La performance ne s`organise pas, elle s`anime
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La performance ne s`organise pas, elle s`anime
Le mot du changement Témoins Décalages Réflexions Le monde change Expériences La performance ne s’organise pas, elle s’anime Avant le progrès, la perte de repères… Toute démarche de progrès continu impose de faire évoluer l’organisation industrielle, un besoin qui se révèle souvent après la première année de déploiement. En effet, l’exigence dans tous les domaines (HQCD : Hommes/ Qualité/Coûts/Délais) n’est pas facile à intégrer : il faut souvent créer des équipes dédiées (par ligne de produit ou processus, de type « unité autonome de production ») afin de démultiplier les efforts tout en maîtrisant la performance de tous les processus, en interaction les uns avec les autres. De tels changements ont souvent une conséquence forte : la perte de repères et de savoirs dans les équipes. Du coup, il est indispensable d’accompagner ces équipes pour remettre en place les repères et faire évoluer les standards de fonctionnement. Pierre Paineau Le groupe Fenwick-Linde dispose de beaucoup d’expérience et d’une grande maturité dans le déploiement de démarches dites de progrès continu (Lean Manufacturing/6 Sigma…). Ce qui lui a permis d’affiner les méthodes nécessaires pour Pour améliorer une performance, il faut accepter les variations du processus. Autrement dit, il faut accepter de la juger déficiente… Or nous savons bien que, dans le reporting moderne, l’on s’échine en général à exclure toute variation : il traduirait un coupable manque de maîtrise de la part du management. “… pour améliorer une performance, il faut d’abord accepter de la juger déficiente…” A3 Outre que cela rejoint la problématique de perception évoquée plus haut, l’entreprise préfère souvent se mettre sur le terrain de l’irrationnel, et oublier la leçon du fameux concept signé Toyota : nos problèmes sont des trésors… pour peu que nous sachions les régler, après les avoir identifiés. C'est ainsi un paradoxe que la démarche de progrès continu entraîne souvent les équipes de terrain à chercher la vérité… quand le « top management » parle de progrès continu sans accepter les alertes qui lui permettraient de lancer des actions correctives. Pourtant, ce n’est pas en niant qu’il soit rouge qu’on peut agir pour qu’un feu redevienne vert… S’entendre sur les mots aboutir dans la durée à l’excellence Le point clé de la méthode est de définir clairement les objectifs de performance à atteindre. C’est la seule manière d’éviter les quiproquos à terme, et donc les réactions de frustration, voire de colère, qui découleraient d’objectifs atteints ou pas selon les uns ou les autres. Il faut donc savoir prendre en considération la perception concrète qu’ont les équipes de la performance. La tâche n’est pas si simple qu’il y paraît : trop souvent on se focalise sur l’explication technique, et opérationnelle : au-delà de seulement « organiser » la performance, il faut savoir l’« animer », dans la profondeur des équipes. C’est ce dont témoigne Pierre Paineau, Directeur Industriel du site Fenwick-Linde de Cenon-surVienne. La Revue Quaternaire - N° 21 Accepter les feux rouges… pour qu’ils redeviennent verts ! on en oublie les variations de perception induites par la sensibilité des uns et la culture des autres. Il faut donc trouver la méthode factuelle capable de dépasser la seule impression. Le premier pas indispensable est de partager la vision de la performance actuelle puis de valider ensemble l’état visé de cette performance. Le support de communication A3, développé par Toyota, semble un bon moyen de répondre à cette étape. Elle permet de clarifier, d’expliciter et de responsabiliser tout le monde sur un projet, afin d’embarquer les équipes même quand le sujet est difficile. 8 1 La deuxième étape est tout aussi déterminante : il faut créer le lien entre les points de mesure de la performance à chaque étape de l’organisation, afin d’assurer la cohérence des actions. Ce qu’on appelle le « Hoshin Kanri », appuyé par la transmission/déclinaison des A3 à tous les stades de l’organisation, est un excellent moyen de valider cette étape. 9 La Revue Quaternaire - N°21 Le mot du changement Témoins “…la démarche de progrès continu entraîne les équipes à chercher la vérité quand le management évite la réalité…” Décalages deuxième clé est le lien avec les équipes. Il faut mettre en œuvre des « War Rooms » où cet encadrement est mobilisé pour hiérarchiser, écouter et décider. Mais le rôle des managers est de montrer l’exemple, de fournir les outils mais surtout de laisser les équipes déployer et décider, les « écouter grandir » dans un climat de confiance, en les « supportant » dans leurs efforts. La troisième clé de l'animation de la performance consiste à savoir et mesurer ce qui se passe en réalité, se défiant de la subjectivité, parfaitement en phase avec le terrain jusqu'au plus haut de la hiérarchie. C'est là que le management opérationnel fait la différence, au plus près des équipes, avec elles sur le terrain. Sachons donc accepter que la variation est naturelle à chaque processus. Ensuite, l’animation de la performance consistera à trouver le moyen de rester dans les limites de surveillance et de diminuer l’écart-type, grâce au déploiement des techniques d’amélioration continue. Sachons surtout oublier les maquillages improductifs ! Qui n’a pas, à l’aide de trois bics usés, reconstitué de magnifiques cartes MSP la veille d’un audit ISO version 1994 ?! Animer – vraiment la performance - Animer la performance, ce n'est pas "organiser à la place de", c'est accompagner les équipes pour qu'elles absorbent naturellement la discipline du progrès, installée par les rites de management puis par la stabilité des résultats. Aux petits procédés de maquillage et à l’animation virtuelle (ou a posteriori !) de la performance, il faut préférer une animation réelle. Ce qui induit d’abord de parier sur l’homme, sur ses défauts et leur perfectibilité, et en même temps sur les standards, eux aussi perfectibles dans le cadre d’une organisation en action. La première clé de l’« animation de la performance » est constituée par l’encadrement et l’ensemble du management : il faut les convertir à une vraie attitude de résolution de problèmes, par l’application des 3G*. La - Animer la performance, c'est impliquer les hommes et les écouter, surtout quand ils sont silencieux. Les hommes sont à la racine des problèmes, il est indispensable de leur permettre de les résoudre, en lien actif avec leur management, en permanence soutien et solution… Sois fier de ce que tu as réalisé, dit le sage japonais, chaque petit pas quotidien se mesure et doit être célébré “…une animation réelle induit de parier sur l’homme, sur ses défauts et leur perfectibilité, et sur les standards…” *- 3 G pour Gemba (le terrain / voir et savoir) ; Gembutsu (les observations / réfléchir à l’amélioration) ; Genjitsu (la réalité /faire une analyse chiffrée) Fenwick-Linde, groupe leader de la manutention en France, appartient à la branche Linde Material Handling du groupe Kion. L’usine de Châtellerault (86) dont Pierre Paineau est Directeur Industriel, affiche une capacité de production de 40 000 chariots de magasinage, avec 500 collaborateurs. Elle est spécialisée dans la production de transpalettes électriques, gerbeurs, préparateurs de commandes et tracteurs. La Revue Quaternaire - N° 21 10