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Impressum Les Cahiers du Littoral publient les travaux de recherche réalisés dans le cadre de l’Unité de Recherche sur l’Histoire, les Langues, les Littératures et l’Interculturel (H.L.L.I.) de l’Université du LittoralCôted’Opale. Die Cahiers du Littoral veröffentlichen im Rahmen der interdisziplinären Forschungsgruppe H.L.L.I. (Geschichte, Sprachen, Literaturen und Interkulturalität) an der nordfranzösischen Université du LittoralCôted’OpaleentstandeneundvoneinemBeiratgeprüfteForschungsarbeiten. Herausgeber/Éditeur:Prof.Dr.JacquelineBel Redaktionsanschrift: UniversitéduLittoralCôted’Opale MaisondelaRechercheenSciencesHumaines 17,rueduPuitsd’Amour F62200BoulognesurMer Tél.:0033/(0)3.21.99.41.60 Fax:0033/(0)3.21.99.41.61 EMail:[email protected] Redaktion/Assistantederédaction:CorinneRameau Beirat/Comitédelecture: JoachimvonBelow PeterAndréBloch BénédicteBrémard AlainCozic JeanDevaux AlainLeduc TillR.Kuhnle JeanMariePaul GarryRandoll MarcRolland PeterSchnyder JoëlleStoupy ErikaTunner CarlVetters . UNITÉ DE RECHERCHE SUR L’HISTOIRE, LES LANGUES, LES LITTÉRATURES ET L’INTERCULTUREL (H.L.L.I.) CENTRE D’ÉTUDES ET DE RECHERCHE SUR LES CIVILISATIONS ET LES LITTÉRATURES EUROPÉENNES (C.E.R.C.L.E.) EXASPÉRATIONS DE L’HISTOIRE ET RÉVOLUTION TEXTUELLE CHEZ JORGE ENRIQUE ADOUM ÉDITEUR JACQUELINE BEL COORDINATION SCIENTIFIQUE RAMIRO OVIEDO LES CAHIERS DU LITTORAL I / N°10, 2011 Bibliografische Information der Deutschen Nationalbibliothek Die Deutsche Nationalbibliothek verzeichnet diese Publikation in der Deutschen Nationalbibliografie; detaillierte bibliografische Daten sind im Internet über http://dnb.d-nb.de abrufbar. Informations bibliographiques de la Deutsche Nationalbibliothek La Bibliothèque nationale allemande (Deutsche Nationalbibliothek, DNB) a répertorié cette publication ; les détails concernant les données bibliographiques peuvent être consultés sur Internet: http://dnb.d-nb.de. Copyright Shaker Verlag 2011 Alle Rechte, auch das des auszugsweisen Nachdruckes, der auszugsweisen oder vollständigen Wiedergabe, der Speicherung in Datenverarbeitungsanlagen und der Übersetzung, vorbehalten. Tous droits réservés. En conséquence, toute représentation ou reproduction, intégrale ou partielle, de même que tout transfert vers un support numérique et toute traduction, sont interdits sauf autorisation. Printed in Germany. ISBN 978-3-8322-9756-5 ISSN 1764-383X Shaker Verlag GmbH • Postfach 101818 • 52018 Aachen Telefon: 02407 / 95 96 - 0 • Telefax: 02407 / 95 96 - 9 Internet: www.shaker.de • E-Mail: [email protected] SOMMAIRE Sommaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Avant-propos. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . V VII Jorge Rodríguez Padrón Volver a Jorge Enrique Adoum. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 Fernando Moreno Jorge Enrique Adoum: la escritura de la ausencia. . . . 15 Waldo Rojas Para una lectura circunstancial de El amor desenterrado. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Ramiro Oviedo La estrategia del poema. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 Iván Oñate Jorge Enrique Adoum: ¿Cómo podría matarme antes de morir? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 Xavier Oquendo Troncoso Los diez versos que dibujan a Mayo 68 (¿siglo XXI?) de Jorge Enrique Adoum. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 Nicole Rouan-Adoum La traduction : deux poids, deux mesures !. . . . . . . . . . 55 Pablo Martínez Arévalo El insobornable memorial americano de Jorge Enrique Adoum: entre la estética de la violencia y la poética de la solidaridad. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 Alicia Ortega 1976: Entre Marx y una mujer desnuda, María Joaquina en la vida y en la muerte, La Linares. . . . . . 87 III Maryse Renaud Relectura posmoderna de un clásico: el verbo encendido de Jorge Enrique Adoum. . . . . . . . . . . . . . . 