(SUR LES RÉSEAUX)

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L’ENQUÊTE
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TWITTER, ARME DE RÉACTION MASSIVE
Fin novembre, Carla Bruni déclarait, dans Vogue, le
féminisme « out ». « On n’a pas besoin d’être féministe
dans ma génération. Des pionnières ont ouvert la brèche.
Je ne suis pas militante féministe. En revanche, je suis
bourgeoise. » En des temps pas si anciens, ces quelques
mots auraient pu passer inaperçus. Ça, c’était avant. Avant
les hashtags, les trending topics et autres RT (« retweet »)
qui enflamment la Toile comme un jour de mistral. Un
tweet clash généralisé, c’est ce qu’a subi l’ex-première
dame. Sous le hashtag #cherecarlabruni, initié par Osez le
féminisme, une armée 2.0 s’est dressée pour expliquer à
Carla pourquoi elle était à côté de la plaque, l’obligeant face
à cette levée de claviers à se justifier quelques jours plus
tard. Campagne organisée ou action spontanée, il suffit de
taper le mot « sexisme » (ou ses dérivés #sexismeordinaire,
#noelsanssexisme…) sur Twitter pour voir que le sujet
agite régulièrement l’agora du Web. Car, désormais
n’importe quelle Twitto peut allumer la mèche : dénoncer
une pub ou épingler en 140 caractères les propos des Don
Draper des temps modernes. A l’instar d’un Jean-Pierre
Elkabbach, qualifiant en direct Najat Vallaud-Belkacem de
« très jolie femme […] avec une très belle langue de bois »,
immédiatement clashé par la ministre Aurélie Filippetti,
faisant ainsi remonter l’info sur tous les sites d’actu.
« Ça permet de réagir vite et d’interpeller directement une
personnalité, commente Julie Muret, porte-parole d’Osez le
féminisme. De manière générale, le terme “sexisme” est de
plus en plus présent dans les médias. C’est moins chargé
que “féminisme” et ça parle à un public plus large. »
© Philippe Huynh-Minh/Maxppp
Le sexisme, un combat d’arrière-garde ? Web pétitions, clashs via Twitter, blogs participatifs…
Une nouvelle vague de filles (et de garçons) prouve le contraire en faisant du bruit sur le Net. PAR LAETITIA MØLLER
Sur le Net ou dans
la rue, les filles font
passer le message.
Ici, à la Slutwalk, en
octobre 2012.
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LES FILLES SE DÉFOULENT SUR LE NET
A l’exemple du blog Vie de meuf lancé en 2010 par Osez le féminisme,
les « montées au créneau » anti-sexistes se multiplient sur Internet,
initiées par une nouvelle garde de filles qui l’ouvrent, parfois avec pas
mal d’humour. Pour tourner en dérision les costumes d’Halloween
(Fucknosexisthalloweencostumes.tumblr.com) ou les jouets de genres
sur Faiscommemaman.tumblr.com, qui recense fers à repasser et autres
aspirateurs « pour faire le ménage comme maman et devenir une fée du
logis ». Autre énorme carton : Paye ta Shnek sur le harcèlement de rue,
élu meilleur Tumblr 2012 par Minute Buzz, et créé en août dernier par
Anaïs Bourdet, une Marseillaise de 28 ans. « C’était juste après la vidéo
de Sofie Peeters [cette jeune Bruxelloise qui a filmé les remarques et
insultes qu’elle subissait quotidiennement dans la rue, NDLR], je me suis
fait poursuivre en voiture par un mec sous prétexte que je n’avais pas
répondu à son approche. J’ai réalisé que mes copines avaient toutes
plein d’anecdotes à raconter et j’ai monté ce site en cinq minutes. L’idée
était de recenser toutes ces phrases, parfois drôles, parfois sordides.
Je ne m’attendais pas à un tel succès. » A savoir 900 posts reçus dès la
première semaine – près de 3 000 au total – à base de : « Mademoiselle,
je te veux en long, en large et en quinconce » ou : « Y’a moyen d’avoir ton
numéro ? (Non.) O.K., toi quand je te prendrai en levrette tu feras moins
ta maligne ». « Je ne suis pas une féministe engagée, explique Anaïs,
mais ça a permis de faire prendre conscience que le phénomène n’était
pas si anodin. Avant quand j’en parlais à des mecs, ils me disaient qu’on
était paranos. Maintenant, ils réalisent. Récemment, un type m’a dit :
“Salut, l’entrejambe”, je n’ai pas répondu, mais pendant tout le chemin,
je me suis répété la phrase en boucle pour la poster en rentrant ! »
DES BLOGUEUSES « NOUVEAU GENRE »
Le Ciel, le féminisme et ta mère, Les Martiennes, Poulet Rotique !…
une jeune génération de blogueuses maîtrisant les codes du Web a
aussi décidé de faire de l’anti-sexisme une lutte des temps modernes.
Elles ont la petite trentaine et abordent les choses différemment : les
sujets de fond mais aussi les situations du quotidien, les remarques
déplacées et les machos bon teint. Comme ce boss libidineux, « la
cinquantaine bien tapée », qui a passé un an et demi à embrasser au
coin des lèvres l’une des deux auteures du blog Le Ciel, le féminisme
et ta mère, ou un post sur Lara Croft victime d’une tentative de viol
dans le nouveau Tomb Raider. Leur objectif : libérer la parole et « montrer
que les féministes ne sont pas forcément des énervées poilues ».
