Paulo Coelho - Sant Jordi Asociados
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Paulo Coelho - Sant Jordi Asociados
Paulo Coelho : “Depuis Carthage, le monde n’a cessé de se détruire par la guerre et se reconstruire par l’amour” Le célèbre écrivain brésilien d’expression lusophone Paulo Coelho, auteur de, “L’Alchimiste” était l’invité de marque de la 24ème session de la Foire du Livre à Tunis. Il a donné une conférence de presse, le 29 avril, au Palais des expositions du Kram, pris part aux rencontres organisées dans le cadre de la Foire et échangé des propos avec ses lecteurs tunisiens au cours des séances de dédicace. La veille de son départ, il a accepté de nous entretenir de son travail d’écrivain et de sa conception de la littérature. Vous êtes aujourd’hui en Tunisie, une terre arabe et africaine. Le monde réel est-il conforme à l’image que vous vous en faisiez jusque-là ? Vous savez, il n’y a pas une grande différence entre les mondes réel et imaginaire. Je viens d’un pays, le Brésil, où les deux mondes se confondent souvent. En fait, il y a beaucoup de réalité dans l’imaginaire, et vice versa. Vous savez, l’âme d’un peuple et son corps ne font qu’un. L’un ne vit pas sans l’autre. Alors qu’est-ce que j’ai trouvé ici ? J’ai trouvé des gens avec une richesse culturelle magnifique, une vision philosophique, une profondeur historique... Votre premier contact avec le Monde et la culture arabe, était-ce à travers les écrits de Jorge Luis Borges, qui s’est beaucoup inspiré de ce monde et de cette culture ? Non, quand j’ai découvert le Monde arabe, j’étais encore trop jeune pour lire Borges. En fait, j’ai découvert le Monde arabe à travers les contes pour enfants tirés des Mille et une nuits, comme les contes d’Aladin. Des auteurs brésiliens ont des livres inspirés de la littérature classique arabe, qui ont bercé mon enfance. J’ai lu par la suite les Mille et une nuits. J’ai découvert également le soufisme, la littérature mystique arabe. Vous sentez-vous plus proche de l’écrivain argentin Jorge Luis Borges, qui est plus porté sur l’allégorie et la réflexion philosophique, que de votre compatriote Jorge Amado, un auteur plus réaliste ? Vous considérez-vous comme un moraliste ? Non, je ne suis pas un moraliste. Il est vrai que, du point de vue du style, je me sens plus proche de Borges que d’Amado. Mais cela dit, il y a dans mon œuvre beaucoup d’influences croisées. Honnêtement, je vous dirais que je puise mon inspiration à droite et à gauche. Partout où je la trouve. Quels sont les autres écrivains qui vous ont marqué ? Je dirai que l’auteur qui m’a le plus marqué c’est l’Américain Henry Miller. Il n’a rien à voir avec moi, avec mon univers imaginaire et philosophique, mais j’apprécie beaucoup ses écrits. J’aime aussi le grand poète français Baudelaire... En quoi Miller vous a-t-il marqué ? J’aime son écriture très spontanée. Et puis, il montre la vraie vie. Mais vous n’écrivez pas du tout comme lui. On sent chez vous beaucoup plus de pudeur. C’est vrai. Il y avait peut-être trop de pudeur chez moi. Miller m’a aidé à trouver autre chose dans la littérature que le style et la forme : c’est-à-dire la vie, la chair... Quand on parle de littérature brésilienne, on pense tout de suite à Jorge Amado. Quels sont vos rapports avec lui ? Amado est un monument national. C’est un ami. Quand j’ai commencé à écrire, il m’a beaucoup aidé. Vos détracteurs disent que votre écriture est trop simpliste. Vos sujets aussi : la recherche de la vérité et la quête de soi. Alors que la vie est plus complexe que ce raisonnement duel. Que leur répondez-vous ? Je ne pense pas que mon écriture soit simpliste. On y trouve la complexité dont vous parlez, mais exprimée avec simplicité. Ce n’est pas la même chose. Que vous