97 Pierre López Entre Marx y una mujer desnuda de Jorge Enrique Adoum : de la page nue à l’écriture d’un texte avec personnages. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107 Emmanuelle Sinardet Amour, histoire et art : l’horreur défiée dans Ciudad sin Ángel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117 Juan Carlos Mondragón Ángeles sobre Ecuador: apuntes sobre la prosa de Adoum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133 Esther Andradi La otra mirada : Jorge Enrique Adoum : el poeta periodista . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143 Juan Carlos Tajes Jorge Enrique Adoum o el teatro de la subversión . . . . 157 Paola de la Vega Yo, creador, me confieso. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175 Jorge Musto Carta a Jorge Enrique Adoum. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199 IV AVANT-PROPOS Fidèle à sa vocation et sensible à la diversité, le « Centre d’Études et de Recherche sur les Civilisations et les Littératures Européennes », équipe interne de l’Unité de Recherche sur l’Histoire, les Langues, les Littératures et l’Interculturel, a réuni en mai 2008 des chercheurs latino-américains et européens autour de Jorge E. Adoum. Le C.E.R.C.L.E. voulait ainsi contribuer au débat sur le rôle de l’écrivain passeur de mémoire, essayer de définir la pluralité et l’unicité de son écriture et de décrypter ses rapports avec la culture et la société. Il s’agissait de répertorier les questions susceptibles de se poser au regard de l’avant-garde littéraire d’Adoum, des gestes qui tracent sa poétique et de sa spécificité dans la mondialisation de la culture. Cette spécificité se devait d’être étudiée en lien avec la langue, l’attitude de l’écrivain envers l’histoire nationale et continentale, la société et l’époque. Dans le précédent volume Juan Gelman-Roberto Bolaño, memoria y desencanto (Les Cahiers du Littoral I/6, février 2007) 1, nous soulignions que les dictatures fascistes latino-américaines avaient, à contrecœur, ouvert à la fin du XXe et à l’aube du XXIe siècle une période de production littéraire qui permettait de décrypter l’héritage immédiat. Dans ce contexte, cette littérature, qui devenait un réservoir de mémoire, était aussi une tranchée des écrivains rescapés. Ce réservoir en effervescence – véritable trait d’identité – que constitue la production d’Adoum est ancré dans son itinéraire personnel car il fait appel à toutes les sciences humaines. Il n’est qu’un des indices d’une modernité farouche et d’une provocation permanente des modalités canoniques d’écriture. Le caractère multi-générique de sa production en est déjà une preuve : poésie et prose, fiction, théâtre et essai, critique littéraire et histoire de la culture révèlent l’homme érudit, prêt à cultiver toutes les formes possibles pour expliquer l’homme, son espace et son histoire. Ce gage de modernité propre aux avant-gardes est notamment visible dans sa façon de dépouiller la langue, de la contorsionner au point de lui accorder une fonction nouvelle, comme le montrent les contributions de ce volume. Les travaux réunis dans cet ouvrage embrassent les thématiques, les modalités et stratégies d’écriture utilisées par Adoum dans les 1 Juan Gelman-Roberto Bolaño, memoria y desencanto (dir. Ramiro Oviedo), Collection Les Cahiers du Littoral, éd. Jacqueline Bel, I/6, février 2007. V différents genres littéraires. Il est symptomatique que la moitié des contributions soit consacrée à l’étude de l’œuvre poétique : quatre d’entre elles se plongent dans l’univers de Entre Marx y une mujer desnuda et deux fouillent sous un angle différent Ciudad sin angel. L’intérêt se porte ensuite sur le journaliste-chroniqueur, puis sur sa production théâtrale. Suit un entretien de Paola de la Vega avec l’auteur, très opportun lorsqu’on essaye de savoir comment l’écrivain lui-même conçoit son travail. Le volume s’achève par un