1.3. Varietes manioc et défis

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1.3. Varietes manioc et défis
Table des matières
1.
1.1.
1.2.
CONTEXTE GENERAL .................................................................................. 1
Le manioc et son importance en Afrique .............................................................. 1
Le manioc au Rwanda ....................................................................................... 1
2.
2.1.
2.2.
PESTES ET MALADIES RAVAGEURS ............................................................ 2
L’épidémie de la mosaïque du manioc : son incidence et la réponse adéquate ......... 2
La menace de la striure brune du manioc ............................................................ 5
3.
3.1.
3.2.
3.3.
INVENTAIRE ET CARACTERISATION DES VARIETES DE MANIOC ............... 6
Variétés douces ................................................................................................ 6
Variétés amères ............................................................................................... 7
Catalogue des variétés de manioc 2011............................................................... 7
4.
4.3.
4.4.
4.5.
ENJEUX POUR LE RECHERCHE-DEVELOPPEMENT ET LA MULTIPLICATION DE
NOUVELLES VARIETES DE MANIOC ........................................................... 8
Investissements dans la recherche variétale ........................................................ 8
‘Super manioc’ : développements dans le domaine de la recherche
biotechnologique .............................................................................................. 8
Implication des producteurs et autres parties prenantes ........................................ 9
Nouveaux points d’attention ............................................................................ 10
Multiplication des boutures des nouvelles variétés .............................................. 11
5.
5.1.
5.2.
DISCUSSION ET PERSPECTIVES .............................................................. 12
Conclusions ................................................................................................... 12
Recommandations .......................................................................................... 12
4.1.
4.2.
Annexe : Catalogue des principales variétés de manioc cultivées au Rwanda (2011) ......... 14
0
1.
Contexte général
1.1.
Le manioc et son importance en Afrique
Le manioc (Manihot esculenta Grantz) est une plante arbustive des zones tropicales
d’Afrique, d’Asie et d’Amérique. Il est cultivé pour ses racines (tubercules) et ses feuilles. La
culture de manioc peut bien réussir dans beaucoup de zones agro-écologiques. Le manioc
est une plante rustique qui s’adapte même à des conditions difficiles, telles que des périodes
de sécheresse et la dégradation de la fertilité des sols.
Le manioc est originaire d’Amérique latine, plus précisément du Brésil. Il a été introduit en
Afrique au 16ème siècle par les Portugais. Aujourd’hui, environ un quart des africains, soit
250 millions de personnes impliquées, cultive le manioc (Nweke et al. 2002). Il est cultivé
sur 12 millions hectares (FAOSTAT, 2005). Les grands pays producteurs du manioc en
Afrique sont le Nigeria (42 millions tonnes), la République Démocratique du Congo (DRC)
(15 millions tonnes), le Ghana (10 million tonnes), le Tanzanie (7 millions tonnes) et
l’Uganda (5 million tonnes).
Le manioc est très important pour l’alimentation de la
population africaine. C’est aussi le cas pour la sécurité alimentaire au Rwanda, où la culture
de manioc occupe environ 10% des terres emblavées (données statistiques MINAGRI-MIS).
En Afrique, la productivité du manioc est actuellement encore largement en dessous des
rendements possibles. Au Rwanda, il devrait être possible de tripler la productivité par
hectare, du niveau actuel (10 à 12 tonnes par hectare) vers 30 tonnes par hectare. Cela
demande surtout des bonnes variétés et la gestion intégrée de la fertilité des sols, c’est à
dire l’apport de la fumure organique et des engrais minéraux.
Le manioc a un potentiel économique qui va au delà de la nutrition humaine. Il peut être à la
source d’une diversité de produits industriels dont l’amidon est le plus connu. En outre, le
manioc a des potentialités comme base d’aliment pour le bétail et de biocarburant.
Tous ces aspects interpellent la recherche agricole rwandaise à optimaliser la production, la
transformation et l’utilisation du manioc.
1.2.
Le manioc au Rwanda
Introduit au Rwanda vers les années 1930, le manioc a joué un rôle éminent dans la lutte
contre les famines de l’époque. Dès lors, jusqu’à nos jours, le manioc continue à jouer un
grand rôle dans l’alimentation humaine. En effet, le manioc a différentes caractéristiques qui
font que c’est une culture de « sécurité alimentaire par excellence » :
sa résistance à la sécheresse ;
sa capacité de produire même sur des sols impropres à d’autres cultures ;
sa faculté de se conserver dans le sol après la maturité ;
ses possibilités de transformation en divers produits conservables.
