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FCSF- JPAG 2009
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Définir l’animation comme méthode finalisée
Henri Théry
« Nous voilà donc condamnés à savoir ce que nous voulons et à ne pas nous contenter de dire ce que
nous ne voulons pas. Quel style de vie sociale, quel type d’homme veut-on promouvoir ?
Bien sûr, il ne s’agit pas de se mettre à la fabrication d’un portrait robot. Ici l’action volontaire ne
ressemble pas à celle qu’on exerce sur les choses : il ne peut être question de façonner des hommes
comme des objets. Il s’agit plutôt de se mettre au service de leur liberté, d’aider, de faciliter, de
rendre possibles certaines éclosions. Il faut permettre à des virtualités de se révéler et de s’accomplir, à
des processus de se développer… Pour emprunter une comparaison à la chimie, nous dirons que
l’action à entreprendre ressemble à celle d’un catalyseur qui respecte l’intégrité de chaque corps et qui
pourtant facilite la réaction. En termes plus simples, nous dirons qu’il s’agit d’animer. Voilà le
grand mot lâché. Ne nous perdons pas en conjectures ou en querelles pour savoir s’il faut, pour le
comprendre, remonter à « animus » ou à « anima ».
Animer, c’est susciter ou activer un dynamisme qui est tout à la fois biologique et spirituel, individuel
et social ; c’est engendrer un mouvement qui passe par l’intérieur des êtres et donc par l’intérieur de
leur liberté. De l’extérieur, on peut contraindre ou diriger ; mais sans communication par le
« dedans », on ne peut pas animer. C’est dire du même coup que l’animation n’est jamais neutre,
car le « dedans » des hommes n’est jamais atteint lorsqu’on ne veut pas se préoccuper des valeurs
auxquelles ils tiennent profondément. Respecter leur liberté ne signifie pas qu’on ignore ce pour quoi
ils ont opté ou souhaiteraient choisir, mais, au contraire, qu’on le laisse ou qu’on le fasse apparaître
clairement. Sans quoi l’animation peut être un jeu de dupes, à moins qu’elle ne soit un mot vide de
sens.
Qui dit « animation » dit « mise en mouvement » et qui dit « mouvement » dit « orientation ».
Délibérée ou non, nette ou incertaine, bonne ou mauvaise, il y a toujours une ligne de marche. Une
action animatrice suppose un accord avec la population sur un certain nombre d’orientations et sur un
ensemble de valeurs à promouvoir. Mais, contrairement à ce qu’on pense trop souvent, cet accord
n’implique pas obligatoirement l’adoption d’une seule et unique idéologie.
Tout en optant pour des idéologies différentes, des hommes peuvent être attachés à des valeurs
communes. Vouloir une cité plus fraternelle, plus accueillante ou plus esthétique, ne signifie nullement
qu’on la veille unanime et encore moins uniforme. La communion dans les valeurs de fraternité,
d’amitié ou de beauté peut fort bien se concilier avec certaines divergences au plan des idées. Opter
pour des loisirs qui impliquent un certain dépassement et pas seulement pour des loisirs de
délassement ou d’évasion, ne pas vouloir s’abandonner aux facilités de la société de
consommation et opter pour une société de participation, ce sont autant de choix qui ne réclament
pas obligatoirement l’adhésion au même système philosophique ou religieux, mais qui n’en supposent
pas moins certaines options à l’égard d’une hiérarchie des valeurs. »
Extraits de l’ouvrage de Henri Théry et de M. Garrigou-Lagrange, Equiper et animer la vie sociale, Editions du
centurion, 1966, pp.14-15.
N.B. de Jacques Eloy : le titre donné à ce texte n’est pas formulé par les auteurs mais correspond bien à son
contenu.

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