texte épistolaire de Jorge Musto, lu en présence du destinataire Jorge Rodríguez Padrón, dans Volver a Jorge Enrique Adoum, fait part de sa relecture du poète équatorien et établit le bilan critique (et auto-critique) des perversions du contexte référentiel qui accompagne et suit la parution de son anthologie de poètes hispano-américains 2. Depuis l’échec de la Gauche et dans un contexte où les poètes sont devenus complices du carnaval utilitariste, il faut trouver une stratégie pour rendre à la langue sa capacité subversive. Rodríguez Padrón décèle les traits de la poésie authentique, voit en Adoum une voix de référence et, dans un parcours analytique de plusieurs textes, décrypte ses clés de lecture. Dans Jorge Enrique Adoum y la escritura de la ausencia, Fernando Moreno étudie cet axe sémantique dans la poésie d’Adoum et les expériences qui l’entourent, à tous les niveaux et dans toutes ses modalités (thématique, rhétorique, poétique). L’expérience de « La otredad » comme stigmate de l’histoire pousse la voix lyrique désemparée mais résistante à une exploration d’espaces, de temps et de personnes « occultes », disparues ou absentes, à les rendre présents, affirmant le rôle fondateur de la poésie : récupérer le monde avec les mots. Para una lectura circunstancial de « El amor desenterrado », de Waldo Rojas, est une approche née du plaisir du texte autour de ce poème sur l’amour, le corps, le temps, la mémoire et la mort, écrit par Adoum à partir d’une note de presse. Fixant les contours de la « poésie de circonstance » et la notion de « longueur », Rojas situe le texte dans la tradition poétique hispano-américaine, avant de focaliser sa lecture sur ce qu’il appelle « el giro metapoético », en vertu duquel le poète devient non seulement l’archéologue de la mémoire historique, mais aussi celui de la mémoire existentielle d’une intrahistoire d’amour, fondant sa voix dans celle de la communauté. 2 Jorge Rodríguez Padrón, Antología de poesía hispanoamericana, Espasa-Calpe, Madrid, 1984. VI Ramiro Oviedo analyse les stratégies du poème et mesure le « poids » social de l’écrivain par une lecture en quête des pistes de la « nouveauté » : entre dérision, envolée poétique, travail de laboratoire, scepticisme, militantisme, perspicacité critique et multiples avatars liés à la conception même d’un texte, Adoum est resté toute sa vie fidèle à un idéal humaniste, solidaire et révolutionnaire. À ces marques d’avant-garde il faut ajouter le sentiment de malaise que l’écrivain éprouve en regardant le contexte local et international. C’est là que l’on trouve l’Adoum humain, universel et vitaliste forcené. Iván Oñate, lors d’une nuit blanche provoquée par la lecture d’Adoum, se demande comment lire, à partir de quels angles et de quelles perspectives pénétrer cette poésie sans trahir son essence, quand la quête du verbe et de ses mystères semble ne pas pouvoir échapper aux filtres réducteurs de la postmodernité, aux paramètres et mécanismes précaires de la critique formelle et de la sémiologie. Enfin Oñate nous fait partager son choix justifié de trois poèmes incontournables d’Adoum. S’appuyant sur les poèmes Mayo 68 et Agosto es el mes más cruel (parus 40 ans après les évènements aux éditions Archipiélago, dans la traduction de Nicole Rouan-Adoum), Xavier Oquendo Troncoso extrait dix vers et les soumet à une lecture poétique-interprétative de grand intérêt pour le lecteur. Oquendo souligne l’impact du graffiti et la récurrence de la poésie cinématographique dans cette poésie conçue à une époque vouée aux utopies et où l’espoir n’a, néanmoins, pas encore démissionné. L’article de Nicole Rouan-Adoum, traductrice de Jorge Enrique Adoum, La traduction : deux poids, deux mesures !, renferme certaines anecdotes pétillantes accompagnées de consignes essentielles pour la traduction littéraire empruntées à Françoise Campo-Timal. Le point de départ de la traductrice étant la