La culture du manioc est très bien adaptée aux conditions écologiques du Rwanda. Sa
capacité d’adaptation fait que l’on retrouve le manioc dans la plupart des zones agroécologiques et à des altitudes variant entre 900 et 2300 mètres. L’Imbo, le Mayaga et le
1
Bugesera sont toutefois les zones agro-écologiques les mieux propices à la culture de
manioc. Les meilleurs rendements sont obtenus dans les zones de production qui se situent
entre 900 et 1600 mètres d’altitude.
Depuis son introduction au Rwanda, des générations de cultivateurs rwandais ont
sélectionné les meilleures plantes pour les utiliser dans les saisons suivantes ou les donner à
des parents et voisins. C’est sur la base de cette sélection paysanne et les échanges de
matériels végétaux qu’une diversité de variétés locales s’est développée. Les variétés
locales, progressivement développées à travers la sélection paysanne, se montrent
généralement les mieux adaptées aux conditions agro-écologiques du pays. Beaucoup
d’entre elles sont toujours cultivées. Malgré leur sensibilité aux contraintes biotiques
(maladies et ravageurs), ces variétés sont souvent les mieux appréciées, notamment en ce
qui concerne leurs caractéristiques organoleptiques. L’institution de recherche, le Rwanda
Agriculture Board (RAB), par le biais du programme manioc fait la collection et la
conservation de la diversité génétique du manioc dans ses Stations de Recherche de Karama
et Rubona. Cette conservation compte 90 variétés (locales et améliorées).
Malgré sa nature robuste, le manioc est une plante qui est sensible à différents ravageurs et
maladies. Les maladies et ravageurs peuvent conduire à la perte des rendements comprise
entre 10% et 100% (Hahn 1980, Bellotti 2001). C’est surtout l’utilisation du matériel infecté
de plantation qui provoque la propagation de la maladie d’un champ à l’autre. Les plus
importantes maladies sont la mosaïque du manioc (Cassava Mosaic Disease : CMD) et
récemment la striure brune du manioc (Cassava Brown Streak Disease : CBSD).
2.
Pestes et maladies ravageurs
2.1.
L’épidémie de la mosaïque du manioc : son incidence et la réponse
adéquate
La mosaïque du manioc (CMD) a ravagé la culture de manioc pendant la première décade de
cette siècle. Des pertes importantes se faisaient surtout sentir depuis l’année 2002. C’est
entre 2003 et 2007 que le Rwanda se trouvait à l’épicentre de l’épidémie.
Une enquête conduite par les chercheurs de l’ISAR dans les zones affectées, en collaboration
avec des collègues Ougandais, montrait en 2004 qu’il s’agissait d’une forme sévère de la
CMD. Les échantillons collectés contenaient la forme pandémique associée au virus de la
mosaïque du manioc de l’Afrique de l’Est, Variante Ugandaise (EACMV-Ug).
Les figures 1 et 2 montrent l’incidence et la sévérité de la mosaïque du manioc au Rwanda
en 2004.
2
Figure 1 : Incidence CMD au Rwanda, 2004
Figure 2 : Sévérité CMD au Rwanda, 2004
Attaquées par le virus, les plantes de
manioc montrent les symptômes de
jaunissement et déformations des
feuilles, et parfois réductions de
dimensions normales des feuilles. La
photo montre les symptômes de la
mosaïque du manioc sur les feuilles.
La maladie joue fortement sur les
récoltes, qui diminuent avec une perte
estimée entre 60-100% suivant la
gravité de la maladie et les variétés
cultivées.
Pour lutter contre la mosaïque, le
meilleur remède est d’arracher les
plantes attaquées, de les brûler et faire
remplacer les variétés sensibles par
des variétés résistantes.
Les figures 3 et 4 à la page suivante montrent l’évolution rapide de l’épidémie. En 2004,
l’incidence du CMD dépassait le 50% des parcelles dans la plupart des districts, avec un
concentration dans certaines zones de production importantes. En 2005, toutes les zones du
pays étaient fortement attaquées, à l’exception de certaines zones excentrées.
3
Figure 3 : Incidence du CMD en 2004
(source : C3P ; Crop Crisis Control project)
Figure 4 : Incidence du CMD en 2005
(source : C3P ; Crop Crisis Control project)
La production, la productivité et les superficies emblavées par manioc ont sensiblement
baissé pendant la période 2004-2007. Par rapport à la production d’un million de tonnes de
tubercules enregistrées en 2002 et 2003, la production a diminué avec 25%. La baisse des
rendements est aussi remarquable. Comme réaction, les producteurs ont diminué les terres
emblavées en manioc. Comme le montre le tableau ci-dessous, c’était surtout le cas en 2005
(réduction de 14%).