Comme Clarence, 24 ans et auteure du blog Pouletrotique.com : « Je
ne veux pas juste m’adresser aux filles qui vont aux réunions d’Osez le
féminisme, mais aussi aux autres, celles qui s’en foutent un peu. Pas mal
de filles ne se sentent pas engagées, n’iraient jamais à une manif pour
les droits des femmes mais vivent les mêmes situations. Je veux créer
le débat. » Sur son blog à l’esthétique vintage, elle publie la « pub sexiste
du jour » et a collecté pendant des mois les phrases machistes d’un de
ses collègues dans la rubrique « Gentleman à l’italienne ». « Je reçois
plein de messages me remerciant de parler de ça, y compris d’hommes
qui subissent eux aussi une grosse pression sur leur virilité. On leur
demande d’être forts et sensibles, galants mais pas machos, bons
pères et dieux du sexe… Ce n’est pas qu’un combat de nénettes ! »
Ça ressemble à un nouveau slogan.
LES ANGLAISES
CLIQUENT
ANTI-SEXISME
Par Eléonore Kern-Gorse
Le gros buzz du moment, en
Angleterre, c’est la Web pétition
« No more page 3 » lancée par l’actrice
et auteure british de 36 ans, Lucy-Anne
Holmes, sur la plate-forme Change.
org pour réclamer la suppression de la
célèbre page 3 du Sun, montrant des
filles topless et calibrées, le tout via une
esthétique cheap. Résultat : 60 000
signataires et 11 000 followers sur
Twitter ont dit « yes » pour déboulonner
cette effigie so macho créée en 1970 !
En parallèle, les Anglaises se lâchent
sur Everydaysexism.com, un blog
participatif lancé en avril dernier par
Laura Bates, jeune free lance
de 26 ans. A l’origine, une discussion
sur le sexisme entre copines et un
constat : chacune a des dizaines
d’anecdotes à raconter.
« Des amies qui bossent à la City
m’ont même avoué que leurs
collègues allaient dans des boîtes
de strip à la pause déj. » Depuis, elle
a reçu plus de 12 000 témoignages
de femmes relatant leur expérience
de sexisme ordinaire. « Ici, elles osent
s’exprimer, elles savent qu’on ne va
pas leur dire de se calmer », commente
Laura, qui prévoit de décliner bientôt
son blog dans plusieurs langues,
notamment en français. Un
« Vie de meuf » à la sauce british.
© AFP
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1. MANIER LE TROISIÈME DEGRÉ
« En passant devant un chantier, des
ouvriers m’ont lancé un : “T’es bonne
avec ta jupe, toi. ” Je leur ai répondu
avec un grand sourire : “Vous aimez ?
Ça me fait vraiment plaisir. Merci.” Ils
sont restés sans voix. » Séverine, 36 ans
5 STRATÉGIES ANTI RELOUS
On n’a pas toujours la bonne
repartie sur le coup. Et puis
parfois, si. PAR GLADYS MARIVAT
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3. MOUCHER PUBLIQUEMENT
« Je me suis retrouvée coincée dans
le métro face à un mec qui s’est mis
à me regarder d’un air lubrique. Plus
il me matait, plus je rougissais, plus il
prenait son pied. Je n’ai rien osé dire
pendant le trajet mais juste avant de
sortir à ma station – histoire de pouvoir
fuir au cas où –, j’ai fait un demi-tour
en hurlant : “Ça va, t’as bien maté,
connard ?” Cette fois, c’est lui qui a
baissé les yeux. » Lisa, 28 ans
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2. RECADRER FROIDEMENT
« Il était une heure du mat', je rentrais en
scooter. A un feu rouge, devant une terrasse bondée, un mec éméché grimpe
derrière moi et se met à me caresser les
cuisses pour frimer. J’ai pris une grande
inspiration, j’ai remonté ma visière et je
l’ai regardé l’air de dire : “On est d’accord,
t’es vraiment minable là ?” Ça l’a coupé
net. Il a bredouillé un vague “ça va, je
rigole” avant de rejoindre ses potes qui
se sont foutus de lui. » Eloïse, 29 ans
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4. CONVOQUER LA MAMMA
« Pour les mecs qui me sifflent dans
la rue comme un bichon à poils frisés,
j’ai la réplique fatale : “Et ta mère, tu la
siffles ?” C’est simple mais ça marche à
tous les coups. » Bethsabée, 27 ans
5. VIDER SON SAC
« L’an dernier, j’ai bossé dans des
bureaux rue Saint-Denis, à Paris, un
haut lieu de la prostitution. J’ai vite été
choquée par les remarques de mes
collègues, très durs envers les femmes,
à base de : “Elle est monstrueuse
celle-là. Quel tromblon !” Ce à quoi j’ai
répondu un jour : “Parce que le mec,
qui rentre avec elle, c'est une bombe ! ?
C’est surtout un gros porc qui vient de
négocier une remise de 10 euros pour
une fellation.” » Juliette, 26 ans Q
© Guilaume Belvèze
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