le contribuable lambda, j'ai mis l’argent de côté en
attendant que celui-ci me soit réclamé par les services appropriés.
Rapporteur : Sur le fait d’avoir été « averti » lors d’un contrôle fiscal précédent qu’avez-vous
à dire ?
Mis en cause : je vous renvoie au document transmis sur ce qu’était mon activité à l’époque
de ce premier contrôle fiscal dont extrait :
«et qu'il a été de très nombreuses années en arrière taxé de mauvaise foi sur un
redressement de TVA quand il était, dans le cadre d'une comptabilité tenue TTC, amené à
ressortir extra-comptablement la TVA des sommes enregistrées à partir d'un tableau EXCEL
qu'un stagiaire BTS lui avait monté à l'aide de formules dont certaines étaient erronées.
l’expert-comptable était à ce moment surbooké car iI supervisait la gestion de son cabinet
ainsi que toute la gestion et la clientèle du cabinet d'un confrère (Jean Paul L) ayant eu de
graves ennuis de santé qui d'ailleurs l'empêcheront de reprendre jusqu'à son décès. Durant
cette période, l’expert-comptable sera d’ailleurs traité à l'aide d'antidépresseur (LEXOMIL).
Rapporteur : avez-vous quelque chose à rajouter sur ces divers points ?
Mis en cause : Je déplore l’ampleur prise par une question qui aurait pu finalement être
traitée par une simple demande d’information formulée par l’administration fiscale suite au
recoupement de base auquel doit se livrer le service. Je reconnais mes erreurs, mais je
refuse catégoriquement que celles-ci soient interprétées comme étant de mauvaise foi. Je
tiens à préciser que le contrôle fiscal dont j’ai fait l’objet s’est déroulé en une fois une heure,
et une seconde fois 20 minutes, mes explications fournies depuis le début n’ont jamais été
entendues ».
Le 28 mars 2013, après avoir écarté une demande de sursis à statuer, refusé de
transmettre une question prioritaire de constitutionnalité et écarté les moyens de nullité mis
en avant par l’expert-comptable, la chambre régionale de discipline près le conseil régional
de l'ordre des experts-comptables de Montpellier déclarait l'intéressé coupable de
manquements contraires à l'honneur et à la probité et prononçait à son encontre «la
sanction de la radiation du tableau comportant interdiction définitive d'exercer la profession
».
Le 23 avril 2013, l’expert-comptable relevait appel de cette décision.
Le 17 juillet 2013, devant le rapporteur désigné par le président de la Chambre
nationale de discipline, il déclarait ceci :
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« Claude DERUELLE : Sur cette déclaration 2035, figure bien le montant de la plus-value
imposable de 16 % qui s’élève à 360 568 €. Sur le double de la déclaration des revenus, dans
la case QD, il y a la somme de 360 568 €. De quelle manière adressez-vous ces déclarations ?
L’expert-comptable: Ces déclarations sont mises sous enveloppe et déposées au centre des
impôts des entreprises de Sète.
../..
Claude DERUELLE : Vous ne parlez nulle part de la plus-value sur le bâtiment ?
L’expert-comptable: C’est un bâtiment qui a toujours appartenu à mon épouse et à
moi-même et qui a été affecté professionnellement. Ce bâtiment a été vendu. Je vous
remets copie des 8 premières pages de l’acte authentique de vente du 28 novembre 2007
par l’expert-comptable et son épouse au profit de la SCI EGREGORE.
Claude DERUELLE : Il y a lieu de noter à la page 8 dans la rubrique déclaration sur les
plus-values : « Ces biens sont sortis du bilan professionnel de l’exploitant à la valeur de 150
000 € ainsi qu'il résulte du bilan de cession d’activité arrêté au 31 octobre 2007pour entrer
dans le patrimoine privé du vendeur pour la même valeur... La somme indiquée au bilan
étant identique à celle du prix de vente objet des présentes, aucune plus-value n’est exigible,
en conséquence, le notaire est dispensé de déposer l’imprimé 2048IMM ».
L’expert-comptable: J’ai considéré qu’il s’agissait d’une plus-value soumise au régime
des particuliers et non des professionnels. J’ajoute que je n’ai eu l’acte que beaucoup plus
tard (je ne me souviens plus de la date) bien après la date de dépôt de la déclaration.
Claude DERUELLE : Concernant le contrôle fiscal. Qu’avez-vous à dire ?
L’expert-comptable: Je vous remets l’avis de vérification de comptabilité en date du
26 avril 2010, une proposition de rectification suite à une vérification de comptabilité datée
du 18 juin 2010 adressée à mon nom au titre de mon activité professionnelle, une autre
proposition de rectification datée du 18 juin 2010 adressée à mon nom et à celui de mon
épouse au titre de mes déclarations personnelles. Le 18 mai, le contrôle fiscal a duré une
petite heure et celui du 20 mai, 20 minutes. Le contrôleur avait déjà les éléments en sa
possession.
Claude DERUELLE : Les faits qui vous sont reprochés portent sur des éléments de
déclarations fiscales de l’année 2007 donc réalisées en 2008. L’avis d’imposition a été reçu
en septembre 2008. Vous avez répondu : « Persuadé qu’il s’agissait d’une erreur en ma
faveur de l’administration (je rappelle que le double de ma déclaration comportait le
montant déclaré dans la bonne case), je me suis comporté comme le contribuable lambda,
j’ai mis de l’argent de côté en attendant que celui-ci me soit réclamé par les services
appropriés. » Compte tenu de votre profession, vous considérez-vous comme un
contribuable lambda ?
L’expert-comptable: C’est de la négligence de ma part.