Tableau 1 : Indicateurs renseignant sur l’impact de la mosaïque (Source : MINAGRI-MIS)
Année
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Superficie
moyenne
67,073
66,938
57,847
59,542
71,441
81,549
90,436
92,389
% manioc des
superficies
emblavées
8.31%
8.30%
7.14%
7.25%
8.44%
9.51%
10.42%
10.57%
Productivité
saison A
(kg/ha)
8.050
7.616
7.641
7.573
5.729
8.715
9.793
11.413
Productivité
saison B
(kg/ha)
6.730
6.099
5.870
5.341
5.155
11.807
12.346
10.706
Production
nationale
(tonnes/an)
1,004,878
912,108
781,637
765,199
776,944
1,681,623
2,019,739
2,044,178
La lutte systématique contre la CMD a surtout commencé dans les grandes zones de
production du pays : le Mayaga et le Bugesera. Quatre variétés résistantes ont été diffusées
par le programme manioc en 2006 : Ndamirabana (TME 14), Cyizere (I92/0057),
Mbakungahaze (95/NA/00063) et Mbagarumbise (MH95/0414).
En 2007, la culture de manioc a repris (extension des superficies cultivées avec 20%). En
2008 et 2009, les superficies emblavées se sont encore agrandies avec 14% et 11%. En
2008, l’amélioration des rendements a été spectaculaire, aussi bien pour la saison A que
pour la saison B.
L’amélioration de la productivité par hectare semble être un gain structurel. Aussi en 2009
et 2010, la productivité était entre 9.8 et 12.3 tonnes par hectare, ce qui sensiblement plus
4
élevé que les rendements enregistré avant l’épidémie du virus mosaïque qui étaient autour
de 6 tonnes par hectare. Cette amélioration des rendements est largement attribuable aux
nouvelles variétés de manioc introduites. La valeur de l’augmentation de la production se
chiffre dans des milliards de FRW.
Collaboration multi-acteur : le secret de la réaction adéquate contre la mosaïque
du manioc et de la reprise spectaculaire de la production
Confronté à l’épidémie de la mosaïque du manioc, le Rwanda a pu réagir d’une manière très
adéquate. Le secret du succès enregistré était certes la bonne collaboration entre différents
acteurs clés. Des variétés résistantes à la mosaïque ont été rapidement développées et
multipliées, grâce à la collaboration entre ISAR et ses partenaires scientifiques
internationaux (recherche variétale). Le MINAGRI et ses agences, notamment le Rwanda
Agriculture Development Authority (RADA), ont assuré la coordination des opérations de
distribution de boutures. Le Syndicat INGABO et d’autres organisations paysannes ont
mobilisé, formé et suivi leurs membres-producteurs pour la multiplication massive des
boutures. Avec des semences de base fournies par l’ISAR, plusieurs producteurs privés,
associations et coopératives ont produit de millions de boutures qui ont été distribuées dans
toutes les zones de production de manioc. Bien qu’elles n’aient pas encore entièrement
atteint toutes les zones de production ni toutes les catégories de producteurs et productrices
de manioc, les variétés résistantes à la mosaïque sont actuellement très répandues1.
2.2.
La menace de la striure brune du manioc
En ce moment, la striure brune (cassava brown streak disease :CBSD) menace sérieusement
la production de manioc. C’est une nouvelle maladie virale du manioc au Rwanda.
Cependant elle n’est pas nouvelle en Afrique de l’Est, car elle a été observée pour la
première fois en Tanzanie vers les années 1930 par le chercheur Britannique Nicol dans la
partie côtière de l’Océan Indien.
Symptômes de la
striure brune sur
feuilles et tubercules
La recherche a montré que cette maladie est causée par deux espèces de virus, à savoir le
cassava brown streak virus (CBSV) et l’ugandan cassava brown streak virus (UCBSV). Au
Rwanda, la striure brune a été observée pour la première fois en 2009 dans la Province de
l’Est, dans les Districts de Bugesera et de Nyagatare.
1
Cf. article 1.2 pour plus de détails
5
La lutte contre la striure brune est le défi prioritaire qui se pose maintenant à la recherche
agricole. Des variétés résistantes contre cette maladie n’ont pas encore été mises au point
pour être multipliées et distribuées. La recherche continue le test des clones introduits à
partir de l’IITA Tanzanie pour sélectionner les variétés tolérantes à cette nouvelle maladie.
L’évaluation clonale dans les stations de recherche comporte 83 clones. L’essai en milieu réel
pour la saison culturale 2012A porte sur quatre meilleurs clones.
3.