présentation du recueil bilingue de poèmes mayo de 1968 (¿siglo XXI?), mai 68 (XXIe siècle ?, celle-ci décrit sa démarche. Traduire, c’est unir le poids des mots d’une culture à ceux d’une autre culture, ce qui suppose « d’appréhender la mémoire de l’auteur » tout en passant par sa propre mémoire de traducteur, ce « qui fait sa singularité ». Ensuite, abordant le roman, Pablo Martínez Arévalo propose une lecture rigoureuse de « Entre Marx y una mujer desnuda » et place le mémorial américain d’Adoum entre l’esthétique de la violence et la poétique de la solidarité – comme antithèse –, configurant ses fondements et une vision du monde qui amalgame l’idéologie, l’esthétique VII et l’histoire et soulignant l’honnêteté intellectuelle et l’engagement de l’écrivain. Alicia Ortega trouve dans un essai de Jorge Velasco Mackenzie le déclic pour sa contribution 1976 : Entre Marx y una mujer desnuda, Maria Joaquina en la vida y en la muerte, La linares et situe cette année-là le point de départ du nouveau roman équatorien. L’éclosion du langage, perceptible dans les romans de Adoum, Jorge Dávila Vázquez et Iván Egüez, révèle une continuité avec l’écriture de Pablo Palacio et Humberto Salvador qui coïncide avec l’éclatement des institutions et les tares d’une société bourgeoise emprisonnée dans un système colonial, presque indifférent à l’impact de la Révolution cubaine. Ortega décrit les mécanismes de ces romans apparus en 1976, et il relève la transcendance du texte d’Adoum. Maryse Renaud, dans Relectura posmoderna de un clásico: el verbo encendido de Jorge Enrique Adoum, souligne le pouvoir de la langue, le caractère expérimental et le dynamisme subversif du texte dont le substrat idéologique est objet d’étude. L’approche analyse et interprète la construction des personnages, des espaces et des antiespaces de ce roman-cocktail né du désir, de « ses excès et ses intransigeances », avant de devenir un règlement de comptes des agents corrosifs de l’histoire équatorienne confrontée à l’encyclopédie de la culture universelle. Pierre Lopez, dans De la page nue à l’écriture d’un texte avec personnages, étudie la polarité entre Marx et une femme nue, justifiant le caractère novateur et expérimental de ce « roman-somme » ou « anti-roman », dont la page, plus qu’un support, est un lieu de divergence et un élément structurel de la trame, poussant le lecteur à une lecture non conventionnelle, plus reconstructive et dialectique. Dévoilant les rouages de la machine-fiction, dont le moteur est la « non-structure », Lopez parle de l’écriture en formation soumise à un jeu d’introspection et de prospection permanent sur l’évolution du récit, axé sur une mise en abyme articulée en plusieurs champs narratifs, sans pouvoir éviter la polarité entre l’aspect collectif (le projet révolutionnaire) et l’individualité avec tous ses méandres. Pour Emmanuelle Sinardet dans Histoire, amour et art : l’horreur défiée dans « Ciudad sin ángel », le texte est une boîte à pièges interactive, remplie d’échos, qui dénonce l’horreur de l’histoire, faisant de la lecture un acte de création et une réflexion sur l’amour, l’art et l’histoire. La violence de l’histoire en tant que moteur de souffrances produit un texte exaspéré et violent où l’imbrication des trames, des voix et de thèmes révèle un écrivain entièrement original et novaVIII teur, capable d’harmoniser sensibilité, perception intellectuelle et engagement. Abordant le même roman, Juan Carlos Mondragón souligne le plaisir de la relecture de la prose d’Adoum, une machine à sens avec ses filiations et ses redécouvertes. Le roman explore ses propres limites, met en synergie toutes les forces de l’écriture pour annuler l’oubli et pour être original sans négliger la tradition ; en s’emparant de l’amour et de la conscience politique, « Ciudad sin ángel » fait ainsi face à la poubelle de l’histoire et au carnaval de la culture. Mondragón signale la bipolarité