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Claude DERUELLE : Vous étiez donc conscient qu’il y avait une erreur puisque vous avez « mis
de l’argent de côté ». Avez-vous effectué des démarches auprès des services fiscaux ?
L’expert-comptable: Je me suis dit que les services fiscaux se rendraient compte de l’erreur
et m’auraient ainsi réclamé le montant.
Claude DERUELLE : Que serait-il arrivé si les services fiscaux ne s’étaient pas manifestés ?
L’expert-comptable: Les services fiscaux se seraient quand même manifestés ».
Dans le mémoire qu'il a fait déposer au secrétariat de la chambre nationale de
discipline, l’expert-comptable demande l'annulation de la procédure disciplinaire au motif
que l'article 53 de l'ordonnance ne fixe pas de délai de prescription des poursuites pour les
fautes disciplinaires des experts-comptables, ce qui contrevient aux dispositions des articles
8 de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen de 1789 et 6 § 1 de la Convention
Européenne des Droits de l'Homme.
Il sollicite également un sursis à statuer au motif que l'administration fiscale a déposé
une plainte pour fraude fiscale le 4 juillet 2011 et que le procureur de la République de
Montpellier n'a pas fait connaître encore la suite qu'il entendait lui donner.
L’expert-comptable prétend encore « qu'il n'avait pas eu l'intention de frauder de
sorte qu'en l'absence d'une intention frauduleuse avérée il devait être renvoyé des fins de la
poursuite ».
A titre « infiniment subsidiaire » l'intéressé fait valoir que la radiation avec
interdiction définitive d'exercer « est totalement disproportionnée».
Le commissaire du gouvernement conclut au prononcé au minimum d'une sanction
de suspension en raison du caractère intentionnel des faits qui ne constituent pas une erreur
matérielle mais le non-respect de règles comptables et fiscales élémentaires.
SUR CE, LA CHAMBRE NATIONALE DE DISCIPLINE
Considérant que la Cour européenne des droits de l'homme considère que le
contentieux disciplinaire ne relève pas de la « matière pénale » au sens de l'article 6 ; qu'il
s'agit d'une contestation en matière civile ;
Considérant que le 25 novembre 2011, à l'occasion de l'examen d'une QPC le Conseil
constitutionnel a estimé que « si le principe de proportionnalité des peines implique que le
temps écoulé entre la faute et la condamnation puisse être pris en compte dans la
détermination de la sanction, il appartient à l’autorité disciplinaire compétente de veiller au
respect de cette exigence dans l’application des dispositions contestées ».
Considérant que force est de constater que l'action disciplinaire contre l’expertcomptable a été engagée le 16 janvier 2012, soit moins de deux ans après la proposition de
redressement intervenue le 18 juin 2010 ; que dans ces conditions, le délai ainsi écoulé ne
méconnait pas les dispositions des articles 8 de la Déclaration des Droits de l'homme et du
citoyen de 1789 et 6 § 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;
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Considérant que l'action pénale et l'action disciplinaire sont indépendantes ; qu'il est
paradoxal que l’expert-comptable se plaigne tout à la fois du défaut de prescription de
l'action disciplinaire et sollicite que celle-ci soit suspendue jusqu'au terme de l'action pénale
; qu'il n'y a pas lieu, dans ces conditions de faire droit à la demande de sursis à statuer ;
Considérant que la profession du mis en cause, le montant de l'impôt éludé et la
réaction de l'intéressé lorsqu'il s'est rendu compte des conséquences de son défaut de
déclaration ne permettent pas de considérer qu'il s'est agi de sa part d'une simple omission ;
que lui-même a reconnu que l'insuffisance de renseignement de la déclaration 2042
constituait une « irrégularité grossière » ;
Considérant que les experts-comptables prêtent serment d'exercer leur profession
avec probité ; qu'en agissant dans les conditions qui ont été rappelées l’intéressé a
contrevenu gravement à cette obligation ; que si la radiation du tableau comportant
interdiction définitive d'exercer la profession apparaît disproportionnée au comportement
de l’expert-comptable, ses agissements justifient une suspension pour une durée de trois
ans dont deux ans assortis du sursis ; qu'il y a lieu également d'ordonner la publicité de cette
sanction dans la presse professionnelle, en l’espèce le SIC, en application des dispositions de
l'article 53 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 ; qu'en vue de sauvegarder les intérêts de
la clientèle, conformément aux dispositions de l'article 305 du règlement intérieur de l'Ordre
des experts-comptables, il y a lieu également de reporter au 31 mars 2014 le point de départ
de l'exécution de la partie ferme de la peine de suspension ;
PAR CES MOTIFS
INFIRME la décision prononcée le 28 mars 2013 par la Chambre régionale de discipline de
Montpellier,
PRONONCE à l’encontre de l’expert-comptable la sanction de 3 ans de suspension dont 2 ans
avec sursis,
FIXE la prise d’effet de la sanction au 31 mars 2014,
ORDONNE à ses frais la publicité de la sanction dans le SIC,
DIT que la présente décision sera régulièrement notifiée à M. le Président du Conseil
régional de l’Ordre des experts-comptables de Montpellier, à M. le commissaire du
Gouvernement près le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables, à M. le
commissaire du Gouvernement près le Conseil régional de l’Ordre des experts-comptables
de Montpellier, à l’expert-comptable et à son avocat Me Cyril MALGRAS.
Fait et délibéré à Paris, le 19 décembre 2013
Lecture en audience publique, le 19 décembre 2013
A. M
J. BARTHOLIN
Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables
Président de la Chambre nationale
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de discipline des expertscomptables
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