Inventaire et caractérisation des variétés de manioc
Avant de passer à la revue d’un ensemble d’enjeux relatifs à la mise au point, la
multiplication et la distribution de bonnes variétés de manioc, nous présentons d’abord
l’inventaire des principales variétés de manioc cultivées au Rwanda et leur caractérisation.
3.1.
Variétés douces
L’importance relative des variétés douces dans la filière manioc rwandais n’est pas
exactement connue. Les variétés douces sont souvent mélangées dans les champs de
manioc amer. L’enquête nationale agricole de 2008 informe toutefois que 52% des
producteurs avait planté de manioc doux en saison 2008A et 41% en saison 2008B. En se
basant sur différentes personnes ressources, il est estimé que le manioc doux concerne 20%
des superficies emblavées en manioc et que la production nationale atteint 200 000 tonnes
par an, soit 10% de la production nationale en manioc en 2009 et 2010.
Les variétés douces qui sont actuellement cultivées sont des variétés locales, qui sont
sensibles au CMD. Les variétés douces les plus importantes sont les suivantes :
Nom local
Observations
Gacyacyari
Kiryumukwe
Maguguyinkware
Iminayiro
Très doux, précoce, sensible au CMD
Doux, précoce, sensible au CMD
Doux, précoce, sensible au CMD
Doux, précoce, sensible au CMD
Le manioc doux reste alors de grande importance dans la consommation quotidienne. Les
véritables variétés douces sont beaucoup appréciées par les consommateurs. La valeur
monétaire du manioc doux est estimée à un montant proche de 14 milliards FRW (cf. article
2.3). Pour ces raisons, les variétés douces mériteraient beaucoup plus d’attention. Une
meilleure conservation des variétés locales existantes et le développement des variétés
résistantes aux maladies et ravageurs seraient les priorités. La collaboration internationale
ou sous-régionale serait importante, comme elle l’était pour le manioc amer.
6
3.2.
Variétés amères
Au Rwanda, il y deux anciennes variétés amères qui sont toujours très populaires : Gitamisi
et Rutanihisha.
Nom scientifique
Nom local
Observations
Eala 07
Creolinha
Gitamisi
Rutanihisha
Très amer, bonne farine, bon rendement
Bon rendement, bonne farine, amer
Les instituts de recherche agronomiques internationaux et nationaux ont accordé de grande
attention au développement de variétés amères résistantes à la mosaïque du manioc. Les
huit variétés introduites et cultivées au Rwanda sont les suivantes :
Nom
scientifique
Nom local
95/NA/0063
TMS I/92/0057
MH 95/0414
MM 96/0287
MM 96/3920
MM 96/7204
MM 96/5280
TME 14
Mbakungahaze
Cyizere
Mbagarumbise
Mavoka
Rwizihiza
Garukunsubire
Seruruseke
Ndamirabana
Introduit en
2006
2006
2006
2009
2009
2009
2009
2006
Observations
Bon rendement et amer
Tardif, bon rendement et bonne farine
Bonne farine
Prépose et chair jaune
Doux et bonne farine
Précoce et chair jaune
Bon rendement et bonne farine
Doux et bonne farine
Le cycle végétatif des nouvelles variétés de manioc amer est généralement plus court que
celui des anciennes variétés.
3.3.
Catalogue des variétés de manioc 2011
Chaque variété de manioc a des caractéristiques spécifiques à elle. L’annexe 1 présente le
catalogue des variétés actuellement cultivées au Rwanda et leurs caractéristiques
essentielles.
7
4.
Enjeux pour le recherche-développement et la
multiplication de nouvelles variétés de manioc
4.1.
Investissements dans la recherche variétale
Les expériences de la dernière décade montrent clairement que ça vaut la peine d’investir
dans la mise au point, la multiplication et la distribution de bonnes variétés de manioc. La
lutte contre l’épidémie de la mosaïque a été un bon exemple de collaboration entre
différents acteurs, qui a eu d’énorme impact sur tout le secteur de manioc. La recherche
agronomique et des programmes de distribution de boutures ont alors eu de grande valeur
sociétale. La valeur économique de prévention des pertes et de l’augmentation des
rendements se chiffrent à de milliards de FRW (cf. article ManiOK-CaCAVA 2.3 portant sur la
valeur monétaire du manioc rwandais). Le rendement des investissements publics (return on
investment) dans la recherche-vulgarisation autour des variétés de manioc se justifient alors
très bien, même si l’on n’a qu’une perspective purement économique.