apporte la littérature, mis à part la célébrité, la richesse et le contact avec les autres ? Pour moi, la littérature est avant tout un moyen pour partager mon monde avec les autres. C’est d’ailleurs une obligation pour tout être humain. Oui, mais quoi partager ? Nous vivons dans un monde de sang, de conflit, de guerre et de violence. Ce monde a toujours été comme ça. Depuis la nuit des temps. Depuis Carthage, le monde n’a cessé de se détruire par la guerre et de se reconstruire par l’amour. C’est ça le cercle de la vie et ça va continuer jusqu’à la fin du monde. Vous me dites quoi partager ? Et bien l’amour. Et tout ce qui lie les êtres humains les uns aux autres et les fait vivre ensemble. Vous avez parlé de Carthage. Qu’évoque ce nom chez vous ? J’ai visité les vestiges de la ville antique. J’ai eu une sensation magique. Vous savez, les vieilles pierres ne sont jamais mortes. Les pyramides en Egypte ou les ruines de Baâlbeck au Liban sont vivantes. Elles racontent des histoires. Chaque pierre raconte une histoire. J’ai eu le même sentiment à Carthage. Les concepts de bien et de mal, qui sont au centre de votre œuvre, comment les appliquezvous à Hannibal et à tous les autres conquérants qui font bouger l’histoire et changer la géographie ? On peut et on doit établir toujours une séparation entre le bien et le mal. C’est quoi le mal ? C’est affecter la vie de votre prochain. C’est quoi le bien ? C’est respecter les miracles divins. On peut toujours appliquer ces concepts à des archétypes comme Hannibal, Alexandre le Grand ou Napoléon Bonaparte, en posant la question suivante : ce qu’ils ont fait a-t-il affecté négativement (ou positivement) la vie des hommes ? Les historiens auront sans doute du mal à y répondre de manière tranchée. Vous êtes croyant et vous menez votre propre quête mystique. Comment concevez-vous cette quête de la vérité en dehors de la religion ? Et c’est quoi la vérité ? C’est un concept difficile à cerner. La vérité c’est un peu la beauté des choses. Aujourd’hui, je suis en Tunisie. Je regarde devant moi et j’essaie de regarder la beauté partout où elle se révèle. Demain, je serai en Ukraine, et je ferai la même chose. La quête initiatique n’est pas un voyage physique, mais un parcours intellectuel. Elle signifie que chaque instant de notre vie et un moment de naissance, mais aussi un moment de mort... En voyant la vie de star que vous menez (renommée, argent, télévision, voyages, grands palaces...), on est tenté de vous demander : comment arrivez-vous à vivre cette quête mystique ? Je ne vois pas une contradiction. Par exemple, je suis venu en Tunisie. Qu’est-ce que j’ai fait ? J’ai surtout rencontré des lecteurs et discuté avec eux. Quand je suis allé au Caire, j’ai fait exactement la même chose. La célébrité peut aider à aller vers les gens et à mieux les connaître. La célébrité a-t-elle changé votre vie ? Oui, je suis arrivé la première fois à Tunis en touriste il y a vingt ans. Des amis intellectuels m’ont alors aidé à connaître cette ville et les gens qui les habitent. J’y reviens aujourd’hui en étant devenu célèbre. J’aurais pu choisir de m’isoler des gens. Mais cela aurait été stupide. Pour l’écrivain que je suis, la célébrité est le plus court chemin vers les autres. On sent chez vous un grand besoin de communication. Vous écrivez des livres qui sont tirés à des millions d’exemplaires. Vous dialoguez avec vos lecteurs à travers votre site Internet. Vous donnez souvent des conférences. Cette popularité, que vous semblez entretenir, n’estelle pas en contradiction avec votre quête spirituelle, laquelle nécessite plus de solitude et de méditation ? Ma quête porte aussi sur l’humain. Elle consiste donc forcément à aller vers les autres. Lorsque les lecteurs me remercient, je me