comme axe structurant du récit et, se fondant sur plusieurs exemples, il décrit la stratégie de l’alternance qui a l’art (littérature, musique, peinture) comme toile de fond. Dans La otra mirada, J. E. Adoum, el poeta periodista, Esther Andradi trace la filiation et la tradition des poètes-journalistes. Puis, en parcourant plusieurs chroniques d’Adoum (« Mirando a todas partes, » – Diners –), elle répond à certaines questions sur le rôle de ce genre littéraire dans sa production. Conçu comme un « dédoublement » de l’activité poétique, le journalisme a été pour Adoum un espace de rallonge de ses obsessions mais aussi la manière la plus directe de s’engager dans son temps, sans négliger l’humour du quotidien. Juan Carlos Tajes, dans Jorge Enrique Adoum o el teatro de la subversión, relit l’œuvre théâtrale d’Adoum en se focalisant sur plusieurs scènes de « El sol bajo las patas de los caballos » y « Subida a los infiernos », cernant le contexte historique, politique et social des années 1970 et 1980 et soulignant les traits thématiques, techniques et formels. L’époque, encline aux ruptures avec le théâtre conventionnel, marque l’écriture théâtrale d’Adoum des signes de la subversion. Sous le titre « Yo creador me confieso », Paola de la Vega nous dévoile la poétique d’Adoum, qui parle de son travail, de ses rapports avec l’histoire, l’art, la société et la politique. L’écrivain répond aux questions essentielles sur « Entre Marx y una mujer desnuda » et plusieurs de ses livres de poésie, sur ses rapports particuliers avec le théâtre, l’essai et « De cerca y de memoria ». La perspicacité et la pertinence intellectuelle des questions posées ainsi que la sincérité des réponses font de cet ouvrage un outil majeur de recherche, car il éloigne des méfaits de la spéculation lorsqu’il s’agit de situer et de calibrer avec objectivité une production dans son contexte. La lettre sans titre lue par Jorge Musto à Adoum, est un témoignage poétique de l’amitié, un bilan de trente ans de souvenirs comIX muns qui révèle l’homme et l’écrivain sous un angle privilégié. Si la parole intense et lumineuse de Musto avait ému le public, son texte est un manuel pour devenir un vrai lecteur de poésie sachant voir, entendre, revoir et réentendre, faisant coïncider les dimensions de la mémoire personnelle et historique avec les images d’un film de Bergman, par exemple, une phrase musicale de Bach et le souvenir d’un vers d’Adoum, pour rendre l’absence démissionnaire. Nous ne prétendons pas avoir épuisé l’exploration de cette œuvre si féconde et complexe, néanmoins nous avons atteint l’objectif initial, mesurer la valeur des altérations et des distorsions d’une écriture dont le but est d’éviter l’échec des mots. En forgeant ainsi une nouvelle dimension de la langue qui trouve le volume, la couleur et la forme avant d’être un texte cyclopéen, vital et existentiel, Adoum devient l’une des dernières icônes du territoire de la poésie de langue hispanique. Avec un demi-siècle d’écriture et plus d’une trentaine de titres à son actif, nous pouvons confirmer à présent que l’écrivain équatorien polyvalent a construit un seul et immense poème épicophilosophique qui le situe dans le territoire qu’il a lui-même bâti avec sa parole : l’espace privilégié du poète avec l’homme. Nous partageons aujourd’hui le bonheur de publier ce volume avec le plaisir des lecteurs et des contributeurs, des universitaires, des critiques et des éditeurs, et tout particulièrement avec Nicole Rouan-Adoum, directrice de la maison d’édition Archipiélago, traductrice de plusieurs recueils d’Adoum, et aussi épouse de l’écrivain. Nous dédions ce volume au poète qui nous a quitté un an après avoir honoré le colloque de sa présence. Nous remercions Xavier Escudero, Maria Fernández, Jaume Pont, Benoît Santini et Emmanuelle Sinardet qui nous ont aidé à relire les contributions. Boulogne-sur-Mer, février 2011, Ramiro Oviedo X