La recherche et le développement de nouvelles variétés se fait dans des réseaux
internationaux et sous-régionaux, dont l’IITA (Internatinal
Institute
for Tropical
Agriculture) et l’ASARECA (Association of Strengthening Agricultural Research in Eastern and
Central Africa) sont très importants. Aussi des initiatives internationles comme le Global
Cassava Partnership (GCP21) et des initiatives régionales, comme le Great Lakes Cassava
Initiative (GLCI) sont très importants. La source des financements est diversifiée : Union
Européenne, Banque Mondiale et diverses fondations. Les agences des nations unies
contribuent aussi à la promotion de la recherche agricole et variétale (ex.FAO). Le Rwanda
Agriculture Board (RAB), ayant la recherche dans ses attributions, travaille en étroite
collaboration avec ces institutions régionales et internationales de recherche pour le
développement de nouvelles variétés de manioc.
4.2.
‘Super manioc’ : développements dans le domaine de la recherche
biotechnologique
Il y a des évolutions importantes dans le domaine de la biotechnologie et de modification
génétique des plantes, qu’on peut même qualifier comme révolutions. Ces changements
rapides concernent de plus en plus des cultures vivrières qui sont surtout importantes pour
l’autoconsommation (comme le manioc, bananes plantains et patates douces). Un exemple
est le projet ‘BioCassava Plus’ du Donald Danforth Plant Science Center. Ce projet, qui
travaille avec des techniques transgénétiques, vise deux grands objectifs : (i) améliorer la
résistance du manioc contre les maladies et ravageurs et (ii) améliorer la valeur nutritive du
manioc (protéines, éléments minéraux). Le projet ‘BioCassava Plus’ fait des tests au Nigéria
et au Kenya.
Il s’agit d’un programme de recherche qui, contrairement à la recherche des compagnies
internationales de semences, vise à produire des biens publics. Cette orientation ‘bien public’
est remarquable et inévitable pour des cultures qui ne sont pas trop intéressantes sur le
plan commercial comme le manioc. L’objectif est de rendre des nouvelles variétés de manioc
disponibles sans frais de licence.
La plupart des pays Africains et Européens montrent une certaine résistance à l’utilisation
des organismes génétiquement modifiées (OGM). Le Rwanda pourrait s’informer davantage
8
pour voir si cette voie de développement de variétés pourrait éventuellement contribuer à
l’amélioration de la base semencière de la filière manioc. Investir dans des échanges avec le
Kenya, membre d’East African Community comme le Rwanda, serait une possibilité.
‘Super cassava' to enter field trials (Source : Aisling Irwin, http://www.scidev.net/en/news/-supercassava-to-enter-field-trials.html, 19 February 2009)
An ambitious attempt to bioengineer cassava into a "complete meal" took a step forward last week with the
approval of field trials for the plant by Nigeria's National Biosafety Committee. The genetically modified
cassava contains 30 times as much beta-carotene, a precursor of vitamin A, as its normal counterpart.
Ultimately it is hoped the cassava will contain increased levels of iron, protein, zinc and vitamin E that will
meet the minimum daily allowance in a 500 gram meal. "This is one of the most ambitious projects ever
attempted in a major crop plant," said Richard Sayre of the Donald Danforth Plant Science Center in St Louis,
Missouri, who spoke at the annual meeting of the American Association for the Advancement of Science, held
in Chicago, the United States last week (13 February 2009). Sayre directs the BioCassava Plus programme,
which began in 2005 under the Grand Challenges for Global Health Programme. The challenge is to provide
complete nutrition in a single staple crop. Some 250 million people in Sub-Saharan Africa — and 800 million
people globally — rely on cassava as their main source of energy. But it is low in nutrients, vulnerable to
plant viruses, and it lasts only two days without processing. As well as adding extra nutrients, the team has
successfully produced varieties with increased virus resistance, decreased amounts of poisonous cyanides —
which can remain in cassava if the crop is poorly processed — and a longer shelf life.
"We're transforming it into a staple that will provide complete nutrition," Sayre told SciDev.Net. Laboratory
and greenhouse tests have been successful — for example, iron levels were increased ninefold, zinc fourfold
and protein fourfold. The next stage is confined field trials — small-scale field trials to evaluate the
performance of the crop under stringent conditions. If those succeed, there will be nutrition trials, first in
animals and then in humans. Nigeria's approval is the first it has granted for a GM confined field trial, said
Sayre — though the document awaits the signature of the country's environment minister. The Nigerian
National Root Crops Research Initiative will oversee the trials. So far the traits have been introduced
individually into plants. The first product with multiple traits is likely to contain just elevated vitamin A, iron
and protein as well as virus resistance. "To add the other four is going to be technologically more
challenging," said Sayre. The team also hopes to begin confined field trials in Kenya, to be overseen by the
Kenya Agricultural Research Institute (KARI), before the end of 2009. "We are now in the process of training
African scientists in our labs. They are going to learn the technology to make a transgenic cassava plant.