sens comblé d’avoir eu à partager avec eux quelque chose qu’ils considèrent comme important. Les lecteurs sont mes compagnons de voyage. Nous partageons la même quête. C’est pourquoi je considère l’écriture comme une grande responsabilité. Car on n’écrit pas pour soi, mais pour les autres. Vous êtes un écrivain populaire. Or, les écrivains populaires sont souvent mal vus. On pense qu’ils sont faciles, peu exigeants... Cela ne vous gêne pas qu’on dise que vous êtes un écrivain populaire ? Non, parce que je considère que je suis très exigeant moi aussi. Je suis même ravi que l’on dise que je suis populaire. Je suis même le seul écrivain vraiment populaire au monde. C’est là un miracle. Et c’est le Bon Dieu qui me l’a donné. Il n’y a pas que le bon Dieu à remercier. Vous semblez aussi avoir trouvé le bon filon, car le monde traverse une période de religiosité ou de retour à la religion. Votre quête a donc coïncidé avec l’air du temps ? Après le succès, il est facile d’expliquer... le succès. Je n’ai jamais cherché la facilité. J’ai toujours écrit librement, spontanément, pour maintenir mon âme en état d’éveil permanent. Je n’ai pas cherché à suivre une recette préétablie. En littérature, il n’y a pas de filon qui vaille. Si je suis là aujourd’hui, c’est grâce aux lecteurs qui ont aimé mes livres. Mais pas au marketing. Sinon ç’aurait été facile pour tout le monde. Bio-express “Mon cœur craint de souffrir, dit le jeune homme à l’alchimiste, une nuit qu’ils regardaient le ciel sans lune. —Dis-lui que la crainte de la souffrance est pire que la souffrance elle-même. Et qu’aucun cœur n’a jamais souffert alors qu’il était à la poursuite de ses rêves.” ‘‘L’Alchimiste’’ est le récit d’une quête, celle de Santiago, un jeune berger andalou parti à la recherche d’un trésor enfoui au pied des Pyramides. Dans le désert, initié par l’alchimiste, il apprendra à écouter son cœur, à lire les signes du destin et, par-dessus tout, à aller au bout de son rêve. Destiné à l’enfant que chaque être cache en soi, ‘‘L’Alchimiste’’ est un merveilleux conte philosophique. Né en 1947 à Rio de Janeiro dans une famille de classe moyenne. Son père, Pedro, était ingénieur et sa mère, Lygia, femme au foyer. Paulo fait sa scolarité à l’école jésuite de San Ignacio, à Rio, où il montre un intérêt précoce pour la littérature. Adolescent rebelle, il est interné dans un hôpital psychiatrique à l’âge de dix-sept ans. Il puisera dans cette expérience pénible le matériau de son roman ‘‘Veronika décide de mourir’’. Parolier pour le compositeur et interprète Raul Seixas jusqu’en 1976, il contribue à changer le visage de la scène rock brésilienne. Il s’adonne à diverses autres activités comme le journalisme et la bande dessinée. Ses positions libertaires lui valent un séjour en prison. Son “dossier psychiatrique” le sauve en lui permettant de se faire passer pour fou. En 1978, il quitte sa première femme et son travail chez le producteur Polygram. Au retour du pèlerinage de Saint-Jacques-de Compostelle en compagnie de Christina Oiticica, sa nouvelle compagne (et aujourd’hui sa femme), il écrit son premier livre: ‘‘Le Pèlerin de Compostelle’’, tiré à 900 exemplaires par une petite maison d’édition brésilienne. Après le succès de ‘‘L’Alchimiste’’, conte initiatique souvent comparé au ‘‘Petit Prince’’ d’Antoine de Saint-Exupéry ou au ‘‘Prophète’’ de Khalil Gibran, il a vendu à ce jour près de 43 millions de livres, publiés dans 55 langues, dans 140 pays. Aujourd’hui, Paulo Coelho est un homme honoré et une figure internationale de la scène littéraire. Homme riche, il dirige une fondation pour le soutien des défavorisés au Brésil et s’investit dans de nombreux programmes humanitaires dans le monde, notamment pour l’Unesco. Yûsra Diba [email protected]