They will return and make the final products themselves," said Sayre.
4.3.
Implication des producteurs et autres parties prenantes
Sélection participative de variétés
Au niveau international, sous-régional et national, la recherche développe tout le temps de
nouvelles variétés. Il est important d’informer les parties prenantes de la filière manioc
d’une manière continue. Les tests de nouveaux clones n’est pas seulement une affaire de la
recherche, mais demande aussi, dès les premières phases, la collaboration avec
vulgarisateurs, producteurs, transformateurs et consommateurs. La pratique d’associer les
parties prenantes aux tests de variétés est connu comme la sélection participative de
variétés (Participatory Variety Selection ; PVS).
‘Sélectionner les meilleurs : sélection au niveau paysan
La plus grande partie de la production de manioc est basée sur des boutures sélectionnées
par les producteurs eux-mêmes pour leur utilisation dans prochaine campagne. Il est
essentiel qu’ils prennent les meilleures boutures. Pour ce, des fiches techniques simples
peuvent être élaborées pour les aider à faire ce choix.
9
4.4.
Nouveaux points d’attention
Valeur nutritive
Les variétés diffèrent selon leur valeur nutritive (hydrates carboniques ; valeur énergétique (KJ).
protéines ; fibre ; lipides). Pour des raison de sécurité alimentaire et nutritionnelle, il convient d’y
apporter plus d’attention. Les feuilles de manioc, consommées comme légumes, sont une
source moins chère de protéine, minéraux et vitamines. La valeur nutritionnelle des feuilles
de manioc est comparable avec la composition des autres aliments comme le soja, le mais
and les amarantes (Bokanga, 1994).
Produire pour les marchés
En Afrique, le manioc est pour 90% produit pour la consommation humaine. Il est toutefois
connu que le manioc présente le potentiel d’être transformé en divers produits : farine,
amidon, colorants, cols, alcool, produits pharmaceutiques, biocarburant,… En Asie, le
manioc est surtout un produit commercial, notamment l’amidon exporté vers l’Europe et le
tapioca pour l’aliment bétail sont des chaines de valeur internationales importantes. C’est
alors un grand défi pour la recherche de développer des variétés qui ne sont pas seulement
performantes sur le plan agricole et résistantes aux maladies et ravageurs, mais répondent
aussi aux perspectives (actuelles et potentielles) des marchés de produits issus du manioc.
Critères d’appréciation des variétés
Avec ces points d’attention, il est alors important de connaitre les caractéristiques
techniques et commerciales des variétés, aussi bien pour la production et la
résistance/tolérance pour maladies et ravageurs, que pour la transformation, le marketing et
le commerce et la nutrition. Les variétés peuvent donc être décrites sur la base d’un grand
nombre de paramètres d’appréciation : production, rendement, boutures, transformation,
consommation et valeur nutritive. Pour chacun de ces paramètres, on peut décrire les
caractéristiques. Le tableau en bas donne des points d’attention possibles.
Paramètres
Production
Rendement
Boutures
Transformation
Description caractéristiques
- Durée du cycle végétatif
- Caractéristiques de la plante (taille, tiges, feuilles, pétioles, ...)
- Caractéristiques des tubercules (couleur, peau, ...)
- Sensibilité au stress (sécheresse, dégradation des sols)
- Besoin en fertilisants, réaction sur fertilisants, type de fertilisants
- Sensitivité aux maladies et ravageurs
- Appréciation des producteurs
- Rendement moyen
- Rendement possible en milieu contrôlé
- Rendement maximal observé en milieu réel
- Production de boutures (quantité, qualité)
- Conservation et facilité de transport des boutures
- Teneur en acide cyanhydrique
- Conservation des tubercules après récolte
- Facilité de transportation
- Pertes d’épluchage
- Séchage
- Matière sèche des cossettes/farine (bon et mauvais rouissage)
- Taux de conversion
- Qualité de la farine : couleur, odeur, étanchéité
10
Consommation et
valeur nutritive
4.5.
-
Possibilités pour feuilles pour Isombe
Possibilité pour aliment bétail
Possibilités pour biocarburant
Gout et appréciation des consommateurs
Classe de consommateurs / segment de marché
Valeur nutritive (en % de la farine) : Hydrates carboniques (Carbohydrates) ;
Protéines ; Fibre ; Lipides ; Valeur énergétique (KJ)
Multiplication des boutures des nouvelles variétés
Optimaliser la collaboration multi-acteur pour la multiplication et la distribution de
nouvelles variétés
L’expérience avec la lutte contre la CMD a montré que le développement, la multiplication et
la distribution de nouvelles variétés demandent une bonne collaboration entre acteurs. Il
convient d’optimiser davantage la collaboration entre la recherche, le secteur public
(Gouvernement et bailleurs) et entrepreneurs locaux afin d’aligner la demande et l’offre des
boutures. Les organisations paysannes ont un rôle clé dans la multiplication des variétés
résistantes et tolérantes aux maladies et ravageurs et cela d’une façon durable afin que le
système semencier puisse être efficace. Dans cette activité de multiplication des semences,
une agence de contrôle et de certification (Rwanda Bureau of Standards) s’avère très
importante afin de ne pas contribuer à la propagation des maladies par des boutures
provenant des plants malades.
La production et commercialisation de boutures comme pôles d’agribusiness
spécifiques
A cause des maladies et ravageurs, le marché de boutures a beaucoup de perspectives. Bien
que le taux de dissémination de variétés résistantes à la mosaïque soit déjà élevé, il reste
beaucoup de producteurs et productrices, notamment ceux avec des petites parcelles, qui ne
disposent pas encore de nouvelles variétés (cf. enquête auprès des producteurs et
productrices de manioc conduite par l’ISAE et WUR-CDI ; article 1.2). ll convient de
poursuivre les efforts car les nouvelles variétés ont un impact énorme sur les rendements.
La striure brune (cassava brown streak virus) est déjà observée au Rwanda et dans les pays
voisins. Cette maladie peut avoir des conséquences désastreuses sur la production et les
revenus des producteurs, dont les dégâts se chiffrent potentiellement dans des milliards de
FRW. La recherche agricole, les autorités et agences techniques sont déjà alertées et ont
pris des dispositions.
Pour aboutir à une large multiplication des boutures des nouvelles variétés mises au points,
il est intéressant d’organiser la production des boutures comme l’agribusiness. Les boutures
sont un produit spécifique, pour lequel il existe un marché spécifique. Produire de boutures
de qualité est aussi un métier, qui demande des compétences spécifiques. Il existe
aujourd’hui des centaines de producteurs qui se sont spécialisés dans la production de
boutures. Quand ils ont une collaboration étroite avec la recherche et la vulgarisation (RAB),
le contrôle et la certification (RBS), les autorités locales et les banques/IMF, il est possible
de développer des véritables pôles d’agribusiness avec des capacités d’innovation élevées.
11
5.
Discussion et perspectives
5.1.
Conclusions
Les expériences de la dernière décade montre clairement que ca vaut la peine d’investir
dans la mise au point, la multiplication et la distribution de bonnes variétés de manioc. La
recherche agronomique et des programmes de distribution de boutures ont eu de grande
valeur sociétale. La valeur économique de la réduction des pertes et de l’augmentation des
rendements se chiffrent à de milliards de FRW. Avec la grande menace de la striure brune, le
rendement des investissements publics dans la recherche et la vulgarisation de nouvelles
variétés de manioc sera probablement aussi élevés dans les années qui viennent.
La lutte contre le virus mosaïque a été un bon exemple de collaboration entre différents
acteurs. Les parties prenantes doivent continuer à être vigilantes pour améliorer sa base
semencière. Sans bonnes variétés, il n’est pas possible de faire face aux maladies et
ravageurs,. Des variétés sont aussi indispensables pour produire du manioc à un prix
compétitif. En elle seule, c’est la variété utilisée qui est la plus déterminante pour les
rendements réalisés.
Le développement, multiplication et distribution de nouvelles variétés demande une bonne
collaboration entre la recherche, le secteur public (Gouvernement et bailleurs) et
entrepreneurs locaux, afin d’aligner la demande et l’offre des boutures. Il convient de
optimiser davantage cette collaboration et d’augmenter l’orientation sur caractéristiques
nutritives et commerciales des variétés, en plus des caractéristiques techniques.
5.2.
Recommandations
Cet article soutient 10 recommandations pour garder et développer le capital génétique de la
filière manioc du Rwanda :
1.
Poursuivre les investissements dans la conservation de la biodiversité et dans la
recherche variétale : le rôle sociétale de la recherche agricole s’est déjà prouvée
pendant la lutte contre la mosaïque du manioc.
2.
Accorder plus d’attention aux variétés douces qui sont de grande importance pour
l’alimentation humaine et qui représentent une valeur économique non négligeable.
3.
Optimiser la sélection des boutures pour auto-utilisation au niveau des producteur
(‘sélectionner les meilleurs’)
4.
Impliquer les producteurs et autres parties prenantes dans le développement, la
multiplication et la distribution de nouvelles variétés : sélection participative des
variétés
5.
Se préparer pour la lutte contre la striure brune qui menace actuellement la culture du
manioc.
6.
Accorder plus d’attention pour le développement de variétés plus nutritives
7.
Accorder plus d’attention pour les caractéristiques des variétés en ce qui concerne leurs
perspectives de marchés.
12
8.
Actualiser chaque année le catalogue des variétés de manioc cultivées au Rwanda en
élargissant la description des caractéristiques commerciales et nutritives.
9.
Organiser la production et la commercialisation de boutures comme pôles d’entreprises
spécifiques, avec multiplicateurs paysans et privés au centre, qui collaborent
intensivement avec la recherche-vulgarisation (RAB), le RBS, autorités locales, banques
et IMF et autres parties prenantes
10. Suivre les développements internationaux en matière de recherche biotechnologique,
comme le cas de BioCassava Plus.
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Annexe : Catalogue des principales variétés de manioc cultivées au Rwanda (2011)
Nom local
Code
Année de
diffusion
Gitamisi
Eala 07
1975
Rutanihisha
Creolinha
1985
Mulundi
Locale
1985
Kiryumukwe
Locale
1985
Maguruyinkware
Locale
1985
Karama I
1985
1985
Kibombwe
PYT Bul
1977/69
UYT Bulk
1977/11
Kibombwe/14
Ndamirabana
Zone de culture
Goût
Cycle
végétatif
BA, MA*
1300 – 1700 m
BA, MA
1300 – 1700 m
MA
1500 – 1700 m
BA
1450 m
BA, MA
Amer
18 – 24
mois
15 – 18
mois
12 – 15
mois
10 – 15
mois
12 – 15
Mois
15 mois
Amer
Doux
Doux
Semidoux
Amer
1985
BA
1450 m
BA, MA
1300 – 1800 m
BA, MA
Semidoux
Doux
TME 14
2006
BA, MA
Doux
Cyizere
I92/0057
2006
BA, MA
Mbakungahaze
95/NA/00063
2006
Mbagarumbise
MH95/0414
Rwizihiza
Gakiza
Rendement
potentiel
(T/ha)
40
40 - 45
55
25
25 - 30
35
15 mois
35
12 – 15
mois
10 – 12
mois
15 -25
Semidoux
15 mois
40 - 45
BA, MA
Amer
12 mois
45
2006
BA, MA
Semidoux
12 – 15
mois
30 – 35
MM96/3920
2009
BA, MA
Doux
12 mois
30 - 35
Seruruseke
MM96/5280
2009
BA, MA
Doux
12 mois
25 - 30
Mavoka
MM96/0287
2009
BA, MA
Doux
10-12
mois
35 -40
Garukunsubire
MM96/7204
2009
BA, MA
Doux
12
mois
30 - 35
* BA= Basse Altitude, MA= Moyenne Altitude
14
40
Autres caractéristiques
Sensible à la mosaïque et à l’acarien vert
Tige brune foncée - verdâtre
Peu sensible à la mosaïque et à l’acarien vert,
Tige brune, pétiole rouge foncée
Sensible à la mosaïque et à l’acarien vert
Tige vert claire
Tolérante à la mosaïque et sensible à l’acarien vert
Tige jaunâtre au bas âge et brune claire à maturité
Sensible à la mosaïque et l’acarien
Tige orange
Résistance à la mosaïque et à l’acarien
Tige vert claire légèrement brunâtre
Résistance à la mosaïque et à l’acarien vert
Tige brune foncée au claire
Sensible à la mosaïque et l’acarien vert
Résistance à la mosaïque/Tolérance à l’acarien vert
Tige brun clair, pétiole rouge foncé, feuilles érigées,
tubercules brun foncés
Résistance à la mosaïque/Tolérance à l’acarien vert
Tige brun foncé, pétiole rouge pourpre, feuille vert
claire et tombantes, tubercules brun foncés
Résistance à la mosaïque/Tolérance à l’acarien vert
Tige brun clair, pétiole rouge foncé au collet,
tubercule brun claire
Tolérance à la mosaïque et à l’acarien vert
Tige tendant vers orange, pétiole rouge claire,
grosses feuilles vert clair.
Résistance à la mosaïque/Tolérance à l’acarien vert
Tige brun clair, pétiole rouge, tubercule brun
Résistance à la mosaïque/Tolérance à l’acarien vert
Tige brun clair, pétiole rouge foncé. feuille verte,
tubercule brun
Tolérance à la mosaïque et à l’acarien vert
Tige brune, pétiole vert-rouge, feuilles vert clair,
tubercules brun.
Résistante à la mosaïque/Tolérance à l’acarien vert
Tige brune, pétiole vert-rouge, feuilles vert clair,
tubercules brun.
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